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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 16 juillet 1859

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859 extraordinaire

(page 25) (Présidence de M. Dautrebande, doyen d'âge)

Appel nominal et lecture du procès-verbal.

M. de Gottal procède à l'appel nominal à midi et quart.

M. Pirmez donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier, la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Pirmez présente l'analyse de la pétition suivante :

« Des habitants de Louvain déclarent nulles les allégations qu'on pourrait énoncer pour invalider l'élection de cet arrondissement et protestent qu'aucune corruption électorale n'a souillé leur parti. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion.


M. Vilain XIIII, retenu à l'étranger par la santé d'un de ses enfants, demande un congé.

- Ce congé est accordé.

Motion d’ordre

M. De Lexhy. - Je désire adresser une interpellation à M. le ministre de la guerre. Je demande la parole.

M. Allard. - C'est contraire au règlement. La Chambre n'est pas constituée.

M. De Lexhy. - Ce n'est point contraire au règlement. D'ailleurs l'objet de mon interpellation présente un tel caractère d'urgence, que j'aime à croire que la Chambre me permettra de parler.

- Plusieurs membres. - Parlez ! parlez !

M. De Lexhy. - La paix est maintenant un fait accompli. Il serait rationnel de mettre nos forces militaires en harmonie avec les besoins d'une situation normale.

Nous n'avons pas besoin de conserver un effectif militaire aussi considérable que celui que nous avons actuellement. L'agriculture réclame des bras ; les travaux de la récolte exigent une armée industrieuse considérable. Nos intérêts commandent donc le prompt renvoi, dans leurs foyers, de certaines catégories de miliciens qui ne sont pas indispensables au service militaire. L’agriculture a bien le droit de produire cette exigence.

D'autre part, notre budget ne pourrait que profiter de ce renvoi des miliciens, car les grosses dépenses qui ont été faites depuis quelque temps doivent avoir obéré singulièrement notre budget de la guerre, qui n'est déjà que trop écrasant, puisqu'il absorbe une grande partie de nos ressources.

Je prie M. le ministre de la guerre de prendre mes observations en sérieuse considération et de bien vouloir nous promettre qu'il satisfera aux vœux que je viens de formuler au nom des cultivateurs.

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Si j'ai le droit de prendre la parole avant que la Chambre soit constituée, je suis prêt à donner des renseignements, (Parlez ! parlez !)

Dans ces derniers temps, malgré la gravité des circonstances, nous n'avons rappelé que très peu d’hommes sous les armes.

Ainsi, dans les douze régiments d'infanterie, pas un seul homme n'a été rappelé. Dans les régiments de chasseurs et des grenadiers on a rappelé une classe de milice. Cette classe a déjà reçu l'ordre de rentrer dans ses foyers.

- Plusieurs membres. - Très bien !

M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - J'ai été plus loin. Prenant en considération les travaux de la campagne, j'ai donné ordre aux chefs de corps d'accorder des permissions d'un mois aux soldats qui sont nécessaires dans les campagnes, mais j'ai mis pour condition que ces hommes devaient recevoir un certificat du bourgmestre de leur commune, constatant qu'ils sont nécessaires dans la campagne.

L'année dernière, on avait accordé la même autorisation, et ce sont surtout les cordonniers, les tailleurs et les barbiers qui ont demandé à aller faire une moisson d'un autre genre. C’est pour obvier à cet inconvénient que j'ai exigé qu'un certificat fût produit.

Vérification des pouvoirs

Arrondissements de Louvain et de Charleroi

M. B. Dumortier (pour une motion d’ordre). - L'objet à l'ordre du jour est l'élection de Louvain.

Une pétition qui signale des griefs a été adressée à la Chambre. Je viens de voir qu’on a déposé une protestation contre cette pétition. Comme on a donné lecture de la pétition, qu'elle a été imprimée et distribuée aux membres de la Chambre, il me semble qu'il conviendrait que la Chambre entendît la lecture de la protestation. Comme MM. les ministres ne sont pas ici, nous ne perdrons pas de temps.

- La Chambre décide que la pétition sera lue.

M. de Gottal donne lecture de la pétition.

- Un membre. - Ses signatures.

M. de Gottal. - Il y a environ 80 signatures.

M. le président. - La parole est à M. Dechamps.

M. de Theux. - Il n'y a qu'un seul ministre présent, M. te ministre de la guerre.

M. Dolez. - Je demande la parole.

.M. Dechamps. - Je suis prêt à parler ; seulement je crois qu'il eût été convenable que MM. les ministres fussent présents.

M. Dolez. - Messieurs, je crois que l'honorable comte de Theux est dans une erreur complète quand il pense que l'absence des membres du gouvernement puisse avoir la moindre influence sur le débat actuel. Il s'agit d'un débat de vérification des pouvoirs, d'un débat qui ne concerne pas la Chambre, qui ne concerne que le gouvernement. Dès lors, nous n'avons pas besoin d'avoir le gouvernement comme contradicteur légitime en quelque sorte, pour nous livrer à un pareil débat. La Chambre étant en nombre, nous n'avons pas à nous enquérir du point de savoir s'il y a plus ou moins de membres du Cabinet présents.

M. de Theux. - Pour les cas ordinaires je suis complètement de l'avis de l'honorable préopinant, mais dans une discussion comme celle-ci, dans laquelle on invoque des faits de corruption électorale, qui intéressent essentiellement l'ordre public, je pense que dans une discussion de cette nature les membres du gouvernement devraient être présents.

Maintenant, l'honorable M. Dechamps est prêt à parler : je n'insisterai pas ; mais si M. Dechamps avait persisté dans sa résolution de ne point parler en l'absence des ministres, je crois que la Chambre n'aurait pas consenti à ouvrir le débat jusqu'à ce que les membres du gouvernement fussent à leur poste.

.M. Dechamps. - Je demande pardon à la Chambre d'amuser1 aussi longtemps son attention dans ce débat. La question est importante ; c'est la première fois qu'elle est soulevée depuis 1830, et je crois que la Chambre doit me permettre de lui soumettre encore quelques considérations. Je tâcherai, du reste, d'être le plus bref qu'il me sera possible.

Hier, messieurs, j'ai tâché de préciser le point réel du débat. Selon moi, il s'agit beaucoup moins d'abus à flétrir que de principes à établir. Nous allons poser un précédent. C'est la première fois depuis 29 ans que la Chambre aurait ordonné une enquête électorale. Nous ne devons pas à la légère poser un pareil précédent.

J'ai rappelé que l'omnipotence de la Chambre devait avoir pou, limites et pour contrepoids les principes consacrés par la jurisprudence des pays constitutionnels, sous peine de livrer les minorités au despotisme arbitraire des majorités.

Si la Chambre n'avait pas de principes pour restreindre ce droit exorbitant d'omnipotence, nous tomberions dans ce que j'ai appelé la dictature parlementaire ; ce ne serait plus le corps électoral qui ferait les élections, ce seraient les majorités.

Le principe qui domine avant tout, c'est le respect pour la volonté exprimée par le corps électoral. Pour casser ici des décisions prises par le corps électoral, il faut des motifs excessivement graves ; il faut nous entourer de grandes précautions pour ne pas tomber dans l’arbitraire.

Quels sont ces principes ? Je vais les résumer encore.

Le premier de ces principes c'est que, lorsqu’une réclamation est (page 26) faite contre la validité d'une élection, il faut, en règle générale, que cette réclamation soit consignée dans le procès-verbal du bureau électoral, parce qu'alors la réclamation revêt un caractère d'authenticité, qu'elle est faite sous le contrôle du corps électoral lui-même.

Je pourrais citer beaucoup de précédents posés par cette Chambre et d'après lesquels plusieurs membres ont admis, d'une manière peut-être trop absolue, le principe, que toute réclamation doit être déposée dans le procès-verbal de l'élection.

Ainsi, lors de la vérification des pouvoirs de M. Thibaut dont l'élection était contestée, les honorables MM. Verhaegen et Devaux ont prétendu qu’on devait s'en rapporter, avant tout, au bureau électoral qui était juge en première instance, et qu'à défaut de décision du bureau, il fallait des preuves positives pour y suppléer.

Voilà donc le premier principe : réclamation consignée dans le procès-verbal du collège électoral.

Messieurs, quand une élection est faite sans réclamation aucune consignée dans le procès-verbal du bureau électoral, et que nous sommes saisis de réclamations tardives, il faut que nous y ayons beaucoup moins égard, il faut que la Chambre se montre bien plus sévère pour les accueillir.

Il faut alors des faits précis, des faits d'une grande gravité, pour s'écarter du principe que je viens de rappeler.

Quand il s'agit d'une motion d'enquête, motivée par des faits de corruption électorale, les nombreux précédents que j'ai cités et que j'ai puisés en France ou chez nous, prouvent que les deux principes suivants ont été admis d'une manière constante. Pour motiver une enquête, il faut d'abord des faits graves et précis ; il faut des preuves ou un commencement de preuves telles, qu'on place, a-t-on dit en France, la Chambre sur la voie même de l'enquête. La seconde condition, c'est qu'il y ait eu une plainte devant la justice et un commencement de poursuites judiciaires.

J'ai cité des faits nombreux qui attestent qu'en France comme en Belgique ce principe a toujours été consacré.

En effet, de deux choses l'une : ou bien les faits que citent les réclamants sont licites, et nous devons regarder comme licites les dépenses faites en vue des frais de transport et de séjour des électeurs : dans ce cas évidemment il n'y a pas lieu à enquête, car si l'enquête les constatait, nous validerions l'élection ; ou bien ces faits ne sont pas licites : ils constituent un délit, ce.sont des faits punissables par les lois pénales, alors il faut comme commencement de preuve des plaintes en justice.

Les faits sont dénoncés avec éclat par la presse à l'opinion et à la Chambre par des électeurs, et le procureur du roi ne poursuit pas : aucune plainte n'est adressée à la justice ! De pareilles réclamations n'ont rien de sérieux, car le commencement de preuve qui doit faire la base d'une demande d'enquête d'après les précédents posés en France et chez nous, ce commencement de poursuite devant la justice, fait défaut.

Messieurs, voilà les principes. J'ai cité à l'appui l'opinion des commentateurs Delebecque, Grunn et de Cormenin.

J'ai rappelé l'affaire Flourens, fait grave ; j'ai reproduit le rapport de Chasseloup-Laubat qui a déclaré que des faits plus précis que ceux qui sont articulés ici ne l'étaient pas suffisamment, et qui conclut au rejet de l'enquête par la raison qu'il n'y avait pas de commencement de poursuites judiciaires.

Ainsi, et vous devrez le reconnaître, la demande d'enquête telle qu'elle est formulée, est évidemment en dehors de tous les précédents parlementaires dans les pays constitutionnels.

Le fait qu'on nous demande de peser n'a aucun autre précédent analogue, ce serait une exception dans le régime électoral que vous auriez établie. Voilà la vérité complète des faits.

Ici l'élection est faite, aucune plainte n'est adressée au bureau électoral, aucune réclamation n'est consignée dans les procès-verbaux. La première condition exigée pour rendre la protestation sérieuse, cette première condition vous échappe.

Je m'arrête un instant a cette considération. La première idée de fraude était absente de l'esprit des électeurs au moment de l'élection ; je vous ai rappelé un fait, je vais en citer un second qui le démontrera à l'évidence.

J'ai dit que quelques jours après l'élection, l'association libérale a fait un appel aux électeurs pour recueillir tous les faits de corruption ou autres qui pourraient invalider l'élection.

Voici un autre fait sur lequel j'appelle votre attention : l'honorable M. Christiaens, notre ancien collègue et membre important de l'association libérale de Louvain, a adressé le 17 juin la lettre dont je vais vous donner connaissance au comité de l’association libérale ;

« A messieurs les membres du comité de l'Association libérale de Diest.

« Messieurs,

« J'ai l'honneur de vous faire connaître que je cesse d'être membre de votre Association. Je n'ai pas besoin de vous dire, messieurs, que j'ai pris cette résolution avec d'autant plus de regret, que nos travaux en comité ont constamment eu le caractère de la loyauté et de l'intimité dans l'accomplissement de la tâche que nous avions acceptée en commun, de la confiance de nos cosociétaires.

« Je vais, mes honorables collègues, vous exposer les motifs de ma détermination.

« Le résultat du scrutin du 14 de ce mois, au bureau de notre canton dans les comices électoraux de Louvain m'a trouvé que plusieurs membres de l'Association ne sont doués ni de la conviction, ni du dévouement politiques qui seuls sont capables de le rendre utile.

« Ce mélange d'hommes dévoués et convaincus avec d'autres auxquels ces qualités font défaut et ayant pourtant contracté les mêmes engagements d'honneur, au lieu de produire au jour de la lutte, si ce n'est un succès, du moins une défaite dont on peut se consoler sans tristesse, vient se transformer en une journée de dupes pour les hommes qui comptent la probité politique pour quelque chose.

« Un tel résultat m'a peiné à un double point de vue. La pureté de la cause du libéralisme en est altérée dans ma ville natale, et le respect que je voudrais conserver pur et entier pour quelques-uns d'entre mes concitoyens de notre Association s'en trouve diminué. Je viens briser avec cette position qui me pèse. Je veux me soustraire par ma démission à son poids pénible.

« Et si l'on me disait que ma détermination n'est fondée que sur un soupçon, je répondrais : « Que ce soupçon est suffisamment justifié par une supputation exacte, des suffrages sortis du scrutin, dans le bureau électoral du canton de Diest, en faveur de nos quatre candidats. » Quand un jour, et ce jour n’est pas loin, j'espère, mes concitoyens se décideront à former une association électorale sur des bases rationnelles, ce sera pour moi un honneur de venir combattre à côté d'eux, sous le drapeau du libéralisme belge.

« Agréez, etc.

« (Signé,) P. Christiaens.

« Diest, ce 17 juin 1859. »

- Plusieurs membres. - Qu'est-ce que cela signifie ?

.M. Dechamps. - Ce que cela signifie ! Je vais vous le dire : Le 17 juin, il y avait déjà deux jours que les journaux avaient signalé des faits de corruption électorale. M. Christiaens, membre de l'association libérale, est profondément attristé de l'échec subi par ses amis politiques ; mais va-t-il attribuer cet échec aux faits imputés à ses adversaires ? Il a trop de loyauté pour cela ; c'est à la défection de ses amis, membres de l'association, qu'il l'attribue.

Ce témoignage arraché à la bonne foi de l'honorable M. Christiaens fait contrepoids aux accusations dirigées par les pétitionnaires contre nos amis politiques.

Ainsi donc, les procès-verbaux de l'élection de Louvain ne renferment aucune réclamation ; la protestation dont nous sommes saisis est tardive. Les griefs qu'elle formule ont-ils ce caractère de précision exigé pour rendre toute réclamation sérieuse ?

J'ai établi hier que parmi les faits cités et relatifs à l'argent distribué, un seul était présenté comme ayant un caractère de corruption électorale : c'est le cinquième grief.

Voyons si les faits cités sont précis.

Les sieurs Courtois, domicilié rue de … à Tirlemont (témoin M. Goddons, greffier de la justice de paix audit lieu), Denis Vas, domicilié chez sa belle-mère la veuve Sneyers, à Kersbeck-Miscom (témoin M. Auguste-Hecking à Louvain) ont reçu de l'argent pour voter en faveur des candidats cléricaux. Est-ce là un fait précis ? Ils ont reçu de l'argent ; mais quelle somme ? Dans les réclamations adressées à la Chambre de France à l'effet d'obtenir l'enquête, les sommes étaient toujours indiquées. Cette somme indéterminée a-t-elle été reçue ?

De qui ? On ne cite personne ? Et c'est sur une réclamation aussi vague, sur un fait aussi peu précis que l'on s'appuie ! On veut décider l'enquête en absence de toute preuve et de tout fait précis ! Je vous défie de citer un seul précédent parlementaire qui puisse justifier le vote, que l'on vous demande en faveur de l'enquête.

La troisième condition nécessaire pour que la Chambre s'occupe de faits de ce genre, c'est qu'ils aient donné lieu à une plainte en justice et à un commencement de poursuite judiciaire. Est-il concevable, après tout le bruit que ces allégations avaient fait dans l'opinion publique et dans la presse, est-il concevable, qu'étant fondées elles n'eussent donné lieu à aucune poursuite du parquet ? Si ces faits avaient eu le moindre fondement, il était du devoir des pétitionnaires d'adresser une plainte aux tribunaux, et en l'absence de plainte déposée par eux, c'était au ministère public à poursuivre d'office.

On me dira (et je réponds d'avance à une observation qui pourrait m'être faite) : Vous entourez l'enquête de tant de difficultés que désormais l'usage en deviendra bien difficile et bien rare.

Oui, messieurs, il faut rendre l'exercice du droit d'enquête très rare et très difficile ; il faut l'entourer de sérieuses difficultés pour qu'on n'abuse pas de ce droit exorbitant.

Avez-vous songé à la signification et aux résultats d'une pareille enquête ! Vous déclarez une assemblée électorale tout entière suspecte de corruption ; vous laissez planer sur les représentants élus par cette (page 27) assemblée le soupçon de complicité ; que dis-je ? vous laissez planer ce soupçon sur une opinion tout entière !

Vous demandez que l'on casse le jugement du corps électoral, et vous ne vous fondez que sur de simples affirmations ! Par l’enquête vous éloignez pour un temps assez long du parlement les députés de tout un arrondissement, que vous privez du droit d'être représenté dans les deux Chambres. C'est un interdit jeté sur une partie du pays politique.

Et puis, quand vous aurez décidé l'enquête, il faudra en régler l'exercice, et vous vous heurterez à d'innombrables difficultés. Comment la composerez-vous ? Quelles seront ses attributions et quels seront ses droits ? Ne faudra-il pas une loi pour lui conférer le pouvoir de citer des témoins et d'exiger le serment ? Vous ne savez pas dans quelles difficultés vous allez vous jeter ?

Je le dis donc : Oui, il faut que les enquêtes soient entourées des plus grandes difficultés, parce qu'elles doivent être rares et tout à fait exceptionnelles.

En France, pendant les quinze années de la restauration, il n'y a eu aucune enquête, si ce n'est celle qui fut ordonnée en 1828 sur la proposition de M. Labbey de Pompières, qui demandait qu'on mît en accusation les ministres.

Sous le gouvernement de juillet, à l'exception de celle de l'année 1842, aucune enquête n'a été ordonnée. Plusieurs demandes ont été repoussées. On a même, jusqu'en 1842, contesté le droit d'enquête, tant ce droit a toujours paru exorbitant.

En 1842, des protestations arrivèrent à la chambre de France contre les élections des trois collèges de Carpentras, d'Embrun et de Langres.

Les faits signalés étaient graves ; ils étaient imputés au gouvernement, aux administrations locales et aux candidats eux-mêmes.

Le gouvernement était accusé d'avoir autorisé des administrations locales à faite toutes les dépenses nécessaires pour assurer l'élection de ses candidats.

On reprochait à un sous-préfet d'avoir, dans le local même de l'élection, distribué des bulletins marqués ; à un autre, de s'être laissé corrompre à prix d'argent ; enfin, ou citait une foule de faits de la même nature et de la même gravité.

L'un des candidats avait été élu à une seule voix de majorité. Toutes les contestations électorales étaient consignées dans les procès-verbaux d'élection ; les bureaux électoraux en avaient délibéré.

C’était donc sur des protestations authentiques faites sous le contrôle même du corps électoral, consignées dans les procès-verbaux, que la question était soumise à la chambre. Il y avait plus : deux des élus, M. Floret (ce n'était pas lui qu'on accusait de corruption électorale, c'était son concurrent), M. Floret et M. Allie demandaient eux-mêmes l'enquête parlementaire ; le troisième député y consentait.

Des raisons puissantes pouvaient donc être invoquées en faveur de l'enquête, tandis qu'aucune de ces raisons ne peut être invoquée dans le cas qui nous occupe.

Eh bien, qu’a fait la chambre française ? Elle a hésité ; et après de longs débats elle s'est divisée en deux parties égales pour décider non pas l'enquête, mais l'ajournement, afin de permettre au bureau de s’entourer renseignements plus précis, afin de savoir si l'on ne pourrait pas vider le débat sans recourir à une enquête.

C'est après quelques jours que M. Odilon-Barrot a demandé l'enquête, et l'enquête, sur la demande des députés eux-mêmes, a été adoptée après une longue résistance.

Voilà, pendant la durée du gouvernement de juillet, le seul fait d'enquête parlementaire qui ait été posé. Je le demande à votre bonne foi : y a-t-il quelques rapports entre les faits dont il s'agissait alors et les faits dont il s’agit ici ? Est-ce que tous les principes invoqués par M. Odilon-Barrot en faveur de l'enquête française ne peuvent pas, au contraire, être invoqués pour refuser cette mesure ? M. Odilon-Barrot, qui demandait l'enquête, s'exprimait ainsi :

« Les faits ont paru à la Chambre assez graves pour, s'ils étaient prouvés, causer une influence décisive sur chacune de ces élections. C'est ce que M. le ministre des travaux publics appelait des faits pertinents, et en même temps ces faits paraissaient environnés de circonstances, de présomptions, d'indices suffisants, sinon pour en établir la preuve, du moins pour lui donner un degré de probabilité assez grand pour déterminer la chambre à un ajournement et à lui faire éprouver le besoin de vérifier. »

Messieurs, en Belgique, voilà que nous avons vingt-neuf années de vie parlementaire. Beaucoup de faits graves en matière d'élection ont été allégués ; nous avons eu souvent des contestations très vives, dans lesquelles l'intérêt et les passions de parti se mêlaient toujours un peu, sur la validité des élections. Eh bien, on n'a jamais eu recours à l’enquête parlementaire en matière électorale.

C'est la première fois qu'on vous demande de poser ce précédent si dangereux ; et vous le poseriez lorsque, je le répète, vous n'êtes saisis que de réclamations qui n'ont d'autre valeur que le témoignage des réclamants eux-mêmes, lorsque le fait principal sur lequel repose la demande d'enquête n'est nullement précisé, qu'on ne cite ni le nom ni la somme d'argent qu'on aurait reçue.

Je vous le demande de bonne foi, y a-t-il des précédents dans les gouvernements constitutionnels que vous puissiez invoquer à l’appui de la décision que l'on provoque ?

Messieurs, veuillez-le remarquer, et j'attire encore votre attention sur ce point, nous sommes tous d'accord, partisans et adversaires de l'enquête, qu'une enquête doit être un cas extrême pour des faits extrêmes, qu'il faut surtout que ce soit une mesure exceptionnelle pour des faits exceptionnels et graves.

Or, ici, est-ce parce que les faits sont exceptionnels qu'on vous demande l'enquête ? C'est le contraire. C'est parce que les faits, dit-on, sont généraux. Allez au fond de vos consciences ; ceux qui voteront pour l'enquête seront mus par cette considération : c'est que ces abus sont trop nombreux, c'est qu'ils tendent à se généraliser, comme on vous l'a dit plus d’une fois à la tribune ; c'est qu'il faut couper court à ces abus, c'est qu'il faut y mettre un terme. Et pour cela c’est l'arrondissement de Louvain que l'on choisit pour être la victime d'expiation.

Voilà la vérité, si vous allez au fond de vos consciences. Le principe que vous devez admettre comme moi, c'est qu'il ne faut d'enquête que pour des faits exceptionnels. Or, je le dis, au fond, les faits dont il s'agit ne sont pas des faits exceptionnels.

M. J. Jouret. - Ce sont des faits exceptionnels.

.M. Dechamps. - Permettez, M. Jouret ; ceci est une appréciation. J'ai dit qu'à Louvain il n'y a pas de banquets électoraux. Les sommes dont on a parlé sont des indemnités pour des dépenses matérielles, j'en ai la conviction, et le seul fait présenté sous une couleur de corruption, n'est appuyé d'aucune preuve.

Je dis donc que les faits qui sont allégués sont des faits avoués comme généralement pratiqués, et que la chambre presque tout entière est élue sous l'empire de fais analogues Eh bien, décider l'enquête qui devrait concerner des faits exceptionnels, pour mettre un terme à des abus généraux, c'est un contre-sens manifeste et une atteinte à la moralité politique. Les députés de Louvain n'auraient-ils pas le droit de vous dire, s'il m'est permis de redire ici une parole sacrée : Que celui de vous qui est sans péché me jette la pierre ; que celui qui n'a jamais dépensé un centime pour les frais électoraux vote l'enquête.

Messieurs, j'appuie sur ce point : prenez garde au caractère du précédent que vous aurez posé ; s'il suffit que des électeurs viennent soumettre à la Chambre de semblables réclamations, disant : Un tel a vu distribuer de l'argent, un tel a vu poser tel fait ; si des dénonciations pareilles suffisent pour servir de base et de motif à une enquête, je dis que désormais le précédent une fois posé, il n'y a plus une seule élection pour laquelle une enquête ne puisse être demandée à la Chambre dans l'avenir.

Il est évident que les vaincus dans une bataille électorale n'acceptent jamais leur défaite comme légitime ; ils aiment miens l'attribuer aux manœuvres coupables qu'à la puissance de leurs adversaires. Le lendemain de chaque élection, la minorité, exaltée par la passion électorale, trouvera facilement un certain nombre d'électeurs irrités de ce revers, qui signeront une pétition demandant une enquête appuyée sur des accusations trop légèrement produites et dans le but de casser l'élection qui leur déplaît. Une fois que vous aurez admis, par le précédent que vous aurez posé, que de semblables affirmations, dictées par la colère de la défaite, suffisent pour que l'enquête soit ordonnée, à moins d'avoir deux poids et deux mesures et de permettre que votre décision actuelle sont considérée comme un acte déplorable de parti, vous devrez recourir à l'enquête parlementaire chaque fois qu'il plaira à un certain nombre d'électeurs de la réclamer au nom de griefs imaginaires ou exagérés.

Messieurs, lorsque dans un district électoral il y a ce que j'appellerai une majorité normale et historique en faveur de l'une ou de l’autre des opinions qui divisent le pays, et qu'il arrive qu'un candidat de la minorité entre par la porte dérobée d'une surprise, je comprends que le doute vienne sur la légitimité de cette élection.

Ainsi, je citerai ce qui s'est passé à Ypres, sans vouloir accuser personne de déloyauté.

A Ypres, il y avait depuis longtemps transaction entre les candidats ; on était d’accord d'éviter la lutte et d'accepter le maintien du statu quo électoral ; c'était le vœu connu des électeurs et des candidats. Or, il est arrivé qu'au ballotage un candidat qui n'avait obtenu que quelques voix au premier tour de scrutin, l'a emporté sur l'un des hommes les plus considérables du pays et dont le parlement aura plus d’une fois à regretter l’absence. Je n'ai aucunement l'intention d'accuser personne en citant ce fait ; je veux dire seulement que lorsque de pareilles surprises arrivent, lorsqu'un fait en désaccord évident avec le vœu connu du corps électoral se produit, la Chambre, si elle était saisie d’une réclamation, devrait être penchée à l'accepter, parce qu'il y aurait une certaine présomption en sa faveur.

A Louvain, messieurs, c'est le contraire qui a eu lieu ; les élus appartiennent à l'opinion qui depuis 1830 a presque constamment triomphé dans les élections de Louvain. Depuis 1831 jusqu'en 1848, toujours (page 28) les candidats conservateurs ont été élus. En 1848, il y eut transaction entre les deux partis, et on nomma deux candidats conservateurs et deux candidats libéraux.

En 1850, la transaction fut rompue et M. de Luesemans fut éliminé. En 1857, sous l'empire des émotions contagieuses que je n'ai pas besoin de rappeler, lorsque nous avons, en grand nombre, sombré dans ce grand déluge électoral, que s'est-il passé à Louvain dans ces circonstances extraordinaires ? L'honoraire M. de Luesemans n'a été élu qu'au ballotage et à l'aide de quelques voix de majorité.

Ainsi, messieurs, il est de notoriété que ce que j'appelle la majorité historique appartient, dans l'arrondissement de Louvain, à l'opinion conservatrice. Lorsque nous sommes en présente d’un pareil fait, la Chambre ne doit-elle pas accueillir les réclamations produites avec une entière défiance, et la présomption ne penche-t-elle pas d'avance vers la régularité et la sincérité d'une telle élection ?

Encore une réflexion, messieurs, et je finis. Lorsque cette session extraordinaire a été ouverte au milieu de la situation inquiétante de l'Europe et des obscurités de l'avenir, j’avais cru, je l'avoue, que la majorité avec laquelle j’identifie le gouvernement, j'avais pensé que la majorité et le gouvernement auraient tenu à donner à cette session, ouverte en de telles circonstances, un caractère patriotique, à écarter avec le plus grand soin toute question qui pût irriter et diviser les partis. J’avais espéré qu'on aurait tâché de réveiller, d'exciter, d'exalter le sentiment national, et qu'on aurait demandé à l'esprit de parti de se taire et d'accepter une trêve que les circonstances conseillent. Or, comment inaugure-t-on cette session patriotique ? Par un acte exorbitant auquel les majorités n'ont pas osé recourir depuis vingt-neuf ans, et par un défi imprudent jété à la minorité !

Il fallait calmer, on irrite ; il fallait rapprocher, on éloigne ; il fallait une trêve, et c'est la guerre que l'on excite. Eh bien, messieurs, permettez-moi de le dire, la tristesse dans l'âme, c'est par de pareilles fautes qu'on perd non seulement les ministères et les majorités, mais les situations. (Interruption.)

- M. Guillery prête serment.

(page 35) M. Orts. - Mon intention, messieurs, n'est pas de prolonger longtemps cette discussion. A mon avis elle ne peut prendre de grandes, d'utiles proportions dans l'état actuel de la question qu'elle soulève. Si les choses étaient entières, si nous avions eu à discuter la proposition d'enquête il y a trois jours, je comprendrais les observations des honorables membres auxquels je dois quelques mots de rectification plutôt que de réponse.

L'honorable membre qui vient de se rasseoir appelle la proposition de la commission une faute, un danger. Dans la situation où le pays se trouve, où l'Europe tout entière se trouve, toutes les nations, selon lui, ont plus que jamais besoin d'union ; tous les parlements, représentation exacte de la volonté nationale, doivent donc éprouver pareil besoin, il ne s'agit pas aujourd'hui de lancer des brandons de discorde. Ainsi se perdent les gouvernements, les majorités qui les soutiennent et les situations !

Dans les circonstances difficiles, messieurs, il faut sans doute que les peuples soient unis ; l'union doit régner au sein des pouvoirs publics C'est par l'union que les peuples, les situations, les majorités et les gouvernements se suivent, oui, messieurs ; mais quelque chose importe plus encore au salut public dans les situations périlleuses, c'est que le pays tout entier ait confiance d'abord dans l'honneur et la moralité de la représentation nationale.

De quel poids seraient les conseils donnés au pays dans les situations périlleuses, si le pays pouvait croire, pouvait soupçonner que ces conseils émanent d'hommes qui ne tiennent pas de la volonté libre et pure des citoyens le droit de leur en donner ?

L'enquête me paraît aujourd’hui une nécessité de la situation, loin de devoir aider à la perdre, et voici pourquoi. L'honorable M. Dechamps vous disait qu'une enquête sur des faits de corruption électorale articulés à propos de la vérification des pouvoirs, n'a jamais été ordonnée dans un pays parlementaire si ce n'est à la suite de dénonciations graves, précises, complètes trouvant leur appui dans quelques preuves extra-parlementaires comme le serait par exemple un commencement d'instruction judiciaire.

Messieurs, n'avons-nous pas quelque chose de bien plus grave aujourd'hui à l'appui des accusations que la pétition de Louvain est venue formuler dans des termes que pour ma part, - je puis me tromper - je trouve précis ? N'avons-nous pas un fait donnant à ces accusations un degré de vraisemblance plus grave qu'elles ne l'acquerraient si elles avaient été l'objet de l’action de l'autorité judiciaire ? Vous oubliez le Sénat, vous oubliez le verdict que le Sénat a rendu, il y a deux jours.

.M. Dechamps. - Cela ne nous regarde pas.

M. Orts. - Comment ! cela ne nous regarde pas ! et pourquoi donc une décision du juge d’instruction de Louvain, ou l'initiative du procureur du roi, ou même l'autorité des trois jugea composant une chambre du conseil, en déclarant qu'il y a lieu à instruire ; pourquoi donc toutes ces décisions vous satisferaient-elles plus que le verdict d'un des plus grands corps politiques de l'Etat ? Mais vous n'oseriez pas le soutenir sérieusement ; et vous ne m'auriez pas interrompu, M. Dechamps, si vous aviez pu réfléchir...

M. H. Dumortier. - C'est le fait d'une majorité politique.

M. Orts. - « C'est le fait d'une majorité politique, » me dit un autre interrupteur. Mais tous les actes que nous posons, ne sont-ils pas l'œuvre d'une majorité politique ? et parce qu'un acte posé par une Chambre est l'œuvre d’une majorité politique, est-il nécessairement une œuvre d'injustice et de parti ?

Vous n'oseriez pas le soutenir pour l'honneur du Sénat, pour notre propre honneur, pour l’honneur de nos institutions parlementaires.

Par le vote du Sénat, les réclamations dont nous sommes saisis ont donc acquis un degré de vraisemblance qui doit nous engager à voter la proposition ; ce précédent est si grave que, pour ma part, je dis très (page 36) franchement et très nettement que si le vote du Sénat n'était pas intervenu, j'aurais demandé que l’enquête ne portât pas sur toutes les accusations contenues dans la réclamation adressée à la Chambre contre les élections. Si nous ne devions pas marcher dans une voie parallèle avec l'autre Chambre, j'aurais voulu voir restreindre l'enquête au seul fait de corruption, aux offres et acceptations d'argent.

Mais, messieurs, devant la position qui nous est faite aujourd'hui, il n'y a pas à reculer. Le rejet de la proposition d'enquête aurait l'une de ces deux significations, et aucune de ces deux solutions ne serait accordée par qui que ce soit dans cette Chambre, sur quelque banc qu'il siège ; le rejet aurait cette signification-ci : ou nous blâmerions ce qu'a fait le Sénat, ou nous dirions au pays : « La Chambre des représentants est moins soucieuse de la dignité d« ses membres que le Sénat. »

Et maintenant que la Chambre ne s'effraye pas de l'exorbitance du pouvoir que le Sénat s'est légitimement attribué et que nous demandons à la Chambre de s'attribuer à son tour.

L'honorable M. Dechamps a traité la question avec un grand luxe de citations et de précédents empruntés à tous les pays ; mais l'honorable membre s'est trompe sur la valeur des précédents français ; il s'est trompé bien plus fortement encore sur les précédents anglais qu'il n'a cités, eux, qu'en bloc, sans rien préciser.

En France, jusqu'en 1837, la chambre des députés ne s'était pas cru le pouvoir d'organiser des enquêtes parlementaires On tenait sans contradiction, que la mission constitutionnelle du parlement selon les chartes de 1814 et de 1830 ne permettait d'user de ce droit d'enquête que dans une seule circonstance, la mise en accusation des ministres. Là, évidemment, l’enquête se confondait avec l'instruction du procès criminel que la chambre des députés faisait en jouant vis-à-vis des ministres le rôle du ministère public vis-à-vis du prévenu dans les affaires criminelles ordinaires ; la chambre des députés instruisait l'affaire, accusait, puis soutenant l'accusation par quelques-uns de ses membres devant la chambre des pairs, convertie en cour de justice.

En 1837, une première proposition d'enquête fut faite, à l'occasion d'une demande d'annulation de l'élection de l'arrondissement de Ploermel. si je ne me trompe, suspectées de manœuvres frauduleuses et d'influence illégitime du gouvernement. La commission de la Chambre se borna à déclarer qu'elle n'avait pas trouvé les faits assez graves pour justifier un premier usage de ce droit jusqu'alors contesté.

Il suit de là que tous les précédents de la Chambre des députés de France sous la restauration, comme les précédents posés depuis juillet 1830, maïs avant 1842, que tous les précédents cités hier par l'honorable M. Dechamps. et cités seuls, parce que l'honorable membre avait en mains le seul premier volume de M. Delebecque. ouvrage en deux volumes ; il suit de là que ces précédents s'appliquent tous à l'impression que devaient faire sur la chambre des députés des accusations de corruption, lorsque cette chambre avait l'alternative entre deux partis extrêmes, ou admettre les accusations, en rejetant le candidat, ou rejeter les accusations, en admettant le candidat.

Je comprends que, dans ce cas, une chambre qui ne se croyait pas le droit d'enquête, se montrât extrêmement réservée pour rejeter d'emblée un député qui se présentait là, comme toujours, avec la présomption d'une nomination régulière.

Ainsi, tous les précédents cités dans le premier volume de M. Delebecque, sont antérieurs à 1842, et posés par une chambre qui se croyait obligée d'admettre ou de rejeter le candidat.

Maintenant les autorités de doctrine que l'honorable M. Dechamps a empruntés au même volume, écrivaient toutes avant 1842. Mais dans quels cas, la doctrine de Delebecque, éclairée par les précédents postérieurs à 1842, considère-t-elle l'enquête comme légitime ? Consultons, pour le savoir, le second volume. Est-ce quand les faits sont déjà prouvés ou qu'il y a une instruction judiciaire ? Nullement, (interruption.) Vous contestez ? Prenez le n°1249 de l'ouvrage de M. Delebecque, volume 2 ; et là nous lisons :

« En matière de vérification de pouvoirs, des faits allégués coutre l'élection peuvent présenter assez d'éléments de vraisemblance pour faire ajourner l'admission de l'élu jusqu'après vérification des circonstances. En pareil cas les chambres ont droit d'enquête ; ce droit a été reconnu et mis en pratique en France à l'occasion des élections de Carpentras, d'Embrun et de Langres, etc. »

Ceci en 1842.

Ainsi, en pareil cas, en cas de vraisemblance, etc., eu France la Chambre avait le droit d'enquête. Donc ce qu'il faut pour une enquête, c'est la vraisemblance ; mais la vraisemblance ne suffit pas pour faire annuler immédiatement une élection. Voilà la théorie vraie, et sur ce point je crois que tout le monde serait d'accord.

Maintenant quelles sont les preuves acquises qui ont déterminé les trois enquêtes parlementaires que l'honorable M. Dechamps a citées aujourd'hui et dont les résultait se trouvent dans le second volume de Delebecque ? Qu'y avait-il là ? Des protestations comme chez nous aujourd'hui.

Pour affirmer davantage, l'honorable M. Dechamps a mal compris un mot qui se trouve dans tous les rapports de commission, dans toutes les discussions et dans tous les documents relatifs aux chambres françaises ; ii a donné à ce mot la signification qu'il a en Belgique et qu'il n'a pas en France. Il a cru que lorsqu’il s'agissait des protestations relatives aux élections accusées de corruption, les protestations soumises aux bureaux, signifiaient des protestations soumises aux bureaux institués pour présider aux opérations électorales.

Mais les bureaux, en France, ce sont nos sections parlementaires. Les vérifications des pouvoirs, en France, se faisaient par les bureaux de la chambre et non par des commissions spéciales. Donc, ces protestations soumises aux bureaux étaient de protestations adressées à la chambre.

L'honorable M. Dechamps poursuivant, affirme que les accusations admises, étaient beaucoup plus graves que celles qui ont trouvé appui auprès du Sénat.

Messieurs, permettez-moi de vous démontrer, par un seul exemple, comme l'honorable M. Dechamps s'est mépris sur la prétendue rigueur des précédents français en pareille matière. Dans l'affaire Floret, ou l'élection fut annulée... (Interruption.) L'honorable M. Dechamps m'interrompt à tort, la commission avait conclu à l'admission par six voix contre trois, mais l'élection fut annulée, le 8 mai 1843. L'honorable membre peut examiner, pour s'en convaincre, le Moniteur du 9, page 1044.

Revenons donc aux faits, alors considérés comme motifs d'annulation.

Voici ce qui a été constaté, en cette circonstance, par l'enquête parlementaire :

L'enquête constatait que M. Floret avait promis une place au neveu ldun électeur, mais aussi que cette promesse n'avait pas été la condition du vote de l'électeur. Elle ajoutait que M. Floret a fait obtenir la place promise en vue de son élection, mais l'électeur n'avait pas vendu son vote.

Second fait : M. Floret, ajoute la commission, avait offert de donner par écrit la garantie des promesses qu'il faisait à un autre électeur s'il voulait voter pour lui. Deux fais seulement, l'un même assez mal établi, existaient donc comme résultats de l'enquête, et par six voix contre trois, la commission a déclaré qu'il n'y avait pas corruption. Pourtant la chambre a annulé l'élection.

Vous voyez donc, messieurs, qu'en France, sous la charte, on était bien loin de la rigueur vantée par l'honorable M. Dechamps.

On parle avec un singulier laisser-aller des dépenses électorales. Examinons ce qu'on a considéré en France, dans ce pays à mœurs faciles, comme dépenses légitimes ou illégitimes. Dans la même enquête, en 1842, à propos de l’élection Pauweis, ou a posé les questions suivantes sur ce terrain :

15ème question. « Les électeurs ont-ils été défrayés à l'auberge des dépenses nécessitées par leur déplacement ? - R. Oui, à l'unanimité et le nombre de ces électeurs a été assez considérable.

16ème question. - Cela était-il annoncé d'avance. R. Oui, à l'unanimité.

17ème question. - Qui a payé ces dépenses ? - R. M..., partisan prononcé de M. Pauwels.

18ème question. - Cela s'est-il fait avec l'assentiment de ce dernier ? - R. Oui, sept voix contre deux.

21ème question. - Faut-il proposer à la chambre d'annuler l'élection de Langres ? - R. Oui, à l'unanimité. Et la chambre annule, le 9 mai 1843.

Si nous suivions, messieurs, les traditions des chambres françaises, comme nous y conviait l'honorable M. Dechamps, nous irions beaucoup plus loin que ne veulent aller aujourd'hui les promoteurs de la proposition d'enquête.

De l'Angleterre, l’honorable M. Dechamps n'a parlé que d'une manière générale, voici comment les choses se pratiquent.

Une seule citation, messieurs, empruntée à cette terre classique du régime parlementaire. Je tiens en mains le recueil officiel des débats du parlement pour la session de 1852, et j'y vois trois ou quatre enquêtes ordonnées à propos des mêmes élections pour corruption électorale. et dans quelle forme ? Un membre isolé monte à la tribune, conteste les pouvoirs du nouvel élu, tire une pétition de sa poche, dit qu'elle est couverte d'un certain nombre de signatures de citoyens qu'il connaît pour honorables, affirmant qu'il y a eu corruption à l'aide d'argent donné et ce membre demande une enquête parlementaire. Voilà tout ; la chambre immédiatement sans opposition, sur la seule garantie de la parole d'un membre à qui des gens honorables ont, dit-il, affirmé les faits de corruption, ordonne l'enquête.

Il s'agissait pourtant de l'élection d'un ministre, M. Beresford ; l'enquête a lieu et l'élection du ministre est annulée par la Chambre. Mieux encore, dans la même session lord Aberdeen déclare, sans la moindre pétition en poche cette fois, qu'on lui a dénoncé comme entachée de corruption l'élection d'un candidat. Il croit le fait assez grave pour qu'on ordonne une enquête, et sur sa simple parole l'enquête est ordonnée. Et nous avons, messieurs, une commission tout entière, et des réclamations revêtues de nombreuses et honorables signatures, et nous hésiterions !

Voilà comment les choses se passent dans les mœurs traditionnelles de l'Angleterre.

On ordonne une enquête sur la déclaration d'un membre que des hommes honorables connus de lui, hors de la Chambre, ont attesté qu'une élection était entachée de corruption, ou sur la déclaration (page 37) d’un autre membre qu'il a entendu dire que dans l'élection qu'il critique il y a eu corruption.

Vous pouvez voir cela, M. Dechamps, dans le recueil officiel des documents du parlement anglais que je tiens à la main, dans le volume renfermant la séance du 12 novembre 1856 ; entre autres. Vous comprenez l'anglais, je pense ? Il vous fera facile de vérifier.

En présence de ces précédents viendra-t-on encore parler de scandale, de germes de discorde et d'autres épouvantails ? Je comprendrais toute cette fantasmagorie si l'on pouvait espérer qu'une enquête n'aurait pas lieu. Mais quoi que nous votions l'enquête se fera. L'enquête est ordonnée par le Sénat et le Sénat saura exécuter sa volonté. Donc les difficultés d'exécution, le scandale, les discordes ne seront jamais évitées ; l'enquête aura lieu. Et vous voulez que rejetée par nous, elle ait lieu par le Sénat seule ?

Et si le Sénat arrivait un jour, ce que je désire ne jamais voir, mais ce qui est possible ; si le Sénat arrivait les mains pleines de preuves de corruption électorale, à annuler l'élection de deux de ses membres inscrits sur la même liste que nos collègues, vous voulez que nous soyons obligés de respecter le résultat de pareilles élections !

C'est là une situation dont un homme de bon sens ne peut pas accepter même l'éventualité !

Indiquer ce résultat, c'est tout dire, et je n'insiste plus.

Je vais répondre, en terminant, deux mots à ce qu'ont dit hier les honorables MM. de Theux et Nothomb, à côté du débat.

Ces honorables membres ont parlé de la liberté de la presse et de l'inviolabilité du domicile ; dissertation amenée par des faits qui sont sans connexité avec la question qui nous occupe. J'en conviens volontiers, ils pourraient avoir une grande importance si le résultat de l'élection avait été le contraire de ce qu’il a été, et s'il n'y avait que l'affaire du journal de Louvain dans cette question, je n'appuierais pas la motion d'enquête. L'histoire du placard Coppin est un de ces incidents qui, malheureusement, se produisent dans toutes les élections, à part la question de visite domiciliaire.

Cet incident serait mieux à sa place dans la discussion du budget de la justice, quand nous 1'aborderons. Il soulèvera là de graves questions, et avec quelque utilité. Et je le dis à l'avance, sur l'une de ces questions ; je suis d'accord avec les honorables membres qui ont fait la critique de l'acte judiciaire posé à Louvain. Il est, selon moi, contraire à l'esprit de nos institutions, de notre loi sur la presse que le ministère public recherche l'auteur d’un article lorsque l'éditeur le couvre de sa responsabilité.

Cette opinion, j'ai été heureux de la voir défendre devant la Chambre par M. Nothomb et par l'honorable M. de Theux. De plus, je déclare que si M. Nothomb, qui n'est pas mon ami politique, redevient ministre, ce sera une grande consolation pour moi de voir le portefeuille de la justice tenu par un homme qui a sur ce point au moins partagé mes convictions. Cette conviction chez moi, est, messieurs, très ancienne.

Je l'ai défendue, il y a quatorze ans, dans la presse, en une circonstance où je m'étonne aujourd'hui qu'un de ces honorables membres auxquels je réponds, ne soit pas venu me prêter le concours de son autorité et de sa parole. En 1845 les parquets belges ont songé, pour la première fois, à faire une visite domiciliaire, dans le but de découvrir l'auteur d'un article que l'éditeur ne voulait pas nommer.

A cette époque, la presse libérale - j'en étais - a réclamé très haut à pleine voix, c'était son droit et son intérêt. Elle déclarait ce procédé incompatible avec la Constitution et la législation sur la presse.

Malgré tout ce bruit, la Chambre et la majorité dont l'honorable M. de Theux faisait partie, n'a pas trouvé bon de venir, par une interpellation quelconque au ministre de la justice d'alors, appuyer la thèse que je défendais humblement dans la presse. Et qu'on ne dise pas que la querelle n'a pas fait assez de bruit, pour que la Chambre n'ait pu s'en enquérir ou connaître les faits. Je répète que toute la presse libérale s'en est inquiétée très fort ; de plus, il s'agissait d'une poursuite exceptionnellement politique et qui devait plutôt qu'une autre attirer l'attention des membres de la Chambre des représentants. Le journal dans les bureaux duquel on avait fait une visite domiciliaire la première en Belgique depuis 1830, c'était l’Observateur, le principal organe de l'opposition libérale à cette époque ; l’auteur qu'on voulait découvrir et que l'on ne trouvait pas derrière l'éditeur, on disait que c'était M. Verhaegen, le chef de l'opposition libérale d'alors, l'homme qui attaquait tous les jours le ministère qu'appuyaient l'honorable M. de Theux et la majorité.

Le ministre de la justice qui autorisait ces poursuites était M. d'Anethan, et le chef du cabinet d'alors qui approuvait ces poursuites, car elles avaient fait l'objet de réclamations dont le ministère s'était vu saisi, c'était M. Nothomb, le frère de l'honorable membre que vous avez entendu hier.

Vous voyez que j'ai dû être quelque peu étonné d'entendre, à propos de l'élection de Louvain, et très mal à sa place, soulever la question qu'on avait laissée dormir dans un autre temps ; je dis très mal à propos, car cette discussion viendra mieux lorsqu'il s'agira du budget de la justice ou d'un projet de révision du Code d'instruction criminelle.

Voilà, messieurs, la seule réponse que j'avais à faire aux arguments qui ont été produits quant à ce point du débat.

Sur la question principale de l'enquête, je le répète, en définitive, tout est dit. Nous avons un précédent ; nous ne pouvons pas nous mettre en désaccord avec le Sénat, si ce n'est pour des motifs excessivement graves et qui sont loin d'exister. Comme vraisemblance, nous avons beaucoup plus que l'appréciation d'une autorité judiciaire qui satisferait nos adversaires. Nous avons d'ailleurs des faits précis, aussi précis qu'il est possible d'en avoir en pareille matière où personne n'est pressé d'avouer. Car de quoi s'agit-il ? Il s'agit de suffrages qu'on aurait vendus pour 5 francs.

Eh bien, nous avons l’indication par nom et prénoms de ceux qui ont vendu et acheté les suffrages ; on cite les témoins qui viendront prouver les faits. Les auteurs de la réclamation sont connus : ce sont des hommes honorables. Que veut-on de plus précis ? Jamais vous n'aurez d'accusation plus formelle, à moins que vous ne prétendiez qu'en matière de vérification des pouvoirs des membres de la Chambre et du Sénat, lorsqu'il y aura des faits de corruption allégués, la Chambre ou le Sénat ne pourra annuler l'élection qu'après que l'autorité judiciaire aura porté un jugement ou une condamnation. Si c'est à ce que vous voulez, ce que vous demandez est une véritable inconstitutionnalité. D'après la Constitution, les Chambres vérifient seules et souverainement les pouvoirs de leurs membres. Je trouverais très mauvais que l'autorité judiciaire prît, en pareil cas, l'initiative da poursuites pour vérifier si une élection est le résultat d'une corruption électorale ou non. il y aurait là pression exercer sur les Chambres, pression dangereuse pour la prérogative parlementaire s'il s'agissait d'élection et où l'on accuserait les agents du gouvernement d'avoir joué le rôle que les agents du pouvoir en France étaient accusés d'avoir joué, lors des réclamations dont l'honorable M. Dechamps a entretenu la Chambre aujourd'hui.

J'engage donc la Chambre, tout en reconnaissant que le droit d'enquête est un droit important, exorbitant et difficile à exercer, à en faire cette fois usage.

(page 28) - M. Coomans, dont les pouvoirs ont été vérifiés dans une autre séance, prête serment.

M. de Theux. - Je demande la parole pour un fait personnel.

L'honorable M. Orts me demande pourquoi, en 1845, lorsqu'une visite domiciliaire a été pratiquée dans le bureau d'un journaliste, je ne me suis pas, comme membre de la Chambre, élevé contre ce que j'ai qualifié de violation des lois ou de la Constitution ? Messieurs, ma réponse est très simple. Vous savez que je n'ai pas l'habitude, de m'immiscer dans les discussions judiciaires ; ordinairement c’est bien plutôt dans les discussions politiques et administratives que je prends la parole. A cette époque, j'avoue que je n'avais pas étudié la question. Mais alors la Chambre comptait un très grand nombre d'avocats très instruits et qui ne faisaient jamais défaut à l'opposition. Ce n'était donc pas à moi à prendre l'initiative.

J'ajouterai que dans cette circonstance-ci même, je ne me serais pas occupé de la visite domiciliaire faite dans les bureaux de M. Coppin, si les pétitionnaires n’avaient pas surtout motivé leur réclamation sur un article futile publié dans le journal de M. Coppin, article futile qui, dans mon opinion, ne pouvait donner, dans aucune, circonstance, quel que soit le sens de la Constitution et des dispositions du Code d'instruction criminelle, à une descente légitime dans les bureaux du journaliste. Comme je le disais hier, si pareille matière pouvait se pratiquer, les journalistes n'auraient plus qu’à briser leur plume ; la presse serait impossible en Belgique.

M. B. Dumortier. - Messieurs, la proposition de la commission chargée de la vérification des pouvoirs de l'arrondissement de Louvain, comprend deux points distincts. Elle vous propose d'une part une enquête sur les élections ; d'autre part elle vous demande l'ajournement des élus.

Toutes les formalités exigées par la loi ont été parfaitement remplies, aucune contestation ne s'élève à cet égard. La majorité est acquise aux élus, aucune réclamation ne figure au procès-verbal.

On vous propose cependant l'ajournement de l’élection.

S'il ne s'agissait, messieurs, que de vous demander une enquête générale sur ce que j’appellerai aussi de mon côté les abus des frais d'élection je serais le premier à y donner la main ; je serais le premier à voter comme vous. Seulement je ne voudrais pas rendre un district responsable des faits qui se passent dans tous les districts du pays. Alors du moins la lumière se ferait.

Si vous voulez une enquête de ce genre, une enquête embrassant tout le pays, je suis le premier à la proposer. Mais rendre un seul district responsable des faits qui se passent dans presque tous les districts du pays, je dis que ce n’est pas vouloir la justice égale pour tous et que c'est, malgré les protestations qu'on fait entendre, avoir deux poids et deux mesures.

Le district de Louvain n'est pas le seul où il y ait des frais électoraux. Excepté deux ou trois districts en Belgique, celui de Liège, où il n'y a pas de lutte, celui de St-Nicolas, où il n'y a pas de lutte, celui de Verviers, où il n'y a ordinairement pas de lutte, dans tous les autres districts il y a des frais électoraux à payer, et je vous le disais l'année dernière, ces frais électoraux existent partout. Ils existent en Angleterre, en France, en Amérique, dans tous les pays soumis à l'élection. L'année dernière, j’ai eu l’honneur de communiquer à l'assemblée la note de ce que coûtaient les frais électoraux en Angleterre, dans la Cité de Londres, et les bourgs qui composent la métropole, d'après les documents imprimés par ordre du parlement anglais, il y a un an à peine, en juin 1858.

Remarquez-le bien, ceci est authentique, c'est extrait de l’enquête ordonnée par le parlement anglais et publiée par lui. Dans la Cité de Londres, dit le rapport, les dernières élections générales (le rapport date des derniers jouis du mois de mai 1858), ont coûté les sommes suivantes :

L'élection de lord John Russell 80,550 fr.

Celle du baron de Rothschild, 32,825 fr.

De sir J. Duke, 26,700 fr.

De M. Crawford, 24,975 fr.

A Tower-Hamlets, M. Aylton a payé 33,425 francs, et M. Butler, 28,325 fr.

A Finsbury, M. Duncombe a payé 10,300 fr., et M. Cix, 57,700 fr.

A Lambeth, M. William Roupell a payé 133,475 fr., et M. William Williams, 42,625 fr.,

A Southwark, l'amiral Napier a payé 30,175 fr., et M. Loeke, 97,000 francs de frais électoraux.

Ces frais électoraux, messieurs, sont une véritable calamité ; mais il ne faut pas se faire illusion, ils existent dans tous les pays constitutionnels, ils sont une des causes, mais inévitables, des luttes de parti. Que l'on cherche, que l'on trouve le moyen de les supprimer, oh ! mon Dieu ! j'en bénirai le ciel ; car, ainsi que je le disais dans une occasion précédente, ces frais électoraux dénaturent nos institutions.

Par-là, de démocratiques que sont nos institutions, elles se transforment en aristocratiques, et l'homme le plus éminent ne peut se présenter aux électeurs s'il n’a pas, comme le disait un ancien membre du Congrès, le gousset bien fourni pour couvrir les frais électoraux. C'est là un véritable malheur pour un pays. Mais comment l'empêcher ?

En Angleterre, depuis un siècle, on cherche à ne plus avoir de frais électoraux, et vous voyez que, malgré tous les efforts, on arrive, pour un seul député, à une dépense de 133,000 francs. C'est un très grand mal, mais un mal auquel il n'y a pas de remède. Vous aurez beau faire des enquêtes, annuler des élections, quand un parti fait des dépenses, il faut bien que l'autre en fasse également. Voilà le secret de toute cette affaire, ce qui engendre les frais électoraux, ce sont les luttes de partis, ces luttes que le libéralisme a créées en Belgique En 1830, en 1831, en 1832, il n'y avait pas, chez nous, de frais électoraux ; mais aussi il n'y avait pas alors de partis ; plus vous entrerez dans les luttes de parti, plus vous étendrez les frais électoraux, plus vous élèverez les frais électoraux ; c'est la conséquence de la situation qui est faite au pays.

Le district de Louvain peut-il être victime d'un abus qui est général non seulement en Belgique mais qui existe en France, qui existe en Angleterre, qui existe aux Etats-Unis, qui existe partout où il y a des gouvernements électifs, qui existait à Rome, qui existera de tout temps et partout où il y aura des partis ? Ce serait la une criante, une scandaleuse injustice.

Voulez-vous, messieurs, faire une enquête dans tout le pays, la droite entière y donne les mains ; elle ne demande pas mieux que de voir éclaircir les faits, et alors tous ensemble, conservateurs et libéraux, unis dans un même sentiment, le désir de faire cesser ces inconvénients, nous chercherons les moyens d'y parvenir, de supprimer ces abus qui vicient nos institutions.

Mais non, ce n'est pas là ce que vous cherchez, vous voulez faire une exception, vous voulez faire subir à un seul arrondissement les conséquences d'un abus qui existe dans toute la Belgique, dans toute l’Europe constitutionnelle et en Amérique, et pourquoi ? Parce que cet arrondissement a élu quatre députes opposés à la majorité, parce qu'il donnerait quatre voix de plus à la minorité et parce que vous voulez écarter ces quatre députés pendant un mois ou six semaines lors des grandes discussions qui vont avoir lieu ; car, n'en doutez pas, si leur élection est annulée, ils nous reviendront avec une majorité plus forte.

Vous criez à la corruption parce que la pétition dit que des électeurs, éloignés de 4 ou 5 lieues du chef-lieu du district où ils devaient se rendre pour voler, ont accepté une pièce de 5 francs pour être défrayes de leurs frais de voyage. Mais quand vous appelez cela de la corruption électorale, vous faites bien peu d’honneur aux électeurs belges. Je comprends qu'un père de famille vote pour la liste ministérielle afin de faire nommer son fils à un emploi, mais je ne comprends pas qu’un électeur belge vende sa voix pour une pièce de 5 francs. C’est une injure que vous adressez au corps électoral belge de le représenter comme assez vil pour mettre son vote à ce prix. Cet argent était-il le prix du vote ? Vous savez que non, que ce sont là les frais électoraux destinés à défrayer les électeurs.

Mais, dit l'honorable orateur qui vient de se rasseoir et au talent duquel j'aime à rendre hommage, le Sénat a voté l'enquête et dès lors nous devons la voter également. Messieurs, si la décision du Sénat (page 29) emporte la nôtre, nous n'avons plus qu'à nous retirer de cette enceinte Mais je demanderai à l'honorable collègue, qui témoigne aujourd'hui cet amour de circonstance pour le Sénat, s'il professait ce respect pour les décisions de ce corps quand celui-ci rejetait les droits de succession en ligne directe et la réforme postale basée sur la taxe uniforme de dix centimes ? Non, messieurs, chaque Chambre a son libre arbitre, et les membres de cette assemblée qui veulent encore aujourd'hui le timbre-poste à dix centimes ne s'inclinent pas devant la décision du Sénat.

On a dit : Il y a des précédents ; oui, messieurs, il y a un précédent, c'est celui de 1833 ; il prouvera que jamais la Chambre n'a songé à des enquêtes en matière d'élections, sans avoir entre les mains des preuves authentiques.

En 1833, après la dissolution, j'eus l'honneur d'être rapporteur de l'élection de Marche. L'honorable M. Jadot avait obtenu 138 voix, M. Jacques, son compétiteur, en avait eu 122 ; il y avait dune entre les deux candidats une majorité de 16 voix. La majorité absolue obtenue par M. Jadot n'était que d'un très petit nombre de suffrages. Une pétition arrive, non pas une pétition vague comme celle de Louvain, où vous ne trouvez aucun fait constaté, où vous ne trouvez que des allégations sans preuves, mais une pétition énonçant des faits très positifs et faciles à vérifier, accompagnée de documents authentiques. Elle signalait cinq griefs dont l'un consistait en ce que 22 personnes avaient voté sans avoir la qualité d'électeurs, ce qui est la première de toutes les considérations en matière de vérifications de pouvoirs. Et, remarquez-le bien, on ne se bornait pas à dire, comme dans cette affaire de Louvain : Un tel a reçu cinq francs pour être défrayé de ses frais de voyage, sans le prouver. Les réclamants de Marche arrivaient avec les extraits des rôles des contributions, constatant que tel individu inscrit sur la liste des électeurs, et ayant pas part au vote, ne payait rien, que tel autre payait 5 ou 10 florins à une époque où le cens électoral pour le Luxembourg était fixé à 20 florins.

Que fit la commission ? Elle commença par vérifier les faits ; elle trouva qu'en réalité toutes les personnes signalées figuraient sur la liste électorale et qu'elles avaient pris part au vote, que, par conséquent, l'assertion des pétitionnaires, sur ce point, était exacte ; elle vérifia d'autre part, les extraits authentiques des rôles fournis par les receveurs, au sujet des contributions des personnes signalées, car il y avait joint à la pétition des extraits authentiques des rôles fournis par les receveurs établissant que ces vingt-deux personnes ne payaient pas le cens électoral, d’où la conséquence, que c'étaient de faux électeurs qui n'avaient pas le droit de voter. La commission avait donc en mains la preuve des contributions que ces personnes payaient à leur domicile ; et cependant la commission s'est dit : « Cela ne suffit pas ; ces électeurs peuvent encore payer des contributions dans d'autres localités, et les pétitionnaires, tout en nous remettant les preuves de ce qu'ils avancent, pourraient eux-mêmes avoir été induits en erreur, en ne connaissant pas ce que ces électeurs payent dans d'autres communes. »

Voilà le cas de l'enquête. Ce n'étaient pas, comme à Louvain, des allégations sans preuves, mais des aliénations établies par des données authentiques ; ce n'était pas un fait contestable comme celui des frais électoraux, niais un fait viciant l'élection dans son essence.

Je vins donc, comme rapporteur, et par suite du vœu unanime de la commission, proposer à la Chambre, l’ajournement, avec enquête à faire par la commission de la Chambre.

Un honorable membre qui a toujours occupé, dans cette Chambre, une place des plus brillantes, l’honorable M. H. de Brouckere, qui ne contestera certes pas l'exactitude des faits que je vais citer, puisqu'ils sont attestés par le Moniteur que j'ai ici, l’honorable M. H. de Brouckere vint combattre les conclusions de la commission ; il insista surtout sur cette considération, qu'i1 y avait de la mauvaise foi dans quelques-uns des faits allégués ; que cette mauvaise foi, dans certains faits, devait faire rejeter la proposition. La Chambre, adoptant cet avis, rejeta l'enquête que nous demandions et admit immédiatement. M. Jadot comme représentant.

Ainsi, voilà un premier principe : la Chambre rejette l'enquête et admet l'élu ; la commission propose l'enquête, pourquoi ? Parce qu'il y a des documents authentiques établissant les griefs des pétitionnaires et non, comme ici, de simples allégations ; la Chambre rejette l'enquête et admet l'élu, pourquoi ? Parce qu'il y avait de la mauvaise foi dans certaines allégations contenues dans la pétition. Si donc nous trouvons qu'il y a mauvaise foi dans les allégations qui sont produites aujourd’hui devant la Chambre, nous nous trouverons dans la même position, et nous pourrons dire que la Chambre, conséquente avec ses précédents, doit rejeter l'enquête et admettre les élus. Or, il y a mauvaise foi chez les pétitionnaires, lorsqu'ils viennent dire que le vicaire d'Eigenhoven a reçu 250 francs pour les élections, puisqu'il n'y a pas de vicaire dans ce village ; il y a mauvaise foi lorsqu'ils viennent dire que l'affaire Coppin a empêché l'élection de M. de Luesemans, puisque cette affaire a été tramée, exécutée, accomplie, en violation de la Constitution et des lois, pour servir les intérêts de ce candidat, la mauvaise foi est évidente, et si vous vous en rapportez aux précédents de cette Chambre, vous devez, comme en 1833, écarter la pétition du chef de mauvaise foi.

L'honorable M. Orts désire que l'esprit d'union règne dans les corps politiques. Mais comment l'esprit d'union peut-il régner dans les pouvoirs politiques si pour un grief général, un grief commun à nous tous, nous allons tomber sur les reins de ce pauvre district de Louvain qui n'a fait que ce qui se pratique partout et n'est pas plus coupable que tous les autres arrondissements ; est-ce pour faire régner l’union dans les corps politiques qui vous voulez, par un coup de majorité, écarter de cette enceinte ces excellents collègues de Louvain qui ne sont pas plus coupables que nous tous ? Le beau moyen de faire régner l’union dans cette assemblée, que d'appliquer exclusivement à autrui des peines dont on est passible soi-même, que de frapper d’ostracisme des adversaires politiques pour des faits que l'on a soi-même commis ! Je prétends que si tous ceux qui ont payé des dépenses électorales s'abstenaient de voter, la Chambre ne saurait pas prendre de résolution.

Le district de Louvain ou, pour mieux dire, la candidature de M. de Luesemans a un singulier privilège dans cette assemblée : c’est d'occuper la Chambre chaque fois qu'il y a des vérifications de pouvoirs à Louvain ; il faut alors que la Chambre absorbe deux ou trois séances en faveur de M. de Luesemans.

Il y a deux ans, M. de Luesemans avait été élu avec 2, 3 ou 4 voix de majorité ; mais on avait annulé une vingtaine de bulletins portant les noms que voici : De la Coste, Landeloos, de Man-d'Attenroode, de Wouters.

C'étaient bien là les députés sortants, pas de doute possible sur la suffisance de titres, désignations. Eh bien, qu'avez-vous fait ? Vous avez déclaré que ces votes étaient nuls, parce qu'ils ne contenaient pas une désignation suffisante. Vous avez fait la même chose pour Dinant ; là aussi sous le même prétexte, vous avez écarté l'honorable M. Thibaut ; eh bien, cet honorable collègue, que vous aviez frappé d'ostracisme au profit d'un des vôtres, est revenu parmi nous avec une majorité beaucoup plus forte. Voilà le profit de l'acte de parti que vous aviez posé.

Mais, d'un autre côté, tandis que, sous prétexte de désignations insuffisantes, vous écartiez deux de vos adversaires politiques, vous aviez décidé que, dans le district d'Ath, des bulletins portant la simple désignation du nom de Frison, étaient valables ; prouvant ains que chez vous l'esprit de parti est au-dessus du sentiment du juste et de l'injuste. Oui, tous ces votes-là, je les appelle des votes de parti ; des actes déshonorants pour le parti qui ne rougit pas de les poser.

Ici encore, pour l'élection qui nous occupe, il s'agit d'un fait général dont vous êtes tous coupables et qu'on érige en crime contre les députés conservateurs de Louvain, afin de pouvoir ramener dans cette Chambre l'ancien élu de Louvain qui, je pense, n'aura pas grande chance, car je ne crois pas que dans une ville aussi intelligente que celle de Louvain, on puisse voir, sans indignation, ce que j'appelle de véritables chicanes électorales, des actes d'ostracisme d'une majorité contre la minorité.

Messieurs, une pétition, cette fois, vous est adressée. Elle est signée par un grand nombre de personnes ; mais remarquez que la pétition est le fait de l'association libérale ; elle est signée en tête par le président et par tous les membres du comité libéral de Louvain.

C'est donc le parti battu qui vient demander ici une enquête pour pouvoir avoir sa revanche : il n'a pas la patience d'attendre jusqu'aux élections prochaines ; il vient vous demander d'écarter les candidats que l'opinion publique a fait entrer dans cette assemblée.

La pétition indique deux ordres de griefs, elle énumère d'abord les faits qu'elle veut bien appeler de corruption et qui n'y ressemblent guère ; en second lieu, vient le grand grief, celui d’une prétendue affiche dans l’affaire du sieur Coppin, rédacteur du Journal de Louvain.

J'ouvre le rapport de la commission et j'y lis :

« Les pétitionnaires signalent trois ordres de faits qui ont pu peser sur les électeurs.

« D'abord un placard imprimé, affiché et distribué. »

Et plus loin :

« Une élection est sans doute une lutte d'influences, mais est-ce donc une influence légitime que celle d'un homme qui est payé par un parti pour défendre sa cause et qui, au dernier moment, vient afficher sur la place publique que son domicile a été violé ? »

Voyez comme la passion vous aveugle ! Vous invoquez comme premier motif d’annulation de l'élection de Louvain un placard imprime, affiché et distribué, affiché sur la place publique ; eh bien, tout cela est inexact, ce placard qui a fait perdre la majorité à M. de Luesemans, ce placard affiché sur la place publique, n'a jamais existé que dans la passion de votre imagination. Il y a eu un article de journal pour protester contre la violation de nos plus chères libertés au profit de M. de Luesemans. Mais il n'y a pas eu de placards affichés sur les murs de Louvain ; et remarquez que la commission considère le fait qu'on signale comme une circonstance aggravante. Cela prouve qu'il y a eu de la passion dans toute cette affaire, puisque voilà un simple article du journal, transformé en placard affiché sur les murs de toutes les rues de Louvain. Et c'est en travestissant ainsi les faits qu’on veut arriver à faire croire à du scandale de la part de nos amis politiques afin d'expulser de cette chambre les élus du peuple de Louvain !

(page 30) Ce placard, dit-on, a dû faire écarter nécessairement celui qui n'a pas été élu.

Veuillez-le remarquer, c'est sur ce point qu'on fait principalement reposer les motifs d'annulation de l'élection, et dans la pétition et dans le rapport.

M. Deliége. - Pas le moins du monde.

M. B. Dumortier. - Il suffit, pour le démontrer, de lire votre rapport :

« Cette manœuvre , dites-vous, émanant d'un homme payé par un parti, a pu déplacer 12 voix, ce qui a dû amener un autre résultat, car un candidat (M. Van Dormael) a été nommé par 1,799 voix, un autre (M. de Luesemaun) a échoué avec 1,785 voix ; différence, 14 voix seulement. Huit voix déplacées donnaient â celui qui a échoué 1,793 voix et à celui qui a été proclamé 1,791 voix. Le résultat du scrutin eût alors été à l'avantage de celui qui a échoué (M. de Luesemans). »

Vous le voyez, c'est bien sur ce point que vous faites reposer le fondement de votre opposition à l'élection de Louvain. Sans le placard, le résultat eût été alors à l'avantage de celui qui a échoué. C'est sur ce point que repose le principal grief des pétitionnaires et 1'argumentation de la commission ; et pourquoi ? parce que la prétendue question de corruption, qui ne consiste que dans les frais électoraux, est une chose commune à tous les partis à Louvain ; que libéraux et conservateurs agissent de même ; que si de l'argent est donné par les uns pour couvrir les frais de déplacement des électeurs, il en est donné aussi par les autres ; seulement on trouvera peut-être des sommes plus considérables données par nos adversaires. Le prétendu placard, la protestation du sieur Copain contre la violation de domicile dont il a été victime, c'est donc là le grand grief, et ce grand grief en quoi consiste-t-il ?il consiste en ce qu'on a voulu faire un coup de théâtre au profit de l'élection de M. de Luesemans ; c'est lui qui n'a pas eu la majorité, qui a adressé la plainte et fait faire une visite domiciliaire dans les bureaux du journal conservateur pour décrier ce journal la veille de l'élection et s'assurer une majorité ; on a voulu étouffer la voix de la presse pour favoriser un candidat, précisément celui pour lequel on réclame aujourd'hui. La manœuvre faite par nos adversaires pour assurer l'élection de M. de Luesemans, on vient vous la présenter comme la cause principale de son échec ; en vérité, c'est odieux.

L'honorable M. Orts disait tout â l'heure que les questions qui se rapportent à ce grand point de la violation de domicile ne se trouvent pas ici à leur place, qu'un fait semblable s'était présenté en 1845, et que nous n'avions pas réclamé.

Alors nous n'étions pas saisis de la question, aujourd'hui nous le sommes, nous sommes heureux d'avoir à l'examiner maintenant. Il n'appartient pas à la Chambre de s'immiscer dans les affaires de la justice.

Si nous avions voulu le faire dans une circonstance autre que celle-ci, nous aurions été mal accueillis.

Aujourd'hui la circonstance est favorable, un fait nous est dénoncée ; il nous fournit l'occasion de défendre les droits et les prérogatives de la presse, je la saisis avec bonheur, je veux maintenir dans toute son intégrité cette base de nos constitutions, je veux la mettre à l'abri des abus de la justice aussi bien que des abus de l'administration

Vous avez entendu la lecture de l'article qui a donné lieu à la plainte de M. de Luesemans ; il consiste à dire que la police de Louvain ne fait pas son devoir à l'égard des maraudeurs et qu'elle se montre très sévère pour l'entrée des boudins que les paysans introduisent en ville.

Si c'est là un fait calomnieux, supprimez la presse ; il ne lui est plus permis de surveiller ni de critiquer l’administration. Il y a quelques années des vols nombreux avaient lieu dans cette capitale ; je suppose qu'un grand journal de Bruxelles soit venu alors publier contre la police de la capitale un article semblable à celui dont il est ici question ; qu'il eût dit que la police de Bruxelles surveillait de près les fraudes contre les droits de l'octroi et ne réprimait pas les voleurs. Qu'auriez-vous dit si on avait procédé contre ce journal comme on l'a fait à Louvain ? Si on voit là une calomnie, que devient la presse, cette sentinelle vigilante de nos institutions si elle ne peut pas, quand il y a maraudage, dire qu'on ne veille pas ? Vous la mettez sous le scellé, vous la bâillonnez ; voilà le système qu'on veut établir. (Interruption.)

Je ne dis pas que c'est un compérage, mais j'ai entendu le mot et je dis que cela y ressemble beaucoup.

Si, par exemple, dans une ville un juge d'instruction appartenant à un parti voulait influencer une élection, il ne s'y prendrait pas autrement, et le compérage, de la part du juge, serait une prévarication. Mais était-il dans son droit quand il a agi comme il l'a Fait ? Je ne le pense pas. On ne peut pas, à propos d'une élection, décider une chose aussi vitale pour la liberté de la presse. Du moment que vous faites l'enquête, elle doit porter sur tout. Je dois donc m'expliquer sur la conduite du juge d'instruction dans cette affaire.

Permettez-moi, d'abord, de dire qu'un grand nombre de juges d'instruction, très instruits sur le Code d'instruction criminelle, paraissent ne pas se douter qu'en 1830 on a fait une Constitution accordant au peuple belge des libertés, des droits et des garanties qui n'existaient pas en 1809 et ont considérablement modifié la législation qui nous régissait à l'époque impériale. Le Code de 1810 a été fait pour un ordre de choses complètement différent ; la Constitution a accordé au peuple belge des droits qu'il n'avait pas auparavant ; elle a garanti la liberté individuelle, l'inviolabilité du domicile, la liberté de la presse et l'inviolabilité du secret des lettres. Voilà des choses qui ne se trouvaient pas dans le Code de 1810 et qui formèrent les droits des Belges inscrits dans la Constitution.

Que dit l'article 10 de la Constitution ? « Le domicile est inviolable ; aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit. »

Maintenant je pose cette question : Un article de journal non essentiellement criminel est-il un des cas prévus par la loi ? Si ce qui a été écrit par le sieur Coppin avait été dit dans un lieu public, le juge aurait-il pu, sans abus de pouvoir, se permettre une visite domiciliaire ? Est-il vrai que la liberté que nous avons donnée à la presse puisse amener ce résultat, qu'un article qui ne provoque pas à la révolte ni à un autre crime puisse donner lieu à une recherche de poursuite par la justice. S'il en est ainsi, que devient la liberté de la presse ?

Je pose en fait que pour la parole écrite non plus que pour la parole proférée en public, si elle n'a pas pour but de provoquer un mouvement séditieux, un assassinat, un crime, le juge d'instruction n'a pas le droit de visite domiciliaire, à moins qu'on ne veuille anéantir la liberté de la presse. C'est là une des questions les plus sérieuses. Je crois donc pouvoir poser cette sentence que d'après nos institutions, le droit du juge en matière de parole écrite s'arrête aux limites de son droit eu matière de parole parlée. Il y a donc eu ici violation d'une liberté constitutionnelle au profit de M. de Luesemans. Et c'est cette violation que l'on vient indiquer comme un grief contre les élus !

En second lieu, les formes prescrites par la loi ont-elles été observées ? Mon honorable ami M. Nothomb vous l'a dit. la loi veut que des magistrats communaux assistent à la visite domiciliaire ; c’est là une garantie contre l’arbitraire ou la passion du juge. Ici c'est la police qui porte plainte et c'est elle qui fait la visite domiciliaire ; de sorte qu'elle est accusateur et juge. Elle fait la visite domiciliaire et son procès-verbal à la main, je trouve qu'elle a violé trois fois la Constitution.

De mandat de juge il n'y en a pas eu, ce mandat a une forme et des conditions qui n'existent pas ; de copie laissée, il n'y en a pas eu, et pourtant c'est là une formalité substantielle et sacrée afin que le citoyen puisse s'assurer si le juge ne sort pas des limites de son droit, s’il ne commet pas d'abus d'autorité. Il y a plus, M. Coppin prétend que la lettre du juge d'instruction ne lui a pas été communiquée, et tout porte à le croire, car le procès-verbal des agents de police à la main, ce ne serait que tardivement qu'ils auraient fait communication de la lettre du juge, si tant est que cette communication ait été faite.

Prenez le procès-verbal. « En vertu de ces ordres, disent les agents de police, nous nous sommes rendus à la demeure de M. Coppin, y parlant à sa personne, nous l'interrogeâmes afin de savoir le nom de l'auteur de l’article imprimé, dans son numéro du 9 de ce mois. »

Voilà donc la police qui, sans avoir de mandat (car elle n'en avait pas, elle avait une lettre), sans avoir fait voir aucune pièce, s'introduit dans le domicile du sieur Coppin, l’interroge sur faits et articles. C'est une violation du domicile, une violation de la liberté individuelle, une violation des articles 10 et 7 de la Constitution.

La police fait plus ; elle invite ensuite le sieur Coppin à produire l’article incriminé, et ce n'est qu'après cela qu'elle dit : « Ensuite nous exhibâmes à M. Coppin l'ordre par lequel nous étions chargés, etc. »

Il est donc constant, par l'écrit même des agents de police, qu'ils ont violé le domicile, qu'ils ont fait une instruction sans avoir exhibé d'ordre, par conséquent en violant la Constitution et les lois.

Ce n'est pas tout ; on ne se borne pas à cette violation. On se transporte dans les bureaux du sieur Coppin et là on commet une violation du secret des lettres ; on viole sa correspondance, en violant l'article 22 de la Constitution, alors que nous avons fait une loi pour empêcher pareille violation.

Voilà comment les choses se passent, pour parvenir à quoi ? Pour parvenir à écarter le candidat qui à été élu et pour faire réussir la candidature de M. de Luesemans. Et c'est sur des faits semblables qu'on vient s'appuyer dans une réclamation en faveur de ce dernier ! Mais n'est-ce pas le cas ici d'invoquer la bonne et la mauvaise foi comme on le faisait lorsqu'il s'agissait de l'élection de Marche ?

Comme l'honorable M. Dechamps vient de vous le dire, une pareille pétition aurait un côté sérieux, si celui qui n'a pas été élu l'avait été. Alors on aurait pu dire : Vous avez été élu par suite d'une pression inconstitutionnelle. Cette pression, cette violation de tous les droits n'a pas amené le résultat qu'on en attendait, et parce que celui au profit de qui ce scandale a été fait n'a pas réussi, vous iriez prononcer l'annulation de l'élection de ceux que l'on voulait perdre. Mars que devient votre justice ?

Si, messieurs, les articles de journaux donnaient lieu à des enquêtes et à des ajournements d'élections, vous n'en finiriez pas ; il me suffirait, pour vous le démontrer, de vous rappeler ce qui s'est passé dans cette capitale le jour même des élections. Je tiens en main deux numéros des tablettes électorales, appartenant à l'un et à l'autre parti qui étaient en lutte, et là on se disait bien autre chose. Et cependant (page 31) on ne faisait pas de visite domiciliaire ; on ne violait pas le domicile des citoyens ; on ne violait pas le secret des lettres.

Voyons, par, exemple, ce que disaient les tablettes électorales des jeunes ; c'est ainsi qu'on les a baptisés.

« L'audace des scissionnaires est vraiment étonnante. Ils accusent l'association libérale d'être une coterie, une minorité. Mais que sont-ils donc ces orgueilleux, qui veulent faire de leur volonté une nouvelle Constitution ? La liste des scissionnaires représente des idées contraires aux vôtres, ce sont des représentants des sociétés anonymes et financières qui vous dévorent. Ils viendraient à la Chambre pour faire leurs affaires. »

Voilà, messieurs, les aménités que l'on remontre dans ce journal.

Voyons maintenant ce que disaient les vieux !

« Les adversaires de notre liste réclament pour candidats, des libéraux avancés, des hommes du National… ce parti fut balayé par la bonne et libérale bourgeoisie de Bruxelles, aux élections de juin 1848, au cri : Pas de république ! »

Voilà donc tout un parti qui est accusé de corruption, voilà une élection emportée à ce cri : ennemis de nos institutions ! coupables devant la loi ! coupables de forfaiture au serment qu'ils veulent venir prêter dans cette enceinte. Et pendant que pareille chose se passe dans la capitale, vous voyez M. de Luesemans faire des procès, provoquer des visites domiciliaires, à Louvain, parce qu'un journal a dit que tandis que la police de Louvain ne surveillait pas les maraudeurs. elle surveillait attentivement l'entrée des saucisses et des boudins !

Messieurs, il faut bien le reconnaître, ce premier fait, le fait dominant dans la pétition, est un fait qui tourne directement au profit des élus et contre leurs adversaires. Les élus ont triomphé malgré cette manœuvre, et je dis que si cette manœuvre n'avait pas eu lieu, probablement la majorité eût été beaucoup plus grande. Et c'est lorsqu'ils ont été victimes d'un pareil acte. lorsque, pour leur nuire, on a violé la Constitution et toutes nos lois, que vous leur diriez ; Sortez de cette enceinte ; nous annulons votre élection.

Je dis que ce serait là un scandaleux abus, une injustice que vous n'êtes pas capables de commettre.

Mais, vous dit-on, il y a quelque chose de beaucoup plus grave, il y a des corruptions ! La corruption électorale, voilà ce qui domine dans cette élection.

La corruption électorale. Ah ! messieurs, s'il s'agissait de corruption électorale, certes je ne serais pas le dernier à venir me joindre à vous pour voter l'enquête. Mais encore une fois qu'est-ce cette prétendue corruption ? Voyous les faits.

On constate, et nous ne le contestons pas, que, dans tel et tel village, à quatre lieues, à cinq lieues de Louvain, on a donné 5 francs à tel ou tel électeur pour ses frais de voyage et de séjour. Et l'on appelle cela corruption électorale. Mais j'ai entendu parler plusieurs fois de corruption électorale ; j'ai entendu signaler des abus ; et si vous voulez faire une enquête qui s'applique à tout le pays, je me charge de vous en rapporter. Mais il ne s'agit plus là de 5 francs ; il s'agit de sommes considérables, de 300, 400, 500 et 600 francs donnés pour obtenir un vote.

- Plusieurs membres . - Révélez ces faits.

M. B. Dumortier. - Faites l'enquête pour toutes les parties du pays, et alors je les signalerai. Mais je m’en garderai bien, si vous ne faites l'enquête que pour quelques-uns, parce que vous aurez alors fait preuve d'une partialité qui m’empêchera de signaler ces faits. Faites l'enquête pour tout le monde. Mais vous ne la ferez pas, parce que ce n'est pas contre l'opinion de ce côté de la Chambre qu'elle tournerait, ce serait contre vous et vos amis.

Voyons donc les faits :

On a vu donner 5 francs à un électeur pour venir de Diest à Louvain. De Diest à Louvain il y a quatre lieues. On a vu donner 5 francs à un électeur de Tirlemont. De Tirlemont à Louvain il y a trois grandes lieues. Mais cet argent était-il le prix du vote ? Oseriez-vous le soutenir ?

Vous ne l'ignorez pas, c'est la dépense des frais électoraux par suite de la loi électorale.

On a donné 5 fr. à des électeurs qui venaient à Louvain, pour couvrir leurs frais de route, pour se restaurer, et c'est là de la corruption électorale ! Messieurs, cela n'a le mérite que d'être ridicule. Mais mettez-vous donc la main sur la conscience, quel est celui d'entre vous à qui son élection n'a coûté que 5 fr. par électeur ?

Il n'y en a pas un seul, excepté les députés des districts où il n'y a pas de lutte. Cinq fr. donnés à un électeur qui doit faire 4 à 5 lieues, qui doit les faire en voiture pour arriver au scrutin à 9 heures du matin, qui doit se restaurer, vous trouvez cela exorbitant ! Vous appelez cela une corruption ! Et quand vous charriez les électeurs pendant trois jours, quand vous les gorgez de Champagne et de dinde truffée pendant trois jours, ce n'est pas de la corruption ! Quand vous donnez du chocolat aux femmes, ce n'est pas de la corruption ! Quand dans certains districts, après avoir gorgé les électeurs de Champagne pendant trois jours, on remplit encore leur poche de bouteilles pour aller les boire le lendemain en famille, ce n'est pas de la corruption ! Je dis, moi, que votre raisonnement, c'est le puritanisme de la corruption.

Voilà donc, messieurs, le seul fait constant : c'est qu'on a donné 5 fr. à des électeurs qui désiraient émettre leur vote sans qu'on sût dans quel sens ils l'émettaient et qui ont préféré être indemnisés de leurs frais de voyage au lieu de profiter du dîner et des voitures.

Eh bien ! de bonne foi, est-ce là un fait de corruption ? Ces 5 francs sont-ils le prix du vote ? ou bien servent-ils à défrayer les électeurs éloignés ? Je dis que vous faites beaucoup plus dars la voie de la corruption quand vous posez les actes que je viens de citer, que la corruption est beaucoup plus grande lorsque vous donnez des dîners ; car, vous le savez :

« Tout se fait en dînant dans le siècle où nous sommes,

« Et c'est par les dîners qu'on gouverne les hommes. »

Il n’y a donc qu'un seul fait, c'est celui de la pièce de 5 fr. Il n'est pas contesté ; de ce chef, il n'y a donc pas lieu à enquête. Eh bien, chose remarquable, il paraît, et je crois pouvoir l'affirmer, d'honorables collègues l'ont déjà dit, qu'à Louvain ce grand crime était commis par les deux opinions, que des deux côtés on employait le même moyen, et si vous faites une enquête, prenez garde de découvrir que les hommes de votre opinion ont payé 7 fr. 50 et 10 fr., alors que ceux de notre opinion n'ont payé que 5 fr. Voilà quel sera probablement le résultat de l'enquête ; c'est que s'il y a eu culpabilité d'un côté, celle de vos amis a été beaucoup plus grande.

Messieurs, je le répète, cinq francs donnés pour frais de route et de séjour à un électeur distant de 4 à 5 lieues du centre électoral, est-ce là de l'argent donné pour acheter son vote ? Je dis non, parce que, encore une fois, un citoyen belge estime son vote plus de 5 fr., que c'est déshonorer nos concitoyens que de prétendre qu'ils iront vendre leur vote pour une pièce de cent sous.

Vous voulez faire une enquête, mais croyez-vous que c'est à Louvain seul qu'il y a des frais électoraux ? Messieurs, j'ai la preuve eu main que dans un de nos principaux districts électoraux, l'association libérale a fait des frais électoraux considérables, que vous pourriez dire avoir aussi été employés à la corruption. Je tiens en main le Courrier de Charleroi, numéro du mardi 7 juin. Ce journal contient l’analyse de la séance de l'association libérale du 5 juin 1859, séance dans laquelle l'association libérale a présenté pour candidats, pour le Sénat, M. J. Frison et pour la Chambre des représentants, M. Rogier. Je prie l'honorable M. Rogier de croire qu'il n'y a rien de personnel dans mes paroles ; j'examine seulement une question. J'aurai encore malheureusement à le citer tout à l'heure, je le regrette ; mais j'y suis forcé.

Je lis dans ce journal : « Le président fait connaître à l'assemblée qu'à partir de ce jour, le comité se tiendra en permanence pour recevoir les communications qu'on voudra bien lui faire et se concerter sur toutes les mesures propres à assurer le succès des candidats de l'association. Il invite en même temps les membres de l'association à se réunir le plus souvent possible, au local du comité, afin de faire converger tous les efforts vers le même but.»

Tout cela est parfaitement légal, mais voyons ce qui suit : « L'assemblée autorise le comité à faire toutes les dépenses nécessaires pour lutter avec avantage contre les candidats du parti catholique »

Voilà l'aveu ; voilà la corruption ! mais vous n'appellerez pas cela corruption parce qu'il s'agit de l'un des vôtres. Voilà l'aveu et voulez-vous la preuve de cet aveu ? C'est que cela ne s'est trouvé que dans un petit nombre de numéros. Voici le même numéro que j'ai pris à la bibliothèque, et le passage relatif à la corruption électorale a été retranché. Voilà la preuve de la corruption, de la corruption organisée par les vôtres, au profit d'un des vôtres. Et vous venez nous accuser de corruption pour une misérable pièce de cent sous donnée comme frais de voyage, alors que vous mettez à la disposition de votre comité toutes les sommes nécessaires pour lutter avec avantage contre les candidats du parti catholique. Je vous dirai avec mon honorable ami, M. Dechamps : Que celui d'entre vous qui n'est pas coupable nous jette la première pierre ! Que ceux qui ont été appuyés par de semblables moyens ne viennent pas donner ici le scandale de proposer l'annulation de l'élection de nos collègues, lorsqu’ils ont fait beaucoup moins que ce que vous avez fait vous-mêmes.

Messieurs, si je n'envisage pas les frais électoraux comme des moyens de corruption, parce qu'il n'y a pas somme donnée au-delà des dépenses nécessaires, qu'il n'y a que payement des frais de déplacement et de séjour, je dis que la corruption, la véritable corruption électorale peut s'exercer de beaucoup d'autres manières. Et au premier rang, je mettrai ce que disent les pétitionnaires :

« Nous nous permettrons, disent-ils, de considérer comme un acte de corruption viciant toute élection, les moyens par lesquels les candidats ou leurs agents assurent aux électeurs, un bénéfice, une faveur, une indemnité quelconque qu’ils font dépendre d'un vote favorable. »

Voilà, messieurs, ce que vous dit la pétition en faveur de M. de Luesemans, la pétition des membres du comité libéral de Louvain. Eh bien, que direz-vous si je viens vous prouver par des preuves incontestables que ceux qui réclament dans ces termes, se sont rendus eux-mêmes coupables de cette corruption ? Eh bien, je vais le prouver, pièces en main ; ce sont eux-mêmes qui vont nous en fournir la preuve, écoutez.

Je tiens eu mains, messieurs, le Progrès, journal de l'association libérale et de M. de Luesemans, du dimanche 12 juin 1859, avant-veille des élections, et voici ce que j'y trouve imprimé :

(page 32) « Nous apprenons de source officielle que M. le ministre de l’intérieur, par un arrêté du 7 de ce mois, accorde à la commune de Betecom (village où il y a une trentaine d'électeurs) un subside de 8,000 fr. pour aider cette commune dans ses travaux de voirie.

« Les cléricaux mettront-ils encore ce subside, qui sera suivi de plusieurs autres, à l'actif de MM. Landeloos et de Man.

« Nous leur dirons qu'il est dû uniquement à l'intervention de MM. Goupy et de Luesemans. Nous avons sous les yeux la lettre du ministre adressée à ce dernier. »

Voilà, messieurs, le journal de M. de Luesemans qui vient en termes exprès réclamer pour son candidat le bénéfice de la corruption. Ce n'est pas là une allégation sans preuves, c'est le journal libéral en mains que je vous signale ce fait.

En voici un autre, extrait du même journal :

« La société flamande Nut en onderwys (qui se compose d'une cinquantaine de membres, la plupart électeurs) a envoyé dimanche dernier, auprès de notre honorable bourgmestre M. de Luesemans, à l'effet de lui demander son intervention auprès du gouvernement pour l'obtention d'un subside destiné à couvrir les frais que cette utile société se propose de faire pour la propagation de la littérature flamande.

« M. de Luesemans a promis son intervention et dès le mardi (deux jours après), il a pu communiquer à la société, la résolution de M. le ministre de l'intérieur, accordant le subside demandé. »

Voilà, messieurs, la corruption avec l'aveu de ceux qui l'ont faite et qui en réclament le bénéfice ; pourquoi allez-vous la chercher si loin ? Elle s'étale au grand jour dans les journaux de votre parti !

Ainsi, pour obtenir les voix d'une trentaine d'électeurs, on se vante d'avoir demandé un subside de 8,000 fr. qui est accordé huit jours avant les élections et qui doit être suivi de plusieurs autres. Ou dit aux électeurs : « Mettra-t-on ce bienfait à l'actif de MM. Landeloos et de Man ? » Et vous aurez, vous pétitionnaires, l'indignité d'accuser nos amis de corruption électorale !

Oh ! hommes prétendument vertueux, qui posez en principe comme acte de corruption le moyen par lequel les candidats assurent aux électeurs un bénéfice, une faveur, une indemnité quelconque qu'ils font dépendre d'un vote favorable, vous ne rougissiez pas quand vous écriviez ces lignes ? La pudeur est-elle donc disparue de votre front, ou bien voulez-vous attribuer aux autres une corruption qui n'existe que dans votre turpitude ?

Et avec quel argent cette corruption, cette scandaleuse corruption, se pratique-t-elle'' C'est avec l'argent du trésor public. Si quelques pièces de cinq francs ont été données pour rembourser des frais de voyage aux électeurs, au moins ces pièces de cinq francs sortaient de la poche de ceux qui les donnaient ; ; ce n'était pas l'argent des contribuables.

Ici, au contraire, c'est le trésor public qui est chargé de payer le frais électoraux des candidats de l'association libérale.

On parle de menaces qui auraient été adressées à des électeurs, je ne connais pas ce fait, mais ce que je sais c'est qu'en tout temps, dans tous les pays, chacun cherchera à faire voter ses fermiers dans son sens et s'il n'y avait pas dans les rangs de nos amis politiques beaucoup de membres de nos associations qui ont des agences, de recettes, qui gèrent des biens appartenant à des conservateurs, croyez-moi, il en est beaucoup d'entre nous qui auraient succombé dans les luttes électorales. Il n'arrive que trop souvent que les locataires sont amenés à voter contre l'opinion des personnes dont ils occupent les biens et contre leurs propres candidats, par suite des menaces de vos agents.

Il en est de même de bien des administrateurs des hospices et des établissements de bienfaisance. On perd de vue que ce n'est pas sa propriété que l'on administre, qu'on n'exerce qu'une délégation et qu'on ne saurait pas profiler de cette position pour exercer une pression sur les électeurs.

A ce propos, je citerai l'opinion d'un honorable ministre, avec qui je causais hier, c'est qu'un fonctionnaire public, nommé par le gouvernement, ne peut pas agir contre le gouvernement, mais qu'il doit rester libre dans sa conscience et dans sa personne. Je crois que c'est là le véritable principe et qu'il s'applique aux fonctionnaires des administrations de bienfaisance et des communes, absolument comme aux fonctionnaires de l'Etat.

Eh bien, messieurs, il est certain que tous les fermiers, les hospices de Bruxelles, par exemple, ont subi, dans le district de Louvain, une pression en faveur des candidats libéraux. Voilà donc des administrateurs du bien des pauvres qui usent de l'influence que leur donne l'administration de ces biens pour influencer les électeurs. Je dis que c'est une violation de tous les principes de justice.

M. Orts. - Où est la preuve ?

.M. Dechamps. - Faites une enquête.

M. Orts. - Demandez-en une.

M. B. Dumortier. - Je demande une enquête pour tout le pays, et vous verrez bien d'autres faits encore.

En voici un, messieurs, qu'il sera bien difficile de contester, car il a été publié dans les journaux et n'a pas été démenti, malgré son immense gravité. Permettez-moi, messieurs, de vous lire cette lettre, elle n'est pas vieille, elle est du 9 de ce mois.

« Louvain, le 9 juillet 1859.

< M. le rédacteur,

« Vous annoncez les vengeances de nos adversaires, je ne sais si vous connaissez ce qui s’est passé dans ma rue.

« Un négociant, père de famille, a été dénoncé par un espion libéral. Le lendemain, un libéral vint lui annoncer qu’il perdait la pratique de l'hôtel de ville. Une longue explication paraît avoir eu lieu, dans laquelle le négociant refusa de dire pour qui il avait voté.

« Depuis lors, l'hôtel de ville, en effet, a disparu de son magasin avec quelques libéraux.

« Le père de famille, lésé dans ses intérêts, s'est vu en butte aux attaques de certains exaltés.

« Cette position difficile, les besoins de sa famille, ont troublé la raison de ce malheureux, et on a dû le transporter dans une maison de santé.»

Voilà, messieurs, la corruption libérale. (Interruption ) Celle-là, vous en riez, vous vous en réjouissez. Eh bien, je dis que c'est une indignité et qu'il est impossible d'exercer sur les citoyens une pression plus forte, plus inique, plus odieuse que celle qui consiste à retirer à un marchand la pratique de l'hôtel de ville sur le soupçon qu'il n'a pas voté pour le bourgmestre. Je n'ajouterai qu'un mot, dans son délire le malheureux s'est suicidé.

C'est en présence de faits aussi graves, de ce système qui consiste à troubler la raison d'un citoyen, à le faire enfermer dans une maison de santé, à amener sa mort, c'est après de pareils faits, qui sont de notoriété publique et que nos adversaires ne sauraient contester, qu'on viendra nous parler d'une prétendue pression électorale exercée par nos amis politiques ! Je dis que ce serait encore une fois une iniquité ; je dis que s'il y a des griefs à articuler, c'est à charge de nos adversaires ; je dis qu'à Louvain nos adversaires ne sont arrivés au nombre de voix obtenu par eux que grâce à la pression, à la corruption pratiquée, comme vous l'avez entendu, à l'aide des deniers publics, que grâce à la menace, à la violence jusqu'à amener l'aliénation et la mort des victimes de leurs vengeances.

Vous voulez, dites-vous, qu'il y ait de l'entente, de l'union entre les partis ; et c'est quand je viens de dérouler devant vous le tableau de ce qui s'est passé, quand, vous transformant en juntes d'épuration, vous voulez faire des victimes dans nos rangs qui ne sont pas déjà trop nombreux, que vous voulez repousser comme corrupteurs des collègues que leur honorabilité, leur vertu, leur indépendance met au-dessus des attaques passionnées de votre esprit de parti, et que la majorité du peuple de Louvain a introduits dans cette Chambre. C’est alors que vous nous dites qu'il faut l'union entre les partis ; votre union ! l'union entre les bourreaux et les victimes.

Ah ! vous vous trompez fort, si vous espérez éliminer définitivement nos dignes et respectables amis. Oui, poursuivez l'esprit de persécution, de violence qui vous dévore, frappez ces glorieuses victimes de voire haine, prononcez leur élimination, condamnez-les à l’ostracisme, et je dis qu'ils reviendront parmi nous, réélus à une majorité beaucoup plus considérable que celle qu'il ont obtenu le 14 juin, que vous en serez pour la honte d'avoir commis un nouveau forfait, une nouvelle atteinte à nos institutions, et que la flétrissure que vous voulez imprimer à nos dignes amis retombera sur vos têtes aux acclamations du pays.

M. H. de Brouckere. - Messieurs, je n'ai pas entendu hier la première partie du discours de l'honorable M. Dechamps, et je n'ai pas trouvé cette partie de son discours au Moniteur ; mais quand je suis entré dans la salle, quelques-uns de mes honorables amis m'ont dit que j'avais été cité nominativement par l'honorable membre dans la séance d'hier. C'est une espèce de provocation que m’adresse l'honorable M. Deschamps, à prendre part aux débats. Je vais répondre à une provocation partie de si haut ; elle a d'ailleurs été renouvelée aujourd’hui par l'honorable M. Dumortier.

Que me reproche-t-on ? ou plutôt à quel fait a-t-on voulu faire allusion quand on a cité mon nom ?

Messieurs, un honorable membre de cette Chambre avait été élu dans un district du Luxembourg sans qu'aucune protestation eût été insérée dans le procès-verbal contre son élection.

Après l'élection, il est arrivé à la Chambre une pétition signalant des faits qui n'avaient pas la moindre analogie avec ceux dont nous nous occupons depuis deux jours.

On disait dans la pétition que des personnes ne payant pas le cens avaient pris part à l'élection ; on allait jusqu'à alléguer que ces personnes n'étaient pas inscrites sur les listes électorales. De la surgissait une question, question qui a été examiné bien des fois, celle de la permanence des listes électorales.

Messieurs, j'ai défendu l'élection, c'est vrai ; mais savez-vous qui a demandé, non pas, remarquez-le bien, un ajournement, mais une enquête ? C'est, si j'ai bonne mémoire, l'honorable M. Dubus, ami intime de l'honorable M. Dumortier. (Interruption.)

Si je me trompe, on rectifiera mes erreurs, je parle de mémoire, car (page 33) en entrant aujourd'hui dans cette Chambre, je n'avais pas la moindre intention de parler.

M. B. Dumortier. - La proposition d'enquête a été faite par la commission.

M. H. de Brouckere. - Si j'ai bonne mémoire, la commission proposait l'ajustement et l'enquête ; or, l'enquête a été particulièrement appuyée par M. Dubus, ami intime, de M. Dumortier.

Je me suis opposé à l'enquête, et savez-vous, messieurs, qui j'ai eu avec moi ? L'honorable comte de Mérode, qui a demandé l'admission immédiate de l’élu dont les pouvoirs ont été validés à une immense majorité.

Je tire de là une première conséquence : c'est que les membres de la droite n'ont pas toujours manifesté l'aversion qu'ils montrent aujourd'hui pour les enquêtes.

Il est bien établi qu'il n'y a pas la moindre analogie entre les faits qu'on articulait contre l'élection de Marche, il y a 25 ou 26 ans, et les faits qui nous occupent aujourd'hui.

Messieurs, je suis parfaitement de l'avis des honorables orateurs de la droite qui vous ont dit que l'enquête était une mesure extraordinaire, exceptionnelle, exorbitante. S'ensuit-il qu'elle est interdite, qu'elle est impossible, qu'il ne faut jamais y avoir recours ? Non ; à coup sûr vous n'allez pas jusque-là.

Vous savez que la Chambre a le droit d'enquête, qui lui est accordé par la Constitution de la manière la plus absolue ; vous savez qu'elle en fait usage quand elle le juge convenable ; ainsi, son droit ne saurait être contesté. La question est de savoir si les faits qui ont été signales contre les élections de Louvain sont assez sérieux, assez graves, assez précis pour qu'il y at lieu de procéder à une enquête.

Eh bien, messieurs, pour ma part, je vous déclare que je laisse de côté un bon nombre de griefs articulés contre l'élection de Louvain. Je ne comprends même pas comment des hommes aussi sérieux que ceux qui ont parlé hier et aujourd'hui, ont pu s'étendre aussi longtemps sur l'affaire Coppin. Qu'est-ce que fait l'affaire Coppin à l'élection de Louvain ?

J'aurais compris qu'on en eût tiré parti si un membre de l'opinion libérale avait été élu ; mais je vous le demande, messieurs, quand on aura expliqué de la manière la plus avantageuse à Coppin et la plus défavorable aux magistrats et aux agents de police, toute cette affaire dont on vous a entretenus si longtemps, s'ensuivra-t-il que les opérations électorales de Louvain auront été plus ou moins régulières ? Pas le moins de monde.

Je laisse donc cette affaires en dehors ; je ne trouve pas mauvais que mes honorables adversaires cherchent à en tirer parti ; mais, à mes yeux, elle est sans valeur. Je pourrais en dire autant de plusieurs autres points.

Le seul point auquel, selon moi, nous ayons à nous attacher, est celui-ci :

On prétend que de l'argent a été donné par certaines personnes à un assez grand nombre d'électeurs. Voilà le fait. Et remarquez-le bien, on cite des personnes qui ont donné de l’argent à des personnes qui ont reçu de l'argent....

M. B. Dumortier. - On ne cite pas des personnes qui auraient donné de l'argent.

M. H. de Brouckere. - Pardon, je viens de relire la série des griefs, et je vous déclare qu'on cite des personnes qui ont donné de l’argent, qu'on désigne des personnes qui ont reçu de l'argent et qu'on cite enfin des témoins qui ont assisté à la remise de cet argent.

Eh bien, trouvez-vous que ce soit là un fait sérieux, grave, qui mérite d'être soumis à une enquête ?Si vous ne le trouvez pas, je serais curieux de savoir dans quelle circonstance vous ordonnerez une enquête électorale. Si l'on niait qu'il y eût eu de l'argent donné et reçu, mais je sais qu’on ne le nie pas ; si on osait le nier, je consentirais à ne faire rouler l'enquête que sur ce point ; et s'il était prouvé qu'il n'y a pas eu d'argent donné, je voterais pour la validité de l'élection. Mais on ne le nie pas, il y a eu de l'argent donné et reçu. Cet argent était-il destiné à payer le vote ? Je n'en sais rien. Je ne me livrerai pas à toutes ces accusations qu'a fait entendre l'honorable M. Dumortier ; si je prenais au sérieux tout ce qu'il a dit, il en résulterait que nous sommes divisés en corrupteurs et corrompus.

Je continue : il y a eu de l'argent donné par certaines personnes à certains électeurs, personne ne peut le nier. Cet argent était-il le prix du vote ? Nous n'en savons rien ; nous en sommes réduits à certaines présomptions. Vous croyez qu'il était seulement destiné à indemniser l’électeur des frais de voyage et de repas à faire au chef-lieu électoral. Je n'en sais rien ; je voudrais en avoir la preuve : ce serait non pas une excuse, mais une circonstance atténuante, car je ne comprendrai jamais une opinion qu'a défendue un honorable membre de la droite, pour qui je professe une profonde estime, qui a dit que la remise d'une pièce de 5 francs à l'électeur au lieu de lui payer une voiture et un dîner, était un progrès, une espèce de perfectionnement. Je crois que cet honorable membre n'avait pas bien jugé le fait, n'avait pas réfléchi. Avec la délicatesse de sentiment qui le distingue et l'éducation qu'il a reçue, je ne comprends pas qu’il puisse soutenir un pareil système. Je veux rendre la chose saisissable pour tout le monde, pour les membres de cette Chambre, c'est inutile ; je vais vous expliquer d'une manière que tout le monde saisira, la différence qu'il y a entre fournir à l'électeur des moyens de transport et même de diner sans dépenser d'argent, et le fait de lui remettre une pièce d'argent.

Je suppose que si j'engageais l'honorable membre à venir dîner avec moi à la campagne, je seras flatté qu'il voulût bien me faire cet honneur ; il me permettrait de le conduire dans une voiture, même dans une voiture de place que je devrais payer... Je pense qu'il accepterait la place et se laisserait conduire. (Interruption )

Je me crois aussi délicat qu'un autre. Si l'honorable membre m'invitait à dîner à la campagne et qu'il voulût me conduire, je ne m'aviserais pas de vouloir payer ma part du prix de la voiture ; mais je lui dirais : Je ne peux pas vous conduire, mais je vais vous donner une pièce de 10 fr... (Interruption )

Vous vous récriez ; vous avez raison, car désormais la différence sera saisissable pour tout le monde.

Je vais répondre à l'honorable M. Dechamps qui m'interrompt. Il demeure aux environs de Charleroi : je suppose que je désire beaucoup le voir venir à Bruxelles pour une affaire qui nous intéresse l’un et l’autre, et que je l'engage à venir. Si, arrivé, e lui disais : Vous avez eu la bonté de venir sur ma demande, je ne peux pas vous recevoir à dîner chez moi, mais voilà 10 fr., vous irez dîner à tel ou tel hôtel...

Malgré toute la sérénité de son caractère, il recevrait très mal de ma part une offre aussi ignoble. Permettez-moi de me servir de la même qualification pour l'offre d'argent faite à un électeur.

Je conçois sans l'approuver que l'on dise à un électeur : Vous devez le 14 juin remplir vos devoirs électoraux à Bruxelles ; je vous fournirai des moyens de transport, et je donne à dîner à quelques personnes à tel hôtel ; je vous invite à venir prendre place à la table.

Il y a peut-être quelque mérite à ne pas condamner hautement cette pratique. On sait que j'appartiens à un arrondissement où l'on ne paye jamais un centime pour les élections. Je puis comprendre qu'on dise : Vous trouverez une table servie, à laquelle vous pourrez vous asseoir ; mais il est ignoble de dire à un électeur : Voici 5 francs, allez voter.

Maintenant on me dit : Quoi ! vous voulez une enquête ! Mais jamais depuis 1830 on n'a fait d'enquête sur les opérations électorales ; pourtant on a cité bien des griefs.

Mais l'un de vous voudrait-il me dire s'il a jamais entendu signaler dans cet e Chambre le fait d'une personne quelconque allant à un électeur un bulletin à la main et une pièce de monnaie dans l’autre ? C’est la première fois qu’un fait aussi honteux, aussi ignoble, a été signalé à cette tribune. Je demande que les membres de la droite veuillent me contredire, j'accepterai la contradiction.

Je dis que c'est la première fois qu'on cite de pareils faits.

Je demande que les faits signalés soient éclaircis. Je désire très sincèrement que l’enquête à laquelle on procédera ôte a ces faits toute espèce de caractère odieux, honteux ; je le désire pour l'honneur de nos élections, parce qu'il me répugnerait de devoir annuler des opérations électorales pour de semblables faits.

Il va sans dire que les honorables membres qui ont été élus sont en dehors des reproches que nous adressons aux manœuvres qui peuvent avoir accompagné leur élection ; nous en connaissons deux que nous avons toujours tenus pour très honorables, et nous tenons les deux membres nouveaux qu'on leur a associés pour aussi honorables.

Et pour ma part, je désire très vivement et très sincèrement, je le répète, que les quatre élus reviennent sans qu'on ait dû procéder à une élection nouvelle et après que les faits si regrettables qu'on vous a signalés auront été dépouillés du caractère fâcheux qu'ils semblent avoir aujourd'hui.

Je ne pense pas, messieurs, avoir dit quelque chose qui puisse exciter le mécontentement d'aucun membre. Je vous déclare que je parle en toute sincérité et en toute conscience ; je voterai pour l'enquête, et je voterai pour l'enquête avec une répugnance extrême.

Mais, je vous en prie, rentrez en vous-mêmes et dites-le moi, après la décision que le Sénat a prise, après que le Sénat a déclaré que ces mêmes faits étaient d'une nature tellement grave que les deux sénateurs élus à Louvain ne pouvaient entrer dans le Sénat que lorsque ces faits auraient été éclaircis, pouvons-nous dire que nous voulons passer l'éponge sur tout ce qui a eu lieu et que nous admettrons les quatre élus sans examen aucun ? En vérité, une pareille décision de notre part ne serait comprise ni dans le pays ni à l’étranger.

Je conçois très bien que les honorables membres de la droite aient pris fait et cause pour les opérations électorales de Louvain. Je trouve qu'ils ont parfaitement rempli leur rôle et je les loue de la manière dont ils l'ont rempli.

Mais qu'ils veuillent bien comprendre notre position, la position de la majorité.

Il me serait impossible, quant à moi, de déclarer, par un vote quelconque, que les faits signalés ne méritent pas votre examen. C'est cet examen que je réclame. Qu'on nomme au plus vite quelques personnes qui, d'accord avec la commission nommée par le Sénat, fassent une enquête, non pas sur tous les faits qui ont été signalés par la pétition, il en est qui ne méritent pas un examen, mais sur ces prétendus faits de (page 34) corruption ; qu'elles nous fassent promptement un rapport sur les faits de l'enquête, et la Chambre décidera.

M. Ch. Lebeau. ) Je ne m'attendais pas à prendre part à ce débat qui s'est déjà beaucoup prolongé, et je ne dirai que quelques mots en réponse à une observation qu'a faite hier l'honorable M. Dechamps.

Il vous a parlé de l'élection de Charleroi ; il vous a dit qu'après les élections, il s'était agi d'en contester plusieurs, et notamment celle de Charleroi ; il a ajouté qu'on lui avait rapporté qu'un des motifs qu'on voulait faire valoir était la présence d'un faux électeur dans une commune voisine qu'il habite, mais que, renseignements pris, il avait appris que cet électeur lui était hostile. L'honorable membre attribue donc à ses adversaires politiques d'avoir voulu introduire un faux électeur dans le corps électoral et d'avoir ainsi par ce moyen cherché à amener l'annulation de son élection. Ce n'est pas à l'aide de semblables moyens que nous chercherons jamais à combattre nos adversaires.

Je dois, messieurs, repousser de toutes mes forces, au nom du parti auquel j'appartiens, l'insinuation que s'est permise l'honorable M. Dechamps.

On aurait peut-être pu mettre en question l'élection de l'honorable M. Dechamps, mais pour un autre motif.

Et en effet, la veille de l'élection, voici ce que le journal qui soutenait la candidature de l'honorable M. Dechamps publiait. Il publiait une dépêche télégraphique, venant de Bruxelles, dans laquelle on disait que le ministère libéral était renversé et était remplacé par un ministère dont l'honorable M. Dechamps faisait partie.

Nous n'a vous pas eu le temps de démentir cette fausse nouvelle que des partisans trop zélés de M. Dechamps ne craignaient pas d'imprimer. C'était là, il faut en convenir, une manœuvre déloyale.

Tout à l'heure l'honorable M. Dumortier vous parlait des frais qu'avait faits l'association libérale. Il est vrai que l'association libérale de Charleroi a fait des frais pour soutenir la lutte électorale. Mais l'exemple nous avait été donné l'année précédente par les amis politiques de l'honorable M. Dechamps. En 1857, un comité, que nous nommerons le comité clérical, s'était réuni, avait ouvert une liste de souscription et avait recueilli ainsi une somme de 40,000 fr., que l'on devait dépenser en divers autres frais. Voilà au moins ce qu'on avait annoncé au corps électoral. Cette année, on a fait la mène chose. Ou a annoncé que les hommes du parti auquel appartient l'honorable M. Dechamps avaient fait les fonds nécessaires pour soutenir sa candidature. Que devait faire l'association libérale, et qu'a-t-elle fait ? Le journal vous le dit : elle a mis à la disposition du comité les fonds nécessaires pour soutenir la lutte. et savez-vous en quoi consistaient principalement les frais ? Ils consistaient en frais de publication.

Ainsi, l'année dernière l'opinion libérale avait publié un journal électoral portant pour titre : Gazette de Charleroi. L'éditeur avait fait le dépôt de deux exemplaires pour s'attacher le droit de propriété. Or ! savez-vous ce qu'ont fait cette année les partisans de l'honorable M. Dechamps ? Ils ont publié un journal portant ce même titre de Gazette de Charleroi, en indiquant qu'ils étaient les propriétaires de la gazette libérale publiée l'année précédente. Ils disaient : Nous avons combattu l'année dernière la candidature de l’honorable M. Dechamps, et cette année nous venons la défendre. Le titre du journal, les caractères de l'impression étaient absolument les mêmes ; on avait donc tout fait pour induire le public en erreur.

Mais il est résulté de là un procès entre l'éditeur de la vraie gazette, et celui de la nouvelle, qui était la fausse.

L'affaire a été portée devant le tribunal, qui a déclaré que c'était là une véritable fraude ; et en conséquence il a fait défense à l'éditeur de la fausse gazette de la publier à l’avenir.

Voici le jugement tel qu'il a été reproduit dans le Journal de Charleroi :

« Au fond,

« Attendu que la question du fond est susceptible de recevoir une solution :

« Attendu qu'en 1857 le demandeur a publié, à l'occasion des élections du 10 décembre un journal intitulé : Gazette de Charleroi, dont il était le propriétaire, en vertu du dépôt qu'il en avait fait aux termes de la loi du 25 février 1817 ;

« Attendu que le défendeur se reconnaît l'auteur de la publication qui a paru le 8 juin 1859 sous le même titre ;

« Attendu que cette publication présente la plus grande analogie avec celle de 1857 sous le rapport du format, de ses titres et du but de son existence, et si l'on doit ajouter foi à la pensée exprimée dans la phrase suivante, qui se trouve en tête des colonnes de son premier numéro : « Nous sommes ceux qui avons renversé M. Dechamps,» l'analogie serait encore plus parfaite sous le rapport des principes politiques ;

« Attendu qu'il est palpable que le défendeur produit dans le public, le 8 juin 1859, l’organe politique dont il s'agit, avec l'intention de le faire considérer comme la continuation de celui portant le même titre de 1857, et qu'il a, par ce fait, porte atteinte aux droits ici reconnus du demandeur, dont il a engagé la responsabilité ;

« Attendu que s'il pouvait y avoir le moindre doute à cet égard, il disparaîtrait en présence de l’article suivant du journal l'Union de Charleroi du 9 juin 1859, dont le défendeur se reconnaît l'éditeur responsable :

« La Gazelle de Charleroi qui a fait tant de bruit aux élections de 1857, vient de reparaître. Elle recommande les candidatures de MM. Pirmez et Dechamps.

« On sait que la Gazette de Charleroi est l'organe des libéraux modérés »

« Attendu que si la jurisprudence décide que le titre d'un journal qui a cessé d'exister peut être adopté par un nouveau journal, c'est à la condition qu'il ne restera aucune incertitude sur les différences existantes entre l'œuvre nouvelle et l'œuvre ancienne ;

« Par ces motifs,

« Le tribunal, statuant provisoirement en état de référé comme il est dit ci-dessus, et sans préjudice au principal, fait défense an défendeur d'imprimer et de distribuer le journal intitulé Gazette de Charleroi et le condamne au dépens, »

Ainsi, voilà que les partisans de l'honorable M. Dechamps cherchaient au moyen de la publication d'une fausse Gazette de Charleroi à le faire adopter en 1859 comme le candidat des libéraux modérés qui avaient fait paraître, lors des élections de 1857,un petit journal intitulé Gazette de Charleroi. C'est là un fait que je vous laisse à apprécier.

.M. Dechamps. - La Chambre me permettra de répondre quelques mots à l'honorable préopinant. M. Lebeau vient de me mettre personnellement en cause ; en vérité, je ne sais pas pourquoi, car si j'ai dit deux mots de l'élection de Charleroi, c'était sans incriminer la conduite de personne et sans rien avancer de fâcheux pour qui que ce soit. J'ai cité un fait qui était public. La Gazette de Charleroi avait annoncé qu'on allait attaquer la validité de mon élection et qu'on s'occupait à rechercher les moyens de nullité.

Ou cherchait, dit-on, à découvrir de faux électeurs, et j'ai ajouté que dans une commune voisine de la mienne, nos adversaires avaient cherché à désigner comme faux électeurs un de leurs partisans. Je voulais faire connaître que le mot d'ordre donné à Louvain avait été donné partout où l'opinion libérale avait échoué.

L'orateur a reproduit quelques cancans de la lutte, ce qu'on appelle les canards électoraux. Je ne pense pas qu'il veuille m'en rendre responsable. J'ai en fort médiocre estime la littérature électorale ; je sais jusqu'où peut descendre l'injure dans les luttes des partis. Mais puisque M. Lebeau a voulu, sans y réussir, faire rire la Chambre à mes dépens, permettez-moi de rappeler un fait qui s'est passe à Charleroi quelques jours avant les élections et dont M. Lebeau n'acceptera pas non plus la responsabilité. On a étrangement abusé du nom de mon adversaire, M. Rogier, ministre de l'intérieur.

Le Journal de Charleroi a annoncé que le lendemain même de l'élection M. Rogier ferait son entrée triomphale dans la ville de Charleroi ; qu’il y aurait une fête populaire aux flambeaux et que les membres de l'Association libérale iraient au-devant de lui pour acclamer le nouveau triomphateur !

Je n'ai pas besoin de vous dire qu'il est loin de ma pensée d'accuser M. Rogier d'avoir été le complice de cette farce qui avait la prétention d’être une manœuvre électorale, et je n'en fais pas remonter, à coup sûr, la complicité à mes honorables collègues de Charleroi.

M. Ch. Lebeau. - Mais de la fausse gazette vous n'avez pis dit un mot.

M. A. Vandenpeereboom. - Si je n'ai pas demandé la parole au moment où l'honorable M. Dechamps a parlé des élections de l'arrondissement d'Ypres, c'est que je n'ai pas voulu interrompre la discussion sur la question d'enquête. Mais puisque les débats semblent épuisés sur ce point, je demande la permission à la Chambre de répondre quelques mots à l'honorable député de Charleroi avant la clôture de la discussion.

Je regrette que l'honorable M. Dechamps ait cru devoir reproduire dans le parlement des attaques injustes que certains journaux fidèles à leurs habitudes, ont dirigé contre moi dans les termes les plus grossiers ci les plus ignobles. Je m'empresse de reconnaître que l'honorable membre a traduit ce langage inconvenant en style parfaitement parlementaire, mais les insinuations sont d'autant plus dangereuse» qu'elles sont présentées avec plus de convenante et de talent.

Je me suis abstenu de répondre aux grossières attaques des journaux cléricaux de la Flandre ; il est certaine presse avec laquelle un honnête homme ne peut avoir aucun contact ; mais on a parlé dans cette enceinte d'engagements non tenus, de questions de bonne foi. Si j'avais manqué à la parole donnée, je ne mériterais plus votre estime ; j'y tiens, messieurs, et c'est pour la conserver pleine et entière que je crois devoir donner quelques explications.

Voici, messieurs, ce qui s'est passé à Ypres. L'honorable M. Malou que, comme parent et ami, je regrette de ne plus voir siéger parmi nous était d'opinion qu’il serait bon qu’il n'y eût pas de lutte électorale dans l'arrondissement d'Ypres ; j'étais complétement de son avis qui était partagé du reste à Ypres par un grand nombre de personnes appartenant aux deux partis. L'intérêt de l’arrondissement et de la ville et non, veuillez-le croire, notre intérêt personnel, était notre seul mobile. Le parti conservateur ne m'opposa pas formellement de candidat. De son côté l'association libérale d'Ypres n'opposa point de candidats (page 35) à MM. Malou et Van Renynghe. Les chefs de parti pouvaient-ils faire plus pour éviter une lutte ? Mais s'il y a eu convention tacite sur ce point, si cette convention a été violée, quel est le coupable ? est-ce le parti libéral ?... où était son candidat ? Ce candidat était-ce M. de Florisone, qui au premier tour de scrutin obtint quelques suffrages ? Non.

Ne doit-on pas reconnaître au contraire que le parti conservateur a plutôt manqué à ses engagements, puisque en dehors de la liste des députés sortants, il a porté son candidat qui avait réuni un grand nombre de suffrages et qui déjà avait obtenu des voix aux élections antérieures ? Il me reste de déclarer que M Malou a été complètement étranger à ces manœuvres, comme j'ai été complètement étranger, moi, au résultat de l’élection, résultat que je n'avais pu prévoir et que je n'ai pu empêcher. Je m'étonne que l'honorable M. Dechamps, qui par ses relations fréquentes avec l'honorable M. Malou doit connaître les faits, vienne lancer contre moi des insinuations qu'il ne peut croire fondées.

Messieurs, quand, dans une élection, on n'oppose pas deux listes complètes, peut-on forcer les électeurs d'une opinion à voter pour les candidats de l'opinion contraire ? Evidemment non, cela est impossible. Aux élections précédentes et notamment en 1857, bien qu'il n'y eut pas de lutte, un grand nombre d'électeurs catholiques n'ont pas voté pour moi, et je ne m'en plains pas, cela s'explique et se justifie parfaitement, c'est la conséquence des luttes de parti ; cette année encore 800 voix conservatrices m'ont fait défaut, un nombre plus grand d'électeurs libéraux n'ont pas voté pour MM. Malou et Van Renynghe ; de là ballottage.

Permettez-moi, messieurs, de vous dire franchement quelles sont les causes du résultat des élections d’Ypres, résulta si imprévu pour tous. Ces causes sont au nombre de deux ; la première c'est l'apathie d'un grand nombre d'amis politiques de M. Malou qui n'ont pas pris part à l'élection, et sont ainsi cause qu'il y a eu ballotage ; la seconde, c'est un compromis fait avant le ballottage entre des libéraux et une fraction du parti catholique, compromis qui a amené l'élection de MM. de Florisone et Van Renynghe. Voilà la vérité des faits.

Messieurs, l'honorable M. Lebeau vient de donner certains détails qui prouvent que M. Dechamps est, sur le terrain électoral, un tacticien habile ; mais cet honorable collègue qui professe un respect si légitime pour les engagements transactionnels, a-t-il toujours religieusement observé de pareils compromis ?

Si ma mémoire est fidèle, il y a quelques années, dans le district de Charleroi que M. Dechamps représentait à la Chambre, aucune lutte électorale n'était prévue, il y avait entente cordiale entre les partis, engagement tacite; bien plus, jusqu'au moment de l’élection le journal catholique portait fraternellement sur la même liste les noms de M. Dechamps catholique et de M. Dumon libéral ; mais la veille de l'élection on manœuvra dans les campagnes et le lendemain le scrutin donna pour résultat l'élimination inattendue du respectable et libéral M. Dumont et l’élection moins attendue encore de M. Brixhe, collègue et ami politique de M. Dechamps.

M. Dechamps pourrait, je pense, expliquer les causes de ces élections moins facilement que j'ai pu indiquer celles des élections d’Ypres.

- Plusieurs membres. - Aux voix !

M. le président. - La proposition suivante vient d'être déposée par M. B. Dumortier :

« Si le principe de l'enquête est admis, je propose que l'enquête ait lieu pour toutes les élections du 14 juin. »

- La clôture est prononcée.

Les conclusions de la commission sont mises aux voix par appel nominal et adoptées par 60 voix contre 35.

Ont voté l'adoption : MM. Allard, Ansiau, Coppieters ‘t Wallant, Crombez, Dautrebande David, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, de Breyne, de Bronckart H. de Brouckere, de Florisone, De Fré, de Gottal, de Lexhy, Deliége, de Moor, de Paul, de Renese, de Rongé, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, Dolez, Frère-Orban, Frison, Goblet, Grandgagnage, Grosfils, Guillery, Hymans, Jacquemyns, Jamar, J. Jouret. M. Jouret, Lange C. Lebeau, J. Lebeau, Manilius, Muller, Nélis, Neyt, Orban, Orts, Pierre, Pirmez, A. Pirson, Prévinaire, Rogier, Sabatier, Saeyman, Savart, Tesch, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vanderstichelen, Van Iseghem. Van Leempoel et Vervoort.

Ont voté le rejet : MM. Coomans, Dechamps, de Decker, de Haerne, de Mérode-Westerloo, de Montpellier, de Muelenaere, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smedt, de Terbecq, de Theux, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Janssens, Julliot, Magherman, Mercier, Notelteirs, Nothomb, Rodenbach, Tack, Thibaut, Vanden Branden de Reeth. Vander Donckt Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Verwilghen et Wasseige.

M. le président. - Il y a maintenant la proposition de M. Dumortier,

M. Orts. - Messieurs, je demande la parole pour faire une observation, qui est un véritable rappel au règlement. Il est impossible de mettre aux voix la proposition de M. Dumortier avant la constitution de la Chambre par la formation du. bureau. La Chambre n'a pas le droit de s’occuper d'autre chose maintenant que de la vérification des pouvoirs. Le gouvernement ne pourrait pas même nous présenter un projet de loi. II faut donc ajourner la proposition de M. Dumortier jusqu'à ce que la Chambre soit constituée.

M. B. Dumortier. - Il s'agit, messieurs, d'un complément au vote qui vient d'être émis ; il s'agit de savoir si l'enquête qui vient d'être volée s'étendra à toutes les élections, ou si elle ne portera que sur les seules élections de Louvain.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je n'ai que deux mots à dire. Si l'honorable M. Dumortier rattache sa proposition à la vérification des pouvoirs, elle doit être écartée par la question préalable, car tous les pouvoirs sont vérifiés, et vous ne pouvez pas, après la vérification des pouvoirs, demander une enquête sur des élections définitivement validées par la Chambre.

M. B. Dumortier. - On a mis en question la validité des élections de Louvain. Or, pour apprécier cette validité, il faut un examen comparatif, il faut voir si ce que l'on veut incriminer dans les élections de Louvain n'existe pas aussi dans les autres élections.

Quoi qu'il en soit, je reproduirai ma proposition après la formation du bureau.

- La séance est levée à quatre heures et demie.