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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 18 novembre 1859

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859-1860)

(page 53) (Présidence de M. Vervoort, second vice-président.)

M. de Florisone, secrétaire, procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Vermeire, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la1 séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Florisone, secrétaire, présente l'analyse des pétitions suivantes.

« Le sieur Ney, cultivateur à Arlon, se plaint d'une décision du conseil de milice par suite de laquelle son fils est appelé au service. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Delafaite, manouvrier à Hameau-Imbrechies, réclame l'intervention de la Chambre pour qu'il soit accordé un congé à son fils Auguste, conducteur au 4ème régiment d'artillerie. »

- Même renvoi.


« Par trois pétitions les habitants de Termonde présentent des observations contre les articles du code pénal relatifs aux coalitions. »

- Même renvoi.


« Par dépêches des 16 et 17 novembre, M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, les demandes en naturalisation des sieur Jean-Godefroid Eschenauer, ardoisier à Louvain, et Michel Theis, cultivateur à Udange. »

— Renvoi à la commission des naturalisations.


« Par dépêche du 17 novembre, M. le ministre des finances remet à la Chambre le compte spécial de toutes les opérations relatives à la négociation des bons du trésor pendant l'année 1858. »

- Impression et distribution.


« M. de Haerne, obligé de s'absenter par un devoir de famille, demande un congé de quelques jours. »

- Accordé.

Proposition de la loi relative à la composition des cours d’assises

Lecture

M. le président. - Les sections ont autorisé la lecture de la proposition suivante qui a été déposée dans la séance d'hier :

« Article unique. L'article premier de la loi du 15 mai 1849 est abrogé. La composition des cours d'assises est réglée conformément aux prescriptions des articles 252, 253 et 254 du Code d’instruction criminelle.

« (Signé) Jules Guillery. »

Quand M. Guillery désire-t-il développer cette proposition ?

M. Guillery. - Mardi prochain, M. le président.

M. le président. - S'il n'y a pas d'opposition, M. Guillery sera entendu mardi prochain.

Projet de loi réduisant les péages sur le canal de Charleroi

M. Sabatier. - Quel que soit le désir de la Chambre de terminer la discussion qui nous occupe depuis près de huit jours, elle comprendra qu'après le discours prononcé hier par M. le ministre des finances, il m'était impossible de ne pas demander la parole ; je la prie donc de m'accorder quelques instants de bienveillante attention, je lui promets d'être très bref.

J'ai dit dans mon discours de mardi, que si les arguments et les chiffres présentés par M. le ministre des finances étaient exacts, il y aurait une conséquence toute naturelle à en tirer, c'est que la commission d’industrie, la commission des péages, la section centrale qui s'est occupée du projet de loi de l'honorable M. Jouret, les divers orateurs qui se sont fait entendre en faveur de la réduction, auraient été évidemment pris pour dupes. Si pour répondre aux arguments de l'honorable ministre des finances, je ne présentais pas, à mon tour, des chiffres et des faits irrécusables, je me placerais exactement vis-à-vis de la Chambre dans la position des réclamants vis-à-vis de ces commissions, et de ces orateurs, mais, rassurez-vous, messieurs, je n'ai pas commis cette faute, je vous prie de le croire, je vais le prouver.

Je maintiens donc les chiffres que j'ai posés et les faits que j'ai posés. Quant aux appréciations, chacun a le droit de les présenter à sa manière ; il ne saurait en être question.

M. le ministre des finances, dans son premier discours, a voulu prouver que les chemins de fer ne faisaient pas concurrence à la navigation. Les chiffres qu’il a donnés à l'appui de cette thèse ne sauraient être indifférents puisqu'ils forment le fond de son argumentation.

Mais avant de parler de ces chiffres, je constaterai une chose, c'est que l'argument principal qui avait été présenté par M. le ministre au sujet des bateliers et qui consistait à dire que leur nombre se bornait à 10 sur 1,020 bateaux, argument que M. le ministre s'est, en quelque sorte, chargé de réfuter lui-même le lendemain, je constate que cet argument n'est nullement fondé, même dans les minimes proportions où il a été réduit car je prouverai, quand on le voudra, que le nombre des bateaux employés par des ouvriers qui vivent du batelage est de près de 600.

Je comprends que M. le ministre puisse se tromper. Après tout, comment l'argument a-t-il été produit ? Parce qu'un employé de l'administration lui a fourni un renseignement inexact le premier jour, et un renseignement exact le second jour ; mais ce que je ne comprends pas, ce sont les conséquences que M. le ministre des finances a tirées de cet argument, conséquences contre lesquelles je me suis élevé et m'élève encore, à savoir que ceux qui se sont intéressés aux bateliers se seraient mis pour ainsi dire sous le couvert de personnes qui devaient inspirer la pitié et qui n'existeraient pas, pour obtenir de la Chambre un vote favorable à d'autres intérêts.

Je me suis élevé contre cette conséquence de l'argument essentiel présenté par M. le ministre, et présenté à l'endroit du discours où, développé par un très habile orateur, il devait produire le plus grand effet. Si l'argument était vrai, il devait détruire la valeur de nos réclamations. Or, je constate que nous sommes tout à fait dans le vrai, en réclamant, dans l'intérêt d'une classe qui n'est pas à l'état de mythe, mais qui vit et qui souffre, un abaissement de péages.

Maintenant revenons à ce que M. le ministre des finances a dit hier.

D'abord M. le ministre n'admet pas que la transaction intervenue entre l'honorable M. Jouret et moi dans la commission des péages puisse avoir aux yeux de la Chambre la moindre valeur.

Mais alors je ne comprendrais pas pourquoi la commission aurait été formée, réunie et appelée à délibérer sur tous les points relatifs à la navigation et aux péages.

Charleroi se plaignait de l'élévation des péages ; le Centre se plaignait de la taxe supplémentaire dont il était frappé. Quand le Centre réclamait, Charleroi disait : Il y a un système d'équilibre ; vous voulez le rompre au détriment de Charleroi et conserver l'avantage pour Mons.

Cela n'était pas possible sans une compensation préalable pour Charleroi.

M. le ministre des finances, reconnaissant qu'il y avait une certaine équité dans nos réclamations, dit : Je vais nommer une commission oh seront représentés tous les intérêts qui sont en jeu ; nous attendons le résultat des délibérations de cette commission avant de rien résoudre.

Eh bien, la commission s'est réunie sous la présidence de l'honorable M. H. de Brouckere, elle a délibéré et elle est arrivée à ce point essentiel, qu'il fallait accorder, sur le parcours entier du canal, une réduction de 40 p. c. et que la détaxe de 12 1/2 lieues en faveur du Centre, n'était que la conséquence de la première résolution.

M. le ministre des finances nous dit : « Le gouvernement n'est pas engagé par les conclusions de la commission ; vous vous êtes coalisés pour arracher au trésor une somme de 700,000 francs. »

M. le ministre oublie une chose : c'est qu'en n'acceptant pas les conclusions de la commission, il modifie l'économie de nos résolutions ; pour modifier l'économie de nos résolutions, il était inutile de nous réunir. La section centrale, à ce qu'il paraît, en a jugé comme nous, puisque, à la presque unanimité, elle a admis le chiffre de 40 p. c. proposé par la commission.

Messieurs, les frets de 1859, indiqués par M. le ministre des finances, avaient été de ma part l'objet d'une critique très méritée ; je prétendais que ces frets n'étaient pas très exacts, puisque au mois de juillet et au mois d'août il n'y avait pas eu de navigation, et que par conséquent il n'y avait pas de fret qui pût se rapporter à ces deux mois.

L'honorable M. Dechamps a indiqué d'autres causes d'erreurs ; ainsi il aurait fallu comparer les quantités expédiées aux différentes époques, l'honorable ministre n'en a pas tenu compte ; il ne s'agit pas de dire qu'un jour on a navigué au prix de 3,30, il faut connaître les quantités transportées aux différents frets dont vous prenez la moyenne.

J'ai même eu la bonne foi de dire que votre moyenne était trop faible et que votre argument nous donnait trop raison, attendu que si le fret a été si faible, en présence des bases d'après lesquelles il doit être calculé, c'est que les bateliers naviguaient à un fret de misère ; c'est ce que nous voulons éviter en demandant une réduction de taxe sur le canal de Charleroi.

J'ai dit qu'on n'avait pas navigué en juillet et en août ; que, par conséquent, il n'y avait pas eu de fret.

M. le ministre nous a dit : Quelle erreur : vous ne voulez pas qu'il y ait eu de fret, et la navigation n'a été interrompue que du 7 juillet au 15 août ; du 1er au 7 juillet les bateliers ont pu naviguer et du 15 au 31 août ils ont aussi navigué, à moins de circonstances extraordinaires. Vous ne croyez pas encore ! l'Etat a reçu 26 mille fr. en juillet et 22 mille fr. en août.

Il faut huit ou dix jours pour se rendre à Bruxelles : les bateliers devaient y être le 6 au soir sous peine de rester à sec ; ont-ils pu partir dans ce mois ceux qui sont arrivés le 2, le 3, le 4, le 5 ou le 6 du mois de juillet ? C'est de toute impossibilité. Ceux qui étaient en route (page 54) avaient payé dans le mois précédent. Mais, direz-vous, comment se fait-il que l'Etat ait reçu 26 mille fr. dans le mois de juillet ?

Il y a des biefs intermédiaires entre Charleroi et Bruxelles, des transports ont pu s'y faire ; il y a, indépendamment de cela, entre le Centre et Bruxelles moins de parcours qu’entre Charleroi et Bruxelles, la distance entre le Centre et Bruxelles n'est que de 9 lieues 8 dixièmes, tandis qu'elle est de 14 lieues de Charleroi à Bruxelles.

Il n’est pas étonnant que des bateaux du Centre aient pu arriver à Bruxelles en juillet. Soit dit en passant, la distance du Centre n'est pas de 8 lieues comme l'a dit l'honorable M. Dolez, elle est de 9 7/10.

M. Dolez. - J'ai donné la distance indiquée par l'auteur même du canal, l'ingénieur Vifquain.

M. Sabatier. - J'ai mon auteur aussi, c'est l'ingénieur Wellens qui a écrit le meilleur ouvrage sur la navigation des canaux.

Passons au mois d'août. Je dis que bien que l'Etat ait perçu un droit en août, il n'y a pas eu pour ainsi dire de navigation, car elle n'était rétablie ni le 15, ni le 20, ni le 25 août. Les premiers bateaux du Centre sont arrivés à Bruxelles le 3 septembre et ceux de Charleroi, le 6 septembre.

Mais, dit -n, comment n'y a-t-il pas eu de navigation en août ? Et cependant l'Etat a reçu 22 mille francs ! A mesure qu'on met de l'eau dans le canal, on met du charbon dans les bateaux ; quand les bateliers sont restés deux mois sans travailler, ils sont désireux de prendre chargement, puis ils vont à l'avance échanger le droit de naviguer contre la quittance qui leur permettra de passer dès que le canal sera ouvert.

Voilà pourquoi mon argumentation du fret en juillet et août est parfaitement exacte. Ce n’est pas pour un jour ou deux de navigation qu'on peut établir un fret.

Maintenant nous avons à comparer le fret du canal au coût de transport par chemin de fer ; est-il possible qu'une erreur comme celle qu'a commise M. le ministre, qui consiste à estimer à 4 fr. 60 le transport du Centre à Bruxelles sous quelque forme que ce soit, puisse être maintenue ? M. le ministre, hier, a trouvé qu'il ne fallait pas mettre trop de minutie dans l'examen des chiffres. Il est vrai qu'il s'était servi précédemment de ces chiffres pour nous donner tort. Maintenant il n'y faut pas mettre trop de minutie. Cependant j'en dois mettre un peu, et je fais remarquer à la Chambre qu'il est extraordinaire, en présence d'un tarif qui est connu de tous, qui a été imprimé à 12 ou 15 mille exemplaires, qui coûte 12 ou 15 centimes et qui porte à 4 fr. 30 c. le péage de quelque point du Centre qu'on parte jusqu'à Bruxelles, on vienne prétendre que ce prix est de 4 fr. 76. Chacun compte à sa manière, dit M. le ministre, l'un compte 20 c. de chargement, l'autre ne les compte pas. Mais avec l'Etat, il n'y a qu'une manière de payer, et quiconque veut avoir un waggon de houille à Bruxelles doit payer 21 fr. 50 au receveur du chemin de fer. Ce qui fait 4 fr. 30 c.

On passe ensuite sous silence le charbon qui partira des Ecaussinnes. Mais c'est demain que le chemin de fer des Ecaussinnes doit s'ouvrir, et alors on ne payera plus que 3 fr. 80. Je m'en suis convaincu à l'administration du chemin de fer. Je suis certain de ne pas me tromper sur ce chiffre. Aussi ne l'a-t-on pas relevé, parce qu'il donnait tort à M. le ministre.

Messieurs, il résulte de toutes ces données une différence de 1 fr. 30 en défaveur du canal (Centre) ; si j'admets le fret de M. le ministre des finances qui serait de 4 fr. 35, et une différence de 1 fr. 50, d'après les calculs que vous a soumis l'honorable M. Dechamps et qui sont parfaitement exacts. C'est sans doute cette différence énorme qui fait dire à M. le ministre que trop de minutie est inutile.

Messieurs, j'abrège.

J'arrive à cet argument que j'aurais fait parler M. le ministre d'une manière trop absolue quant à l'avantage que trouveront les consommateurs dans l’abaissement des péages. Je crois inutile que je vous lise ce que j'ai dit, ce que M. le ministre a dit, et que je vienne faire ensuite de la rhétorique. Je n'ai pas copié textuellement les paroles de M. le ministre. C'est le fond de la pensée que j'ai reproduit. Je n'ai, du reste, pas non plus parlé d'une manière absolue ; j'ai dit que M. le ministre était d'avis qu'en tout cas le consommateur n'y trouverait pas grand avantage.

Maintenant voyons l'effet que peut produire l'abaissement des péages pour les consommateurs. En 1849, c'est vrai (et M. le ministre des finances a reproduit ma phrase, elle est exacte), alors qu'on a abaissé le péage de 1 fr. 08, le prix du charbon a été immédiatement abaissé de 1 fr 1 08 pour le consommateur.

Cependant, je ferai, remarquer une chose, c'est qu'en 1849, il n'y avait pas la misère que nous constatons aujourd'hui. La réclamation à laquelle on faisait droit en 1849, datait de septembre 1848 ; au bout de sept mois, il y était donc satisfait. Depuis deux ans on réclame en vain, et au lieu d'un concurrent qui était le chemin de fer de l Etat, nous avons pour concurrents les chemins de fer concèdes. Cela établit déjà une certaine différence entre les deux époques. Mais enfin, je vais vous dire la part que trouveront et le batelier, et le consommateur, et les extracteurs, dans un abaissement de péage.

Il est exact que dans les premiers temps de l'abaissement les bateliers n'y gagneront pas un centime ; mais ce qui est encore très vrai, ce sont les considérations économiques que nous avons fait valoir et qui consistent à dire que dès qu'il y a baisse de prix pour le consommateur il y a augmentation de trafic.

L'abaissement de péage nous permettra de lutter mieux avec les chemins de fer. Il détruira aussi en partie le tarif différentiel qui existe en faveur de Mons, ce qui nous permettra également de concourir à armes plus égales avec ce bassin, et il en résultera inévitablement des transports plus considérables.

J'arrive donc au moment où nous transporterons davantage. Mais évidemment alors il n'y aura plus la même concurrence entre les bateliers, et quand cette concurrence n'existera plus au même degré, les bateliers seront plus difficiles ; ils exigeront un prix plus rémunérateur.

Quant à l'extracteur, il y trouvera aussi son bénéfice parce qu'au lieu de limiter sa concurrence, comme on le fait aujourd'hui, on l’étendra.

Chacun donc, au bout d'un certain temps, y trouvera sa part.

J'ai cité le marché de la Hollande et je crois que j'ai bien fait. Car plus nous exporterons, plus nous payerons à l'Etat, et ces transports à longue distance sont ceux qui rapportent le plus. Si nous ouvrons un nouveau débouché ou si nous étendons un débouché, tout le monde en profitera ; et ici je soutiens la thèse du trésor que M. le ministre défend si habilement.

Messieurs, une chose me frappe : c'est que jusqu'à présent le gouvernement n'a pas démontré du tout pourquoi nous devions payer plus que les autres canaux du Hainaut. Si la réduction de 40 p. c. est admise, si vous n'admettez pas une réduction supérieure, nous payerons encore une fois et demie plus que le canal de Pommeroeul à Antoing. Voilà ce qu'on nous marchande.

Je termine en reprenant la proposition de M. le ministre des finances en ce qui concerne les améliorations à apporter à la navigation.

M. le ministre nous dit : Contentez-vous de 25 p. c. et appliquons 15 p. c. à améliorer le canal.

D’abord je demanderai à M. le ministre des finances ce qu'il entend par améliorer le canal. S'agit-il de donner de l'eau en plus grande quantité. ou de doubler les écluses ? de faire des écluses à grande section, comme dans les neuf premiers biefs ou de rendre les écluses jumelles ?

S'il s'agit de donner de l'eau au canal, il me paraît que nous avons droit de vous dire que vous ne nous donnez qu'une chose à laquelle nous avons strictement droit. Un canal sans eau n'est plus un canal. Nos péages sont établis pour un service convenable ; s'il manque de l'eau au canal, c'est au gouvernement à aviser. Du reste M. le ministre des travaux publics a en main un projet d'amélioration de la navigation ; ce projet, M. le ministre n'en connaît pas encore la valeur, puisque le conseil des ponts et chaussées n'a pas encore fait son rapport, mais j'engage M. le ministre à faire étudier au plus tôt la solution qui lui est offerte.

Nous sommes exactement dans la position d'un meunier louant un moulin, ne pouvant plus marcher faute d'eau. Evidemment, le cas se présentant, le meunier réclamerait une indemnité à son propriétaire.

Notre propriétaire, c'est le gouvernement ; il nous loue le canal, nous le payons chèrement ; nous avons droit de réclamer l'élément qui fait défaut.

S'agit-il au contraire d'un travail considérable ? S'agit-il de doubler les écluses ou de rendre les écluses jumelles, c'est un travail de 10 millions.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Non.

M. Sabatier. - Combien, M. le ministre ?

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - 2,500,000 à 3,000,000.

M. Sabatier. - Je prends le chiffre le plus favorable, celui de 2.500,000 fr. ; puisqu'on ne veut appliquer à cette amélioration que les 200,000 fr. de différence entre les 500,000 fr. résultant de la réduction de 25 p. c. et les 700,000 fr. résultant de la réduction de 40 p. c, il faudra douze ans et demi pour faire ce travail.

- Un membre. - C'est un capital.

M. Sabatier. - C'est un capital : mais je ne sais comment vous allez vous tirer de là. La loi de la comptabilité vous défend d'appliquer des recettes qui ne sont pas faites ; qui ne sont qu'éventuelles et d'un autre côté ces recettes doivent être versées au trésor.

D'autre part, nous demandons la réparation d'une injustice et l'on nous répond qu'en douze ans et demi, nous serons satisfaits.

A cette époque, notre canal sera parfait, mais alors il n'y manquera plus qu’une chose : il n'y manquera plus d'eau ni d'écluses convenables, mais il y manquera des bateliers, ruinés, depuis longtemps.

Qu'a-t-on fait sur le canal de la Campine, et j'approuve complètement le système suivi à cet égard ? On a élargi, on a approfondi et on va diminuer le péage de 50 p. c. L'instrument ne valait rien, on l'a rendu bon, le péage était trop élevé, on le diminue ; c'est exactement ce que nous demanderions pour le canal de Charleroi.

Du reste, messieurs, le gouvernement nous a enseigné quelle est la position que nous devons prendre vis-à-vis de lui lorsqu'il s’agit de mesures propres à étendre la liberté commerciale. Le gouvernement dit à nos industriels : Vous êtes fort arriérés, faites des progrès, et si vous ne le voulez pas, je vais diminuer les droits de douanes ; quand vous serez talonnés par les produits étrangers, vous devrez bien vous mettre à même de soutenir la concurrence étrangère. Lorsque le gouvernement nous oblige ainsi à faire des progrès il nous rend un véritable service, car il nous amène par là à pouvoir lutter sur les marchés extérieurs avec les produits anglais, avec les produits français, avec les produits de tous les pays, et à étendre notre production, à donner enfin à la Belgique le rang industriel qu'elle doit occuper en Europe.

Eh bien, messieurs, nous nous plaçons exactement dans la même (page 55) position vis-à-vis du gouvernement. Nous lui disons : Nous allons abaisser les péages sur le canal de Charleroi, et si vous voulez plus de recettes, améliorez le canal, la matière à transporter ne vous manquera pas ; puisque, M. Dechamps l’a démontré, 800,000 tonnes sont transportées par le chemin de fer et 800,000 tonnes par le canal, il est évident dès lors que par des améliorations combinées avec l'abaissement du péage, vous pourrez augmenter considérablement le revenu du canal.

Messieurs, dans cette discussion le gouvernement a pris deux positions Il est resté gouvernement pour nous dire qu'il y avait quelque chose d'équitable dans nos réclamations, puis il s'est fait industriel pour prétendre qu'il pouvait exploiter le canal au mieux des intérêts du trésor, sans trop avoir égard aux péages comparés. Moi, je dis à M. le ministre : Comme gouvernement, votre devoir est de réparer en entier l'injustice dont nous nous plaignons, et comme industriel, vous devez apporter au canal toutes les améliorations qui peuvent en accroître le trafic.

M. Deliége. - Je n'avais pas l'intention de prendre part à cette discussion, mais l'honorable M. Hymans, dans son dernier discours, m'a attribué une opinion qui n'est pas la mienne. Il me permettra de rectifier ce qu'il a d'inexact dans son assertion :

Il a dit :

« Je constate comme un détail significatif qu'un seul membre de la Chambre combattait la réduction, c'était l'honorable M. Dumortier.... l'honorable M. Deliége se joignait timidement à l'honorable M. Dumortier. »

Messieurs, lors de la discussion de 1849, à laquelle M. Hymans a fait allusion, j'ai, comme rapporteur de la section centrale, résumé cette discussion. Il s'était produit en section centrale trois opinions : les uns avaient dit : Il y a sur le chemin de fer des péages beaucoup plus faibles que ceux du canal ; augmentez les péages du chemin de fer ; d'autres avaient voulu, comme aujourd'hui, faire diminuer le péage du canal ; enfin, il y avait une troisième opinion qui posait ce dilemme : « Vous devez faire l'un ou vous devez faire l'autre. » Nous disions nous : « Il ne pas constant que le péage des chemins de fer est plus élevé que celui du canal ; que le gouvernement fasse une espèce d'enquête ; après cette enquête, la Chambre statuera. »

Voilà, messieurs, l'opinion que j'ai émise comme rapporteur de la section centrale. C'est celle qui a prévalu.

L'honorable M. Dumortier soutenait, lui, qu'il fallait augmenter les tarifs du chemin de fer ; mais j'étais si peu de cette opinion que j'ai cité le chemin de fer d'Arlington (en Angleterre)... qui avait été forcé de transporter les grosses marchandises à raison de 3 centimes par tonne-kilomètre (15 centimes par tonne-lieue) et qui donnait 12 p. c. à ses actionnaires.

Il est vrai que j'ai réfuté certains faits erronés. Ainsi un honorable membre avait dit que le fret revenait au batelier à 6 fr. 80 c. en faisant état de sa journée, je répondais à cela : le fret annoncé par les journaux est de 5 fr. 25 c.

Ou répondait comme aujourd'hui : Le batelier est dans la misère. Eh bien, messieurs, on a diminué le péage sur le canal de Charleroi et le batelier n'a pas profité de cette diminution et il est resté (dit-on) dans la misère ; mais, chose singulière, je remarque encore aujourd’hui que le nombre des bateaux et par conséquent celui des bateliers est augmenté, augmenté d’un quart.

Ce qui est arrivé, je l'avais prédit en 1849 et l'honorable M. Hymans en aura conclu que je partageais l'opinion de l'honorable M. Dumortier.

Il n'en est rien. J'ai pris des conclusions qui tendaient au renvoi de l'affaire au gouvernement.

Quant à la décision que nous avons à prendre aujourd'hui, je crois, messieurs, avec mon honorable collègue, M. Muller, qu'il faut en finir avec cette question et je voterai la diminution de 40 p. c.

Le péage était de 3 fr. 60 c. Il y a eu, en 1831, une réduction de 25 cents (53 centimes). On est venu dire en 1849 qu'il fallait une nouvelle réduction de 75 p.c. Eh bien, comme ou a accordé alors 35 p. c, si nous votons aujourd'hui une réduction de 40 p. c. les 75 p. c. seront obtenus et la question sera vidée.

On prétend toujours, messieurs, que Liège obtient beaucoup ; or il est à remarquer que te péage du canal latéral est plus élevé que celui du canal de Charleroi... (Interruption.) On paye sur le canal latéral 10 cent, en charge et 8 cent, en retour tandis que sur le canal de Charleroi on ne paye en tout que 14 centimes.

M. de Naeyer. - Jusqu'à 20 centimes.

M. Deliége. - Je crois, messieurs, que s'il y a une portée sèche sur le canal de Charleroi, il y aura, en diminuant les péages que l'on y perçoit, une augmentation de revenu sur le canal latéral et sur le canal de Liège à Anvers, augmentation assez forte, de manière qu’en votant les 40 centimes, on ne sacrifiera pas le montant de cette réduction.

M. H. de Brouckere. - Messieurs, la Chambre reconnaîtra, je l'espère, que les partisans de la proposition du gouvernement n'ont abusé ni de sa patience, ni de son temps. La discussion est ouverte depuis 5 ou 6 jours, et jusqu'ici deux orateurs seulement ont pris la défense de cette proposition. Il est vrai qu'elle a été si bien et si éloquemment défendue que si la raison et la logique devaient toujours triompher, nous pourrions regarder notre succès comme certain. Mais malheureusement il n'en est pas ainsi, et j'avoue bien naïvement que je ne compte pas trop sur un succès dans cette occasion.

Quoi qu'il en soit, et malgré mon vœu d’espoir de succès, vous voudrai bien, messieurs, me permettre, moi qui ait été président de la commission des péages, qui ai fait parte de la section centrale chargée de l'examen du projet actuel, et qui jusqu'ici n'ai pas ouvert la bouche, pas même pour interrompre un orateur, pas même pour répondre aux orateurs qui se sont occupés personnellement de moi ; vous voudrez bien me permettre de vous présenter quelques observations, ou plutôt quelques explications.

Je vous ai dit, messieurs, que, selon moi, notre cause avait été parfaitement défendue. Cependant à peine mon honorable ami avait-il fini de parler que déjà on donnait à son discours une portée que ce discours n'a pas.

On représentait, en effet, mon honorable ami comme étant le partisan quand même du système d'équilibre entre les différents bassins. Mon honorable ami ne s’est pas du tout occupé de cela ; il vous a dit que ce système, que vos votes ont consacré plusieurs fois, avait du bon ; qu'on avait tort de le condamner d'une manière aussi absolue ; il a ajouté que les représentants du bassin de Charleroi avaient l’habitude, depuis longtemps, de préconiser le système d'équilibre, quand il devait leur être favorable ; de l'attaquer et de le ridiculiser, quand le bassin de Charleroi ne pouvait pas en tirer profit.

Eh bien, ce qu'a dit l'honorable M. Dolez est de la plus parfaite exactitude.

Messieurs, que n'avons-nous pas entendu depuis quelques jours contre le système d'équilibre ? C'est une vieillerie, c'est une absurdité, c'est une chose dont il ne peut plus être question aujourd'hui et qui était bonne quand on ne se rendait pas compte des véritables intérêts du pays. Le système d'équilibre a fait son temps. Puis, après cela, viennent certaines plaisanteries qui ne font jamais défaut dans ce cas-là.

Eh bien, messieurs, au moment même où les députés de Charleroi attaquaient et ridiculisaient le système d'équilibre, ils le mettaient en pratique. Je m'en vais le prouver d'une manière péremptoire.

Le canal de Charleroi a 15 lieues environ ; le pays du Centre est située à peu près à 10 lieues de Bruxelles. Eh bien ! si vous voulez être justes dans le sens absolu de ce mot, quel péage doit supporter le Centre sur le canal de Charleroi ? Les deux tiers ; le Centre doit payer 10, quand Charleroi paye 15.

Comment se fait-il que le Centre payera 12 1/2 quand Charleroi payera 15 ? C'est que Charleroi, encore une fois, met en pratique le système d'équilibre. Il s'est dit : « Si on accorde au Centre un dégrèvement proportionnel aux distances, le Centre va nous faire une concurrence trop redoutable sur le marché de Bruxelles et en aval de Bruxelles ; il ne faut pas favoriser le Centre à ce point ! il faut un système d'équilibre. » Aussi, ne lui accorde-t-on pas 10, mais 12 1/2.

On a donc tort de s’élever avec tant d'énergie contre ce qu'on préconise dans la pratique, et on a tort surtout de vouloir ridiculiser ce qu'on trouve bon d'exploiter à son profit.

Vous voyez donc que pour Charleroi le système d'équilibre n'a pas fait son temps ; Charleroi le pratique dans ce moment-ci, et j'en suis fâché pour le Centre, le Centre en payera cette fois les frais.

Messieurs, la plupart des orateurs qui ont pris la parole pour défendre la proposition de la section centrale, se sont évertués à dire que cette proposition était une proposition transactionnelle. L'honorable M. Dechamps l'a encore répété avec une assurance telle que, si on ne lui démontrait pas qu'il a tort, beaucoup de membres de la Chambre pourraient croire que c'est l’exacte vérité.

On dit donc que le chiffre de 40 p. c. de réduction est un chiffre transactionnel. Je suis convaincu que ceux qui le disent sont de bonne loi ; mais ils se font une singulière illusion. Cette proposition n'est transactionnelle en rien ; elle est transactionnelle seulement dans votre imagination.

Pour qu'il y ait transaction, ii faut qu'il y ait deux opinions contraires, que chacune de ces opinions fasse un sacrifice, qu'on arrive à un moyen terme sur lequel on s'entende. Voilà ce que c'est qu'une transaction.

Or, les partisans de la proposition de la section centrale n'ont fait une transaction, ni avec le gouvernement, ni avec nous ; car le gouvernement, dès le principe, a déclaré qu'il proposait 25 p. c. de réduction et qu'il n'irait pas au-delà.

Les membres de la Chambre qui, soit dans la commission des péages soit dans la section centrale, ont appuyé le gouvernement, ont tenu le même langage.

Qu'ont fait les défenseurs quand même du canal de Charleroi ? Je m'en vais vous le dire.

Dans la commission des péages, ils ont fait tous les efforts imaginables pour que la majorité sa prononçât en faveur d'une réduction de 60 p. c. ; cette proposition ayant été rejetée, ils ont demandé un dégrèvement de 50 p. c. ; cette proposition ayant été également rejetée, ils sont descendus à une réduction de 40 p. c, et cette proposition a été adoptée à une très petite majorité. Est-ce qu’on appelle cela une transaction ? Vous vous êtes tenus au chiffre le plus élevé qu'il vous a été possible d'obtenir. Donc jusqu'ici pts de transaction.

En section centrale, on a reconnu qu'il était inutile de revenir sur le chiffre de 60 p. c. ; on ne me démentira pas. Les membres qui avaient dans la commission des péages défendu ce chiffre, ont reconnu que son adoption n'avait guère de chance et l’on s'en est tenu au chiffre de de 40 p. c.

(page 56) Un seul membre, si je ne me trompe, a voté pour la réduction de 60 p. c. Ce n'est donc pas là une transaction.

La majorité à ce second vote s'est prononcée pour 40 p. c. ; la minorité, je crois que je la représentais tout seul. J'ai rempli mon devoir ; ma conscience m'a dit que la réduction proposée était trop élevée, j'ai repoussé le chiffre de 40 p. c., j'ai dit que je voterais celui de 25 p. c.

Ici s'est-on montré disposé à adopter un chiffre transactionnel ? Vous avez vu des honorables membres déposer une proposition tendante à obtenir la réduction de 60 p. c.

Qu'ai-je vu parmi les signataires de cette proposition ? Les honorables membres qui dans la section centrale avaient adopté le chiffre de 40 p. c Je ne sais plus le français si c'est là de la transaction.

Vous proposez 60 et vous dites que vous vous contenteriez de 40 ; mais votre proposition, vous ne l'avez jamais prise au sérieux, c'était un moyen d'arriver au résultat que vous ambitionnez, c'est-à-dire à la réduction de 40 p. c. Vous vous êtes dit : Si nous allons nous battre pour le chiffre de 40 p. c., on pourra bien arriver à un chiffre moyen, nous allons demander 60 p. c. que nous sommes certains de ne pas obtenir et nous dirons que nous sommes très modérés en nous contentant de 40 p. c.

Je ne blâme pas ce moyen, il est très légitime, mais il faut l'appeler par son nom : c'est une tactique parlementaire et non une transaction.

Si vous aviez voulu vous montrer raisonnables, faire de la transaction, quand on doit défendre son opinion en si petite société, on peut s'expliquer catégoriquement, si donc vous aviez voulu être raisonnables et sages, vous auriez proposé une véritable transaction ; je ne sais ce que le gouvernement et nos collègues auraient fait, mais moi je l'aurais acceptée.

Si vous aviez voulu une transaction, vous auriez dit : Nous acceptons la réduction de 25 p. c. à la condition que l'on s'engage à consacrer les 15 p. c., qui font la différence, à améliorer la navigation du canal ; j'aurais adopté une transaction semblable, j'aurais dit : Oui nous allons adopter la réduction de 25 p. c. et nous voterons les fonds nécessaires pour que la navigation du canal de Charleroi soit améliorée, non, comme l'a dit l'honorable M. Sabatier qui, croyant avoir à faire un bilan industriel, supputait le nombre d'années qu'il faudrait pour exécuter les travaux ; on aurait, messieurs, capitalisé le bénéfice et voté dès cette session une certaine allocation pour l'amélioration du canal de Charleroi.

Mais vous avez mis de la tactique ; vous êtes très habiles, je vous rends cette justice. Vous vous êtes dit : Nous allons mettre tout en œuvre : l'intérêt des marchands de charbon, l'intérêt des bateliers, l'intérêt de l'industrie, l'intérêt des petits consommateurs, nous allons mettre tout en mouvement, nous allons faire une croisade pour obtenir un dégrèvement très fort sur le canal, nous savons que quand nous aurons obtenu une réduction de 40 p. c., si pas de 60, les intérêts que nous avons mis en avant n'obtiendront aucune satisfaction, les bateliers n'en auront aucune, ils n'y gagneront pas un centime, les petits consommateurs n'y gagneront pas davantage... (Interruption.)

J’ai écouté sans interrompre personne pendant huit jours, vous voudrez bien me faire la même faveur.

Je dis que les bateliers ne gagneront rien à la réduction, les petits consommateurs rien, les petites industries très peu, et les exploitants et les marchands de charbon la plus grande partie.

Qu'arrivera-t-il ? Quand vous aurez voté 40 p. c. de réduction vous croyez que vous en aurez fini ? Pas du tout ; une nouvelle croisade s'organisera ; remarquez qu'on sera d'autant plus chaleureux dans la demande de nouveaux sacrifices, qu'on aura été déçu dans les espérances qu'on avait nourries.

Quand les bateliers et les petits consommateurs verront qu'ils n'ont rien gagné à la réduction de 40 p c. votée au lieu de celle de 60 p. c qu'on avait demandée, l'on dira : Si la réduction de 60 avait été votée, vous petits consommateurs vous auriez eu la houille à bon marché, vous bateliers vous auriez eu la plus belle industrie qui puisse s’exercer ; demandez l'approfondissement et l'élargissement du canal, l'élargissement des écluses, la quantité d'eau nécessaire pour que la navigation ne soit jamais interrompue, insistez, revenez à la charge, de guerre lasse on vous accordera tout cela comme on vous a accordé la réduction de 40 p. c.

La croisade s'organisera.

Eh bien, messieurs, j'aurais préféré en finir d'une fois, j'aurais préféré voter une réduction raisonnable, tout en m'engageant à voter une allocation pour l'amélioration du canal de Charleroi, et que cette question eût été vidée au moins pour une dizaine d'années. Que dans dix ans on revienne à la charge, cela peut s'expliquer ; mais ce ne sera pas dans dix ans, ce sera l'année prochaine qu'on y reviendra. Un honorable membre dont la loyauté nous est très connue, en a déjà fait l'aveu ; mais cet aveu ne nous a rien appris ; nous savions parfaitement bien que la croisade dont je viens de parler, si elle n'est pas organisée, s'organisera le lendemain du vote.

M. J. Jouret. - Elle s'organisera, qu'on vote 25 ou 40 p. c.

M. H. de Brouckere. - Mon honorable voisin et ami me dit : On organisera la croisade, que l'on vote 25 ou 40 p. c. Mais si l'on vote 25 p. c. vous n'aurez pas besoin d'organiser une croisade, puisque nous vous offrons de voter des fonds pour améliorer le canal, que les partisans du canal disent qu'il se contentent de 25 p. c, et nous sommes prêts, je suis, quant à moi, tout disposé à voter l’allocation nécessaire pour l'amélioration du canal de Charleroi.

Mais voici ce qui va arriver :

La réduction de 40 p. c. entraîne pour le trésor une perte nette de 700,000 fr. Quand vous aurez voté cette perte, vous croyez, ou plutôt on désire que vous croyiez que vous en récupérerez une partie, parce que la navigation deviendra plus active. Mais il n'en est rien. Le canal transporte à peu près autant de bateaux qu'il en peut transporter. Je regarde comme certains les renseignements qui ont été fournis à la commission des péages par un homme extrêmement compétent et qui m'ont été confirmés depuis de différents côtés. La navigation du canal de Charleroi peut tout au plus s'augmenter d'un dixième, dans l'état où est le canal aujourd'hui.

C'est donc une perte presque nette de 700,000 fr., et quand vous aurez voté cette perte de 700,000 fr., on viendra vous demander 3 ou 4 millions pour avoir des écluses jumelles, pour avoir un canal un peu plus large et un peu plus profond, et pour que le canal soit mieux approvisionné d'eau. Vous voterez alors un nombre de millions que je ne veux pas déterminer, parce que je suis très persuadé que lorsque la question se présentera, on se montrera aussi prêt à une transaction qu'aujourd'hui.

Ainsi donc, la proposition de la section centrale n'est pas une transaction. Cette proposition est le maximum de ce que les défenseurs du canal ont cru pouvoir obtenir aujourd'hui.

Messieurs, on vous a parlé, dans une précédente séance, de l'uniformité des péages sur les canaux et les rivières. On vous en a parlé comme d'une chose qui serait éminemment bonne, éminemment utile, qui est éminemment désirable. Eh bien, je réponds aux honorables membres qui se sont exprimés dans ce sens : qu'ils ont préconisé une utopie ; que l'uniformité des péages sur les canaux et sur les rivières est la chose la plus impossible et que cette chose qu'ils rêvent ne se réalisera jamais. Ils en sont à peu près convaincus ; car après avoir préconisé ce beau système d uniformité, ils vous ont dit : S'il n'est pas praticable, il faut du moins s'en approcher autant que possible.

Il faut s'en approcher autant que possible. Mais savez-vous comment on veut s'en approcher ? Je vais vous le dire. On veut s'en approcher en réduisant tous les péages au niveau des péages qui grèvent le canal qui paye le moins. Car jamais on ne parle d'augmenter les péages sur aucune voie navigable.

Eh bien, je crois que le canal qui sert le moins bien les intérêts du trésor est le canal de Gand à Bruges. Ce canal produit, année commune, de 20,000 à 25,000 fr. et il coûte d'entretien, non compris les travaux extraordinaires, une somme qui approche 100,000 fr.

Je crois que c'est 95,000 fr. De manière que le canal de Bruges à Gand, au lieu de produire des bénéfices au trésor, lui coûte annuellement de 70 à 80 mille fr.

Voilà, messieurs, le régime que l'on voudrait voir adopter pour toutes les voies navigables, pour les rivières comme pour les canaux. Car si ce n'est pas ce qu'on veut, il faudrait nécessairement établir un péage sur le canal de Gand à Bruges ; et je demanderai aux honorables députés de Gand, je demanderai à l'honorable M. Jacquemyns, par exemple, qui s'est prononcé très éloquemment pour le chiffre de 60 p. c, s'il est disposé à grever d'un péage plus ou moins élevé la navigation sur le canal de Bruges à Gand.

Il vous dira que ce canal est construit depuis 250 ans, qu'il n'a jamais rien payé, que si on le grevait d'un péage, après tant d'années, cela produirait des effets désastreux en Flandre.

On ne le grèvera pas, et la preuve qu'on ne le grèvera pas et que vous ne voulez pas le grever, je vais vous la fournir.

Vous avez alloué une somme très forte pour l'approfondissement du canal de Gand à Bruges. Eh bien, si vous vouliez faire produire quelque chose à ce canal, c'était le moment de le frapper d'un péage.

Il fallait dire : Nous allons voter le nombre de millions qu'on nous demande pour l'amélioration du canal de Gand à Bruges, mais à partirdu jour où ces améliorations seront faites, il est entendu que ce canal subira la règle commune et payera un péage.

Vous n'en avez rien fait, c'est-à-dire que vous ne voulez pas qu'il paye et que vous voulez qu'il continue à grever le trésor.

Ainsi ceux qui veulent l'uniformité, où vous conduisent-ils ? Ils nous conduisent à supprimer tous les péages. Eh bien, je déclare que je ne me rallierai jamais à ce système.

Je trouve que les péages (que vous les appeliez impôts ou redevances, j'y tiens fort peu), que ce qui entre dans le trésor comme prix d'un service rendu par les canaux et les rivières, est un produit qu'il ne faut pas perdre. Si vous le perdez, il faudra le remplacer par des contributions, et les contributions pèsent beaucoup plus sur le pays que les redevances qu'on paye aujourd'hui.

Messieurs, je bornerai là l'explication que je voulais fournir à la Chambre.

Cependant, si elle me le permet, je dirai deux mots seulement qui me concernent personnellement.

Dans une séance précédente, on a cherché à me mettre en contradiction avec moi-même. On m'a dit : Il y a dix ans, vous vous êtes déclaré en faveur d'un dégrèvement qu'on demandait pour le canal de (page 57) Charleroi : vous étiez député de Bruxelles. Aujourd'hui, vous vous déclarez contre le nouveau dégrèvement qu'on demande : vous êtes député de Mons. Vous êtes en contradiction avec vous-même ; vous vous laissez influencer par la position que vous occupez.

Messieurs, il y a dix ans, j'ai en effet soutenu une réduction sur le péage exorbitant alors, qui pesait sur le canal de Charleroi. Mais ce dégrèvement a été voté ; j'en ai été parfaitement satisfait.

On en présente un nouveau aujourd'hui. Je ne serais pas en contradiction avec moi-même, si je me prononçais contre tout dégrèvement nouveau. Parce que j'ai défendu et voté un dégrèvement, je ne crois pas pour cela m'être engagé de voter tous ceux qu'il vous passera par la tête de proposer. Si demain, après que j'ai voté un dégrèvement, vous venez en proposer un autre que je repousse, direz-vous : Vous ne le votez pas, parce que vous êtes député de Mons ; vous êtes en contradiction avec vous-même ?

Mais il y a mieux. Je suis si bien fidèle à ma manière de voir en ce qui concerne le canal de Charleroi, que je suis prêt à voter une nouvelle réduction de 35 p. c, ce qui fait plus de 25 p. c. sur le chiffre qui a été réduit il y a dix ans. Car ce n'est pas 25 p. c sur le chiffre primitif, mais 25 p. c. sur le chiffre qui existe aujourd'hui, que nous, nous voulons réduire. C'est-à dire que je consens à réduire un péage qui est de 2 fr. à 1 fr. 50 c. Suis-je en contradiction avec moi-même ? Je crois, au contraire, que je suis extrêmement conséquent avec moi-même, que je suis complétement irréprochable même aux yeux des plus grands partisans des réductions qu'on demande pour le canal.

Je demande moi-même que les voies navigables, tout en produisant au trésor ce qu'elles peuvent produire, ne soient pas surtaxées. Mais en cela comme en toute chose, je mets de la modération dans ma conduite. Je crois qu'après avoir voté une réduction de 35 p. c. il y a dix ans sur le taux qui existait alors, en votant aujourd’hui 25 p. c. sur le chiffra actuel, je me montre très grand partisan des intérêts du canal de Charleroi. Mais j'en suis le partisan modéré, et je répète que je suis si peu contraire aux intérêts du canal de Charleroi, que je suis si peu égoïste dans cette occasion, que je favoriserai encore le canal si l'on vient nous demander une allocation dans le but de l'améliorer à condition, bien entendu, que l'on s'en tienne à la réduction que j'appuie et celle de 25 p.c.

M. Guillery. - Je regrette de devoir prolonger encore ce débat. Mais ce qui m'amène à prendre la parole, c'est qu’il me semble que l'on regarde l'amendement de 60 p. c. comme n'étant qu'une tactique, et que l'on suppose que ceux qui ont défendu un chiffre de réduction aussi élevé, ne pensent pas un mot de ce qu'ils disent. Or, je le demande, y a-t-il jamais eu question plus étudiée que celle-ci ? Et y a-t-il jamais eu réduction plus justifiée ? On oublie que le conseil communal de Bruxelles, qui est parfaitement à même d'avoir des chiffres officiels et des chiffres officiels vrais, ce qui est très important, que le conseil communal de Bruxelles a demandé une réduction de 50 p. c, le 13 février 1858, c'est-à-dire plus que ce que l'on semble considérer comme le maximum de nos espérances.

Je ne veux pas, messieurs, revenir sur les calculs de chiffres. La Chambre en a assez. On les a fait assez miroiter, assez jouer tous les rôles. Mais lorsque le conseil communal de Bruxelles, sur le rapport de la commission des finances, après avoir consulté les inspecteurs du canal, comme le dit le discours de l'honorable échevin, vient proposer et soutenir le chiffre de 50 p. c, lorsqu'il y voit l'intérêt des consommateurs de Bruxelles, parce que c'est eux qu'il représente et non les marchands de charbon en particulier, il m'est permis, à moi qui ne suis point un homme de chiffres et encore moins un industriel, de prendre ces 50 p. c. comme point de départ.

Eh bien, ces 50 p. c, que sont-ils devenus ? L'honorable M. Sabatier qui, lui, a des connaissances personnelles et de l'expérience dans la matière, vous dit que le chiffre du prix du bateau fixé par le conseil communal de Bruxelles, est encore inférieur à la vérité, et d'après des prix courants qu'il s'est procurés, il se trouve qu'au lieu de 45,00 fr. pour un bateau gréé, c'est 5,000 fr. que l'on doit payer. D'où la somme de 225 fr. portée comme intérêt par les calculs du conseil communal de Bruxelles, se trouve élevé à 250 fr. Le chiffre du fret au lieu d'être de 5 fr. 06 devrait être de 5 fr. 51.

De plus, depuis cette époque, un arrêté royal du mois de décembre 1858 a approuvé l'adjudication du halage ; et cette adjudication augmente le fret de 14 fr. par bateau et par voyage ; ce qui fait 21 c. à ajouter au fret. Si donc je prenais le chiffre du conseil communal de Bruxelles, j'arriverais non pas à 60 c, mais à 75 c.

Voilà la vérité : voilà les calculs tels qu'ils ont été faits par les hommes les plus compétents ; tels qu'ils ont été reconnus exacts après mûre délibération ; et jusqu'à présent je n'ai pas vu que le conseil communal de Bruxelles soit revenu sur son opinion.

Lorsque je vois la légèreté avec laquelle les statistiques sont faites, lorsque je vois au contraire la maturité avec laquelle les calculs dont je parle ont été faits, je crois de mon devoir de défendre la réduction de 60 p. c. Et je le déclare, si je ne défends que le chiffre de 60 p. c, c'est parce qu'il n'y a pas de proposition plus élevée.

Je ne crois pas par-là mériter le reproche d'exagération et encore moins mériter le reproche de rechercher la popularité et de spéculer sur la misère des bateliers.

Il est très vrai qu'on a eu le courage d'introduire de tels arguments dans le débat. On a trouvé bon de tourner en ridicule et les bateliers et leurs défenseurs. Je renvoie ce genre d'argumentation dos à dos avec les arguments qui nous représentaient, dans une discussion bien autrement importante, comme ayant pactisé avec l'étranger, parce que nous n'admettions pas le projet du ministère.

Je n'ai jamais, quant à moi, employé pareils arguments. Nous ne sommes plus à cette époque, et j'espère bien qu'elle ne reviendra plus, où c'était l'injure à la bouche que l'on faisait de l'opposition ; ou du moins je ne pratiquerai jamais ce système. Je n'accuserai jamais un ministre d'avoir fait de la Belgique une Belgique vassale. Ce n'est pas ainsi que je défends ou que je combats un projet de loi, et si je l'avais un jour combattu ainsi, je ne resterais pas un jour ministre, sans en avoir demandé l'abrogation.

Voilà ce que j’appelle de la franchise et de la loyauté.

Je laisse donc de côté de semblables arguments. J'en laisse la responsabilité tout entière à ceux qui les emploient. Je ne traite que les questions qui nous sont soumises, et surtout je cherche à ne pas introduire dans ce débat des querelles étrangères qui doivent se vider en dehors de cette Chambre.

On a essayé de faire du canal de Charleroi une source d'impôt. On a essayé d'établir que le canal de Charleroi est un domaine de l'Etat et qu'on peut spéculer sur le domaine public comme on spécule sur les arbres de la forêt de Soignes, et l'on a été jusqu'à poser en principe, en principe d'économie politique, que c'est là une excellente source d'impôts, et jusqu'à émettre le désir, le désir théorique bien entendu, mais enfin le désir qu'il n'y en ait pas d'autres. Eh bien, messieurs, j'avoue que je partage ici toutes les erreurs de M. Hymans, comme je partage sa sensibilité, que je ne crois pas du tout égarée.

En matière d'impôts quel est le principe ? C'est que les impôts doivent être supportés par chacun en proportion de ses ressources. En matière de choses publiques quel est le principe ? C'est que chacun doit en user selon ses besoins.

On ne demande pas plus au millionnaire qu'au malheureux, s'il se sert souvent du pavé de Bruxelles, l'un et l'autre s'en servent gratuitement et aussi souvent qu'ils le jugent convenable.

Voilà ce qu'on fait pour les choses du domaine public. Les impôts, au contraire, sont répartis en raison des ressources de chacun et quelquefois progressivement, car il y a des éléments d'impôt progressif dans notre législation fiscale.

Je désire donc, quant à moi, que l'usage des voies de communication soit purement gratuit et c'est le principe qui est généralement admis.

Quand on fait une construction par voie de concession de péages, qu'est-ce que le péage ? C'est le prix de la construction.

L'Etat se dit : Je n'ai pas les fonds nécessaires pour construire tel pont, tel canal ; mais voici une compagnie qui offre de se charge de cette construction moyennant un péage de 10, 20 ou 30 ans. L'Etat concède ce péage et lorsque le terme est expiré, on passe gratuitement sur le pont comme on devrait passer gratuitement sur le canal.

Voilà le principe en matière de choses publiques inaliénables et imprescriptibles, à la différence de la forêt de Soignes qui est aliénable et prescriptible.

Un péage, messieurs, est une entrave au commerce. Est-ce que vous percevez un péage sur le chemin de fer ? Est-ce que vous avez là autre chose qu'un tarif qui est la rémunération du service rendu ! Faites payer le service rendu ; mais sur un canal qu'est-ce qu'un service rendu ? C'est la navigation.

Le canal lui-même a été payé ; il a été payé par le commerce. Si vous voulez percevoir un impôt, dites-le franchement. Augmentez la patente des bateliers, augmentez la patente des marchands de charbon, mais ne dites pas qu'une voie de communication doit être une source d'impôts.

On vous a dit, messieurs, que la réduction du péage sur le canal de Charleroi ne profitera ni aux consommateurs ni aux bateliers ; mais alors je demanderai pourquoi l'on a successivement réduit les tarifs du chemin de fer ? Je demanderai pourquoi, dans le but d'avoir des tarifs peu élevés, nous payons à des compagnies un minimum d'intérêt ?

Ainsi on a garanti un minimum d'intérêt à la compagnie du Luxembourg. Je ne le reproche certainement pas à ceux qui l'ont fait, car aucun travail d'utilité publique n'est plus important ; mais enfin les chemins de fer font concurrence aux canaux et si l'abaissement des péages est une chose si peu avantageuse, pourquoi n'a-t-on pas dit aux chemins de fer : Elevez vos tarifs ; ne craignez rien, le mouvement commercial se règle d'après l'offre et la demande, et comme on ne demandera pas moins et qu'on n'offrira pas moins, l'élévation de vos tarifs ne diminuera pas nos transports. C'est nier tout ce qu’on a dit dans cette Chambre en faveur des tarifs peu élevés.

Il y a, messieurs, un système que l'on oppose aux réformes les plus populaires, les plus justes. Vous croyez, dit-on, que cette réforme va profiter aux pauvres ; il n'en est rien, elle ne profitera qu'aux exploitants, à quelques millionnaires. Ainsi quand il s'est agi de la réforme postale, un membre de cette Chambre a dit : Les pauvres n'écrivent pas ; ceux qui n'ont pas 20 centimes à donner n'ont qu'à ne pas écrire ; ceux qui profiteront de la réforme ce sont quelques grands établissements financiers, la Banque nationale, par exemple. Eh bien, messieurs, (page 58) avec ce système, on aurait pu s'opposer à peu près à toutes les réformes qui se sont accomplies depuis 1789.

Le canal de Charleroi a été frappé d'un péage excessivement élevé parce qu'il a fallu payer la construction, parce que la compagnie qui avait la concession pour un petit nombre d'années devait nécessairement rentrer dans son capital. Mais aujourd'hui que la concession est expirée, que le capital est remboursé, il faudrait faire ce qu'on fait pour les ponts, ce qu'on fait pour un chemin de fer au moment où il tombe dans le domaine public.

M. H. de Brouckere. - Les voyageurs n'en payent pas moins.

M. Guillery. - Les voyageurs payent alors à l'Etat et non plus à la compagnie. Lorsque la compagnie est remboursée, lorsque le terme de la concession est expiré, la compagnie abandonne ses droits, et le chemin concédé cesse d'être l'objet d'une entreprise commerciale.

D'ailleurs, messieurs, même pendant la durée de la concession, la voie n'appartient pas à la compagnie, elle ne peut l'exploiter comme elle le juge convenable.

On impose aux compagnies des tarifs qui sont établis dans l'intérêt général combiné avec le droit qu'a le concessionnaire au remboursement de son captai.

Si le canal de Charleroi était encore concédé à la compagnie, il n'en ferait pas moins partie du domaine public, et le péage serait réglé au point de vue de l'intérêt général.

A l'époque où l'Etat a repris le canal on ne se serait certainement pas douté que ce fût pour maintenir le péage et non pour le diminuer.

Lorsqu'un pont tombe dans le domaine publie, lorsque la concession de la compagnie expire le pont se trouve affranchi de tout péage. Pourquoi ? Parce qu'il est dans nos principes que le pauvre doit passer dans la rue sans rien payer et que le péage, au contraire lorsqu’il existe, se paye par le pauvre comme par le millionnaire.

Si vous voulez établir sur le canal de Charleroi un impôt, je vous demanderai s'il est juste d'imposer à la population de Bruxelles et de la banlieue, d'imposer au commerce de Gand, comme l'a fort bien démontré l'honorable M. Jacquemyns, de leur imposer des charges au profit de l'Etat ; je demande si ce sont quelques industriels consommateurs qui doivent seuls payer les impôts au profit de l'Etat ; je demande si la constitution n'a pas proclamé le principe de l'égalité en matière d'impôt.

Le canal de Charleroi, comme les autres voies navigables du pays (l'honorable M H. de Brouckere verra que nous sommes bien francs), a droit à des travaux d'entretien et d'amélioration ; et je trouverais bien extraordinaire qu'on vînt dire : « Nous allons abaisser les péages sur le canal de Charleroi, mais nous ne voulons plus y faire des travaux d'amélioration. »

Messieurs, lorsque nous avons voté l'approfondissement du canal de Gand à Bruges, est-on venu proposer, comme mesure corrélative, une augmentation de péages sur ce canal ? Est-on venu vous dire : « C'est la rémunération d'un service rendu ? » Personne n'a soutenu alors cette thèse ; aucune voix ne s'est fait entendre pour demander qu'on élevât les péages sur ce canal. Et il y a plus, et personne ne me contredira sur ce point, c'est qu'il s'en faut de beaucoup que l'approfondissement de cette voie navigable ait le caractère d'urgence et d'importance qu'ont les travaux qui pourraient être exécutés au canal de Charleroi. Il y a, à coup sûr, une immense différence : tout le monde le reconnaîtra.

En résumé, je crois que les auteurs de l'amendement se sont basés sur des chiffres sérieux, sur des chiffres qui avaient subi le contrôle de l'administration, des inspecteurs mêmes du canal, et des personnes les plus versées dans la matière ; je crois que les chiffres doivent être maintenus ; je crois même qu'augmentés, par suite de l’élévation du halage de 21 p. c, augmentés, par suite d’une erreur de calcul sur le coût des bateaux, de 500 fr., ces chiffres ne sont pas suffisamment élevés ; que la réduction devrait être supérieure à 60 p. c. L’honorable M. H. de Brouckere nous a dit que pour lui le chiffre de 40 p. c. de réduction n’est pas une transaction ; moi, je l’avoue, je considère le chiffre de 60 p. c. comme étant une transaction. (Aux voix ! aux voix !)

Discussion des articles

Article premier

La clôture de la discussion sur l'article premier et les deux amendements y relatifs, est mise aux voix et prononcée.

L'article premier du projet du gouvernement est ainsi conçu :

« Le gouvernement est autorisé à réduire de 25 p. c. les péages du canal de Charleroi, pour le parcours entier, et à fixer le péage ainsi réduit, pour le Centre vers Bruxelles, à raison de 12 1/2 lieues. »

L'amendement présenté par MM. Dechamps et collègues tend à porter à 60 p. c. la réduction de 25 p. c. proposée par le gouvernement.

L'amendement de la section centrale tend à porter cette dernière réduction à 40 p. c.

M. le président. - Je mets aux voix le chiffre le plus élevé, celui de 60 p. c. de réduction.

- Des membres. - L'appel nominal ?

- Il est procédé à cette opération.

90 membres sont présents.

34 membres répondent oui.

55 répondent non.

1 membre (M. Ch. de Brouckere) s'abstient.

En conséquence, le chiffre de 60 p. e. de réduction n'est pas adopté.

Ont répondu oui : MM. Sabatier, Saeyman, E. Vandenpeereboom, Van Leempoel, Van Overloop, Van Volxem, Vermeire, Verwilghen, Allard, Ansiau, Dechamps, de Decker, De Fré, de Montpellier, de Naeyer, de Paul, de Portemont, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, Faignart, Goblet, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, C. Lebeau, Manilius, Moncheur, Neyt, Notelteirs, Orts, Pirmez, V. Pirson et Prévinaire.

Ont répondu non : MM. Rodenbach, Rogier, Savart, Snoy, Tack, Tesch, Thienpont Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Stichelen, Van Iseghem, Van Renynghe, Vilain XIIII, Wasseige, Cartier, Coppieters 't Wallant, Crombez, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Boe, de Breyne, H. de Brouckere, Dechentinnes, de Florisone, de Gottal, Deliége, de Mérode-Westerloo, de Pitteurs-Hiegaerts, de Renesse, Desmaisières, de Smedt, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dotez, H. Dumortier, d'Ursel, Frère-Orban, Frison, Grandgagnage, Grosfils, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Lange, Laubry, Le Bailly de Tilleghem, J. Lebeau, Magherman, Moreau, Muller, Nélis, Nothomb et Vervoort.

M. le président. - M. Ch. de Brouckere est prié de faire connaître les motifs de son abstention.

M. Ch. de Brouckere. - Messieurs, je suis partisan du dégrèvement le plus fort possible ; mais je ne suis pas convaincu qu'il faille 60 p. c.


M. le président. - Je mets maintenant aux voix l'amendement qui tend à porter le chiffre de la réduction à 40 p. c.

- Des membres. - L'appel nominal ?

- Il est procédé à cette opération.

89 membres sont présents.

65 répondent oui.

22 répondent non.

2 s'abstiennent (MM. Carlier et Hymans).

En conséquence, le chiffre de 40 p. c. est adopté.

Ont répondu oui : MM. Sabatier, Saeyman, Savart, Snoy, Tack, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom. E. Vandenpeereboom, Van Iseghem, Van Leempoel, Van Overloop, Van Renynghe, Van Volxem, Vermeire, Verwilghen, Wasseige, Allard, Ansiau, Coppieters 't Wallant, Crombez, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Boe, de Breyne, Ch. de Brouckere, Dechamps, Dechentinnes, de Decker, de Florisone, De Fré, de Gottal, Deliége, de Mérode-Westerloo, de Montpellier, de Naeyer, de Paul, de Portemont, de Rongé, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Terbecq, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Frison, Goblet, Grandgagnage, Guillery, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, Ch. Lebeau, Manilius, Moncheur, Muller, Nélis, Neyt, Notelteirs, Nothomb, Orts, Pirmez, V. Pirson, Prévinaire et Vervoort.

Ont répondu non : MM. Rodenbach, Rogier, Tesch, Thienpont, Vander Donckt, Vander Stichelen, Vilain XIIII, H. de Brouckere, de Pitteurs-Hiegaerts, de Renesse, de Theux, Devaux, Dolez, Frère-Orban, Grosfils, M. Jouret, Julliot, Lange, Laubry, J. Lebeau, Magherman et Moreau.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Carlier. - Je me suis abstenu parce que, si je ne partage pas en tous points l'opinion de mes honorables collègues de Mons, je n'ai pas voulu voter contre cette opinion qu'ils ont puisée dans une expérience que je ne possède pas.

M. Hymans. - Je me suis abstenu à peu près par les motifs que 1 honorable M. Ch. de Brouckere a fait valoir au premier vote. Je suis partisan de la réduction, mais je la trouve insuffisante.

Article 2

M. le président. - Voici l'article 2 :

« 11 est également autorisé à prendre les mesures nécessaires à l'effet :

« 1° De substituer aux différents modes de perception existant pour les péages des voies navigables, un mode uniforme d'après lequel les droits seront perçus par lieue de 5 kilomètres, de la manière suivante :

« A. Par tonneau de chargement, 3/5.

« B. Par tonneau de la capacité du bateau, 1/5.

f C. Par tonneau de la capacité (retour à vide), 1/5.

« 2° D'appliquer à chaque rivière un péage, par lieue de parcours, égal à la moyenne des divers droits qui y sont actuellement perçus.

« 3° D'établir sur chaque voie navigable un droit unique, sans distinction de classe, en prenant pour base le droit appliqué à la houille. »

M. de Renesse. - Messieurs, avant de passer à la discussion de l'article 2 du projet de loi, je crois devoir adresser une interpellation à l'honorable ministre des finances, par rapport à l'abaissement des péages établis jusqu'ici, provisoirement, sur le canal latéral| à la Meuse de Liége à Maastricht et sur les canaux de la Campine.

(page 59) Il a été reconnu non seulement par le gouvernement, mais encore par la commission chargée d'examiner la question des péages, et par la section centrale, que ces péages sont réellement trop élevés, qu'il y avait lieu de les réduire ; que, du reste, la réduction propose de 50 p.c, loin de nuire aux produits, contribuerait, au contraire, à les accroître, en rendant la navigation plus active.

J'ai donc l'honneur de demander à l'honorable ministre des finances s'il compte, dans un avenir très rapproché, provoquer l'arrêté royal réduisant le taux de ces péages à celui proposé par la commission et par la section centrale ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Si j'ai bonne mémoire, le gouvernement a déjà déclaré dans l'exposé des motifs qu'il ne faisait pas de proposition quant aux canaux dont parle l'honorable M. de Renesse parce que les péages étaient provisoires et à titre d'essai et que le gouvernement, en vertu de la loi, avait le pouvoir de les modifier par arrêté royal ; que la conséquence de l'abaissement du péage sur le canal de Charleroi serait d'en amener un aussi sur les canaux de la Campine. Du moment que la proposition dont la Chambre est saisie sera convertie en loi, je proposerai un arrêté royal pour faire droit aux réclamations de l'honorable membre.

- L'article 2 est mis aux voix et adopté.


M. le président. - A quel jour la Chambre entend-elle fixer le vote définitif ?

- Plusieurs voix. - Tout de suite

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il n'y a pas urgence ; conformément au règlement je propose mardi.

- Cette proposition est adoptée.

La séance est levée à 4 heures et demie.