Séance du 01 avril 1859
(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)
(page 843) (Présidence de M. Verhaegen.)
M. de Boe fait l’appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Moor lit le procès-verbal de la séance précédente.
- La rédaction en est approuvée.
M. de Boe présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Des débitants de boissons distillées à Iseghem demandent l'abrogation de la loi du 1er novembre 1849, relative au droit de patente sur leur débit. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
< Des fabricants et négociants à Thielt demandent l'institution d'un conseil de prud'hommes en cette ville. »
- Même décision.
M. Lelièvre. - J'appuie la pétition, et je prie M. le ministre de l'intérieur de bien vouloir doter la ville de Namur de la même institution.
« Le bourgmestre de la commune de Sohier demande l'érection d'un vicariat pour la section de Sohier. »
- Même décision.
« Des habitants de Pontillas prient la Chambre d'introduire, dans les élections à tous les degrés, le vote par lettre alphabétique. »
« Même demande des membres du conseil communal de Sottegem et d'habitants de Fosses et du canton de Diest. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi concernant une nouvelle répartition des représentants et sénateurs.
« Le sieur Georges-Louis Raymond de Grand-Ry, industriel à Verviers, né dans cette ville, demande la grande naturalisation. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Des cultivateurs de Baerdegem demandent le libre échange pour le houblon ou l'établissement d'un droit d'entrée sur le houblon étranger. »
- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.
« Le sieur Raux prie la Chambre de fixer le chiffre du minimum du traitement des secrétaires communaux et de s'occuper ensuite de l'établissement d'une caisse de retraite en leur faveur. »
M. de Baillet-Latour. - Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi instituant une caisse centrale de prévoyance pour les secrétaires communaux ; il y a peu de jours une semblable pétition a été analysée à la Chambre qui, sur ma proposition, en a ordonné le même renvoi ; il serait désirable qu'une prompte décision intervînt dans cette question qui intéresse une classe de fonctionnaires dignes de toute la sollicitude de la Chambre et du gouvernement.
-- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi qui institue une caisse centrale de prévoyance pour les secrétaires communaux.
« . le ministre delà justice transmet, avec les pièces de l'instruction, des demandes en obtention de la naturalisation ordinaire présentées par les sieurs Frickhoefer, Charles-Frédéric, demeurant à Hasselt et Knapen, Toussaint-Antoine-Florent-Victor, domicilié à Maeseyck (Limbourg, Belgique). »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
M. Vander Donckt (pour une motion d’ordre). - Messieurs, dans la séance d'hier, la Chambre a postposé la présentation des prompts rapports sur des pétitions après la discussion de l'objet qui est en ce moment soumis à nos délibérations.
Je ne me suis pas opposé à cette décision, mais je désire cependant que la Chambre fixe formellement le jour où ces rapports seront présentes ; je fais cette proposition dans l'intérêt des pétitionnaires comme dans l'intérêt des membres qui désireraient prendre la parole au sujet de ces rapports.
- Plusieurs voix. - A demain !
- D'autres voix. - A mardi !
M. le président. - Il serait préférable de mettre cet objet à l'ordre du jour de demain, attendu qu'il serait possible que nous n'eussions rien a faire demain.
- La Chambre fixe à demain la présentation de ces prompts rapports.
Il est procédé au tirage au sort des sections du mois d'avril.
M. le président. - Les sections seront convoquées demain une demi-heure avant l'ouverture de la séance pour se constituer.
« Art. 490 (projet nouveau du gouvernement). La provocation en duel sera punie d'un emprisonnement de quinze jours à trois mois et d'une amende de cent francs à cinq cents francs. »
M. Lelièvre, rapporteur. - J'adhère à l'article proposé, qui atténue la peine prononcée par la loi de 1841, quant au minimum.
- L'article est adopté.
« Art. 491. Seront punis des mêmes peines, ceux qui décrient publiquement ou injurient une personne pour avoir refusé un duel. »
M. le président. - Le gouvernement se rallie à la rédaction proposée par la commission.
- L'article 491 est adopté.
« Art. 492. Celui qui, dans un duel, aura fait usage de ses armes contre son adversaire, sans qu'il soit résulté du combat ni homicide ni blessure, sera puni d'un emprisonnement de deux mois à dix-huit mois et d'une amende de deux cents francs à quinze cents francs.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il y a à ajouter un paragraphe ainsi conçu :
« Celui qui n'a pas fait usage de ses armes sera puni conformément à l'article 490. »
C'est la reproduction textuelle de la loi qui nous régit.
M. Lelièvre, rapporteur. - J'adhère à l'addition proposée qui est la disposition énoncée à l'article 493 du projet de la commission.
- L'article avec le paragraphe additionnel est adopté.
« Art. 493. Lorsque des blessures seront résultées du duel, le coupable sera puni d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de trois cents francs à deux mille francs.
« Toutefois le combattant qui a été blessé ne sera passible que des peines portées par le paragraphe premier et le paragraphe 2 de l'article précédent, selon qu'il aura fait usage ou n'aura pas fait usage de ses armes. »
- Adopté.
« Art. 494. Si les blessures ont causé une maladie ou une incapacité de travail personnel pendant plus de vingt jours, le coupable sera puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de cinq cents francs à trois mille francs. »
- Adopté.
« Art. 495. L'emprisonnement sera d'un au à quatre ans et l'amende de mille francs à cinq mille francs, si les blessures résultant du duel ont causé, soit une maladie ne laissant pas d'espoir fondé de guérison, soit une incapacité permanente de travail personnel, ou si, par suite des blessures, l'un des combattants a été privé de l'usage absolu d'un organe, ou qu'il soit demeuré gravement mutilé. »
M. Lelièvre, rapporteur. - Je demande qu'on discute en même temps les articles 495 et 496 qui sont connexes.
M. le président. - L'article 496 nouveau présenté par le gouvernement est ainsi conçu :
« Celui qui, dans un duel, aura donné la mort à son adversaire, sera puni d'un emprisonnement de deux ans à cinq ans et d'une amende de deux mille francs à dix mille francs. »
M. Lelièvre, rapporteur. - Les articles 495 et 496, tels qu'ils sont formulés récemment par le gouvernement, aggravent la rigueur de la loi de 1841 sur le duel ; l'article 495 introduit une disposition nouvelle qui ne se trouve pas énoncée dans cet acte législatif ; l'article 496 propose d'élever à deux années le minimum de la peine d'emprisonnement que la législature en vigueur fixait à un an. Or, je ne vois aucun motif d'aggraver la rigueur d'une loi qui a produit les meilleurs fruits et qui a toujours été considérée comme suffisante. Je demande donc qu'on se borne purement et simplement à adopter les dispositions de la loi de 1841, même pour les cas prévus par les articles 495 et 496 du projet. Du reste quand la mort a été le résultat du duel, la loi de 1841 punissait le fait comme s’il s'agissait d'un homicide excusable, c'est-à-dire provoqué par des violences graves.
Le minimum de la peine n'était porté qu'à une année. Maintenons le principe qui découle de la nature même du duel dans lequel la simultanéité de l'attaque et de la défense ainsi que la convention préalable doivent être assimilées à une provocation réciproque.
Je pense donc que même si la mort a été le résultat du duel le minimum de la peine ne doit pas être fixé au delà d'un an.
Si M. le ministre de la justice ne croit pas pouvoir immédiatement adhérer à ma proposition, je demande le renvoi des articles 495 et 496 (page 844) nouvellement formulés à la commission qui les examinera plus particulièrement.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne m'oppose pas, messieurs, au renvoi à la commission, mais je fais observer que les modifications apportées aux articles 494 et 495 n'ont d'autre objet que de mettre cette partie de la loi en harmonie avec d'autres dispositions du Code pénal. Ainsi s'il est vrai que l'article 495 contient une disposition nouvelle, il est vrai aussi que cette disposition a été admise dans toutes les parties du Code qui traitant des violences commises contre les personnes.
M. Lelièvre, rapporteur. - Les articles dont nous nous occupons ayant certaine portée, puisqu'il s'agit d'augmenter les peines prononcées par le duel, il est convenable d'examiner avec attention les articles contenant semblable dérogation. Je persiste donc à demander le renvoi auquel, du reste, M. le ministre donne son assentiment.
- Le renvoi à la commission est prononcé.
« Art. 497.- Dans les cas prévus par les articles 492, paragraphe premier, 493, paragraphe premier, 494, 495, 496, le coupable pourra de plus être interdit conformément à l'article 44. »
- Adopté.
« Art. 498. Seront réputés complices des délits commis en duel, ceux qui, par dons, promesses, menaces, abus d'autorité ou de pouvoir, machinations ou artifices coupables, ont provoqué à les commettre.
« Les complices seront punis de la même peine que les auteurs. »
- Adopté.
« Art. 499. Dans les cas prévus par les articles 493, 494, 495 et 496, les témoins, lorsqu'ils ne seront pas complices, seront punis d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de cent francs, à mille francs.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il n'y a pas d'autre changement, que celui qui résulte d'une nouvelle classification des articles.
- L'article est adopté.
« Art. 500. Celui qui a excité au duel ou celui qui, par une injure quelconque, a donné lieu à la provocation, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de cent francs à mille francs. »
- Adopté.
« Art. 501. Dans le cas prévu par l'article 45, les témoins seront punis comme complices, conformément à l'article 81. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch) demande la suppression de cet article.
M. Lelièvre, rapporteur. - Je ne vois aucun inconvénient à la suppression.
- La suppression de l'article 501 est prononcée.
« Art. 502. Les coupables condamnés, eu exécution des articles 490 et suivants, seront, en cas de nouveaux délits de même nature, condamnés au maximum de la peine ; elle pourra même être portée au double. »
- Adopté.
« Art. 503. La loi du 30 décembre 1836, sur les crimes et les délits commis à l'étranger, est rendue commune aux faits prévus par les articles 492, 493 paragraphe 1, 494, 495, 497, 498, 501 et 502. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch) demande la suppression de cet article.
M. Lelièvre, rapporteur. - Je consens à la suppression parce que la disposition de notre article devra figurer dans le Code d'instruction criminelle où elle sera plus convenablement placée.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, cet article avait été introduit parce qu'on supposait que toute la loi sur le duel devait disparaître.
Mais il n'en est pas ainsi. Cet article restera obligatoire dans la loi, telle qu'elle existe, parce qu'il y a d'autres dispositions qui doivent continuer à subsister, notamment en ce qui concerna les militaires.
Cet article trouvère ultérieurement place dans le Code d'instruction criminelle.
- La suppression de l'article 503 est mise aux voix et prononcée.
« Art. 504 (projet de la commission). Seront punis d'un emprisonnement de trois mois à trois ans et d'une amende de cinquante francs à trois cents francs, ceux qui, sans ordre des autorités constituées et hors le cas où la loi permet ou ordonne l'arrestation ou la détention des particuliers, auront arrêté ou fait arrêter, détenu ou fait détenir une personne quelconque. »
- Adopté.
« Art. 505 (projet de la commission). L'emprisonnement sera de six mois à cinq ans et l'amende de cent francs à cinq cents francs, si la détention illégale a duré plus de dix jours. »
- Adopté.
« Art. 506 (nouvelle rédaction proposée par le gouvernement). Dans les cas énoncés aux deux articles précédents, le coupable pourra de plus être condamné à l'interdiction, conformément à l'article 44. »
- Adopté.
« Art. 507 (projet du gouvernement). Si la détention illégale et arbitraire a duré plus d'un mois, le coupable sera condamné à la réclusion. »
- Adopté.
« Art. 508. La peine de la réclusion sera également prononcée, si l'arrestation a été exécutée avec le faux costume, sous le faux nom ou sur un faux ordre de l'autorité publique, ou si la personne arrêtée ou détenue a été menacée de mort. »
- Adopté.
« Art. 509. Lorsque la personne arrêtée ou détenue aura été soumise à des tortures corporelles, le coupable sera puni des travaux forcés de dix à quinze ans. »
La commission a proposé la suppression du paragraphe 2.
Le paragraphe 3 qui devient le deuxième est ainsi conçu :
« Si les tortures ont causé la mort, le coupable sera condamné aux travaux forcés à perpétuité, sans préjudice de la peine de mort en cas d'assassinat. »
M. Lelièvre, rapporteur. - Je fais remarquer que cet article et ceux qui le précèdent, énoncés au chapitre IV, atténuent singulièrement les dispositions du Code pénal en vigueur. Les peines sont notablement réduites. Je considère les articles dont il s'agit comme réalisant de véritables améliorations.
- L'article 509 proposé par la commission et auquel le gouvernement s'est rallié est mis aux voix et adopté.
« Art. 510. Sera puni d'un emprisonnement de quinze jours à trois ans et d'une amende de vingt-six francs à trois cents francs, celui qui, sans ordre de l'autorité et hors les cas où la loi permet d'entrer dans le domicile des particuliers contre leur volonté, se sera introduit dans une maison, un appartement, une chambre ou un logement, habités par autrui, ou leurs dépendances, soit à l'aide de menaces ou de violences contre les personnes, soit au moyen d'effraction, d’escalade ou de fausses clefs. »
M. le président. - M. Moncheur vient de proposer à l'article 510 un amendement ou plutôt une disposition additionnelle ainsi conçue :
« Sera puni d'un emprisonnement d'un mois à 3 ans et d'une amende de 50 fr. à 500 frs., celui qui la nuit, s'introduira furtivement ou sera trouvé caché dans une maison, un appartement, une chambre ou un logement habités par autrui. »
M. Moncheur. - Comme vient de le faire observer\ notre honorable président, c'est moins un amendement que je propose qu'un article additionnel ; je crois donc qu'on pourrait voter l'article 510 et discuter après mon amendement comme article spécial.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'honorable M. Moncheur a bien voulu me communiquer l'amendement qu'il vient de déposer. Je pense qu'il doit faire l'objet d'un article spécial. Avant de me prononcer d'une manière définitive, j'ai besoin de l'examiner de plus près ; j'en demanderai le renvoi à la commission qui, de son côté, voudra bien s'en occuper. Je crois qu'on peut, dans tous les cas, voter dès maintenant les articles 510 et 511 sur lesquels la proposition de l'honorable membre est sans influence.
En effet cette proposition prévoit le fait de s'introduire furtivement pendant la nuit sans violence ni menace dans une maison, un appartement, une chambre ou un logement habités par autrui ou leurs dépendances ; ce fait doit être puni dans une certaine mesure ; il y a là, me paraît-il, un fait qui présente certains dangers et qui doit tomber sous l'application de la loi pénale.
M. Moncheur. - Je demanderai à la Chambre de se prononcer sur l'article 510 avant que je développe mon amendement.
M. le président. - C'est ainsi que nous entendions procéder.
- L'article 510 est mis aux voix et adopté.
M. le président. - M. Moncheur est prié de développer son amendement.
(page 845) M. Moncheur. - Messieurs, les articles 510 et 511 du projet punissent la violation du domicile commise par des particuliers. L'article 510 punit l'individu qui s'introduit dans une maison à l'aide de menaces ou de violences exercées contre les personnes ou bien au moyen d'effraction, d'escalade ou de fausses clefs.
L'article 511 punit un fait plus grave, c'est celui de s'introduire également dans une maison habitée, mais à la faveur d'un faux costume, d'un faux nom on d' un faux ordre de l'autorité publique ; ou bien avec la réunion des trois circonstances suivantes :
Si le fait a eu lieu la nuit, s'il a été exécuté par deux ou plusieurs personnes ; et enfin si le coupable ou l'un d'eux a été porteur d'armes apparentes ou cachées.
Mais, messieurs, ces deux articles laissent une lacune que je désire combler ; c'est le fait de celui qui s'introduit furtivement la nuit dans une maison habitée, ou bien qui est trouvé, la nuit, caché dans cette maison après s'y être introduit furtivement, sans effraction, escalade ou fausses clefs.
Ce fait, messieurs, doit évidemment être réprimé, car il trouble à un haut degré la tranquillité de la famille, qui peut même être exposée ainsi à de graves dangers.
Je crois que ce peu de mots suffisent pour justifier mon amendement. J'en demande, ainsi que M. le ministre, le renvoi à la commission.
La commission pourra l'examiner et le compléter, s'il y a lieu. Je me borne à produire l'idée d'une proposition qui me paraît indispensable.
- L'amendement de M. Moncheur est appuyé.
M. Lelièvre, rapporteur. - Je pense que le fait seul de se trouver la nuit dans le domicile d'un citoyen, sans le consentement de ce dernier, doit être réprimé parce qu'il constitue une grave atteinte à l'ordre public et à la sûreté individuelle. Il y a du reste dans ce fait une violation de domicile qui ne saurait rester impunie. Comme la rédaction de l'amendement de M. Moncheur mérite un examen particulier, je demande le renvoi de l'article à la commission. Quant au principe de l'amendement, il me paraît incontestable.
- L'amendement de M. Moncheur est renvoyé à la commission.
« Art. 511. L’emprisonnement sera de six mois à cinq ans et l’amende de cent francs à cinq cents francs, si le fait a été commis., soit avec le faux costume, sous le faux nom, ou sur un faux ordre de l'autorité publique, soit avec la réunion des trois circonstances suivantes :
« 1° Si le fait a été exécuté la nuit ;
« 2° S'il a été exécuté par deux ou plusieurs personnes ;
« 3° Si les coupables ou l'un deux étaient porteurs d'armes apparentes ou cachées.
« Les coupables pourront en outre être condamnés à l’interdiction, conformément à l'article 44, et placés, pendant cinq ans à dix ans, sous la surveillance spéciale de la police. »
- Adopté.
M. le président. - Le gouvernement propose la suppression de l'article 512 ; la commission se rallie-t-elle à cette proposition ?
M. Lelièvre, rapporteur. - Je ne vois pas d'inconvénient à la suppression, puisque cette disposition forme l'article 513 proposé par le gouvernement, sans modification nu projet de la commission.
- La suppression de l'article 512 est prononcée.
« Art. 513 La tentative du délit prévu par l’article 511 sera punie d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de cinquante francs à trois cents francs. »
- Adopté.
« Art. 514. Est coupable du délit de calomnie celui qui, dans les cas ci-après indiqués, a méchamment imputé aune personne ou à un corps un fait précis qui est de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de celle personne ou de ce corps, et dont la preuve légale n'est pas rapportée. »
M. Pirmez. - Messieurs, avant d'adopter cet article, il me paraît nécessaire de se mettre d'accord sur une question d'une haute importance pratique.
Sous le Code actuellement en vigueur, on décide généralement que la calomnie dirigée contre un mort ne constitue pas de soi un délit. Les termes mêmes employés par ce Code pour définir la calomnie punissable ont été invoqués pour justifier cette décision.
En effet, la loi en énonçant la circonstance que l'imputation du fait peut donner lieu contre celui qui en est l'objet à des poursuites répressives, paraît indiquer que les vivants, que seuls il est possible de juger, ont attiré l'attention du législateur. La jurisprudence n'admet l'exigence du délit que lorsque, dirigée contre un mort, la calomnie peut cependant rejaillir sur des doyens encore vivants.
Ce sentiment est reproduit par le rapport de votre commission, messieurs, comme n'ayant rien perdu de sa valeur par le changement apporté au texte de 1a législation en vigueur.
Comme il n'est plus question dans le nouveau texte de la possibilité de poursuite, et que par conséquent une des bases sur lesquelles s'appuie ce sentiment lui est enlevée, il me paraît très utile, pour qu'aucun doute ne s'élève, que le gouvernement voulût bien déclarer s'il partage la manière de voir du rapport de la commission.
Je demanderai donc à M. le ministre de la justice quelle est sa manière de voir à cet égard.
M. Lelièvre, rapporteur. - A mon avis, l'article que nous discutons laisse absolument intacts les principes qui sont en vigueur sous le Code de 1810. En règle générale, on ne peut poursuivre les calomnies contre un mort ; toutefois si la calomnie est telle que par suite de relations avec le défunt, une personne vivante se trouve atteinte personnellement et directement par l'imputation calomnieuse, alors nécessairement la personne vivante doit être considérée comme personnellement calomniée, et l'article 514 est pleinement applicable à ce cas. C'est ce qu'a décidé un arrêt de la cour du 16 février 18'27 que j'ai invoqué dans mon rapport.
Le principe consacré par cet arrêt découle de la nature même des choses. Du moment qu'une calomnie rejaillit directement sur une personne vivante, comme possédant la fortune du défunt ou pour tout autre motif, n'est-il pas évident que cette personne est calomniée comme si une imputation directe était dirigée contre elle personnellement. Ces principes seront applicables sous le régime du nouveau code, parce qu'ils sont fondés sur la nature des choses et les principes généraux du droit auxquels le projet ne déroge pas. Il me paraît donc évident qu'en ce point la jurisprudence que j'ai invoquée n’est en aucune manière changée par les dispositions de la loi dont nous nous occupons.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'interprétation que vient de donner l'honorable rapporteur de l'article 514, est exacte sous l'empire du Code pénal actuel et en présence de la définition qu'il donnait de la calomnie. Mais il est incontestable aussi que la commission qui a rédigé le projet qui vous est soumis et le gouvernement qui vous l'a présenté, entendent cet article d'une manière différente de celle que vient d'énoncer l'honorable M. Lelièvre et ont donné à cet art 514 un tout autre sens ; c'est, messieurs, ce qui est constaté par le rapport île la commission.
Voici ce qu'il porte : « Mais dans le système du Code diffamer la mémoire d'un défunt n'est un délit que lorsque l'imputation renferme une calomnie envers les vivants, et en matière criminelle rien ne peut lao suppléer. Notre législation contient donc sous ce rapport une lacune qu'il importe de combler en réformant la disposition de l'article 467 du Code pénal.
« La définition que nous avons donnée de la calomnie et de l'injure s'applique également aux insultes faites à la mémoire d'un homme. L'action des personnes intéressées à venger la mémoire du défunt sera toujours recevable et les juges du fait décideront s'il y a eu véritablement offense. »
Voilà l'esprit dans lequel la nouvelle disposition a été rédigée ; aucun doute ne peut s'élever sur l'intention des auteurs du projet.
L'honorable M. Lelièvre semble avoir une manière de voir différente. Il l'a consignée en deux lignes dans son rapport en citant un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles : « Un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 16 février 1827 a décidé que semblée outrage pouvait motiver une action correctionnelle, s'il était de nature à rejaillir sur les représentants du défunt et à porter atteinte à leur propre considération. »
Je comprends cette décision sous l'empire du Code actuel, mais la définition qu'il donnait de la calomnie était 'toute autre que celle du projet en discussion.
J'ignore si les autres membres de la commission ont partagé la manière de voir de l'honorable M. Lelièvre, si la question a été discutée ou si l'honorable M. Lelièvre s'est borné à citer cet arrêt, comme expression de son opinion personnelle. Je ne trouve pas, dans le rapport, de trace d'une discussion entre les membres de la commission
Messieurs, il y a d'autres articles encore de ce chapitre auxquels l'honorable M. Lelièvre donne, dans son rapport, une interprétation tout à fait différente de celle que leur donne le gouvernement et qui se trouve également consignée dans l'exposé des motifs.
Dans cette situation, pour qu'il n'existe aucun doute sur la portée de ces articles et sur leur véritable sens, je propose le renvoi à la commission de tout le chapitre V relatif à la calomnie et aux injures, et dans le sein de la commission nous fixerons l'interprétation qu'il faut donner à ces articles. Cela est d'autant plus nécessaire, que j'aurai certaines modifications à soumettre à la commission, pour tout ce qui ce qui concerne les injures.
Je demande donc que tout le chapitre V soit renvoyée à la commission et que la Chambre veuille bien passer à l'examen du chapitre VI.
M. Lelièvre, rapporteur. - La question que nous discutons est tellement importante, qu'il est indispensable qu'elle soit résolue de manière qu'il ne puisse à cet égard s'élever aucun doute ; il est donc nécessaire que la commisse soit de nouveau appelée à délibérer sur ce point, et sous ce rapport j'adhère à la proposition de M. le ministre.
Je demande toutefois s'il est nécessaire de renvoyer à la commission le chapitre entier. Je pense qu'il suffirait de prononce le renvoi en ce qui concerne l'article 514 seulement et que nous pourrons aborder l'examen des autres dispositions.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'insiste pour le renvoi de tout le chapitre. Nous aurons la même difficulté pour l’article 516, auquel vous donnez, dans votre rapport, une interprétation toute autre que celle (page 846) qui lui est donnée par le gouvernement. Il en est de même pour d'autres articles. Il faut évidemment que ces doutes soient levés.
M. le président. - On propose le renvoi de tout le chapitre V à la commission. Je dois faire connaître qu'un amendement a été déposé sur l'article 519. Il consiste à intercaler après les mots « sera admis à faire », ceux-ci : « devant le jury et » (le reste comme au projet).
La parole est à M. Orts pour développer son amendement.
M. Orts. - Messieurs, je considère l’amendement que j'ai l'honneur de soumettre a la Chambre comme une garantie indispensable à la liberté de la presse d'une part, et de l'autre, au libre exercice du plus important de nos droits politiques, le droit de contrôle des fonctionnaires.
La loi accorde à quiconque impute un fait de malversation ou de mauvais exercice de fonctions à un fonctionnaire, le droit de faire la preuve de la vérité de sou imputation.
Si l'imputation se produit par la voie de la presse, comme la poursuite des délits de presse a lieu devant le jury, il est incontestable que la preuve de la vérité du fait imputé doit se faire par le prévenu devant le jury.
Mais un doute s'est élevé sur le point de savoir devant quelle juridiction doit se faire la preuve de la vérité des faits imputés, quand l'imputation s'est produite autrement que par la voie de la presse. L'imputation formelle adressée verbalement à un fonctionnaire, même en sa présence, en public, d'avoir commis un fait de mauvais exercice de ses fonctions, donne nécessairement au prévenu, s'il y a poursuite en calomnie, le droit de faire la preuve de ses allégations.
Mais en cas d'imputation ainsi faite par une autre voie de publication que par la voie de la presse, devant quelle juridiction doit se faire la preuve des faits allégués ? Le doute s'est élevé sur ce point à propos d'une phrase qui se trouve glissée dans le décret du 20 juillet 1831 sur la presse, et la cour de cassation a décidé que cette preuve pouvait se faire devant les tribunaux correctionnels.
Si cette jurisprudence était introduite comme loi dans le nouveau Code, le droit politique accordé à tous les citoyens de contrôler les actes des fonctionnaires, droit qui reste tout aussi important lorsqu'on ne se sert pas de la voie de la presse, serait singulièrement amoindri, sinon peut-être complétement annihilé.
Mon amendement a donc pour but de déclarer que la vérité des faits imputés à un fonctionnaire, à raison de ses fonctions, ne pourra jamais être prouvée que devant le jury, c'est-à-dire que, quel que soit le moyen d'accusation, l'accusateur qui voudra faire la preuve des faits, aura le bénéfice du jury.
Ce bénéfice est essentiel et inhérent au droit politique dont il s'agit ; droit important accordé aux citoyens, non dans un intérêt individuel pour permettre à celui qui a allégué le fait d'échapper à une peine s'il a dit vrai ; car celui qui affirme un fait vrai, se trouve soumis à une peine, quoiqu'il prouve la vérité du fait allégué, chaque fois qu'il s'agit, d'autre chose que d'un fait de fonction imputé à un fonctionnaire ; mais droit qui a été donné aux citoyens dans l'intérêt du pays, dans un intérêt public.
Or, qui seul peut juger la question de savoir si un citoyen a usé utilement, dans l'intérêt du pays, de ce droit, véritable droit d'accusation populaire donné au premier venu, comme le disait M. Dupin devant la cour de cassation de France en 1846, si ce n'est le pays lui-même, c'est-à-dire le jury ? Aussi les législations où l'on a admis le principe que l'on peut faire la preuve des faits imputés à un fonctionnaire public, ont toujours admis comme corollaire nécessaire que cette preuve devait se faire devant le seul jury.
Quand au contraire on n'a pas voulu accorder le droit de prouver la vérité des faits imputés, on a renvoyé le prévenu de calomnie envers les fonctionnaires devant les tribunaux correctionnels.
L'origine, messieurs, de notre législation en cette matière est dans la loi française du 26 mai 1819. Cette loi, on le sait, avait été présentée par un ministère vraiment libéra], le ministère de M. de Serres. D'après le projet du gouvernement, toute imputation dirigée contre un fonctionnaire public, et se rapportant à un fait de ses fonctions, par quelque moyen qu'elle se produisît, serait, si le prévenu demandait à faire sa preuve, portée dès lors et désormais devant le jury.
C'était la pensée du gouvernement, la pensée de la commission à la chambre des députés, mais la chambre de cette époque, beaucoup moins libérale que le ministère qu'elle appuyait, ce qui arrive quelquefois, quoique rarement, la chambre de l'époque s'arrêta devant cette considération que la diffamation par paroles se produisait si souvent que le jury, s'il devait toujours la juger, se fatiguerait à la peine.
On donna une entorse aux principes ; les droits de la vérité parlée furent sacrifiés ; ceux de la vérité imprimée seuls maintenus, dans la crainte d'appeler trop souvent le jury à remplir ses fonctions. Mais de cette décision de la chambre, qu'a immédiatement induit la jurisprudence française comme conséquence nécessaire ? Que le droit de faire la preuve n'existait plus devant une autre juridiction que le jury. Or chez nous le droit de faire la preuve, que l'accusation soit verbale, écrite ou imprimée, existe ; et vous voulez, messieurs, le maintenir intact.
Dès lors, pour être conséquents, vous devez décider que la preuve se fera devant le jury.
Vous serez fidèle, eu le voulant ainsi, messieurs, à ce qu'ont voulu nos illustres devanciers dans la carrière, les hommes de 1830, qui ont doté notre pays du droit politique d'accusation populaire, contre les agents du pouvoir, concédé à chaque citoyen.
Vous serez fidèles à l'inspiration de ceux qui n'ont pas compris un pays libre sans le droit à tout témoin de se faire accusateur pour reprocher publiquement à un fonctionnaire les fautes commises dans l'exercice de ses fonctions.
En effet, messieurs, si aujourd'hui il est, à la rigueur, possible de décider quoique à tort, selon moi, qu'une pareille preuve peut être appréciée par un autre tribunal que le jury, cette possibilité résulte uniquement d'une phrase glissée dans le décret improvisé du 20 juillet 1831 contrairement aux principes qui avaient prévalu jusqu'alors.
Le premier projet de loi sur les délits politiques et de presse présenté au congrès pour rendre pratiques les théories constitutionnelles sur la matière était dû à M. Barthélémy, alors ministre de la justice. Mûrement réfléchi, il émanait du gouvernement et avait été présenté, si je ne me trompe, dans les premiers jours de mai 1831.
Ce projet donnait au citoyen accusant un fonctionnaire à raison d'un fait de ses fonctions le droit de faire la preuve, quel que fût le moyen d'accusation employé, la parole, l'écriture ou la presse. Et le projet ajoutait que du moment où le prévenu se trouvait autorisé à user du droit de faire la preuve, l'affaire serait nécessairement déférée à la juridiction du jury II es essentiel, reconnaissait l'exposé des motifs, que ces sortes d'affaires soient soumises au jury.
Et si le projet ne renvoyait pas devant les tribunaux correctionnels, c'est parce qu'il aurait fallu introduire le jury dans les tribunaux correctionnels, ce qui eût singulièrement compliqué les rouages de l'institution. Le jury seul pouvait donc juger de l'exercice plus ou moins prudent du droit d'accusation conféré aux citoyens dans le seul intérêt du pays.
Messieurs, le but de mon amendement est de revenir au point de départ du congrès en matière de liberté politique, en matière de liberté de la parole.
Je veux rendre à chaque Belge le droit accordé en 1830, d'accuser à ses risques et périls, c'est-à-dire à charge de prouver devant le pays la vérité de ses accusations.
Renvoyer de semblables affaires devant les tribunaux correctionnels, ce serait, messieurs, diminuer considérablement la garantie attachée à l'exercice du droit dont il s'agit. Tout le monde comprend, en effet, qu'une imputation dirigée par un simple citoyen contre un fonctionnaire, un agent du pouvoir, un homme revêtu d'un caractère public sera appréciée d'une manière plus impartiale et plus large par des citoyens sortis du sein de la nation même que par une catégorie, quelque respectable qu'elle soit, de fonctionnaires, hommes revêtus eux aussi d'un caractère public.
Cette considération a été signalée au congrès par MM. Vande Weyer et Fransman, dans la discussion du décret du 20 juillet 1831 ; c'est pourquoi je l'invoque à l'appui de mon amendement.
Le motif n'a rien qui puisse blesser personne ; il a dicté la disposition constitutionnelle, enlevant à la magistrature la connaissance des délits politiques. Tel est en résumé mon but, réserver à la juridiction du jury, au verdict du pays, des faits qu'il est impossible d'en distraire sans nuire gravement à l'exercice d'un droit constitutionnel, créé pour le pays et dans son unique intérêt.
Voilà, messieurs, les observations un peu superficielles, je l'avoue, auxquelles je crois pouvoir me borner pour te moment. Comme tout le chapitre en discussion doit être renvoyé à la commission, il est probable que mon amendement, s'il a l'honneur d'être appuyé, lui sera également renvoyé. Dès lors, il donnera nécessairement lieu à une discussion plus large qui me permettra de combler ce que mon improvisation actuelle laisse de lacune.,
- Le renvoi à la commission est ordonné.
« Art. 534. Sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de cent francs à mille francs, quiconque se sera rendu coupable de violation de tombeaux ou de sépulture ; sans préjudice de peines plus fortes, s'il y a lieu, d'après les autres dispositions du présent Code. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - On peut supprimer les mots : « sans préjudice, etc. »
M. Lelièvre, rapporteur. - Je désire savoir si M. le ministre de la justice donne à notre article le sens que lui donne la rapport de la commission. Il y a violation de sépulture du moment que, par un fait commis volontairement, il y a eu violation matérielle du tombeau ; le prévenu qui a agi volontairement ne peut se prévaloir de sa bonne foi ni excuser le fait par l'intention qui l'a inspiré dans la violation dont il s'agit. La loi prescrit le respect à la cendre des morts, et pour quelque motif que ce soit on ne peut y porter atteinte ; le fait volontaire est exclusif de la bonne foi. Voilà comment la commission entend l'article, et je désire savoir si c'est bien le sens que lui donne aussi le gouvernement.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je suis parfaitement de cet avis.
- L'article est adopté avec la retranchement préposé par M. le ministre de la justice.
« Art. 535. Celui qui aura mêlé on fait mêler, soit à des comestibles ou des boissons, soit à des substances ou denrées alimentaires quelconques, destinés à être vendus ou débités, des matières qui sont de nature à donner la mort ou à altérer gravement la santé, sera puni d'un emprisonnement de six mois à cinq ans et d'une amenda de deux cents francs à mille francs. »
M. Lelièvre, rapporteur. - La commission élève le maximum de l'amende à la somme de deux mille francs. Le gouvernement adopte cet amendement.
- L'article est adopté avec la modification proposée par la commission.
« Art. 536 (projet du gouvernement). Sera puni des peines portées à l'article précédent :
« 1° Celui qui vendra, débitera ou exposera en vente des comestibles, boissons, substances ou denrées alimentaires quelconques, sachant qu'ils contiennent des matières de nature à donner la mort ou à altérer gravement la santé ;
« 2° Celui qui aura vendu ou procuré ces matières, sachant qu'elles devaient servir à falsifier des substances ou denrées alimentaires. »
- Adopté.
« Art. 537 (projet du gouvernement). Sera puni d'un emprisonnement de trois mois à trois ans et d'une amende de cent francs à mille francs, celui qui aura dans son magasin, sa boutique ou en tout autre lieu, des comestibles, boissons, denrées ou substances alimentaires destinés à être vendus ou débités, sachant qu'ils contiennent des matières de nature à donner la mort ou à altérer gravement la santé. »
- Adopté.
« Art. 538 (projet de la commission). Dans les cas prévus par les articles précédents, la patente du coupable lui sera en même temps retirée, et il ne pourra en obtenir une autre pendant la durée de son emprisonnement.
« Il pourra de plus être condamné à l'interdiction, conformément à l'article 44.
« Le jugement de condamnation sera inséré dans les journaux, imprimé par extrait et affiché dans les lieux désignés par le tribunal. »
M. Lelièvre, rapporteur. - Je pense que, d'après notre article, ce sera le tribunal qui devra indiquer dans quels journaux le jugement devra être imprimé. C'est le seul moyen d'exécuter la loi d'une manière régulière. A mon avis, tel est le sens de l'article : le jugement de condamnation désignera les journaux dont il s'agit.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Tel est, en effet, le sens de l'article ; cela résulte de la rédaction même.
- L'article 538 est adopté.
« Art. 538bis. Si les faits énoncés aux articles 535 et 536 ont été commis dans l'intention de donner la mort à une ou plusieurs personnes ou de leur causer une maladie ou une incapacité de travail, les coupables seront punis, suivant les circonstances, conformément aux dispositions des articles 65, 79, 460, 467 et 469 du présent Code.
- Le gouvernement se rallie à cet article.
L’article 538bis est mis aux voix et adopté.
« Art. 539. Les médecins, chirurgiens et autres officiers de santé, ainsi que les pharmaciens, les sage-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu'on leur confie, qui, hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punis d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d’une amende de cent francs à trois mille francs.
M. Lelièvre, rapporteur. - La commission propose de réduire le maximum de l'amende à cinq cents francs et le gouvernement se rallie à cette modification.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Le gouvernement s'y rallie.
- L'article 539, ainsi modifié, est adopté.
« Art. 540. Seront punis des mêmes peines les employés ou agents du mont-de-piété, qui auront révélé à d'autres qu'aux officiers de police ou à l'autorité judiciaire le nom des personnes qui ont déposé ou fait déposer des objets à l'établissement. »
- Adopté.
« Art.. 541. Quiconque sera convaincu d'avoir sciemment et volontairement supprimé une lettre confiée à la poste, ou de l'avoir ouverte pour en violer le secret, sera puni d'un emprisonnement de huit jours à un mois et d'une amende de vingt-six francs à deux cents francs, ou de l'une de ces peines seulement ; sans préjudice de peines plus fortes, si le coupable est un fonctionnaire ou un agent du gouvernement ou de l'administration des postes. »
M. Lelièvre, rapporteur. - La commission propose de supprimer les mots « sciemment et volontairement » comme inutiles. En effet quand la loi est muette sur l'intention nécessaire pour constituer le délit, elle suppose toujours que le délinquant a commis le fait volontairement et sciemment. Pour admettre le contraire, une disposition formelle serait nécessaire. Il est donc bien entendu que les mots « sciemment et volontairement » ne sont supprimés que comme superflus, mais que la loi doit être iinterprétée comme si ces expressions étaient formellement écrites dans l'article.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Le gouvernement se rallie à la suppression des mots « sciemment et volontairement » dans l'article 541.
- L'article 541, ainsi modifié, est adopté.
M. le président (pour une motion d’ordre). - Nous sommes arrivés à la fin du titre VIII du livre II du Code pénal, sauf les articles qui ont été renvoyés à l'examen de la commission.
M. Lelièvre, rapporteur. - Messieurs, comme il y a un grand nombre d'articles des titres VII et VIII qui sont tenus en réserve et renvoyés à la commission, celle-ci pourrait s'en occuper immédiatement, si cela convient à M. le ministre.
Nous achèverons ainsi le travail d'une manière complète dans un bref délai.
M. Dolez. - Messieurs, la commission pourrait se réunir mardi, si cela convenait à M. le ministre de la justice.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je demanderai que la commission veuille bien ne se réunir que jeudi prochain. Il y a, relativement aux injures, un travail à faire, que ne pourrai pas préparer avant cette époque.
M. le président. - Nous passons à un autre objet de l'ordre du jour.
- Des membres. - Nous avons les prompts rapports.
M. le président. - Il a été décidé que les prompts rapports ne seraient présentés que demain.
M. Vander Donckt. - Si la Chambre est disposée à entendre aujourd'hui les prompts rapports, je suis prêt.
M. le président. - Il est possible que des membres, présents à la Chambre, quand la décision a été prise au sujet des prompts rapports, et qui désirent peut-être prendre la parole sur ces rapports, ne soient plus dans la salle, parce qu'ils ne devaient pas s'attendre à voir arriver cet objet aujourd'hui.
- La Chambre, consultée, maintient sa décision quant aux prompts rapports.
M. de Paul. - Il me reste à faire plusieurs rapports ordinaires de pétitions ; je suis prêt à les présenter si la Chambre est disposée à les entendre.
- Plusieurs voix. - Oui ! oui !
M. le président. - Avant d'entendre les rapports de pétitions, je proposerai à la Chambre de fixer l'heure de la séance de demain. Des sections centrales doivent se réunir, je prierai MM. les présidents des sections de réunir leurs sections respectives à une heure pour examiner le crédit extraordinaire de 5 millions, et je proposerai de fixer la séance publique à 2 heures. (Adhésion).
M. de Paul, rapporteur. - Par requête datée de Malines, le 26 février 1859, le sieur Cafler, officier de police pensionné, demande une augmentation de pension.
L'impétrant, blessé de septembre, décoré de la croix de Fer, ancien armurier au régiment des guides, fut successivement employé au chemin de fer de l'Etat comme ouvrier mécanicien, commissaire-adjoint de police et enfin officier de police. Il fut mis à la retraite pour cause d'infirmité et reçut une pension liquidée à fr. 427. Le mois dernier, il s'adressa à M. le ministre de la guerre pour réclamer le bénéfice des lois des 24 mai 1838 et 27 mai 1856 ; il lui fut répondu que la première de ces lois ne concerne que les pensions militaires et que la seconde n'est applicable qu'aux employés civils qui ont été officiers dans l'armée ; que par suite il ne pouvait être fait droit à sa réclamation. En ; présence de cette réponse évidemment bien fondée et en l'absence de tout nouveau grief de la part du pétitionnaire, votre commission croit devoir vous proposer l'ordre du jour.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. de Paul, rapporteur. - Par requête datée de Liège, le 26 février 1859, le sieur Bailleux avocat en cette dernière ville, transmet 110 exemplaires de deux (page 848 pétittions, relatives à la canalisation de l'Ourthe, et réclame l'intervention de la Chambre :
1° Pour qu'il soit défendu à la compagnie du Luxembourg de continuer à percevoir un droit de péage sur le canal de Liège à Chênée et qu'on lui interdise l'extension projetée de ce péage de Chénée vers Tilff et plus haut, le tout jusqu'à ce que cette société ait accompli les conditions exigées pour cette perception, par les arrêtés de concession.
2° Pour que le département des travaux publics presse l'achèvement du canal, si pas jusqu'à la Roche, au moins jusqu'à Barvaux.
Quant à la forme, messieurs, les deux pétitions présentent une grave irrégularité : elles sont adressées en nom collectif par les membres du comité provisoire de l'association de l'Ourthe et de l'Amblève ; mais votre commission a pensé que cette nullité pouvait être considérée comme couverte par la requête d'envoi, dans laquelle le sieur Bailleux s'exprime ainsi :
« Dans le cas où l'on verrait une irrégularité dans la forme d ces pétitions, MM. Frédéric Bautard de Beaufays, Dehan de Comblain-au-Pont, Mathieu Franck, Malempré et Mention de Liège, tous propriétaires de carrières, signataires de ces pétitions comme membres du comité provisoire des maîtres de carrières des vallées de l'Ourthe et de l'Amblève, vous supplient par mon intermédiaire de les considérer comme signant de nouveau lesdites suppliques en leur nom propre et personnel. »
Quant au fond, messieurs, votre commission estime que la réclamation des impétrants est digne de toute considération ; en effet, d'une part, la perception d'un droit de péage eu l'absence des conditions qui seules peuvent le légitimer, serait un acte illégal que le gouvernement devrait empêcher, sans exiger que les intéressés recourussent à la voie des tribunaux ; d'autre part, l'intérêt général compromis par les lenteurs incessantes apportées à l'achèvement du canal de l'Ourthe, concédé depuis 32 ans, paraît demander que cette entreprise soit promptement menée à bonne fin, ou tout au moins que le public soit informé de la solution que le gouvernement veut donner à cette interminable affaire.
En conséquence, votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de la pétition dont s'agit, à M. le ministre des travaux publics, avec demande d'explication.
M. Orban. - Messieurs, je recommande à la sérieuse attention de M. le ministre des travaux publics la pétition sur laquelle vous venez d'entendre le rapport de votre commission ; il y a là des intérêts sérieux en souffrance et même gravement compromis pour les localités qui réclament ; voilà 30 ans que le canal devrait être terminé et il n'est fait que sur une demi-lieue de son parcours ; et les travaux ne sont entrepris que sur une étendue de cinq autres lieues.
Il faut qu'on sache à la fin quand on le terminera.
II devait d'abord être exécuté sur une étendue de 55 lieues, il a dû être achevé au moins dix fois ; on a successivement relevé la compagnie de la déchéance et chaque fois on a raccourci la longueur du canal ; maintenant il ne doit plus avoir qu'une vingtaine de lieues de longueur.
La situation dans laquelle on se trouve est d'autant plus déplorable qu'il n'y a plus guère de navigation possible maintenant ; voici comment : une grande partie de la navigation vient de Barvaux qui est à 12 lieues de Liège.
Sur une étendue de six lieues, le canal est à peu près terminé, et sur les autres six lieues il n'y a rien de fait. Pendant quatre mois de l'année, quand il y avait suffisamment d'eau, les bateaux chargeaient rapidement dix à douze tonneaux, et descendaient la rivière jusqu'à Liège, puis ils remontaient à Barvaux. Cela se faisait très vite. Maintenant ce n'est plus possible, ils arrivent à Comblain où ils trouvent des écluses, il leur faut un temps énorme pour descendre, ils perdent tout l'avantage de la rapidité qu'ils avaient autrefois.
Par contre, les bateaux nouveaux de 40 à 45 tonneaux ne pourront remonter au-delà de Comblain sur la partie entre Comblain et Barvaux où rien n'a été fait encore.
L'ancienne navigation n'est plus possible et la nouvelle ne l'est pas encore. Cet état de choses ne peut pas continuer, il est urgent d'y mettre un terme. C'est là, indépendamment des autres griefs signalés par la pétition, un des points sur lesquels j'appelle la sérieuse attention de M. le ministre des travaux publics.
M. Muller. - J'ajouterai une seule observation aux considérations sérieuses et fondées sur l'exactitude des faits qu'a fait valoir mon honorable ami M. Orban. Cette observation, la voici : la compagnie, en dépit des obligations qu'elle a contractées envers le gouvernement, est en retard quant à l'exécution de ses travaux et sous ce rapport elle cause un préjudice très considérable à tout le batelage de l'Ourthe.
Il y a donc des moyens d'action contre la compagnie ; je ne demande pas que le gouvernement procède avec violence, sans tempérament, mais j'attire son attention sérieuse sur un point sur lequel il est possible d'obtenir satisfaction de la compagnie : c'est en vertu d'un arrêté de 1827 que la concession a été faite ; de nombreux procès ont surgi qui ont été portés devant les tribunaux, il y a eu plusieurs transactions successives, mais dans aucune de ces transactions, on ne s'est occupé de la révision des péages fixés dans cet arrêté de 1827.
Or dans l'intérêt du public, comme dans l'intérêt de la compagnie elle-même, il est impossible que le taux des péages reste tel qu'il a été fixé ; il s'élève jusqu'à 25 centimes par tonne-lieue de chargement. Vous comprenez que c'est là un taux de péage tout à fait exorbitant.
La compagnie d'un autre côté doit faire des concessions au gouvernement puisqu'elle ne remplit pas toutes les obligations de son contrat. C'est sur ce point que j'appelle toute la sollicitude de M. le ministre des travaux publics en appuyant les sérieuses considérations qu'a fait valoir mon honorable collègue et ami M. Orban.
M. David. - Les considérations qu'on a fait valoir en faveur de la pétition sont très sérieuses ; ce qui se passe en ce moment sur les bords du l'Ourthe va vous le démontrer. Depuis que le conseil est établi, le fret a haussé de moitié. Aussi il s'établit aujourd'hui des associations pour opérer les transports par voiture le long du canal. Autrefois les bateliers d'Estines partaient le matin pour Liège et rentraient le soir, aujourd'hui ils emploient deux jours pour aller et pour revenir. C'est une situation intolérable pour tous les riverains de l'Ourthe ; j'appuie les conclusions de la commission.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
M. de Paul, rapporteur. - Par requête datée de Bruxelles, le 26 février 1859, le sieur Van Haelen réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir la restitution de la taxe communale pour entretien des cours d'eau, à laquelle il a été imposé, pour l'année 1858, à raison des propretés qu'il possède sur le territoire de la commune de Schaerbeek.
L'impétrant ayant porté sa réclamation devant la députation permanente de la province de Brabant, ce collège, par un arrêté longuement motivé, en date du 12 janvier dernier, a décidé qu'il n'y avait pas lieu de l'accueillir.
Les lois et règlement généraux qui fixent les règles et les formalités qui doivent être observées pour l'établissement et la répartition des taxes provinciales et communales, tracent la marche à suivre par les intéressés qui se considèrent comme surtaxés ou lésés dans leurs droits. Le pouvoir législatif n'a pas à intervenir en cette matière. En conséquence votre commission a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour.
- Ces conclusions sont adoptées.
La séance est levée à 4 heures et demie.