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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 25 août 1859

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859 extraordinaire)

(page 237) (Présidence de M. Orts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Boe procède à l'appel nominal à 1 1/4 heure.

M. Vermeire, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Boe présente l'analyse des pièces suivantes.

« Des bateliers de Liège et des environs demandent que le projet de loi de travaux publics comprenne la canalisation de la Meuse ou du moins des travaux d'amélioration à exécuter à ce fleuve. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Le sieur De Bruyckere, porteur de contraintes à Caprycke, demande que sa position soit améliorée. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres du conseil communal de Courcelles demandent que le gouvernement soit autorisé à accorder à la compagnie Delval la concession d'un chemin de fer de Luttre-Manage à Momignies. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Louvain demandent que les membres de la représentation nationale élus par l'arrondissement de Louvain et les personnes nominativement dénoncées dans la réclamation contre les élections aient le droit d'être entendus par la commission d'enquête, d'assister au débat, de présenter leur défense et que la commission porte des investigations sur des faits qu'ils signalent. »

- Renvoi à la commission d'enquête.


« M. le ministre de la justice transmet à la Chambre, avec les pièces de l'instruction, la demande de naturalisation ordinaire du sieur Demily. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« M. le gouverneur de la province du Luxembourg adresse à la Chambre un exemplaire du bulletin des séances du conseil provincial de cette année. »

- Dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi exécutant divers travaux d’utilité publique

Motion d’ordre

M. David (pour une motion d’ordre). - Messieurs, notre session a déjà été bien longue. Depuis le 12 novembre de l'année dernière, c'est-à-dire depuis près de neuf mois et demi, nous avons été réunis presque sans interruption. Cependant chacun de nous a ses affaires particulières à soigner, et on compte ordinairement sur les vacances pour les soigner.

Je crois que nous pourrions terminer nos travaux pour samedi. Si nous devons revenir la semaine prochaine, il est probable qu'elle sera employée encore tout entière en discussions et nous pourrions finir par ne plus nous trouver en nombre.

Pour éviter cet inconvénient, je voudrais qu'à partir d'aujourd'hui la Chambre eût deux séances, une de midi à 4 heures, et l'autre de 8 heures à 10 heures et demie.

De cette manière, je le répète, je crois que nous pourrions terminer samedi.

Je fais la proposition formelle d'avoir, à partir d'aujourd'hui, deux séances.

M. d'Hoffschmidt. - Je partage l'opinion de l'honorable préopinant quant à ses premières observations.

La session est fort avancée. Nous sommes arrivés à l'époque où chacun est habitué à prendre des vacances, non seulement à la Chambre mais encore dans les diverses administrations.

Mais ne pourrions-nous employer un autre moyen que celui proposé par l’honorable M. David ? Ce moyen serait de disjoindre du projet de loi les articles relatifs aux divers travaux publics en nous bornant à ce qui concerne Anvers.

Je ferai remarquer que si nous adoptons le projet de loi dans son ensemble, il est probable que le Sénat y fera quelques modifications.

II serait fort extraordinaire qu'un projet de loi de cette importance, qui compte autant d'articles, ne subît pas quelques modifications de la part du Sénat. Dès lors, vous devez être rappelés dans cette enceinte.

Il me semble qu'il serait beaucoup plus sage de voter encore l'article relatif à la part contributive de la ville d'Anvers dans les travaux de fortifications et l'article relatif à l'emprunt et de réserver toute la partie relative aux autres travaux publics pour la session prochaine. Cette session n'est pas éloignée. Je crois qu'aucun des travaux ne souffrirait de ce retard. Nous pourrions ainsi approfondir les questions que soulève le projet, questions très importantes et très nouvelles pour la plupart d'entre nous.

Je ne vois pas les motifs pour s'opposer à cette disjonction. Je ne crois pas non plus qu'à cette époque avancée le gouvernement veuille s'y opposer.

Vous voyez, messieurs, que nos rangs sont déjà bien éclaircis ; beaucoup de membres n'assistent plus aux séances. Eh bien, qui sait ce qui arrivera si nous restons encore une quinzaine de jours ! Peut-être ne serons-nous plus en nombre. Ensuite, le Sénat doit aussi examiner la loi, et elle pourrait nous revenir.

Messieurs, si je fais cette proposition, ce n'est pas que je pense le moins du monde que l'adjonction de travaux publics aux fortifications d'Anvers soit de nature à porter atteinte à la dignité des membres de la Chambre ; je ne partage nullement cette opinion ; mais j'ai présenté mes observations dans l'intérêt des travaux de la Chambre et parce que la disjonction ne peut réellement léser aucun intérêt. Tous les travaux compris dans le projet, autres que les fortifications d'Anvers, peuvent très bien venir dans trois mois.

La preuve qu'il n'y a aucun péril en la demeure, c'est que l'année dernière, lorsque l'article premier avait été rejeté, le gouvernement a ajourné tout ce qui concernait les travaux d'utilité publique.

Je propose donc de voter dès maintenant les articles 2 et 3 du projet et d'ajourner le reste à la session prochaine.

M. de Theux. - Messieurs, je ne m'oppose pas à la proposition de M. d'Hoffschmidt ; elle s'appuie sur cette considération principale c'est que la Chambre paraît bien peu disposée à se livrer à une discussion aussi sérieuse, aussi approfondie que celle qu'exige l'importance des dépenses et des travaux dont il s'agit.

Mais, messieurs, je m'oppose de toutes mes forces à la motion de l'honorable M. David de tenir, par des chaleurs tropicales, deux séances par jour ; c'est au-dessus des forces d'un grand nombre de membres de cette Chambre, qui sont déjà fatigués de cette longue session.

D'ailleurs, messieurs, nous ne gagnerions rien à cette mesure ; il est certain que si nous avions deux séances, la première serait écoutée et que la seconde se réduirait à peu de chose.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je regrette infiniment de devoir combattre la motion faite par l'honorable M. d'Hoffschmidt. On invoque l'époque avancée de l'année, je fais d'abord observer à la Chambre que ce n'est pas la première fois que des sessions se prolongent comme celle-ci. Nous en avons déjà eu un grand nombre d'aussi longues depuis 1830. J'ai sous les yeux une note indiquant le nombre de ces sessions, qui ne se sont terminées qu'au mois d'août, ou de septembre, même à la fin de septembre ; d'autres au mois d'octobre seulement.

Il me semble que nous pouvons, sans aucun inconvénient, suivre l'exemple qui nous a été donné, d'autant mieux que la Chambre peut achever en peu de temps ses travaux.

L'honorable M. d'Hoffschmidt dit, il est vrai, que ce projet est de nature à soulever de nombreuses et graves questions et que son examen doit traîner en longueur. Eh bien, je crois que l'honorable membre se trompe ; ii n'y a presque pas de questions à soulever. si l'on se renferme dans les objets soumis aux délibérations de la Chambre.

Le principe de la plupart des travaux a déjà été décidé par la Chambre. Il ne s'agit, en quelque sorte, que de crédits à voter. Quelques questions se présenteront, je le veux bien ; mais je suis persuadé qu'en poursuivant l'examen du projet de loi nous arriverons à simplifier les débats. Nous pourrons ajourner, par exemple, l'article qui concerne le chemin de fer de Bruxelles à Louvain, qui serait de nature à soulever une assez longue discussion, non seulement à cause de l'article en lui-même, mais par suite des propositions de la section centrale qui veut y substituer d'autres travaux.

Or, dans la situation où se trouve la question des élections de Louvain, il me paraît convenable qu'on ne mette pas cet article en discussion quant à présent. On pourra donc l'ajourner ainsi que tous ceux qu'on veut y substituer. Dans le cours de la session prochaine, le gouvernement fera des propositions à la Chambre. De cette façon, il ne reste pins rien en contestation.

- Un membre. - La section centrale propose la suppression du crédit demandé pour l'approfondissement du canal de Bruges à Ostende.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il s'agit là d'un travail commencé. On vient proposer à la Chambre de renoncer à approfondir la moitié d'un canal, quand l'autre moitié est déjà approfondie.

Je concéderai, si l'on veut, que ce travail n'est pas d'une extrême urgence ; je concéderai, si on l'exige, qu’il ne présentes pas une utilité très grande ; c'est tout ce qu'on pourra dire contre la proposition ; mais on ne réussira pas, je pense, à persuader à la Chambre qu'elle doit décider aujourd'hui le contraire de ce qu'elle a décidé il y a peu d'années, qu'elle doit surtout, lorsque l'œuvre est entreprise, la laisser inachevée.

Je rappelle enfin les motifs que j'ai donnés il y a peu de jours en faveur de l'unité du projet ; nous sommes tenus à présenter les voies et moyens des travaux que nous proposons d'exécuter. Ces voies et moyens se composent et de l'emprunt et des excédants des exercices futurs ; l'ensemble des travaux se trouve réparti en partie sur l'emprunt et en partie sur les excédants. Comment veut-on faire disparaître cette combinaison ?

M. Mercier. - On peut la voter telle qu'elle est.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Si vous la votez telle qu'elle (page 238) est, sans voter les travaux, qu'est-ce que cela signifie ? Ce serait voter les recettes sans voter les dépenses.

M. Mercier. - Vous n'avez pas trop pour les travaux de fortifications d'Anvers.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - D'après l'idée de l'honorable M. Mercier, on appliquerait l'emprunt exclusivement, je présume, aux travaux d'Anvers, et l'on réserverait pour l'exécution des autres travaux les excédants des exercices futurs.

M. Mercier. - Pas exclusivement.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Du reste, la question de disjonction ne peut pas être mise en délibération ; cette disjonction ne saurait avoir lieu que du consentement du gouvernement ; or, le gouvernement croit devoir s'y opposer.

M. Manilius. - Il l'a combattue dès le principe.

M. Wasseige. - La question n'a plus aujourd'hui le même caractère, la même importance.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je veux bien l'admettre ; mais il y aurait, à suivre cette marche, des inconvénients de plus d'un genre. C'est d'ailleurs au fond la même proposition que l’on renouvelle. Eh bien, cette proposition, je le répète, ne peut pas être mise en délibération. Ce serait faire violence à la prérogative du gouvernement qui a le droit de présenter le projet de loi, et de le formuler comme il l’entend. La Chambre, de son côté, a le droit de l'adopter, de le rejeter ou de l'amender ; mais elle ne peut pas scinder le projet et d'un seul en faire deux contre le gré du gouvernement.

Je rends la Chambre attentive à cette considération qu'en agissant comme on la convie à le faire, elle s'exposerait à compromettre sa propre prérogative.

En effet, si le pouvoir exécutif a le droit d'initiative, la Chambre n aussi ce droit.

Il peut arriver que vous formuliez un projet de loi soumis ensuite à l'autre branche du pouvoir législatif. Or, si l’une des branches du pouvoir législatif a le droit de diviser une proposition qui lui est envoyée par l'autre, il en résulterait que le Sénat, par exemple, pourrait scinder un projet de loi que vous lui auriez transmis ; qu'il admettrait une partie de nos propositions et retiendrait les autres, en faisant de la sorte une loi qui mutilerait complétement notre pensée. Vous auriez fait dépendre certaines propositions d'antres propositions et, grâce à la division, votre résolution serait absolument méconnue.

Et, par exemple, vous êtes saisis d'un projet de loi sur les péages du canal de Charleroi ; ce projet contient plusieurs dispositions qui n'ont entre elles aucune corrélation nécessaire : l'abaissement des péages, puis des dispositions qui sont relatives au mode de perception des péages qui existent sur les autres canaux et rivières de la Belgique.

Ce projet de loi, vous le voterez, je suppose ; il sera renvoyé au Sénat. Mais si le pouvoir de diviser existe, le Sénat disjoindra, s'il le trouve bon ; il fera un projet spécial pour la réduction des péages, et le rejettera ; il sera un autre projet des dispositions relatives au mode de perception des droits sur les canaux et rivières et le votera. Et comme il y aura accord sur ce point, le projet ne sera plus renvoyé à la Chambre. Est-ce que votre prérogative serait ainsi sauvegardée ? De même le Sénat, usant de son initiative, nous a renvoyé des propositions comprenant une série d'articles. Respecteriez-vous sa prérogative, si vous preniez un article pour en faire une loi, laissant les autres à l'écart pour en faire une autre loi ? Non ; chaque branche du pouvoir législatif peut, dans la plénitude de ses pouvoirs, proposer un ensemble, un système, et l'une des branches ne peut imposer à l'autre une fraction de cet ensemble, de ce système, qui, isolée, eût été peut-être repoussée.

J'engage donc l'honorable M. d'Hoffschmidt, qui, j'en suis certain, partage sur ce point de droit mon opinion, à retirer la motion qu'il vient de faire quant à la disjonction, motion que nous serions obligés de repousser par la question préalable.

M. E. Vandenpeereboom. - Les deux propositions qui sont faites sont évidemment dictées par la crainte que l'on a de voir se prolonger les débats. Je ne pense pas que la section centrale ait rien fait pour arrêter les débats ou pour les rendre plus longs ; elle a tâché de bâter autant que possible vos travaux. Mats pour ce qui est de la proposition de l'honorable M. d'Hoffschmidt, il m'est impossible de l'admettre ; d'abord, pour ce motif que déjà à deux reprises différentes nous l'avons repoussée ; une fois formellement, et une fois incidemment samedi dernier. (Interruption.) Elle a été repoussée une première fois et samedi dernier encore une proposition de transposition d'articles ayant été faite, j'ai demandé à M. le ministre des finances s'il voulait disjoindre ; il m'a répondu négativement et je me suis tenu pour satisfait, parce que je crois qu'en effet on ne pouvait pas disjoindre.

On peut trouver ce projet bon ou mauvais : mais il est impossible, quand on l'examine de près, de distraire, comme on le propose, les travaux publics du projet de loi. Ces deux parties du projet de loi sont, en quelque sorte, en équilibre sur un système complet, comprenant à la fois l'emprunt et les voies et moyens qui resteront disponibles sur les budgets futurs. Je suppose que vous divisiez ce projet ; eh bien, il en résulterait (c'est là, je pense, l'interruption de l'honorable M. Mercier) que nous appliquerions tout l'emprunt aux fortifications d'Anvers et aux travaux publics les excédants des budgets.

M. Mercier. - Indistinctement.

M. E. Vandenpeereboom. - Mais vous ne pouvez pas voter des voies et moyens pour les travaux publics que vous n'aurez pas encore décrétés. Vous ne pouvez pas dire : les voies et moyens seront appliqués pour telle ou telle somme à des travaux publics non encore votés. La première chose à faire, c'est de voter les travaux publics et de ne voter les voies et moyens qu'après cette première résolution.

Je m'oppose donc à la proposition de l'honorable M. d'Hoffschmidt.

Quant à celle de l'honorable M. David, je crois qu'elle est inutile ; vous ne seriez pas en nombre si vous aviez une séance du soir, après une séance du jour ayant duré cinq à six heures.

Je resterai à mon poste jusqu'à la fin de la session, fût-ce même pour des séances du soir, parce que c'est mon devoir, comme rapporteur. Mais je crains que les appels nominaux auxquels il serait procédé n'auraient d'autre effet que de constater que nous ne serions pas assez nombreux pour délibérer. Mieux vaut donc continuer la discussion, puisqu'elle est commencée, et si l'on veut qu'elle ne dure pas trop longtemps, le moyen c'est de ne pas ouvrir d'inutiles discussions qui ne pourraient avoir aucune issue.

En somme, la proposition de l’honorable M. d'Hoffschmidt me paraît contraire, tout au moins, à des décisions antérieures de la Chambre ; celle de mon ami, M. David, me semble ne pas devoir atteindre le but que l'honorable membre a en vue.

M. d’Hoffschmidt. - Je regretterais que ma proposition contrariât l'honorable ministre des finances ; je ne vois pas cependant pourquoi elle ne serait pas acceptée par le ministère, puisque c'est un moyen de gagner du temps, de terminer une session qui commence à peser à tout le monde, et sans préjudice, je crois, pour le grand projet d'utilité publique qui nous est soumis.

L'honorable membre nous a dit : Mais à d'autres époques, on a siégé pendant le mois de septembre. Je sais que si une grande question, une question urgente, une question qui ne souffre pas de retard, était soumise à la législature, il n'y aurait pas un seul membre de cette assemblée qui ne se fît un devoir de siéger pendant tout le mois de septembre si cela était nécessaire. Mais ici je ne vois absolument aucun motif pour prolonger la session.

On nous dit : mais la discussion ne peut pas durer longtemps ; ce sont des questions sur lesquelles pour ainsi dire on n'a qu'à voter. Or la section centrale combat plusieurs des propositions du gouvernement propositions très importantes, et sans doute l'honorable rapporteur de cette section centrale qui a montré tant de talent dans différentes circonstances et dans la rédaction de sou rapport, soutiendra énergiquement les propositions de la section centrale.

Dès lors, les débats sur cette proposition prendront du temps. Ensuite le projet contient une série de travaux sur lesquels la Chambre n'a jamais eu à se prononcer : c'est un palais de justice à Bruxelles, c'est le palais du Roi, ce sont les travaux d'appropriation au palais ducal. Ici la section centrale a un système très grandiose qu'elle soutiendra sans doute devant l'assemblée.

Je crois donc que sans compter toutes les demandes qui se feront jour dans cette discussion et qui concernent des travaux non compris dans le projet, nous devons nous attendre à des débats prolongés.

Je dis donc, messieurs, qu'il serait regrettable que ce débat ne fût pas ajourné. Si nous continuons l'examen du projet, et s'il est voté promptement, ce ne sera pas parce que les questions qu'il soulève sont faciles à résoudre, mais parce qu'il y a lassitude dans la Chambre.

Mais il y a une autre circonstance, dont nous devons tenir compte : c'est que déjà hier nous avons dû attendre pour nous trouver en nombre, qu'il en a été de même aujourd'hui, et nous pourrions finir par ne plus nous trouver en nombre.

Je crois, messieurs, qu'un retard de deux ou trois mois ne peut réellement porter atteinte à aucun intérêt, ni au système qui figure dans le projet.

Nous aurons, par le vote de l'emprunt, une somme suffisante pour faire face aux travaux d'Anvers ; et dans quelques mois nous nous prononcerons sur les autres travaux.

Dès lors, sans vouloir discuter ici la question fort importante de prérogative que soulève l'honorable ministre des finances, je crois que le gouvernement lui-même ferait très bien de ne pas s'opposer à ma proposition qui est tout à la fois dans l'intérêt du gouvernement et des travaux de la Chambre.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'honorable préopinant est dans l'erreur. Il suppose que le projet de loi doit donner lieu à de longs débats. J'ai appelé son attention sur les articles mêmes du projet. En prenant en considération ce que j'ai dit tout à l'heure quant aux articles qui donnent lieu à contestation, notamment à celui qui est relatif au chemin de fer de Bruxelles à Louvain et à ce qu'on veut lui substituer, articles que nous consentons à faire disparaître momentanément du projet, je répète qu'il est peu de dispositions du projet qui puissent donner lieu à des discussions sérieuses.

L'honorable M. d'Hoffschmidt, en jetant les yeux sur le projet, y trouve quoi ? Le crédit pour le palais de justice de Bruxelles. C'est, dit-il, un article nouveau. Eh bien, cet article nouveau a été voté par le Chambre depuis 1839 ; c'est l'article le plus antique. Il n'y a pas de contestation possible ; c'est un de ces articles qui sont destinés à être votés à l'unanimité. Je dis donc que les quelques questions qui seront (page 239) soulevées pourront être résolues cette semaine et que le projet pourra être voté samedi. On aurait, je crois, déjà voté bon nombre d'articles depuis que nous discutons l'incident.

Maintenant quant à la question de principe, il me serait impossible de consentir à compromettre la prérogative du gouvernement. L'honorable M. d'Hoffschmidt veut nous contraindre à subir cette division du projet, cela est contraire à la Constitution.

M. d'Hoffschmidt. - Je vois avec peine que vous ne vous y ralliez pas.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Nous ne nous y rallions pas, parce que nous sommes pénétrés de la nécessité d'en finir avec ce projet.

M. d'Hoffschmidt. - C'est à la demande d'un grand nombre de mes collègues que j'ai fait ma proposition.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je le comprends. La fatigue que la Chambre éprouve, croit-elle que nous ne l'éprouvions pas nous-mêmes ? Nous sommes sur la sellette depuis longtemps. Nous avons un aussi grand désir que vous de prendre un peu de repos. J'en ai, pour moi, le plus grand besoin. C'est par nécessité, c'est en obéissant à un devoir que j'insiste pour que la Chambre discute le projet.

Il est impossible, je le répète, qu'on mette aux voix la question de disjonction. La Constitution donne à la Chambre le droit d'amender les projets, de diviser les articles ; mais elle ne donne pas à la Chambre le pouvoir de diviser les projets que lui propose le gouvernement. Ce serait une atteinte portée à la prérogative du gouvernement.

M. B. Dumortier. - C'est une question à examiner.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais non, cela ne s'est jamais fait contre le gré du gouvernement. Chaque fois la question a été écartée. Sans doute si le gouvernement se ralliait à la disjonction, elle pourrait avoir lieu. Mais le gouvernement ne s'y ralliant pas, continuons la discussion.

M. David. - M. le ministre des finances n'a pas combattu ma proposition : donc je crois qu'il y est favorable, et qu'il ne supposerait pas à ce que nous eussions deux séances par jour.

L'honorable M. d'Hoffschmidt est aussi favorable à ma proposition.

Je n'ai donc rencontré ici d'autres adversaires que l'honorable M. Vandenpeereboom et l'honorable M. de Theux.

L'honorable M. Vandenpeereboom m'a dit : Si vous avez deux séances par jour, vous ne serez pas en nombre. Mais je ferai remarquer à mon honorable ami que si nous devons revenir la semaine prochaine, nous risquons beaucoup plus de ne pas nous trouver en nombre que pendant les doubles séances que je demande de décréter jusqu'à samedi.

L'honorable M. de Theux nous dit que la chaleur est accablante, que c'est une chose très fatigante que d'avoir deux séances par jour. Je veux éviter par ces deux séances à l'honorable M. de Theux et à tous ceux qui voudraient s'opposer à ma proposition, précisément une fatigue beaucoup plus longue. Si nous nous réunissons la semaine prochaine, au lieu de trois séances de plus, vous en auriez six, et vous seriez tenus ici huit jours de plus.

J'insiste donc sur ma proposition.

Je comprends que, pour les personnes qui habitent Bruxelles ou les environs, ou même pour les personnes étrangères à Bruxelles, mais qui y restent, il soit à peu près égal que nous siégions ou non pendant huit jours de plus ; mais pour les personnes qui depuis neuf mois et demi sont ici, il est temps qu'elles puissent rentrer chez elles.

M. A. Vandenpeereboom. - Je viens, quant à moi, appuyer la proposition de l'honorable M. d'Hoffschmidt. Il me semble qu'il y a peu de loi plus importantes et plus graves, au point de vue des intérêts matériels, que celle qu'on discute. Il s'agit de l'emploi d'une somme d'à peu près 89 millions.

De plus : non seulement on répartira ces 89 millions entre certains arrondissements, mais on engage toutes les ressources de l'Etat pour l'avenir et l'on exclut tous les arrondissements qui n'y ont pas leur part aujourd'hui.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais non.

M. A. Vandenpeereboom. - Mais oui, à moins que nous n'ayons une poule aux œufs d'or qui produise des trésors et crée des excédants beaucoup plus considérable que ceux qu'on peut prévoir, je dis que non seulement nous répartissons 89 millions, mais que nous engageons l'avenir jusqu'en 1865 ou 1866.

Eh bien, quand on discute une question de cette importance, il faut la discuter avec calme, avec maturité et dans des circonstances normales. Or nous ne nous trouvons pas dans des circonstances normales. La session s'est prolongée d'une manière extraordinaire, Tout le monde est fatigué, y compris et surtout le ministère ; il vient de le déclarer. Il a hâte, comme nous, d'en finir ; et voici ce que nous ferons au lieu de discuter tranquillement, avec calme une loi de cette importance, nous y mettrons de la précipitation, et le pays dira que nous avons bâclé, passez-moi cette expression, en quelques séances une des lois les plus importantes que cette Chambre ait eues à voter.

M. le ministre des finances dit qu'il y aura peu de questions soulevées. C’est ce que je ne puis admettre. Il y a en effet des propositions qui ne sont pas admises par la section centrale dont le rejet sera soutenu. Il y a des propositions nouvelles de la section centrale. Ensuite il y aura, ce qui est inévitable dans toutes les questions de travaux publics, un déluge d'amendements présentés par les représentants qui ont été oubliés, et qui n'ont rien obtenu. Ces représentants feront des amendements et ils en ont le droit.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ce ne sont pas des amendements.

M. A. Vandenpeereboom. - On peut faire des propositions nouvelles ; on peut proposer un nouveau travail ; on peut améliorer votre loi, c'est-à-dire, l’amender.

Messieurs, s'il y avait le moindre péril en la demeure, je serais tout disposé à voter immédiatement. Mais aucun de ces travaux ne pourra être commencé avant la campagne prochaine. J'appuie donc la proposition de l'honorable M. d'Hoffschmidt. Quant à celle de l'honorable M. David, il me semble qu'il ne convient pas que la Chambre se déclare en quelque sorte en permanence pour discuter un projet de travaux publics. Se réunir de midi à cinq heures et de 7 heures jusqu'à une heure du matin, ne serait pas, je pense, dans les convenances de la Chambre. Je me rallie donc à la proposition de l'honorable M. d'Hoffschmidt.

M. Vander Donckt. - Je ne viens pas appuyer la disjonction que l'honorable M. d'Hoffschmidt a proposée, puisque le gouvernement s'y oppose ; mais je ne puis en aucun cas admettre la proposition de l'honorable M. David. Car l'expérience n'a prouvé que trop souvent combien les séances du soir sont orageuses. L'honorable M. Vandenpeereboom nous dit qu’il faut discuter avec calme et examiner à tête reposée les propositions qui nous sont faites.

Eh bien, je dis que les séances du soir vont précisément à l’encontre de ce désir exprimé par l'honorable membre.

Si la Chambre veut faire chose utile, c'est de se réunir à l'heure que prescrit le règlement. Qu'on se réunisse chaque jour à midi et nous aurons une heure de plus à consacrer à nos travaux. J'ai l'honneur d'en faire la proposition formelle.

M. Coomans. - Puisque M. le ministre des finances maintient son système, et que je crois que nous n'avons réellement pas le droit d'adopter la proposition de M. d'Hoffschmidt (la disjonction), il faut bien y renoncer bien qu'elle ait toute ma sympathie.

Quant à la proposition de M. David, elle est positivement inacceptable. Nous savons tous que cette salle est le local le plus malsain de l'Europe, et il est impossible que nous y tenions deux séances par jour dans la saison actuelle. D'ailleurs, si les séances du soir, ne sont pas nécessairement orageuses, elles sont certes indigestes et elles nous ont toujours répugné.

Maintenant, messieurs, il y a un moyen de réaliser la pensée de M. David, c'est de nous réunir à midi au plus tard et non pas à une heure et demie. Nous nous plaignons parfois de ne pas faire assez de besogne, mais nous avons toute la peine du monde à nous trouver en nombre à 1 heure et demie. Je voudrais que notre honorable président prît une mesure qui plairait généralement : ce serait d'ouvrir la séance à heure fixe pour que le billet de convocation fût enfin une vérité.

Quant au danger de voir se prolonger inutilement la discussion, il est chimérique ; aucun d'entre nous ne discutera pour le plaisir de discuter ; nous tâcherons d'être courts et il dépendra aussi du gouvernement d'abréger ce débat ; qu'il se rallie au projet de la section centrale, qui s'est montrée très conciliante, qui a accordé tout ce que le gouvernement demandait et même davantage, et qui a la conviction d'avoir amélioré le projet de loi, conviction que le gouvernement lui-même a paru partager.

Telle est du moins l'impression que j'ai conservée des conversations que nous avons eues en section centrale avec MM. les ministres.

M. d'Hoffschmidt. - Messieurs, c'est à la demande d'un grand nombre de mes amis politiques que j'ai soumis ma proposition à la Chambre, et je ne croyais pas que le ministère y ferait une opposition aussi vive que celle qu'y a faite l'honorable ministre des finances ; je pensais, au contraire, qu'elle devait convenir au ministère comme à la Chambre.

Je n'ai pas entendu, je dois le dire, une seule raison qui fût de nature à démontrer la nécessité qu'il y aurait pour la Chambre de s'opposer à la disjonction. Cependant, M. le ministre des finances persiste à soutenir que cette nécessité existe ; il soulève même à cet égard une question de constitutionnalité que je n'oserai pas, quant à moi, résoudre immédiatement, mais je pense que le ministère pourrait s'en rapporter à la décision de la Chambre.

Quoiqu'il en soit, comme cette question de constitutionnalité pourrait soulever de longs débats, je retire ma proposition.

- La proposition de M. David est mise aux voix ; elle n'est pas adoptée.

La proposition de MM. Vander Donckt et Coomans est mise aux voix et adoptée.

M. le président. - Je préviens la Chambre que la décision qu'elle vient de prendre sera strictement exécutée.

Discussion des articles

Article premier, paragraphes 2 à 21 (discussion générale)

M. de Renesse.- Messieurs, la discussion générale sur les différents crédits extraordinaires présentés pour l'exécution de grands (page 240) travaux publics, me fournit naturellement l'occasion de présenter à la Chambre et au gouvernement quelques observations sur la position tout exceptionnelle de certaines parties de notre pays, qui, depuis notre régénération politique, n'ont jamais obtenu la moindre part dans les nombreux grands travaux publics exécutés aux frais du trésor de l'Etat, sont restées dans leur complet isolement, privées jusqu'ici de voies ferrées, au grand détriment de tous leurs intérêts, et cela malgré leurs nombreuses et justes réclamations.

C'est ainsi que la ville de Tongres, la plus ancienne cité de la Belgique, chef-lieu judiciaire de la province de Limbourg, et la plus grande partie de son territoire avoisinant, si riche et si populeux, ne s'est pas encore rattachée à notre système général de chemins de fer. Cependant, aujourd'hui comme en 1851 et 1858, des sommes importantes, ou ont été votées, ou sont encore postulées par le projet en discussion, soit pour le parachèvement des voies ferrées de l'Etat, pour construire même un nouveau chemin de fer aux frais du trésor public, pour des localités qui en sont déjà largement pourvues, ainsi que de routes et de canaux ; en outre, par le même projet, des crédits très considérables sont réclamés pour terminer ou pour exécuter à nouveau de nombreux travaux extraordinaires dans plusieurs de nos provinces, et toujours l'arrondissement de Tongres qui, depuis 1830, n'a jamais obtenu aucune part dans les grands travaux publics, se trouve exclu de toute participation aux grands avantages résultant des travaux extraordinaires à exécuter.

On dirait, en effet, qu'un malheureux sort a été jeté par le gouvernement sur cette partie du Limbourg, si déshéritée de sa sollicitude, ou qu'elle ne se trouve pas encore inscrite sur la carte géographique gouvernementale ; car, jusqu'ici, elle ne connaît que les charges provenant de ces grands travaux publics sans avoir jamais obtenu une certaine compensation.

Lorsque en mai 1858, le grand projet de travaux publics a été présenté aux Chambres législatives, la province de Limbourg, comme aujourd'hui, avait pareillement été exclue de toute participation aux fonds extraordinaires demandés pour l'exécution de grands travaux dans presque toutes nos provinces ; le conseil provincial, vivement ému de cet oubli, avait, dans sa séance du 16 juillet 1858, exprimé « sa douloureuse surprise de l'exclusion de cette province de toute participation aux fonds extraordinaires demandés et avait protesté avec énergie contre cette exclusion, si peu justifiable ; » il avait chargé spécialement sa députation permanente d'adresser sa protestation au gouvernement et de lui indiquer en même temps les différents grands travaux réclamés depuis longtemps par la province de Limbourg : en première ligne, le conseil indiquait la jonction de Tongres au système général des chemins de fer ;

2° L'établissement d'un canal entre Diest et Hasselt ;

5° La construction d'un chemin de fer rattachant Anvers à Hasselt ;

4° L'établissement d'un canal partant de Necroeteren, pour aboutir à Maeseyck.

Malgré cette réclamation si fondée du conseil provincial du Limbourg, le gouvernement semble jusqu'ici n'en guère tenir compte ; des sommes encore plus importantes sont derechef demandées, afin de pouvoir continuer des travaux en cours d'exécution dans la plupart de nos provinces, ou, pour des travaux non encore décrétés, dont les devis ne sont qu'approximatifs, et pourraient entraîner le trésor dans des dépenses très notables, surtout, que l'expérience du passé est là, pour démontrer qu’en général, les devis et les plans sont souvent si inexactement calculés, que des dépenses faites, par l'Etat, pour des travaux publics, sont presque toujours considérablement dépassées ; déjà, plusieurs de nos honorables collègues et moi, nous avons insisté avec instance, auprès du gouvernement, pour que l'on ne tolère plus un pareil état de choses, et que des mesures de rigueur soient prises contre ceux des fonctionnaires ou autres personnes qui présentent de pareils-devis et plans défectueux, et sont chargés ensuite de leur exécution.

La députation permanente du Limbourg a cru devoir de nouveau s'adresser, par requête du 26 juillet 1859, aux Chambres et au gouvernement, pour protester une seconde fois contre l'exclusion de la province de Limbourg de toute participation aux nombreux fonds postulés, pour des grands travaux publics ; dans cette pétition, elle rappelle que dans l'adresse présentée à la Chambre des représentants, sous la date du 22 juin 1858, elle a fait notamment ressortir « que si le Limbourg, comme la plupart des autres provinces, avait le bonheur d'être largement dotée de voies de communication et de transports rapides et économiques, et que si, sous ce rapport, il n'avait rien à envier à ses voisins, nous nous ferions un scrupule de nous plaindre ; nous applaudirions plutôt à une mesure qui n'aurait pour objet que de rétablir l'équilibre rompu. Malheureusement il n'en est pas ainsi ; il se révèle chez nous de nombreux et pressants besoins. »

Parmi ces nombreux et pressants besoins, la députation cite eu première ligne le chemin de fer devant relier Tongres au système général des voies ferrées.

Déjà, à trois reprises, les Chambres ont, en 1851, 1835 et 1856, autorisé le gouvernement à concéder un chemin de fer destiné à relier la ville de Liège à celle de Tongres et à cette partie si importante et si riche du Limbourg privée jusqu'ici de toute voie ferrée ; mais la garantie d'intérêt placée en 1851, pour la concession de ce chemin de fer, était par trop insuffisante pour pouvoir espérer de trouver une société sérieuse pour son exécution.

En effet, cette garantie d'intérêt à 4 p. c. n'avait été stipulée que sur un capital n'excédant pas un million, par la loi du 20 décembre 1851.

L'arrondissement de Tongres a donc un droit acquis à cette garantie d'intérêt, et comme il est actuellement prouvé qu'elle est insuffisante, il était du devoir du gouvernement de rechercher par quels moyens il pouvait parvenir à doter au plus tôt cette partie du Limbourg du railway. réclamé depuis de si longues années, soit en proposant une augmentation du capital pour lequel la garantie avait été primitivement accordée, soit en accordant d'autres avantages à une société concessionnaire ou toute autre combinaison qui permettrait de tirer au plus tôt cette contrée si délaissée de notre pays, de son isolement.

Il faut bien le dire hautement, si le gouvernement avait montré la même sollicitude pour la plus ancienne cité de la Belgique : la ville de Tongres, le seul chef-lieu judiciaire du royaume privé jusqu'ici de chemin de fer, ainsi que la plus grande partie de sou arrondissement, que pour d'autres localités, dotées en peu d'années de chemins de fer, routes et canaux, il est plus que probable que l'on serait pareillement parvenu à relier cette contrée, si riche, si populeuse du Limbourg, au système général de nos voies ferrées.

Je crois toutefois devoir déclarer que l'honorable ministre actuel des travaux publics a accueilli avec la plus grande bienveillance la société de Bruyne-Houtain-Nedius et Cie qui, depuis quelque temps, demande la concession d'une voie ferrée partant de Liège, se dirigeant par Glons, Tongres et Bilsen, vers la frontière hollandaise, pour de là se raccorder au grand chemin de fer hollandais du Sud.

J'ose espérer, maintenant, la crise guerrière étant passée et la paix plus assurée, que M. le ministre des finances tiendra à cœur de doter, au plus tôt, cette partie si importante d'une de nos provinces, de la voie ferrée, si indispensable à tous ses intérêts commerciaux qui, actuellement, ont notamment à en souffrir par suite de l'établissement du chemin de fer de Maestricht à Hasselt ; en effet, déjà beaucoup des produits agricoles et industriels de la contrée nord-est du Limbourg sont détournés de leurs anciens marchés des villes de Tongres et de Liège, et se dirigent actuellement vers d'autres destinations.

Il est donc d'une nécessité absolue, pour la ville de Tongres, et la plus grande partie de son arrondissement, de ne plus rester privé d'une communication ferrée, facile et économique, et d'être tirés le plus tôt possible, de leur complet isolement, d'autant plus, que cette partie du Limbourg, ainsi que l'arrondissement de Maeseyck qui a aussi le plus grand intérêt à d'être relié plus directement à son chef-lieu judiciaire, la ville de Tongres, ont payé en 1839, un bien cruel tribut à la nationalité belge, en subissant la mutilation d'une forte partie de leur territoire, rentrée sous la domination hollandaise, et ont ainsi perdu leurs anciennes et nombreuses relations commerciales avec les communes cédées.

La position tout exceptionnelle de ces deux arrondissements de la province de Limbourg, sacrifiés à l'intérêt général, méritait, certes d'être prise en considération par le gouvernement ; ils ont un titre incontestable à ne pas être exclus de toute participation à la loi des travaux publics ; aussi, le conseil communal de la ville de Tongres, après ses nombreuses et longues réclamations, tant en haut lieu qu'auprès des Chambres et du gouvernement, a été péniblement affecté de cette nouvelle exclusion, surtout que, dans la plupart de nos provinces, de grands travaux publics vont être continués, ou, de nouveaux, décrétés ; ce conseil demande, formellement, par sa requête à la Chambre du 1er août 1859, que cet arrondissement si important d'une de nos provinces, ne soit plus oublié, qu'il ait sa juste part dans cette table si splendidement servie, et que quelques miettes tombent enfin sur cette partie si délaissée du Limbourg. Et, en effet, dans presque toutes les différentes parties de nos provinces, des voies ferrées ont été exécutées, soit aux frais du trésor public, ou au moyen de concussions, avec une garantie d'intérêt, et en outre, d'autres grands travaux publics y ont été exécutés.

Par la loi du 20 décembre 1851, une garantie avait aussi été accordée pour l'exécution d'un chemin de fer de Liège ou d'une station voisine, vers Tongres, mais, malheureusement, sur un capital insuffisant pour espérer parvenir à son exécution. Cette partie de la province de Limbourg a donc un véritable droit acquis à une certaine intervention pécuniaire de l'Erat, et si le capital primitif, pour lequel la garantie avait été stipulée, a été depuis reconnu être insuffisant, il est de toute équité que cette garantie soit reportée, sur le capital, réellement nécessaire à la construction de cette voie ferrée ; car il est à supposer que la législature a voulu faire chose sérieuse, en accordant cette garantie ; elle n'a pu donner, seulement, une vaine promesse à la ville et à l'arrondissement de Tongres, et il me semble que la Chambre ni le gouvernement ne pourraient se refusera faire actuellement droit aux justes réclamations de cette partie du Limbourg, afin, qu'elle soit rattachée, dans un avenir très rapproché, au système général de nos chemins de fer ; et notamment, par la direction de la voie ferrée que le conseil communal de la ville de Tongres, son comité du chemin de fer, et la grande majorité des communes de son arrondissement, n'ont cessé de réclamer depuis plusieurs années ; pour parvenir à ce résultat, tant désiré, il suffirait, probablement, d'accorder un supplément de garantie sur un capital plus élevé, et, alors, la société qui est en instance, depuis quelque temps, pour obtenir la concession d'un chemin de fer de Liège, (page 241) par Tongres, Bilsen et Hasselt vers la frontière néerlandaise, qui, ensuite, se raccorderait au grand railway du sud de la Hollande, pour lequel elle est pareillement en instance auprès du gouvernement hollandais, dont elle espère sous peu obtenir la concession, pourrait, plus facilement, réaliser l'exécution de cette grande voie ferrée internationale, qui intéresserait plusieurs de nos provinces.

Le gouvernement, par sa haute position, doit chercher à sauvegarder tous les intérêts des diverses parties du royaume ; il ne doit pas, par son fait, avantager toujours les uns au détriment des autres ; il doit, dans la répartition des grands travaux publics, avoir une justice distributive, puisque chaque partie de notre pays supporte sa part des charges extraordinaires résultant de ces grands travaux : il doit y avoir, dans un but d'équité, une solidarité entre les différents intérêts de notre territoire, de manière que chaque contrée reçoive aussi une juste part des grands travaux publics, réclamés surtout pour l'amélioration de sa positon matérielle ; car, il est incontestable que toute partie du pays, restée en dehors des communications faciles et économiques, doit souffrir, être froissée, surtout dans tous ses divers intérêts commerciaux.

Aussi, l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter à la Chambre, depuis de si longues années, ne peut plus rester dans cette position exceptionnelle et d'attente, lorsque à différentes reprises, le gouvernement a postulé beaucoup de crédits extraordinaires, pour travaux publics à exécuter dans les autres parties du pays, sans réserver une certaine part, pour cette contrée du Limbourg : c'est un véritable déni de justice, contre lequel je dois protester, avec mes honorables commettants, de tout notre pouvoir.

Depuis plusieurs années, à la vérité, l'on nous a formellement promis de nous tirer de notre isolement ; mais ces promesses, nous pouvons les appeler actuellement, avec raison, l'eau bénite de cour ministérielle et même parlementaire ; nous n'en voulons plus ; nous ne pouvons plus nous contenter de vaines promesses qui nous ont leurrés jusqu'ici ; il nous faut actuellement des actes positifs, il faut que l'on nous mette sur la même ligne que les autres parties de nos différentes provinces ; il ne faut pas que l'on puisse encore dire qu'en Belgique il n'y a plus d'égalité entre les diverses contrées du pays, que les unes doivent supporter seules les charges résultant de l'exécution des grands travaux extraordinaires, tandis que les autres en auraient tous les avantages : il ne faut pas que, dans un pays de liberté et d'égalité, il y ait encore deux poids et deux mesures, c'est à-dire tout pour les parties favorisées de la sollicitude gouvernementale, et rien pour les autres si déshéritées jusqu'ici de cette bienveillance.

Depuis 1832, que j'ai l'honneur de siéger dans cette enceinte, j'ai presque constamment voté tous les fonds extraordinaires, postulés par le gouvernement, pour l'exécution des grands travaux publics, en faveur des diverses localités du royaume ; je ne puis plus maintenant continuer à donner mon assentiment à des projets de loi ouvrant de nombreux crédits extraordinaires pour des travaux publics à répartir, comme aujourd'hui, entre nos différentes provinces, hormis celle du Limbourg : toujours voter les crédits pour d'autres parties du pays, sans aussi obtenir une juste part, pour la partie si délaissée dont on doit naturellement et plus directement défendre les intérêts, ce serait jouer le rôle de dupe, ce serait le véritable supplice de Tantale parlementaire, que, pour ma part, je ne veux plus subir.

Je voterai donc, aussi longtemps que les griefs si légitimes de l'arrondissement de Tongres subsisteront, contre tous les crédits extraordinaires pour de grands travaux publics, comme une protestation formelle, au nom de mes commettants, contre l'injustice dont est frappée depuis trop longtemps la ville de Tongres. chef-lieu judiciaire du Limbourg et la plus grande partie de son arrondissement judiciaire et administratif.

En terminant, je crois, toutefois, devoir témoigner toute ma gratitude à la section centrale, et en particulier à son rapporteur, l'honorable M. E. Vandenpeereboom, pour le passage si bienveillant de ce rapport, qui rappelle au gouvernement, le droit, les titres de Tongres, la plus ancienne cité de nos provinces, et de son arrondissement, d’être rattachées au plus tôt au réseau de nos chemins de fer. Fort de l'appui de l'unanimité des membres de la section centrale, ainsi que des vœux antérieurement émis, par d'autres sections centrales, en 1851, 1855, 1856 et 1858, en faveur de cette partie si délaissée du Limbourg, qui, n'a jamais obtenu aucun avantage direct des grands travaux publics, exécutés depuis 1830, je crois, avec la section centrale de 1859, a qu'il est du devoir du gouvernement de ne pas reculer devant de mesquines discussion de tracé, et l'excuse des sacrifices ne doit pas l'arrêter dans l'acte de justice et de réparation, qui est incontestablement due à cette contrée si riche et si populeuse de l'une de nos provinces, pour qu'elle soit enfin reliée à nos voies ferrées, dans le plus bref délai possible, après 25 années d'attente. »

J'ai donc l'honneur de demander, d'une manière expresse, au gouvernement et notamment à l'honorable ministre des travaux publics, quelles sont les mesures qu'il compte prendre ou proposer, pour faire droit, dans un avenir très rapproché, aux justes réclamations trop longtemps méconnues de la ville de Tongres et de son arrondissement ; j’ose espérer que la réponse du gouvernement sera très positive, que nous ne pouvons plus nous contenter de vaines promesses qui, trop souvent, n'ont été qu'illusoires ; il nous faut des assurances, des actes formels, pour que nous puissions encore croire à la sincérité du gouvernement, et à sa sollicitude, toutefois, si peu empressée jusqu'ici, pour cette partie de notre pays.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, la discussion qui a eu lieu au commencement de la séance me semble être une invitation d'être bref.

L'honorable M. de Renesse s'est plaint de l'abandon dans lequel il prétend qu'on a laissé la province de Limbourg et en particulier l'arrondissement qui l'a envoyé dans cette enceinte.

Il a semblé dire de plus que cet abandon n'est pas un fait accidentel mais que ce serait un fait systématique. C'est contre ces assertions que je dois protester, non par des paroles, mais par des faits que j'aurai l'honneur de citer.

J'ai fait dresser un relevé des travaux exécutés dans les différentes provinces depuis 1830, tant par l'Etat que par des concessionnaires, et je trouve que la province de Limbourg, loin d'avoir été abandonnée, occupe, au contraire, une position tout à fait privilégiée. La province de Limbourg, de 1830 à 1858, a eu pour sa part 33,699,000 fr. Je vais en donner le détail :

Chemin de fer de l'Etal de Landen à St-Trond : fr. 6,400,000

Routes : fr. 5,400,000

Canal de la Campine (parcours proportionnel dans la province) : fr. 2,000,000

Canal latéral à latéral à la Meuse (parcours proportionnel dans la province) : fr. 1,900,000

Canal de Hasselt au canal de la Campine : fr. 6,000,000

Chemin de fer de Saint-Trond à Hasselt..

Chemin de fer de Hasselt à la frontière hollandaise.

(Interruption.)

Ce n'est pas l'Etat qui a payé, mais enfin la province jouit des travaux, et je dois dire que pour ma province, pour mon arrondissement il me serait fort égal qui eût payé, pourvu que les travaux fussent exécutés.

Ainsi, messieurs, la province de Limbourg n'a pas été oubliée.

Si j'établis le rapport entre la dépense totale qui a été faite et le chiffre de la population, je trouve que chaque habitant de la province de Limbourg a reçu 174 francs, pour Anvers 111 fr., pour le Brabant 91 fr., pour la Flandre occidentale 80 fr. et pour la Flandre orientale 92 fr.

J'avais donc bien raison de dire que vous occupez, en quelque sorte, une position privilégiée.

Dans le projet actuel, la province, de Limbourg figure pour sa part proportionnelle dans l'élargissement de la deuxième section du canal de la Campine (2,300,000 fr.).

Je reconnais qu'il est désirable que le gouvernement cherche à répartir l'ensemble des crédits entre les différentes provinces et même entre les différents arrondissements, d'une manière plus ou moins proportionnelle. Mais cela ne veut pas dire que tel ou tel arrondissement doit avoir telle ou telle somme de travaux. L'administration ne peut pas inventer des travaux pour le plaisir d'en faire ; il ne peut jamais s'agir que de travaux utiles.

Or, que demande la province de Limbourg et en particulier l'arrondissement de Tongres ? La pétition de la députation permanente de cette province réclame, d'abord la construction d'un canal de Diest à Hasselt. Je ne conteste pas l'utilité de ce canal qui serait avantageux non seulement à Hasselt, mais encore à Diest ; je dirai seulement à l'honorable membre, à titre de renseignement, que la construction de ce canal se rattache en général à l'amélioration du Démer.

L'administration s'occupe d'une manière toute spéciale de l'étude de cette dernière question ; mais les études auxquelles elles se livre n'ont pas encore abouti. Je pense qu'à une prochaine occasion pourra utilement solliciter un crédit pour cet objet.

En second lieu, la députation réclame la construction d'un chemin de fer de Hasselt vers Anvers. Je dois repousser ce projet d'une manière absolue. Il ne peut convenir au gouvernement de faire une dépense aussi considérable qui pourrait, il est vrai, être réclamée par la ville d'Anvers, dans l'intérêt de son commerce, mais qui n'aurait qu'un utilité secondaire pour la ville de Hasselt.

Un seul mot justifiera la résolution prise par le gouvernement : la construction ne coûterait pas moins de 20 millions : d'un autre côté, toute la ligne d'Anvers à la frontière d'Allemagne ne rapporte pas plus de 600,000 fr.

Vous auriez donc un intérêt des plus faibles des fonds que vous consacreriez à ce travail ; de plus, vous ne stériliseriez en grande partie la ligne déjà existante. Ce serait donc une des plus mauvaises spéculations que l'Etat pût faire.

Je ne dis pas que le travail dont il s'agit ne se fasse pas dans l'avenir, par la force même des choses ; le gouvernement ne pourra pas en empêcher l'exécution dans un avenir plus ou moins prochain ; mais il ne peut pas y pousser ; surtout je ne pense pas qu'il doive prendre la construction de ce chemin de fer à sa charge.

Je pense, je le répète, que ce raccordement s'opérera dans l'avenir, mais il s'opérera par section. On a déjà le chemin de fer de Hasselt à (page 242) Maestricht ; ou aura probablement dans un avenir prochain le chemin de fer d'Aerschot à Diest ; on a demandé au gouvernement l'autorisation de construire une ligne de Diest à Hasselt ; ainsi vous auriez déjà la plus grande partie de la ligne directe...

M. de Theux. - C'est comme cela que je l'ai souvent préconisé.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Le gouvernement ne pourra pas empêcher le raccourcissement opéré de cette manière ; mais le gouvernement n'y poussera pas.

Messieurs, un troisième objet recommandé par la députation permanente du Limbourg est la construction d'un canal de Maeseyck à Neeroeteren. Celta question a été étudiée, et il se trouve que l'exécution de ce travail coûtera 1,200,000 francs. Il s'agit de savoir si le bénéfice qu'on peut en espérer est proportionné à la dépense, or, l'administration a résolu cette question d'une maniera négative.

Reste enfin la question de la construction d'un chemin de fer de Tongres vers les frontières hollandaises.

Personnellement, M. de Renesse veut bien le reconnaître, je n'ai apporté aucune négligence à la solution de cette affaire ; je pense que mes prédécesseurs sont aussi parfaitement innocents des lenteurs qu'elle a éprouvées.

Il crois que ces retards proviennent de la nature des choses. Quelque bonne volonté qu'on y mette, il est impossible d'aboutir, quant à présent. Force est à l'arrondissement de Tongres d'attendre que l'affaire soit arrivée à une plus grande maturité.

Il y a des demandes en concession pour une ligne partant de Liège, se dirigeant par Tongres et Bilsen vers la Hollande. Les demandeurs ne veulent aller en avant que lorsqu'ils auront la certitude de pouvoir raccorder leur ligne au chemin de fer hollandais. Il nous est permis d'espérer que ces difficultés seront bientôt résolues. Il a été entendu, dans la dernière session de la chambre hollandaise, que la question du chemin de fer serait mise à l'ordre du jour, dès le début de la session prochaine, c'est-à-dire au mois de septembre.

Si, en effet, l'affaire est enfin résolue par la chambre hollandaise, je crois pouvoir garantir à l'honorable M. de Renesse, que la question du chemin de fer auquel il s'intéresse recevra également une solution.

Je m'engage volontiers à examiner avec toute la bienveillance possible s'il n'y a pas lieu de rechercher une autre combinaison qui permît enfin se donner satisfaction aux vœux très légitimes de la ville de Tongres.

Je pense que cette déclaration engagera peut-être l'honorable membre à donner au projet de loi un vote approbatif au lieu du vote négatif qu'il nous a annoncé.

M. de Renesse. - Messieurs, en répondant à l'honorable ministre, je dois avouer, à la vérité, qu'un seul arrondissement du Limbourg a obtenu quelques grands travaux publics depuis 1830 ; il en est néanmoins d'autres qui jusqu'ici n'ont reçu aucune part des nombreux grands travaux exécutés depuis notre régénération politique ; c'est ainsi que la ville et une grande partie de l'arrondissement de Tongres ne sont pas encore reliés au système général de nos chemins de fer ; tout ce que cette contrée a obtenu, ce n'est qu'une couple de petites routes empierrées sur les fonds ordinaires des routes. Cependant cet arrondissement avait des titres incontestables, ainsi que celui de Maeseyck, à n'être pas oubliés dans le grand projet des travaux publics. L'arrondissement de Tongres a perdu en 1839 plus de 85,000 habitants de son arrondissement judiciaire, et cependant jusqu'ici on ne lui a tenu aucun compte de la perte si sensible de toutes ses anciennes relations commerciales avec les communes de la partie cédée, en lui accordant aussi une certaine part dans les différents grands travaux publics décrétés à plusieurs reprises. Avant 1830, le mouvement commercial, par la ville de Tongres, était d'une telle importance qu'il y avait, je crois, vingt diligences qui s'arrêtaient dans cette ville. Maintenant, par l'isolement complet oh elle se trouve, n'étant encore reliée directement à aucune voie ferrée, il y a à peine deux diligences qui la parcourent ; il est donc de toute justice que le gouvernement prenne les mesures les plus efficaces pour rattacher cette partie du Limbourg au réseau de nos chemins ferrés ; elle a droit de demander de ne pas rester dans un isolement si préjudiciable à tous ses intérêts.

J'ose donc espérer que l'honorable ministre des travaux publics, conformément à la promesse qu'il vient de faire, dotera la ville de Tongres et son arrondissement, dans un avenir très rapproché, de la voie ferrée réclamée depuis si longtemps par tous les intérêts commerciaux de cette partie du Limbourg, et notamment la ville de Tongres, qui est le marché le plus important et le plus rapproché de la ville de Liège, a le plus grand intérêt à ce que son grand marché ne soit pas amoindri et que les produits de la partie nord est de cette province ne soient pas détournés pour d'autres destinations, comme cela a lieu actuellement depuis l'établissement du railway de Maestricht à Hasselt.

Quant à la ville de Maeseyck, elle a aussi pareillement des titres à la bienveillance du gouvernement ; elle a également perdu une partie des communes de son territoire, par la rétrocession à la Hollande. Avant 1839, cette ville était l'entrepôt commercial de toute cette partie du Limbourg ; elle avait un commerce très considérable, actuellement entièrement perdu, et se trouve dans un grand isolement depuis que la Meuse est devenue si peu navigable ; elle a donc intérêt d'être reliée par un petit canal à celui de Bois-le-Duc à Maestricht ; les habitants de cette contrée auraient, au moyeu de bateaux à vapeur, sur la dernière voie navigable, une communication facile avec le reste du pays : je recommande pareillement la réclamation de Maeseyck à la bienveillance et à l'équité du gouvernement.

M. A. Vandenpeereboom. - Le projet de loi qui vous est soumis, messieurs, répond à dos besoins qui ont été souvent signalés et auxquuels il sera donné partiellement satisfaction.

Je crois que plusieurs arrondissements et même des provinces entières seront satisfaites et qu'elles trouveront un grand avantage dans le vote du projet de loi. Cependant, messieurs, il est quelques projets déjà anciens et qui, malgré les réclamations formulées à différentes époques, n'ont pas encore eu la chance de se faire admettre par le gouvernement. De sorte que si plusieurs arrondissements sont bien partagés, il en est d'autres qui n'auront guère lieu d'être satisfaits.

Messieurs, en prenant la parole, mon intention n'est nullement de défendre un intérêt purement local. Les localités que je représente spécialement dans cette enceinte sont sans doute intéressées à voir construire le canal de la Lys à l'Yperlée. Mais l'intérêt que je défends est plus grand, plus élevé, car il s'étend à plusieurs provinces ; il embrasse pour ainsi dire le Hainaut tout entier et spécialement les arrondisements de Mons et de Tournai.

Ces arrondissements, en effet, sont au moins aussi intéressés à la construction de ce canal, que les arrondissements d'Ypres et de Furnes.

En effet, messieurs, si l'arrondissement d'Ypres peut réaliser par la construction de ce canal une certaine économie dans les prix d'achat des charbons, il est évident que le Hainaut, qui vend considérablement à la Flandre occidentale, retirerai aussi de cette construction de grands bénéfices.

Messieurs, le canal de jonction de la Lys à l'Yperlée est un de ces travaux dont l'utilité est incontestable, un de ces travaux qui ont été étudiés depuis fort longtemps par les hommes les plus compétents et dont l'exécution a été réclamée à diverses époques, non point par un pétitionnement excité, provoqué en quelque sorte, mais par tous les corps constitués.

Ainsi, dans les circonstances actuelles, vous voyez les chambres de commerce de Mons, de Tournai, de Courtrai, d'Ypres, et les administrations communales de ces villes s'adresser à vous pour obtenir enfin l'exécution d'un travail dont la nécessité est si généralement et depuis si longtemps constatée.

Et, en effet, messieurs, quand on jette les yeux sur la carte, on est étonné de voir qu'il y a une solution de continuité dans les voies de communication par eau entre le Hainaut et une partie de la Flandre occidentale. Ainsi, la Lys passe à une distance de 3 lieues à 3 1/2 lieues de la ville d'Ypres et il n'y a là aucune communication par eau.

Le projet que nous préconisons a été conçu à une époque très ancienne déjà ; je ne dirai pas, comme l'honorable M. Dumortier, que la conception de ce projet date du règne de Marguerite de Constantinople ; si l'on s'en est occupé alors, je ne pense pas qu'on ait fait des études très sérieuses.

M. B. Dumortier. - Ne soyons pas ridicules.

M. de Haerne. - C'est moi qui ai dit cela ; mais je parlais d'un avant-projet.

M. A. Vandenpeereboom. - Le projet a été étudié du temps de l'occupation de nos provinces par Louis XIV ; ensuite plus sérieusement encore par M. Noël, qui est actuellement à la tête de l'administration des ponts et chaussées ; et, il y a 8 à 9 ans par un ingénieur de très grand mérite. C'est donc un projet complétement et parfaitement étudié.

Les produits du Hainaut qui doivent arriver aujourd'hui dans cette partie de la West-Flandre font un voyage réellement incroyable, à ce point qu'un bateau à vapeur irait d'Anvers à New York et serait de retour en moins de temps que n'en mettrait un bateau de charbon pour aller du bassin de Mons à Ypres : ce bateau, partant de Mons, doit suivre d'abord les canaux existants jusqu'à Tournai ; arrivé là, il descend l'Escaut jusqu'à Gand ; là il prend le canal de Bruges jusqu'à Ostende où il rencontre le canal de Plaschendale ; de là il va en mer jusqu'à l'arrière-port de Nieuport ; il remonte les écluses de mer, puis il prend l'Yser, le canal d'Ypres et définitivement il arrive à Ypres en passant par Dixmude après avoir été en route pendant deux grands mois.

Eh bien, messieurs, je demande si un tel état de choses peut se perpétuer.

Le Hainaut y a au moins autant d'intérêt que cette partie de la Flandre ; attendu que le Hainaut a autant d'intérêt à vendre le plus de charbon possible, et à pouvoir soutenir la concurrence avec les charbons anglais, que nous à obtenir nos charbons à bon marche.

Car, messieurs, si nous n'établissons pas de relations directes avec cette partie du pays, avant peu de temps le Hainaut aura complétement perdu le marché de la Flandre occidentale ; avant peu de temps nos produits y seront repoussés par les charbons anglais et par ceux de la partie nord du Pas-de-Calais.

Et quand cela sera, messieurs, on viendra nous demander des droits exorbitants sur l'entrée des charbons. (Interruption.)

(page 243) Le consommateur de la Flandre paye déjà fr. 1-80, avec les additionnels, par tonne de charbon. Eh bien, quand les charbons du Pas-de-Calais entreront en Belgique, ils repousseront vos produits du marché de la Flandre et vous serez obligés de créer des droits protecteurs pour permettre aux charbons du Hainaut de soutenir la concurrence avec les charbons étrangers.

Eh bien, en facilitant la création du canal que je demande, je crois que nous éviterions ces inconvénients et que nous doterions une partie du pays d'un certain avantage qu'elle réclame avec raison.

Si j'ai bien entendu les détails du tableau que vient de lire M. le ministre des travaux publics, je vois que c'est dans la Flandre occidentale que, depuis 1830, on a exécuté le moins de travaux publics, eu égard à la population. C'est encore là, messieurs, un motif pour engager le gouvernement à examiner s'il n'y aurait pas moyen, par la loi actuelle (car, un tient vaut mieux que deux tu l’auras) de prendre un engagement pour l'exécution du canal dont il s'agit. Du reste je présenterai probablement un amendement dans ce sens.

Voilà les observations que je voulais faire.

Je désirerais avec plusieurs de mes honorables collègues présenter un amendement pour demander que le gouvernement soit autorisé à concéder à une compagnie l'exécution du canal de la Lys à l'Yperlée en accordant à cette compagnie un subside, comme le gouvernement propose d'en accorder un à la compagnie qui construirait le canal de Blatton à Ath.

M. B. Dumortier. - Messieurs, s'il ne s'agissait que de demander la création d'un canal de jonction entre la Lys et l'Yperlée, je croirais que cette proposition a des droits à votre attention. Mais je demanderai à la Chambre la permission de lui faire remarquer une chose ; c'est que pour cette jonction deux tracés sont en présence, et qu'il importe beaucoup de ne pas se prononcer entre l'un et l'autre avant de connaître les faits.

Je sais bien que des pétitions nous ont été adressées par quelques chambres de commerce sur les instances de l'honorable M. Alphonse Vandenpeereboom, qui a aussi, comme bourgmestre de la ville qu'il représente, adressé des demandes à d'autres villes pour appuyer le projet qu'il vous propose.

Je sais fort bien que ces démarches ont eu pour résultat quelques pétitions. Mais je demeure profondément convaincu que quand les administrations de Mons, de Tournai et de Charleroi auront examiné les faits que je vais avoir l'honneur de vous soumettre, loin d'être favorable au système de l'honorable M. Vandenpeereboom, elles le regarderont comme un désastre pour le Hainaut.

Messieurs, c'est non seulement comme député de Roulers, mais aussi comme ancien député du Hainaut que je prends la confiance de vous soumettre ces considération. J'espère que mes honorables collègues de cette province voudront bien peser ces considérations, car il y va en grande partie de l'industrie du Hainaut quant à son commerce avec cette partie de la Flandre occidentale.

Certainement le canal que réclame mon honorable collègue M. Vandenpeereboom a été demandé sous Louis XIV, et je le conçois fort bien. A cette époque la West Flandre était réunie à la France, et ce qu'on cherchait alors, ce n'était pas de faire des canaux nationaux pour la Belgique actuelle, mais c'était de faire des canaux pour la France dont la West-Flandre faisait partie à cette époque.

En effet, il suffit de jeter les yeux sur la carte pour voir que le canal qu'on vous demande a pour résultat d'être excessivement utile au département du Nord et à l'Artois, et de n'être nullement utile au Hainaut ; je dirai plus, d'être dangereux pour le Hainaut. Et pourquoi ? Parce que, l'honorable membre vient de vous le dire, depuis quelques années on a découvert dans toute la vallée de la Scarpe de vastes bassins houillers destinés à faire concurrence aux houilles de Mons, du Centre et de Charleroi, et que ces bassins houillers sont infiniment plus rapprochés de la West-Flandre que ne le sont les bassins de Mons, du Centre et de Charleroi.

Par exemple, on a trouvé de vastes mines de houille à la Bassée ; or, savez-vous la distance qu'il y a de la Bassée à la Lys ? Six lieues, et il existe un canal, le canal de la Bassée, qui peut transporter les houilles jusqu'à la Lys, et au-delà, si vous faites le canal qu'on vous propose, jusqu'à Ypres ; tandis qu'au contraire les houilles de Mons ont plus de vingt lieues à parcourir pour arriver au même point, à Menin, et une partie de ce parcours, notez-le bien, devrait se faire en remonte du fleuve. Or vous savez tous l'immense difficulté d'une navigation en remonte de fleuve, surtout pendant la saison des transports, pendant tout l'été. La navigation en remonte de fleuve ne peut se faire que pendant les grandes eaux, et alors elle est très difficile parce qu'elle est souvent interrompue par les glaces.

Ainsi les rapports par eau entre Gand et Tournai sont considérables, il y a d'immenses transports par eau entre ces deux villes. Eh bien, pendant toute la saison de l'été, la navigation en remonte de fleuve n'existe plus qu'en partie. On ne peut faire cette navigation à charge pleine ; on ne peut la faire qu'à demi-charge ou à quart de charge ; il en sera de même pour la partie de la Lys à remonter de Courtrai à Menin.

La navigation en descente de fleuve au contraire est toujours facile à cause du jeu des écluses.

Il en résulterait que les houilles de la Bassée arriveraient dans la West-Flandre par descente de rivière et au moyen d'un canal fait aux dépens du trésor public, et viendraient faire concurrence, avec l'argent du trésor public, aux houilles du Hainaut, aux pavés du Hainaut, aux pierres du Hainaut, à la chaux du Hainaut. Voilà, messieurs, quel serait le résultat d'une pareille entreprise.

Eh bien, je dis qu'un pareil canal ne serait pas un canal national, que ce serait un canal profitable à l'étranger, un canal dangereux pour la Belgique, un canal fait au détriment du trésor public et que nous aurions payé nous-mêmes.

Mais, messieurs, il est facile de satisfaire en même temps et les intérêts du Hainaut et les intérêts de la Flandre tout entière.

Comme j'avais l'honneur de vous le dire, deux tracés sont en présence. Il y a le tracé de Menin à Ypres, dont je viens de vous parler ; il y a le tracé par Roulers à Ypres, au moyen de la canalisation de la Mandel. Eh bien, celui-ci serait au contraire un travail éminemment intéressant pour le Hainaut. Il me sera facile, messieurs, de démontrer cette vérité.

Quelle est la position de la ville de Roulers et du district de Roulers ? M. le ministre de l'intérieur vous l'a dit dans la note qui est annexée à son rapport, Roulers est une ville dont l'industrie s'élève et se développe d'une manière extraordinaire. Elle est, comme le disait un autre honorable ministre, M. le ministre des travaux publics, le Verviers de la Flandre.

C'est un fait d'une vérité frappante que l'industrie de cette ville fait des progrès qui paraissent ne pas pouvoir s'arrêter, parce qu'elle possède les industriels les plus actifs, les plus progressifs, les plus intelligents de la Flandre occidentale et en même temps les ouvriers les plus parfaits.

Que faut-il à cette ville pour remplir la haute destinée qui lui est réservée ? Deux choses : de l'eau et de la houille à bon marché.

Maintenant je prie mes honorables collègues du Hainaut de bien vouloir remarquer ceci : c'est que la ville de Roulers consomme dès maintenant à elle seule quatre fois plus de houille que les villes d'Ypres et de Poperinghe réunies.

Or, où le Hainaut a-t-il intérêt à porter ses produits ? C'est dans la ville manufacturière qui s'élève ; c'est là qu'il a intérêt à apporter sa houille, à apporter sa chaux, à apporter ses pierres, à apporter ses pavés de Lessines, à apporter tous ses produits pondéreux ; c'est dans une ville sans communication fluviale, dans cette ville qui est le centre, qui est le cœur de la Flandre occidentale, dans laquelle la consommation et la fabrication se développent énormément, c'est là qu'il doit verser ses produits pondéreux par voie économique.

Voilà où est l'intérêt pour le Hainaut ; et cela est tellement vrai qu'aujourd'hui on ne peut avoir à Roulers ni la houille de Mons, ni la chaux de Tournai, ni les pierres de Soignies, ni les pavés de Lessines sans recourir au moyen onéreux du chemin de fer, tandis qu'avec le canal dont je vous parle, Mons, Tournai, Lessines auraient un débouché considérable et utile pour les produits, tandis que la ville de Roulers trouverait moyen de s'accroître et de prospérer en même temps et que toutes les localités de la Flandre centrale deviendraient, par ce canal, un débouché important pour les produits du Hainaut. Aujourd'hui les briqueteries du bas Escaut ne sont pas en rapport avec la Flandre centrale.

Qu'en résulte-t-il ? C'est que les briques pour les bâtisses y sont à un prix fabuleux, ce qui arrête les constructions. Le canal de la Mandel apporterait ces produits pondéreux à meilleur marché, ce qui faciliterait la construction.

Vous comprenez combien le système que j'indique est favorable aux intérêts du Hainaut. Remarquez-le bien, ce système, tout en servant les intérêts du Hainaut, sert aussi les intérêts de la ville d'Ypres, puisque le canal de la Mandel peut y aboutir, les intérêts de la Flandre occidentale tout entière, l'intérêt de ses travailleurs, de ses manufactures ; ce canal prolongé jusqu'au canal de Handzaeme mettrait la Flandre centrale en rapport avec l'Yser et avec Ostende.

Maintenant quelle est la différence entre l'un et l'autre projet quant au trajet et quant à la dépense ?

Le canal dont vous parle l'honorable M. Vandenpeereboom est évalué à 6 millions de francs. Mais un de mes honorables amis qui connaît parfaitement la question m'a dit hier ou avant-hier : Je veux être sincère, ce n'est pas avec 7 millions que ce canal sera fait.

En effet, si ce canal a peu de longueur, il présente d'immenses difficulté d'exécution.

Examinons. D'abord ce canal, sur 24 kilomètres de parcours, présente 16 écluses. Vous voyez déjà quelles difficultés offre un pareil canal : difficultés d'exécution, difficultés de transport. Quand vous avez 16 écluses accumulées sur un espace de 4 a 5 lieues, évidemment il ne peut y avoir de grande navigation sur un pareil canal. La dépense d'eau est trop considérable ; la manœuvre des écluses est trop grande pour que vous puissiez y établir une navigation de quelque importance.

Ce n'est pas tout. Vous avez à traverser la crête de partage la plus élevée de toute la Flandre occidentale, de manière que, comme le disait l'honorable M. de Haerne dans une discussion précédente, il faudrait une navigation souterraine, c'est-à-dire un tunnel. Estimez la dépense énorme que va exiger un canal avec 16 écluses et un tunnel, et dites-moi si c'est trop que d'évaluer cette dépense à 7 millions. Eh bien, je puis donner dès maintenant l'assurance à la Chambre (page 244) que le canal de la Lys à Ypres parla Mandel ne coûterait peut-être pas les deux tiers, peut-être pas la moitié de cette somme.

J'ai dit que le canal de Menin à Ypres a 24 kilomètres de longueur ; celui par la Mandel en aurait 40, savoir 19 de la Lys à Roulers et 21 de Roulers à Ypres, c'est donc 16 kilomètres de plus. Or, en 1841, le gouvernement a fait étudier la canalisation de la Mandel qui forme la moitié environ du canal de la Lys à Ypres. Les études ont été faites par M. l'ingénieur Detreux, contrôlées et collationnées par M. l'ingénieur De Block, qui était, vous le savez, ingénieur en chef de la Flandre occidentale, tous deux renommés pour l'exactitude de leurs devis. Les devis et les plans ont été remis au ministère.

Eh bien, s'agit-il là d'une dépense de la moitié de 6 à 7 millions comme pour le canal de Menin à Ypres ? Je prie la Chambre d'y faire bien attention : le canal de la Mandel depuis la Lys jusqu'à Roulers, d'après les devis officiels faits par les ingénieurs du gouvernement et remis au conseil des travaux publics, ne doit coûter que la somme de 436,300 fr. Cette première section, qui forme la moitié du parcours, ne coûterait, d'après les devis de M. l'ingénieur Detreux, contrôlés et collationnés par M. l'ingénieur de Block, que 436,300.

Or, je vous le demande, quand la Chambre est en présence de deux projets, l'un qui est un projet antinational, destiné à servir les intérêts du département du Nord et de l'Artois, et à nuire aux intérêts du Hainaut sous tous les rapports, projet qui doit coûter 7 millions ; et l'autre, dont la première section, la plus importante, ne doit coûter que 436,300 francs pour arriver dans le cœur de la Flandre et fournir au Hainaut un débouché considérable pour tous ses produits, y a-t-il à hésiter ?

Un honorable membre qui siège à ma gauche, me dit : Vous avez la seconde section,

Sans doute la seconde section coûtera davantage parce qu'à Plasschendaele il y aura une tranchée à ouvrir. Mais ce que je puis dire, c'est que vous n'aurez, pour ce canal, aucune espèce de tunnel à créer, qu'il n'y aura qu'une faible tranchée à Plasschendaele, que, par conséquent, la dépense sera comparativement beaucoup moindre que celle que nécessitera l'autre projet ; que ce canal ne coûtera guère plus du tiers ou de la moitié de ce que coûtera celui que l'on propose.

Ce canal, d'ailleurs, je le répète, servira également les intérêts de la ville d'Ypres. Vous arriverez à Ypres par le canal de la Mandel au lieu d'y arriver par le canal de Menin ; vous y arriverez avec charges pleines en toutes saisons ; vous y recevrez les houilles, les pierres, la chaux, les pavés du Hainaut en descente de fleuve, tandis que de l'autre côté vous les recevriez en remonte de fleuve. Vous y arriverez également plus économiquement par le canal de la Mandel, parce que vous n'aurez pas cette accumulation d'écluses que vous rencontrez de l'autre côté, les dépenses et les retards que cela occasionnerait à la navigation.

Ce n'est pas tout.

Le canal de Menin à Ypres dont on vous parle, quelle est sa direction ? Cette direction est parallèle au chemin de fer. Nous avons un chemin de fer de Courtrai à Ypres, parallèlement à ce chemin de fer. Mais pour ce chemin de fer, vous avez accordé une garantie de minimum d'intérêt de 4 p. c ; aujourd’hui, s'il opère des recettes, l'Etat se trouve sublevé de cette garantie de minimum d'intérêt. Mais si vous lui enlevez les produits pondéreux, l'Etat devra payer chaque année cette garantie de minimum d'intérêt. Or, cette garantie s'élève à environ 400,000 fr.

C'est donc une somme de 400,000 francs dont vous grevez l'Etat chaque année pendant 90 ans, et cela pour créer un canal qui sera destiné à nuire à la Belgique et à rendre d'immenses services à l'Artois et au département du Nord.

Au contraire le canal de la Mandel est un canal transversal au chemin de fer ; il ne vient pas lui faire une concurrence directe, et veuillez le remarquer, vous n'avez pas de garantie de minimum d'intérêt sur l'embranchement de Roulers, de manière que s'il y a réduction de recettes sur cet embranchement, vous n'aurez rien à retirer de ce chef du trésor public.

Je crois, messieurs, que ces considérations sont d'une excessive importance.

La Mandel était autrefois une rivière navigable, comme l'était la Haine avant la création du canal de Mons à Coudé.

M. A. Vandenpeereboom. - C'est un égout.

M. B. Dumortier. - Je crois qu'à cet égard vous n'avez pas dz reproche à lui faire, et que si la Mandel est un égout, cet égout est trop grand pour se jeter dans le petit égout de l’Yperlée. La Mandel, messieurs, était autrefois une rivière navigable. Elle s'est trouvée ensablée par suite de l'absence d'une navigation fréquente, comme le sont d'autres rivières dont on ne se sert plus, comme l'est aujourd'hui la Haine depuis qu'on ne s'en sert plus.

Mais, veuillez le remarquer, ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on a demandé de faire des travaux sur la Mandel. En 1778, Marie-Thérèse avail ordonné de canaliser la Mandel et des études avaient été faites pour arriver à cette canalisation. Sous le roi Guillaume, en 1828 et 1829, ce même projet fut, étudié.

Il le fut encore par le savant M. Bidaut, aujourd'hui secrétaire des travaux publics ; enfin, en 1841, une troisième étude de la canalisation de la Mandel fut faite par M. de Treux et vérifiée par M. de Brock.

Cette étude est faite : elle repose aux archives des travaux publics et je viens de vous en dire le résultat. La première section de ce canal, celle de la Lys à Roulers, pour un parcours de 19 kilomètres, coûterait la bagatelle de 436,000 francs.

Je vous le demande, en présence de pareils faits, faut-il se hâter de voter l'amendement de M. Vandenpeereboom ? Je demande que cet honorable membre veuille bien réfléchir à une chose : c'est qu'il y a ici des intérêts en cause, et qu'Ypres se conduirait très mal en faisant ici de l'égoïsme pour elle seule.

Si Ypres veut avoir un canal, j'y consens. Mais qu'elle consente en même temps à le donner à d'autres localités, et cela sans garantie de minimum d'intérêt.

Messieurs, permettez-moi de vous le faire remarquer, l'honorable membre vous a dit tout à l'heure qu'il y avait des districts pour lesquels on avait fait peu, et le district d'Ypres était probablement celui auquel il faisait allusion. On a cependant fait des dépenses majeures pour ce district.

Eh bien, s'il y a des districts pour lesquels on a fait peu, il y a des districts pour lesquels on n'a rien fait.

Ainsi le district de Roulers est peut-être le seul en Belgique pour lequel, depuis 1830, on n'a pas dépensé un sou, en travaux publics, sur le produit des emprunts. On y a bien construit quelques routes pavées comme dans tout le reste du pays, sur l'excédant des budgets, mais sur les emprunts qui grèvent le trésor public de plus d'un demi-milliard, il n'a pas été dépensé un centime dans l'arrondissement de Roulers, dans cet arrondissement si industriel et qui forme le centre de la Flandre occidentale. Aussi je sais gré à M. le ministre de l'intérieur d'avoir le premier fait quelque chose pour cette importante localité en proposant un crédit pour y améliorer le régime des eaux. Je forme des vœux pour qu'il l'utilise en partie à créer quelques fontaines artésiennes sur la nappe d'eau de Plasschendaele, afin d'augmenter la source des eaux de la Mandel, du St-Amand et du Ceulebroek. Ce serait là rendre à l'industrie de Roulers un service immense, car l'eau est la matière première de toute industrie, et rien ne serait plus facile que d'en amener en abondance à Roulers au moyen de quelques fontaines artésiennes sur la nappe d'eau de Plasschendaele et de Hooglede.

La ville de Roulers, comme le dit l'exposé des motifs, tend à devenir une ville industrielle de première importance. Elle a, comme je vous le disais, pour y parvenir un élément précieux, des industriels extrêmement progressifs, et des ouvriers intelligents, travailleurs et de toute première qualité.

Remarquez-le bien, messieurs, il n'y a dans les deux Flandres que deux ou trois villes industrielles réellement importantes : Gand et Rouleurs et peut-être St-Nicolas. (Interruption.)

A Ypres quel est l'intérêt ? C'est de faire de la dentelle ; la grande industrie n'y existe pas. Mais l'industrie de la dentelle ne consomme pas des produits du Hainaut. Pour faire de la dentelle, on n'a besoin ni des houilles de Mons, ni de la chaux de Tournai, ni des pierres de Lessines. A Roulers, au contraire, on consomme énormément de charbons, mais aujourd'hui on n'y emploie guère que des charbons anglais, et pourquoi ? Parce que les charbons du Hainaut reviennent à un prix trop élevé. La chaux de Tournai revient également à un prix trop élevé pour qu'on puisse l'employer en grand pour l'agriculture qui la réclame.

Il en est de même des pavés de Lessines, tout cela parce que les frais de transport par eau sont trop considérables. Et cependant Roulers est au cœur de la Flandre, et la province de Hainaut pourrait y trouver un débouché des plus importants. Encore une fois, c'est en même temps comme député de Roulers et comme habitant du Hainaut que j'insiste sur ces considérations.

Comment, lorsque les débouchés nous manquent faute de moyens de communication, lorsque les houilles anglaises viennent nous faire concurrence sur notre propre marché de consommation, comment ne saisirions-nous pas toutes les occasions pour conserver ce marché qui peut un jour nous être de toute nécessité ? Que les députés d'Ypres s'unissent aux députés de Roulers ; il n'y a pas de motifs d'antagonisme entre nous. Quant au Hainaut, il appréciera tout entier un pareil projet.

Dans tous les cas, j'adjure M. le ministre des travaux publics, dont je connais la loyauté, de vouloir bien ne pas prendre de résolution avant d'avoir examiné la question sous toutes ses faces, et je suis convaincu que quand il aura fait cet examen la solution viendra d'elle-même.

II s'agit, en définitive, de savoir si l'on fera un canal qui serve en même temps les intérêts des Flandres et les intérêts du Hainaut, ou si l'on fera un canal antinational, destiné à amener les produits étrangers sur nos marchés de consommation, au détriment de ceux du pays ; si l'on fera un canal pour Ypres seul ou bien pour Ypres et la Flandre orientale centrale, si l'on oubliera toujours cette importante et industrielle ville de Roulers qui s'élève comme par enchantement et devient le Verviers des Flandres. Entre ces deux projets le choix de la Chambre et le choix du gouvernement sera bientôt fait ; ce sera l'intérêt du pays qui obtiendra la préférence, et la ville de Roulers avec de l'eau et de la houille deviendra l'un des trophées de notre industrie, l'une des grandes conquêtes de notre nationalité.

(page 245) M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - L'honorable M. Dumortier me demande de ne pas prendre une résolution immédiate. C'est, en effet, un avis auquel je me range et il est impossible qu'il en soit autrement d'après les discours que vous venez d'entendre.

Ce à quoi le nord de la Flandre occidentale a droit de prétendre, c'est une ligne de navigation, la plus courte possible, vers le Hainaut. Mais une question subsidiaire est de savoir quel sera le tracé de ce canal.

Or, il est évident que les considérations dans lesquelles vient d'entrer l'honorable M. Dumortier sont de nature à convaincre la Chambre qu'il y a là des études sérieuses à faire.

Mais il y a une autre difficulté. Je dis que dans le cas où l'on voudrait résoudre la question, la chose serait impossible. En effet, comment la proposition de M. Vandenpeereboom pourrait-elle recevoir une application ? Il ne demande pas que l'Etat fasse le canal lui-même ; ce serait, en effet, une prétention exorbitante.

Il demande que le canal soit construit par voie de concession, mais comment y arriver ? Le gouvernement devra-t-il garantir un minimum d'intérêt sur le capital entier nécessaire ? Quel est d'abord ce capital ? L'administration a fait faire des études pour cette jonction du Hainaut avec le nord de la Flandre et le littoral français. Les premières études sont de 1806 ; elles n'ont pas abouti.

Les études ont été reprises en 1840. L'ingénieur, comme l'honorable M. Dumortier l'a rappelé, est arrivé à cette conclusion que le canal devait coûter 4,590,000 francs ; ces 4,590,000 par suite de l'augmentation du prix des matériaux, par suite de l'augmentation des salaires et de la valeur des propriétés, équivalent aujourd'hui à 6 millions ; voici maintenant le calcul des produits.

Il prétend établir que le revenu serait de 103,000 francs et les frais d'entretien de 70,000 francs, c'est-à-dire que le revenu net serait de 33,000 francs, pour une dépense, en capital, de six millions ; donc si l'Etat veut garantir un minimum d'intérêt, il aurait à dépenser pendant 90 ans, si les calculs de l'ingénieur sont exacts et en supposant que le minimum fût garanti à raison de 4 p. c. sur un capital de 6 millions, l'Etat aurait, dis-je, à dépenser pendant 90 ans une somme de 200,000 fr. net.

M. A. Vandenpeereboom. - Ce n'est pas là le système de l'amendement, Il ne s'agit pas de minimum d'intérêt, il s'agit d'accorder à la compagnie qui exécuterait le canal, un subside d'un million et demi, comme on accorde un subside de 2,300,000 fr. pour d'autres travaux.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Ce subside de 1,500,000 francs équivaudrait à un intérêt de 60,000 francs.

Messieurs, le canal doit coûter 6 millions, soit 240,000 fr. à 4 p. c, c'est-à-dire que le concessionnaire ferait une dépense d'un capital devant lui coûter en intérêt 240,000 fr., tandis qu'il obtiendrait comme subside un capital qui lui donnerait un intérêt de 60,000 fr. Le concessionnaire aurait par conséquent encore à dépenser un capital exigeant un intérêt de 18,000 fr.

Or, d'après les calculs que je viens de rappeler, le canal ne pourrait produire que 33,000 fr. de revenu. Je demande si l'honorable M. A. Vandenpeereboom connaît un entrepreneur qui voulût s'engager à dépenser un capital considérable pour une entreprise qui ne lui donnerait pas un p. c. d'intérêt. Pour ma part, je n'en connais pas.

Il y a un seul demandeur en concession qui est venu me déclarer qu'il maintenait sa demande faite il y a quelques années, mais moyennant la garantie d'un minimum sur le capital entier ; il m'a, en outre, exprimé le désir de ne pas devoir prendre d'engagement à l'égard du gouvernement avant la mise en exploitation du canal de Bossuyt à Courtrai. Il lui paraissait logique d'attendre les résultats de l'exploitation de ce canal, afin de pouvoir former des prévisions plus raisonnables sur les résultats probables de l'exploitation du canal de jonction à l’Yperlée. Et il a certes raison.

Je pense donc que la Chambre ne voudrait pas se rallier au seul système sérieux dont il puisse s'agir aujourd'hui, au système de la garantie d'un minimum d'intérêts sur le capital entier.

Quant au système de l'honorable M. A. Vandenpeereboom, je crois qu'il est purement théorique ; je crois qu'il ne serait pas suivi d'une demande sérieuse en concession.

Je pense que ces considération seront suffisantes pour engager l'honorable membre à retirer sa proposition.

De plus, je pense que sa proposition est entachée d'un grave vice de forme. Si c'est une proposition spéciale, isolée, cette proposition doit suivre la filière indiqué par le règlement. Si, au contraire l'honorable membre produit sa proposition à titre d'amendement, je lui demanderai à quel article il rattache cet amendement. Il n'en pourrait indiquer un seul.

Il y a un dernier motif qui doit engager l'honorable M. A. Vandenpeereboom à laisser toutes choses en état : c'est que le gouvernement désire faire de son côté un examen approfondi de la question pour soumettre ultérieurement, s'il y a lieu, une proposition à la législature.

M. Coomans (pour une motion d'ordre). - Il me semble que nous devons rechercher tous les moyens de simplifier et d'éclaircir le débat ; je désire donc que le gouvernement nous déclare quelles sont les propositions de la section centrale auxquelles il se rallie et quelles sont les proposions auxquelles il ne se rallie pas. Le gouvernement a sous les yeux depuis plusieurs jours le rapport de la section centrale et je pense que le gouvernement doit avoir fixé son opinion.

Il dépend du gouvernement d'abréger aussi notre besogne : qu'il adopte les propositions de la section centrale, qu'il leur accorde l'autorité qu'elles méritent, comme émanant non seulement de plusieurs membres, mais pour ainsi dire de cette Chambre même ; dès lors le débat aura singulièrement avancé. Que le gouvernement s'explique donc franchement et nous aurons fait un grand pas vers une bonne et prochaine solution.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Messieurs, la section centrale propose d'abord de rejeter le crédit relatif à l'achèvement du canal de Gand à Bruges. Le gouvernement maintient son projet sur ce point.

La section centrale propose en second lieu de rejeter le crédit relatif à l'établissement d'un port de refuge à Blankenberghe ; le gouvernement maintient également et très énergiquement son projet à cet égard.

La section centrale propose en troisième lieu de porter de 500,000 fr. à un million le crédit destiné aux travaux de raccordement de routes aux chemins de fer. Le gouvernement se rallie à cette proposition.

La section centrale propose le rejet du crédit relatif à la construction du chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain ; et revenant sur ses rejets antérieurs, dispose de toutes les sommes ainsi rendues libres, dans sa combinaison, en faveur de nouveaux travaux.

M. le ministre des finances a déjà déclaré en ce qui concerne le chemin de Louvain, que le gouvernement proposerait l'ajournement de la discussion sur le crédit qui s'y rapporte, ajournement motivé sur ce qu'il s'agit d'un intérêt local très considérable qu'il ne conviendrait pas de régler en l'absence des députés de Louvain. Je pense que sur ce point la Chambre sera d'accord avec le gouvernement.

La conclusion logique de cet ajournement serait d'ajourner en même temps toutes les propositions relatives aux nouveaux travaux, faites par la section centrale.

Le gouvernement présenterait, à la session prochaine, un crédit relatif au chemin de fer de Louvain, à moins que d'ici là il ne se décidât à substituer lui-même au crédit, concernant ces objets, des crédits destinés à d'autres travaux ; auquel cas, comme l'a annoncé M. le ministre des finances, le gouvernement prend encore l'engagement de déposer un nouveau projet dans le cours de la session prochaine.

Il est entendu, dans cette hypothèse, que les propositions faites par la section centrale seraient examinés sérieusement par le gouvernement, et qu'il les prendrait en considération dans le nouveau projet, si rien ne s'y opposait d'ailleurs.

Je demande donc que pour tous les travaux nouveaux qu'on voudrait soumettre à la Chambre, on veuille attendre jusqu'à la session prochaine ; je demande que k Chambre se borne à discuter les autres articles du projet. De cette manière on simplifiera beaucoup le débat sans compromettre aucun intérêt dans l'avenir.

M. Coomans. - Messieurs, je concevrais le système que vient de nous expliquer l'honorable ministre des travaux publics, si les millions demandés pour le chemin de fer de Louvain formaient l'équivalent de l'ensemble des dépenses nouvelles proposées par la section centrale ; alors le système du gouvernement serait raisonnable et je pourrais peut-être m'y rallier. Mais il n'en est rien. Dans les plans financiers de la section centrale, car elle a aussi le sien comme de juste, les sommes qu'elle a retranchées du projet et qui sont relatives au port de refuge à Blankenberghe, au canal de Bruges à Gand, et finalement auront été de fer de Louvain, formant ensemble environ 9,000,000 de fr., chemin l'objet d'une distribution nouvelle.

M. E. Vandenpeereboom, rapporteur. - Un seul mot.

Pour Blankenberghe, la section centrale n'a pas retranché un centime du crédit ; seulement elle a donné au crédit une autre application ; vous ne pouvez donc pas compter sur cette somme.

M. Coomans. - En ce qui concerne Blankenberghe, l'objection de l'honorable rapporteur est exacte : nous avons accordé à Blankenberghe l'équivalent financier de ce qui était demandé par cette localité ; après avoir supprimé le port de refuge comme inutile, nous avons voté une écluse de décharge et un chemin de fer.

Mais mon observation reste debout pour une somme très importante, pour le crédit de 2,105,000 fr. demandé pour l'approfondissement du canal de Bruges à Gand. Il est évident que lorsque la section centrale a cru que cette somme pouvait recevoir une destination meilleure que celle que le gouvernement y donnait, elle ne pouvait pas la voter et elle devait la réserver pour la destination qu'elle trouvait plus utile, plus urgente, plus raisonnable. Je ne discute pas le fond de la question ; je me borne à exposer le système de la section centrale. Maintenant que vient nous dire le gouvernement ?

Donnez-nous toujours ces deux millions demandés pour l'approfondissement du canal de Gand à Bruges et nous verrons plus tard.

Mais plus tard, il y aura une lacune de deux millions dans le système de M. le ministre des finances, qui viendra nous objecter, avec raison, qu'ayant disposé déjà de ces deux millions, son système (page 248) financier se trouve sensiblement modifié, et qu'il ne peut donner suite aux travaux que nous préférons.

Je crois donc qu'il faut examiner l'ensemble des travaux proposés par le gouvernement et par la section centrale. La seule bonne raison qu'on puisse invoquer en faveur du système financier proposé par le gouvernement, c'est que son projet formait un ensemble soumis aux règles de la justice distributive.

Eh bien, j'admets que le projet forme un ensemble et je demande qu'on le discute à ce titre.

Mais qu'on ne vienne pas aujourd'hui ajourner et, en réalité, disjoindre les diverses parties du projet, après que la disjonction nous a été refusée. Examinons l'ensemble du projet avec toutes ses ap et dépendances. Examinons quels sont les travaux les plus urgents, les plus utiles et décrétons ceux-là. Je ne suis pas de ceux, s'il en est, qui nient absolument l'utilité des travaux proposés par le gouvernement et rejetés par la section centrale ; mais nous devons donner la préférence aux travaux les plus utiles. Par conséquent nous devons procéder par voie de comparaison ; et, quant à moi, il ne m'est point possible de voter une somme que la section centrale a rejetée à l'unanimité, alors que nous sommes convaincus que de l'adoption du système du gouvernement résulterait, pour nous, l'impossibilité d'atteindre le but que nous nous proposons au sujet des différents travaux d'utilité publique.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il y a d'abord une première observation que je dois soumettre à la sagesse de la Chambre. Toujours, lorsqu’il s'est agi de projets de loi de travaux publics, de nombreuses propositions ont été faites en faveur d'une foule d'intérêts, mais toujours aussi, - à moins que le gouvernement ne se ralliât aux propositions, - toujours ces propositions ont été écartées par la Chambre parce qu'elles ne pouvaient pas être introduites comme amendements. Cela ne s'est jamais fait contre le gré du gouvernement.

On a pu discuter, on a pu, tombant d'accord, admettre dans un projet tel ou tel autre travail ; mais on ne fera considérer par personne comme un amendement à un article du projet l'introduction d'une disposition tout à fait nouvelle et surtout la substitution d'un canal à un chemin de fer, sous prétexte d'amendement.

C'est cependant ce qui arrive ; c'est cependant là ce que propose la section centrale, et je le répète, c'est ce qui ne serait possible que pour autant que le gouvernement tombât d'accord avec la section centrale.

Aujourd'hui, le gouvernement, au lieu d'entrer dans la discussion du fond de cette proposition, dit à la section centrale et a ses membres, à l'honorable M. Coomans en particulier : La section centrale a retranché du projet de loi 2,105,000 fr. demandés pour l'approfondissement du canal de Gand à Bruges et 7 millions demandés pour la construction d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain ; voilà 9 millions qui, dans l'opinion du gouvernement, doivent avoir certaine affectation.

La section centrale pense, au contraire, qu'il serait préférable de les appliquer à tels ou tels travaux qu'elle croit plus utiles, plus urgents. Eh bien nous disons, nous : Par des considérations que tout le monde apprécie, nous suspendons la discussion de la partie du projet de loi relative au chemin de fer de Bruxelles à Louvain ; et par cela même que cette partie est tenue en suspens, les propositions de la section centrale doivent évidemment aussi être ajournées. (Interruption.)

C'est impossible autrement. La Chambre admettra ou rejettera les propositions que lui fait le gouvernement en ce qui touche l'approfondissement du canal de Gand à Bruges ; mais, dans l'hypothèse même du rejet, il n'y aura pas de fonds suffisants pour réaliser toutes les propositions de la section centrale. Si, par impossible, le canal de Gand à Bruges n'est pas admis, il y aura deux millions à ajouter au crédit de sept millions pour le chemin de fer de Bruxelles à Louvain, dont nous aurons à disposer à la session prochaine ; et nous examinerons alors simultanément toutes les demandes qui ont été formulées. Le gouvernement ne s'y déclare nullement hostile ; mais il dit : Puisqu'il y a des motifs péremptoires de ne pas mettre en discussion le chemin de fer de Bruxelles à Louvain, ajournons-le, et dès lors disparaît, pour le moment aussi, tout ce qu'on veut y substituer.

M. Mercier. - Les dernières explications de M. le ministre des finances me semblent trancher la question : le projet de loi subsistera donc quant au chemin de fer de Bruxelles à Louvain et il ne faudra pas présenter un nouveau projet relativement à cette voie de communication. Mais, messieurs, il me semble que cela n'est pas très rationnel : si le projet est adopté sans l'article relatif au chemin de fer de Bruxelles à Louvain, comment cet article pourra-t-il subsister encore avec le caractère d'un projet de loi ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le gouvernement a dit qu'il examinera toutes les propositions qui ont été soumises.

M. Mercier. - Mais l'article relatif au chemin de fer de Bruxelles à Louvain continuera-t-il de subsister comme projet de loi, de telle sorte qu'il ne faudra pas présenter de projet nouveau à la session prochaine ?

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - C'est un simple ajournement.

M. Mercier. - Mais est-il régulier qu'une partie d'un projet de loi reste subsister comme projet, alors qu'elle a été écartée par la Chambre ? Il me semble que si l'on écarte l'article relatif au chemin de fer de Bruxelles à Louvain, le gouvernement devrait s'engager à nous présenter un nouveau projet à la prochaine session.

M. E. Vandenpeereboom, rapporteur. - La question que vient de soulever l'honorable M. Mercier me semble facile à résoudre, et voici comment : le gouvernement distrait de nos projets l'article relatif au chemin de fer de Bruxelles à Louvain ; par conséquent, dans le système du gouvernement, vous voterez le projet de loi sans cet article, et dès lors il faudra nécessairement qu'un projet de loi nouveau soit présenté pour que la Chambre puisse être régulièrement appelée à statuer sur la question du chemin de fer dont il s'agit. D'ailleurs que le gouvernement le présente comme projet nouveau ou projet ancien, cela revient au même. La Chambre seule peut ajourner.

M. Mercier. - C'est ce que j'ai dit.

M. E. Vandenpeereboom, rapporteur. - Evidemment il devra en être ainsi.

Je conçois parfaitement les motifs qui guident le gouvernement en cette circonstance ; mais je dis que, si on veut faire revivre la proposition relative au chemin de fer de Bruxelles à Louvain, après l'avoir d'abord écartée, il faudra nécessairement présenter un nouveau projet de loi.

Maintenant, messieurs, je demande à ajouter un mot pour justifier la section centrale et expliquer ses propositions. -

M. le ministre des finances nous dit : Vous n'avez pas le droit d'introduire des amendements.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Des projets nouveaux.

M. E. Vandenpeereboom. - Mais ces projets nouveaux ne sont pas autre chose que des amendements. Vous ne pouvez pas, nous dit-il, substituer un canal à un chemin de fer. Mais, messieurs, ce n'est pas là ce que nous faisons.

Nous commençons par dire : Le projet de loi comprend autant d'articles dont la dépense totale s'élève à tant. Nous écartons l'un ou l'autre de ces articles, et nous le remplaçons par un article nouveau sans nous préoccuper de savoir si ce nouvel article se rattache à d'autres.

C'est là un amendement, et c'est ce que nous avons adopté. Comme rapporteur, j'ai examiné cette question théoriquement, et je soutiens que c'est ce que nous avons le droit de faire, que c'est le droit de la section centrale comme c'est le droit de la Chambre. Nous aurons à examiner si la Chambre doit laisser disponibles les sommes dont le gouvernement propose l'ajournement, sauf à les réappliquer plus tard ; mais j'ai voulu seulement constater le droit qu'ont la section centrale et la Chambre de modifier une loi générale des travaux publics.

Nous sommes en présence d'un projet de loi de travaux publics dont la dépense s'élèvera à 90 millions. Il nous a semblé que nous pouvions parfaitement retrancher quelques-uns de ces travaux, si nous en trouvions de plus urgents. Nous avons en effet trouvé des projets plus urgents que certains travaux du projet et nous les avons proposés à la Chambre.

Voilà ce que nous avons trouvé. Nous ne substituons pas un canal à un chemin de fer ; nous prenons le projet dans son ensemble, et nous l'amendons dans son ensemble, comme nous en avons le droit. Les changements que nous avons faits ne sont pas blâmables, par cela seul que nous avons substitué un ouvrage à un autre. C'est un point très important, qu'il ne convient pas de trancher à la légère ; soutenir la thèse contraire, c'est prétendre que la Chambre ne peut plus dire que oui ou non sans avoir le droit d'amender.

Sans aller au fond des choses, il est impossible de contester à la section centrale le droit de faire ce qu'elle a fait. Je n'examine pas si elle l'a bien ou mal fait, c'est ce que la Chambre aura à juger ; mais je maintiens le droit de la section centrale d'apporter des changements au projet de loi.

Si le projet de loi qui nous est soumis n'avait qu'un article unique, je comprendrais l'observation, parce qu'alors, en substituant un travail à un autre, nous proposerions une loi nouvelle ; mats ce qui a été fait est différent. Le projet de loi a une trentaine d'articles ; nous l'avons examiné dans son ensemble, et, usant de notre droit d'amendement, nous avons proposé, non pas une loi nouvelle, mais des articles nouveaux dans une loi générale.

Prenons-y garde, messieurs. Hier, on voulait restreindre notre droit d'enquête, même pour la vérification des pouvoirs des élus de la Chambre ; aujourd'hui on tente d'amoindrir notre droit d'amendement. Que le gouvernement soit résolu à aller vite, nous devons tenter de le modérer, parce que la vitesse à outrance se concilie mal avec la conservation de la machine parlementaire. Mais, si l'on vient à nous contester notre droit d'amendement, nous devons prendre garde de sacrifier une de nos plus précieuses prérogatives. Or, dans le projet le plus compliqué, un simple membre peut proposer un amendement sur lequel la Chambre se prononce sans qu'il soit renvoyé à la section centrale. Et dans un projet comprenant des travaux multiples, une section centrale ne pourrait pas substituer un travail à un autre, tout en restant dans le chiffre des crédits du gouvernement ! C'est ce que je ne puis admettre.

Je suis heureux de voir l'honorable M. Henri de Brouckere donner un signe d'assentiment à mon sentiment ; et de lui entendre dire qu'il est de mon avis.

(page 247) En somme, nous avons, tout en restant dans les chiffres du projet des travaux publics substitué quelques travaux à d'autres travaux, tout comme dans un projet de loi d'une autre nature, on substitue un système qui détruit souvent l'esprit de la combinaison proposée. Ce sont là des amendements ; et les proposer est, pour la section centrale, un droit, aussi bien que c'est un droit pour la Chambre de les adopter.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Toutes les questions de prérogatives sont extrêmement délicates. Il ne s'agit pas de les examiner théoriquement.

M. E. Vandenpeereboom, rapporteur. - Ce n'est pas une théorie que nous faisons, nous faisons une proposition pratique.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Oui, mais vous faites une proposition sans suivre les formalités prescrites par un autre règlement.

Au point de vue de la Chambre, il me paraît impossible d'admettre le droit d'amendement tel que l'entend l'honorable rap porteur. Le droit d'amendement existe sans aucun doute pour la section centrale comme pour la Chambre, mais il est restreint à sa signification véritable, c'est-à-dire qu'il s'applique exclusivement aux propositions qui sont soumises à l'examen de la Chambre et qui ont été régulièrement introduites, mais on ne peut l'entendre comme le veut l'honorable M. Vandenpeereboom.

La section centrale peut amender une proposition du gouvernement ou bien une proposition d'un membre de la Chambre, lorsque les sections se sont prononcées sur la proposition principale ; mais elle ne peut faire passer sous forme d'amendement des propositions nouvelles dont la Chambre n'a pas été saisie régulièrement et qui n'ont été soumises à aucune investigation. Ce n'est pas là le droit d'amendement. Ainsi la section centrale est sans pouvoir pour faire passer, sous forme d'amendement, des propositions nouvelles.

Si l'on veut faire une proposition nouvelle, il faut se conformer au règlement. Lisez le texte de la Constitution ; il porte que les Chambres ont le droit d'amender et de diviser les articles et les amendements proposés. Voilà le texte de la Constitution et ne croyez pas que les droits de la Chambre se trouvent paralysés par là. C'est une simple question de forme ; l'exercice de ces droits est réglé, et il faut respecter ce qui est prescrit. Si un membre de la Chambre trouve qu'une mesure serait bonne et utile, les moyens de la soumettre à l'examen de ses collègues sont bien simples.

Il la dépose sur le bureau ; sa proposition est ensuite renvoyée aux sections, et lorsque les sections en ont autorisé la lecture, lorsque la Chambre en a entendu les développements et lorsqu'elle l'a prise en considération, la section centrale qui l'examine après les sections peut alors opposer à cette proposition les modifications qu'elle juge convenable. C'est une question de procédure parlementaire ; le but de toutes ces formalités est d'éviter les inconvénients du vote par surprise d'une proposition faite inopinément et qui n'aurait pas été mûrement examinée.

M. H. de Brouckere. - Il y a pour le gouvernement un moyen bien simple de mettre un terme à cette discussion. Que M. le ministre des travaux publics déclare que d'ici à la session prochaine il étudiera la question soulevée par l'amendement de l'honorable M. A. Vandenpeereboom, et comme cosignataire de cet amendement je crois pouvoir déclarer qu'il sera retiré.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Je crois avoir fait implicitement cette déclaration tout à l'heure. J'ai déclaré que je ferais étudier non seulement la proposition de M. A. Vandenpeereboom, mais encore toutes les propositions faites par la section centrale. C'est bien ainsi que j'entends les devoirs du gouvernement.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Permettez-moi de vous soumettre une observation qui me paraît de nature à abréger la discussion.

Je sens que plusieurs membres de la Chambre sont sous l'empire de certaine préoccupation ; ils se disent : « Nous voici en présence d'un projet de loi qui décrète des travaux considérables. Il y a presque certitude que d'ici à longtemps on ne nous proposera plus de travaux publics. Profitons de l’occasion, et tâchons d'obtenir pour nos arrondissements les travaux qui les intéressent le plus. »

Et c'est ce qui fait naître des propositions relatives à divers travaux qu'il convient aux honorables membres de défendre. L'erreur est grande et complète. Dès la session prochaine, il est très possible qu'indépendamment des travaux indiqués par la section centrale, le gouvernement fasse une proposition pour l'exécution de travaux nouveaux s'élevant à des sommes assez considérables.

Dans la session prochaine, quand nous aurons encaissé les excédants prévus pour 1859, nous pourrons décréter d'autres travaux publics.

Nous pourrons, en disposant par anticipation d'un nouvel excédant, de 5 millions, rester dans la même situation que celle qui résulte du projet de loi. Ce n'est pas le dernier plan que nous ayons à soumettre à la législature. D'autres viendront et dans un temps assez rapproché.

Les honorables membres peuvent donc être parfaitement rassurés sous ce rapport.

M. Coomans. - Le système que vient de développer l'honorable ministre des finances aboutit en droite ligue, me semble-t-il, à la suppression du droit d'amendement. Je sais bien que l'honorable ministre enveloppe cette prétention de toutes sortes de formules oratoires assez inoffensives pour les droits de la Chambre ; mais il n'en est pas moins vrai que d'après M. le ministre des finances, il y aura une fin de non-recevoir opposée à tout amendement qui surgira dans cette Chambre, soit de la part d'un membre, soit de la part de cinq membres, soit de la section centrale, or il serait peut-être trop long d'examiner ce système à fond. Pour le moment, je me borne à protester. (Interruption.)

Je crois qu'une de nos prérogatives les plus précieuses est le droit d'amendement, inscrit dans la Constitution belge, en opposition au système contraire qui a donné lieu, avec tant de raison, à de nombreuses réclamations sous le régime hollandais. Sous le régime hollandais, nous devions accepter une loi en bloc ou la rejeter en bloc et nous n'avions pas le droit de l'améliorer.

C'est un système qui a été repoussé absolument par la Constitution belge, et elle a parfaitement bien fait.

Si on le désire, je reviendrai sur le sujet qui, comme l'a dit l'honorable M. Vandenpeereboom, est d'une extrême gravité pour la Chambre.

Mais, messieurs, autre chose.

J'apprécie l'intention qui a porté le gouvernement à proposer l'ajournement de la disposition relative au chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain. Je comprends que le gouvernement se fasse, enfin, scrupule de discuter un aussi grand intérêt en l'absence des députés de l'arrondissement de Louvain. Mais je m'étonne que ce scrupule ne soit pas né plus tôt dans la pensée du gouvernement.

Je n'admets pas que l'arrondissement de Louvain soit plus intéressé dans un projet de chemin de fer dans lequel il n'entre, après tout, que pour une part secondaire, qu'il ne l'était dans le projet de défense nationale. Puisque vous avez passé outre quant aux fortifications d'Anvers, je ne sais ce qui vous arrête au sujet du chemin de fer de Bruxelles à Louvain. Croyez-vous que les intérêts de l'arrondissement de Louvain ne seront pas défendus dans cette enceinte alors qu'ils sont inséparables de ceux de l'arrondissement de Bruxelles, qui compte. Dieu merci, assez de bons et zélés avocats dans cette Chambre ? L'arrondissement de Bruxelles est plus intéressé dans cette question que l'arrondissement de Louvain.

Je ne suis donc pas, tout en approuvant le sentiment que vient d'exprimer le gouvernement, convaincu du tout que nous ne puissions pas discuter le chemin de fer de Bruxelles à Louvain en l'absence des députés de cet arrondissement. Je le répète, faites au moins l'honneur à cet arrondissement de croire qu'il s'intéresse autant à la défense nationale qu'à ce chemin de fer. J'affirme que mon arrondissement, tout rétrograde qu'on se plaît à le proclamer sottement de temps à autre, tient infiniment plus à la défense nationale qu'il ne tient au canal de Saint-Job, par exemple. Il est de la dignité de la Chambre et de l'arrondissement de Louvain et des élus de Louvain de ne pas les accuser de tenir plus à un chemin de fer qu'à la défense nationale.

- Un membre. - Vous proposez le rejet du chemin de fer de Bruxelles à Louvain.

M. Coomans. - Je n'ai pas volé pour ce chemin de fer, cela est vrai ; mais je mets en place trois choses qui intéressent l'arrondissement de Louvain beaucoup plus que ce chemin de fer.

Je mets en place de cette dépense de 7 millions le chemin de fer de Louvain par Aerschot sur Herenthals et d'Aerschot sur Diest, plus diverses améliorations importantes à apporter au régime du Demer, et je suis convaincu que ce projet que l'honorable ministre des travaux publics semble avoir approuvé beaucoup lui-même en section centrale, serait plus utile à l'arrondissement de Louvain que le projet qu’il est destiné à remplacer.

Du reste je m'étonne que le gouvernement, après nous avoir dit que son projet était quelque chose de sacro-saint à quoi nous ne pouvions toucher, vienne lui-même proposer l'ajournement et la disjonction de certaines dispositions qu'il contient. Car, après tout, que nous propose-t-on ? on nous propose d'ôter du projet une dépense de 7 millions pour y revenir par une nouvelle loi l'année prochaine ou plus tard, si vous y revenez.

Messieurs, je dois insister quant à l'observation principale de M. le ministre des finances, qu'il n'y a pas lieu d'examiner en ce moment les propositions de la section centrale.

Quoi ! chacun de nous a le droit d'initiative. Lorsque cinq membres de la Chambre ont signé une proposition, notre honorable président est dispensé de la formalité habituelle, de consulter la Chambre pour savoir si cette proposition est appuyée oui ou non. Et une section centrale qui est l'émanation naturelle, directe, l'émanation légale de toutes les sections de la Chambre, ne pourrait pas proposer des amendements au projet du gouvernement ? Mais cela n'est pas soutenable, cela n'est pas soutenable en théorie ; cela n'est pas soutenable en fait. Et voici comment :

L'honorable ministre des finances se trompe quand il semble nous accuser d'avoir improvisé en section centrale les amendements que nous avons inscrits au projet. Il n'en est rien.

Nous sommes munis, contrairement à ce que vient de dire l'honorable ministre, des pouvoirs formels des sections. Il n'y a pas, dans les (page 248) propositions que nous avons formulées, une seule qui n'ait été présentée par une ou plusieurs sections de la Chambre. La section centrale est l'émanation vraie des sections et elle avait le droit de faire ces propositions ; c'était même son devoir de le faire, quand elle croyait que les millions dont vous disposez pouvaient recevoir un emploi plus utile que celui que vous proposez.

Pourquoi avez-vous fait une loi d'ensemble ? C'était afin que nous pussions juger de la valeur relative de tous les projets. Et aujourd'hui vous ne voulez plus de débat comparatif ! Si vous nous forciez à voter aujourd'hui toutes vos propositions, sauf telle ou telle que vous jugez bon d'ajourner, vous pourriez venir nous dire plus tard que d'autres propositions que nous considérions comme plus utiles ne sont plus exécutables, les fonds manquant.

La juste distribution des 90 millions dont vous voulez disposer doit nous occuper librement, et je prétends qu'il est du devoir de la Chambre d'examiner les propositions de la section centrale et aussi celles qui pourront être formulées dans la Chambre pendant la discussion.

Sinon, messieurs, le système qu'on nous propose serait, je le répète, un retour direct au système hollandais que le congrès a avec raison repoussé en 1830, lorsqu'il a rédigé la Constitution. Gardons précieusement la liberté de nos débats comme celle de nos votes ; les intérêts du pays y gagneront et la véritable dignité du gouvernement ne saurait y perdre. Pour ma part, je suis bien décidé à user jusqu'au bout du droit d'amendement que je tiens de la Constitution et de la loi du bon sens, supérieure à toutes les autres.

M. Mercier. - Je croyais qu'il avait été convenu, de l'assentiment de tous, que la proposition relative au chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain serait tenue en suspens, et j'allais même demander au gouvernement quelle est la marche qu'il suivrait pour faire revivre le projet, une fois que la loi actuelle serait votée. J'ai exprimé l'opinion qu'il faudrait pour cela un nouveau projet, et l'honorable M. Vandenpeereboom a dit que cela ne faisait pas doute.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On examinera la question, et s'il faut un nouveau projet, on en présentera un.

M. Tack. - Je suis au nombre des cinq membres qui ont signé la proposition relative à l'allocation d'un subside destiné à être affecté à la construction du canal de jonction de Menin à Ypres ; cependant je viens déclarer sous les mêmes réserves que l'honorable M. H. de Brouckere, que je suis prêt à la retirer pour ce qui me concerne. J'ai la conviction que le gouvernement s'occupera activement de la question, ainsi que cela résulte des explications données tout à l'heure par M. le ministre des finances.

Mais comme en retirant l'amendement je suis forcé de même que mes honorables collègues d'Ypres qui l'ont signé avec moi, à renoncer à la parole sur le fond du débat, la Chambre me permettra toutefois de protester contre les paroles de l'honorable M. Barthélémy Dumortier qui s'est permis de qualifier d'antinationale la construction du canal de Menin à Ypres. Je repousse de toutes mes forces cette qualification ; à entendre l'honorable membre, le creusement du canal de Menin à Ypres serait un véritable désastre, une ruine pour l'industrie houillère du Hainaut. Je me charge, lorsque le moment sera venu, dé démontrer que le canal dont nous demandons la construction est éminemment national ; je n'en veux pour preuve que les judicieuses observations consignées dans le rapport de la section centrale, qui l'a recommandé vivement et à l'unanimité de ses membres à la sollicitude du gouvernement.

Ce grand travail d'utilité publique n'est en définitive que le parachèvement de cette magnifique ligne de navigation qui, partant de l'Ourthe, traverse nos trois grands bassins charbonniers pour aboutir à la mer du Nord ; il est le trait d'union entre les voies navigables de l'Est et celles de l'Ouest.

Au surplus, que l'honorable M. B. Dumortier se rassure, je suis prêt à signer avec lui une proposition ayant pour but de canaliser la Mandel à partir de Roulers jusqu'à l’embouchure de cette rivière dans la Lys ; c'est tout ce que Roulers doit désirer. Ce travail répondrait à tous ses besoins industriels. Les deux projets n'ont rien de commun.

L'honorable M. B. Dumortier nous a parlé beaucoup de la concurrence que les houillères du Pas-de-Calais pourraient faire, grâce au canal de Menin à Ypres, aux houillères du Hainaut.

Les craintes de l'honorable membre ne sont évidemment pas fondées ; ce qui le prouve, c'est que l'honorable M. H. de Brouckere qui représente ici dans cette enceinte les intérêts du bassin houiller de Mons, a signé la proposition dont il s'agit en ce moment, conjointement avec plusieurs députés de la Flandre. Cette seule circonstance est certes de nature à dissiper toute appréhension quant à la concurrence que notre industrie aurait à redouter de la part de l'industrie française par suite de la construction du canal de Menin à Ypres. Je borne là mes observations, devant m'abstenir d'entrer dans le fond de la question, sauf à rencontrer en temps et lieu les observations de M. B. Dumortier.

M. de Haerne. - Messieurs, je ne prolongerai pas les débats, puisque la Chambre a hâte d'en finir. Je me rallie, comme mon honorable collègue M. Tack, à la proposition qui a été présentée par l’honorable M. H. de Brouckere, avec les réserves qui ont été faites. Je me joins à mon honorable ami M. Tack pour protester contre certaines allégations de l'honorable M. Dumortier, mais j'ajouterai une raison pour faire voir qu'il n'y a rien d'antinational dans le travail dont il s'agit : je dirai en passant que je suis malheureux de rencontrer toujours mon honorable ami M. Dumortier comme adversaire dans cette question.

Depuis 1832, nous avons toujours été en lutte sur cette question.

La preuve, messieurs, qu'il n'y a rien d'antinational dans ce travail, c'est que depuis bien longtemps il est demandé par toutes les chambres de commerce de la Flandre occidentale, par toutes les chambres de commerce du Hainaut et d'autres encore.

L'honorable membre nous a présenté, messieurs, la concurrence des houillères françaises comme devant devenir sérieuse pour les houillères du Hainaut par suite de la construction du canal de Menin à Ypres ; mais il perd ici de vue une stipulation d'une convention internationale conclue en 1838 entre la Belgique et la France au sujet du canal de Bossuyt à Courtrai, stipulation qui a été reproduite dans la loi qui a autorisé la construction du canal de Bossuyt.

Cette disposition, dont j'ai parlé dans la cinquième section, comme le rapport de la section centrale vous l'indique, porte que lorsque le canal de Bossuyt à Courtrai et celui de Roubaix à la Deule seront achevés, les bateaux venant de France en Belgique payeront à l'écluse de Commines deux francs par tonneau au profit du canal de Bossuyt. Dès lors la concurrence devient impossible. D'ailleurs, si elle était possible, elle aurait lieu déjà aujourd'hui de Warneton à Menin, où l'on reçoit les charbons de Mons par la navigation française, mais nullement les charbons de France.

Messieurs, je ne parlerai pas de la Mandel. J'ai déjà dit, dans la séance du 26 juillet dernier, que je ne m'opposais nullement à l'exécution de ce canal, mais il ne peut pas remplacer celui que nous demandons. En effet, messieurs, c'est un tout autre projet ; car si vous canalisez la Mandel en la reliant à Ypres par un canal partant des environs de Roulers, vous faites un détour immense et vous perdez tout l'avantage de la navigation directe. Si vous voulez aller jusqu'à Ypres par cette voie, il faut ajouter un canal beaucoup plus long que la distance entre Menin et Ypres. L'ensemble de cette voie navigable coûterait bien plus cher que le canal de Menin à Ypres.

On dira que ce canal exige un tunnel, mais vous auriez aussi un tunnel à construire de la Mandel vers Ypres, si vous ne faisiez un détour considérable. C'est pour éviter le tunnel qu'on fait ce détour.

On dit que le canal de Menin à Ypres exigerait une navigation (erratum, page 286)à la remonte. Il s'agit de deux lieues de navigation sur la Lys, entre Courtrai et Menin ; mais la navigation y est facile à cause du bief formé par l'écluse de Menin à celle d'Harlebeke.

Je me rallie à la proposition qui a été faite par l'honorable M. de Brouckere et je me réserve de m'expliquer ultérieurement plus en détail sur cette question lorsque le moment sera arrivé.

M. A. Vandenpeereboom. - En présence des déclarations que vient de faire M. le ministre des travaux publics, je renonce à l'amendement que j'avais présenté avec d'honorables collègues.

- Plusieurs membres. - La clôture !

M. B. Dumortier. - Je suis accablé de protestations, permettez-moi de répondre ; je n'ai que deux mots à dire.

J'ai dit que le canal est antinational et le fait est vrai. Le canal a été conçu à l'époque où la West-Flandre était réunie à la France et le but du canal était de joindre la West-Flandre au département du Nord.

- Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !

M. B. Dumortier. - Je dois rectifier les erreurs que vient de commettre M. de Haerne.

M. d'Hoffschmidt. - Messieurs, au point où en est la discussion générale, je renonce à mon tour de parole ; je me réserve de présenter quelques objections sur les articles.

- La discussion générale est close.

Article premier, paragraphe 2

M. le président. - Le paragraphe premier de l’article premier a été voté dans une séance précédente ; on passe au paragraphe 2.

« § 2. Pour l'achèvement du canal de Deynze à la mer du Nord, vers Heyst : fr. 900,000. »

M. Coppieters ’t Wallant. - Messieurs, je pense que le crédit qui est demandé pour terminer le canal de Schipdonck à la mer du Nord ne rencontrera pas d'opposition dans la Chambre ; je n'entends pas en faire, en ce qui me concerne. Je voterai donc sans opposition aucune le crédit qui nous est demandé, et je voterai surtout avec empressement le complément de 200,000 fr. pour convertir le barrage de Deynze en écluse de navigation, dans le but de rendre navigable la partie du canal de dérivation de la Lys, comprise entre Deynze et Schipdonck.

Il résultera de ce travail un très grand bienfait pour beaucoup d'industries et surtout pour la navigation charbonnière.

Je ne puis donc que féliciter M. le ministre des travaux publics d'avoir fait si promptement droit aux réclamations qu'on â vues si souvent surgir dans cette enceinte. Je l'engage à persister dans la même voie en apportant une modification de même nature, mais qui sera beaucoup moins coûteuse, dans une autre partie du canal de Deynze à la mer du Nord.

En faisant une légère modification au siphon en voie d'exécution sous le canal de Bruges à l'Ecluse, à l'intersection de celui de Deynze (page 249) à Schipdonck, il sera possible de permettre une navigation entre ces deux canaux, sans rien changer à l'étiage ni au régime de ces voies.

Cette modification sera un très grand bienfait pour toutes les communes riveraines de ces deux canaux. Elle les mettra en communication directe et économique avec le canal de Bruges à l'Ecluse et leur donnera les moyens de transporter avec facilité et économie les engrais et les produits agricoles.

Ce sera en même temps une compensation pour les dommages que le passage de deux canaux parallèles à travers le territoire de ces communes a occasionné aux cultivateurs et aux propriétaires en morcelant outre mesure leurs terres les plus fertiles.

Ce sera aussi un profit pour le gouvernement, parce qu'il en résultera une communication directe vers la mer qui permettra de transporter sans transbordement et à peu de frais les matériaux dont le gouvernement a toujours besoin pour les réparations à faire aux embouchures et aux côtes.

Je prie M. le ministre des travaux publics de vouloir donner une prompte solution à cet objet parce que les travaux, comme je le disais tantôt, sont en voie d'exécution. Il doit avoir reçu récemment une pétition bien motivée de la commune de Moerkerke ; je crois qu'il aura eu le temps de l'examiner et qu'il sera en mesure de donner à cet égard quelques explications à la Chambre. Je les attends avec confiance et je me plais à croire qu'elles seront de nature à donner pleine satisfaction à des réclamations on ne peut plus légitimes.

M. Magherman. - Messieurs, je ne viens pas m'opposer au désir exprimé par l'honorable préopinant relativement au canal de Schipdonck, et tendant à le rendre navigable, en ce qui concerne ses communications avec le canal de Bruges.

Maïs je me permettrai d'appeler tout spécialement l'attention de M. le ministre des travaux publics sur ce point, à savoir que ce canal est essentiellement destiné à l'écoulement des eaux des Flandres. Eh bien, souvent il arrive que les exigences de la navigation sont en opposition avec cet écoulement. Il est bien difficile, souvent impossible, de concilier les exigences de la navigation avec celles de l'écoulement des eaux. (Interruption.)

Il s'agit, me dit-on, d'une petite navigation agricole. Oui, on commencera par une navigation agricole ; mais peu à peu les intéressés demanderont une plus grande navigation : on perdra insensiblement de vue le but principal de ce canal.

Cela s'est déjà vu. Les exigences du commerce sont souvent plus grandes que celles de l'agriculture, Les industriels, les négociants ont souvent le siège de leurs affaires dans les villes ; ils sont à portée des ingénieurs ; eh bien, quelquefois les ingénieurs fléchissent devant les exigences du commerce et de l'industrie, et aux dépens de l'agriculture. Il y a des précédents.

L'agriculture est patiente ; elle souffre, elle se plaint avec lenteur. Ses plaintes doivent finir par être écoutées, mais c'est souvent après un long laps de temps et après avoir beaucoup souffert.

Les observations que je présente sont seulement préventives, et je prie M. le ministre des travaux publics de veiller à ce que rien ne se fasse contre l'agriculture.

M. De Haerne. — Messieurs, j'ai déjà eu souvent occasion de parler dans cette enceinte du canal d'écoulement dont il s'agit.

Je suis d'accord avec l'honorable préopinant pour dire que ce canal est avant tout un canal de dérivation et d'écoulement ; mais d'après ce que j'ai dit dans la discussion du 27 mai de l'année dernière, ce canal pourrait fort bien être utilisé pour la navigation ; et ce qui le prouve, c'est que les travaux ont été faits à cette fin : c'est dans ce but que les fondations des écluses notamment ont été exécutées comme on l'a fait. Il va sans dire qu'il faut (erratum, page 249) chercher à éviter les inconvénients qui pourraient résulter du double usage du canal ; mais c'est là une simple question de règlement. Quand un règlement convenable aura été arrêté, il suffira de l'exécuter vigoureusement pour éviter ces inconvénients ; nous sommes aussi intéressés que l'honorable M. Magherman à ce que l'écoulement des eaux se fasse régulièrement.

La navigation, du reste, ne peut pas faire obstacle aux mesures d'écoulement, puisqu'elle devient impossible lorsque les hautes eaux exigent l'écoulement vers la mer.

Je devais ces observations à la Chambre pour bien établir la parfaite navigabilité de ce canal ; mais, je le répète, les intérêts de l'agriculture devraient être ayant tout sauvegardés.

M. Tack. - Je me bornerai, messieurs, à faire remarquer qu'il a été décidé que ce canal pourrait être laissé à la navigation pour autant que les intérêts de l'agriculture fussent complètement sauvegardés. C'est tout ce que je tiens à rappeler pour le moment.

M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - Ce n'est pas pour répondre à l'honorable M. Magherman que j'ai demandé la parole ; il est bien entendu que la navigation ne pourra jamais avoir lieu sur le canal de Schipdonck qu'à titre de tolérance ; c'est-à-dire qu'il faudra avant tout veiller à l'écoulement des eaux. Du reste rien n'est plus facile que de réglementer convenablement ce point.

J’ai demandé la parole pour répondre un seul mot à l'honorable M Coppieters.

Il s'agit d'établir une communication entre le canal de Bruges à l'écluse et le canal de Schipdonck à Heyst pour la petite navigation agricole.

Un projet de modification au siphon actuellement en construction sur le dernier canal vient de m'être transmis tout récemment à cet effet par l'ingénieur en chef de la Flandre orientale. Reconnaissant l'importance de ce projet, je l'ai immédiatement soumis au comité consultatif des ponts et chaussées avec demande d'un prompt examen.

La question est d'un caractère fort urgent ; j'espère la résoudre dans la quinzaine et je pense que la solution pourra être conforme aux vœux des pétitionnaires.

- Le paragraphe 2 est mis aux voix et adopté.

Article premier, paragraphe 3

« § 3. Pour l'approfondissement du canal de Gand à Bruges : fr. 1,340,000. »

M. Van Iseghem. - Messieurs, la section centrale propose le crédit ; mais elle ne donne dans son rapport aucun motif réellement sérieux à l'appui de cette proposition.

Je ne comprends vraiment pas comment on peut songer à rejeter un crédit si nécessaire et si utile, et qui a pour objet de compléter des travaux dont les cinq huitièmes sont déjà terminés.

Lorsqu'en 1851 on a décrété la construction de ce canal, on a décidé, en même temps que les navires auraient pu naviguer depuis Bruges jusqu'à Gand sans rompre charge, avec le même tirant d'eau que dans le canal de Bruges à Ostende.

La Chambre a pris en même temps l'engagement, au moins implicite, de voter successivement les fonds nécessaires à mesure de l'avancement des travaux. C'est ainsi qu'on a successivement voté en 1851 un million de francs, en 1856, un second million, et en 1858, 700,000 fr. et lorsque en 1856 on a demandé en section centrale à combien s'élevait la somme qui était encore jugée nécessaire pour achever les travaux, M. le ministre des travaux publics d'alors, l'honorable M. Dumon, a répondu (voyez le rapport de M. Van Hoorebeke) qu'il fallait encore 3,604,128 fr. 71 c. La Chambre n'a donc pas été prise à l'improviste ; à toutes les époques elle a su de quoi il s'agissait.

Veuillez remarquer, au surplus, messieurs, qu'aussi longtemps que le canal restera inachevé, il sera improductif ; tandis que dès le jour de son achèvement il rapportera un revenu annuel au trésor. En effet, les navires pouvant alors se dispenser de passer par l'Escaut, le gouvernement ne sera plus tenu de rembourser à ces bâtiments le péage qui est dû de ce chef à la Néerlande ; par conséquent, le trésor réalisera une économie importante aussitôt que la nouvelle voie de navigation sera accessible aux navires de mer.

En 1858, 336 navires sont entrés dans le port de Gand, jaugeant 46,000 tonneaux, pour lesquels l'Etat belge a remboursé une somme de fr. 145,000. La plus grande partie de ces navires entreront plus tard par Ostende. Ajoutez à l'économie que le gouvernement fera un produit plus élevé du droit de pilotage et d'autres impôts indirects, et vous trouverez un ensemble d'environ 150,000 francs.

Vous voyez donc, messieurs, que l'équité s'accorde ici avec l'intérêt bien entendu du trésor pour vous engager à voter les fonds demandés par le gouvernement.

M. Allard. - Je viens d'entendre l'honorable M. Van Iseghem nous dire que le canal de Gand à Bruges restera improductif aussi longtemps que l'approfondissement n'en sera pas complètement achevé ; mais je serais bien curieux de savoir ce que ce canal pourra jamais rapporter.

M. Van Iseghem. - Je viens de le dire.

M. Allard. - Mais quel péage propose-t-on d'y établir ? Je ne sache pas que les navires de mer payent un péage. On a approfondit le canal sans doute pour que les navires de mer puissent y naviguer ; et, je le répète, ces navires ne payent point de péage. Quel revenu peut-on donc attendre de ce canal ?

J'ajoute, messieurs, que je ne sais pas trop pourquoi on n'établirait point de péages sur ce canal comme il y en a sur tous les autres. Ce n'est pas la première fois qu'on me fait cette observation, mais on n'y a jamais répondu d'une manière bien concluante. (Interruption.)

Je ne comprends pas, je le répète, qu'alors que nos bateaux voyageant à l'intérieur sont tenus de payer des droits sur le canal de Gand à Bruges, on affranchirait de cette obligation les navires qui y pénètrent par la mer.

C'est là une véritable anomalie, une injustice évidente, et j'insiste de nouveau pour que le gouvernement mette un terme à cet état de choses.

M. Devaux. - La question qu'on soulève aujourd'hui est une question qui est tout simplement décidée depuis 8 ans.

C'est par la grande loi du 20 décembre 1851 que la question a été résolue, et ce qu'on demande aujourd'hui, ce sont les moyens d'achever les travaux en voie depuis 1851. Quelle différence, messieurs, y a-t-il entre cet article de la loi de 1851 et les autres articles qui ont reçu leur exécution ?

Il y a cette seule différence, qu'on a mis plus d'empressement à exécuter ceux-ci que l'autre.

Maintenant, que diriez-vous si l'on venait contester aujourd'hui la nécessité de la dérivation de la Meuse, travail décidé en 1851 en même temps que l'approfondissement du canal de Gand à Bruges ? (page 250) Evidemment, messieurs, cela ne serait pas sérieux. Eh bien, l'approfondissement du canal de Gand à Bruges a été décidé en 1851, en même temps que la dérivation de la Meuse ; seulement, on s'est moins pressé d'exécuter le premier travail que le second ; ou a pris plus de temps pour faire les fonds nécessaires, et il se trouve qu'au lieu que ce canal ait été complètement exécuté en quelques années, il en reste encore une partie à achever après huit années. Voilà la position.

Plus de deux millions déjà ont été employés aux travaux exécutés jusqu'à présent ; des travaux immenses ont été faits. Et que nous propose-t-on ? De les frapper de stérilité ; de dire que la navigation qu'on a voulu établir n'aura pas lieu. Eh bien, messieurs, je dois le dire, depuis que je siège ici, je n'ai jamais vu d'opposition semblable. On en vient maintenant à discuter l'utilité du travail. Mais l'utilité, dois-je consentir à la discuter, alors que depuis 8 ans la question est résolue et que le travail est décidé et en voie d'exécution ?

Est-ce aujourd'hui qu'il faut discuter l'utilité de la dérivation de la Meuse, du canal de Schipdonck et de tous les autres travaux décrétés en 1851 ?

Au surplus, messieurs, s'il s'agissait de prouver l'utilité du travail dont je parle en ce moment, je n'en serais guère embarrassé. Qu'est-ce que c'est que ce canal ? C'est un des plus belles voies navigables qui existent dans notre pays ; c'est un canal qui, après avoir traversé deux de nos provinces, débouchait à la mer, et vous venez me demander quelle utilité il y a à ce que des navires de mer puissent y naviguer ! Mais, c'est comme si l'on demandait quelle utilité il y a à transformer pour les localités riveraines une rivière en un fleuve.

Et ici, il y a même cet avantage sur nos grands fleuves que ceux-ci ne débouchent à la mer qu'après avoir emprunté le territoire étranger.

Messieurs, on entre ici dans une voie bien extraordinaire et bien nouvelle. Non seulement on veut faire décider par les Chambres que d'énormes travaux déjà accomplis seront suspendus et resteront sans résultat, mais on dépouille plusieurs villes d'un droit acquis,

Jamais la Chambre n'a fait rien de semblable. Aussi la section centrale n'est-elle pas ici l'interprète des sections qui en 1859 comme en 1858 ont adopté le crédit demandé.

Elles n'ont nullement voulu révoquer en doute ce que la Chambre avait décidé depuis 8 ans.

Remarquez, messieurs, que les villes riveraines du canal seraient dépouillées d'un droit acquis sans même qu'on leur offrît aucune indemnité pour cette expropriation

En compensation de cette perte, on offre à Bruges, à Gand et à Ostende un canal dans la province d'Anvers.

En vérité, la province d'Anvers ne me paraissait pas si défavorablement traitée dans cette loi qu'elle dût envier qu'on accorde à d'autres localités des dépouilles de ce dont elles sont en possession.

Messieurs, je n'insiste pas davantage : il est impossible que la Chambre entre dans la voie extraordinaire où on voudrait l'entraîner, et je croirais douter du sentiment d'équité qui l'anime si je prolongeais davantage ce débat.

M. Van Iseghem. - L'honorable M. Allard s'est plaint de ce que les navires de guerre ne payent aucun droit de navigation sur le canal d'Ostende à Bruges. C'est la conséquence de ce que l'on rembourse les péages sur le canal de Terneuzen à Gand.

L'honorable membre me demande ce que le canal une fois approfondi pourra rapporter. Je lui répéterai que du moment qu'il sera assez profond pour permettre aux navires de se rendre entièrement chargés à Gand, nous économiserons pour tous les navires qui prendront cette voie, au lieu de prendre la voie de Terneuzen, le péage sur l'Escaut que nous remboursons à la Hollande. En outre, ces navires prendront uniquement des pilotes belges, ce qui sera une nouvelle recette pour le trésor belge.

M. Moncheur. - J'ai entendu tout à l'heure l'honorable ministre des travaux publics dire qu'il ne fallait pas céder à l'esprit de partage des travaux publics entre les différents localités du pays au point d'inventer pour ainsi dire des travaux pour avoir le plaisir de les exécuter. Eh bien, j'avoue qu'à mon sens l'approfondissement du canal de Gand à Bruges a bien été un peu et même beaucoup dans ce cas, et que ce travail n'a trouvé place dans la loi du 20 décembre 1851 que parce qu'on voulait donner quelque chose à la Flandre occidentale dans la répartition des millions dépensés en vertu de cette loi.

J'ai voté ce travail parce que je le croyais très utile, ainsi que la plupart des autres travaux décrétés par cette loi, mais depuis lors j'ai acquis la conviction que cette grande utilité n'existe pas.

Tel est l'avis de toutes les personnes à qui j'en ai parlé. Or, il faudrait non seulement une utilité évidente, mais encore une sorte de nécessité pour justifier une dépense de près de cinq millions qui vont être employés pour cet ouvrage. Si cette dépense n'est pas justifiée, les cinq millions qui la concernent seront véritablement jetés à l'eau. La conviction que je m'étais faite quant au faible degré d'utilité de l'approfondissement du canal de Bruges à Gand se trouve corroborée par la décision de la section centrale qui vous propose d'interrompre ce travail et de le postposer à d'autres travaux qu'elle a jugés avec raison comme étant plus utiles, pins nécessaires, plus urgents que celui-là.

Je crois qu'en vous faisant cette proposition, la section centrale a agi très sagement, et j'appuie sa proposition.

L'honorable M. Devaux disait tout à l'heure que le gouvernement et lui ne demandaient qu'une chose : c'était l'exécution de la loi du 20 décembre 1851 qui a ordonné l'approfondissement du canal dont il s'agit ; mais, moi, j'ai sous les yeux la loi de 1851 et je vois que la législature n'a alloué qu'une somme d'un million, tandis que 2,700,000 francs sont déjà dépensés et qu'on vient encore vous demander pour le même objet, une somme de 2,180,000 francs, ce qui fait un total de près de cinq millions.

M. Coppieters 't Wallant. - Ce million n'était qu'un premier crédit.

M. Moncheur. - C'est possible ; mais il est certain que si on avait dit alors à la Chambre ou si on avait pu prévoir que ce premier million serait suivi de quatre autres pour le même ouvrage, on ne l'aurait pas admis.

Ce travail soi-disant d'utilité publique semble être fait dans l'intérêt de Gand, et cependant je ne sais si ce n'est pas même nu honorable député gantois qui, dans cette enceinte, a proclamé qu'il n'y tenait pas, mais qu'il tiendrait davantage à une amélioration du canal de Gand à Terneuse.

Quant à l'approfondissement du canal de Gand-Bruges, elle lui paraissait d'une utilité très problématique.

La ville de Bruges a-t-elle un véritable intérêt à cet approfondissement ? Non. Bruges verra peut-être passer un peu plus de navires sous ses murs lorsqu'ils se dirigeront vers Gand ; mus voilà tout, Aujourd'hui il se fait du moins un transbordement à Bruges qui jouit ainsi des quelques profits que lui donne cette opération, mais la suppression de ce transbordement par suite des travaux nouveaux lui occasionnera plutôt une perte qu'un bénéfice.

Reste Ostende. Or, je ne pense pas que les transports d'Ostende à Gand soient tellement considérables qu'ils puissent jamais donner lieu à des péages équivalant même à une très petite partie des intérêts de la somme énorme de 5 millions de francs qui sera dépensée.

L'honorable M. Allard a fait une réflexion très juste ; il a dit ceci : Il y a dans les Flandres des canaux à grande section, des canaux très favorables pour la navigation ; il n'est pas juste que ces canaux soient affranchis de tous droits. Pourquoi n'existe-t-il sur ces canaux aucuns péages, alors que la navigation s'y opère dans les conditions les plus favorables possibles, et tandis que sur d'autres canaux qui ne sont qu'à petite section et où les conditions de navigation sont détestables, le commerce est astreint à des droits très élevés ?

Y a-t-il là de la justice distributive ? Quant à moi je réponds, comme l'honorable préopinant, que non : cela n'est pas juste ; et c'est une opinion que j'ai du reste souvent développée dans cette enceinte.

Que me répondait-on ? On me répondait que les canaux des Flandres avaient été construits avec l'argent des Flandres, et que par conséquent il ne fallait pas établir des droits nouveaux sur des voies navigables qui en avaient toujours été affranchies.

Eh bien, j'ai admis et j'admets encore jusqu'à un certain point cette raison ; mais il faudrait alors qu'on l'appliquât d'une manière générale. On devrait notamment décharger des droits de barrière les grandes routes qui ont été construites par les communes et qui étaient la propriété de ces communes.

Or, on leur a enlevé ces routes, on y a placé des barrières au profit de l'Etat, et cela sans restituer aux communes leurs frais de construction. Je citerai comme étant dans ce cas la ville de Namur, qui a perdu ainsi le capital énorme qu'elle a dépensé pour la construction de la route de Namur à Louvain.

Quant aux routes, on dit : L'Etat possède et possède bien. L'Etat a besoin d'argent ; donc l'Etat établit des barrières et perçoit les produits à son profit, et les communes pas plus que le public n'ont rien à réclamer.

Eh bien, moi je dis qu'il y aurait les mêmes raisons pour imposer les canaux des Flandres qui ne le sont pas, que pour imposer des routes construites jadis aux frais de certaines communes. Mais enfin, s'il ne faut pas imposer les anciens canaux qui restent dans leur état primitif, croyez-vous qu'on ne puisse du moins établir des péages sur des canaux que l'Etat reconstruit pour ainsi dire à neuf, et pour lesquels on dépense, par exemple, quelque chose comme 4 à 5 millions ? C'est une question que je soumets à votre appréciation,

Je termine en disant que je ne suis animé d'aucune espèce de sentiment hostile envers le canal de Gand à Bruges ; si son approfondissement était nécessaire, je ne demanderais pas mieux qu'on le continuât, mais je ne suis nullement convaincu de cette nécessité, et je pense qu'il est loin d'avoir une utilité en rapport avec la somme énorme qu'on devra dépenser pour l'exécuter.

Je crois donc que c'est sagement que la section centrale a voulu substituer d'autres travaux à celui-là, et j'ajouterai que, selon moi, la section centrale avait le droit de le faire. Sans cela, je ne concevrais plus qu'on renvoyât à l'examen des sections une loi sur des travaux publics.

Si les sections particulières et la section centrale n'ont pas le droit de faire des modifications au projet de loi, si elles ne peuvent se prononcer que par oui ou par non sur une loi semblable, si elles ne peuvent (page 251) proposer une dépense qu'elles croient plus utile que celle qui figure au projet, et si la Chambre ne peut adopter cette dépense, sauf au gouvernement à retirer sa loi si cela ne lui convint pas, alors je ne conçois plus le but du renvoi à l'examen des sections.

Ainsi, dans le cas qui vous occupe, la section centrale avait raison quant au fond ; elle avait également raison dans la forme.

- La suite de la discussion est renvoyée à demain.

La séance est levée à 4 heures.