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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 14 avril 1859

Séance du 14 avril 1859

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)

(page 974) (Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Boe fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Moor donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Boe présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre :

« Les habitants de Tourinnes-Saint-Lambert prient la Chambre de rejeter la proposition concernant l'appel des électeurs par ordre alphabétique, et d'examiner quelle circonscription électorale il y aurait liée d'établir, afin de faciliter le vote des électeurs des communes rurales. »

« Même demande d'habitants de Heyst, Rumpst, Uytkerke, Gestel, Saint-Nicolas, Loenhout, Roulers, Zuidschoote, Houcke, Wangenies, Fleurus, Willerzée, de communes dans l'arrondissement de Bruges, de Ploegsteert, Houtem, Wavre-Notre-Dame et d'une commune non déterminée. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi' modifiant quelques dispositions delà loi électorale, relative aux élections.


« Des habitants de Verrebroek demandent le rejet de la proposition relative au vote par lettre alphabétique. »

« Même demande d'habitants d'Anvers. »

- Même décision.


« Des habitants de Merchtem demandent le rejet de la proposition concernant l'appel des électeurs par ordre alphabétique, et le vote à la commune sauf à réunir les communes rurales contiguës qui n'auraient qu'un petit nombre d'électeurs. »

- Même décision.


« Des habitants de Beveren prient la Chambre de rejeter la proposition relative au vote par lettre alphabétique, de faciliter l'exercice du droit électoral et d'abolir la loi qui admet dans le cens électoral l'impôt sur le débit des boissons distillées. »

« Même demande d'habitants de Vichte, Menin, Desselghem. »

- Même décision.


« Des habitants de Gedinne prient la Chambre d'introduire dans les élections à tous les degrés le vote par ordre alphabétique. »

- Même décision.


« Des habitants d'Arquennes prient la Chambre d'adopter la proposition relative au vote par ordre alphabétique et de maintenir les élections au chef-lieu d'arrondissement. »

« Même demande d'habitants de Feluy. »

- Même décision.


« Des habitants de Merckem prient la Chambre de rejeter la proposition concernant le vote par lettre alphabétique et demandent : 1° le vote à la commune, sauf à réunir les électeurs des communes rurales contiguës, qui n'auraient chacune qu'un petit nombre d'électeurs ; 2° l'abolition de l'impôt sur le débit des boissons, ou du moins de la loi qui admet cet impôt dans le cens électoral. »

« Même demande d'habitants de Sempst, Keyem, Houthulst, Weris, Villers-Sainte-Gertrude, Izier, Wezembeek, Westoutre, Dranoutre, Warneton, Reninghe, Wardamme, 'S Gravenwezel, Schilde, Flobecq, Beernem, Dickebusch, Moerkerke, Boignée, Hanret, Rixensart et Oppuers. »

- Même décision.


« Des habitants de St-Nicolas prirent la Chambre d'adopter la proposition relative au vote par ordre alphabétique. »

- Même décision.


« Le sieur Alphonse Tripels présente des observations au sujet du rapport sur sa demande de grande naturalisation. »

M. Lelièvre. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission des naturalisations.

- Adopté.


« Le sieur Van Belle soumet à la Chambre un projet de loi concernant la poursuite des délits de presse. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


(page 975) « Des cultivateurs et négociants à Zolder demandent qu'on établisse à Viverselle un quai de chargement et de déchargement. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Bertrant se plaint de la répartition du contingent faite sur la commune de Jamioulx. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres du conseil communal de Fraire demandent un droit de sortie sur les mines, équivalent à celui dont les fontes belges sont frappées à l'étranger, ou bien la libre sortie des mines de l'Entre-Sambre-et-Meuse. »

« Même demande des membres du conseil communal de Florennes et de Morialmé. »

M. de Baillet-Latour. - La pétition du conseil communal de Fraire mérite de la part de la Chambre et de la part du gouvernement la plus sérieuse attention. A l'heure qu'il est, un grand nombre de forgeries sont en chômage dans l'Entre-Sambre-et-Meuse. Des maîtres de forges, ne trouvant plus de bénéfices à faire sur le sol belge, émigrent et vont établir leur industrie sur la terre étrangère. Les établissements qui continuent à travailler ne le font que pour exécuter des commandes antérieures à la nouvelle législation. C'est un fait aujourd'hui constaté que la coïncidence de la libre sortie du minerai oligiste belge, et du droit d'entrée qui pèse sur les fontes de Belgique en France, a créé pour nos forgeries une position intolérable.

Les pétitionnaires réclament une mesure de justice en demandant que, si le gouvernement ne revient pas sur la sortie libre des oligistes, il accorde au moins la libre sortie des minerais de tout genre par leur frontière, ainsi que cela existe pour les autres parties du royaume. Cette réclamation est si conforme au principe d'égalité devant la loi, que le gouvernement ne peut pas se dispenser de la prendre en considération.

Je demande donc le renvoi de la pétition à la commission d'industrie et un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« M. le ministre des travaux publics transmet des explications sur la réclamation du sieur Bailleux, relative au droit perçu sur le canal de l’Ourthe par la compagnie du Luxembourg et à l'achèvement des travaux du canal, sinon jusqu'à la Roche au moins jusqu'à Barvaux. »

- Dépôt au bureau des renseignements.

Projet de loi érigeant la commune de Naninne

Rapport de la commission

M. Lelièvre. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission qui a examiné le projet de loi relatif à l'érection de la commune de Naninne.

Rapport sur une pétition

M. Janssens. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission permanente d'industrie, sur une pétition de Kieldrecht demandant un droit d'entrée sur les houilles.

- La Chambre ordonne l'impression de ces rapports et les met à la suite des objets à l'ordre du jour.

Projet de loi, proposé par une section centrale, modifiant la loi électorale

Rapport de la section centrale

M. Moreau. - Messieurs, les questions qui se rattachent aux moyens pratiques d'exécuter une loi paraissent être souvent d'une solution difficile et sont compliquées dans les détails ; aussi n'est-il pas étonnant que les uns trouvent des difficultés là où d'autres n'en rencontrent pas.

M. le ministre de l'intérieur, en se ralliant au principe déposé dans le projet de loi de la section centrale, a pensé que l'application de ce principe pourrait entraîner certaines complications administratives, et certaines difficultés pratiques sur lesquelles il n'avait pas tous ses apaisements ; ses scrupules sur ce point ont été surtout provoqués par les renseignements qu'il avait reçus de l'administration.

La section centrale pas plus que le gouvernement ne veut introduire dans nos lois électorales des dispositions qui donneraient des embarras sérieux à ceux qui sont chargés d'en faire l'application.

Elle a donc entendu M. le ministre de l'intérieur dans les indications et les observations qu'il avait à lui faire sur cet objet.

Après examen et discussion, la section centrale persiste à croire que l'on s'exagère les difficultés auxquelles pourrait donner lieu la confection des deux listes, difficultés résultant surtout de ce qu'elle exigerait pour la première fois un travail long et demandant beaucoup de temps.

Elle est convaincue que les fonctionnaires chargés de dresser ces listes peuvent suffire à cette somme de travail tout matériel et qu'en faisant quelques efforts et en prenant quelques soins, ils trouveraient le moyen d'accomplir cette tâche sans trop de peines ni de fatigues.

C'est ce que la section centrale se propose de vous démontrer au besoin lorsqu'on arrivera à l'examen et à la discussion des articles du projet de loi.

Toutefois pour simplifier la besogne administrative qu'exige la confection des deux listes mentionnées à l'article 9, on pourrait se contenter d'inscrire sur ces listes les nom, prénoms, profession et domicile des électeurs.

Ces indications sur ces listes qui sont destinées seulement à l'appel des électeurs lors du vote, sont suffisantes pour constater leur identité. Il n'est pas nécessaire d'y mentionner la date de la naissance de chaque électeur, l'indication du lieu où il paye ses contributions ni la nature de celles-ci, puisque ces renseignements ne sont utiles que lorsqu'il s'agit de vérifier annuellement si l'électeur réunit les conditions et les qualités exigées par la loi pour faire partie du corps électoral et qu'au moment où celui-ci est réuni, aucune contestation ne peut s'élever sur ce point.

Si la Chambre partage l'opinion de la section centrale, elle peut supprimer le paragraphe 2 de l'article 9 du projet de loi, et le remplacer par la disposition suivante qui serait intercalée entre le paragraphe 5 et le paragraphe6 du même article :

« Ces deux listes contiendront les noms, prénoms, profession et domicile des électeurs. »

L'article 9 du projet de loi de la section centrale serait donc rédigé comme suit :

« Le commissaire du district formera de toutes les listes électorales une liste générale des électeurs du district d'après l'ordre alphabétique de leurs noms et fera la répartition des électeurs en sections, s'il y a lieu, conformément à l'article 19 modifié comme il est dit ci-après.

« Il dressera en outre, pour chaque bureau une liste comprenant séparément par ordre alphabétique les électeurs de chaque commune, en commençant par y inscrire ceux des communes les plus rapprochées.

« Cette liste servira, lors des élections, à l'appel nominal prescrit par l’article 25.

« Ces deux listes contiendront les noms, prénoms, profession et domicile des électeurs.

« Elles seront soumises immédiatement au contrôle de la députation permanente du conseil provincial qui est chargée d'en certifier l'exactitude. »

La section centrale maintient du reste les autres dispositions du projet de loi.

Discussion générale

M. le président. - La discussion générale continue.

M. de Decker. - Messieurs, s'il ne s'agissait, entre nos honorables contradicteurs et nous, que de la solution des grands principes qui ont été exposés dans les séances précédentes, je crois que nous serions tous parfaitement d'accord. Je ne pense pas qu'il y ait, dans un des partis qui divisent cette Chambre, quelqu'un qui ne veuille arriver à une représentation véritable de tous les intérêts, de tous les sentiments, de toutes les opinions du pays. Je ne pense pas qu'il y ait quelqu'un dans cette enceinte qui ne veuille sincèrement redresser les abus que l'expérience a pu faire constater, qui ne veuille faire disparaître de nos lois les vices qu'on a signalés, qui ne veuille arriver à assurer la complète indépendance des électeurs, à garantir la liberté du vote, en un mot à organiser un régime électoral aussi parfait qu'il est possible de l'obtenir,

Mais, messieurs, si l'on poursuit réellement ce but élevé, pourquoi donc ne pas étendre notre examen à toutes les questions électorales qui sont soulevées dans le pays ? Pourquoi se borner à redresser un seul grief, alors qu'il existe une foule de griefs articulés par les divers partis.

Il me semble donc, messieurs, que si l'on voulait réellement, et au point de vue du seul intérêt général, réformer notre loi électorale, il faudrait s'y prendre d'une toute autre façon que la section centrale ne s'y est prise.

Pourquoi ne pas commencer par établir une espèce d'enquête dans le pays, afin que de tous côtés, comme cela se fait en Angleterre, chacun pût venir signaler, devant une commission, les inconvénients du régime actuel, les inégalités qu'il consacre, les injustices auxquelles il donne lieu dans la pratique. Tout le monde, dans un but commun, s'empresserait de contribuer à faire disparaître de nos lois les vices qui peuvent y être reconnus.

Au moins faudrait-il, à défaut d'instruction administrative, une instruction parlementaire.

En général, un projet de loi de réforme électorale est présenté par le gouvernement.

En l'absence d'un projet de loi présenté par le gouvernement, il faudrait au moins qu'il y eût une proposition faite par un des membres de cette Chambre, proposition qui serait soumise à la série d'examens et d'instructions prescrits par le règlement de la Chambre. Il faudrait, en un mot, une instruction préalable comme celle que nous avons pour les projets les moins importants.

Je ne pense pas. messieurs, qu'il faille insister sur l'importance de toute réforme électorale, quelque insignifiante qu'elle paraisse dans la forme.

Les hommes d'Etat de tons les pays ont reconnu qu'une réforme électorale, quelle qu'elle soit, est toujours de la plus haute importance et touche à toute l'économie de notre régime constitutionnel. Ce ne serait donc pas trop peu d'exiger une instruction préalable par le gouvernement, une instruction préalable par les sections. Or, nous n'avons aucune de ces garanties de lumière et de discussion.

Je sais très bien que la section centrale a dit, pour justifier l'introduction de la réforme électorale nouvelle, qu'il a été question de ces propositions dans les sections ; mais il n'y a eu aucune espèce de discussion dans les sections.

Quelques membres étaient peut-être prévenus de la présentation du (page 976) nouveau système ; mais les autres, qui croyaient que les sections n'étaient convoquées que pour le projet de loi présenté par le gouvernement, n'étaient pas là, et aucune discussion n'a pu, par conséquent, avoir lieu.

On ne peut donc pas dire que les propositions de la section centrale ont subi l'épreuve de l'examen des sections. Ce serait une véritable dérision que de le prétendre.

Le projet de loi que nous discutons en ce moment est donc véritablement improvisé. Or, il est inutile, je pense, d'insister sur le danger de pareilles improvisations.

Déjà nous devrions être un peu instruits en cette matière, car il est bon de rappeler à la Chambre que les deux principales réformes électorales introduites en Belgique, depuis 1830, l'ont été (et je n'en fais de reproche à personne puisqu'elles ont été admises à l'unanimité, à peu près) sans avoir été suffisamment mûries. La réforme de 1848 a été opérée sous le coup d'événements qui dominaient tous les esprits.

Le droit électoral accordé à toute une classe de citoyens, aux cabaretiers, par suite de la loi sur les boissons distillées, cette disposition a encore été introduite sans qu'il y ait eu une discussion approfondie. (Interruption.)

Il n'y a pas eu surprise, mais je dis que la réforme n'a pas été mûrie suffisamment.

Si nous avions à les introduire aujourd'hui, le ferait-on encore dans les mêmes termes, et sans d'importantes modifications ? Je ne propose pas d'y revenir ; mais, dans notre for intérieur, nous devons dire que ces deux réformes ont été introduites sans avoir été suffisamment préparées dans les esprits. Eh bien, messieurs, c'est un motif pour être prudent, pour nous arrêter dans cette voie d'improvisation en matière électorale, et c'est sur ce côté de la question que j'appelle un instant l'attention de la Chambre.

Messieurs, quelles sont les raisons que la section centrale fait valoir à l'appui du système nouveau qu’elle veut introduire, ou plutôt, pour me servir d'une expression de l'honorable M. Malou, quels sont les prétextes mis en avant ?

On veut, dit-on, assurer l'indépendance de l'électeur, la liberté de son vote ; il s’agit de résoudre une question de moralité publique.

Messieurs, la première objection à faire, vous a été présentée par M. le ministre de l'intérieur. Comment se fait-il, lorsque vous poursuivez ce but de haute moralité, que vous arriviez avec un remède tout à fait incomplet, qui ne produira d'effets sensibles que dans le tiers des arrondissements ? Comment croire qu'on veuille réellement, abstraction faite de tout parti, atteindre à ce but de moralisation, lorsque le remède proposé ne sera efficace que dans le tiers des arrondissements électoraux ?

Si on avait eu réellement l'intérêt général en vue par cette proposition, comment se fait-il qu'on ait eu la main assez malheureuse pour faire choix d'un remède qui sera j'espère le prouver, inefficace à combattre le mal qu'on prétend combattre, et qui, d’autre part, aura l'immense inconvénient d'entraîner les conséquences les plus désastreuses pour le pays ?

Je dis d'abord que le remède sera inefficace à combattre le mal qu'on a signalé.

En effet, voulez-vous empêcher les manœuvres frauduleuses dont parlait encore l'honorable M. Moreau, et qui tendent à fausser le résultat des élections ? Vous savez tous que ces manœuvres n'ont pas lieu au moment même des élections ; elles ont lieu avant les élections. Elles consistent dans les promesses et surtout dans les menaces qui trouvent leur sanction dans les bulletins reconnaissables d'une manière quelconque. Voilà la vérité.

Si vous voulez avoir la sincérité dans les élections, assurer la complète indépendance de l'électeur, garantir la liberté de son vote, ce sont avant tout les bulletins reconnaissables qu'il faut attaquer. Là est le mal.

Je sais bien qu'au moment du vote, il peut s'exercer certaines pressions, certaines violences. Je veux les combattre comme vous.

Je dirai à l'honorable M. E. Vandenpeereboom que si on trouve une formule convenable pour atteindre de pareilles pressions, de pareilles violences qui se commettent dans tous les partis, je suis prêt à signer des deux mains cette formule. Mais ce sont là des faits tout à fait exceptionnels, qui n'exercent aucune influence décisive sur le résultat des élections. Les véritables manœuvres qu'il faut atteindre, qui faussent le résultat des élections, ce sont les manœuvres qui ont lieu au moyen des bulletins marqués. Voilà ce que doivent reconnaître tous ceux qui ont de l'expérience en matière électorale. J'ai entendu articuler ce grief par tous les partis indistinctement.

Tous ceux qui veulent l'expression claire et complète de l'opinion nationale, par la voie des élections, doivent s'attacher surtout à trouver le moyen de détruire les manœuvres qui tendent à rendre les bulletins reconnaissables d'une manière quelconque.

En effet, la surveillance dont on a parlé n'est pas un mal en elle-même. En matière d'élections, cette surveillance est une garantie que la législature a prévue ; il y a même des dispositions de la loi électorale qui la favorisent.

Ainsi, la faculté de circuler autour du bureau pour voir les bulletins, à mesure que le président les lit, est une faculté d'exercer une surveillance utile. Cette surveillance s'exerce, du reste, sous forme de contrôle par tous les partis et n'est pas un mal. Mais cette surveillance devient dangereuse, lorsqu'il y a des bulletins reconnaissables, des bulletins marqués.

S’il n'y avait pas de billets marqués, la surveillance ne serait plus un mal du tout ; mais cette surveillance devient une pression, une sanction des menaces ou des promesses, lorsque celui qui surveille au nom de certain parti ou de certain intérêt, peut reconnaître les billets. Si on fait abstraction de cette circonstance, la surveillance n'est pas blâmable.

L'honorable M. Moreau dans son premier rapport et hier encore dans son discours, a indiqué un avantage qu'on peut espérer de la réforme proposée.

Les électeurs, dit-il, ne seront plus divisés en électeurs des campagnes et en électeurs des villes ; les élus eux-mêmes ne seront plus classés en députés des villes et députés des campagnes.

Mais c'est un jeu de mots ; quelle que soit la manière de répartir les électeurs, on saura toujours quel est le député élu par les électeurs des villes et quel est celui qui est élu par les électeurs des campagnes ; on saura donc aussi quels électeurs représente particulièrement l'élu ; on saura, par les candidatures proposées et défendues dans les divers journaux, quels sont les candidats des villes et quels sont ceux des campagnes. Ce résultat que vous dites poursuivre, vous ne pouvez donc pas l'atteindre.

Vous allez, au contraire, rendre plus profond l'antagonisme entre les villes et les campagnes. Le point de départ de votre projet de loi est une sanglante humiliation pour les électeurs des campagnes. Vous ne pouvez justifier ces dispositions qu'en prétendant que ces électeurs sont des hommes sans intelligence et sans caractère ; des esclaves qui subissent un joug dont on doit les délivrer.

Votre projet part de là ; sans cela il n'a aucune raison d'être, aucune portée. L'antagonisme entre les villes et les campagnes sera donc plus profond qu'il ne l’est aujourd'hui. Je vais plus loin. Dans certains arrondissements importants, à l'occasion de certaines élections vivement disputées, on a considéré parfois comme un bonheur qu'il n'y eût pas de contact immédiat entre les électeurs des villes et les électeurs des campagnes.

Eh bien, je ne réponds pas que lorsque tous ces électeurs seront confondus à l'aide d'un système qui aura commencé par les humilier et qui les aura exposés à de nombreuses avanies de la part des électeurs des villes, je ne vous réponds pas qu'il n'y aura jamais de danger de collisions. (Interruption.)

Ce n'est pas une menace que je veux faire entendre, c'est un danger que je signale et un danger que nous devons prévoir.

Le projet de loi ne se justifie donc nullement par les raisons ou les prétextes qu'on a allégués.

Messieurs, voyons maintenant, quelles sont d’autre part les conséquences graves qu'il peut entraîner et qu'il entraînera fatalement dans l'application.

Je ne rappellerai pas les difficultés pratiques, difficultés réelles que le projet créera pour les électeurs des campagnes d'arriver à leur bureau, le trouble qu'ils éprouveront en se trouvant au milieu d'une population assez hostile aux habitants des campagnes... (Interruption.) qu'ils croiront électoralement hostile.

Cette appréciation me paraît parfaitement juste. Je dis qu'un campagnard se trouvera là dépaysé.

M. L. Goblet. - Le paysan est-il moins intelligent que le citadin ?

M. de Decker. - Il ne s'agit pas de manque d'intelligence, mais de timidité. Vous n'entendrez jamais sortir de ma bouche le moindre mot accusant les campagnards de manque d'intelligence.

Ce n'est pas nous qui avons besoin de cet argument pour défendre notre cause.

Je constate un fait ; c'est qu'un électeur campagnard sera toujours dépaysé au milieu des électeurs des villes.

Il se trouve là dans un milieu social qu'il ne voit jamais et qu'il croit hostile à ses idées au point de vue politique.

A cet inconvénient, qui ne sera que trop réel en pratique, il faut en ajouter un autre qui a déjà été signalé. Cet inconvénient, ce danger même, c'est la confusion probable des noms de certains électeurs. Vous rencontrerez souvent, dans un même arrondissement, dix, vingt électeurs portant les mêmes noms et prénoms et sur le vote desquels il sera bien difficile d'exercer un contrôle nécessaire.

Que dire ensuite de cette pression violente qui sera exercée par certains agents électoraux des villes ? Car, il ne faut pas se le dissimuler, ceux qui veulent réellement l'indépendance des électeurs n'atteindront pas leur but. On arrivera, comme l'a dit l'honorable M. de Renesse, à substituer aux influences qu'on redoute, d'autres influences organisées dans son intérêt ; cela est incontestable.

Le projet de loi aura bien d'autres conséquences encore que je me permettrai de signaler à la Chambre.

D'abord, le projet de loi est en dehors de tous les usages reçus dans les pays à élection ; en l'adoptant, nous romprons complétement avec (page 977) toutes nos traditions nationales, il n'y a nulle part d'exemple d'un pareil système.

Et quand d'honorables membres viennent vous proposer pour la Belgique un système qui est pratiqué partout autour de nous, vous n'en voulez pas, vous en avez peur ; quand au contraire, on arrive avec un système qui n'est pratiqué nulle part, qui n'a jamais été pratiqué en Belgique et qui ne peut pas être justifié au point de vue de l'intérêt général, vous t'accueillez avec ardeur et avec promptitude. Est-ce là être juste, être conséquent ?

Cette modification qu'on apporte à la loi électorale aura encore pour conséquence, je ne dis pas pour but dans l'esprit de ceux qui la proposent, mais comme conséquence inévitable, de consacrer la domination des électeurs des villes sur les électeurs des campagnes. Cette conséquence fatale, la section centrale la veut-elle ? Le gouvernement la veut-il ? Invoquons l'exemple de tous les gouvernements, de tous les pays.

Quand vous examinez la conduite de tous les gouvernements intelligents, se préoccupant exclusivement des intérêts généraux du pays, partout vous les voyez respecter les influences pacifiques, modérées des électeurs des campagnes.

C'est un élément dont tout gouvernement doit tenir sérieusement compte. Tout gouvernement doit s'attacher à neutraliser, dans une certaine mesure et conformément à la justice et aux intérêts généraux du pays, les influences souvent trop passionnées des villes par les pacifiques influences des campagnes. Voilà ce que je vois partout autour de nous. Eh bien, je regrette de ne pas voir se manifester la même tendance en Belgique.

Je le regrette d'autant plus que déjà nous sommes allés très loin dans la voie contraire. Toutes nos réformes électorales antérieures ont, en définitive, tourné au profit des électeurs urbains au détriment des électeurs des campagnes.

La réforme de 1848 qui a établi l'égalité du cens a évidemment été favorable aux villes. D'après des chiffres officiels, l'augmentation du nombre des électeurs a été à la suite de cette réforme, de 108 p. c. pour les villes et seulement de 49 p. c. pour les campagnes.

Il y a ensuite la loi sur les débitants de boissons distillées ; cette loi encore a tourné complétement au détriment des campagnes et au profit des villes. Il faut aussi tenir compte de la position inégale des électeurs devant le scrutin. Le vote au chef-lieu de l'arrondissement est encore et bien certainement un avantage au profit des électeurs des villes.

Ainsi, messieurs, si nous avons à nous prémunir contre un danger, c'est contre le danger d'accorder encore de nouveaux avantages aux électeurs urbains.

Or, c'est encore une fois dans ce sens que doit agir la réforme que l’on nous propose. Je ne puis, au point de vue de la justice, au point de vue des vrais intérêts du pays, m'associer à un pareil système.

La réforme proposée aura encore cette conséquence, c'est qu'elle va à l'encontre des deux conditions essentielles de tout bon système électoral.

La première de ces conditions, que j'appellerai matérielle, c'est de faciliter le vote. Or, il est évident que vous créez une nouvelle difficulté pour le vote des électeurs campagnards. Cela est tellement vrai, que je ne serais pas étonné que beaucoup d'électeurs campagnards refusassent absolument d'aller dans les bureaux où ils se trouveront sans aucune espèce de connaissances ou de relations. Oui, beaucoup d'électeurs campagnards reculeront devant l'exercice de leur droit électoral, lorsqu'ils devront l'exercer dans la position nouvelle qu'on veut leur faire.

C'est ma conviction.

La seconde condition, on la dit souvent, c'est qu'il faut rendre toujours le concert entre électeurs possible. Cet argument ne doit pas paraître nouveau sur les bancs de nos adversaires ; c'est l'argument qu'on a fait toujours valoir contre les réformes proposées pour rapprocher l'urne des électeurs campagnards.

Ce n'est pas que j'attache encore à cette condition le même prix qu'on devait y attacher il y a un bon nombre d'années. Nous savons aujourd’hui parfaitement qu'en pratique ce concert a rarement lieu, si ce n'est pour le ballottage, que chacun arrive en général avec son opinion toute faite et son vote tout écrit. Ce concert est donc quelque chose qui n'existe plus en pratique. Cependant j'admets jusqu'à certain point qu'il faut rendre ce concert possible.

Eh bien, votre loi a précisément pour but de rendre ce concert impossible, parce que, en disséminant les électeurs des campagnes au milieu des électeurs des villes, vous empêchez toute espèce de point de contact, toute espèce de discussion entre eux et ceux qui sont autour d’eux. Quand ils se réunissent avec leurs concitoyens de la même commune il y a concert possible, ils se connaissent d'ancienne date ; ils ont confiance les uns dans les autres. Mais lorsque vous allez, par la confusion des électeurs, empêcher ce contact entre gens qui se connaissent, et qui ont confiance les uns dans les autres, il est évident que vous rendrez tout concert impossible, c'est-à-dire que vous détruisez vous-mêmes une des conditions essentielles de tout bon système électoral. Je ne pense pas que cela puisse être contesté.

Une dernière conséquence que la loi aura, sinon dans la pensée de ses auteurs, au moins en fait, c'est que cette réforme va fixer la suprématie d'un parti sur l'autre.

Messieurs, je ne dois pas vous rappeler les paroles tombées d'une bouche auguste. Nous savons tous, du reste, quels dangers offrent de pareilles lois. Eh bien, c'est contre un tel danger, c'est contre pareille interprétation que j'ai constamment lutté et que j'ai reculé, quant à moi. Je regrette, je dois le dire sincèrement, que le gouvernement actuel n'ait pas le même courage, surtout en présence des circonstances de la plus haute importance dans lesquelles se trouve le pays.

Si jamais le gouvernement devait faire preuve d'énergie, devait repousser ces propositions qui peuvent allumer la guerre dans les esprits, je dis que c'est à la veille d'une crise européenne que le gouvernement aurait dû faire preuve de cette fermeté à laquelle je m'attendais de sa part.

On ne touche pas aux bases du système électoral, dit-on. C'est ce que prétendaient l'honorable M. Vandenpeereboom et l'honorable M. Moreau. Mais on sait parfaitement que par la manière de régler l'exercice du droit électoral, on peut compromettre et fausser le résultat des élections tout aussi bien qu'en attaquant les bases mêmes du système électoral.

Mais, disait-on, et je crois que l'objection est venue l'autre jour par une interruption de l'honorable ministre des finances, la réforme n’aura d'effet que dans quelques grands arrondissements, et ces arrondissements élisent des députés libéraux Cela est très vrai ; mais avez-vous bien examiné les résultats du système des scrutins de liste ? Oui, la loi actuelle opérera surtout dans douze ou quatorze districts électoraux Mais savez-vous bien qu'il suffit en Belgique, sur 41 districts électoraux, du triomphe d'un parti dans 12 ou 13 districts pour devenir majorité dans cette Chambre ? Et cela se comprend facilement. Pour tous les grands arrondissements, dans toutes les campagnes qui environnent les grandes cités, le vote des électeurs campagnards est annihilé, est absorbé par les votes des électeurs des villes.

C'est ce qui fait qu'en définitive, ce sont les habitants de quelques villes qui peuvent assurer une majorité à l'aide du scrutin de liste.

Eh bien, je dis qu'en présence de pareils résultats possibles, nous devons être extrêmement scrupuleux pour introduire une réforme qui devra opérer dans ces dix ou douze grands arrondissements et qui par conséquent assurera à jamais le triomphe d'un parti sur l'autre.

C'est ce que je ne vous ni pour l'un parti ni pour l'autre. Je considérerais le triomphe définitif d'un parti sur l'autre comme une calamité pour la Belgique, ce serait une véritable oppression que le pays ne subirait pas longtemps.

Messieurs, je désire dire aussi quelques mots de la proposition introduite par d'honorables amis.

Je suis convaincu qu'aucun de nos honorables amis n'eût songé, à propos du projet qui était présenté par le gouvernement, à revenir sur la réforme électorale dont il avait été question dans nos rangs, si l'initiative d'une réforme électorale n'était partie des bancs opposés. Il faut donc qu'on le sache, la responsabilité de ce fait très grave, d'une réforme électorale dans les circonstances actuelles, doit retomber sur la majorité.

M. Devaux. - Et la discussion de l'année dernière ?

M. de Decker. - Je parle d'une proposition de réforme dans tes circonstances où nous nous trouvons, et je dis que je suis convaincu que personne sur nos bancs n'eût voulu accepter la responsabilité d'une proposition de réforme, si la section centrale n'avait pas proposé une réforme par voie d'amendement.

Messieurs, c’était une question de savoir si sur ces bancs il n'eût pas mieux valu de résister à toute tentative de réforme, au nom de la stabilité de nos institutions et de nos lois organiques. Ce doute s'est élevé dans mon esprit. Mais je dois dire que réflexion faite, j'ai cru que c'eût été, qu'on me permette le mot, jouer un rôle de dupe, que de laisser introduire une nouvelle réforme électorale par la majorité, sans faire la moindre mention d'une réforme à laquelle on attache de l'importance, et sans faire quelques efforts pour la faire surgir ou du moins pour la maintenir, si je puis m'exprimer ainsi, au rôle, car ce n'est que cela.

Je ne pense pas qu'aucun de mes honorables amis puisse espérer de voir adopter leur proposition en ce moment. C'est un simple maintien au rôle.

- Un membre. - Un programme.

M. de Decker. - Je. ne dis pas : un programme ; je dis : un maintien au rôle.

Messieurs, lorsque, il y a un an, on a discuté cette question, personne ne s'est plus que moi efforcé de faire ressortir l'inégalité choquante que consacre, au détriment des électeurs campagnards, le système électoral actuel du vote au chef-lieu d'arrondissement.

Personne ne s'est plus appesanti sur le danger que l'état actuel des choses peut offrir au point de vue de la conservation du caractère démocratique de nos institutions comme au point de vue de la conservation de la moralité publique.

Je le répète, aujourd'hui encore, avec une profonde conviction, l’état actuel des choses n'est pas soutenable : il est désastreux pour nos institutions, flétrissant pour les électeurs et pour les élus.

Sur tous les bancs on devrait être unanime à cet égard. Eh bien- je dis que si vous maintenez le vote tel qu'il a lieu aujourd'hui, ce mal est sans remède, à moins d'en venir au système que j'avais eu l'honneur de proposer.

Je laisse au temps et aux circonstances le soin de faire mûrir l’idée que j’ai émise.

(page 978) Je ne suis pas pressé.

Mes conviction sont restées les mêmes.

C'est encore le système que je crois le plus convenable, le seul complétement convenable, d'un côté pour faire disparaître les inconvénients actuels et d'un autre côté pour ne pas tomber dans des inconvénients nouveaux.

Mais enfin un autre système est proposé.

Je ne me prononce pas, d'une manière définitive, sur la valeur de ce système ; et, encore ici je dirai, avec l'honorable M. Vandenpeereboom : Si quelqu’un a une autre formule, je la signerai avec lui, pourvu qu’elle fasse disparaître les injustices du système actuel.

Je pense que l'honorable M. Malou, lui-même, ne tient pas tellement à son système, qu'il veuille repousser, pour l’avenir, toute modification à y introduire.

Pourquoi la section centrale a-t-elle si cavalièrement repoussé la proposition de mes honorables amis ?

Il y a là, cependant, une injustice à réparer ; or c'est là un grief bien plus important, bien mieux constaté que celui que la section centrale vent faire disparaître par sa réforme proposée. C'est un grief qui a été signalé depuis nombre d'années, dans une masse de pétitions, un grief dont les conseils provinciaux et les conseils communaux ont également retenti.

Ce grief est signalé depuis si longtemps, que hier l'honorable M. Orts l'appelait une vieille machine de guerre. La réforme proposée par MM. Malou et de Theux a pu être appréciée depuis longtemps, taudis que celle proposée aujourd'hui par la section centrale est une réforme littéralement improvisée, qui n'a pas été préparée par l'opinion publique et qui n'a encore subi l'épreuve d'aucune discussion.

La réforme proposée par mes honorables amis, c'est, dit M. Muller, le contrepied de ce que propose la section centrale ; c'en est l'antipode, dit l'honorable M. Vandenpeereboom. Quant au résultat probable de ces deux réformes, c'est possible. Mais les reproches que l'on adresse à l'une peuvent être adressés à bon droit à l'autre. Ainsi, vous dites : en divisant les collèges électoraux, vous empêchez tout concert entre les électeurs ; il faut maintenir la réunion de tous les électeurs.

Je vous ai prouvé, messieurs, qu'en confondant les électeurs des villes et les électeurs des campagnes, vous isolez complétement ces derniers, et qu'il ne leur est plus possible de se concerter avec d'autres électeurs de leurs communes ou des communes environnantes. Vous dites encore ; les électeurs seront livrés à l'abus des influences. Eh bien, avec votre système vous abandonnez les électeurs ruraux à l'influence des électeurs urbains et des agents électoraux des villes.

Messieurs, je voudrais pouvoir croire que ce projet de loi est dicté par une haute pensée de moralité ; mais, après avoir bien examiné les conséquences du projet de loi, je dois dire qu'il est plutôt conçu dans un but d'utilité au profit d'un parti.

Eh bien, messieurs, c'est toujours une triste chose que le vote d'une loi de parti ; mais je prie la Chambre, je prie le gouvernement de bien considérer les dangers que peut offrir, dans des circonstances qui vont peut-être nécessiter la réunion de tous les dévouements, la réalisation d'une pensée de division et d'antagonisme entre diverses classes de citoyens.

Nous voulons sérieusement, messieurs, le gouvernement du pays par le pays, mais nous ne voulons pas consacrer des dispositions qui auraient évidemment pour conséquence la domination fatale, systématique, irrémédiable d'une partie du pays sur l'autre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'honorable M. de Decker a omis, je pense, d'indiquer le système qu'il préfère.

M. de Decker. - Je donne toujours la préférence au système que j'avais proposé autrefois, le système de l'indemnité à accorder aux électeurs ruraux.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je tâcherai de répondre aussi brièvement que possible au discours de l'honorable préopinant ; je relèverai d'abord l'accusation qu'il a adressée au cabinet actuel.

L’honorable préopinant a reproché au cabinet de s'être rallié à un projet de loi qui n'a pas été suffisamment mûri, qui est en quelque sorte improvisé ; il s'est étendu sur les dangers de semblables improvisations. L'honorable membre a parfaitement raison en théorie. Quant au projet de loi, je ferai observer, d'abord, que le gouvernement ne s'est pas rallié au projet, le gouvernement s'est rallié au principe, et je dirai tout à l'heure pourquoi ; il ne s'est pas rallié aux articles, et il a dit aussi pourquoi et il a ajouté que, dans son opinion, le gouvernement et la majorité de la Chambre ne doivent pas désirer que cette loi soit exécutée au mois de juin |prochain.

Lorsque l'honorable préopinant a parlé de projets de loi improvisés, il a fait allusion à l’année 1848, époque à laquelle le pays pouvait se laisser aller à certains entraînements et où il s'est montré, cependant, parfaitement sage. Mais il est une autre époque d'entraînement qui n'était nullement justifiée par des révolutions extérieures, par des événements européens ; tout était tranquille alors ; l'honorable préopinant se le rappellera. Je suis étonné que ce souvenir lui ait échappé.

En 1842 et en 1843, nous avons eu dans cette enceinte des projets de loi improvisés, imposés au gouvernement, sans avoir donné lieu à aucune enquête, sans qu'ils eussent été, de la part de l'administration, l'objet d'aucune espèce de recherche ; ils ont été improvisés séance tenante. Nous avons eu nos communes fractionnées ; nous avons eu des modifications assez profondes au régime électoral ; et l'honorable préopinant s'est laissé entraîner, comme ses honorables amis ; il a voté ces lois que plus tard, je dois le dire, il a déplorées. Je pense qu'à cette époque il ne s'est pas élevé contre le danger des improvisations.

- Un membre. - C'est le cabinet de 1840 qui avait préparé ces lois.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il s'agit du fractionnement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'honorable préopinant a regretté que le ministère actuel n'ait pas montré plus de courage et de fermeté vis-à-vis de ses propres amis.

Messieurs, je ne veux rien dire de désobligeant à l'honorable M. de Decker, mais en fait de courage et de fermeté je ne puis pas dire que l'honorable membre ait donné des exemples à suivre. Quant à moi, ce sont des antécédents que bien certainement je ne suivrai pas. Le pays et tous les partis peuvent y compter.

Messieurs, l'honorable préopinant est très effrayé, encore une fois, des conséquences du projet de loi ; et cependant, au début de son discours il avait apprécié ce projet de loi comme je l'avais fait moi-même, il ne lui avait pas donné de grandes proportions ; il avait dit: « Qu'est-ce qu'une réforme qui n'atteindra qu'une vingtaine de bureaux sur 40 ? Cette réforme manquera son but, elle est incomplète. »

Et voilà que cette petite réforme incomplète va entraîner des conséquences désastreuses pour le pays ! Voilà qu'elle va fixer la suprématie d'un parti sur l'autre !

Messieurs, je ne sais pas si cette réforme fixera la supériorité d'un parti sur l'autre. Je m'en vais vous dire très nettement mon opinion. Je suis convaincu que l'opinion que nous représentons est destinée à vivre longtemps au pouvoir, à être longtemps majorité. Voilà ma conviction : j'ose croire que l'avenir réalisera cette prophétie qui, d'ailleurs, se fonde sur des faits patents. Or, que la proposition de la section centrale soit ou ne soit pas adoptée, je suis plein de sécurité sur le résultat des élections dans la plupart des arrondissements.

Quant à moi, si j'avais un reproche à faire à cette réforme, ce serait d'être en quelque sorte inutile, si elle devait avoir pour but d'assurer la suprématie à l'opinion libérale ; cette suprématie, l'opinion libérale la possède, et continuera, si elle le veut, de la posséder.

Que veut dire, en définitive, la proposition de la section centrale ? Voici comment je la comprends : elle signifie qu'il y a lieu, de la part des pouvoirs publics, de délibérer sur les moyens de faire cesser certains abus qui, on ne peut le nier, existent aujourd'hui dans la manière dont se font les élections ; voilà ce que veut dire la proposition de la section centrale, et à ce titre, j'en accepte le principe, je m'y suis rallié ; personne, dans cette enceinte, ne voudrait repousser a priori un système quelconque qui se présenterait avec la prétention de faire cesser les abus dont il se plaint.

Evidemment, ce principe ne sera pas complétement efficace ; il n'agira pas sur tous les bureaux ; il faudra encore chercher d'autres remèdes ; et, sous ce rapport, je désire que le gouvernement soit éclairé par les lumières de toute la Chambre et de tout le pays. Ce sont des questions importantes à débattre avec beaucoup de soin, et je reconnais qu'il ne faut pas se livrer ici à des improvisations.

Quelle est l'origine de ce projet de loi ? Le but que les auteurs de la proposition poursuivent, ils ne l'ont pas dissimulé : on trouve que le clergé fait dans les élections abus de son influence ; on veut détruire cette influence illégitime du clergé, ces violences morales exercées par le clergé à l'égard des électeurs de la campagne. Voilà le but que la proposition a en vue.

Nous croyons, et ce n'est pas d'aujourd’hui que nous le disons, nous croyons que le clergé aurait beaucoup à gagner en se mêlant moins aux élections.

Si l'on parvenait à soustraire l'électeur campagnard à la violence morale que le clergé exerce sur lui, ce serait un grand résultat pour le clergé lui-même.

Du jour où le clergé ne jouera plus un rôle politique actif, ne sera plus à la tête d'un parti quelconque, je crois que le clergé reconquerra en grande partie l'influence qu'il se plaint de perdre de plus en plus.

Le clergé perd de son influence, parce que le clergé se crée des ennemis politiques ; pourquoi se crée-t-il des ennemis ?

M. B. Dumortier. - Parce qu'il se défend.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le clergé a des amis pour le défendre parmi vous, il compte de plus un grand nombre de libéraux disposés à le défendre courageusement. C'est la position que nous prenons.

M. B. Dumortier. - Tous vos actes, toutes vos lois attestent le contraire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Vos interruptions et vos assertions inexactes ne m'empêcheront pas de tenir ce langage très ouvertement. Nous sommes les défenseurs énergiques du clergé.

Du moment qu'on voudra porter à la liberté des cultes et de leurs ministres une atteinte quelconque, nous sommes là pour nous y opposer. (page 979) Nous pensons que le clergé indépendant confirmera, au besoin, nos déclarations.

Voici ce que tous les partis devraient désirer. Nous n'interdisons pas aux membres du clergé le droit de venir déposer leur vote. Mais à une autre époque dans vos propres rangs, vous avez reconnu l’inconvénient pour le clergé de se mêler activement à nos luttes politiques. Ne l'avez-vous pas reconnu, M. de Decker ? Vous l'avez reconnu en 1847 et 1848.

Messieurs, l'on dit que le clergé est dans son droit quand il exerce des violences morales sur les électeurs, qu'il peut les menacer, les frapper de peines spirituelles en raison du vote qu'ils émettent ou n'émettent pas.

On ajoute : Qu'est-ce qu'une peine spirituelle ? Mais que diriez-vous si un juge de paix réunissait autour de lui ses justiciables et leur disait : Si vous ne votez pas dans tel sens, je vous rejoindrai plus tard, je vous condamnerai à l'amende, à la prison ; si le bourgmestre assemblait ses administrés et leur disait : Si vous ne votez pas pour tel candidat, le candidat ministériel, vous aurez affaire à moi, je vous ferai condamner, vous, cabaretier, si vous ne fermez pas votre cabaret en temps opportun, j'ai mille moyens de vous atteindre et de vous punir.

On trouverait la conduite d'un pareil bourgmestre, d'un pareil juge de paix, scandaleuse ; il n'y aurait pas assez de voix pour la flétrir.

Le clergé n'a pas l'amende et la prison à sa disposition, mais il a d'autres peines graves dont il peut menacer et qui sont beaucoup plus effrayantes pour certains esprits que l'amende ou la prison.

Eh bien, je dis que faire usage de la menace de ces peines, c'est mériter les reproches que nous serions en droit d'adresser au juge de paix et au bourgmestre qui useraient de leur autorité pour exercer une pareille intimidation.

Tout en regrettant pour le clergé lui-même, pour une partie du clergé, les excès auxquels il se livre eaux époques des élections, je suis convaincu que si l’état de choses actuel continue, le clergé se fera beaucoup de mal et il ne fera pas beaucoup de bien au parti catholique, de plus il ne fera aucun tort à l'opinion contraire.

L’'opinion libérale, en dépit de ces manœuvres, de ces violences, triomphe et continuera de triompher ; elle est pleine de confiance dans l'avenir: si on ne change pas de conduite, si on continue à se livrer en dehors de cette enceinte, à une polémique pleine de mensonge et d'outrage, successivement, l'opinion se disant conservatrice, perdra du terrain et verra beaucoup diminuer son influence ; beaucoup de braves gens ne voudront pas s'associer à un parti de cette espèce.

Je n'attache donc pas grande importance au projet de la section centrale, au point de vue de l'avenir de l'opinion que nous représentons. Je considère le principe déposé dans ce projet comme utile ; c'est une déclaration qu'il y a lieu d'aviser, de chercher à améliorer notre législation pour rendre nos élections plus sincères et plus libres. Voilà tout.

Mais à côté de ce projet nous en voyons surgir un autre qui a, lui, un caractère d'une toute autre importance.

Ce ne peut pas être un jeu de la part d'hommes aussi sérieux que MM. Malou et de Theux, de se dire : Parce que la section centrale aurait proposé blanc, immédiatement nous allons proposer noir. En suscitant une grosse affaire, en faisant une grosse menace nous allons forcer la Chambre à reculer devant une petite affaire.

Ce n'est pas à ce point de vue donc que je veux envisager la proposition de ces messieurs. Un pareil jeu serait un enfantillage.

Cette proposition est sérieuse, on a des motifs impérieux de la présenter : on sait, il est vrai, qu'elle ne peut-pas aboutir dans la situation actuelle de la Chambre, mais elle restera au rôle ; le procès se reproduira en temps opportun, quand on aura obtenu la majorité dans cette Chambre. Si on a la patience d'attendre jusque-là on n'est pas pressé, mais il est bon que nos amis y veillent ; quelque confiance que nous ayons dans l'avenir, il n'est pas écrit qu'il ne peut pas ramener le retour de nos adversaires ; et nous voyons ce qui est réservé au pays dans l'hypothèse où nos adversaires ressaisiraient le pouvoir ; nous aurions une réforme radicale. L'honorable M. de Theux, qui a l'habitude de se présenter comme un homme parfaitement conséquent, ne vient plus proposer l'élection au chef-lieu de canton, et non pas encore dans la commune, mais il choisit un milieu quelconque entre la commune et le canton, qui se rapproche beaucoup de l'élection à la commune.

L'honorable M. de Theux, à une autre époque, à l'époque des grands sentiments, des grandes idées où le sentiment national était très vivace, où l'esprit public était encore rempli des grands principes du Congrès, que disait l'honorable M. de Theux, en proposant le projet de loi électorale ? Je vais lire quelques lignes qui ont l'avantage de résumer en peu de mots la question de la manière la plus claire, la plus énergique.

« Quant à la réunion des électeurs, la commission a cru devoir la fixer aux chefs-lieux du district administratif ; les électeurs y trouvent plus de facilité pour s'éclairer sur leur choix, ils sont moins exposés à une influence de localité. »

- Voix nombreuses à gauche. - Ah ! ah !

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Voilà les deux grands arguments produits en faveur du vote au chef-lieu d'arrondissement, et c'est l'honorable M. de Theux, qui, au nom de la section centrale chargée de l'examen du projet de loi électorale, a fait cette déclaration. Je vais la relire.

Il me serait impossible de m'exprimer en termes plus clairs, plus précis.

(M. le ministre donne une nouvelle lecture du passage cité ci-dessus.)

Voilà, messieurs, les principes qui dominaient alors le Congrès, car c'est le Congrès lui-même qui nous a dotés de la loi électorale.

En 1848, messieurs, à cette époque d'entraînement, comme on la désignait tout à l'heure, à cette époque, pour le dire en passant, nous ne fûmes pas entraînés aussi loin que les amis de l'honorable M. de Decker, notamment eu ce qui concerne la réforme parlementaire, nous résistâmes alors aux amis de l'honorable M. de Decker, en ce qui concerne cette réforme.

Eh bien, à cette époque la question du vote au chef-lieu d'arrondissement a été de nouveau résolue, et voyez dans quelles circonstances ? Nous venions d'abaisser le cens électoral au minimum fixé par la Constitution. cette réforme avait pour effet d'introduire dans nos listes électorales un grand nombre d'électeurs nouveaux et surtout un grand nombre d'électeurs appartenant aux villes.

Et pourquoi, messieurs, cette réforme était-elle plus favorable aux villes qu'aux campagnes ? Par la raison bien simple qu'il y a dans les villes un nombre infiniment plus considérable de contribuables à 20 florins que dans les campagnes ; voilà de quoi les villes sont coupables envers les campagnes.

Mais, quand cette réforme qui par le fait était avantageuse aux villes a été introduite, n'était-ce pas le moment pour ceux qui se disent les défenseurs des campagnes de venir demander aussi un changement, une compensation pour les campagnes ? Personne, messieurs, à cette époque, ne demanda cette compensation ; personne ne vint invoquer les peines, les fatigues, les dépenses imposées aux habitants des campagnes pour aller voter au chef-lieu d'arrondissement.

Personne ne fit valoir alors aucune de ces considérations, et tel était alors l'esprit qui dominait la Chambre, que, pour qu’il n'y eût pas de mécompte, pour qu'il n'y eût pas de malentendu, la section centrale, dont l'honorable M. H. de Brouckere était rapporteur, interrogea le ministre pour lui demander si, dans l'opinion du gouvernement, la réforme électorale, en ce qui concernait le cens, devait entraîner un changement quelconque quant au lieu où le vote serait émis. Le gouvernement répondu que ces deux questions ne se liaient en aucune manière et que le vote continuerait d'avoir lieu au chef-lieu d'arrondissement.

La Chambre, non contente de cette déclaration et afin de consacrer de nouveau le principe politique et sage de 1831, le reproduisit dans la loi nouvelle de 1848. Et, messieurs, tout cela se fit du consentement unanime de la Chambre ; pas une voix ne s'éleva contre ; et l'on vient aujourd'hui réclamer, au nom des électeurs des campagnes !

Quels sont donc, messieurs, les inconvénients nouveaux qui devraient nous engager à faire en 1859 le contraire de ce qui a été fait en 1831 et eu 1848 ?

On parle de la nécessité d'épargner les fatigues aux habitants de la campagne. Est-ce que, par hasard, en 1859 les moyens de communication sont plus difficiles, plus coûteux qu'ils ne l'étaient en 1831 et en 1848 ? C'est précisément le contraire.

S'il y a eu, à certaine époque, des inconvénients résultant de l'éloignement des localités, ces inconvénients se sont singulièrement amoindris depuis ; ils continuent à s'amoindrir et bientôt, il faut l'espérer, ils auront presque entièrement disparu.

Ou a multiplié les travaux de la voirie vicinale, les grandes routes ; et il faut tenir compte surtout du grand moyen de réunir les électeurs en peu de temps et à peu de frais, le chemin de fer ; eh bien, en dernier lieu encore, le gouvernement, pour faciliter le déplacement des électeurs, a diminué de moitié le prix des transports. C'est, je crois, une bonne réforme, et peut-être pourrait-on la compléter en supprimant tout à fait le prix de transport des électeurs par chemin de fer, les jours d'élection ; le pays pour ait facilement supporter un pareil sacrifice

M. de Theux. - Et les chemins de fer concédés.

M. B. Dumortier. - Et ceux qui n'ont pas de chemin de fer du tout ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - On ferait ce qu'on pourrait quant au chemin de fer de l'Etat et ce serait déjà une grande amélioration. Ainsi, ce qui aurait pu se concevoir en 1831, en 1848 même, par suite de la difficulté de communications, se conçoit beaucoup moins, ne se conçoit même plus du tout en 1859.

Je citerai entre autres un arrondissement, l'un de ceux d'où partaient autrefois le plus de plaintes à ce sujet, l'arrondissement de Nivelles ; là il y avait de grandes distances à parcourir et il n'y avait pas de chemin de fer. Eh bien, depuis que les chemins de fer existent et que les diverses (page 980) localités de l'arrondissement sont reliées, nous ne recevons plus aucune plainte.

Maintenant on parle de la dépense.

Il s'est introduit une habitude qui, à ce qu'il paraît, grandit d'année en année dans certains districts et constitue un des abus les plus regrettables.

C'est celui d'indemniser l'électeur, sinon directement, au moins indirectement en lui donnant le moyen de se restaurer. Eh bien, cela est un inconvénient.

Il faudrait chercher à épargner aux candidats, surtout à ceux qui ne sont pas riches, ces frais qui deviendront inabordables, s'ils doivent aller grossissant.

Mais est-ce que la réforme, considérée par ce seul côté (et hors de là elle n'a pas de raison d'être), est ce que la réforme proposée par l'honorable M. Malou et l'honorable M. de Theux, obviera à cet inconvénient ? Est-ce que, quand les électeurs voteront dans vingt localités différents, on se croira autorisé à ne plus leur donner à boire et à manger ?

M. Malou. - Certainement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Voici ce qui arrivera. Vous faites un très mauvais cadeau aux candidats ; il n'est pas une ménagère qui ne trouve votre calcul très mauvais. Une ménagère trouve beaucoup plus d'économie à réunir ses convives en un seul dîner qu'à donner vingt dîners différents. Or, voici l'opération que vous faites : au lieu d'avoir un banquet sur un seul point, vous aurez des banquets sur vingt points différents. Je crois, qu'en bonne économie domestique, le remède serait pire que le mal ; que vous entraîneriez le candidat dans de nouvelles dépenses beaucoup plus considérables que celles d'aujourd'hui et qu'à ce point de vue encore votre réforme ne peut se défendre.

Evidemment on cherche un autre but, car quant aux inconvénients du transport, quant aux inconvénients des dépenses, ou ne peut pas sérieusement dire que la loi que l'on propose y pourvoirait.

Mais le but que l'on poursuit, pourquoi ne le dit-on pas ? Je vous ai dit le but du projet proposé par la section centrale ; je vous l'ai dit très clairement : dites donc le vôtre, déclarez que vous voulez retenir l'électeur sous l'empire de l'influence du curé, et tout sera dit. (Interruption.) Cela est évident, voilà ce que tous voulez.

Autrefois vous consentiez à le faire voter au chef-lieu de canton. Il paraît que c'était encore trop large. On a fait un calcul ; on a reconnu que ce procédé ne réussirait pas à tous les amis de l'honorable M. de Theux et de l'honorable M. Malou, on y a renoncé. On ne veut pas encore dire : Votons à la commune, votons dans la paroisse. Ceci avait été fait dans la loi communale ; l'honorable M. de Theux avait divisé les communes en paroisses ; c'était le fractionnement communal. On ne veut pas dire : Votons à la commune ; mais on dit : Votons dans quelque circonscription qui ressemble à la commune, réunissons deux ou trois communes.

Pourquoi voulez-vous cela ? Dites-le. Si vous reconnaissez que l'influence électorale du prêtre est légitime, dites que ce que vous voulez, c'est que cette influence s'exerce plus commodément. Alors nous serons en présence d'une déclaration pleine de franchise.

Voilà le but de votre projet de loi : C'est de tenir l'électeur sous l'influence directe du clergé.

Eh bien, sous ce rapport, le but de votre loi, je le déclare détestable au point de vue du clergé. Je dis que si vous donnez les mains à ces tendances du clergé à se mêler activement, violemment, de nos élections, vous concourez, sans le vouloir, à précipiter la ruine du clergé et de l'influence dont il doit jouir sur nos populations. Voilà à quel résultat vous arrivez.

Messieurs, conservons donc le vote au chef-lieu d'arrondissement. Conservons à nos élections le caractère politique et général que le Congrès a voulu leur attribuer. Ne faisons pas dégénérer nos élections, cette grande œuvre politique et nationale, en de misérables disputes de commune, de quartier, de paroisse.

Je ne mets pas en doute que le grande majorité de la Chambre ne repousse la proposition des honorables MM. de Theux et Malou. J'espère que cette fois elle restera longtemps avant de sortir de la tombe où nous allons renfermer avec beaucoup de soin. Mais je dirai aussi à nos amis : Ayons confiance dans toutes les populations du pays. C'est bien à tort qu'on nous représente comme voulant établir l'antagonisme et semer la division entre les habitants des villes et ceux des campagnes. A les entendre, les seuls amis des campagnes seraient dans le camp des soi-disant conservateurs ! Cela n'est pas la vérité.

Nous nous flattons d'avoir un grand nombre d'amis dans les campagnes. Nous avons dans les campagnes un grand nombre de gens éclairés qui remplissent très fidèlement leurs devoirs de catholiques, mais qui retrouvent parfaitement leur indépendance, quand ils sont sur le terrain politique.

Il est des provinces entières où le clergé, par bonne volonté ou par nécessite, s'abstient de jouer un rôle actif dans les élections ; elles n'en soin pas moins restées très bonnes catholiques. Je citerai la province de Liège. La loi proposée par la section centrale est complétement inutile pour cette province. Croyez-vous que Bruxelles désire cette loi ? Mais elle sera incommode pour les électeurs de Bruxelles. Aujourd'hui, les électeurs de Bruxelles votent chacun dans leur quartier. Si vous les faites voter par ordre alphabétique général ils auront de longues courses à faire dans Bruxelles. C'est ce que me faisait encore observer hier un électeur de la capitale.

La loi n'est pas du tout réclamée par les nécessités électorales de l'arrondissement de Bruxelles. J'en dirai autant de la plupart de nos grands arrondissements électoraux, pourquoi ? Parce que les environs de nos grandes villes sont peuplés d'habitants éclairés, d'habitant indépendants, excellents chrétiens, je le répète, mais ayant aussi assez de caractère pour ne pas croire qu'il est au pouvoir d'un prêtre de les condamner à des peines éternelles parce qu'ils auront voté dans tel ou tel sens.

Nous comptons, dans nos campagnes, un grand nombre d'électeurs libéraux, indépendants, qui sont nos amis, dont nous sommes les amis, et qui savent très bien que les campagnes sont plus intéressées encore que les villes à ce que le pays soit placé sous un régime libéral. Les campagnards comprennent cela parfaitement et le comprendront mieux de jour en jour.

Ainsi nous n'avons pas à nous défier des paysans, comme on les nomme.

Nous aimons les paysans et nous voyons avec plaisir que les paysans, de jour en jour, aiment davantage les libéraux, malgré toutes les affreuses histoires qu'on leur débite sur le compte des libéraux.

M. B. Dumortier. - Exactement comme vous venez d'en raconter à cette tribune sur le compte du clergé.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Voulez-vous que j'entame l'histoire des violences morales exercées par le clergé ? Elle sera longue. J'en ai tout un portefeuille rempli. C'est de notoriété publique.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous vous plaignez de notre modération.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Voulez-vous que nous animions davantage le débat ! Je veux rester aussi modéré que possible, sans mériter cependant l'accusation de l'honorable M. de Decker, de manquer de fermeté.

Messieurs, je borne là mes observations. J'ai dit dans quel sens je me ralliais au principe du projet de loi dont la section centrale a pris l'initiative.

Je trouve le principe acceptable. Je crois que le moyen indiqué peut avoir de bons résultats dans un certain nombre de districts. Mais ce n'est pas le seul moyen, :i faut en trouve d'autres, si nous voulons porter remède au mal général dont on se plaint. Eh bien, je me propose de rechercher ces moyens, et lorsque que je les aurai trouvés je m'empresserai de les apporter à la Chambre.

M. Lelièvre. - Je crois devoir exposer en peu de mots mon opinion sur l'amendement proposé, ayant pour objet de changer les circonscriptions électorales actuellement existantes.

Je pense que le système en vigueur est préférable à tous égards et que tout fractionnement du corps électoral est propre à produire de fâcheux inconvénients.

Ne perdons pas de vue d'abord que quand l'élection a lieu au chef-lieu d'arrondissement, les électeurs sont mis à même de se concerter entre eux sur les choix à faire.

Dans un pays jouissant de libres institutions, il importe que tous les citoyens qui sont appelés à prendre part à une œuvre commune soient mis en contact immédiat les uns avec les autres afin de s'éclairer mutuellement et d'imprimer ainsi au jugement du corps électoral le caractère d'unité qui en forme toute la valeur.

La décision rendue sous ce rapport n'a une importance réelle que lorsqu'elle est le résultat pour ainsi dire d'une délibération commune, ou tout au moins d'une réunion qui a permis à tous les citoyens de se concerter sur le meilleur parti à prendre

C'était là effectivement le motif qui, en 1831, engageait l'honorable comte de Theux à adopter le chef-lieu d'arrondissement comme siège de l'élection.

On connaît du reste les inconvénients qu'a produits la loi sur le fractionnement en ce qui concerne les élections communales.

Or, les mêmes inconvénients s'accroîtraient encore s'il s'agissait d'élections générales.

N'est-il pas vrai qu'il serait bien plus facile de pratiquer des fraudes que tous les partis doivent blâmer ?

Ainsi on répandrait des annonces fausses et mensongères que les candidats ne seraient pas à même de démentir.

D'un autre côté les fraudes pourraient être mises en œuvre avec plus de facilité, quand il s'agit de réunions peu nombreuses d'électeurs sur lesquels on sera plus à même de faire peser des influences illégitimes.

Ainsi, nous sommes tous d'accord qu'il est important d'assurer le secret du vote, et de garantir ainsi la liberté et l'indépendance de l'électeur.

(page 981) Or, nul doute que si nous adoptions les circonscriptions électorales comme on le propose, les inconvénients actuellement existants seraient singulièrement aggravés.

On adopterait vainement le vote par lettre alphabétique ou toute autre mesure ; le nombre très restreint des électeurs et l'endroit où ils seraient appelés à voter faciliteraient la surveillance de certains individus exerçant une influence que tout le monde considère comme un véritable abus.

Ce n'est pas tout, il s'établirait entre les électeurs des campagnes et des villes un véritable antagonisme qui serait loin d'être utile à l'élection.

Chaque réunion voudrait avoir son représentant, tandis qu'il est important de convaincre les électeurs urbains et campagnards que leurs intérêts dans l'élection se confondent et qu'ils doivent se réunir pour faire, dans l’intérêt du pays, les choix qu'ils croient les plus utiles au bien-être général.

D'un autre côté, en cas de ballottage, ce qui est assez fréquent dans certains arrondissements, les électeurs devraient de nouveau être convoqués, ce qui non seulement donnerait lieu à de nouveaux déplacements mais à de nouvelles agitations électorales qu'il ne faut pas, à mon avis, renouveler trop souvent.

Du reste je ne vois guère d'utilité à admettre aujourd'hui des changements aux circonscriptions électorales.

Il y a bientôt 29 ans que le système d'élection au chef-lieu d'arrondissement a été introduit ; il a ainsi fonctionné lorsque les communications entre les villes et les campagnes étaient d'une difficulté extrême ; et aujourd'hui que le pays est sillonné de routes et de chemins de fer, aujourd'hui que les communications entre les communes et le chef-lieu d'arrondissement sont en général aussi faciles qu'entre les communes et le chef-lieu du canton, nous changerions un ordre de choses qui a produit d'excellents résultats, pour lui substituer un régime qui doit donner lieu à des abus inconnus jusqu'à ce jour !

Je dis que le système en vigueur a produit de bons fruits. N'est-il pas vrai en effet qu'il a eu pour conséquence de maintenir l'ordre et nos institutions libérales ?

Les deux grandes opinions qui divisent le pays ne sont-elles pas arrivées au pouvoir au temps marqué par le mouvement de l'opinion publique. N'est-ce pas ce régime qui a préservé le pays des catastrophes funestes qui ont désolé d'autres contrées ? Pourquoi donc introduire des innovations sans la moindre nécessité ?

Du reste, l'amendement proposé introduit un système de division et d'isolement que les amis de nos institutions ne peuvent approuver.

Les villes sont le foyer de la civilisation et des lumières. Il ne faut donc pas empêcher les habitants des campagnes de venir s'y éclairer sur l'état de l'opinion publique ; cela est essentiel dans l'intérêt de l'ordre public et de nos institutions.

A ce point de vue l'élection se fera bien plus convenablement au chef-lieu de l'arrondissement qu'ailleurs, et sur ce point nous avons en notre faveur l'opinion d'un conservateur éminent, l'honorable comte de Theux.

Mais l'amendement que nous combattons donnerait lieu à des anomalies qu'il est impossible d'admettre.

Quels seraient les présidents de ces réunions diverses et à combien d'irrégularités ces opérations multipliées que des hommes instruits ne pourraient diriger ne manqueraient-elles pas de donner lieu ? Un nombre considérable d'élections seraient certainement annulées pour vices de forme.

Ce que du reste on perd de vue, c'est que la loi ne doit pas tant avoir en vue l'intérêt de l'électeur que celui de l'élection ; il ne faut pas que dans la vue d'accorder aux électeurs certaine facilité de voter, l'on sacrifie les grands intérêts de l'élection elle-même.

Il faut avant tout assurer la sincérité de l'élection, parce que celle-ci doit révéler le véritable état de l'opinion publique, base du gouvernement représentatif. Or, nul doute que le vote au chef-lieu d'arrondissement ne soit plus propre à produire ce résultat que des élections partielles, émanées de réunions particulières et isolées à qui on n'a pas permis de se mettre en communication avec d'autres centres pour émettre une seule et même résolution.

C'est le contact des hommes entre eux qui fait jaillir la lumière. La division et l'isolement n'ont jamais rien produit de grand ni d'utile.

Je pense donc que nous devons maintenir le système en vigueur, qui a pour lui l'expérience et qui a permis à la Belgique de s'élever au degré de prospérité qu'elle a atteint.

Du reste, j'applaudirai à toute mesure qui tendra à faire disparaître efficacement ces abus qui portent atteinte à la liberté et à l'indépendance de l'électeur.

Si nous voulons assurer l'avenir du gouvernement parlementaire, il est essentiel que le gouvernement soit une vérité Or, ce résultat ne peut être atteint qu'au moyen d'un système électoral fondé sur le juste et la réalité des choses.

D'un autre côté il existe d'autres abus qu'on ne peut laisser subsister. C'est ainsi qu'aujourd'hui il se fait des dépenses considérables qui rendent pour ainsi dire les élections vénales et qui sont contraires à la dignité des élus non moins qu'à celle des électeurs.

Cet ordre de choses ne peut plus être maintenu,' il a pour conséquence de dénaturer nos institutions démocratiques et de faire de l'avènement à la représentation nationale le privilège de la richesse.

Ce régime joint à l'extension exagérée des incompatibilités résultant de la loi de 1848, rendra inaccessible aux capacités sans fortunes l'accès aux Chambres législatives où, dans un temps peu éloigné, ne siégeront plus que les rentiers et les grands propriétaires. J'appelle sur le point l'attention particulière du gouvernement. Je n'en dirai pas davantage pour le moment, me réservant d'énoncer mon opinion sur les points qui feront l'objet d'une discussion ultérieure.

M. de Theux. - Messieurs, au grief le plus grave, le mieux fondé, le mieux prouvé, auquel tous les gouvernements à élections ont fait droit dans tous les pays, sans aucune exception, à ce grief l'honorable ministre de l'intérieur répond par des plaisanteries... (Interruption)... par des plaisanteries, je regrette de le dire, qui n'en ont pas même le mérite, par des accusations violentes et injustes.

Messieurs, la loi de 1848, qui a abaissé le cens uniformément à 20 florins, a eu incontestablement pour but d'appeler un plus grand nombre de citoyens à prendre part aux élections ; la loi qui est en discussion a pour objet, au contraire, d'éloigner un grand nombre d'électeurs du scrutin. Voilà, messieurs, le caractère vrai de la loi.

On nous reproche d'avoir déposé un projet de loi tendant à faciliter l'exercice du droit électoral. On nous reproche de modifier à la loi de 1831 à laquelle nous avons concourus.

Je n'éprouve, messieurs, aucune espèce de difficulté à répondre D'abord, le Congrès national avait été élu d'après le mode consacré par la loi de 1831. C'était le commencement de ce mode d'élection dans le pays. Pour le Congrès national il y avait eu même des réunions préparatoires dans plusieurs collèges.

Nous avons cru de bonne foi que le système des réunions préparatoires allait continuer à être suivi, que l'on continuerait à discuter le mérite des candidats, à entendre l'exposé de leurs principes. Illusion.

L'expérience a prouvé que les listes de candidats sont arrêtées d'avance par des comités électoraux et qu'il ne se perd pas de suffrages. A chaque élection tout est combiné d'avance ; la liste est arrêtée, l'électeur rural l'apporte de son village, l'électeur de la ville l'apporte de son foyer.

Il y a plus, il existe des associations électorales où l'on s'engage à voter pour les candidats qui ont été adoptés par le comité. L'élection est donc faite d'avance et il est inutile que les électeurs sn rendent au chef-lieu d'arrondissement pour se concerter.

Nous nous sommes trompés sur ce point et je le regrette. J'eusse mieux aimé que les choses se fussent pratiquées comme elles s'étaient pratiquées pour l'élection du Congrès national.

On a invoqué contre nous la loi de 1831. Eh bien, rétablissez la loi de 1831 et nous ne ferons point de réclamation. Mais vous avez détruit la loi de 1831 dans une de ses bases essentielles en décrétant l'uniformité du cens et aujourd'hui vous réclamez la stricte exécution de cette loi !

Oh ! dit-on, en 1848 vous avez vous-mêmes maintenu l'élection au chef-lieu d'arrondissement. D'abord, messieurs, j'ai dit qu'en l'absence de statistiques je n'étais point certain des résultats de l'abaissement uniforme du cens à 20 florins. En second lieu la loi était introduite sous l'influence des événements de la révolution de 1848, qui se propageait partout et dont on faisait craindre le contre-coup en Belgique même.

Nous avons vu le gouvernement très effrayé qui venait nous apporter, contrairement à l'opinion de certain de ses membres, contrairement à l'opinion du plus influent de ses membres, un projet de réforme électorale. Ce projet n'a pas été discuté, il a été voté comme sont votées les grandes mesures politiques que le gouvernement présente au nom du salut public. Voilà la vérité ; elle n'est pas autre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il n'y a pas eu de réserve. La Chambre a consacré de nouveau le principe du vote au chef-lieu d'arrondissement, elle l'a consacré d'une manière formelle.

M. de Theux. - M. le ministre de l'intérieur vient soulever de nouveau la question qui nous a occupés l'autre jour, la question de savoir si un orateur peut être interrompu par un ministre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demande la parole pour nu fait personnel.

M. de Theux. - On nous dit, messieurs, que le fractionnement des collèges électoraux en petites circonscriptions donnerait lieu à des ballotages et par conséquent à des convocations nouvelles des électeurs..

Mais, messieurs, les ballottages ne seraient pas plus fréquents qu'aujourd'hui. Le concert s'établirait d'avance comme aujourd'hui. En admettant qu'il y ait de temps en temps un ballottage, ne vaut-il pas mieux, pour les électeurs, de se déplacer à une petite distance pour assurer l’efficacité de leur vote en faveur du candidat de leur choix, que de voir, comme (page 982) aujourd'hui, ce candidat éliminé dans un ballottage qui se fait en l'absence d'une partie des électeurs et au milieu du désordre auquel donne toujours lieu un scrutin sans résultat ? Et ici, messieurs, je réponds à l'honorable M. Lelièvre qui insiste sur la nécessité d'assurer de bonnes élections ; je dis que les bonnes élections sont assurément celles que la majorité des électeurs désire.

A chaque élection partielle (et elles sont très nombreuses), les électeurs les plus éloignés, dans les grands collèges, ne se rendent pas au scrutin. A Bruxelles, par exemple, ce n'est pas la peine d'aller prendre part à l'élection d'un représentant ou d'un sénateur quand il n'y a qu'une seule place vacante.

Il en est de même dans la plupart des localités. Il s'ensuit donc qu'aux élections partielles le collège électoral n'est représenté que par une petite fraction des électeurs.

Dans le cas d'annulation d'une élection, voici ce que nous avons vu pour un de nos honorables collègues. L'élection a été annulée ; il a été élu à la deuxième élection, mais il a dû faire des frais énormes, tellement énormes, qu'il s'est mis dans l'impossibilité de se représenter dans l'avenir.

Messieurs, on conçoit quelle répugnance éprouve l'électeur, lorsqu'une élection est annulée, à se présenter de nouveau au bureau électoral, parce qu'il n'est pas même assuré que la seconde élection sera plus valable que la première. Rien n'est plus facile que de pratiquer des cas de nullité dans les élections, lorsque les élections sont disputées à quelques voix près. Voilà encore un cas où la volonté de l'arrondissement n'est plus suivie.

Voici un troisième cas beaucoup plus grave ; je veux parler de la dissolution des Chambres. M. le ministre de l'intérieur nous disait dernièrement, lorsqu'on lui reprochait d'avoir fait seul les dissolutions des Chambres : « Vous pouviez en faire autant. »

Nom, messieurs, le parti conservateur ne peut pas en faire autant ; et cela pour une bonne raison : c'est que les candidats conservateurs sont exposés à devoir transporter et chercher un très grand nombre d'électeurs et que de là résulte pour eux une dépense énormissime.

Autre inconvénient. Il s'agit d'une dissolution hivernale ; vous pouvez faire une dissolution aux mois de décembre, janvier ou février ; mais comme la température est très variable, vous ne risquez rien vous autres ; si les électeurs ruraux ne peuvent pas venir, vous faites l'élection avec le concours du chef-lieu.

Je vais plus loin, je dis qu'il n'y a pas là seulement une injustice, car toutes les parties du pays ont un droit égal à courir, dans les mêmes conditions, les chances électorales, je dis qu'il y a encore une atteinte de fait à la prérogative royal qui n’est libre de s'exercer dans beaucoup de circonstances, qu'au profit d'une seule opinion. Voilà les conséquences vraies et pratiques de notre système électoral On dit : « Vous vous plaignez des frais auxquels donnent lieu les élections ; avant 1848, on s’en plaignait moins. »

Cela est exact ; mais il y a pour cela plusieurs bonnes raisons, la pratique de transporter les électeurs et de les défrayer au chef-lieu a pris des proportions très larges. Depuis 1848, le nombre des électeurs est beaucoup plus grand ; malgré les facilités de communications, les dépenses de transport sont bien plus considérables ; les défrayements sont devenus aussi beaucoup plus dispendieux ; et cela se conçoit aisément : le luxe et l'aisance ont fait des progrès ; les électeurs qui, avant 1848, se contentaient d'un char à bancs, doivent avoir aujourd'hui une voiture suspendue ; et ceux qui, à cette époque, se montraient satisfaits d'un déjeuner, exigent actuellement de bons dîners.

Ce sont là aujourd'hui les mœurs électorales, et ces mœurs, vous ne les changerez pas ; vous ne pourriez pas réduire les électeurs à la mince pitance qu'on leur donnait autrefois !

Les élections sont devenues plus vives ; les électeurs vous disent : « Vous tenez à ce que votre candidat réussisse ; faites-en la dépense ; nous, nous sacrifions notre temps ; nous négligeons nos intérêts ; nous supportons des fatigues, mais nous ne voulons pas dépenser de l'argent. »

Voilà la vérité dans toute sa simplicité Toutes vos réflexions morales, philosophiques et économiques ne changeront rien à cet état de choses.

« Mais, dit M. le ministre de l'intérieur, au lieu de donner un dîner collectif dans le chef-lieu d'arrondissement, vous serez obligés d'en donner plusieurs, si les élections sont fractionnées. Peu importe le nombre d'électeurs, n'est-il pas toujours le même ? qu'on les défraye ensemble au chef-lieu ou séparément dans de petites localités, la dépense ne sera-t-elle pas la même ? »

Mais l'objection n'est pas sérieuse ; elle n'a aucun fondement. Dans le système des bureaux à petite circonscription, vous n'avez aucuns frais de transport et de déplacement.

Dans ce système encore il ne peut jamais y avoir immédiatement lieu à ballottage.

L'électeur peut être rendu au bureau électoral à 9 heures du matin ; après avoir déposé son vote, il retourne chez lui, en attendant une nouvelle convocation, si un ballottage doit avoir lieu. Voilà donc des causes réelles de dépenses mises à néant ; plus de frais de transport et de séjour ; dans cet ordre d'idées, pas plus de dépenses pour les électeurs ruraux qu'aujourd'hui pour les électeurs des chefs-lieux.

Les élections cantonales sont une nouvelle preuve de ce que j'avance. Il est infiniment rare que les élections cantonales donnent lieu à des dépenses.

« Mais, dit-on, ce système va faciliter l'oppression des électeurs. » Crainte vaine. Dans les élections cantonales, l'électeur est-il moins libre que dans les élections d'arrondissement ? En aucune manière. Dans les élections communales, l'électeur est-il moins libre ? Nullement !

Le système d'élections par canton est en usage depuis 1836 pour les élections provinciales ; et il est bien rare qu'on entende parler de dépenses extraordinaires ou de violences morales ou autres, exercées dans les bureaux électoraux.

Messieurs, savez-vous une autre conséquence des dépenses électorales, à laquelle vous avez peut-être peu réfléchi ? On a dit : « Mais ce système favorise les candidats qui ont de la fortune, et il exclut les candidats qui ont seulement du mérite personnel, parce qu'ils ne sont pas disposés à risquer des sommes considérables, avec l’incertitude de l'emporter. »

Messieurs, ceci est une affaire de candidats. C'est le petit côté de la question ; mais le grand côté de la question, c'est que cela empêche les arrondissements électoraux d'être représentés selon leurs vœux, parce que les électeurs sont bien obligés de porter leurs suffrages sur le candidat qui se présente et non pas sur celui qui ne se présente pas ; il n'y a aucune chance de faire passer le candidat qui n'est pas disposé à maintenir la lutte électorale avec toutes ses conséquences. Ainsi les arrondissements électoraux sont réellement, dans bien des cas, privés des représentants qu'ils désireraient, avant tout, de voir arriver à la Chambre.

Voilà, je pense, un ensemble de conséquences assez sérieuses pour nous permettre de blâmer le système électoral qui est en vigueur.

Dans tous les pays on a aboli les grands collèges électoraux ; la Belgique est la seule contrée qui ait des collèges nommant cinq, six, sept et jusqu'à 10 représentants.

De là deux difficultés : difficulté de choix pour les électeurs qui, dans un aussi grand arrondissement, ne connaissent aucun des candidats auxquels ils voudraient de préférence accorder leurs suffrages ; difficulté de se concerter ; de là aussi l'annulation réelle et de fait de toute influence pour ceux qui n'appartiennent pas aux grands centres de population dans les grands arrondissements.

Dans les autres pays, on a établi de petits collèges électoraux, afin de faciliter le choix, pour que la représentation de tous les intérêts soit réelle, pour que l'électeur ne soit pas obligé à un grand déplacement. Voulez-vous un exemple frappant ? La Hollande, c'est bien un pays d'ancienne liberté ; le régime représentatif y était en vigueur avant qu'il fût établi en Belgique ; eh bien, on 1848, on a fait une réforme en Hollande, dans quel sens ? Dans le sens dont nous préconisons les avantages. Les grandes villes forment une circonscription électorale, et les autres communes sont réunies pour une population de 40 mille âmes et divers bureaux placés chacun dans des communes différentes, à la convenance des électeurs. Nous admettons un fractionnement moins considérable, de plus nous laissons subsister le nombre de représentants par arrondissement tel qu'il existe.

M. Devaux. - Vous plaidez contre votre proposition.

M. de Theux. - Je ne réclame pas tout ce que je pourrais réclamer au nom de la justice et de l'équité, je ne réclame qu'une justice partielle, ce n'est pas à dire pour cela que je plaide contre ma proposition.

C'est le ministre le plus libéral de la Hollande M. de Thorbeke qui a établi cette réforme. Comment cet homme libéral, éclairé et juste l'a-t-il introduite ? En Hollande il y a deux populations, l'une catholique, l’autre protestante ; la population protestante est beaucoup plus considérable par la force numérique et par la richesse.

Eh bien M. de Thorebeke s'est-il laissé aller à l'esprit de parti ? En aucune manière, il a introduit la réforme de telle façon que tout le monde l'a acceptée et qu'elle fonctionne de la manière la plus simple et sans embarras.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - On se plaint aussi !

M. Coomans. - Sans plainte aucune.

M. Devaux. - Les plaintes sont générales !

M. Coomans. - Je lis les journaux hollandais, je n'y ai trouvé aucune plainte.

M. de Theux. - Je ne puis pas continuer si on persiste à l’interrompre.

M. Devaux. - Nous répondons à M. Coomans.

M. de Theux. - Je prie M. Coomans et M. Devaux de ne pas m'interrompre.

On m'a reproché d’avoir présenté en 1842 un article qui fractionnait les collèges pour les élections municipales dans les communes supérieures à 12 mille habitants ; j'ai des excuses très plausibles, très raisonnables ; le fractionnement existe en Angleterre et en France ; comment a-t-il été introduit ici ?

(page 983) Le gouvernement se plaignait de n'avoir pas assez de latitude pour le choix des bourgmestres ; cela provenait de ce que le conseil était élu sur une seule liste électorale, les membres sont tous de la même opinion et l'on convenait quelquefois d'avance qu'aucun des élus n'accepterait les fonctions de bourgmestre et d'échevins hormis tel et tel ; la prérogative royale se trouvait paralysée.

Mais, me dit-on, ce fractionnement n'a pas eu les résultats que vous attendiez ; vous espériez que quelques hommes de votre opinion pourraient entrer dans le conseil communal ; il est à désirer qu'il en soit ainsi, que toutes les opinions d'une grande commune soient représentées dans le conseil ; au lieu de cela il y est arrivé des libéraux plus avancés que nous.

Voilà de quoi justifier le retrait de la loi du fractionnement. Je demanderai combien de libéraux avancés sont entrés dans les conseils communaux depuis 1848, date du rétablissement du vote homogène ? Dans une ville comme Bruxelles qui exige que l'habitant mette toujours sur sa liste seize noms, est-il possible que chacun connaisse 16 personnes capables de représenter dans les communes ses intérêts, ses opinions ? N'est-ce pas plus difficile que si chaque fraction de la commune choisit son représentant ? J'ai encore la conscience très nette à cet égard, car je suis convaincu que si on n'avait pas fait du fractionnement une question de parti, il eût fonctionné au grand avantage de nos grandes communes.

Nous verrons si le système actuel renforcé de la disposition relative aux débitants de boissons distillées, produira de grands résultats pour nos communes. J'attendrai ce résultat ; ce sera, j'en suis convaincu, un moyen pour moi d'attaquer les adversaires qui m'attaquent aujourd'hui.

J'en reviens à notre proposition pour l'élection aux Chambres.

Dans les petits collèges, dit-on, l'indépendance de l'électeur sera beaucoup moindre qu'aujourd'hui, tandis qu'avec le système proposé par la section centrale elle sera plus absolue. S'il ne s'agit que des bulletins colorés, nous avons déjà annulé une élection faite de cette manière, où les bulletins déposés pouvaient être reconnus. Le bulletin plié, dit-on, sera reconnu à sa forme extérieure. Mais si on donne un bulletin plié à un électeur, qui l'empêchera de prendre un autre bulletin, d'y inscrire un autre nom, de le plier de la même manière que celui qu'on lui aura remis ? La même chose pourra se faire pour un bulletin écrit sur un papier colorié, on ne saurait pas si la personne à qui on l'a remis a changé le nom.

Là où la pression s'exerce, où elle s'exerce en grand et bien plus par nos adversaires que par nos amis, c'est dans le mode de désigner le candidat ; c'est par le contenu du bulletin qu'on reconnaît l'électeur ; j'ai assisté à une élection pour laquelle les conservateurs n'avaient contraint aucun électeur, tandis que le parti libéral avait largement usé de ce moyen.

Eh bien, il était facile de reconnaître les électeurs contraints à la lecture du bulletin ; le nom du même candidat se présentait avec de telles variantes que ceux qui avaient imposé les bulletins pouvaient savoir si le bulletin donné était sorti.

Voilà la pratique que je voudrais détruire. M. Tack a indiqué divers moyens, on ne s'en occupe pas ; on ne s'occupe que de combattre l'influence morale du clergé.

Je dis que le remède indiqué par la section centrale sera complétement inefficace.

Il n'aura d'autre effet que d'exposer les hommes paisibles, ayant peu la pratique de luttes politiques, à être surpris et circonvenus au milieu de la foule où ils se trouveront. Voilà le seul effet qu'aura votre loi, et c'est ce que l'honorable M. de Decker a parfaitement démontré. Je ne cherche pas les intentions ; je signale le résultat inévitable de la loi et cela est certes mon droit.

M. le ministre de l'intérieur a fini par une tirade ou plutôt par une véritable charge contre le clergé. L'influence du clergé, dans les affaires publiques a été poursuivie à d'autres époques encore, messieurs.

Sous le royaume des Pays-Bas, en 1825, c'était aussi au clergé qu'on en voulait. On faisait venir ici des écrivains expulsés de leur pays ; on les soldait pour écrire contre le clergé, et c'est à peine si dans les chambres des états généraux il y avait 5 ou 6 membres qui eussent le courage de défendre la cause de la liberté religieuse. Voilà donc le beau idéal.

Il n'y avait alors ni liberté d'association, ni liberté d'enseignement, c'est à peine s'il existait encore quelques rares séminaires, mais, en revanche, il y avait un collège philosophique.

Eh bien qu’est-il résulté de tout cela ? C'est qu'au bout de deux ans, l’opinion catholique opprimée, aidée par une fraction de l'opinion libérale opprimée elle-même, a obtenu plusieurs concessions du gouvernement : le concordat de 1827 a succédé aux arrêtés de 1825, un arrêté sur la liberté de l’enseignement a été pris en 1828 ou 1829, un projet de loi assez satisfaisant fut même présenté à cette époque.

Des circonstances difficiles sont survenues qui ont amené l'émancipation de la Belgique et ceux qui étaient au pouvoir alors ne se sont plus trouvés ni dans le gouvernement belge, ni dans le Congrès, ni dans les Chambres. Mais ça été une autre fraction du parti libéral qui a concouru à faire cette Constitution dans laquelle sont déposés tous les grands principes de liberté dont nous jouissons.

Eu France, des faits analogues se sont produits. Nous avons vu également le même parti, qui était dans la chambre des députés et dans la chambre des pairs, s'attaquer constamment à l'influence du clergé, lui refuser la liberté de l’enseignement, l'un de ces grands griefs qui ont fait la gloire de M. de Montalembert, dont vous avez dû admirer comme nous la courageuse franchise dans bien des circonstances. Eh bien, sont survenus les événements de 1848, qui semblaient si menaçants pour les intérêts religieux, et cette assemblée législative, que l'on redoutait si fort, a voté des lois qui ont garanti la liberté religieuse beaucoup plus qu'elle ne l'avait été en France depuis des siècles.

Vous voyez donc bien qu'il ne faut pas penser qu'on puisse, par une loi quelconque, par une majorité quelconque, opprimer longtemps un si grand intérêt

Je me rappelle d'avoir dit en 1846, alors qu'on attaquait encore l'opinion à laquelle je me ferai toujours honneur d'avoir appartenu et d'appartenir : Vous arriverez au pouvoir, je n'en doute pas ; c'est prévu depuis longtemps mais plus tard vous reconnaîtrez la nécessité de compter avec ce grand élément social dont aucun Etat civilisé ne peut se passer.

En Belgique, en France, depuis la révolution de février, et je dirai même aujourd'hui dans le royaume de Hollande, la liberté religieuse est beaucoup plus grande qu'elle ne l'était autrefois, ce qui prouve que ce grand élément social ne peut jamais être impunément attaqué et sacrifié.

M. le ministre de l'intérieur voudra bien reconnaître que dans les pays de liberté, tels qu'ils sont généralement constitués aujourd'hui, la liberté ne peut avoir de chance de durée si la société y est privée des éléments religieux.

Ou nous dit : Ne comptez pas sur les campagnes, elles font chaque jour de grands progrès. Eh bien, messieurs, vous seriez peut-être les premières victimes de ce progrès que vous annoncez dans l’avenir et vous viendriez probablement réclamer plus tard cet élément dont on veut aujourd'hui anéantir la force morale, en n'appliquant pas franchement les grands principes de liberté consacrés par notre Constitution.

J'ose le dire, messieurs, j'ose faire appel à tous les souvenirs de l'époque, si l'on n'avait point eu en 1830 la garantie de faire une Constitution pour un peuple éminemment religieux, jamais on n'aurait osé affaiblir le pouvoir exécutif comme on l'a fait.

On aurait alors constitué un pouvoir fort, parce qu'un pays comme le nôtre a besoin d'un pouvoir fortement constitué ou d'une force morale puissante. Quant à nous, nous avons toujours préféré la force morale à la force matérielle et toujours, en toutes circonstances, j'ai voulu que le pouvoir exécutif fût nanti de la force nécessaire pour faire respecter la Constitution, pour faire régner l'ordre partout, pour garantir et faire respecter la liberté de chacun.

J'ai voté pour la création d'un pouvoir judiciaire inamovible, parce que là, messieurs, réside encore une très grande garantie pour tous les intérêts. Lorsqu'on s'est plaint de la loi de vendémiaire sur les pillages, je me suis en toutes circonstances opposé à ce que le gouvernement intervînt dans les frais qui auraient été occasionnes aux villes par des actes de cette nature et je me suis surtout opposé à ce qu'on supprimât cette loi de vendémiaire qui, dans un Etat de liberté, est une garantie essentielle d'ordre public.

Les principes que j'ai exposés aujourd'hui, je les crois vrais, utiles à mon pays et l'on me trouvera toujours prêt à les défendre aussi longtemps que j'aurai l'honneur d'appartenir à cette Chambre.

M. le président. - La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

- Plusieurs voix. - A demain !

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je désirerais cependant répondre immédiatement au discours de l'honorable préopinant.

M. le président. - La parole est à M. le ministre de l'intérieur pour un fait personnel.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'aurais désiré que l’honorable M. de Theux, fidèle à la politesse dont il s'attribue le monopole, eût eu la bonté de réfuter un adversaire sérieux par des raisons sérieuses. Je constate que l'honorable M. de Theux a dit ceci : que dans un discours qui avait duré une heure « je n'avais fait valoir que de mauvaises plaisanteries. »

M. de Theux. - Je n'ai pas dit : « que de mauvaises plaisanteries » ; j'ai dit : « de mauvaises plaisanteries. »

(page 984) M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Vous avez dit : « mauvaises plaisanteries. » Voilà comment l'honorable M. de Theux a résumé le discours du ministre de l'intérieur ; je fais un appel aux sentiments de justice de la Chambre et j'espère que la majorité aura trouvé dans mon discours autre chose que de mauvaises plaisanteries.

L'honorable M. de Theux a parlé de gens qui aboyaient au cléricalisme. Je demande si l'expression est parlementaire.

Je ne veux pas en dire davantage ; je pourrais dire à l'honorable M. de Theux, que je ne répondrai pas à son discours qui, sous des apparences très modérées, est très violent ; qui, sous des apparences sérieuses, est un tissu de niaiseries. Mais je me bornerai à ces simples observations ; je ne veux pas récriminer contre l'honorable membre.

M. de Theux. - Je ne relèverai pas l'épithète de niais que M. le ministre de l'intérieur attribue à mes arguments. Les membres de l'assemblée et ceux qui me liront en jugeront.

Quant à ce qu'il a dit que je lui aurais appliqué ces mots : « aboyer au clérical », telle n'a pas été ma pensée, je n'ai pas fait allusion à M. le ministre de l'intérieur. J'ai reproduit une expression que j'ai souvent entendu appliquer à certains folliculaires.

- La séance est levée à cinq heures et quart.