(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859 extraordinaire)
(page 252) (Présidence de M. Orts.)
M. de Boe procède à l'appel nominal à midi et un quart et donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
Il présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Le conseil communal de Courcelles prie la Chambre d'accorder au gouvernement la faculté de concéder à la compagnie Delval le chemin de fer de Luttre-Manage à Momignies par Thuin et Beaumont. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le conseil communal de Bettecom demande la construction d'un chemin de fer de Louvain à Herenthals et d'autres travaux. »
-Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi des travaux publics.
« M. le gouverneur de la Flandre occidentale adresse à la Chambre 125 exemplaires d'une adresse par laquelle la députation permanente de la Flandre occidentale prie cette Assemblée de décréter, conformément aux propositions du gouvernement, la construction d'un port de reluge à Blankenberghe. »
-Distribution aux membres de la Chambre.
« M. de Brouckere, retenu chez lui par une indisposition, et M. Crombez, obligé de s'absenter pour une affaire urgente, demandent des congés. »
- Ces congés sont accordés.
M. le président. - Deux amendements ont été apportés au projet.
A l'article 3, la Chambre a adopté l'amendement suivant :
« La commission d'enquête entendra les personnes dont l'élection est contestée, si elles le demandent. »
M. Wasseige. - Je me suis opposé déjà à l'adoption de l'amendement de l'honorable M. Dolez, parce qu'à mon avis, il ne donne aucun droit nouveau aux représentants de Louvain dont l'élection est contestée, qu'il ne leur accorde aucune garantie réelle. En effet, il serait d'une souveraine injustice de leur refuser le droit d'être entendus devant la commission d'enquête. Je ne crains pas pour eux ce refus, mais cela ne suffit pas.
C'est dans le droit pour les élus de Louvain d'assister à toutes les opérations de l'enquête, dans le droit d'entendre les charges qui pourraient se produire contre la validité des élections, de contrôler les témoignages et de les combattre par d'autres, que se trouve la seule garantie réelle et efficace d'une enquête impartiale et complète. L'amendement de l'honorable M. Dolez s'accorde aux personnes les plus intéressées aucune de ces garanties, et je le répète, je préfère l'état des choses avec toute la responsabilité qu'il fait peser sur ceux qui voteront la loi, qu'un changement illusoire et qui n'aurait pour résultat que d'égarer l'opinion publique en faisant croire à des garanties que l'amendement de l'honorable M. Dolez n'accorde pas.
- L'amendement est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
M. le président. - L'article 4 forme amendement. Il est ainsi conçu :
« Art. 4. Tous les membres de la Chambre sont admis à assister aux séances de la commission d enquête. »
M. de Muelenaere. - Dans le cas où cette disposition serait adoptée, il faudrait, me parait-il, y apporter une modification de rédaction.
L'enquête se fait de commun accord entre la Chambre des représentants et le Sénat. Il faut donc que les membres du Sénat comme ceux de la Chambre aient le droit d'assister aux séances de la commission. On devrait donc dire : les membres des deux Chambres.
M. le président. - Présentez-vous un sous-amendement ?
M. de Muelenaere. - Ce n'est pas un sous-amendement que je propose ; c'est plutôt un changement de rédaction,
M. le président. - Je ferai remarquer à M. de Muelenaere que, pour atteindre son but, il doit proposer un sous-amendement, parce que le but qu'il veut atteindre est contraire à la pensée de l'auteur.
Après la présentation de cet amendement, j'ai fait remarquer à son auteur, que l'enquête se faisant simultanément par le Sénat et par la Chambre, il me paraissait juste de proposer l'admission aux réunions de la commission des membres des deux Chambres. Mais cette observation n'a pas été adoptée par l'auteur de l'amendement. Si donc on veut modifier la proposition, il y a lieu à sous-amendement.
M. de Muelenaere. - En ce cas, je propose de dire : les membres des deux Chambres ont le droit d'assister. »
M. Devaux. - Je ne voterai pas l'amendement : ce n'est pas le moyen d'assurer aux travaux de la commission la régularité et le calme qui doivent les caractériser. L'enquête sera nécessairement publiée ; si l'on veut autre chose, j'aimerais mieux alors une publicité complète. Siéger à huis clos, avec un auditoire de 50 ou 100 auditeurs privilégiés, collègues des membres de la commission, cela peut compliquer beaucoup la tenue des séances, et nous, qui voulons que l'enquête se fasse sérieusement, nous ne devons pas susciter à la commission des difficultés inutiles. Je voterai contre l'amendement.
M. Hymans. - J'ai entendu dire l'autre jour que c'était par surprise que ma proposition avait été adoptée. Je ne sais pas le sort qui lui est réservé. Dans tous les cas, si l'article additionnel doit être inscrit définitivement dans la loi, je crois qu'il faudra en changer la forme et dire : « Les membres des deux Chambres. »
M. le président. - Cela est entendu. La proposition en a été faite.
M. Hymans. - Je l'ignorais.
Je proposerai aussi de dire : « ont le droit d'assister », au lieu de : « seront admis à assister » ; cette forme me paraît plus convenable que celle qui a été adoptée au premier vote.
Messieurs, j'ai fait depuis avant-hier quelques recherches au sujet de cette proposition et j'ai trouvé qu'en Angleterre, où tous les membres de la chambre des communes sont admis à assister à l'enquête, il est extrêmement rare que la présence de nos collègues aux séances d'une commission d'enquête donne heu à des désagréments, à ces difficultés dont vient de parler l'honorable M. Devaux.
J'ai vu en outre que la jurisprudence de la chambre des communes déclare que la présence des membres aux séances de la commission d'enquête a pour raison la nécessité de garantir l'impartialité de l'enquête. La chambre des communes n'a pas craint d'inscrire ces mots dans son règlement : c'est afin d'assurer l'impartialité, la loyauté même de l'enquête qu'on admet les membres de la chambre à assister à toutes les séances.
Cela est vrai, messieurs, aussi bien pour la chambre des lords que pour la chambre des communes. Le règlement de la chambre des lords porte que dans tout comité de la chambre, tout membre, quoique ne faisant pas partie de la commission, a le droit d'assister à ses séances et d'y parler, mais non de voter. Seulement il cédera le pas aux membres de la commission, quel que soit son rang, aux membres de la commission même de degré inférieur, et il siégera derrière les membres de la commission.
Voilà la seule chose qu'on exige de lui.
Le droit des membres de la chambre des communes d'assister aux séances de toutes les commissions d'enquête aussi bien en matière électorale qu'en toute autre matière, existe depuis le dix-huitième siècle. Le 24 avril 1626, une enquête ayant été dirigée contre le duc de Buckingham à raison de certains actes qu'il avait posés dans sa carrière diplomatique et ministérielle, on voulut exclure des séances de la commission d'enquête les membres de la chambre des communes ; mais l'assemblée ordonna qu'ils fussent admis à assister à l'audition des témoins, avec l'obligation de se retirer pendant la discussion des dépositions des témoins, pendant les délibérations de la commission d'enquête.
Plus tard, en 1782, dans une enquête sur les affaires de l'Inde, il fut décidé encore une fois que, quel que fût le sujet sur lequel une commission d'enquête eût à délibérer, toutes les personnes, faisant partie de la Chambre, seraient admises à assister aux séances.
Comme je l'ai dit l'autre jour, le même principe fut derechef admis lors de l'enquête relative à la démence du roi Georges III.
Enfin le 29 juin 1842, une commission d'enquête parlementaire, en matière électorale, proposa à la chambre l'exclusion des membres de l'assemblée qui assistaient aux séances. La proposition fut repoussée encore une fois par un vote formel de l'assemblée. Il est même dit dans le règlement de la chambre des communes que les membres de la chambre étrangers à la commission, assistent aux débats avec tous leurs droits, et qu'en conséquence il leur est permis de garder le chapeau sur la tête, c'est-à-dire qu'ils sont là, non pas comme simples spectateurs, mais comme membres de la chambre contrôlant les opérations de la commission d'enquête.
Vous voyez donc, messieurs, qu'en Angleterre ce principe a été admis dans toutes les circonstances.
(page 253) J'ai consulté, en outre, les précédents de la chambre des députés de France Dans ce pays, il n'a jamais été fait un règlement formel sur les enquêtes.
En 1843, sur la proposition de M. Odilon-Barrot, une enquête ayant été ordonnée au sujet des élections de Carpentras, de Langres et d'Embrun contre lesquelles des protestations avaient été adressées à la Chambre, une commission fut nommée, malgré le gouvernement, et la chambre des députés laissa à cette commission le droit de faire son règlement comme elle l'entendrait, et de régler sa procédure, sous la seule condition de ne violer aucun article de la charte.
Vous pouvez trouver, dans le Moniteur universel du 22 avril 1843, le rapport de M. Lanyer sur les opérations de cette commission ; il est dit dans un des premiers paragraphes du rapport que la première décision de la commission avait été de prononcer le comité secret, à cause de certains faits qu'il pourrait être dangereux de révéler au public. Il me semble que dès l'instant où la commission croyait utile de prononcer le comité secret, elle était d'avis que, d'après le droit commun, les membres de la chambre pouvaient assister aux séances de la commission d'enquête.
Vous voyez bien qu'en France, comme en Angleterre, le droit pour les membres de l'Assemblée d'assister aux séances des commissions d'enquête a toujours été reconnu.
Vous voyez qu'en Angleterre on n'a pas craint de déclarer d'une manière positive, dans une résolution formelle de l'Assemblée, passée en jurisprudence, que c'était afin de garantir l'impartialité de la commission qu'on autorisait tous les membres de la Chambre à assister aux séances des commissions d'enquête.
Maintenant, je ne me fais pas illusion sur la nécessité absolue d'introduire ce principe dans la loi.
Je sais parfaitement qu'en réalité peu de nos collègues tiendront à assister aux séances de la commission.
Mais ce qui est vrai aussi, c'est que nous faisons une loi spéciale. Or, il faut bien le dire, malheureusement les lois spéciales deviennent le plus souvent des lois générales ou des précédents pour des lois générales, comme le provisoire, dans une foule de matières, est souvent devenu définitif.
J'ai donc proposé cet amendement, qui a été tout à fait improvisé, afin de rendre hommage à ce principe de la publicité qui est fondamental en Belgique. Et si, plus tard, il s'agissait de faire une loi générale sur les enquêtes parlementaires, je proposerais (et si l'honorable M. Devaux le proposait, je m'y rallierais avec empressement) de décréter la publicité complète des séances. Mais pour ce cas spécial j'ai cru, en présence de l'amendement de l'honorable M. Wasseige, déjà proposé aussi à la commission d'enquête de France en 1843 et repoussé par elle, j'ai cru, dis-je, en présence de cette proposition que la Chambre ne paraissait pas disposée à accepter et que je me voyais obligé de combattre, que mon amendement pourrait rallier les suffrages des deux côtés de l'assemblée, attendu qu'il donnait un moyen facile et impartial de nous entendre.
Je maintiens donc mon amendement dans les termes qui ont été indiqués tout à l'heure.
M. Coomans. - Je suis d'ordinaire assez peu sensible aux arguments qu'on tire des usages et des lois des autres peuples : d'une part, parce que les situations sont souvent différentes ; d'autre part, parce qu'on a généralement soin de ne citer que les faits qui viennent à l'appui de la thèse qu'on soutient.
S'il s'agissait pour nous de suivre exactement les usages parlementaires d'un pays voisin, je ne m'y opposerais certainement pas ; attendu que nous savons aujourd'hui, contrairement à ce qui a été affirmé un peu à la légère l'autre jour, qu'en Angleterre les députés dont l'élection est contestée ne siègent pas moins et n'en exercent pas moins tous leurs droits jusqu'à ce que la chambre intervienne.
Ainsi donc l'autorité qu'on invoque ne prouve pas grand-chose. Nous devons examiner la question en elle-même et la résoudre librement d'après nos usages à nous et d'après les lois du bon sens.
Je reconnais qu'il y a quelque chose à dire en faveur de la proposition de l'honorable membre ; c'est un hommage rendu au principe de la publicité déposé dans nos institutions fondamentales ; c'est même une facilité donnée à tous les membres de la Chambre de se former, en connaissance de cause, une opinion sur une affaire qu'ils auront à décider eux-mêmes.
Mais, messieurs, la publicité dont on parle ne pourrait-elle pas offrir certains inconvénients et même des inconvénients qui touchent à la Constitution ?
La Constitution prescrit que le vote des électeurs soit secret. Or, ne serez-vous pas amenés, lorsque vous exigerez des témoignages, à violer peut-être cette garantie ?
Je suis convaincu que la commission aura à garder beaucoup de ménagements sous ce rapport. C'est surtout pour présenter cette observation délicate à la Chambre que j'ai demandé la parole. (Interruption.) Mon observation se rapporte à l'invitation adressée par l'honorable M. Hymans à des membres de cette Chambre de proposer la publicité des séances de la commission.
Pour moi, messieurs, je l'avoue, je trouve plus d'inconvénients que d'avantages à cet amendement.
L'essentiel, pour moi, c'est que les députés et les sénateurs de Louvain, seront entendus chaque fois qu'ils le demanderont, et que la commission aura égard à toutes les observations et propositions qu'ils jugeront convenable de faire.
C'est là le point essentiel, et il est acquis malgré le rejet de l'amendement de L'honorable M. Dolez ; mais j'avoue que je n'ai guère d'opinion bien arrêtée sur l'amendement ; j'ajoute cela afin que le rejet de l’amendement ne soit pas, le cas échéant, considéré comme un échec pour moi.
- L'amendement de M. Hymans, sous-amendé par M. de Muelenaere, en ces termes : « Les membres des deux Chambres ont le droit d'assister aux séances de la commission d'enquête » est mis aux voix et adopté.
M. de Theux. - L'honorable M. Coomans a mis en doute si la commission pourrait s'enquérir sur les votes qui auraient été émis par les électeurs. C'est une question qui ne m'en semble pas une. La loi consacre le secret du vote. Je ne pense pas qu'il puisse entrer dans les attributions de la commission d'obliger les électeur ,à déposer sous serment dans quel sens ils ont voté.
J'ai cru qu'il était utile de faire cette observation. La commission la méditera.
M. Coomans. - Je tiens à faire remarquer que je n'ai pas admis la proposition que la commission eût le droit d'enquérir comme on vient de le dire. Au contraire je l'ai avertie que je considérais une pareille intention de procéder comme inconstitutionnelle.
M. le président. - C'est une question que la commission appréciera.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.
83 membres répondent à l'appel nominal.
50 votent l'adoption.
28 votent contre.
5 se sont abstenus.
En conséquence le projet de loi est adopté ; il sera transmis au Sénat.
Ont voté l'adoption : MM. de Moor, de Renesse, de Rongé, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, Dolez, Frère-Orban, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret, M. Jouret, Koeler, Lange, Ch. Lebeau, J. Lebeau, Loos, Manilius, Nélis, Neyt, Orban, Prévinaire, Rogier, Sabatier, Saeyman, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Volxem, Vervoort, Allard, Ansiau, Carlier, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, David, de Bast, de Boe, de Breyne, Ch. de Brouckere, Dechentinnes, de Florisone, De Fré, de Gottal, Deliége et Orts.
Ont voté le rejet : MM. de Muelenaere, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Terbecq, de Theux, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, le Bailly de Tilleghem, Mercier, Notelteirs, Nothomb, Rodenbach, Snoy, Tack, Thibaut, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Renynghe, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Dechamps, de Mérode-Westerloo et de Montpellier.
Se sont abstenus : MM. de Naeyer, Moncheur, Wasseige, Coomans et de Haerne.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. de Naeyer. - Je n'ai pas voté contre le projet de loi, parce que je trouve tout naturel qu'après avoir ordonné une enquête, la Chambre décrète les mesures pour qu'elle puisse avoir lieu. Mais je n'ai pu donner un vote favorable, parce que la loi a exclusivement pour objet l'exécution d'une décision à laquelle je ne prétends prêter aucun concours, parce que je la trouve excessivement regrettable dans l'intérêt de l'impartialité parlementaire.
M. Moncheur. - Je n'ai pas voté pour la loi parce que le rejet de l'amendement de M. Wasseige prive les élus de Louvain d'une garantie à laquelle, selon moi, ils avaient droit ; et puis parce que, comme l'honorable préopinant, je n'entends pas donner la main à ce qui tend à l'exécution d'une mesure que je considère comme éminemment regrettable.
Je n'ai pas voulu voter contre, parce que, la Chambre ayant décidé qu'une enquête devait avoir lieu, je tiens à ce que cette mesure" soit exécutée le plus tôt possible.
M. Wasseige. - Je me suis abstenu pour les motifs développés par l'honorable M. Moncheur.
M. Coomans. - Je n'ai jamais cru à l'utilité ni même à la justice de cette enquête. Mais après les manifestations dont elle a été l'objet dans cette Chambre, je la crois presque nécessaire et je ne m'y oppose pas en ce moment, parce que j'espère que le résultat définitif en démontrera l'utilité.
M. de Haerne. - Je me suis abstenu par les motifs avancés par l'honorable M. Moncheur.
M. Carlier. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section (page 254) centrale sur le projet de loi tendant à autoriser le gouvernement à concéder le chemin de fer de Braine-le-Comte à Gand.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. de Naeyer. - Ne pourrait-on mettre ce projet à l’ordre du jour après celui sur la réduction des péages.
M. le président. - Nous verrons demain.
M. de Theux. - Il me semble qu'il reste un projet à régler : c'est la nomination de la commission.
M. le président. - Il a été entendu qu'on attendrait le dernier jour de la réunion de la Chambre.
M. de Theux. - Je crois qu'il vaudrait mieux vider immédiatement cette question. Elle est connexe avec ce qui vient d'être voté.
M. le président. - Deux propositions ont été faites ; la première tend à ce que la Chambre nomme les membres de la commission qui entrera en fonctions si le Sénat vote la loi ; la seconde tend à conférer au bureau le droit de nommer la commission d'enquête.
Veut-on discuter immédiatement ces deux propositions ?
La discussion est ouverte sur ces deux propositions.
- Plusieurs membres. - Oui ! oui !
M. de Theux. - Le mode de nomination est assez indifférent. Je crois cependant qu'avant la sanction de la loi le mode de nomination par la Chambre présente des inconvénients graves, même au point de vue de la dignité de la Chambre.
Une autre observation que je dois présenter, c'est qu'il peut arriver qu'un membre nommé par la Chambre, ou plusieurs membres n'acceptent pas ; c'est qu'il peut arriver aussi qu'un membre devienne malade pendant l'enquête ou qu'il ait un autre empêchement. Si le bureau a la faculté de nommer, il pourra dans ce cas pourvoir immédiatement à la place devenue vacante.
M. Coomans. - J'ajouterai une seconde observation.
Ne conviendrait-il pas de nommer des membres suppléants pour le cas où l'un ou plusieurs des membres seraient complètement empêchés ?
Si des membres étaient dans l'impossibilité de prendre part aux travaux de la commission, si notamment un des membres de la minorité était dans ce cas, croyez-vous que la commission devrait passer outrer et continuer ses travaux ?
Je n'affirme rien. C'est un doute que j'émets.
C'est ici une preuve d'’impartialité que je vous donne. Je désire que l'enquête ne soit pas enrayée.
Voilà le seul motif de l'observation que je fais. Je désire que l'enquête aboutisse le plus tôt possible, et je vous demande si votre intention est que les opérations de la commission continuent en cas d'empêchement soit momentané soit permanent d'un ou plusieurs de ses membres. Je crois que cela ne serait pas convenable et dans certaines circonstances cela pourrait offrir des inconvénients graves.
Je ne verrais pas, quant à moi, d'obstacles à ce qu'on nommât des membres suppléants. Vous déciderez ; votre avis sera le meilleur.
M. Manilius. - Comme on a proposé de laisser la nomination de la commission au bureau, je crois que dans le cas où un de ses membres serait empêché, le bureau aura toujours la faculté de pouvoir le remplacer, et de cette manière vous obvierez à l'inconvénient que l'on signale.
Il vaut donc mieux laisser la nomination de la commission aux soins du bureau. Au fond je crois que c'est la même chose. Si le bureau nomme, il entrera dans les vues indiquées lors de la discussion sur l'enquête. Il faut que la commission soit composée de manière, que la minorité y soit représentée. Le bureau pourvoira à cela, comme il pourvoira, le cas échéant, à remplacer les membres qui deviendraient malades, ou ne pourraient, par suite de quelque autre empêchement, assister aux travaux de la commission.
- La proposition tendante à la nomination des membres de la commission d'enquête par la Chambre est mise aux voix ; elle n'est pas adoptée.
La proposition de remettre cette nomination au bureau est adoptée.
M. le président. - Je mets aux voix la proposition de l'honorable M. Coomans tendante à ce que le bureau ait le droit de remplacer les membres empêchés.
M. Coomans. - Il est évident que mon observation tombe du moment où le bureau est chargé de la nomination.
M. le président. - Ainsi il est entendu que si un membre n'accepte pas ou s'il est dans l'impossibilité de remplir son mandat, il sera remplacé par le bureau (Oui ! oui !)
M. Carlier. - Je crois qu'il serait nécessaire que le bureau nommât immédiatement les membres de la commission et les suppléants. Car il pourrait arriver que tous les membres du bureau ne fussent plus à Bruxelles plus tard et que ces nominations ne pussent avoir lieu.
M. Jacquemyns. - Il me semble d'autant plus nécessaire que le bureau nomme dès aujourd'hui. Car, je suppose qu'un membre de la minorité soit empêché d'assister aux travaux de la commission, il pourrait se faire que, par suite de la nomination qui aurait été faite des membres suppléants, ce fût un membre de la majorité qui remplaçât dans la commission ce membre de la minorité. (Interruption.)
M. le président. - Le bureau comprend sa mission dans le sens que voici : c'est qu'il désignera pour chaque membre un suppléant.
M. Coomans. - C'est ainsi que je l'ai entendu.
M. le président. - Chaque membre aura son suppléant. Ainsi, un membre de la minorité devra être remplacé, le cas échéant, par un membre de la minorité.
Il est évident que le bureau étant chargé d'une mission très importante et toute d'impartialité, la remplira dans des conditions d'impartialité complète.
La Chambre entend-elle que le bureau remplisse cette mission, avant qu'elle se sépare ?
M. Carlier. - Avant que le bureau se sépare. Les quatre secrétaires n'habitant pas Bruxelles, il peut arriver que plus tard ils soient absents.
M. Vilain XIIII. - Je crains que l'engagement que prendrait le bureau de nommer dès demain n'empêche M. le président de s'entendre officieusement avec M. le président du Sénat. Or, il serait peut-être utile pour la bonne composition de la commission que M. le président de la Chambre et M. le président du Sénat s'entendissent officieusement.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Qu'on s'en rapporte au bureau. (Adhésion.)
M. le président. - La discussion continue sur le paragraphe 3 de l'article premier
« Pour l'approfondissement du canal de Gand à Bruges, un million trois cent quarante mille francs (1,340,000 fr.). »
La parole est à M. le ministre des travaux publics.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - J'ai demandé hier la parole, mais si des membres se proposent d'attaquer le crédit, je demande que la parole leur soit accordée pour ne pas devoir parler deux fois.
M. E. Vandenpeereboom. - Je n'ai que deux mots à dire.
On a toujours argumenté comme si la section centrale entière avait voté contre cet article. J'ai voté en section centrale pour le crédit et je vais en donner le motif.
J'ai fait valoir en section centrale à peu près les mêmes motifs que ceux qu'a fait valoir hier l'honorable M. Devaux, et j'ai ajouté ceci : c'est que précisément vous venez de prévoir, par un article adopté, qu'il pourrait y avoir interruption de la navigation de l'Escaut ; eh bien, dans cette éventualité, le canal de Bruges à Gand recevrait les navires venant de la mer.
Je voulais seulement constater, messieurs, que la section centrale n'avait pas été unanime pour le rejet de ce paragraphe.
M. d'Hoffschmidt. - Messieurs, la section centrale propose le rejet du crédit ; elle s'appuie sur ce que l'utilité des travaux est contestée, mais elle n'indique pas les motifs de cette opposition.
Je désirerais les connaître. L'honorable rapporteur vient de nous dire qu'il est favorable au crédit proposé par le gouvernement, mais je suppose que la majorité qui a rejeté le crédit est représentée en ce moment dans la Chambre, et qu'elle pourrait, par conséquent, nous faire connaître ces motifs.
Je crois, messieurs, qu'il ne faut pas donner à la proposition de la commission centrale la portée qu'on lui donnait hier, c'est-à-dire qu'il s'agirait de décider dès aujourd'hui qu'on ne terminera pas l'approfondissement du canal de Bruges à Gand ; si telle devait être la portée de la proposition de la section centrale, je la combattrais. Mais la section centrale a voulu, sans doute, déclarer que ce travail ne serait pas compris dans le projet actuel ; ce serait une espèce d'ajournement. On a ajourné hier le chemin de fer de Bruxelles à Louvain, il en serait de même du canal de Bruges à Gand si la proposition de la commission centrale était adoptée.
Je ne crois pas, messieurs, que nous soyons obligés de décréter par le projet actuel tous les travaux déjà commencés ; s'il était bien reconnu comme le croit la section centrale qu'il y a plus d'urgence à appliquer le crédit dont il s'agit à d'autres travaux déjà commencés, par exemple à l'amélioration de la navigation de la Meuse, ce serait évidemment une raison d'ajourner.
Quoiqu'il en soit, messieurs, je le répète, je désire connaître les motifs sur lesquels la section centrale s'appuie pour proposer le rejet et j'attendrai ses explications avant de me prononcer.
M. E. Vandenpeereboom, rapporteur. - Effectivement, messieurs, mon rapport ne présente pas tous les développements que j'aurais pu lui donner, si l'on m'avait laissé un peu plus de temps ; mais la Chambre me le pardonnera, quand elle saura que je n'ai eu que deux jours pour faire mon travail.
L 'honorable M. d'Hoffschmidt dit que les idées de la majorité ne sont pas exprimées dans le rapport ; vous avez vu, messieurs, que sur (page 255) la plupart des paragraphes j'ai été très bref ; j'ai tâché de dire les choses, sans beaucoup de phrases ; cependant si l'honorable M. d'Hoffschmidt avait voulu lire un peu plus loin, il aurait vu ces considérations :
« S'il est reconnu qu'on a fait une faute en votant ce travail, mieux vaut appliquer les fonds nécessaires pour l'achever, à des entreprises notoirement utiles, que d'aggraver l'erreur commise, en y consacrant de nouveaux fonds. »
C'est dire, en peu de mots, que la majorité de la section centrale a reconnu l'inutilité de consacrer de nouveaux fonds à cet ouvrage et qu'elle a pensé qu'il valait mieux employer les crédits qu'on y destinait à d'autres travaux.
En deux mots, messieurs, la section centrale a cru que le travail dont il s'agit n'est pas assez utile pour y consacrer les fonds demandés et qu'il vaudrait mieux les appliquer à d'autres entreprises.
M. Coppieters 't Wallant. - Messieurs, la décision prise par la section centrale m'oblige à demander à la Chambre de m'accorder quelques instants de bienveillante attention. Je crois, messieurs, qu'il est important que les nouveaux membres de l'assemblée soient parfaitement renseignés sur cette question.
En 1851, lorsque le gouvernement a présenté ce qu'on appelait la grande loi de travaux publics, il y avait pour l'exécution des travaux compris dans le paragraphe qui précède et dans celui qui nous occupe, deux projets en présence : il y avait un projet formulé par l'ingénieur en chef de la Flandre orientale et un autre projet formulé par l'ingénieur de la Flandre occidentale.
Le premier consistait à exécuter un canal direct de dérivation vers la mer ; par le second on proposait, pour atteindre le même but, la dérivation des eaux surabondantes de la Lys, d'utiliser le canal de Gand à Bruges en l'approfondissant dans l'intérêt de la navigation et de diriger ensuite les eaux surabondantes de Bruges vers la mer par les localités les plus favorables pour pouvoir déverser vers la mer les eaux surabondantes des localités qui depuis longtemps étaient également exposées à de périodiques inondations. On voulait même aller vers Blankenberghe et profiter de la circonstance pour faire le port de refuge dont il sera question tout à l'heure.
Vous comprenez déjà, messieurs, que le projet de l'ingénieur de la Flandre occidentale avait un double but, et en cela il avait un avantage sur celui de son collègue de la Flandre orientale ; tout en déversant les eaux surabondantes dans la mer, il donnait de grandes facilités à la navigation. On se plaignait alors que le canal de Gand à Bruges ne pouvait même plus servir à la navigation ordinaire, à la navigation charbonnière.
Je me rappelle, messieurs, qu'au moment où l'on discutait le projet de loi de 1851, on signalait que plus de 20 bateaux chargés de charbon se trouvaient arrêtés dans le canal, empêchés de continuer leur route par suite du mauvais état du canal et surtout du manque d'eau. De part et d'autre on défendait avec conviction et avec persistance les projets des deux ingénieurs.
La Flandre occidentale surtout crut que l'adoption du projet de M. l'ingénieur de la Flandre orientale aurait été désastreuse pour la Flandre occidentale, et on était tellement unanime à cet égard, que le conseil provincial tout entier, et par suite la députation permanente, le gouverneur en tête, se joignirent aux instances des administrations communales de Bruges et d'autres localités intéressées pour obtenir l'adoption du projet présenté par l'ingénieur de la Flandre occidentale. En présence de la difficulté, qui était réelle pour le gouvernement, le gouvernement proposa aux deux provinces intéressées un moyen de se mettre d'accord et le gouvernement introduisit dans le projet de loi un amendement par lequel il fut accordé un crédit de 2,500,000 fr. pour la continuation du canal de Deynze à Schipdonck vers la mer du Nord et un crédit d'un million pour l'approfondissement et la rectification du canal de Bruges à Gand.
Il résulte, messieurs, de ces faits, qu'il intervint alors et par le fait du gouvernement et par le fait de la Chambre une espèce de transaction entre les deux provinces. Cette transaction a toujours été respectée, et dans les différentes circonstances où il s'est agi de poursuivre les deux travaux, ou a cherché, autant que possible, à les faire marcher parallèlement.
Il s'est agi, messieurs, à des époques différentes, de ces projets. Comme je vous le disais tantôt, par la loi du 20 décembre 1851, il avait été accordé un premier crédit par le canal de Deynze à Schipdonck de 2,500,000 francs et un crédit de 1,000,000 de francs pour l'approfondissement du canal de Gand à Bruges. En 1855 le gouverneur présenta un projet de loi qui contenait un crédit de 1,200,000 francs pour la continuation des travaux du canal de Deynze à Schipdonck.
Rien alors n'était proposé pour le canal de Gand à Bruges. Le rapport de la section centrale chargée de l'examen de ce projet de loi, présenté par l'honorable M. Van Hoorebeke, exprimait le vœu que le gouvernement comprît dans le projet de loi de travaux publics dont la législature devrait être ultérieurement saisie, l'achèvement de l’approfondissement du canal de Gand à Bruges et l'exécution des promesses faites en ce qui concerne le canal de dérivation de la Lys. « Ce double travail décrété d'utilité publique en 1851, ajoutait le rapporteur, se trouvera par l'insuffisance des crédits forcément suspendu vers la fin de l'année courante. » Ce résultat, quant au canal de Schipdonck notamment, est regrettable.
Dans la discussion de ce projet de loi, les représentants de l'arrondissement de Bruges, notamment, firent remarquer que le gouvernement, en ne proposant pas un crédit pour continuer l'approfondissement du canal de Gand à Bruges, oubliait une partie de ses promesses. Je m'étais, dans cette séance, rendu l'organe de ces plaintes, et M. le ministre des travaux publics, M. Dumon, répondant aux reproches que je lui faisais à cet égard, disait :
« L'honorable membre ne doit pas perdre de vue qu'il s'agit d'arriver en même temps à la fin de l'un et de l'autre travail ; or, pour le canal de Bruges, les ouvrages les plus importants sont terminés, c'est la construction de deux grandes écluses et d'un grand bassin, avec quais en maçonnerie, d'un siphon et de trois ponts, etc. L'honorable membre peut être assuré que l'intention du gouvernement, comme celle du pouvoir législatif, est de mener ces travaux en même temps à bonne fin. »
Vous voyez donc, messieurs, qu'il y avait là un engagement formel, et du gouvernement et de la Chambre, qui n'a pas désavoué les paroles du ministère.
De plus, l'honorable M. Van Hoorebeke, prédécesseur de M. Dumon au département des travaux publics, amené à faire connaître quelles avaient été ses intentions, s'exprimait en ces termes :
« J'avais mis sur la même ligne les travaux d'approfondissement du canal de Bruges et l'achèvement du canal de Deynze à Schipdonck, ces travaux étant le produit d'une même pensée ; l'expression d'une transaction entre deux provinces, il était assez juste qu'ils marchassent parallèlement et qu'en demandant des crédits pour l'un on en demandât pour l'autre. »
M. le ministre des travaux publics intervint de nouveau et fit cette déclaration :
« Je dois dire de plus que la prochaine demande de crédits comprendra, non seulement ceux relatifs à la dérivation de la Lys, mais encore des travaux auxquels l'honorables M. Coppieters et l'honorable M. Sinave portent un intérêt légitime. »
Voilà donc, messieurs, ce qui se passa en 1855.
En 1856, le gouvernement présenta un nouveau projet de loi pour poursuivre l'exécution de ces deux travaux ; il demanda un crédit de 1,754,000 fr. pour le canal de Deynze à la mer du Nord, et un crédit de 550,000 fr. pour le canal de Bruges à Gand.
Voici, messieurs, comment les choses se passèrent alors : M. Van Hoorebeke était de nouveau rapporteur de la section centrale. Il résulte de son rapport que l'utilité du crédit de 550,000 fr., ne fut pas contestée et que même deux sections en demandèrent l'augmentation. En section centrale, dit le rapporteur, le projet de loi n'a point provoqué de discussion sérieuse. Il est du reste à remarquer que les crédits mentionnés dans ce projet doivent être affectés à des travaux sur le caractère d'utilité desquels la législature a eu à se prononcer à plusieurs reprises. « La section centrale ne peut persister dans le vœu qu'elle exprime au gouvernement de voir imprimer aux divers travaux compris dans la loi de 1851, une impulsion énergique et continue en ce qui concerne l'approfondissement du canal de Gand à Bruges. Un membre (M. Van Hoorebeke) se fondant sur les réponses du gouvernement, reproduit et défend la proposition votée par la section centrale. »
Cette proposition avait pour but de porter le crédit de 550,000 francs à un million ; elle était motivée sur les engagements pris et sur la nécessité de continuer activement le travail.
Cet amendement fut présenté à la séance du 19 février 1856 ; le gouvernement s'y étant rallié, il fut adopté par la Chambré à la presque unanimité.
Et chose à remarquer, c'est que les deux seuls membres qui s'abstinrent motivèrent leur abstention, en disant qu'ils n'avaient pas voté contre le projet de loi, parce qu'ils reconnaissaient que les crédits dont il s'agissait étaient destinés à l'exécution de travaux d'une utilité incontestable et décrétés par la loi.
En 1858 la Chambre eut à s'occuper de nouveau d'un projet de loi portant demande de crédits pour la continuation de ces mêmes travaux.
En section centrale cette demande ne souleva pas la moindre objection ; au contraire la section centrale fut unanime pour engager le gouvernement à augmenter les crédits et les allocations furent respectivement fixées à 1,300.000 fr. pour le canal de Deynze à Schipdonck, et à 700,000 fr. pour le canal de Bruges à Gand.
Le rapporteur désigné par la section centrale pour défendre ces propositions fut l’honorable M. Jacquemyns.
Produites dans les Chambres, les propositions y reçurent un assentiment unanime ; et chose à noter, c'est que parmi les membres qui, au mois de mars 1858, reconnurent l'utilité de l'un et de l'autre de ces travaux, la nécessité de les faire marcher parallèlement, se trouvèrent, à l'exception de M. de Gottal qui ne siégeait pas alors dans cette enceinte, tous les membres de la section centrale actuelle, y compris l'honorable M. Coomans ; et tous ces honorables membres voteront à l'unanimité, non pas seulement le crédit demandé par le gouvernement, mais les augmentations proposés par la section centrale.
Quelques mois plus tard (en mai 1858) le gouvernement comprit les crédits pour le complet achèvement du canal de Deynze à la mer et des travaux d'approfondissement du canal de Gand à Bruges dans (page 256) un projet de loi portant exécution de divers travaux d'utilité publique ; ce fut lors de l'examen de ce projet de loi en sections que les crédits dont il s'agît rencontrèrent-pour la première fois une légère opposition. Toutefois cette opposition ne se reproduisit point en section centrale, et les crédits furent adoptés par l'unanimité des membres de cette section, dont quelques-uns font encore partie de la section actuelle.
Eh bien, comment se fait-il qu'à un si petit intervalle on change complétement d'opinion, et que l'on vienne soutenir qu'un travail proclamé à diverses reprises comme éminemment utile par la presque unanimité de cette Chambre et qui a déjà absorbé un capital de 2,700,000 francs, a perdu tout caractère d'utilité, et loin d'être promptement achevé, devrait être entièrement abandonné ?
Comment un changement si soudain s'est-il opéré ? Je ne veux pas dire une chose désobligeante pour un honorable collègue, mais je ne puis me dispenser de prendre acte de quelques paroles qui sont échappées dans la séance d'hier à l'honorable M. Coomans. L'honorable membre, qui fait partie de la section centrale, nous a laissé entendre qu'il préférait aux travaux du canal de Gand à Bruges d'autres travaux plus utiles à la province d'Anvers et notamment à l'arrondissement de Turnhout.
Cette préférence de l'honorable membre est toute naturelle ; je comprends que l'honorable membre se prononce en faveur du travail auquel il a fait allusion et pour lequel je dois faire remarquer qu'il n'y a ni devis, ni appréciation ; mais je comprendrais plus difficilement que la Chambre voulût le seconder dans cette voie.
A ce propos je dois témoigner un regret de la marche adoptée par la section centrale cette année-ci. L'année dernière quelques membres tentèrent également d'introduire de nouveaux travaux dans le projet du gouvernement ; le canal de St-Job était du nombre ; mais la section centrale reconnut qu'elle n'avait pas le droit d'introduire de nouvelles propositions dans le projet présenté par le gouvernement.
Ce fait résulte textuellement du rapport de l'honorable M. Vandenpeereboom ; cette appréciation ne fut alors contestée par personne.
Cette année-ci, la section centrale a trouvé que certains travaux proposés par le gouvernement n'avaient pas un degré suffisant d'utilité et y a substitué d'autres travaux dont l'étude est loin d'être complète.
Quelle est la position que cette manière d'agir fait aux membres de la Chambre, opposants ou adoptants ? Evidemment, les personnes qui ne connaissent pas aussi bien que nous les sentiments qui animent les membres de cette Chambre pourront se dire : Il n'est pas étonnant que l'approfondissement du canal de Gand à Bruges soit repoussé par la majorité de ses membres, qui n'appartient pas aux Flandres ; il n'est donc pas étonnant que les travaux particulièrement utiles à ces provinces aient été repoussés pour être remplacés par d'autres.
Si, messieurs, ce que je ne crois pas, mais c'est une hypothèse qu'il peut être utile de discuter ; si, par impossible, le crédit demandé pour le canal de Gand à Bruges était rejeté et si plus tard nous votions contre une demande de crédit qui serait faite pour le canal de St-Job, peut-être serions-nous, à notre tour, exposés à l'accusation d'avoir usé de représailles et de n'avoir été déterminés dans notre vote que par la décision antérieure qui aurait été prise à l'égard du canal de Gand à Bruges.
Eh bien, messieurs, une telle supposition serait extrêmement fâcheuse, et je crois que nous n'y serions pas exposés si la section centrale avait agi comme l'a fait la section centrale de l'année dernière, c'est-à- dire si elle avait examiné les crédits en eux-mêmes et n'avait point repoussé certains travaux, pour y substituer des travaux d'une autre nature qui, j'en suis persuadé, n'ont aucune chance d'être adoptés.
Messieurs, je ne veux pas prolonger cette discussion ; la Chambre est pressée d'en finir. Je crois pouvoir me résumer.
Il résulte de ce que je viens de dire qu'il y a engagement pris de par la Chambre de conduire l'exécution du canal de Gand à Bruges parallèlement à celle du canal de Schipdonck. Déjà, sous ce rapport, nous aurions à nous plaindre. Nous espérons donc que la Chambre n'augmentera pas le dommage que nous avons eu à subir en reculant jusqu'à une époque indéterminée l'achèvement de travaux qui sont en voie d'exécution et qui, de même que tous les travaux de cette nature, ne peuvent produire aucun fruit avant qu'ils soient complétement terminés.
Les honorables membres qui ont ouvert cette discussion ont essayé de contester ce que précédemment la législature a reconnu à plusieurs reprises, c'est-à-dire, l'utilité des travaux qu'il s'agit de continuer ; je ne les suivrai pas sur ce terrain, mais il est un argument que je dois nécessairement rencontrer. On a dit que le canal de Gand à Bruges ne produit pas grand-chose ; que les frais d'entretien sont beaucoup plus considérables que les produits.
Eh bien, messieurs, je demanderai à mes honorables adversaires si, parce que certaines voies navigables ne produisent pas autant que d'autres, il ne faut pas y faire les travaux d'amélioration qui sont reconnus indispensables. Je leur demanderai, de plus, si ce fait est unique, si aucune autre voie navigable ne se trouve dans le même cas.
Car, messieurs, le canal de Maestricht à Bois-le-Duc coûte 90,000 fr. de plus qu'il ne rapporte ; les canaux auxquels l'honorable M-Coomans s'intéresse particulièrement laissent un déficit de 60,000 francs ; la Meuse est en déficit de 165,000 fr. ; la Dendre, de 10,000 fr. ; la Dyle et le Demer, de 40,000 fr. ; et ainsi de suite.
Mais, messieurs, pourquoi le canal de Gand à Bruges est-il en déficit ? Mais, notamment parce que les péages y sont très faibles ; parce que, d'un autre côté, il n'est pas dans les conditions de navigabilité voulues pour produire tout ce qu'il peut. Or, le crédit demandé a précisément pour objet de le mettre dans ces conditions ; de sorte que votre argument tombera par l'application même du crédit demandé.
J'espère donc, messieurs, que la Chambre ne voudra pas poser ici un acte qu'aucun de nous ne voudrait poser dans la vie privée ; c'est-à-dire qu'elle ne voudra pas méconnaître un engagement qu'elle a solennellement pris et qu'au contraire elle s'empressera de mettre le gouvernement à même de terminer promptement un travail qui est en voie d'exécution depuis 1851.
M. A. Vandenpeereboom renonce à la parole.
M. Manilius. - Après le discours si concluant de l'honorable M. Devaux, après la démonstration qu'a faite l'honorable membre de la nécessité absolue de continuer des travaux décrétés depuis 8 ans et envoie d'exécution, il me semblait que la discussion était épuisée et qu'elle ne se serait pas prolongée davantage. Il n'en a pas été ainsi cependant ; on a demandé à la section centrale quels sont les motifs qui ont déterminé sa résolution, et l'honorable M. Coppieters s'est chargé, cette fois, de réfuter les raisons qu'on a alléguées contre la nécessité parfaitement démontrée aujourd’hui d'achever le plus tôt possible les travaux commencés depuis si longtemps.
J'abandonne donc cette question et j'attendrai qu'elle soit de nouveau soulevée pour la discuter à mon tour ; j'attendrai qu'on attaque d'une manière réellement virile le crédit pétitionné et non pas par des raisons sous lesquelles se dissimule assez mal le désir de s'approprier les dépouilles qu'on sera parvenu à enlever à autrui.
Je dirai seulement, messieurs, quant aux produits du canal de Gand à Bruges, que s'ils ne sont pas plus importants, c'est d'abord parce qu'il avait besoin d'être approfondi ; l'année dernière il n'y a pas eu de navigation du tout parce que les travaux de Schipdonck l'ont empêché.
Mais, messieurs, les navires qui n'ont pu se rendre à Gand par cette voie ont dû y venir par l'Escaut et le canal de Terneuze et ont donné lieu au remboursement d'un péage d'un fl. 50 cents par tonneau au détriment du trésor public.
Voilà, messieurs, ce que produit ce canal non achevé. Or, dès l'instant où les travaux seront achevés, la navigation y deviendra beaucoup plus active que sur le canal de Terneuzen ; nous verrons alors les navires entrer dans le port d'Ostende. Or, messieurs, voulez-vous avoir une idée de l'économie qui en résultera pour le trésor ? On compte aujourd'hui de 300 à 400 navires, jaugeant ensemble environ 50,000 tonneaux qui entrent annuellement dans le port de Gand.
Eh bien, à raison de 1 fl. 50 par tonneau, cela fait 75,000 florins que le trésor public doit payer actuellement et qu'il ne devra plus payer dès le jour où le canal de Gand à Bruges se trouvera dans des conditions de navigabilité convenables.
Et, messieurs, qu'on ne dise pas que le port d'Ostende est mauvais ; le cabotage s'y fait aussi bien que partout ailleurs, et s'il n'y entre pas plus de navires, c'est précisément parce que ceux qui ont un chargement pour l'intérieur, notamment pour le port de Gand, ne peuvent pas se servir du canal pour l'approfondissement duquel un nouveau crédit est demandé aujourd'hui. Des 300 à 400 navires qui nous arrivent par Terneuzen, il y en a au moins 250 qui entreraient désormais par le port d'Ostende.
Les détails dans lesquels l'honorable M. Coppieters est entré sous ce rapport me dispensent d'en fournir de nouveaux et d'insister davantage sur ce point.
Qu'il me soit permis seulement de faire remarquer en terminant, que chaque fois, pour ainsi dire, que des propositions sont faites en faveur des provinces flamandes, ces propositions rencontrent toujours le même refus ; et quels sont, messieurs, les membres qui viennent habituellement s'y opposer ? Ce sont ceux précisément qui, obtenant le plus, veulent encore accaparer la part d'autrui. Cela n'est pas généreux et je suis convaincu que la Chambre ne s'associera jamais à un pareil sentiment.
M. Coomans. - La Chambre voudra bien reconnaître que c'est une question assez importante pour faire l'objet d'une discussion approfondie et que des motifs assez graves plaident en faveur de l'opinion de la section centrale. Il y aurait beaucoup de choses à répondre au discours de l'honorable préopinant ; je me bornerai aux essentielles et je repousserai d'abord un bien mauvais reproche qu'il a lancé, soit à moi, soit à quelques autres membres de la section centrale.
M. Manilius. - Je n'ai nommé personne.
M. Coomans. - C'était assez clair. L'honorable membre a prétendu que les membres de la section centrale avaient voulu dépouiller les arrondissements qui n'étaient pas représentés dans son sein au profit de ceux qu'ils représentaient eux-mêmes.
M. Manilius. - Il y a bien quelque chose de cela.
M. Coomans. - Il n'en est rien du tout, et l'étrange supposition que vous faites me prouve que les sentiments que vous m'attribuez à tort seraient au besoin les vôtres.
Sur l'article en question, il y a eu désaccord dans la section centrale ; pour presque tous les autres votes la section a été unanime.
M. Coppieters 't Wallant. - Pas pour tous.
M. Coomans. - J’ai dit pour presque tous. L'unanimité de nos votes suffit pour repousser le reproche d'égoïsme qui nous a été adressé.
La section centrale se trouvait en présence d'une somme de 90 millions à dépenser. Elle a cru qu'elle avait à choisir les travaux les plus utiles pour y appliquer cette somme ; ceux qui ont paru seulement d'une utilité secondaire, elle les a écartés ou plutôt ajournés.
Voilà le principe qui nous a guidés ; on doit en tenir compte et le trouver raisonnable ; pour apprécier notre conduite on doit se placer à notre point de vue. Nous n'avons pas nié, et je prends ici ma défense personnelle autant que celle de la section centrale, nous n'avons pas nié l'utilité absolue des travaux proposés par le gouvernement et non accueillis par nous, mais nous nous sommes dit qu'il y avait des travaux plus utiles, plus nécessaires et plus urgents que ceux-là, et nous les avons naturellement substitués les uns aux autres. C'est à ce point (page 266) de vue qu'il faut se placer quand on discute un grand ensemble de travaux publics.
J'arrive maintenant à l'article qui nous occupe.
Il est vrai qu'en 1851 la Chambre a voté un million pour l'approfondissement du canal de Bruges à Gand, mais en 1851, sur ce point comme sur bien d'autres, Chambre s'était laissée aller à voter de confiance.
Il s'agissait en quelque sorte d'une expérience à faire sur ce canal
M. Coppieters 't Wallant. - Tout avait été discuté, et longuement.
M. Coomans. - Non pas, car il n'y avait pas de devis et nul n'a ait osé nous parler d'une dépense de 8,000,000 de fr. Un tel chiffre aurait certainement été repoussé.
J'arrive maintenant au point essentiel, et ici j'expliquerai à M. Manulius comment le vote que la Chambre a émis en 1851, peut être modifié par elle cette année sans la moindre inconséquence.
C'est qu'il est démontré que le travail qui nous est présenté est inutile, inefficace au point de vue même où se placent les députés de Bruges.
Il est reconnu que le canal se trouvant construit dans des sables, à mesure qu'on l'approfondit, s'ensable encore. Voilà qui est très grave. On doit approfondir surtout le canal dans les parties sablonneuses, et plus on les approfondit, plus elles s'ensablent par un phénomène de physique que je n'ai pas à expliquer.
Je vous le demande, est-il raisonnable, parce qu'il y a huit ans nous avons voté un million pour faire l'expérience de l'approfondissement de ce canal, est-il raisonnable de prétendre qu'il faille compléter la dépense et achever coûte que coûte ce travail, alors que l'expérience a démontré qu'il est inutile et ne peut pas amener le résultat qu'on avait en vue. Il n'est jamais trop tard pour réparer une sottise (Interruption) ou une faute, si vous l'aimez mieux.
En premier lieu, il est prouvé que vous ne ferez jamais rien de bon en construisant un canal de navigation maritime de Bruges à Gand ; mais en supposant que vous puissiez faire arriver les navires de mer de Bruges à Gand, iriez-vous dépenser pour cela cinq à six millions en présence du canal de Terneuzen, qui suffit aux besoins du port de Gand ? Il s'agit de savoir s'il n'y a pas un meilleur emploi à faire de cette somme.
M. Manilius soutient le projet ; mais je me demande quel intérêt il y trouve, car que lui importe à lui, député gantois, que les navires de mer arrivent à Gand par la porte de Bruges plutôt que par la porte d'Anvers ; cela doit lui être parfaitement indifférent
Disons-lui la vérité : il ne verra jamais arriver par Ostende les navires dont il nous parle. La plupart de ces navires continuent d'arriver à Gand par la Hollande. Ils sont la plupart hollandais, ils prennent et ils prendront toujours le canal de Terneuzen et du Sas parce qu'il est plus facile, plus commode et plus économique ; ils ne changeront pas de route quand vous aurez approfondi le canal de Gand à Bruges. La navigation d'un grand fleuve comme l'Escaut est infiniment plus facile que ne le sera celle de votre canal, et les frais seront moindres également.
M. Manilius. - Le canal de Terneuzen n'est pas assez profond.
M. Coomans. - Eh bien, si vous voulez approfondir un canal, approfondissez celui-là, il a sa raison d'être, il est excellent.
On m'objectera les péages de l'Escaut. Eh bien, supprimez le remboursement des péages de l'Escaut pour les navires hollandais ; je n'ai jamais compris l'obligation de payer des péages en faveur du pavillon de la nation qui les empoche.
M. Manilius. - Vous êtes dans le vrai.
M. Coomans. - Je suis heureux de me rencontrer au moins sur un point avec l'honorable membre : sur ce point je suis dans le vrai, dit-il ; je le suis aussi sur tous les autres points.
II n'est donc pas vrai que lorsqu'en 1851 la Chambre a voté un million pour l'approfondissement du canal de Gand à Bruges, on lui a dit la vérité et que la dépense devait s'élever à cinq ou six millions. Aujourd'hui le gouvernement nous dit que son chiffre est exact et ne sera pas dépassé.
Oserait-il nous le garantir ? Cela lui serait bien difficile à cause de l'ensablement continuel du canal.
M. Manilius. - C'est une chimère.
M. Coomans. — Hélas ! le sable n'est une chimère pas plus là que dans la Campine.
Ce que nous avons voulu, c'est faire un bon usage des deniers publics, c'est proposer les dépenses les plus utiles, sauf après à revenir sur celles d'une utilité secondaire.
Le gouvernement a déjà ajourné le chemin de Bruxelles à Louvain ; il me semble qu'il n'y a pas grand inconvénient à ce qu'on ajourne aussi l'article qui nous occupe. Jamais l'ajournement n'aura été mieux appliqué, ne fût-ce que pour examiner la question de l'ensablement du canal qui est des plus graves, au dire même des hommes du métier.
Croyez-vous que la majorité des membres de la section centrale qui se sont prononcés pour l'ajournement aient agi à la légère ? Croyez-vous qu'ils ne se sont pas entourés de certaines lumières, qu’ils n’ont pas pris des renseignements même auprès des hommes compétents ? Ces hommes compétents, nous ne les avons pas pris dans les provinces wallonnes, comme semble l'insinuer l'honorable M. Manilius ; c'est dans la Flandre même que nous avons puisé nos renseignements, et c'est là que des hommes compétents nous ont dit que si cette dépense n'était pas complétement inutile, elle ne valait certainement pas le prix qu'on y mettait.
Un dernier mot, car je regrette d'avoir à répondre à des imputations pareilles.
Les deux honorables préopinants se sont plaints de ce que la Flandre occidentale ait été sacrifiée. Eh bien, je me borne à faire une déclaration pour laquelle je demande pardon aux honorables membres ; mais je trouve que cette province n'a pas été sacrifiée dans la répartition des ressources du budget.
On a beaucoup parlé de la province de Liège qui, je l'avoue, a eu quelquefois la part du lion ; mais la Flandre occidentale n'a pas eu à se plaindre non plus, et elle a quelquefois joué le rôle du lion. Je ne veux pas démontrer cela.
M. Coppieters ’t Wallant. - M. le ministre a avoué hier que la Flandre occidentale avait reçu moins que toutes les autres provinces.
M. Coomans. - Je vais répondre immédiatement à l'interruption, puisque la question est portée sur ce terrain. Je dirai que la province d'Anvers n'a certainement pas reçu la moitié, n'a pas reçu le tiers de ce qu'a eu la Flandre occidentale, à moins que vous ne considériez comme un don fait à la province d'Anvers les 50 millions que vous allez consacrer aux fortifications d'Anvers. Mais je ne regarde pas ces millions comme tels ; et si l'honorable M. Coppieters veut prendre ces 50 millions pour fortifier Bruges ou Ostende, pour ma part, comme député de la province d'Anvers et de la Belgique entière, je les lui accorderai tout de suite, même avec un supplément.
(page 256) M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Je constate que je m'étais proposé de renoncer à la parole pour ne pas prolonger cette discussion, et que ce sont les observations que vient de faire l'honorable M. Coomans qui m'obligent à entrer un instant dans le débat.
Messieurs, l'honorable M. Devaux a le premier parfaitement posé la question. Ce qu'on demande aujourd'hui à la Chambre, c'est de se déjuger, c'est de dire aujourd'hui exactement le contraire de ce qu'elle a dit dans trois sessions précédentes, c'est de dire aujourd'hui qu'une chose est inutile à laquelle on a déjà consacré des millions.
Eh bien, je dis que la Chambre ne suivra pas la section centrale dans cette voie. J'ai l'intime conviction que la Chambre croirait une pareille conduite indigne d'elle.
L'honorable député de Turnhout dit qu'il s'agit de millions. C'est une erreur. Il ne s'agit plus de millions. Le travail entier doit coûter 4,800,000 fr. Sur ces 4,800,000 fr., 2,700,000 sont votés et dépensés. Vous auriez beau refuser aujourd'hui votre sanction à la proposition du gouvernement, il n'en est pas moins vrai que ces 2,700,000 fr. sont dépensés.
(page 257) Il s'agit encore de 2 millions. Il ne s'agit plus même de 2 millions. Car dans les 2,100,000 fr. demandés par le gouvernement figurent 450,000 fr. pour la branche de raccordement du canal de Bruges à Gand avec le bassin de cette ville. La dépense afférente à l'élargissement du canal de Bruges à Gand est simplement de 1,653,000.
La question est donc de savoir si, malgré les votes antérieurs sur lesquels je reviendrai à l'instant, la Chambre doit aujourd'hui refusée un dernier crédit de 1,635 000 fr., au risque de stériliser ou plutôt avec la certitude de stériliser les 2,700,000 fr. qu'elle a votés antérieurement et qui sont, je le répète, dépensés.
Voilà comment je présente la question.
L'honorable M. Coomans dit que la section centrale s'est posée au point de vue de l'utilité comparative des différents travaux qu'on pouvait réclamer pour le pays. Cela n'est pas tout à fait exact, si j'en crois le rapport émané de la section centrale.
Il me semble qu'entre la position prise par la section centrale dans son rapport et la position que prend aujourd'hui l'honorable M. Coomans, il y a une nuance très importante qu'il s'agit de noter.
L'honorable M. Coomans parle d'utilité comparative, ce qui laisserait peut-être quelque espoir aux intéressés de recevoir satisfaction dans un avenir indéterminé. Au contraire, comme le rapport est formulé, l'utilité de ce travail est condamnée d'une manière absolue. Voici ce que je lis dans le rapport : « En section centrale, l'utilité de continuer cet approfondissement a été fortement contestée. S'il est reconnu qu'on a fait une faute en votant ce travail, mieux vaut appliquer les fonds nécessaires pour l'achever, à des entreprises notoirement utiles, que d'aggraver l'erreur commise en y consacrant de nouveaux fonds/ »
Ainsi, en section centrale, les trois membres (car il ne s'agit que de trois membres), qui ont voté la suppression de ce crédit, ont pensé que cette dépense s'appliquait à un travail qui constituait une faute.
L'honorable M. Coomans s'est servi d'un mot plus fort, il a trouvé que c'était une « folie ». Ainsi, implicitement la section centrale, ou pour parler plus exactement, les trois membres de la section centrale proposent à la Chambre de décréter par un vote négatif que les votes de 1851, de 1856 et de 1858 constituent des « actes de folie ».
J'avais bien raison de dire que la Chambre ne se rallierait pas à cette manière de voir.
Comment, messieurs, la question s'est-elle présentée en 1851 ?
L'honorable M. Coppieters vous en a fait l'historique ; mais il aurait pu et dû remonter plus haut. Ce n'est pas seulement en 1851 qu'il s'est agi de ce travail. Déjà depuis cent ans, il s'agit d'approfondir et d'élargir le canal de Bruges.
M. Coomans. - Il y a cinq cents ans même.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Ceci est difficile ; je crois qu'il n'existait pas ; mais enfin laissons ce détail.
Sous le régime autrichien, des réclamations ont été adressées au gouvernement à l'effet d'obtenir l'approfondissement du canal de Bruges et le gouvernement autrichien a fait accueil à ces démarches. Il y a fait si bon accueil que dans la traverse de Bruges, certains travaux ont été exécutés comme commencement du plan d'ensemble qui avait été conçu.
Sous le consulat, les mêmes réclamations se sont produites et ont été également accueillies. Un commencement d'élargissement a également été fait dans la traverse de Bruges. On a construit des écluses.
Sous le gouvernement hollandais, les mêmes réclamations se sont encore produites de la manière la plus persistante, et vers la fin du régime hollandais, il était encore convenu que le travail se ferait.
C'est avec ces antécédents que la question s'est présentée devant la Chambre en 1851.
En 1851, il y avait un double intérêt à satisfaire.
Il y avait un intérêt séculaire que la Flandre occidentale n'a pas cessé de faire valoir d'abord. La ville de Gand avait l'intérêt qu'avait la Flandre occidentale, l'intérêt d'un canal à grande section entre les chefs-lieux des deux provinces, mais elle avait, en outre, un intérêt dominant, l'intérêt de l'écoulement de ses eaux par la dérivation des eaux de la Lys. Eh bien, cet intérêt étant dominant, on a décrété simultanément les deux travaux ; on a accordé 2,500,000 francs pour le canal de Schipdonck et 1,000,000 pour l'approfondissement du canal de Gand à Bruges.
Ce dernier million a été voté à la suite d'un amendement proposé dans la discussion, par M. Rolin, qui consistait à demander 500,000 fr., pour cet objet, 2,500,000 fr. restant affectés au canal de Schipdonck et c'est un sous-amendement du gouvernement qui a porté le crédit à un million pour l'appropriation du canal de Bruges.
J'admets que la chose s'étant ainsi faite incidemment, la Chambre n'ait pas été à même de bien apprécier la portée de son vote ; mais évidemment il n'en a plus été de même lorsque, en 1856, le gouvernement a demandé un crédit spécial pour la continuation de ces travaux, et lorsque pour la seconde fois, en 1858, il a demandé par une nouvelle loi spéciale un nouveau crédit pour le même objet. Alors évidemment la Chambre a été mise à même d'examiner la question à fond. Eh bien, messieurs, pas une seule observation n'a été faite, pas une objection n'a été présentée ; je me trompe, la section centrale a trouvé que les crédits étaient trop faibles et qu'il fallait les augmenter, et la Chambre à l'unanimité a voté les crédits augmentés.
Je le demande, messieurs, peut-on, en présence d'un pareil état de choses, venir dire que le travail est inutile et qu'il faut l'écarter ?
J'attends encore, messieurs, les objections. On a bien parlé de faute ou de folie, mais on n'a pas démontré qu'il y eût faute ou folie.
On m'a demandé quels sont les avantages de ce travail. Je n'éprouve aucune difficulté à répondre directement. Il y en a de deux sortes : il y a d'abord l'avantage d'une navigation sur une grande section entre Gand et Bruges. Il n'est pas nécessaire de démontrer l'avantage qu'il y a dans une pareille navigation entre deux villes importantes, dont l'une est un centre important de consommation et l'autre un grand centre de production.
Le canal de Bruges est en communication directe avec les eaux du bassin de Gand, par conséquent si vous approfondissez le canal, vous aurez toujours le même niveau, mais vous aurez un mouillage plus considérable et la navigation s'effectuera plus facilement, surtout dans un canal où il y a eu jusqu'à présent pénurie d'eau tous les ans. Vous pourrez faire usage de bateaux plus grands et avoir, par conséquent, une économie notable sur les frais généraux.
Il y a ensuite l'avantage d'une navigation maritime entre Gand et Ostende. N'est-ce rien que cela ! D'un côté, nouvelle communication entre Gand et la mer ; d'un autre côté, affranchissement d'un péage considérable pour tous les navires en destination de Gand qui prendraient le canal de Bruges au lieu du canal de Terneuzen.
Voilà, messieurs, pour les avantages de ce travail.
Et quel moment choisit-on pour demander le rejet du crédit ? Précisément le moment où le canal devient d'une utilité flagrante à la suite de la très prochaine ouverture du canal de Bossuyt à Courtrai.
Le canal de Bossuyt à Courtrai met la Lys en communication directe avec les bassins houillers, et la construction, que nous proposons par notre projet de loi, d'une écluse à sas à Deynze met le canal de Bruges en communication avec la Lys, donc avec ces mêmes bassins houillers. Je demande si ce n'est pas aujourd'hui précisément qu'il faudrait décréter l'approfondissement du canal de Bruges, bien loin de venir le combattre.
Il s'agit ensuite, ai-je dit, de doter les Flandres d'un travail réclamé depuis un siècle, d'une grande navigation maritime entre Gand et Ostende. Cela est-il désirable ?
Mais, comme l'a dit M. Manilius, il s'agit, pour l'Etat, de réaliser une économie considérable sur le péage de l’Escaut et pour la ville de Gand d'avoir un second accès à la mer !
Et quand cette navigation pourrait-elle s'établir ?
Elle pourrait s'établir aujourd'hui par suite des dépenses considérables que l'on fait pour l'amélioration du port d'Ostende ; on va avoir dépensé deux millions pour l'écluse à sas qui doit notablement améliorer le port d'Ostende.
Cette écluse fonctionnera très prochainement et elle mettra le port d'Ostende dans une situation très convenable.
J'espère, messieurs, que ce n'est pas dans de pareilles circonstances que la Chambre voudra ratifier la proposition de rejet émanée de la section centrale.
.M. Dechamps. - L'honorable M. Manilius a demandé tout à l'heure des raisons sérieuses, ce qu'il a appelé des raisons viriles à ceux qui s'opposent à l'approfondissement du canal de Bruges à Gand. Je dirai succinctement à la Chambre les motifs qui m'empêchent de donner un vote favorable à ce projet.
D'abord j'étais, en principe, favorable à la disjonction du projet politique que nous avons voté il y a quelques jours et du projet de travaux publics.
Je croyais et je crois encore que pour conserver à ce projet politique son caractère national, il eût fallu le présenter seul, sans l'entourer de toutes ces mesures qui paraissent des calculs et qui enlèvent à un projet de défense nationale sa dignité et sa grandeur.
Le gouvernement n'a pas voulu accepter cette disposition, mais en demandant une discussion immédiate il devait vouloir une discussion sérieuse. Or, je le demande, nous avons à discuter 20 projets de lois différents presque tous d'une importance majeure, voies navigables, routes, chemin de fer et bâtiments civils, qui exigeraient, chacun, une discussion de plusieurs séances. Cependant le Sénat est convoqué pour mardi et nous sommes, par conséquent, mis en demeure de voter ces vingt projets d'ici à demain.
Messieurs, dans cet état de choses la discussion ne peut pas être sérieuse, c'est un débat étranglé et peu digne.
Si la discussion avait été sérieuse, j'y serais entré largement et je me serais placé au point de vue de la section centrale.
Messieurs, le reproche que je fais au projet de travaux publics, c'est d'éparpiller les ressources du trésor, au lieu de les concentrer à l'exécution de quelques travaux publics importants. Le chiffre proposé pour les voies navigables est de 10 millions. On les applique à un grand (page 158) nombre de travaux d'utilité locale et secondaire pour la plupart ; on les répartit pour ainsi dire au marc le franc entre les arrondissements et les provinces, 200,000 fr. à l'un, 300,000 fr. à l'autre, un million à un troisième. Je ne puis donner mon approbation à un tel système.
Il eût été préférable de concentrer les ressources du trésor à l'exécution d'un ou de deux grands projets d'intérêt général.
La section centrale a proposé d'affecter à l'achèvement des canaux de la Campine et à la section de Turnhout à Saint-Job les crédits qu'elle avait rejetés.
Cette pensée est intelligente ; les canaux de la Campine, qui forment la jonction de la Meuse à l'Escaut, sont des travaux publics d'un intérêt général. (Interruption.)
M. Manilius m'interrompt et cite le canal de Selzaete. A coup sûr le canal de Selzaete est aussi un travail d'intérêt général, parce qu'il s'y rattache une question d'humanité, la question d'inondation.
Mais les voies navigables qui peuvent prétendre au titre d'intérêt général sont celles qui servent aux transports pondéreux, qui rattachent les centres producteurs de la houille et du fer aux centres éloignés de consommation, qui rapprochent, par des moyens perfectionnés et économiques de transport, les bassins du Hainaut et de Liège, des provinces de Brabant, d'Anvers et des Flandres. Or, en tête de ces voies navigables de premier ordre se place sans contestation le canal de Charleroi, par la quantité de transports qu'il effectue, par les revenus qu'il produit au trésor, par la richesse publique qu'il développe. Le canal de Charleroi est à la tête de tous les autres par son importance, et il est à la suite de tous par les conditions mauvaises qu'on lui a faites. Liège et Mons sont desservies par des rivières et des canaux à grand tirant d'eau et à grande navigation, et sur lesquels ne pèsent que des péages très modérés ou nuls.
Charleroi et le centre ne sont desservis que par un canal défectueux à petite section, n'admettant que des bateaux d'un tonnage de 70 tonneaux, et ce canal défectueux, le seul de ce genre qui existe en Belgique est grevé de péages énormes, alors qu'il a été non seulement amorti mais remboursé deux ou trois fois par les produits.
Le premier des travaux publics, dans l'ordre d'importance, est donc bien l'élargissement des écluses du canal de Charleroi. Le travail est commencé comme celui de l'approfondissement du canal de Bruges à Gand, pourquoi ne pas l'achever ? N'est-il pas évident que lorsque les bateaux de tous nos fleuves et de tous nos canaux pourront venir prendre leurs chargements au pied de nos houillères et de nos forges, la concurrence du batelage fera baisser le fret d'une manière sensible, abaissement dont les Flandres surtout profiteront ?
Le canal de la Campine date d'hier ; il n'est pas achevé, et nous avons voté des sommes importantes pour l'approfondir et l'élargir. Ce canal ne produit pas assez pour couvrir ses frais d'entretien. Le canal de Charleroi existe depuis 27 ans ; il produit la plus grande partie, avec la Sambre, de tous les revenus de nos voies navigables. Pourquoi ne pas une bonne fois aborder la question de l'élargissement de ses écluses ? Dans notre système de voies navigables, c'est le premier et le plus important des projets qui devraient attirer l'attention du gouvernement.
On veut approfondir le canal de Bruges qui a déjà un étiage considérable. Il n'y a pas de péages sur ce canal. Veuillez remarquer que vous avez récemment, par de fortes réductions du tarif de douanes, favorisé les transports de houilles et de fers étrangers vers les Flandres ; vous avez appelé dans ces provinces la concurrence anglaise.
Ainsi d'un côté, vous avez des canaux sans péage, qui doivent favoriser l'introduction de produits étrangers en concurrence avec les nôtres ; et ceux-là vous les favorisez, vous les approfondissez, vous les perfectionnez ; et ceux qui sont les véritables artères industrielles du pays, qui vous apportent la houille, le fer, les pierres et les marbres de la Belgique, ceux-là vous les laissez frappés de gros péages et vous les abandonnez à leur état d'imperfection déplorable ! N'avais-je pas le droit de dire qu'il eût été d'une meilleure politique, au point de vue de l'ensemble de nos voies navigables, de consacrer nos ressources à la réalisation d'un des grands travaux d'intérêt général que je viens de rappeler, au lieu d'éparpiller ces ressources pour satisfaire chaque province et chaque arrondissement ?
Si la Chambre rejette le crédit proposé pour le canal de Bruges et quelques autres, je verrai si je ne proposerai pas d'affecter ces économies à l'élargissement des écluses du canal de Charleroi. Mais si mes honorables collègues de Charleroi et moi ne vous soumettons pas une proposition formelle aujourd'hui, c'est que nous savons que les chances de succès d'une telle proposition n'existent pas, la majorité de la Chambre ne paraissant pas plus disposée que le ministère lui-même à accepter une discussion sérieuse et approfondie.
Mais j'ai tenu à faire toutes mes réserves pour m'en servir lorsque l'heure opportune pour traiter cette grave question sera arrivée.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, il faudrait rouvrir la discussion générale, pour répondre au discours de l'honorable M. Dechamps, discours qui n'a rien ou presque rien de commun avec le projet en discussion. Je m'abstiendrai donc de traiter les questions qui ont été indiquées par l'honorable membre. Je présenterai une seule observation sur le grief qu'il fait au gouvernement, d'avoir introduit un système en vertu duquel il s'agit de répartir une certaine somme de travaux, en quelque sorte au marc le franc, selon l'expression de l'honorable membre, au profit du plus grand nombre d'arrondissements ; cette observation, la voici : C'est l'honorable membre lui-même, qui le premier a introduit en 1845 ce système, si système il y a ; il a dû alors répondre aux mêmes reproches qu'il nous fait aujourd'hui, mais qui sortaient, à cette époque, de la bouche d'un de ses honorables amis, M. Dumortier.
.M. Dechamps. - Messieurs, il est très vrai qu'en 1845 j'ai présenté pour la première fois, comme ministre des travaux publics, un projet d'ensemble de travaux publics. L'honorable M. Rogier l'a combattu avec la plus grande énergie, en accusant le ministère d'avoir recours à un système de coalition, de faire un appel aux appétits locaux. Il appelait le projet que je présentais et qui ne contenait pas, comme celui de 1859, une mesure étrangère aux travaux publics, il l'appelait « un manège indigne ». Je vous prie, messieurs, de relire ce discours indiqué au Moniteur. Qu'a fait le gouvernement, en 1845 ?
J'ai consenti à ce que la Chambre discutât et votât chaque article comme projet de loi distinct ; j'acceptai la disjonction proposée par M. Rogier, qui ne s'en contentait pas, tant il craignait qu'on ne pût soupçonner la Chambre de céder à des calculs égoïstes et à de bas intérêts.
M. Frère avait oublié ces faits que je le remercie d'avoir rappelés. Ils feront ressortir la différence de conduite politique adoptée par le ministère de 1845 et par le cabinet actuel.
M. de Haerne. - Messieurs, je n'entrerai pas dans l'examen du système qui a été soulevé par mon honorable ami, M. Dechamps.
Cependant je dirai un mot qui s'y rapporte, c'est que, lorsque dans le temps j'ai appuyé le système d'une protection modérée en faveur des houilles, c'était à condition d'obtenir des améliorations sur nos canaux afin de compenser par la facilité et le bon marché des transports à l'intérieur l'aggravation qui aurait pu résulter de droits sur la houille.
Or ce sont des améliorations de navigation que propose aujourd'hui M. le ministre des travaux publics, pour les Flandres qui ont intérêt à recevoir les houilles de la Grande-Bretagne. Je ne puis donc qu'appuyer cette proposition. En améliorant notre navigation intérieure, on peut obtenir nos houilles au prix des houilles anglaises. C'est ce qui a été démontré dans le temps.
Ainsi que l'honorable M. Dechamps, je me suis prononcé pour la disjonction ; toutefois, je n'ai pas demandé la disjonction dans l'intérêt du projet de travaux d'utilité publique ; mais seulement à cause des fortifications d'Anvers, et dans l'intérêt de la dignité du parlement.
On dit encore que nous sommes saisis d'une foule de projets, sans avoir le temps de les discuter ; que le Sénat se réunit mardi prochain et qu'il doit recevoir communication de ces projets. Je crois que dans ses premières séances le Sénat aura autre chose à discuter que les projets dont il s'agit. Du reste, rien ne nous oblige de nous séparer si tôt. Je ferai observer cependant que la plupart des projets ont déjà été longuement examinés dans cette Chambre. De ce nombre, est la question du canal de Gand à Bruges qu'on discute en ce moment.
C'est vraiment une question usée.
On comprendra que l'approfondissement de ce canal est d'un intérêt général, puisque cette voie navigable met les Flandres en communication avec tout le pays. C'est le terrain sur lequel nous devons nous placer. En approfondissant le canal, vous facilitez aussi les transports par le canal de Schipdonck, dont j'ai demandé l'ouverture à Deynze depuis des années, et qui va être enfin livré à la navigation, en communication avec la Lys.
Vous améliorez donc par ces projets les relations fluviales avec Anvers et avec Charleroi même ; vous facilitez en particulier le transport des houilles de Charleroi dans l'intérêt du district auquel appartient l'honorable M. Dechamps. Cette question est donc vraiment d'un intérêt général.
Je voterai pour le projet.
- La discussion générale est close.
M. le président. - Je mets aux voix le paragraphe.
- Plusieurs membres. - L'appel nominal !
- Il est procédé à l'appel nominal.
84 membres y prennent part.
59 adoptent le paragraphe.
21 le rejettent.
4 s'abstiennent.
En conséquence le paragraphe 3 est adopté.
Ont voté pour : MM. de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Portemont, de Rongé, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, Dolez, H. Dumortier, Frère-Orban, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Janssens, J. Jouret, M. Jouret, Koeler, le Bailly de Tilleghem, Ch. Lebeau, J. Lebeau, Loos, Manilius, Mercier, Neyt, Orban, Rodenbach, Rogier, Saeyman, Tack, Tesch, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Leempoel, Van Renynghe, Van Volxem, Vermeire, Vervoort, Garlier, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, David, de Bast, de Boe, de Breyne, Dechentinnes, de Decker, de FIorisone, De Fré, de Haerne, Deliége et Orts.
(page 259) Ont voté contre : MM. de Pitteurs-Hiegaerts, de Ruddere de Te Lokeren, B. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Moncheur, Notelteirs, Nothomb, Sabatier, Snoy, Thibaut, Vanden Branden de Reeth, Verwilghen, Vilain XIIII, Wasseige, Allard, Ansiau, Coomans, Dechamps, de Gottal et de Montpellier.
Se sont abstenus : MM. de Smedt, Nélis, Vander Donckt et de Mérode.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont priés d'en faire connaître les motifs.
M. de Smedt. - Sans méconnaître tout à fait l'utilité des travaux pour lesquels un nouveau crédit est demandé, je pense cependant qu'il y aurait des travaux beaucoup plus utiles à exécuter dans la Flandre occidentale ; je veux parler notamment des travaux à exécuter au port de Nieuport et qui sont, réclamés depuis si longtemps.
M. Nélis. - Je n'ai pas voté pour le crédit parce qu'il ne m'a pas été démontré que l'utilité des travaux fût proportionnelle à la dépense ; je n'ai pas non plus voté contre le crédit, parce que je crois que la Chambre était engagée par ses votes antérieurs.
M. Vander Donckt. - Je n'ai pas voté contre le projet parce que j'y reconnais quelque utilité ; d'un autre côté cependant je n'ai pas voté pour ce crédit parce que je crois que, établi dans un sable mouvant, le canal de Gand à Bruges ne deviendra jamais réellement utile à la navigation.
M. de Mérode-Westerloo. - Les résultats de ce travail me semblent douteux dans l'avenir ; mais, d'un autre côté, comme il est commencé je n'ai pas voulu en entraver la continuation.
« § 4. Pour l'élargissement de la deuxième section du canal de la Campine. : fr. 1,400,000.’
M. le président. - Le bureau a reçu un amendement à ce paragraphe ; il est ainsi conçu :
« Pour le canal d'Anvers à Turnhout par Saint-Job, un million, »
Cet amendement est signé par MM. de Mérode, Coomans et Nothomb.
Lequel de ces messieurs veut développer les motifs de cet amendement ?
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - S'il m'est permis de dire un mot avant qu'on développe cet amendement, je ferai remarquer qu'il serait peut-être préférable de statuer avant tout sur la question de savoir si, en présence de l'ajournement de la question du chemin de fer de Louvain, il ne conviendrait pas d’ajourner également cette question-ci.
Je soumets cette question dans l'intérêt de la célérité de la discussion.
M. le président. - Dans l'ordre logique il faudrait, je pensé, laisser d'abord M. Coomans développer son amendement ; s'il est appuyé, il fera partie de la discussion et l'on pourra statuer alors sur la suite qu'il conviendra d'y donner.
M. Coomans. - Je ne puis pas consentir à la motion de M. le ministre des travaux publics, car je ne sais vraiment pas ce que signifie l'ajournement de la question du chemin de fer de Louvain.
Cet objet est compris au projet de loi ; si vous ne le votez pas il n'en fera plus partie ; il n'existera plus.
Je conçois qu'on ajourne un projet de loi ; mais je ne conçois pas qu'on ajourne un article ou plutôt une fraction d'article. Quand un projet est voté, tout ce qu'il contenait primitivement et qui n'y est pas maintenu, n'existe plus.
Or, si l'on écarte simplement le chemin de fer de Louvain, si on le renvoie aux calendes grecques, je ne désire nullement que le canal d'Anvers à Turnhout par Saint-Job éprouve le même sort, car j'aurais lieu d'être assez inquiet à cet égard.
Or, messieurs, je veux plus que ce qu'on m'offre, et c'est pour ce motif que je désire présenter à la Chambre quelques observations qui les convaincront de la nécessité de nous accorder dès aujourd'hui ce que nous demandons.
M. le président. - Je dois faire remarquera M. Coomans que son amendement pourrait faire double emploi avec l'amendement de la section centrale.
M. Coomans. - Sur ce point, j'ai à faire remarquer que si la discussion portait sur le rapport de la section centrale, je n'aurais rien à dire ; je m'appuierais sur l'unanimité des membres de la section centrale pour recommander le canal de St-Job à la Chambre, mais comme la discussion porte sur le projet du gouvernement, le canal de St-Job ne sera pas soumis aux délibérations de la Chambre si je ne prends pas l'initiative.
Je développerai donc maintenant mon amendement, à moins que la Chambre ne préfère le placer après le paragraphe 21.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est là sa place.
M. Coomans. - Il est évident que le canal de St-Job tombera à l’eau, si nous ne le proposons pas à la Chambre. Nous le proposons donc et voici pourquoi...
M. le président. - Pardonnez-moi, M. Coomans, de vous interrompre ; pour gagner du temps, je dois faire remarquer qu'il y a une proposition de la section centrale relativement à cet objet ; cette proposition sera donc discutée en temps et lieu et dès lors M. Coomans peut se dispenser de la peine de développer son amendement.
M. Coomans. - Alors autant valait discuter le projet de la section centrale.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Nous discuterons notre amendement après le paragraphe 21.
M. Coomans. - Je ne demande pas mieux.
M. le président. - Le canal de St-Job sera nécessairement mis en discussion, il est donc inutile de développer les motifs de l'amendement.
- La discussion est close.
Le paragraphe 4 est mis aux voix et adopté.
« § 5 Pour l'amélioration du port d'Ostende, six cent cinquante mille francs : fr. 650,000. »
- Adopté.
« § 6. Pour l'établissement d'un port de refuge et la construction d'écluses à Blankenberghe, six cent mille francs : fr. 600,000. »
M. le président. - La section centrale propose ici un amendement auquel le gouvernement ne s'est point rallié. La section centrale vote le chiffre, mais elle y donne une autre destination en substituant un chemin de fer au port de refuge.
M. Coppieters 't Wallant. - Les travaux que le gouvernement a proposé de faire à Blankenberghe sont nécessaires autant dans l'intérêt de l'agriculture que dans celui de notre pêche nationale. Vous vous rappelez, messieurs, que la Chambre a reçu diverses pétitions demandant l'établissement d'un port de refuge à Blankenberghe. Toutes ces pétitions ont été accueillies avec beaucoup de bienveillance, je dirai même de sympathie. Aussi y avait-il lieu de croire que les propositions que le gouvernement pourrait faire pour donner satisfaction à ces demandes réitérées auraient reçu l'assentiment de la Chambre.
Les délibérations des sections et sur le projet de loi de 1858 et sur celui que nous demandons aujourd'hui qui, en ce qui concerne les travaux à exécuter à Blankenberghe, n'est que la reproduction du premier projet, semblent confirmer ces prévisions. Malheureusement, la section centrale, l'année dernière, n'a pas accueilli favorablement ces propositions, alors elle rejetait le crédit pétitionné par Blankenberghe, par deux voix contre deux, trois membres s'étant abstenus.
Cette année, la section admet à l'unanimité la reconstruction d'une écluse de décharge à Blankenberghe ; mais elle rejette par 6 voix contre une la construction d'un port de refuge et propose d'affecter 600,000 fr. comme subside pour l'établissement d'un chemin de fer à l’américaine, entre Bruges et Blankenberghe.
On comprend facilement que la section centrale de l'année dernière, privée de plans et de devis se soit trouvée dans la nécessité de ne pas prendre une décision formelle, car je ne considère pas comme une décision formelle une décision prise par quelques membres lorsqu'il y en a un grand nombre qui se sont abstenus. Mais cette année-ci, en est-il de même ? Je ne le pense pas.
Cette année le gouvernement a présenté des plans et des devis qui, je le reconnais, n'ont pas été étudiés d'une manière complète et définitive. Cela provient des lenteurs de l'administration des ponts et chaussées. Cependant nous pouvons être d'avance rassurés sur la nature et l’importance des travaux.
Je reconnais que les propositions de la section centrale sont cette année beaucoup plus favorables que l'année dernière ; pourtant il m'est absolument impossible de m'y rallier, et j'espère que la Chambre donnera la préférence aux propositions du gouvernement.
En effet, une fois qu'on reconnaît la nécessité de reconstruire aux frais de l'Etat l'écluse de décharge de Blankenberghe, il semble tout naturel qu'on mette ce travail à profit, pour accorder aux pêcheurs l'abri qu'ils demandent.
Le gouvernement l'a compris ainsi et je dois l'en féliciter. Il était d'ailleurs impossible que le gouvernement, qui doit se préoccuper des intérêts généraux de l'alimentation publique, méconnût la nécessité et l'importance de ce travail.
Le gouvernement connaît la position désastreuse des pêcheurs ; il devait faire quelque chose pour les tirer de cette triste et misérable position : d'accord avec toutes les autorités compétentes, il a reconnu que le moyen le plus efficace pour arriver à ce but, c'était de donner aux pêcheurs l'abri qu'ils réclament depuis si longtemps.
Vous savez au prix de quels travaux et de quels efforts les pêcheurs obtiennent les produits qui doivent les faire vivre eux et leur famille. Ces produits sont à peine suffisants dans la saison la plus favorable ; ils font presque entièrement défaut dans la saison d'hiver ; mais outre qu'avec ces produits ils ont à peine de quoi vivre, il arrive que lorsqu'ils sont parvenus à grand-peine à amarrer leurs barques au rivage, la tempête détruit leurs barques et tous leurs ustensiles de pêche.
Il n'est pas étonnant que dans de telles conditions l'industrie de la pêche sur nos côtes diminue au lieu d'augmenter.
Permettez-moi de vous donner à ce sujet quelques détails historiques.
(page 260) En 1600, il y avait environ cent barques de pêche à Blankenberghe. Aujourd'hui il n'y en plus que quarante-quatre.
Il est évident que si l'on pouvait diminuer les frais et les dangers qu'amène l'exercice de cette profession, le nombre des matelots augmenterait, les produits de la pêche seraient plus considérables et à meilleur prix. Ils seraient pins nombreux, car vous n'avez maintenant à Blankenberghe qu'un petit nombre de petits bateaux non pontés. Les pécheurs ne peuvent s'aventurer en mer que jusqu'à une faible distance de la côte, à certaines heures de la journée et dans certaines saisons. Dès qu'ils pourront se réfugier dans un port, on construira des bateaux pontés et la pêche cessera d'être circonscrite dans un rayon de quelques lieues de la place, et elle deviendra beaucoup plus fructueuse
Comme je le disais tout à l'heure, il y va de l'intérêt de l’alimentation publique ; nous avons là un vaste champ ouvert devant nous, un champ dont les produits sont inépuisables, et dont nous ne tirons pas tout le profit que nous pourrions en tirer. Il n'y a pas, la statistique le constate, de pays ayant une frontière maritime oh l'on consomme moins de poisson qu'en Belgique. Cette considération doit encourager la Chambre à voter ces travaux.
Mais il y en a encore une autre à faire valoir dans l'intérêt du commerce lui-même.
Nous avons des écoles de navigation et avons même une section de mousses à l'établissement de Ruysselede, et cependant il y a dans le pays beaucoup d'armateurs qui ont de la peine à trouver les matelots dont ils ont besoin pour leurs navires. Or, il n'y a pas de meilleure pépinière de matelots que celle que fournit l'industrie de la pêche. Que notre pêche nationale prenne toute l'extension dont elle est susceptible, nos armateurs y trouveront en peu d'années un personnel éprouvé, et déjà aguerri au rude métier de la mer.
Veuillez-vous rappeler, messieurs, que la demande d'un port de refuge pour les pêcheurs de Blankenberghe a été appuyée, comme je vous le disais, par toutes les autorités compétentes : administration provinciale, chambres de commerce, toutes les autorités ont depuis longtemps sollicité du pouvoir ce petit travail.
Et ne croyez pas, messieurs, que l'idée de ce travail soit venue en quelque sorte au moment où l'on venait présenter des projets de travaux publics de toute nature, et où chacun voulait, comme on l'a dit, avoir une petite part au gâteau. La première requête à ce sujet date de 1763.
Déjà alors il était question défaire un port de refuge à Blankenberghe, et en 1781 un plan complet, dont la dépense était évaluée à 300,000 florins, fut élaboré. C'était sous le gouvernement autrichien et ce plan aurait probablement été exécuté, s'il n'y avait pas eu un changement de gouvernement.
Sous le gouvernement français, ce projet a été repris et il en est fait mention dans un rapport du préfet du département de la Lys, où il indique que le seul moyen de tirer les pêcheurs de Blankenberghe de la pénible position où ils se trouvent, c'est de leur donner le port de refuge qui leur avait été promis par le gouvernement autrichien.
Ainsi, messieurs, si nos malheureux pêcheurs n'ont pas encore ce petit port qu'ils demandent et qui leur a été promis depuis plus d'un demi-siècle, cela tient à ce que divers gouvernements se sont succédé et n'ont pas eu le temps de mettre à exécution le projet qu'ils avaient en vue dans l'intérêt de Blankenberghe.
Je pense donc qu'il est impossible de contester l'utilité de ce travail.
Mais on s'effraye de la dépense, et surtout dans le rapport de la section centrale de l'année dernière, on doute de la possibilité d'exécuter ce travail avec le crédit demandé par le gouvernement. On trouve entre autres dans le rapport cette phrase, que ce n'est pas avec un million qu'on s'attaque à la mer. Les travaux d'Heyst, dit-on, sont là pour le prouver.
Messieurs, si, cette année qu'on a les documents en main, on s'était donné la peine de comparer les travaux qu'on propose d'exécuter à Blankenberghe avec ceux qui ont été exécutés à Heyst, on se serait convaincu que les craintes n'étaient pas fondées et que ce travail pouvait fort bien s'exécuter avec la somme qu'on demandait.
Je ne veux pas prolonger cette discussion, mais j'ai en main le détail des travaux exécutés à Heyst, comparés à ceux qu'on se propose d’exécuter à Blankenberghe, et il en résulte qu'il n'y a aucune comparaison à établir. Permettez-moi de vous en donner une seule preuve. Les travaux à Heyst se composent d'une écluse de garde à grande section ayant quatre ouvertures de 4 mètres chacune.
L'écluse de garde qu'on construira à Blankenberghe est à petite section ; elle n'aura que deux ouvertures de 3 mètres chacune. Ainsi on veut exécuter à Blankenberghe des travaux sur une petite échelle. Ceux qui ont été exécutés à Heyst l'ont été sur la plus grande échelle et dans la position la plus difficile.
Eh bien, savez-vous ce qu'ont coûté les travaux de Heyst ? Ils ont coûté 1,500,000 francs.
Ce qui doit vous prouver encore que les travaux de Blankenberghe pourront s'exécuter à peu près avec la somme prévue, c'est qu'il existait il n'y a pas longtemps, un projet élaboré par les ingénieurs de la Flandre occidentale, remplissant toutes les conditions voulues, satisfaisant au désir de ceux qui ont demandé ce travail depuis si longtemps, et ce projet ne devait coûter que 600,000 francs.
C'est par suite des exigences du comité supérieur des ponts et chaussées qui a voulu qu'on renforçât certains ouvrages, qu'on est arrivé au chiffre d'un million, et encore dans ce million il y a plus de 40,000 fr. pour frais imprévus.
Vous voyez donc, messieurs, que, quant à la dépense, il n'y a pas de crainte à avoir, et la somme est très minime comparativement au résultat qu'il s'agit d'atteindre.
Mais, dit la section centrale, pourquoi un port de refuge ? Noos ne refusons pas de faire pour Blankenberghe le sacrifice que le gouvernement demande, nous lui offrons la même somme ; mais quant au port de refuge, point ; il est plutôt de l'intérêt de Blankenberghe d'avoir un chemin de fer.
Messieurs, je répondrai à cela d'une manière très simple ; c'est qu'il faut supposer que les personnes qui sont sur les lieux, que les autorités légales, comme je disais tantôt, chambres de commerce, députation permanente, conseil provincial, sont plus à même d'indiquer ce qui convient à Blankenberghe, qu'une section centrale, quelque bien composée qu'elle soit ; et je reconnais que celle qui a examiné le projet ne laissait rien à désirer sous ce rapport.
Pourquoi, messieurs, puisque l'on est d'accord sur le sacrifice à faire, ne pas satisfaire à des vœux unanimes qui vous sont encore répétés aujourd'hui dans une pièce qui se trouve déposée sur le bureau et qui vous a été distribuée, pièce émanant de la députation permanente de la Flandre occidentale ?
Je dis à la section centrale : Puisque vous voulez vous montrer bienveillante envers les habitants de Blankenberghe, puisque vous voulez leur donner la somme que le gouvernement demande en leur faveur, et bien, au lieu de la leur donner sous forme d'un chemin de fer qu'ils ne demandent pas pour le moment, et en vous exposant à faire des ingrats, donnez-la leur sous forme d'un port de refuge qu'ils demandent depuis si longtemps et soyez convaincus que vous aurez conquis et mérité leur reconnaissance.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Je désire donner à la Chambre un renseignement qui me semble très important dans la question.
Il a été avancé à titre de fait positif, dans le rapport de la section centrale qu'à Scheveningue, à Halwyck, sur toute la côte de Hollande, la pêche maritime se pratique avec des bateaux pontés, beaucoup plus nombreux et d'un plus fort tonnage que les barques de Blankenberghe.
Le gouvernement s'est adressé à notre agent diplomatique à la Haye pour avoir des renseignements positifs sur ce point. Voici la réponse que nous en avons reçue.
(L'orateur donne lecture de ce passage.)
Voilà, messieurs, la communication que j'avais à faire à la Chambre.
(page 267) M. de Smedt. — En prenant la parole, messieurs, pour défendre pour la première fois un des grands intérêts que j'ai l'honneur de représenter plus spécialement dans cette enceinte, je ne vous déguiserai pas l'émotion que j'éprouve.
Je réclame donc votre indulgence, messieurs, je ne serai pas long ; la justice de la cause que je vais défendre me rassure et me fait espérer de votre part l'accueil sympathique et bienveillant que la réclamation du conseil communal de la ville de Nieuport a déjà rencontré dans la plupart des sections et indistinctement sur tous les bancs de cette Chambre.
En effet, messieurs, trois sections ont émis le vœu de voir le gouvernement s'occuper dans le plus bref délai possible des travaux d'amélioration demandés et réclamés à grands cris par la ville de Nieuport depuis trente ans.
La section centrale a signalé également à l'attention du gouvernement l'abandon complet du port de Nieuport.
Le gouvernement lui-même a reconnu qu'il y avait quelque chose à faire ; l’honorable ministre des travaux publics a formellement promis à la députation de Nieuport, qui a eu l'honneur d'être reçue par lui, d'envoyer un ingénieur dans cette ville, qui se mettrait en rapport avec le conseil communal afin d'examiner sur les lieux les travaux d'amélioration à exécuter.
Les débouchés nombreux et faciles ont été en tous les temps les principales sources de la prospérité, de la richesse et de la puissance de toutes les nations du monde L'histoire des peuples modernes est à cet égard parfaitement semblable à celle des peuples de l'antiquité.
Les mêmes causes ont partout produit les mêmes effets et l'on ne peut, sans résister à l'évidence, refuser à la navigation tous les prodiges de la richesse moderne.
Les débouchés créent donc la richesse ; n'est-il pas étrange, messieurs, que ce principe si simple et si vrai soit parfois méconnu qu'on refuse de l'appliquer ici alors qu'on l'accepte ailleurs. La Belgique produit infiniment plus qu'elle ne consomme ; c'est donc à l'étranger qu'elle doit déverser le trop plein de ses immenses richesses.
La question d'exportation intéresse donc toutes les industries du pays, toutes nos routes, tous nos canaux et nos chemins de fer, en un mot toutes ces voies de communications intérieures que nous avons créées à si grands frais.
Les malheureuses guerres de tarifs ne limitent déjà que trop notre puissance productive ; laisser s'ensabler complétement un port jadis important et qui peut rendre un jour encore, avec une dépense relativement minime, de grands et d'utiles services à la Belgique tout entière, serait, je n'hésite pas à le dire, un acte de mauvaise administration.
Je crois vous avoir suffisamment démontré, messieurs, par ces quelques considérations, que la question de l'amélioration du port de Nieuport est une question d'utilité publique. L'honorable ministre des travaux publics, feu M. Partoes, qui a laissé parmi nous de si légitimes regrets et qui est venu visiter notre port, disait : L’intérêt général demande que l'on fasse quelque chose pour Nieuport. Il faut donner à nos produits toutes les facilités désirables de se déverser sur les marchés étrangers
Bientôt, nous osons du moins l'espérer, la jonction de la Lys à l'Yperlée viendra commander plus impérieusement encore de ne pas abandonner ce débouché. Nieuport sera alors en communication directe avec la plus grande et la plus riche contrée de la Belgique.
Qu'il me soit permis, messieurs, de vous lire ici quelques lignes du mémoire envoyé l’an dernier au gouvernement par la régence de Nieuport.
« La Belgique, MM. les ministres, a un seul port naturel sur sa côte maritime Le rapprochement de ce port des côtes d'Angleterre, l'excellence de sa rade, qui est incontestable la meilleure de tout notre littoral, la situation intérieure de la ville à 3 kilomètres de la mer, à l'abri de l'action d'une flotte ennemie ; la quantité d'eaux supérieures qui s'y déchargent par sept écluses différentes et y forment des écluses de chasse naturelles et d'une puissance que l’on ne saurait trouver ailleurs pour creuser et nettoyer le chenal ; ses relations rapprochées avec une contrée des plus fertiles du pays ; tous ces avantages naturels auraient dû recommander depuis longtemps cet établissement maritime, jadis si prospère et si considérable, à la sollicitude particulière de l'Etat, si des causes historiques et politiques, et surtout l'indifférence ou l'hostilité des gouvernements étrangers qui ont successivement régné sur la Belgique, n'expliquaient tout au moins jusqu'en 1830 1e triste abandon où ce port a été laissé depuis un siècle.
« On peut affirmer sans légèreté que, si notre port se trouvait sur les côtes de France, d'Angleterre ou de Hollande, trois pays où l'on s'efforce énergiquement d’améliorer et de développer tous les instruments naturels de production ou de communication maritime, Nieuport serait depuis longtemps un établissement de second ordre. L’exemple de Dunkerque, à six lieues d'ici, et dont la rade et le port sont bien inférieurs naturellement à notre rade et à notre port, est une des preuves qui justifiant notre assertion.
« Nous devons reconnaître que le précédent ministère a donné un commencement de satisfaction à la nécessité si urgente de réparer enfin le déplorable état où un siècle d'abandon a réduit l'embouchure et le chenal de l'Yser. »
(page 268) Depuis longtemps les divers gouvernements qui se sont succédé en Belgique ont reconnu non seulement ta possibilité, mais même l'utilité d'améliorer le port de Nieuport.
Des études ont été faites sous la maison d'Autriche ; l'abbé Mann, prieur des chartreux à Nieuport, membre de l'académie de Bruxelles, a fait sur la demande du gouverneur général des Pays-Bas un mémoire remarquable sur ces travaux. Malheureusement l'entrée des Français dans le pays ne permit pas de donner aucune suite à ces projets.
Cependant en 1794, un colonel de génie, nommé Dabadie, leva des plans ; on allait commencer lorsque les guerres interminables qui ont agité l'empire ont fait fatalement abandonner les conceptions de l’ingénieur français. Sous le gouvernement hollandais rien ne fut fait, cela se conçoit facilement, il y avait alors assez de puits. Et l'esprit de monopole hollandais en matière de commerce devait empêcher toute amélioration à nos ports de se faire.
Il est vrai, messieurs, qu'un crédit très insignifiant est porté chaque année au budget des travaux publics pour réparation et entretien au port de Nieuport ; niais cette somme est tellement insuffisante, et les travaux se font sur une échelle si étroite, que le port de Nieuport n'a subi aucune amélioration et qu'il est aujourd’hui dans des conditions pires qu'il y a 30 ans.
Les choses en sont arrivées à ce point que si on continue envers nous le régime qui a prévalu jusqu'à présent, le port ne tardera pas à être obstrué. Il y a si peu d'eau que déjà de temps à autre les chaloupes, soit à l'entrée soit à la sortie, tâtonnent sur la barre. Cette barre s'élève actuellement à marée basse jusqu'à 40, 50 centimètres au-dessus du niveau de la mer. Il est donc de la dernière urgence de la faire disparaître, si on ne veut pas enlever à la province de la Flandre occidentale et à la Belgique entière un débouché important. Alors surtout que nous n'avons que deux ports sur la mer. Il peut eu outre se présenter des circonstances politiques où le port d’Anvers soit momentanément empêché de nous rendre les grands services commerciaux qu’il nous procure actuellement.
Différents travaux sont réclamés pour l'amélioration du port de Nieuport.
La reconstruction de l’estacade d'Ouest, une écluse de chasse plus rapprochée de l'entrée du chenal, le redressement du port surtout en amont ont de tout temps et par les hommes les plus compétents été signalés comme base des améliorations à y faire.
Je crois cependant qu'il importe avant tout de faire disparaîtra les sables qui se sont accumulés en mer depuis trois à quatre ans devant le chenal et qui rendent l’entrée et ta sortie du port de plus en plus dangereuses à tous les navires, et dans ce moment-ci impossibles à des navires qui jaugent plus de 200 tonneaux.
Je me permettrai d'appeler ici l'attention de M. le ministre des travaux publics sur le nouveau système de curage employé dans beaucoup de ports et rivières. Je veux parler des bateaux dragueurs, qui, d'une construction moins coûteuse que les écluses de classe, sont en outre d'une efficacité quelquefois plus grande parce qu'ils enlèvent le mal que l'autre système ne fait souvent que déplacer.
C'est un fait déplorable de voir les produits en tout genre et si nombreux de nos riches arrondissements des Flandres s’exporter par Dunkerque alors qu'il leur serait si avantageux de pouvoir se diriger sur Nieuport.
Je ne signalerai ici, messieurs, qu'un seul fait pour prouver ce que j'avance : un négociant de Nieuport a expédié à l'étranger, cette année, pour une valeur de 840,000 fr. de grains ; sur cette somme, il a dû expédier pour 350,000 fr. par le port de Dunkerque. La raison en est que les exigences du fret sont beaucoup plus grandes pour les petits navires que pour les navires d'un plus fort tonnage.
Or, j'ai dit que dans les conditions actuelles, les navires jaugeant 200 tonneaux ne peuvent entrer dans le port de Nieuport. C’est ainsi que le prix du fret est quelquefois de 20 à 25 p. c. plus élevé à Nieuport que dans les autres ports.
Il est donc facile de comprendre l'immense avantage qu'ont sur nous les négociants et agents expéditeurs d'autres ports. Ces chiffres expliquent aussi les motifs pour lesquels la navigation et le commerce n’y prennent pas plus d’extension.
Nus prétentions ne sont pas élevées pour le moment ; nous demandons seulement que le port de Nieuport soit rendu à son ancienne et utile destination. Nous ne demandons pas d'en faire le meilleur port de la Belgique, quoiqu'il ne faudrait que bien peu de travaux pour cela ; nous demandons d’exister ! Est-ce trop ? alors surtout que l'on va créer, à grands frais peut-être un nouveau port à Blankenberghe.
Je demande donc à l'honorable ministre des travaux publics de réparer le regrettable oubli dont Nieuport est aujourd'hui victime. J'espère qu'il voudra bien proposer à la Chambre par voie d'amendement à son prochain budget un crédit spécial pour travaux d'amélioration au port de Nieuport, abandonné depuis trente ans, contrairement à toute justice et aux intérêts de fa Belgique entière.
(page 260) M. Loos. - Messieurs, on ne peut contester à la section centrale les sentiments les plus bienveillants, les plus sympathiques pour Blankenberghe ; seulement elle a pensé que le port de refuge réclamé était sans utilité réelle, et dans tous les cas que le crédit proposé serait complétement insuffisant. Si, pour créer un port à Blankenberghe, on ne veut dépenser que 600,000 fr., tout le monde comprendra l'inefficacité des travaux projetés ; au moyen d'une pareille somme on pourra créer quelque chose qui durera 2 ou 3 ans, et comme on aura fait une première dépense on viendra tenir le langage qu'on a tenu pour le canal de Bruges à Gand, on vous entraînera à des dépenses supplémentaires et complémentaires de quelques millions.
La section centrale a été pénétrée aussi de l'inutilité de cette dépense. Il existe à Blankenberghe 44 bateaux de pêcheurs et ce sont des bateaux qui se trouvent dans les plus mauvaises conditions, des bateaux non pontés, à bord desquels l'existence des pêcheurs est des plus misérables.
Si vous voulez améliorer réellement la condition des pêcheurs, consacrez ces 600,000 fr. à favoriser la construction d'autres bateaux de pêche et vous aurez réellement amélioré la situation de Blankenberghe.
Quant au port de refuge, il n'améliorera rien, ni le sort des pêcheurs, ni la pêche. Ne savons-nous pas ce qui se pratique sur les côtes de Hollande ? A Scheveningue, il y a 120 bateaux de pêche qui s'échouent sur le sable, et je ne sache pas qu'à raison de cette situation on se soit jamais apitoyé sur le sort des pêcheurs.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est mauvais.
M. Loos. - Vous allez dépenser, messieurs, 600,000 fr. ce qui constitue une rente de 30,000 fr. ; cette somme, bien employée, pourrait faire obtenir de très bons résultats pour les pêcheurs de Blankenberghe tandis que si vous l'appliquez à la construction d'un port de refuge vous ne ferez absolument rien.
Si vous voulez réellement créer un pou de refuge, c'est au moins 6 millions qu'il faut y consacrer. (Interruption.)
Je défie qu'on me cite un exemple de la construction d'un port de refuge créé au moyen de sommes aussi faibles.
Vous dépensez trois millions pour améliorer le port d'Ostende, croyez-vous qu'à Blankenberghe il n'y aura pas d'ensablement ? Croyez-vous (page 261) que vous aurez la profondeur nécessaire, si vous ne créez pas aussi des écluses de chasse et des bassins de retenue.
J'ai examiné les devis de la dépense proposée et j'y ai puisé la conviction que les travaux qu'on veut faire à Blankenberghe ne seront d'aucune utilité réelle ni durable.
Comme je l'ai dit, la section centrale a voulu faire quelque chose d'utile ; elle n'a pas voulu distraire un franc du crédit destiné à Blankenberghe, mais elle demande que les fonds soient mieux employés.
On est assez avancé aujourd'hui, messieurs dans l'appréciation de la dépense des chemins de fer ; on peut déterminer d'une manière précise ce que coûterait un chemin de fer de Bruges à Blankenberghe ; or, ce travail serait infiniment plus utile que la construction d'un port de refuge, c'est-à-dire d'un travail qui n'aurait d'autre résultat que de donner aux pêcheur, l'occasion d'entrer difficilement dans un port au lieu de se faire échouer sans danger sur la plage. En quoi cela améliorera-t-il leur position ?
Ils sont, dit-on, obligés aujourd'hui pour descendre de bateau, d'entrer dans l'eau jusqu'à la ceinture et c'est à quoi l'on veut remédier à tout prix.
Eh bien, que se passe-t-il sur tout le littoral de la Hollande ? Partout les choses se pratiquent de la même manière et se pratiquent avec des bateaux construits pour cet usage et qui peuvent, sans aucun inconvénient, s'échouer sur le sable. Je le répète, si vous voulez réellement faire quelque chose pour les pêcheurs de Blankenberghe, procurez-leur le moyen d'avoir des bateaux de cette espèce.
Messieurs, non seulement nous n'améliorons pas le sort des pêcheurs de Blankenberghe, mais je crois que vous allez créer un danger. Je ne crois pas que jusqu'à présent il se soit produit des accidents.
M. Devaux. - Certainement et de très fréquents.
M. Loos. - Je ne me rappelle pas qu'on en ait jamais signalé.
Quand ces bateaux voudront entrer dans le port que vous allez créer avec des ressources si restreintes et qui ne tardera pas à s'ensabler, je dis qu'il y aura là un véritable danger.
Messieurs, il est très difficile de faire du bien à une localité malgré elle. Nous avons proposé ce que nous avons cru le plus avantageux à Blankenberghe, les représentants de cette localité repoussent nos propositions. Ils espèrent sans doute avoir les deux choses. Il est certain que le chemin de fer s'établissant, Blankenberghe serait réellement doté d'un travail avantageux.
M. de Breyne. - Messieurs, si j'ai demandé la parole, ce n'est pas pour défendre le crédit destiné à l'établissement d'un port de refuge à Blankenberghe ; je laisse à des voix plus éloquentes et plus directement intéressées dans la question, le soin de défendre ce crédit. Je voterai toutefois pour ce projet, parce qu'il me paraît conforme à l'intérêt général. Il est d'intérêt général, parce qu'il doit développer la pêche nationale et le commerce du poisson qui contribue à l'alimentation du pays.
Messieurs, je me suis levé principalement pour appuyer les objectons présentées par un honorable collègue, le député de Furnes, à l'occasion des travaux à effectuer au port de Nieuport, pour l'améliorer.
Messieurs, j'ai été excessivement étonné de ne pas voir figurer dans le projet du gouvernement la moindre allocation destinée aux travaux d'amélioration de ce port.
C'est évidemment un oubli et un oubli regrettable. J'ai appelé l'attention de ma section sur cette lacune. J'ai présenté un amendement qui n'a pas été, je l'avoue, accueilli par ma section ; mais elle a chargé, à ma demande, son rapporteur d'appeler l'attention de la section centrale sur la situation de Nieuport.
Messieurs, j'avais l'intention de reproduire en séance publique la proposition que j'avais faite dans ma section ; mais en présence de la discussion qui a eu lieu à l'occasion de l'amendement présenté par mon honorable ami, M. A. Vandenpeereboom, amendement que j'ai signé hier, je suis convaincu que ce serait peine inutile. Mais MM. les ministres nous ont promis de faire l'examen le plus sérieux de toutes les propositions qui seraient faites, de tous les vœux qui seraient émis, an sujet de travaux qui ne seraient pas compris dans le projet en discussion. Je prends acte de cette promesse et je me contente aujourd'hui d'attirer l'attention du gouvernement sur les travaux indispensables et urgents à exécuter au port de Nieuport.
Messieurs, je n'entretiendrai pas longtemps la Chambre de cette question, parce qu'elle a été suffisamment développée par un honorable collègue, député de Furnes, et que la Chambre est pressée d'en finir. Je suis certain que le gouvernement accueillera avec faveur les réclamations fondées que nous lui adressons en ce moment.
M. Devaux. - Messieurs, vous me rendrez cette justice que ce n'est pas ma faute si je suis obligé de prendre la parole une seconde fois dans cette séance. Mais l'arrondissement de Bruges se trouve avoir in singulier privilège depuis l'ajournement de la question du chemin de fer de Louvain : c'est le seul arrondissement sur lequel tombent les modifications de la section centrale. Je regrette de trouver parmi les membres opposants des députés de la province d'Anvers.
Anvers est aujourd'hui la capitale maritime ; elle sera bientôt la capitale militaire de la Belgique. Il me semble qu'elle devrait s'élever à la hauteur de ce rôle. Elle a contre elle très souvent des jalousies locales. Voudrait-elle donc, elle si haut placée et si bien traitée par le projet de loi, faire la guerre à une petite localité comme Blankenberghe, lorsqu'il s'agit de la cause commune de la navigation maritime ?
Messieurs, on ne devrait pas s'attendre à voir cette allocation rencontrer de grandes difficultés ; car, l'année dernière, elle a été adoptée par toutes les sections, excepté une seule ; je ne sais si c'est celle où siégeait l'honorable député d'Anvers ; cette année, il n'y a eu dans les sections qu'une seule voix contre ; je ne sais si c'est celle de l'honorable député.
Je croyais que l'utilité d'un port de refuge à Blankenberghe n'avait plus besoin d'être démontrée.
Je dirai que la section centrale l'a reconnu en quelque sorte elle-même, puisque cette fois elle ne retire le port à Blankenberghe qu'en lui donnant en échange un chemin dont il n'avait pas encore été question dans cette enceinte, Ce n'est donc pas une économie qu'on propose, c'est le même chiffre sous une autre forme.
Mais, quand il s'agit d'un choix à faire entre deux travaux, il me semble que les juges naturels de leur utilité, ce sont ceux qui doivent en profiter.
Or, il y a 8 jours, j'ai prié moi-même M. le bourgmestre de Blankenberghe, de vouloir bien consulter ses collègues du conseil communal sur la question de savoir s'ils préféraient le port de refuge au chemin de fer ou le chemin de fer au port de refuge.
La réponse qu'on m'a fait a été qu'à l'unanimité on demandait la construction du port de refuge.
Dès lors dois-je encore discuter la préférence entre les deux travaux ? je ne le crois pas ; je pense que, quand les habitants de Blankenberghe eux-mêmes se sont prononcés, nous ne devons pas avoir la prétention de connaître leurs intérêts mieux que leurs représentants légaux.
Je ne nie pas qu'un chemin de fer à l'américaine ne soit une chose très utile pour Blankenberghe ; je ne nie pas que l'application de ce système ne soit avantageuse à certaines localités ; je suis loin d'engager le gouvernement à ne pas étudier la question des chemins de fer à l'américaine, non seulement pour Blankenberghe, mais encore pour d'autres localités. Il y en a beaucoup qui, dans l'état actuel des choses, ne peuvent plus se contenter de pavés.
Nous avons fait beaucoup de routes pavées, qu'on trouvait cher à l'époque où on se contentait de chemins de terre ; mais nous approchons du moment où de tous côtés on voudra davantage et où on aspirera à des chemins de fer qui eux aussi avaient commencé par paraître très cher. C'est le moment pour le gouvernement de voir s'il ne doit pas donner une certaine impulsion aux chemins de fers économiques ; mais, je le répète, vouloir faire préférer par une localité à un travail qu'elle réclame depuis longtemps, un autre qu'elle croit moins avantageux et qui doit coûter tout autant, cela ne me paraît guère raisonnable.
On dit que le crédit ne suffira pas. Mais sur quoi s'appuie-t-on ? sur ce que, dit-on, à Ostende on a de la peine à tenir le port ouvert. Eh bien, messieurs, il ne faut avoir qu'un peu de connaissance des localités pour savoir que la situation est toute différente à Blankenberghe de ce qu'elle est à Ostende : à Ostende on a de la peine de prévenir l'ensablement et d'empêcher la côte d'envahir en quelque sorte la mer, tandis que sur toute la partie de la côte de Blankenberghe à Heyst, c'est le contraire ; là c'est la mer qui tend à envahir la côte. En effet, on a été obligé d'y faire des travaux de fascinage pour défendre la côte contre l'action des eaux. Par conséquent, il n'y a aucune crainte qu'un port établi à Blankenberghe rencontre les mêmes difficultés que celui d'Ostende.
La côte de Blankenberghe offre donc de grandes difficultés pour l'établissement de petits ports de refuge, et, permettez-moi de le dire, messieurs, je crois que ce pourrait bien être précisément parce qu'elle offre cette facilité, qu'elle donne quelque ombrage. On craint (et c'est selon moi prévoir les choses d'un peu loin) que si l'on établissait un port sur la côte de Blankenberghe à Heyst, l'on ne reconnût qu'il y a moyen d'en augmenter l'importance, tant la côte y est favorable à un travail de ce genre.
Cela est si vrai qu'à Heyst les portes de chasse, depuis 10 à 12 ans que l'écluse existe, n’ont pas dû fonctionner un seul jour, parce qu'on n'aperçut pas qu'il se soit formé le moindre obstacle à l'écoulement des eaux.
On vient de faire une réclamation en faveur de Nieuport. Je n'y suis nullement hostile ; je trouve que l'Etat doit favoriser l'amélioration de la côte en général. Je dirai seulement qu'il est naturel qu'on ait pensé aux pêcheurs de Blankenberghe, puisque, enfin, ceux de Nieuport ont un port tandis que les autres sont sans abri.
Nous avons 6 à 7 lieues de côte sans refuge aucun, et cependant un port de refuge ne serait pas seulement utile aux pêcheurs de Blankenberghe ; il le serait encore à beaucoup d'autres en cas de gros temps.
Le port qu'on réclame est également utile au point de vue industriel, N'y a-t-il pas utilité à développer une industrie qui touche de si près à (page 262) l’alimentation publique ? Aujourd'hui la pêche de Blankenberghe et de toute cette côte est forcément restreinte, parce qu'elle ne peut employer de bateaux convenables.
L'honorable M. Loos se demande ce qui empêche de ponter les bateaux employés à Blankenberghe. Mais vous venez de voir combien à Scheveningue même l'usage des bateaux pontés offre de difficultés, et ces difficultés sont bien plus grandes encore sur notre côte qui offre de grands dangers auxquels, en l'absence d'un port, il serait fort imprudent d'exposer des bateaux valant 3 ou 4 fois plus. En Hollande, d'ailleurs, la côte offre une foule de criques naturelles qui servent d'abri, en cas de mauvais temps, aux bateaux pêcheurs.
Messieurs, j'ai été surpris d'entendre le langage, je dirai presque inhumain qu'on a tenu tout à l'heure. Ne sait-on pas que les chaloupes de nos pêcheurs les laissent exposés pendant les nuits les plus froides à toutes les intempéries de l'air, sans qu'il leur soit possible de se mettre un moment à l'abri pour réchauffer leurs membres et sécher leurs vêtements, et que pour débarquer leur poisson ils sont obligés de marcher dans l'eau jusqu'à la ceinture.
Messieurs, ne devons-nous pas saisir l'occasion d'adoucir les rigueurs d'une profession malheureuse. S'il s'agissait, par exemple, d'améliorer par quelques centaines de mille francs le sort des malheureux houilleurs, qui leur marchanderait cette allocation ?
Notre projet de loi fait beaucoup pour la propriété. Il a raison ; mais quand il y a quelque chose à faire pour une classe qui ne possède pas, faut-il passer à côté d'elle et nier ses souffrances ?
Quoi qu'on vienne de dire, rien n'est plus fréquent que la destruction des bateaux pêcheurs échoués sur la côte.
On s'occupe en ce moment, messieurs, de remplacer par une construction nouvelle, le majestueux pont des Arches qui existait à Liège depuis des siècles. Pourquoi le démolit-on ? Parce qu'il était incommode aux chevaux du roulage et parce que des piles placées obliquement dans la Meuse causaient des accidents à la navigation.
Par la loi de 1851, on a alloué un million pour changer ce pont. Je ne prouve pas qu'on ait eu tort ; mais certes les dangers de la navigation à Liège ne sont pas comparables à ceux de la côte de Blankenberghe ; et cependant il n'en coûterait pas autant pour y parer. On ne demande que 600,000 fr. Il est vrai que le pont est situé dans une grande ville ; il est en évidence, tandis que la côte de Blankenberghe est plus à l'écart.
Messieurs, en mettant de côté la disposition qui concerne Anvers et en supposant que l'intérêt de la ville d'Anvers ne soit pour rien dans la dépense décrétée, il n'en est pas moins vrai qu'il va être exécuté dans le reste du pays pour 40 millions de travaux publics. Eh bien, sur ces 40 millions, pouvons-nous refuser 600,000 francs pour faire un ouvrage si utile, destiné à améliorer une partie de notre littoral, è développer une industrie intéressante et à adoucir le sort d'une classe de travailleurs.
Quant à la préférence, c'est, je le répète, une question jugée par les intéressés eux-mêmes.
Si la Chambre veut voter le port de refuge et le chemin de fer à Blankenberghe, rien de mieux. Elle fera deux choses utiles.
Remarquez, messieurs, qu'on ne pourrait pas dire : faisons l'écluse d'abord, et plus tard nous y ajouterons le port. Si l'on procédait comme le propose la section centrale, il faudrait renoncer au port, attendu que s'il ne s'agit que d'une écluse d'écoulement, il faut l'établir contre la mer, et alors il n'est pas possible de construire ce port, qui doit précéder l'écluse du côté de la mer ; ce serait donc 400,000 francs de perdus.
Je termine, messieurs, en rappelant à la Chambre que cet objet lui a été recommandé deux fois par le conseil de la Flandre occidentale à l'unanimité des voix.
M. Loos. - J’ai été surpris, messieurs, de l'imputation peu charitable de l'honorable M. Devaux. Je ne m'attendais certes pas à ce qu'on pût croire que mon opinion était dictée par un sentiment de mesquine jalousie à l'égard de Blankenberghe.
Je n'ai pas besoin de protester contre cette imputation. Je dirai seulement que si, comme Anversois, il est un port qui peut me faire concevoir quelque jalousie, c'est bien celui d'Ostende, plutôt que celui à créer à Blankenberghe. Or, jamais je n'ai refusé aucun des nombreux crédits demandés pour l'amélioration d'Ostende ; je les ai tous votés.
D'ailleurs, j'ai si peu de mauvais vouloir pour Blankenberghe, que dans la section centrale, après que le crédit proposé par le gouvernement pour le port de refuge eut été rejeté, c'est moi qui ai proposé d’appliquer le montant de ce crédit à la construction d'un chemin de fer.
Est-ce encore un sentiment de jalousie qui m'a inspiré cette proposition ?
Je ne crois pas devoir me défendre plus longuement contre les imputations de l'honorable M. Devaux, que n'autorisait aucun de mes précédents dans cette enceinte.
M. E. Vandenpeereboom, rapporteur. - Je me trouve dans une assez singulière position. Comme rapporteur, je suis chargé de défendre les conclusions de la majorité de la section centrale, et j'ai été de l'avis de la minorité. Cependant je crois que je puis me dispenser de faire valoir les motifs sur lesquels s'est appuyée l'opinion de la majorité ; ils ont été trop bien développés par mon honorable ami, M. Loos, pour que j'y revienne encore. Je me bornerai donc à dire quelques mots, à mon point de vue, c'est-à-dire à celui de la minorité ; mais auparavant je tiens à rendre cette justice à l'honorable M. Loos, et à ceux qui ont voté avec lui, qu'en repoussant le crédit demandé pour le port de refuge de Blankenberghe, ils n'ont été mus par aucun mauvais sentiment. Ils ont pu se tromper, mais ils ont voté consciencieusement.
Je dois, d'abord, faire remarquer que, dans la section centrale, on a été unanime à reconnaître qu'il était, dans tous les cas, nécessaire de construire une écluse à Blankenberghe.
Si cette écluse est construite isolément, elle coûtera de 350 à 400 mille francs ; tandis que rattachés au travail général du port de refuge, elle ne coûtera que 150,000 francs. Voilà donc, pour obtenir le même résultat, 250,000 francs que vous dépensez inutilement.
Je ne sais s'il est vrai que le port de refuge ne coûtera que 600,000 francs ; à franchement parler, je ne le crois pas ; la bonne foi m'oblige à l'avouer, bien que je sois résolu à voter ce crédit. Mais je dis qu'avec cette économie de 250,000 fr. vous diminuez d'autant la dépense totale.
C'est pourquoi j'ai voté l'année dernière, et cette année encore en section centrale, et je voterai aussi, tout à l'heure, la proposition du gouvernement.
J'arrive maintenant à la demande qui vous a été faite par l'honorable M. de Smedt, et par mon honorable ami M. de Breyne. Ces honorables membres vous ont parlé du port de Nieuport. La section centrale a examiné la pétition qui demande divers travaux pour l'amélioration de ce port ; mais elle n'a pas cru devoir proposer un crédit pour leur exécution, parce qu'il lui a semblé que ces travaux étaient plutôt de nature à faire l'objet d'articles des budgets ordinaires. Déjà, en effet, des sommes ont été portées au budget pour l'amélioration du port de Nieuport ; je ne dis pas que ces sommes soient suffisantes, et c'est de grand cœur que je les verrais augmenter ; mais elles n'ont pas leur place dans la loi actuelle ; et ce n'est pas à la section centrale qu'il faut imputer cette omission.
Je signalerai, à ce propos, à la Chambre une réclamation d'habitants de Nieuport. Il s'agit de l'écluse de chasse, située à (erratum, page 268) Nieuwendam. Il paraît qu'il suffirait d'une dépense minime pour la mettre en état.
Cette réparation permettrait d'améliorer, partiellement du moins, l’état de l'arrière-port. Il est possible qu'il n'y ait rien à faire d'efficace, par ce travail. Je n'en sais rien par moi-même : si je vous en ai parlé, c'est parce qu'une députation de Nieuport a signalé ce point à la section centrale, lors de la discussion de 1858.
Il a été parlé tout à l'heure des chemins de fer à l'américaine. On a cru bien faire, en demandant au conseil communal de Blankenberghe ce qu'il préférait. Il paraît que ce conseil, à l'unanimité, a préféré le port de refuge. Mais la question des chemins de fer à l’américaine n'en est pas moins un point très important. En effet, il est évident que, d'ici à quelques années, les grands chemins de fer seront les routes royales ferrées, et qu'à côté de ces routes, nous aurons alors les routes vicinales ferrées, c'est-à-dire les petits chemins de fer économiques.
Quand même la proposition de construire un chemin de fer à l'américaine de Bruges à Blankenberghe n'aboutirait pas, elle aurait pourtant ce résultat utile, que la question sera étudiée par le gouvernement, à un point de vue général. Pour ma part, je recommande cette question d'avenir à la sérieuse attention du gouvernement. Ce n'est point une chimère ; c'est, je crois, une question pratique. Quant à moi, je vous déclare que je suis tout disposé à accorder à Blankenberghe le port de refuge et le chemin de fer, par-dessus le marché. Je voudrais lui donner les deux choses, à la fois. Ce ne sera pas ma faute, si cette petite ville ne les aura pas ; car je n'ai pas voté pour la grosse part de la dépense de la loi qui nous occupe. Tous ces points ayant été débattus, par la section centrale, j'ai cru de mon devoir, comme rapporteur, d'attirer sur eux l'attention du gouvernement.
(page 266) M. Coomans. - Je dois également rendre cette justice à l'honorable M. Loos que dans la section centrale il n'a pas paru énormément préoccupé, inquiet des hautes destinées futures du village de Blankenberghe. S'il a nourri les mauvais sentiments d'envie et de jalousie qu'on lui a prêtés, il les a profondément dissimulés, car nous ne nous en sommes pas aperçus le moins du monde.
Je ne crois pas que Blankenberghe soit propre à devenir, même longtemps après la mort de M. Loos, un grand port de commerce capable de lutter avec Anvers. Hélas ! je doute même que Blankenberghe parvienne à éclipser la splendeur relative et modérée des ports d'Ostende et de Nieuport. (Interruption.)
Ne forçons pas notre talent, nous ne ferions rien de bon et nous jetterions les millions à la mer. Blankenberghe est une station de bains qui fait de la pêche par appoint et pour qui les baigneurs sont une bien plus précieuse ressource que les poissons. Il n'y a pas que des pêcheurs et des pêcheresses à Blankenberghe, j'aime à le croire ; à peine y en a-t-il 150 à 200, n'en déplaise à l'honorable M. Devaux.
La pêche est le moindre mérite de cette jolie plage ; je crois même que la pêche lui est nuisible, car de même qu'à Scheveningue, l'odeur du poisson contrarie fort les baigneurs. Au lieu d'offrir un port de refuge aux pêcheurs, la majorité de la population de Blankenberghe les enverrait volontiers au midi, vers Ostende, si elle en était la maîtresse.
Quoi qu'il en soit, il y a peu de pêcheurs à Blankenberghe, et je ne crois pas que pour un si petit nombre d'hommes il faille faire une dépense aussi forte et d'une utilité aussi problématique. (Interruption.) Pourtant je la ferais peut-être cette dépense, si la question d'humanité était telle que le soutiennent plusieurs honorables membres uniquement pour les besoins de la cause. C'est une question d'humanité ! s'écrient-ils. Ces pauvres pêcheurs doivent marcher dans l'eau avec leurs femmes et leurs enfants ! Quelle indignité !
D'abord, je ne crois pas que les pêcheurs ont peur de l'eau ; mais ensuite il en est absolument de même partout, et principalement chez le peuple qui a pour ainsi dire inventé cette pêche dans les mers du Nord, chez le peuple hollandais. Le débarquement du poisson a généralement lieu par voie d'échouement. Dans les sections et ailleurs on a dit qu'il fallait créer à Blankenberghe un port de refuge pour permettre aux pêcheurs d'avoir des bateaux pontés.
L'argument est non seulement inexact, il est complétement faux. (Interruption.) Faisons justice de cet argument qui n'a pas le sens commun.
Quoi ! vous ne pouvez pas à Blankenberghe transformer vos petits bateaux en grands bateaux, parce que vous n'avez pas de port de refuge ! J'aime à croire que l'honorable M. Devaux ne va pas qu'à Blankenberghe seul, qu'il a vu Scheveningue. Eh bien, il doit savoir qu'à Scheveningue les bateaux sont deux ou trois fois plus forts qu'à Blankenberghe et qu'ils sont pontés.
M. Devaux. - Les conditions sont-elles les mêmes ? les dangers sur les côtes sont-ils les mêmes ?
M. Coomans. - Evidemment.
Je crois que la côte hollandaise n'est ni plus sûre ni moins orageuse que la côte de Blankenberghe.
(page 267) Eh bien, j'en reviens à mon argument. Il y a à Scheveningue huit fois plus de bateaux qu'à Blankenberghe, et ces bateaux tous pontés sont deux ou trois fois plus forts. Or, c'est la première fois que j'entends dire qu’il s'agit de créer un port de refuge à Scheveningue.
J'y ai été plusieurs fois et je parle en connaissance de cause : aussi ne puis-je attacher aucune importance à la note qui nous a été lue par M. le ministre.
Il y a plus, messieurs, ce prétendu port de refuge créerait des embarras aux pêcheurs, surtout si on les forçait à y entrer. J'ai interrogé également des hommes qui ne sont pas étrangers à la pêche, et ils m'ont affirmé que l'échouage comme il se pratique à Schevinengue et ailleurs, a certains avantages et n'offre pas le moindre inconvenant. Les bateaux ne bordent pas la côte sablonneuse à la haute mer ; ils jettent l'ancre ; ils attendent que la mer se retire, et ils se trouvent sur le sable, à sec, sans frais, sans embarras aucun. Nul ne se plaint. Ils se rembarquent quand le flux vient les chercher. Je crois même que cette opération peut se faire sans qu'ils se mouillent les pieds, ce qui du reste est le moindre de leurs soucis.
Ainsi la question d'humanité doit être mise de côté. Elle n'en est pas une. C'est un argument purement oratoire, peu digne d'hommes sérieux qui vont au fond des choses.
Voilà donc une première raison pour laquelle je ne vote pas le crédit : c'est qu'il est inutile aux pêcheurs.
Une seconde raison, c'est que nous ne savons pas jusqu'où nous nous engageons par la première dépense que le gouvernement nous demande.
Des hommes très compétents affirment qu'il est impossible de faire un port avec 600,000 fr., quelque petit que soit ce port, et si vous le faites, vous aurez à le défaire et à le refaire plus tard plusieurs fois, ce qui offre de très grands inconvénients pour le budget et pour les contribuables sans soulager l'existence des pêcheurs.
Ce qu'il faut, comme on vous l'a dit, c'est encourager la pêche en Belgique. Protégeons la pêche, étendons ses débouchés ; nous avons pour cela tout ce qu'il faut, nous avons une nombreuse population, une excellente mer, de bonnes communications à l'intérieur. Mais ce n'est pas votre port de refuge qui attirera un seul bateau de plus à Blankenberghe.
Il y a des vices dans notre pêche nationale ; ce n'est pas le moment de les indiquer. Mais je déclare que lorsqu'on viendra nous proposer des moyens sérieux, efficaces, de venir en aide à nos pêcheurs et à notre pêche, je serai le premier à les voter.
Cela ne doit pas être suspect dans ma bouche. En fait de ports, je ne représente que celui de Turnhout et d’Herentals, et j'espère bien que l'honorable M. Devaux ne verra pas dans ce que je viens de dire au sujet de Blankenberghe le moindre sentiment de jalousie anversoise on campinoise.
(page 262) M. Rodenbach. - Depuis plusieurs années j'ai soutenu dans cette enceinte la demande des pêcheurs et de l'administration communale de Blankenberghe tendante à obtenir un port de refuge.
L'honorable préopinant nous parle de Scheveningue ; il nous dit qu'il n'y a pas à Scheveningue de port de refuge. Je lui répondrai que bien que la côte de Scheveningue soit meilleure que celle de Blankenberghe, il est aussi question d'établir un port de refuge dans la première de ces localités, parce qu'on trouve que la situation actuelle offre trop d'inconvénients.
Messieurs, je dis que des raisons d'humanité nous commandent de voter le crédit qui nous est proposé par le gouvernement. Vraiment, à entendre l'honorable préopinant, l'honorable député d'Anvers et quelques autres membres, il semblerait que ces honorables collègues connaissent mieux les besoins de Blankenberghe que les habitants eux-mêmes. J'ai aussi été sur les lieux, je me suis entretenu avec les pêcheurs et je puis vous assurer que leurs plaintes sont très vives.
Ils se plaignaient de ne pouvoir malgré les petites dimensions de leurs bateaux, arriver jusqu'à la côte, de devoir échouer dans le sable, de devoir ensuite, en marchant dans l'eau, tirer leurs bateaux sur des rouleaux pour les approcher de la côte, ce qui les oblige à des frais qui diminuent les faibles bénéfices qu'ils font sur leur poisson.
(page 263) Je sais qu'on s'est permis de badiner de la position de ces malheureux pêcheurs, qu'on a dit qu'ils aimaient l'eau. Mais je crois que personne ne trouve plaisir à marcher dans l'eau pendant l'hiver et qu'il n'est pas très sain de prendre de pareils bains.
On a dit encore : Mais il n'y a à Blankenberghe qu'une cinquantaine de bateaux ; la population ne s'élève qu'à tel chiffre. Vous ne devez donc protéger que les localités qui comptent une nombreuse population, et cette fois encore, comme cela n'arrive que trop souvent, ce seraient les petits qui auraient tort ? Messieurs, si l'on ne compte pas plus de bateaux à Blankenberghe, si la population n'y est pas plus forte, c'est parce qu'on ne la tire pas de la détestable position où elle se trouve.
Si, comme a paru le croire l'honorable député d'Anvers, il s'agissait d'une dépense de 4, 5 ou 6 millions, je concevrais que la Chambre hésitât. Mais il ne s'agit pas ici de travaux grandioses ; il s'agit de faire un petit bassin, de faire une sorte de crique artificielle, comme on en voit en Hollande de naturelles dans lesquelles peuvent entrer de bateaux plus grands même que ceux de Blankenberghe.
J'espère donc que la Chambre votera le crédit demandé. Je le répète, des raisons d'humanité nous le commandent. Depuis nombre d'années, les habitants de Blankenberghe réclament la création de ce port de refuge, et ils doivent mieux connaître leurs intérêts que les honorables députés qui n'ont été passer que quelques jours dans cette localité pour y prendre les bains.
M. de Theux. - Je demande la parole pour adresser une interpellation à M. le ministre des travaux publics.
Je désire savoir si le projet d'un port de refuge à Blankenberghe a été soumis à l'avis du conseil des ponts et chaussées et s'il résulte de cet avis que la dépense ne dépassera pas les 600,000 francs demandés au projet de loi.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Voici, messieurs, ce qui s'est passé. L'ingénieur en chef de la Flandre occidentale a envoyé son projet complet. C'est ce projet qui a été communiqué à la section centrale. Ce projet a été soumis au comité consultatif des ponts et chaussées, lequel, sans prendre de résolution définitive, l'a renvoyé à l'ingénieur en chef, auteur du plan, en appelant son attention sur certaines modifications qui seraient de nature à entraîner une augmentation de dépenses d'environ 200,000 fr.
Voilà, messieurs, dans quel état la question se présente.
M. de Theux. - D'après la réponse de M. le ministre des travaux publics, il me semble, messieurs, que le plus prudent serait d'ajourner cet article connue on a ajourné le chemin de fer de Bruxelles à Louvain et de soumettre la question à l'avis du conseil des ponts et chaussées. Pour les travaux maritimes on ne saurait s'entourer d'assez de renseignements. Si le crédit dont il s'agit n'est pas dépensé, d'une manière utile, la question de Blankenberghe sera définitivement perdue.
Si, après un examen sérieux, il est démontré que la dépense de 600,000 francs peut suffire à faire atteindre le but qu'on se propose, je pourrai peut-être voter cette dépense ; mais dans l'état actuel des choses, je ne le pourrai pas parce que, comme l'a dit M. Loos, il serait à craindre que ce ne fût une dépense inutile.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - D'abord, messieurs, il s'agit non pas de 600,000 fr., mais de 800,000 fr. ; car si vous faites l'écluse de décharge isolément, elle doit coûter 400,000 fr., tandis qu'elle coûtera moins de 200,000 fr. si elle est combinée avec l'établissement du port de refuge ; il resterait donc pour ce dernier objet 800,000 francs.
La Chambre peut être parfaitement rassurée quant à la limite de la dépense ; en supposant qu'on admette toutes les modifications proposées, la dépense totale ne peut pas excéder 1,200,000 fr. ; les plus exigeants ne vont pas au-delà. Il y a dans le projet de loi tel article qui n'a pas été critiqué et pour lequel il est constant que la somme demandée sera dépassée.
Du reste, je donne à la Chambre l'assurance que si, moi, j'ai à présider à l'exécution des travaux ou au commencement de l'exécution, je prendrai les dispositions les plus minutieuses pour que la Chambre n'ait pas à voter des crédits ultérieurs de ce chef.
M. de Theux. - Je maintiens ma demande d'ajournement.
M. E. Vandenpeereboom, rapporteur. - La section centrale a été unanime pour déclarer que dans tous les cas l'écluse est nécessaire ; est ce que l'écluse serait également ajournée ?
M. de Theux. - Evidemment, puisque l'écluse se lie aux autres travaux.
- L'ajournement est mis aux voix par appel nominal et adopté par 38 voix contre 36. Un membre (M. de Mérode-Westerloo) s'est abstenu.
Ont voté l'adoption : MM. de Montpellier, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Theux, H. Dumortier, Faignart, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, Janssens, Loos, Mercier, Moncheur, Nélis, Notelteirs, Nothomb, Snoy, Thibaut, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Iseghem, Van Volxem, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Wasseige, Coomans, Dechamps, Dechentinnes, de Decker, de Gottal et de Liedekerke.
Ont voté le rejet : MM. de Moor, de Terbecq, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, Dolez, Frère-Orban, Grosfils, J. Jouret, Koeler, le Bailly de Tilleghem, Ch. Lebeau, J. Lebean, Manilius, Neyt, Orban, Rodenbach, Rogier, Sabatier, Saeyman, Tack, Tesch, E. Vandenneereboom, Vanderstichelen, Van Leempoel, Van Renynghe, Vervoort, Coppieters 't Wallant, David, de Bast, de Boe, de Breyne, De Fré, de Haerne, Deliége et Orts.
M. de Mérode-Westerloo. - Je suis tout disposé à faire quelque chose pour Blankenberghe, mais, d'un autre côté, j'ai pris la ferme résolution de ne plus voter aucun travail sans avoir un devis bien arrêté.
« § 7. Pour travaux de canalisation de la Lys, trois cent mille francs : fr. 300,000. »
(page 305) M. Desmaisières. - Messieurs, je ne viens pas m'opposer au crédit pétitionné pour travaux de canalisation de la Lys. J’y donne au contraire mon approbation pleine et entière.
Mais on lit dans l’exposé des motifs du projet de loi, annexe 11, ce qui suit :
« L'exécution de ce travail permettra, en outre, de rejeter les eaux de la Lys dans le canal de Schipdonck, pour les conduire vers la mer, et de faire cesser ainsi, pour la ville de Gand, les inconvénients du rouissage. »
Or, si en fait on déchargeait les riverains du bassin de Gand des effets pernicieux des eaux de rouissage de lin pour en charger les riverains du canal de Schipdonck qui ont déjà à subir la fièvre des polders, il y aurait là une véritable injustice.
Mais en fait heureusement les choses ne se sont pas passées ainsi. Il suffit pour s'en convaincre de considérer que le canal de Schipdonck sera entièrement alimenté par les eaux de la Lys, et que la navigation de l'Escaut dans le bassin de Gand ne peut avoir lieu que par les eaux de la Lys, qui rachètent la différence de niveau qui existe entre le haut et le bas Escaut
Le bassin de Gand et le canal de Schipdonck devront, dans l'intérêt de leur navigation, recevoir chacun une partie des eaux du rouissage.
Il arriverait même que dans certains moments le bassin de Gand et le canal de Schipdonck se disputeront les eaux de la Lys qu'elles soient infectées ou non.
J'espère d'ailleurs que par un bon règlement de police on fera à chacun sa part d'inconvénients et d'avantages, et on parviendra à atténuer beaucoup les inconvénients.
(page 263) M. Tack. - Messieurs, le paragraphe en discussion est relatif à un crédit destiné à des travaux de canalisation de la Lys.
D'après l'exposé des motifs, ces travaux consisteraient dans la construction d'une écluse avec sas accolé sur le territoire de la commune d'Astene.
Messieurs, je n'ai pas besoin de démontrer l'utilité de ce travail. La section centrale s'est chargée de ce soin. Je me bornerai à dire qu'il s'agit d'un travail ancien, de la continuation d'une œuvre commencée, d'achever un plan d'ensemble ; au surplus le crédit que l'on demande sera le dernier ; moyennant l'allocation de 300,000 fr., la canalisation de la Lys pourra être entièrement complétée.
L'auteur du plan de canalisation de la Lys est M. l'ingénieur Vifquain. A l'époque où il l'a conçu, il n'a pu avoir en vue que deux choses : d'abord, d'améliorer la navigation sur la Lys ; en second lieu, ensuite de faciliter les opérations du rouissage sur la haute Lys.
Il n'a pu songer que le dernier barrage à établir sur la Lys aurait un jour à répondre en même temps à d'autres intérêts, à rendre d'autres services, à savoir : à la navigation sur le canal de Schipdonck et à la dérivation de la Lys par ce canal, même durant la saison d'été.
A l'époque où M. Vifquain faisait ses plans, le canal de Schipdonck n'était pas en construction, c'est à peine s'il en était question.
Il est démontré aujourd'hui que si le barrage en question ne devait pas être construit pour les besoins de la navigation sur la Lys, il devait l'être afin de donner satisfaction à la ville de Gand, afin de faire cesser les plaintes nombreuses qui s'élèvent depuis quelque temps dans cette ville au sujet de l'infection de la Lys.
Moi, je n'examinerai pas quelles sont les causes de cette infection ; je laisse cette question entière, mais je me demande si à raison de la nouvelle destination que doit recevoir le barrage à construire sur la Lys, il n'y a pas lieu d'apporter quelques modifications aux plans de M. l'ingénieur Vifquain.
Il se peut fort bien qu'il soit nécessaire de rapprocher le barrage de la ville de Deynze, de l'établir en amont de cette localité au point où le canal de Deynze à Schipdonck prend son origine.
D'après l'exposé des motifs, il semble que le barrage sera établi à Astene ; je voudrais que M. le ministre des travaux publics se réservât toute latitude pour établir le barrage sur un point intermédiaire quelconque entre le canal de Schipdonck et la commune d'Astene.
Je sais que c'est un détail d'exécution ; mais comme il est question, dans l'exposé des motifs d'un emplacement déterminé, des intérêts privés pourraient s'élever, des réclamations surgir et susciter des embarras ; on pourrait venir prétendre que le barrage doit être établi à Astene et pas ailleurs. C'est ce que je veux prévenir, et je demande formellement qu'à cet égard M. le ministre fasse toutes réserves.
L'honorable M. Desmaisières craint que de l'établissement du barrage ne résultent des inconvénients pour les populations qui habitent sur le parcours du canal de Deynze à Schipdonck ; il pense que l'infection des eaux de la Lys pourrait produire dans les campagnes avoisinantes des émanations délétères, provoquer des fièvres et d'autres maladies. Les alarmes de l'honorable membre ne sont nullement fondées.
Jusqu'à présent aucune plainte ne s'est élevée à ce sujet de la part des habitants des rives de la Lys, du moins dans les campagnes. Les plaintes sont parties de Gand ; la Lys est encaissée entre des bâtiments et suit des détours tels, que là l'infection doit être plus sensible.
Je le répète, jamais à la campagne on ne s'est plaint de cette infection.
D'autre part il n'y a qu'à consulter les rapports des commissions médicales provinciales et locales de la Flandre, et vous verrez que jamais aucune maladie n'a été occasionnée par le rouissage.
Je bornerai là mes observations.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, l'honorable M. Tack me demande à quel endroit sera établie la nouvelle écluse. C'est une question d'art, mais la loi, telle qu'elle est formulée, me laisse toute latitude pour l'emplacement.
L'honorable M. Desmaisières a demandé comment serait remplacé d'Astene à Gand le manquant des eaux de la Lys supérieure, évacuées vers la mer.
Messieurs, il résulte d'un tableau officiel, dressé pour une période de 18 ans, dans la Flandre orientale, que la pénurie d'eau n'est à (page 264) craindre pour le bassin de Gand que pendant 28 jours en moyenne par an, si on prive ce bassin des eaux de la Lys. C'est à l'époque des sécheresses. Il y aurait pendant ce temps à prendre probablement un arrêté interdisant pendant quelques semaines le rouissage.
Si les rouisseurs sont prévenus dès le commencement de l'année, ce n'est pas une interruption de quelques semaines qui pourra leur porter préjudice. Voilà un premier moyen.
Un second moyen qui implique également une question d'art, ce serait de faire une prise d'eau au bas Escaut.
Le gouvernement examinera ces questions. Il se peut qu'il y ait là quelques inconvénients ; mais je ne crois pas ces inconvénients assez graves pour qu'il ne soit pas possible d'y remédier ; le gouvernement cherchera une solution entièrement satisfaisante pour tout le monde.
- La discussion est close.
Le paragraphe 7 est mis aux voix et adopté.
On passe au paragraphe 8.
« § 8. Pour l'approfondissement de la Sambre, dans la partie comprise entre Mornimont et la frontière de France : fr. 1,000,000. »
L'amendement suivant a été présenté à ce paragraphe :
Au lieu de : « Pour l'approfondissement de la Sambre dans la partie comprise entre Mornimont et la frontière de France. »
Nous proposons de dire : « Pour l'approfondissement de la Sambre depuis Namur jusqu'à la frontière de France.
« (Signé) : Sabatier, Moncheur, Thibaut, Wasseige, de Montpellier, Dechamps, de Liedekerke, Ch. Lebeau. »
M. Moncheur. - Messieurs, peu de mots suffiront pour justifier l'amendement que, de concert avec plusieurs de mes honorables collègues, j'ai présenté. Il a pour but de faire décréter que l'approfondissement de la Sambre aura lieu à partir de son embouchure à Namur, et non point à partir de Mornimont seulement.
Cet amendement est aussi simple que fondé sur les faits et la raison. J'espère que le gouvernement s'y ralliera.
M. le ministre des travaux publics voudra bien nous faire connaître sa décision à cet égard, soit immédiatement, soit après les développements que je vais avoir l'honneur de vous donner.
- Un membre. - Il pourrait le faire de suite.
M. Moncheur. - Soit.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Si l'honorable membre le permet, je lui dirai tout de suite pourquoi je ne puis pas me rallier à son amendement.
Voici, messieurs, l'idée que poursuit le gouvernement : on veut mettre le bassin de Charleroi en communication avec la Sambre dans les conditions où la Sambre française est elle-même canalisée. L'exposé des motifs est parfaitement explicite sur ce point ; il prouve que cela est absolument indispensable.
En effet, la batellerie a à lutter contre la concurrence de la compagnie du Nord qui fait des sacrifices considérables pour lui nuire et envoyer des transports par cette voie.
Il faut donc pour paralyser les efforts de la compagnie du Nord mettre le bassin de Charleroi en communication avec la Sambre française dans les conditions où cette rivière est canalisée elle-même. Or le bassin de Charleroi s'arrête à Monimont ; il faut donc approfondir la Sambre belge à partir de ce point.
Maintenant l'honorable membre voudrait que l'approfondissement de la Sambre à 1 mètre 80 centimètres de tirant eût lieu jusqu'à Namur.
Nous sommes d'accord sur l'utilité de ce travail qui devra se faire tôt ou tard ; mais je ferai remarquer à l'honorable membre que son amendement ne peut pas aboutir, en ce sens que, si vous décrétez dès aujourd'hui l'approfondissement de la Sambre depuis la frontière française jusqu'à Namur, en maintenant le crédit au chiffre proposé, vous ne ferez pas chose sérieuse au moins, puisqu'il vous manquera 500,000 francs pour faire ce travail, et en attendant que ce crédit supplémentaire nous soit accordé, la partie essentielle du projet restera en souffrance.
Je suis donc obligé de repousser l'amendement, tout en reconnaissant l'utilité du travail qu'il a pour objet.
M. Moncheur. - Messieurs, il est infiniment à regretter que le gouvernement ne se rallie pas à mon amendement. Toutefois, d'après les dernières paroles de M. le ministre des travaux publics, je pense que nous pourrions facilement nous mettre d'accord : car ce que nous demandons, ce n'est pas, à la rigueur, que le travail s'exécute immédiatement, mais que le principe en soit tout au moins déposé dans la loi.
Et en effet, messieurs, voyez à quelle conséquence on arriverait si ce principe n'était point décrété. La longueur de la Sambre canalisée sur notre territoire est d'au moins 19 lieues métriques ; eh bien, on approfondirait la Sambre sur une longueur de 16 à 17 lieues et on la laisserait sur une distance de 2 ou 3 lieues seulement dans la situation où elle est aujourd'hui ! Et notez bien que ces deux ou trois lieues embarrassent précisément la partie la plus importante du cours de la rivière, c'est-à-dire la partie inférieure et son embouchure dans la Meuse.
M. le ministre nous dit : Vous ne faites pas chose sérieuse si, dès maintenant, vous ne demandez pas une augmentation de crédit. A cela je réponds, d'abord, que je fais chose sérieuse en demandant que le principe de l'approfondissement intégral soit inséré dans la loi, sauf à exécuter ce travail dès que les finances de l'Etat le permettront ; mais j'ajoute ensuite que si le gouvernement croit nécessaire qu'une augmentation de crédit soit votée dès maintenant, rien n'est plus facile que de nous mettre d'accord sur ce point.
Il ne serait d'ailleurs nullement nécessaire de changer le chiffre de la somme à prélever sur l'emprunt pour l'approfondissement de la Sambre ; ce chiffre resterait fixé à un million, et comme l'article 4 porte que les dépenses nécessaires au complet achèvement des travaux repris à certains paragraphes, dont celui qui est relatif à la Sambre fait partie de l'article premier, seront couvertes par les ressources ordinaires de l'Etat, le gouvernement précisera dans cet article le pouvoir et la faculté d'employer une partie suffisante des ressources de l'Etat pour couvrir les dépenses à faire pour le travail dont il s'agit.
Je fais même observer que puisque nous venons d'ajourner jusqu'au mois de novembre prochain un crédit de 600,000 francs, la combinaison financière même du projet ne serait nullement dérangée par l'admission actuelle d'un travail qui n'absorberait pas à beaucoup près cette somme.
Quoi qu'il en soit, nous ne stipulons rien quant au terme endéans lequel le travail et la dépense seraient faits : nous affirmons seulement qu'il serait très inconséquent, qu'il serait même ridicule de décréter l'approfondissement de la Sambre sur la plus grande partie de son parcours et de la laisser dans l'état où elle est sur l'autre partie, et précisément là où ont lieu les transports les plus considérables.
M. le ministre des travaux publics vient d'avouer que l'unique but du projet était de mettre le bassin de Charleroi en communication avec la Haute-Sambre et le canal de Sambre-et-Oise. Mais, à cet égard, j'ai, moi, me plaçant au point de vue des intérêts namurois, de très graves objections à faire. J'ignore pourquoi ces intérêts doivent être sacrifiés et pourquoi la province de Namur doit toujours être oubliée quand il s'agit de travaux publics. Et remarquez, messieurs, ce qui résulterait des travaux, tels qu'ils sont conçus par le gouvernement : les bateaux chargés et descendant la Sambre vers Namur seraient tous forcés de rompre charge à Mornimont pour continuer leur voyage.
Aussi les bateliers conduisant du charbon, du sel pour les fabriques de produits chimiques, du grain, des fontes, des fers, etc., tous ces bateliers une fois arrivés à Mornimont devraient s'y pourvoir d'allégés, ou bien auraient dû avoir soin de ne prendre, au point de leur départ, qu'une partie du chargement possible de leurs bateaux.
Il est clair que la province de Namur, au lieu de trouver le moindre avantage au travail projeté, éprouverait, au contraire, un préjudice.
L'approfondissement n'a lieu, d'après le projet, que dans l'unique intérêt du bassin houiller de Charleroi.
Il est heureux que ce bassin s'étende un peu sur le territoire de la province de Namur, car sans cette circonstance il ne se ferait pas un pouce d'approfondissement de la Sambre exécute sur ce territoire.
Pourquoi donc le gouvernement n'a-t-il eu en vue que l'exportation vers la France et le transport vers Charleroi des charbons du bassin de Charleroi et de la Basse-Sambre ?
Il n'ignore pas sans doute que toute la ville de Namur et tout le pays riverain de la Meuse, depuis Andenne jusqu'à Dinant, s'approvisionnent presque uniquement des charbons du bassin de Charleroi, qui s'élève jusqu'en aval de Mornimont. Or, si la Sambre n'est pas approfondie entre Mornimont et la Meuse, il arrivera ce fait bizarre, que des charbons extraits dans la province de Namur même et se dirigeant vers la France seront affranchis des entraves d'une navigation mauvaise ; que le fret sur ces charbons diminuera, et que par conséquent les habitants de Charleroi et les Français pourront se procurer les charbons de la province de Namur à des conditions plus favorables que les Namurois eux-mêmes. Aux bateaux qui se dirigeront sur la France le projet donne un tirant d'eau d'un mètre 50, tandis que ceux qui se dirigeront vers la basse Meuse n'auront qu'un tirant d'eau de 1 mètre à 1 m 20.
Je proteste quant à moi contre cet ordre de choses. Il faut donner au projet un horizon plus large et ne pas mettre la province de Namur en dehors des améliorations qui y sont proposées.
Que deviendront par exemple les transports du minerai de fer vers Charleroi par la Meuse et la Sambre ? ils seront, d'aprè sle projet du gouvernement, exactement dans la même situation qu'aujourd'hui. La partie de la Sambre qui se trouve entre Mornimont et Namur n'étant pas approfondie, on ne pourra donner aux bateaux un pouce d'enfoncement de plus qu'à l'heure qu'il est.
Il y a donc dans le projet une lacune qu'il faut combler, et c'est en adoptant mon amendement.
Il faut que la navigation de la Sambre soit améliorée sur toute son étendue.
L'intérêt des nombreux hauts fourneaux de Charleroi, qui consomment les minerais oligistes de Namur, le réclame, comme l’intérêt de Namur même.
Quelqu'un a dit tout à l'heure qu'il ne fallait pas nécessairement chercher à faire une sorte de répartition exacte et au marc le franc (page 265) entre les diverses localités du pays, quant aux travaux publics à exécuter. Certes, ce reproche ne peut être adressé au projet du gouvernement en ce qui touche la province de Namur, car savez-vous bien ce qu'obtient la province de Namur par le projet actuel ?
Elle obtient zéro. Que dis-je ? elle obtient moins que rien, car elle est à certains égards placée dans une condition pire qu'auparavant. En effet, le fret du charbon diminuant pour le transport vers la France, il augmentera nécessairement vers Namur.
Tous les bateliers profiteront des avantages que leur offrira l'approfondissement de la Sambre en amont de Mornimont, et ne se décideront que pour un prix plus élevé qu'auparavant à effectuer des transports en aval de cette localité.
Aussi la députation permanente de Namur vous a-t-elle adressé, messieurs, une réclamation contre cet ordre de choses. « Le projet, dit-elle, donne lieu de craindre que les travaux de l'approfondissement de la Sambre ne soient exécutés que jusqu'à Mornimont ; mais nous ne pouvons croire que telles soient les intentions du gouvernement à l'égard de notre province déjà si mal partagée par le projet de loi. »
J'espère donc que la Chambre reconnaîtra qu'il y a là une véritable lacune à combler.
Il faut d'ailleurs que l'approfondissement de la Sambre soit mis en relation avec la canalisation de la Meuse, dont on s'occupera, j'espère, bientôt.
La Chambre ne voudra donc pas décréter un travail manqué d'avance faute d'être complet. Elle ne voudra voter qu'un travail tout entier qui seul sera véritablement utile et répondra aux intérêts du pays.
M. Orban, au nom de la commission de comptabilité, dépose un rapport sur un projet de loi de crédit supplémentaire au budget des dotations pour le service de la Chambre.
- La Chambre fixe la discussion de ce projet de loi à demain.
M. le président. - La discussion continue sur le paragraphe 8 de l'article premier.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - L'honorable M. Moncheur prétend qu'il y a dans le projet du gouvernement une lacune qu'il importe de combler. Je ne puis pas admettre cela. Le projet du gouvernement est un travail complet ayant un but parfaitement déterminé et rendant la navigation possible sur la Sambre, de Mornimont à la frontière de France.
L'amendement de M. Moncheur se rattache à un tout autre ordre d'idées.
Les travaux du canal de la Sambre, de Mornimont à Namur, ne sont pas étudiés. Il n'y a qu'un avant-projet très vague qui n'a été soumis à aucune instruction ultérieure. La proposition de M. Moncheur ne peut donc pas faire l'objet des délibérations de la Chambre.
Je vous ai dit que je croyais qu'il faudrait 500 mille francs pour exécuter les travaux ; mais je ne vous ai pas garanti que ce chiffre serait suffisant. Il y a au contraire une présomption très forte qu'il serait inexact. L'honorable membre demande trop sous prétexte que nous donnons trop peu.
L'approfondissement de la Sambre de Mornimont à Namur sera inutile jusqu’au moment où la Meuse sera canalisée. L'honorable membre nous a parlé des minerais. Eh bien, le minerai précisément ne pourra pas arriver de Namur à Mornimont aussi longtemps que la Meuse ne sera pas canalisée.
M. Moncheur. - J'espère bien que cela se fera.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Je l'espère aussi ; mais j'ai voulu faire ressortir qu'aussi longtemps que cela ne sera pas fait, les minerais n'iront pas de Namur à Mornimont, que la Sambre soit ou non approfondie dans cette partie.
La Chambre vient d'ajourner le crédit demandé par le gouvernement pour l'établissement d'un port de refuge à Blankenberghe parce qu'elle n'était pas bien sûre que la question eût été assez étudiée pour qu'elle osât vtler une dépense qui pourrait s'élever à 1,200 mille francs.
Je viens d'expliquer à la Chambre que rien n'est étudié dans les travaux que demande M. Moncheur la Chambre a donc un motif sérieux de plus pour ne pas accueillir l'amendement qui lui est proposé.
M. E. Vandenpeereboom, rapporteur. - La section centrale a été saisie de la proposition qui vient de vous être faite par M. Moncheur. Elle n'a pas cru devoir l'admettre, d'abord par les motifs qu'a fait valoir le ministre des travaux publics, et ensuite parce qu'il lui a paru impossible de n'adopter que le principe du travail, alors qu'on n’y appliquait pas la somme voulue.
En d'autres termes, elle a cru qu'il était utile de canaliser la Sambre de Namur à Mornimont. Mais fermement résolue à ne pas dépasser les crédits proposés par le gouvernement, elle n'a pas voulu inscrire dans la loi le principe d'un travail dont elle ne connaissait pas plus que l'honorable M. Moncheur le coût définitif.
Voilà les motifs qui ont engagé la section centrale à se borner à recommander à la bienveillance du gouvernement les améliorations à apporter au cours de la Sambre de Namur à Mornimont.
M. Wasseige. - Si l'amendement déposé par M. Moncheur et par moi et par quelques-uns de nos honorables collègues avait pour objet une somme quelconque au projet de loi pour exécuter immédiatement des travaux à la partie de la Sambre située entre Namur et Mornimont, je concevrais les raisons données par M. le ministre des travaux publics pour repousser cet amendement. Mais il n'a pas cette portée. Ce que nous vous demandons, c'est de décréter un principe et, si les renseignements que j'ai reçus sont exacts, ce n'est pas une faveur que nous sollicitons du gouvernement, c'est l'exécution d'une obligation qu'il a contractée.
Le gouvernement qui s'est mis aux lieu et place de l'ancienne société concessionnaire de la Sambre doit remplir les obligations qu'avait contractées cette société.
Ce principe me paraît incontestable. Le cahier des charges imposé à cette société est encore la règle à suivre, et les obligations qu'il contient doivent encore s’exécuter ; c'est le droit des parties intéressées. Eh bien, il résulte des renseignements que j'ai reçus, que dans ce cahier des charges se trouve inscrite 1 obligation de donner à la Sambre un étiage de 1 m 80 jusqu’à Namur. S'il en est ainsi, j'ai raison de dire que ce n'est pas une faveur que nous réclamons, mais un droit dont nous pouvons jouir aussi bien de Mornimont jusqu'à Namur que depuis Mornimont jusqu'à la frontière de France.
L'honorable ministre des travaux publics, je me plais à le reconnaître, a déclaré qu'il croyait le travail utile, qu'il était convenable qu'il se fît et qu'il se ferait certainement un jour. Je remercie M. le ministre des travaux publics de ces paroles, et j'en prends acte. Mais elles ne suffisent pas complétement. Si j'avais l'espoir que M. le ministre des travaux publics restât aux affaires jusqu'à ce que tous ces travaux fussent terminés, je n'insisterais pas. Mais les destins et les ministères sont changeants, et ce vœu peut ne pas se réaliser ; je puis être trompé dans cette espérance, c'est pour cela que je désire avoir le texte de la loi au lieu de la parole du ministre.
Je pense qu'en adoptant l'amendement de l'honorable M. Moncheur et en inscrivant dans le texte de la loi l'approfondissement de la Sambre depuis Namur jusqu'à la frontière de France, on ne fait que donner un corps aux paroles de M. le ministre, sans compromettre les finances de l’Etat, puisque nous ne réclamons pas d'augmentation de chiffre quant à présent, et sans s'aventurer à la légère, puisqu'on aura le temps de faire toutes les études nécessaires avant de mettre la main à l'œuvre.
- La discussion est close.
La séance est levée à 4 heures trois quarts.