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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 12 juillet 1859

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1859 extraordinaire)

(page 1) (Présidence de M. Dautrebande, doyen d'âge.)

M. Dautrebande, doyen d'âge, monte au fauteuil à midi et demi.

M. Pirmez et M. de Gottal siègent en qualité de secrétaires provisoires.

Appel nominal

M. de Gottal procède à l'appel nominal.

- La séance est ouverte.

Vérification des pouvoirs

M. le président. - J'ai reçu de M. le ministre de l'intérieur une lettre accompagnant l'envoi des procès-verbaux relatifs aux élections de membres de la Chambre des représentants, qui ont eu lieu à Liège et à Mons, le 14 juin dernier, en exécution de l'arrêté royal du 26 mai dernier, et m'annonçant que les procès-verbaux relatifs aux autres élections qui ont eu lieu le même jour pour le renouvellement de la Chambre des représentants ont été par lui transmis au Sénat, qui s'occupera aujourd'hui même de la vérification des pouvoirs de ses membres. Il sera donc impossible à la Chambre de s'occuper aujourd'hui de la vérification des pouvoirs.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - A moins que les procès-verbaux ne soient renvoyés par le Sénat aujourd'hui.

M. le président. - Je propose à la Chambre de nous borner pour le moment à désigner par la voie d'un tirage au sort les six commissions de vérification des pouvoirs. (Adhésion.)

Première commission, chargée de vérifier les procès-verbaux des élections des arrondissements d'Anvers, Malines et Turnhout : MM. H. Dumortier, Tesch, Frère-Orban, de Florisone, Lange, De Fré et Jamar.

Deuxième commission, chargée de vérifier les procès-verbaux des élections de l'arrondissement de Bruxelles : MM. Van Iseghem, Wasseige, de Moor, Thibaut, Vervoort, Notelteirs et Landeloos.

Troisième commission, chargée de vérifier les procès-verbaux des élections des arrondissements de Louvain, Nivelles, Dixmude et Furnes : MM. Dechamps, d'Ursel, Deliége, de Gottal, de Snoy, Grandgagnage et David.

Quatrième commission, chargée de vérifier les procès-verbaux des élections des arrondissements de Bruges, Sourirai, Ostende et Ypres : MM. J. Jouret, de Theux, Julliot, Dechentinnes. Crombez, Rogier et de Pitteurs-Hiegaerts.

Cinquième commission, chargée de vérifier les procès-verbaux des élections des arrondissements de Roulers, Thielt, Charleroi, Mons, Liège, Arlon et Bastogne : MM. A. Vandenpeereboom, Orts, Van Leempoel, Hymans, Prévinaire, Carlier et Sabatier.

Sixième commission, chargée de vérifier les procès-verbaux des élections des arrondissements de Marche, Neufchâteau, Virton, Dinant, Namur et Philippeville : MM. de Terbecq, le Bailly de Tilleghem, Pirmez, Coppieters 't Wallant, de Paul, de Rongé et Mercier.

Pièces adressées à la chambre

M. Pirmez présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre :

« Plusieurs électeurs de l'arrondissement de Louvain présentent des observations contre l'élection du 14 juin. »

- Renvoi à la commission de vérification des pouvoirs, chargée de vérifier les élections de l'arrondissement de Louvain.


« Le sieur Mestriau présente des observations contre l'élection de M. Tesch par l'arrondissement d'Arlon. »

- Renvoi à la commission de vérification des pouvoirs chargée de vérifier les élections de l'arrondissement de Louvain.


« Le sieur Stassin prie la Chambre d'annuler l'élection de M. Hymans par l'arrondissement de Bruxelles. »

- Renvoi à la commission de vérification des pouvoirs chargée de vérifier les élections de l'arrondissement de Bruxelles.


« M. Royer de Behr, retenu par une indisposition, et M. Moncheur, obligé de s'absenter, demandent un congé. »

- Ces congés sont accordés.

Vérification des pouvoirs

Les commissions de vérification des pouvoirs se retirent dans leurs bureaux.

La séance est suspendue à une heure et un quart. A une heure trois quarts la séance est reprise.

Arrondissement de Mons

M. Orts, au nom de la cinquième commission de vérification des pouvoirs, fait rapport sur l'élection de M. Carlier, député élu par l'arrondissement de Mons et propose son admission comme membre de la Chambre des représentants.

- Ces conclusions sont adoptées et M. Carlier est proclamé membre de la Chambre des représentants.

M. Carlier prête serment.

Arrondissement de Liège

M. Orts, au nom de la même commission, fait rapport sur les élections de l'arrondissement de Liège.

MM. Grandgagnage et Koeler ont été élus.

M. Koeler n'a pas produit d'acte de naissance justifiant qu'il est Belge. En conséquence, la commission propose l'ajournement de toute décision à son égard.

M. Grandgagnage a produit son acte de naissance qui constate qu'il est Belge et âgé de plus de 25 ans.

La commission propose son admission comme membre de la Chambre des représentants.

- Ces conclusions sont adoptées et M. Grandgagnage est proclamé membre de la Chambre des représentants.

M. Grandgagnage prête serment.

M. Orts. - Messieurs, j'ai l'honneur de proposer à la Chambre de suspendre la séance jusqu'à trois heures. Le Sénat nous enverra dans l'intervalle les procès-verbaux des élections dans d'autres arrondissements. Les diverses commissions, dont les membres seraient priés de ne pas quitter le Palais de la Nation, pourraient aujourd'hui même nous faire des rapports sur les élections non contestées, élections que la Chambre validerait immédiatement. Demain on s'occuperait des élections au sujet desquelles il y a des réclamations. De cette manière, la Chambre gagnera un jour.

- La proposition de M. Orts est adoptée. En conséquence, la séance est suspendue à 2 heures. Elle est reprise à 4 heures.

Arrondissements de Roulers, Thielt, Charleroi et Bastogne

M. le président. - La parole est à M. Orts, rapporteur de la cinquième commission.

M. Orts. - Les opérations des collèges électoraux de Roulers, Thielt, Charleroi et Bastogne n'ont donné lieu à aucune réclamation.

Les procès-verbaux constatent que chacun des élus a obtenu, au premier tour de scrutin, plus de la majorité absolue des suffrages.

MM. B. Dumortier, Rodenbach, de Muelenaere, Le Bailly de Tilleghem, Dechamps et d'Hoffschmidt élus par ces collèges ont tous fait partie des Chambres et par conséquent justifié de leur éligibilité.

La commission, à l'unanimité, propose leur admission.

- Ces conclusions sont adoptées.

M. B. Dumortier prête serment.

Arrondissement de Arlon

M. Orts. - Les opérations du collège électoral d'Arlon ont été régulières et ne sont critiquées dans la forme par personne.

Elles ont donné la majorité absolue à M. V. Tesch, qui a été proclamé représentant.

Mais une réclamation, imprimée adressée à la Chambre et distribuée à ses membres, conteste à M Tesch, nommé quatre fois déjà membre de la Chambre et deux fois ministre, la qualité de Belge.

Cette contestation n'est pas sérieuse.

M. Tesch est né en 1812 sur le sol belge actuel, à Messancy, d'un père né à Luxembourg, mais domicilié à Messancy depuis 1804.

Le père de M. Tesch en 1839, lors de la séparation du Luxembourg, a fait la déclaration voulue pour conserver la qualité de Belge.

M. V. Tesch n'avait donc aucune déclaration à faire comme fils d'un homme qui n'a jamais cessé d'être Belge, né sur le sol belge.

Le père de M. Tesch eût-il, comme le suppose la réclamation, été étranger, M. Tesch né sur le sol belge de parents y domiciliés, en 1812 serait encore Belge aux termes de la loi fondamentale de 1815.

En conséquence, la commission vous propose son admission.

- Ces conclusions sont adoptées.

M. Tesch prête serment.

Arrondissement d’Anvers

M. De Fré, au nom de la première commission, fait rapport sur l'élection de MM. Rogier, Loos, Vervoort, de Boe et de Gottal, représentants élus par le collège électoral de l'arrondissement d'Anvers et conclut à leur admission comme membre de !a Chambre des représentants.

- Les conclusions sont adoptées et MM. Rogier, Loos, Vervoort, de Boe et de Gottal sont proclamés membres de la Chambre des représentants.

MM. Loos, Rogier et de Boe prêtent serment.

Arrondissement de Malines

M. De Fré, au nom de la même commission fait rapport sur l'élection, par l'arrondissement de Malines, de MM. Vanden Branden de Reeth, d'Ursel et Notelteirs, et conclut à leur admission comme membres de la Chambre.

- Ces conclusions sont adoptées.

M. Notelteirs prête serment.

Arrondissement de Turnhout

M. De Fré, rapporteur. - Pour l'élection de l'arrondissement de Turnhout, il résulte du dépouillement des procès-verbaux qu'il y avait 1,350 votants, bulletins valables 1,349, majorité absolue 675.

M. de Mérode Westerloo a obtenu 1,206 voix, M. Coomans 1,166 voix, M. Nothomb 1,121 «

La commission conclut, en conséquence, à l'admission de MM. de Mérode-Westerloo et Coomans ; mais en ce qui concerne M. Nothomb, elle pense qu'il n'y a pas lieu de l'admettre jusqu'à la production de son acte de naissance.

M. Nothomb a produit la pièce suivante :

« L'an mil huit cent trente-neuf, le neuf novembre,

« Par devant nous, gouverneur de la province de Luxembourg, assisté de M. le greffier provincial, s'est présenté M. Nothomb, Camille-Alphonse, substitut du procureur du roi à Arlon, né à Petange, commune située dans la partie cédée par le traie de Londres, lequel, après avoir produit un certificat délivré le six de ce mois par les bourgmestre et échevins de la commune d'Arlon, constatant qu'il a transféré son domicile dans cette commune, a déclaré que son intention est de jouir du bénéfice de l'article premier de la loi du 4 juin 1839 et de conserver sa qualité de Belge.

« En conséquence nous avons donné acte audit M. Nothomb, de sa déclaration qu'il a signé avec nous et M. le greffier.

« Fait à Arlon, le jour, mois et an que dessus en double.

« Le gouverneur, (Signé) de Steeshault.

« Le greffier, (Signé) Protin,

« Le déclarant, (Signé) A. Nothomb.

« Suit la mention de l'enregistrement.) «

La commission fait observer que cet acte qui constate la nationalité de M. Nothomb, ne constate pas son âge. Certes, quand M. Nothomb a fait cette déclaration en 1839, il était magistrat, et pour remplir ces fonctions, il devait nécessairement avoir l'âge exigé par la Constitution. Mais la Chambre vient de décider, en ce qui concerne l'élection de Liège, qu'à défaut de production de l'acte de naissance de M. Koeler, il serait sursis jusqu'à ce que l'acte de naissance fût produit. C'est une formalité substantielle que |a Chambre vient d'exiger pour l'élection de Liège et la commission n'a pas cru, en présence de cette décision de la Chambre, pouvoir se mettre en contradiction avec l'assemblée en ce qui concerne l'élection de Turnhout.

L'élection de M. Nothomb est valable sur tous les points ; sa qualité de Belge n'est pas contestée ; on ne conteste pas non plus sérieusement qu'il n'ait pas l'âge requis par la Constitution ; mais la commission demande que l'acte de naissance soit produit comme une formalité essentielle pour la validité de l'élection.

M. Orts. - Messieurs, je crois qu'il n'y a aucune analogie entre les conclusions qui ont été soumises tout à l'heure à la Chambre par la commission dont j'avais l'honneur d'être le rapporteur, en ce qui concerne les élections de Liège, et les conclusions que vient de proposer la commission dont l'honorable M. De Fré est le rapporteur.

Nous avons cru devoir ajourner l'examen de l'élection de M. Koeler, pour défaut de production de son acte de naissance. Et pourquoi ? Parce que le défaut de production de l'acte de naissance de la part de M Koeler laissait en doute sa qualité de Belge. En effet, M. Koeler pourrait remplir les fonctions publiques qu'il a occupées, exercer le droit électoral, comme ayant obtenu, non pas la grande naturalisation, mais la naturalisation ordinaire ; de sorte que pour nous fixer sur la nationalité de M. Koeler, nous avons proposé l'ajournement.

Quant à M. Nothomb, les conditions d'âge et de nationalité étant de notoriété pour nous tous, il n'y a aucune raison pour ajourner son élection.

M. B. Dumortier. - Messieurs, je n'ajouterai que deux mots, c'est que la pièce dont l'honorable rapporteur vient de donner lecture constate deux faits. Le premier de ces faits, c'est que M. Nothomb est né à Petange ; le second fait, c'est qu'il y a 20 ans que l'élu a fait la déclaration dont on vous a donné lecture.

Or, quand M Nothomb faisait une pareille déclaration, il y a 20 ans, vous croirez facilement qu'il en a aujourd'hui 25.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je demande si quelque pièce constate la naissance de l'élu à Petange. Il pourrait se faire, ce qui est du reste très peu probable, il pourrait se faire que l'élu dont les pouvoirs sont examinés en ce moment, fût né ailleurs qu'à Petange. Voilà la question. On vient d'examiner la nationalité d'un de nos honorables collègues, M. Tesch, qui a été élu plusieurs fois membre de la Chambre, qui a déjà occupé antérieurement des fonctions ministérielles.

Dans le cas actuel, il faut également examiner si en effet l'élu a la qualité de Belge.

Cette qualité doit être établie et elle peut l'être notamment par la production de l'acte de naissance. Or, l'acte de naissance n’est pas produit.

M. De Fré. - La pièce porte : « né à Petange, commune située dans la partie cédée. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est une déclaration qui a été faite par l'intéressé, en exécution de la loi du 6 juin 1839, afin de conserver la qualité de Belge qu'il avait ou croyait avoir. Il faut (page 3) maintenant que la preuve de cette qualité soit faite et elle ne peut l'être que par l'acte de naissance qui n'est pas produit.

M. B. Dumortier. - Il me semble que la lecture de cette pièce prouve à l'évidence que M. Nothomb a dû fournir à M. le gouverneur son acte de naissance. Le gouverneur n'aurait pas reçu une déclaration dans laquelle il constate que M. Nothomb est né à Petangc, si M. Nothomb n'y était pas né. Une personne ne pourrait faire pareille déclaration sans qu'elle justifiât de son droit.

Et veuillez-le remarquer, la commission n'émet pas de doute sur ce point. La commission a ses apaisements sur la question que soulève M. le ministre des finances. Elle dit que la qualité de Belge de M. Nothomb n'est pas contestable. La question est de savoir s'il a l'âge. Eh bien, il a fait sa déclaration il y a vingt ans. Or, on ne peut raisonnablement supposer qu'il n'avait pas cinq ans lorsqu'il l'a faite.

M. De Fré, rapporteur. - La commission a voulu que l'acte de naissance fût produit, parce que c'est une formalité substantielle.

On n'a pas soutenu dans la commission que M. Nothomb n'avait pas l'âge, qu'il n'était pas Belge ; mais on a dit à M. Nothomb : Vous ne produisez pas la pièce essentielle. Il vous est facile de produire cette pièce ; pourquoi ne la produiriez-vous pas ? Déjà, dans cette séance, la Chambre a décidé qu'un acte de naissance devait être produit, et que, jusqu'à production de cette pièce, le représentant nommé ne pouvait être admis. La commission a voulu être conséquent avec la Chambre.

- Les conclusions de la commission sont mises aux voix ; elles ne sont pas adoptées.

En conséquence M. Nothomb est nommé membre de la chambre des représentants.

MM. Nothomb et de Mérode prêtent serment.

Arrondissement de Namur

M. Pirmez. - Messieurs, votre sixième commission m'a chargé de vous faire rapport sur les élections de Namur et de Philippeville.

Aucune réclamation n'est parvenue à la Chambre concernant ces élections.

Votre commission croit cependant devoir vous signaler une irrégularité assez grave qu'elle a découverte dans le procès-verbal de l'élection de Namur.

D'après le procès-verbal, le nombre des votants est de 2,528.

La majorité absolue est en conséquence de 1,265.

Or, en faisant le relevé du nombre des votants renseigné dans les procès-verbaux particuliers des sections, on trouve que le nombre des votants est de 2,548.

Et la majorité absolue en conséquence de 1,275.

Votre commission a cru devoir rechercher la cause d'une différence aussi sensible ; elle l'a trouvée dans le procès-verbal de la quatrième section, où une erreur égale, mais en sens inverse, a été constatée.

D'après le procès-verbal, le nombre des votants dans cette section est de 447, tandis que, d'après les listes de votants tenues par le bureau, il n'est que de 427.

Le procès-verbal indique donc 20 votants de p'us qu'il n'y en a réellement eu ; en abaissant de 20 le chiffre de l'addition du nombre des votants renseigné par les bureaux, le procès-verbal général rétablit donc la vérité.

Quoi qu'il en soit, le résultat de l'élection ne paraît pas pouvoir être contesté. M. Royer de Behr qui, parmi les membres proclamés, a eu le moins de voix, a réuni 1,219 suffrages, c'est-à-dire 4 de plus que la majorité absolue dans le système le plus défavorable à l'admission de l'élu.

Voici le nombre des voix données à chacun des élus :

M. Moncheur, 1,557.

M. Wasseige, 1,410.

M. Ch. de Montpellier, 1,347.

M. Royer de Behr, 1,279.

Elle vous propose en conséquence de valider les opérations électorales.

MM. Moncheur et Wasseige ont déjà fait partie de cette assemblée ; ils n'ont donc pas eu à justifier des conditions d'éligibilité. MM. de Montpellier et Royer de Behr ont prouvé, par la production de leur acte de naissance, qu'ils réunissent ces conditions.

Elle vous propose de les admettre comme membres de la Chambre.

- Ces conclusions sont adoptées.

MM. Moncheur, Wasseige, de Montpellier et Royer de Behr, sont proclamés membres de la Chambre des représentants.

MM. de Montpellier et Wasseige prêtent serment.

Arrondissement de Philippeville

M. Pirmez. - La validation de l'élection de Philippeville ne peut souffrir aucune difficulté.

M. de Baillet-Latour a obtenu 605 suffrages sur 608 votants ; aucune irrégularité n'a été signalée.

M. de Baillet fait partie de la Chambre depuis longtemps.

La commission vous propose son admission.

Arrondissement de Bruges

M. J. Jouret. - Votre quatrième commission m'a chargé de vous présenter le rapport sur les élections de Bruges, lesquelles ont donné lieu à une seule observation. Le nombre des votants pour l'élection des membres de la Chambre des représentants était de 2,376.

La majorité absolue était donc de 1,189.

M. Devaux, député sortant, a obtenu. 1,309 voix, M. Coppieters 1,310 voix et M. de Vrière 1,331 voix.

Une observation a été faite, elle a été consignée au procès-verbal de l'élection. Quelques électeurs s'étant placés en permanence derrière le bureau pour contrôler les opérations des scrutateurs, le président les a invités à circuler autour du bureau, attendu que si la loi qui donne aux électeurs le droit de circuler autour du bureau pendant les dépouillement du scrutin pouvait être interprétée en ce sens que quelques électeurs auraient le droit de stationner en permanence derrière le bureau, elle priverait la grande majorité des électeurs de la garantie qu'elle a voulu leur donner. Plusieurs électeurs ayant refusé d'obtempérer à l'invitation de circuler qui leur était faite par le président, celui-ci leur a enjoint de se retirer.

Ils ne l'ont fait qu'après avoir remis entre ses mains une protestation qui a été insérée au procès-verbal. Sans contester que la loi donne aux électeurs, comme le soutiennent les auteurs de la protestation, le droit de contrôler les opérations du bureau, votre commission pense que l'intention évidente de la loi a été d'offrir à tom les électeurs des garanties égales ; qu'il est difficile, dans l'appréciation des faits en pareille-matière, d'établir une règle absolue ; que c'est là une question d'appréciation laissée à l'impartialité du bureau, et c'est pour ces raisons que votre commission n'a pas vu dans les faits relatés au procès-verbal une raison assez grave pour ne pas valider l'élection.

En conséquence, la commission vous propose l'admission de MM. Devaux, Coppieters et de Vrière qui, ayant tous trois fait partie de la Chambre, n'ont pas à justifier des conditions d'éligibilité.

M. B. Dumortier. - Je ne viens pas m'opposer aux conclusions de la 4ème commission et ne viens pas demander l'annulation des élections de Bruges, car je n'ai jamais admis qu'il pût dépendre d'un tiers de faire annuler une élection ; mais je ne puis laisser passer cette doctrine de votre commission qui conteste aux électeurs le droit de contrôler les opérations du bureau.

M. J. Jouret, rapporteur. - J'ai dit tout le contraire.

M. B. Dumortier. - Vous avez dit que si la loi donne ce droit aux électeurs, il y a là une question d'appréciation qui est laissée au président du bureau. C'est ce que je ne puis admettre. Si vous admettez le système de la commission, un bureau électoral pourra attribuer à un candidat des bulletins de suffrage obtenus par un autre ; c'est ce que la loi a voulu empêcher en donnant aux électeurs le droit de contrôler les opérations du bureau pendant le dépouillement du scrutin.

En Angleterre, la loi donne à tout candidat le droit de placer quelqu'un au bureau pour contrôler ses opérations. En Belgique ce système n'a pas été admis. Pour garantir la sincérité de l'élection, la loi a donné à tous un droit de contrôle.

Votre commission y substitue l'omnipotence du bureau ; système qu’il serait très dangereux d'admettre.

Le président de Bruges est blâmable et répréhensible d'avoir enjoint de se retirr à des électeurs qui usaient de leur droit en stationnant derrière le bureau. C'est une conduite que je ne puis assez blâmer de la part d'un président qui devait connaître la loi et la faire respecter.

Il y a deux faits qu'il faut éviter : il faut éviter qu'un parti ne vienne envahir l'espace qui se trouve derrière le bureau et empêcher d'autres de contrôler les opérations. (Interruption.) Mais je vous le demande, messieurs, il y a trois personnes qui protestent : est-ce que trois personnes peuvent encombrer les abords d'un bureau composé de cinq membres qui sont assis ? Cela est impossible.

Dès lors nous ne pouvons pas sanctionner cette manière de faire du président, car un président pourrait ainsi empêcher les électeurs de telle ou telle opinion de contrôler les opérations du bureau. Or, la loi électorale a voulu que tout électeur, à quelque opinion qu'il appartienne, puisse vérifier le travail du bureau.

Si quelqu'un pouvait contester que tel est le sens de la loi électorale, je ferais une proposition à l'effet de faire disparaître toute espèce de doute.

Il faut absolument que le dépouillement du scrutin puisse être contrôlé et au besoin nous demanderions que, comme en Angleterre, chaque opinion ait le droit d'avoir un membre dans le bureau.

Mais, messieurs, voici ce que porte l'article 26 de la loi électorale :

« La table placée devant le président et les scrutateurs est disposée de telle sorte que les électeurs puissent circuler à l'entour ou au moins y avoir accès pendant le dépouillement du scrutin. » (Interruption.)

Mais alors vous violez l'esprit de la loi, vous voulez que le président puisse dire aux électeurs : « Vous pouvez circuler, mais vous ne pouvez pas examiner ce que je fais. » Savez-vous alors ce que vous faites ? Vous autorisez le bureau à attribuer à l'un les voix qui ont été données à l'autre.

Je dis, messieurs, que chaque parti a le droit de contrôler les opérations du bureau et que nous ne pouvons pas porter atteinte à ce droit sans compromettre la sincérité des élections.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je répondrai quelques mots à l'honorable préopinant, à raison des attaques qu'il vient de diriger (page 4) contre le président du bureau de Bruges, qui appartient à la magistrature.

Je crois, messieurs, que le président du bureau de Bruges a fait une application très judicieuse de la loi, si, comme nous devons l'admettre, les faits sont tels que les relate le procès-verbal. Avant d'émettre un jugement aussi sévère que celui que nous venons d'entendre, il faudrait au moins pouvoir en contester sérieusement l'exactitude.

Il ne s'est pas agi d'empêcher le contrôle des opérations du bureau, comme vient de le dire l'honorable M. Dumortier ; il s'est agi, au contraire de sauvegarder ce contrôle ; et si le système de l'honorable membre pouvait être admis par la Chambre, il en résulterait précisément que par certaines combinaisons le contrôle pourrait être rendu impossible. Il suffirait à quelques individus de se grouper derrière le bureau pour empêcher tous les autres électeurs d'y avoir accès, comme la loi l'a voulu.

C'est avec beaucoup de raison que la loi a employé l'expression « circuler » ; c'est afin que tous les électeurs, l'un après l'autre, puissent venir vérifier, tantôt dans un intérêt, tantôt dans un intérêt opposé, la manière dont se font les opérations.

Quant à l'application de ce principe, messieurs, il faut laisser une certaine latitude au bureau.

Si par exemple un individu ne s'arrêtait que pendant quelques instants, et qu'on voulût l'en empêcher, ce serait méconnaître complétement le sens de la loi; mais si plusieurs individus restaient là à poste fixe pendant toute la durée des opérations et empêchaient l'accès aux autres, alors le président aurait non seulement le droit, mais le devoir de maintenir ce que la loi a voulu, c'est-à-dire la circulation, afin que tous les partis puissent venir vérifier la manière dont les opérations se passent.

Ce sont là, messieurs, des questions de fait pour lesquelles il faut s'en rapporter au bureau, sauf à la Chambre d'annuler l'élection dans le cas où le contrôle aurait été réellement empêché.

M. J. Jouret, rapporteur. - La doctrine que M. le ministre de la justice vient d'exposer est précisément celle dont l'expression concise se trouve dans le rapport que je viens de faire à la Chambre. Les paroles dont je me suis servi en rapportant l'opinion de la commission, ont été, eu quelque sorte, dictées par l'honorable président de la commission, M. de Theux, et je me suis attaché à reproduire presque textuellement ses paroles.

L'honorable M. Dumortier paraît croire que nous avons voulu donner au président et au bureau le droit exorbitant d’empêcher un électeur de stationner derrière la table où se dépouille le scrutin.

Or, à cet égard j'ai soutenu et nous avons précisément admis dans la commission l'opinion que l'honorable M. Dumortier vient de défendre ; mais nous avons pensé que le droit de s'arrêter derrière le bureau ne pouvait jamais aller jusqu'à permettre aux représentants d'une opinion de s'emparer des abords du bureau au point d'empêcher l'opinion adverse d'y avoir accès, car cela constituerait la plus grande injustice, et c'est dans ce sens que nous avons pensé que les faits devaient généralement être abandonnés à l'appréciation impartiale du bureau.

Voilà, messieurs, quel est le sens du rapport de la commission, et il faut véritablement ou que M. Dumortier m'ait bien mal compris ou qu'il se soit plu à donner à mes paroles un sens qu'elles n'avaient pas, pour qu'il ait cru devoir combattre avec une certaine vivacité les conclusions de la commission.

M. B. Dumortier. - Je crois qu'il n'est personne qui partage plus que moi la manière de voir que vient d'exprimer M. le rapporteur, puisque j'ai dit, dès l'origine du débat, qu'il fallait éviter l'encombrement par un parti. Evidemment, si un parti venait encombrer les abords du bureau et en empêcher l'accès à d'autres, le président devrait faire cesser cet état de choses. Mais, messieurs, est-ce bien là le cas ? Trois personnes se plaignent ; est-ce que trois personnes pouvaient encombrer les abords du bureau ? (Interruption.)

Mais si l'un des deux partis en lutte avait encombré les abords du bureau, l'autre parti serait venu réclamer sa place. Aussi longtemps que les électeurs eux-mêmes ne réclament pas, le président n'a pas à s'occuper de ceux qui examinent ou n'examinent pas ses opérations, et je ne puis pas admettre l'opinion de M. le ministre de la justice, qu'un électeur ne pourrait s'arrêter que pendant une minute ou deux.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je n'ai pas dit cela.

M. B. Dumortier. - Vous avez dit qu'on petit s'arrêter une ou deux minutes. Eh bien, un pareil système c'est la négation de tout contrôle.

- Un membre : Qu'est-ce que cela signifie ?

M. B. Dumortier. - Cela signifie qu'il ne faut pas que le président du bureau empêche ceux qui veulent contrôler les opérations électorales, d'avoir accès au bureau.

M. de Theux. - Messieurs, je dirai en deux mots quelle a été la pensée de la commission. Le procès-verbal de l'élection ne s'explique pas suffisamment sur la réclamation dont il s'agit, pour que la commission ait pu dire que le président du bureau a agi dans la plénitude de la légalité.

II a été impossible à la commission d'apprécier la réclamation.

Il faudrait avoir été témoin du fait, pour se former à cet égard une opinion juste et vraie.

Mais ce que la commission a voulu consigner dans son rapport, c'est qu'on ne peut admettre que le président du bureau ait le droit absolu d'interdire le stationnement autour du bureau, pendant le dépouillement du scrutin ; en effet, le but de la loi est que ce dépouillement puisse être contrôlé. Mais la commission a reconnu, d'autre part, que si le droit de stationnement est concédé par la loi, l'usage abusif qu'on pourrait faire de ce droit irait tout à fait à l’encontre du but de la loi.

Ainsi, par exemple, un parti s'emparerait, dès le commencement, de toutes les places, ne les quitterait plus, empêcherait dès lors les autres électeurs de voir ce qui se passe, tiendrait une note exacte de tous les bulletins qui auraient été donnés avec certaines marques, et profiterait seul de ce moyen de contrôle illégal.

Voilà donc quelle a été la pensée de la commission : La commission n'a pas voulu se prononcer sur la question de fait, parce qu'elle n'avait pas les éléments nécessaires pour l'apprécier ; mais elle a cru que, quelles que fussent ces circonstances, au point de vue de l'ensemble des opérations, elles n'étaient pas cependant de nature à provoquer l'annulation des élections. Aussi, la quatrième commission propose-t-elle à la Chambre de valider ces élections.

- Ces conclusions sont mises aux voix et adoptées.

En conséquence, MM. Coppieters, Devaux et de Vrière sont proclamés membres de la Chambre.

MM. Coppieters t'Wallant et de Vrière qui sont présents prêtent serment.

Arrondissement de Courtrai

M. J. Jouret, au nom de la même commission, fait rapport sur l'élection de MM.de Haerne, Tack et H. Dumortier, élus par l'arrondissement de Courtrai et propose leur admission.

- Ces conclusions sont adoptées.

En conséquence MM. de Haerne, Tack et H. Dumortier sont proclamés membres de la Chambre des représentants.

M. H. Dumortier, qui est présent, prête serment.

Arrondissement d’Ostende

M. J. Jouret, au nom de la même commission, fait rapport sur l'élection de M. Van Iseghem, élu par l'arrondissement d'Ostende, et propose son adoption.

- Ces conclusions sont adoptées.

En conséquence, M. Van Iseghem est proclamé membre de la Chambre des représentants. Il prête serment.

D'autres rapports n'étant pas prêts, la séance est levée à 5 heures.