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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 31 mars 1859

 

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)

(page 823) (Présidence, de M. Orts, premier vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Boe procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. de Moor donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Boe présente l'analyse des pétitions suivantes.

« Des habitants d'Hofstade demandent que, dans les provinces flamandes, les fonctionnaires du gouvernement fassent usage de la langue flamande ; qu'il y ait une académie flamande ou une section flamande à l'Académie de Bruxelles, et qu'il soit donné suite aux propositions de la commission pour la langue flamande. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


• Le conseil communal de Ninove demande que, dans les élections à tous les degrés, le vote ait lieu d'après un ordre alphabétique général des électeurs composant le collège électoral. »

M. Moreau. - La section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'augmentation du nombre des représentants et des sénateurs, a terminé son travail. Je propose le dépôt de cette pétition sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.

-Cette proposition est adoptée.


« Des habitants de Louvain demandent que pour les élections aux Chambres, les scrutins de ballottage soient séparés des élections principales par un intervalle de quelques jours. »

- Même décision.


« Le sieur Vanden Broeck demande une loi qui assure le sort des employés de toutes les catégories. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

M. De Fré. - Je demande que la commission des pétitions soit invitée à faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Par dépêche du 29 mars, M. le ministre de la justice transmet à la Chambre, avec les pièces de l'instruction, la demande de grande naturalisation du sieur Aug. Patte. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.

Projet de loi relatif à l’augmentation du nombre des représentants et des sénateurs

Rapport de la section centrale

M. Moreau. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi relatif à l'augmentation du nombre des représentants et des sénateurs.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport.

M. de Theux. - Je demande que M. le rapporteur veuille bien donner lecture du texte du projet de loi.

M. Moreau. - Le projet de loi de la section centrale est ainsi conçu :

« Art. 1er. Les lois électorales coordonnées et insérées au Bulletin officiel, en vertu de l'arrêté royal du 7 avril 1843, sont modifiées comme suit :

« Modification au dernier paragraphe de l'article 9.

« Le dernier paragraphe de l'article 9 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Le commissaire du district formera de toutes les listes électorales une liste générale des électeurs du district d'après l'ordre alphabétique de leurs noms et fera la répartition des électeurs en sections, s'il y a lieu, conformément à l'article 19, modifié comme il est dit ci-après.

« Outre les indications mentionnées à l'article 8, cette liste générale contiendra, en regard du nom de chaque individu inscrit, la commune où il a son domicile réel.

« Le commissaire du district dressera eu outre, pour chaque bureau, une liste comprenant séparément (erratum, page 856) par ordre alphabétique des électeurs de chaque commune, en commençant par y inscrire ceux des communes les plus rapprochées.

« Cette liste servira, lors des élections, à l'appel nominal prescrit par l’article 25.

« Ces listes formées par le commissaire du district seront soumises immédiatement au contrôle de la députation permanente du conseil provincial qui est chargé d'en certifier l'exactitude. »


« Modifications à l'article 19, paragraphe 4.

« Le paragraphe 4 de l'article 19 des lois électorales est abrogé et remplacé par les dispositions suivantes :

« Lorsqu’il y a plus de 600 électeurs (modification faite par la loi du 20 mai 1848), le collège est divisé en sections, dont chacune ne peut être moindre de 200.

« Le classement des électeurs par section s'opère suivant l'ordre alphabétique des noms des électeurs portés sur la liste générale mentionnée à l'article 9 et par séries autant que possible égales. »


« Modifications à l'article 20, paragraphes 4, 6 et 7.

« Les paragraphes 4, 6 et 7 de l'art. 20 des lois électorales sont modifiés comme suit :

« Sont appelés aux fonctions de scrutateurs, dans les bureaux de section, les bourgmestres et les membres des conseils communaux faisant partie de chaque section et, au besoin, des électeurs qui ne sont pas des fonctionnaires amovibles désignés par le président du bureau principal.

« Quinze jours au moins avant l'élection, le gouverneur transmettra au président du tribunal de première instance une liste indiquant, pour chaque section électorale, le nom, le domicile et l'âge des bourgmestre et des membres des conseils communaux faisant partie de chaque section.

« L'inscription sera faite d'après l'âge en commençant par les plus jeunes.

« Le président du tribunal, 10 jours au moins avant l'élection, convoquera les présidents des sections ; ceux-ci inviteront sans délai les fonctionnaires portés en tête de la liste, à venir au jour de l'élection remplir les fonctions de scrutateurs, savoir les quatre premiers inscrits, comme titulaires et les quatre qui suivent ceux-ci comme suppléants, en évitant autant que possible qu'il y ait plusieurs scrutateurs appartenant à la même commune. »


« Modification à l'article 22, 5ème et 6éme paragraphes.

« Sont ajoutées à l'article 22 de la loi électorale comme 5ème et 6ème paragraphes la disposition suivante :

« Celui qui, en prenant faussement les nom et qualités d'un électeur inscrit sur la liste aura voté dans un collège électoral sera puni d'un emprisonnement d’un mois à un an et d'une amende de 100 à 1,000 fr., ou de l'une de ces peines séparément.

(erratum, page 856)« Art 2. Comme l'article premier du projet du gouvernement.

« Art. 3. Comme l'article 2 du projet du gouvernement.

« Art. 4. La loi électorale du 5 mars 1831 sera réimprimée au Bulletin officiel avec les modifications résultant des dispositions non abrogées des lois du 1er avril 1843, 12 mars et 20 mai 1848 et (erratum, page 856) des articles de la présente loi.

- La Chambre décide qu'elle fixera le jour de la discussion après la distribution du rapport.

Projet de loi révisant le code pénal (livre II, titre VIII)

M. le président. - Nous sommes arrivés au titre VIII du livre II.

La discussion s'ouvre sur le projet du gouvernement modifié par les amendements de M. le ministre de la justice.

Discussion des articles

Titre VIII. Des crimes et des délits contre les personnes

Chapitre premier. De l’homicide et des lésions corporelles volontaires
Article 454

« Art. 454. Sont qualifiés volontaires l'homicide commis et les lésions causées avec le dessein d'attenter à la personne d'un individu déterminé, ou de celui qui sera trouvé ou rencontré, quand même ce dessein serait dépendant de quelque circonstance ou de quelque condition, et lors même que l'auteur se serait trompé dans la personne de celui qui a été victime de l'attentat. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je demande la parole pour faire une observation.

Il y a quelque temps, avant que la commission soumît à son examen le titre VIII, et avant même que l'exposé des motifs du gouvernement eût été imprimé, j'ai fait imprimer et distribuer différentes dispositions qui devaient prendre la place du texte primitif. C'est, messieurs, sur ce texte modifié, sur ces amendements que le débat s'est établi dans le sein de la commission, et plusieurs de ces nouvelles dispositions ont été admises par la commission ; mais l'honorable rapporteur a oublié de mentionner (page 824)

(1) Modification faite par la loi du 20 mai 1848.

que c'étaient là des dispositions proposées par le gouvernement lui-même.

J'ai dû, messieurs, faire cette observation parce que l'exposé des motifs est en rapport non pas avec les dispositions primitives, mais avec les dispositions ainsi modifiées, et si l'on ne tenait compte de cette circonstance l'exposé des motifs serait complétement inintelligible.

- L'article 454 est mis aux voix et adopté.

Section première. De l'homicide volontaire
Intitulé

M. le président. - Le gouvernement propose de remplacer cet intitulé par celui-ci : « Du meurtre et de ses diverses espèces ».

- Cette modification est adoptée.

Article 455

« Art. 455. L'homicide commis avec intention de donner la mort est qualifié meurtre et sera puni des travaux forcés à perpétuité. »

- Adopté.


« Art. 456. Le meurtre commis avec préméditation est qualifié assassinat et sera puni de mort.

M. J. Jouret. - Messieurs, je n'ai qu'une simple observation à faire sur l'article 456. Ceux qui, comme moi, sont opposés à la peine de mort, doivent nécessairement éprouver un certain embarras pour émettre un vote sur l'article 456. Comme vous le savez, messieurs, après une discussion très longue, la peine de mort a été maintenue par la Chambre dans la session de 1851, je pense ; quelques-uns de nos honorables collègues et moi ne faisions pas partie de la Chambre à cette époque, mais nous avons que le maintien de la peine de mort a rencontré une assez vive opposition.

Je crois qu'il serait tout à fait inopportun de soulever une nouvelle discussion à cet égard, attendu que la Chambre a émis sur ce sujet un vote solennel et qu'il n'est pas à croire qu'elle soit disposée à en revenir. Cependant, messieurs, c'est chez moi une conviction profonde, la peine de mort n'est plus utile, impérieusement nécessaire à la société, dès lors elle a, selon moi, du moins cessé d'être légitime.

Je crois que les nouveaux membres de la Chambre qui sont partisans de l’abolition de la peine de mort devront faire ce que je ferai moi-même : s'abstenir sur cet article ainsi que sur l’article 457.

M. De Fré. - Je suis, messieurs, dans la même position que l'honorable M. Jouret. Pas plus que lui, je ne suis partisan de la peine de mort. Je ne reconnais pas à la société le droit de vie et de mort sur l'homme. Je ne veux pas discuter ici la question de l'inviolabilité de la vie humaine, elle a été résolue contre moi, avant mon entrée dans cette enceinte. Je ne puis donc que m'abstenir.

M. de Muelenaere. - Je pense, messieurs, que la question qu'on vient de soulever est épuisée. Si cependant un membre désirait encore parler sur la peine de mort, je lui céderais la parole.

D'après l'article 456, le meurtre commis avec préméditation et qualifié assassinat, sera puni de mort ; dans divers autres articles du projet de loi que nous allons discuter, il est également parlé de la préméditation.

Dans le Code pénal de 1810, il y avait une définition de la préméditation.

Tout le monde semble d'accord aujourd'hui que cette définition était plus ou moins défectueuse.

L'honorable rapporteur a tiré de là la conclusion qu'il était complétement inutile de définir la préméditation dans la loi, que le mot même exprime mieux l'idée que toute définition qu'on pourrait formuler.

C'est aussi l'opinion de M. le rapporteur de la commission gouvernementale.

Dans le projet primitif, on a également supprimé la définition de la préméditation et on a considéré cette définition plutôt comme dangereuse que comme utile.

Mais je ferai remarquer que malgré la crainte que semblait avoir le rédacteur de la commission gouvernementale sur l'insertion d'une définition dans la loi, il s'en trouve néanmoins dans le Code pénal, et notamment nous venons de voter l'article 454 qui contient une définition assez diffuse de l'homicide et des lésions volontaires.

Je pense qu'on ferait sagement d'introduire dans le Code actuel une disposition qui explique le sens de la préméditation, car si cette définition ne se trouve pas dans le Code, comme la question de préméditation devra toujours être soumise au jury et que le jury sera appelé à se prononcer sur la question de savoir si le meurtre a été commis avec préméditation ou non, il en résultera que nous aurons autant de définition de la préméditation qu'il y a de cours d'assises, car vous ne pouvez pas supposer, comme semble le faire le rapporteur de la commission gouvernementale, que vous trouverez partout un jury assez instruit pour qu'il puisse distinguer le crime volontaire et délibéré (qui constitue le crime avec préméditation) d'avec le crime volontaire et irréfléchi.

Dans toutes les hypothèses, la définition donnée par la loi même me semble valoir mieux que l'arbitraire d'un président de cour d'assises, d’un magistrat du ministère public ou d'un avocat, - car il faudra toujours expliquer au jury ce qu'on entend par préméditation, avant que le jury entre dans la salle de ses délibérations.

Eh bien, dans cette hypothèse, j'aime beaucoup mieux une définition, fût-elle même incomplète, dans la loi, que l'absence de toute disposition à cet égard.

Je demanderai dès lors s'il ne serait pas plus convenable de rétablir la définition de la préméditation dans le projet que nous discutons.

M. Lelièvre, rapporteur. - Je ferai d'abord observer à l'honorable comte de Muelenaere que ce ne sera jamais le président de la cour d'assises qui sera appelé à expliquer au jury en quoi consiste la préméditation. D'après la loi de 1838, les fonctions du président ne s'étendent pas jusque-là. Le résumé du président est supprimé et aucune loi ne confère à ce magistrat le droit de donner au jury des explications juridiques sur les conditions essentielles pour constituer le crime déféré à la cour d'assises.

Aussi je me rappelle que, dans une affaire célèbre, l'on s'est pourvu en cassation, précisément parce que le président avait expliqué au jury quelles étaient les conditions qui rendaient le faux punissable, et vraisemblablement ce moyen aurait été accueilli, s'il ne s'était présenté un autre moyen qui tranchait la question en faveur du demandeur.

Quant à la question au fond, j'estime que c'est avec fondement que nous n'avons pas énoncé dans la loi une définition de la préméditation. Cette définition est écrite dans le Code pénal de 1810, mais elle est inexacte et de nature à induire le jury en erreur.

La préméditation, dit le Code, consiste dans le projet formé avant l'action ; mais même dans les crimes commis sans réflexion et instantanément, le projet est formé antérieurement à l'action. En conséquence on ne saurait accueillir une définition évidemment erronée ; mais le mot « préméditation » est par lui-même clair et précis et tous les auteurs sont d'accord sur sa portée. Il y a préméditation lorsque l'auteur a pu, avec réflexion, calculer toutes les conséquences de l'action qu'il allait commettre et peser toutes les considérations qui auraient dû le détourner du méfait.

C'est ainsi que l'état d'ivresse est souvent un obstacle à ce que la préméditation existe, alors même qu'il s'est écoulé certain temps entre le projet et sa mise à exécution Il est donc inutile d'inscrire dans la loi une définition de la préméditation, expression qui a un sens bien déterminé par les auteurs et par la jurisprudence, et le jury sera à même de résoudre la question qui lui sera posée à cet égard, en fondant sa conviction sur les faits et circonstances de la cause, tandis qu'une définition quelconque serait, dans certains cas, de nature à l'induire en erreur.

M. Pirmez. - Messieurs, il me paraît que les observations que vient de présenter l'honorable M. de Muelenaere soulèvent une question extrêmement importante. La difficulté me paraît plus grande encore après avoir entendu l'honorable M. Lelièvre.

Dans le Code pénal de 1810, l'assassinat est le meurtre commis avec préméditation et la préméditation est définie.

La plupart des criminalistes ont émis l'opinion que le crime qui devait être puni de la peine la plus sévère n'était pas le meurtre commis avec préméditation, mais le meurtre commis avec réflexion. Dans le rapport de la commission qui a élaboré le projet de loi présenté par le gouvernement, cette manière de voir est adoptée ; il y est déclaré que la préméditation est indifférente ; que ce qu'il faut examiner, c'est si le crime a été réfléchi, s'il a été commis de sang-froid, en laissant de côté la circonstance de la préméditation.

On comprend la différence qu'il y a entre la préméditation et la réflexion.

Ainsi, pour déterminer le sens de ces mots, je suppose qu'un individu préparé au crime, un brigand de profession, rencontre une personne qu'il ne connaît pas, mais qu'il voit munie de valeurs ; sans s'arrêter plus longtemps, il s’empare de ces valeurs en tuant le détenteur ; incontestablement il lui donne la mort sans préméditation, mais avec réflexion et de sang-froid ; il y a, en considérant les choses en dehors des textes, un assassinat qui mérite la peine la plus sévère.

D'un autre côté, je suppose un individu qui, sous l'empire d'une violente passion, d'une colère concentrée conçoit l'idée d'un homicide, en prépare les moyens, et, toujours sous l'empire de son ressentiment, le met à exécution.

Ici il y aura préméditation, mais il n'y aura ni sang-froid, ni réflexion. Le fait est certainement moins grave.

On le voit, ce n'est pas la préméditation qui augmente la criminalité du fait, c'est la réflexion ; la première dénote d'ordinaire, il est vrai, la seconde, mais sans en être inséparable.

Cette manière de voir est adoptée par les auteurs du projet, voici ce que je lis dans le rapport si complet qui l'accompagne.

« Ce n'est donc pas la préméditation qui donne au fait le caractère d'un crime plus grave ou d'un crime d'une espèce différente ; elle n'est qu'une des circonstances que le jury doit examiner pour découvrir si la réflexion s'est appliquée à ce crime, ou si celui-ci n'a été l'effet que d'un mouvement d'emportement instantané. »

Ainsi, d'après le rapport, nous employons le mot « préméditation », sans attacher à ce mot son sens naturel, mais en le considérant comme synonyme de réflexion.

Ainsi, nous disons que l'assassinat est le meurtre commis avec préméditation ; en déclarant que nous voulons dire le meurtre commis avec réflexion.

(page 825) Tout en conservant le texte du Code de 1810, nous admettrions que nous l'entendons autrement que dans le sens naturel des mots, et cela est si vrai que les définitions sont supprimées comme ne rendant en aucune manière la pensée qu'on attache aux mots.

Comment s'abstenir d'une définition alors que nous entendons un mot dans un sens qu'il n'a pas par lui-même, dans un sens que la loi antérieure ne lui donnait pas ?

A cet égard je trouve deux partis à prendre qui tous deux sont préférable à ce qui est dans le projet.

Nous voulons punir d'une peine plus sévère le meurtre commis avec sang-froid et délibération ; il faut remplacer le mot « préméditation » par un autre qui rende mieux l'idée à exprimer, celui de réflexion si l'on n'en trouve pas de meilleur ou si l'on veut conserver le terme « préméditation », donner une définition qui, différente de celle du Code actuel, lui donne une portée incontestable et en rapport avec les principes du droit criminel.

Je crois que la Chambre pourrait surseoir à toute décision et ordonner le renvoi de l'article à la commission pour que celle-ci en fasse l'objet d'un examen spécial. La difficulté porte sur une des matières les plus graves de toute la législation et une décision ne peut par conséquent être prise qu'avec la plus extrême circonspection.

M. de Muelenaere. - J'appuie le renvoi de cet article à la commission, si M. le ministre de la justice ne s'y oppose pas ; car, comme vient de le faire remarquer l'honorable député de Charleroi, il me paraît évident que la rédaction de l'article 456, telle qu'elle est proposée, ne se trouve pas d'accord avec l'exposé des motifs fournis par l'honorable rapporteur lui-même. Il est hors de doute, me semble-t-il, que le meurtre ne constitue le crime d'assassinat qu'autant que le dessein d'attente à la personne d'un individu ait été conçu ou exécuté avec réflexion et de sang-froid.

Ainsi, d'après le nouveau système, la préméditation doit être entendue dans ce sens. J'appuie donc le renvoi de l'article à la commission.

- Le renvoi de l'article 456 à la commission est ordonné.

Article 457

« Art. 457. Est qualifié parricide et sera puni de mort, le meurtre des père, mère et autres ascendants légitimes, ainsi que le meurtre des père ou mère naturels, qui ont légalement reconnu le coupable. »

- Adopté.

Article 458

« Art. 458. Est qualifié infanticide le meurtre commis sur un infant au moment de sa naissance ou immédiatement après. »

M. le président. - Il y avait à cet article un second paragraphe portant : « Ce crime sera puni, suivant les circonstances, comme meurtre ou comme assassinat ». La commission propose la suppression de ce paragraphe et le gouvernement s'y rallie en reportant ce paragraphe à l’article suivant.

M. Lelièvre, rapporteur. - Je dois applaudir aux dispositions proposées par le gouvernement, et je les considère comme réalisant un progrès marqué. J'y adhère bien volontiers, au nom de la commission.

- L'article 458, ainsi modifié, est adopté.

Article 459

« Art. 459 (nouvelle rédaction proposée par le gouvernement). L'infanticide sera puni, suivant les circonstances, comme meurtre ou comme assassinat.

« Toutefois, la mère qui aura commis ce crime sur son enfant illégitime, sera puni des travaux forcés, de dix à quinze ans.

« Si elle a prémédité le crime avant l'accouchement, elle sera punie des travaux forcés de quinze à vingt ans. »

M. le président. - D'après la résolution que la Chambre vient de prendre, au sujet de l'article 456, à cause du mot « préméditation », je crois que cet article doit être également renvoyé à la commission.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - On pourrait l'adopter, sauf à changer le mot ultérieurement, s'il y a lieu.

M. Lelièvre, rapporteur. - Je me rallie au projet du gouvernement, conforme à l'amendement de la commission.

- L'article 459 est adopté sous cette réserve.

Article 460

« Art. 460. Est qualifié empoisonnement et sera puni de mort, le meurtre commis par le moyen de substances qui peuvent donner la mort plus ou moins promptement, de quelque manière que ces substances aient été employées ou administrées. »

- Adopté.

Article 461

M. le président. - Le gouvernement propose de supprimer l'article 461 et de libeller l'intitule de la section II Des lésions corporelles volontaires, comme suit : « De l’homicide volontaire non qualifié meurtre et des lésions corporelles volontaires. »

- Ces modifications sont mises aux voix et adoptées.

M. de Luesemans. - Messieurs, je ne m'oppose pas à la suppression de l'article 461. Cependant je demanderai ce qu'il adviendra de ce cas qui s'est présenté devant une cour n'assises de France et qui a été résolu par la cour de cassation.

Si deux personnes ont conçu le projet de se donner mutuellement la mort et si l'une des deux a survécu, après avoir coopéré cependant aux moyens de préparer le double suicide, y aura-t-il là un cas de meurtre ? La question s'est présentée devant la cour de cassation et celle-ci a décidé que cette circonstance n'enlevait pas au fait le caractère de meurtre.

Cependant cette doctrine est vivement combattue par Chauveau et Hélie, qui prétendent que, pour qu'il y ait meurtre, il faut qu'il y ait intention de porter grief à autrui.

Il y a, selon eux, entre le meurtre qualifié par la loi et l'espèce dans laquelle l'arrêt a été rendu la même différence qu'entre la faute lourde et le dol.

Je pense qu'il y a lieu de demander à cet égard des explications à M. le ministre de la justice ou à la commission. Car tout en reconnaissant que la complicité du suicide peut être écartée par le motif que là où il n'y a pas de crime principal, il ne peut y avoir de complice, je crois néanmoins qu'il y a lieu de résoudre cette difficulté qui peut se présenter.

M. Lelièvre, rapporteur. - On conçoit parfaitement qu'il n'est pas possible d’énoncer une disposition formelle prévoyant tous les cas qui peuvent se présenter ; il faut nécessairement se référer au jury qui appréciera dans quel cas il y a suicide ou complicité de suicide, et dans quelles circonstances il existera un meurtre véritable. Ce sont là des questions de fait qui ne peuvent être résolues par la loi et qu'il faut abandonner à l'appréciation de la justice.

Il faudrait connaître les circonstances spéciales de l'arrêt invoqué par M. de Luesemans pour émettre un avis sur son mérite.

M. Moncheur. - Je dirai d'abord qu'à mes yeux la question de savoir si l'on doit punir ceux qui ont participé à un suicide n'est pas très simple ni très facile à décider. Quant à moi, je crois qu'il y aurait d'excellentes raisons pour punir celui qui a participé au suicide, ainsi que l'avait proposé le gouvernement.

En effet il est évident que l'action de celui qui se donne la mort est une action réunissant les deux conditions qui donnent à la société le droit de punir, c'est-à-dire que cette action est immorale en elle-même et qu'elle trouble la société.

Le suicide pourrait donc être un crime punissable, mais pourquoi ne punit-on pas le suicide consommé ?

C'est parce que l'action, d'après les principes de notre droit criminel, est éteinte par la mort du coupable. On n'intente plus aujourd'hui en Belgique une action criminelle contre un cadavre ou contre la mémoire du défunt. Ou ne punit pas non plus les héritiers, qui sont innocents du fait de l'auteur, par la privation de la succession, on par la caducité du testament. Cependant ce mode de punir existe encore dans des pays civilisés. Il existe notamment dans le Piémont où on fait encore aujourd'hui le procès du suicidé et où on le déclare un être vil et privé des droits civils ; son testament est déclaré nul.

Ainsi si l'on ne punit pas chez nous le suicide, c'est, je le répète, parce que l'action est éteinte. Mais cela ne prouve pas que le suicide ne soit pas un crime ou un délit en lui-même. Par conséquent ceux qui ont instigué le suicide, qui ont provoqué à ce crime, qui ont fourni les armes pour le commettre, peuvent fort bien être considérés comme punissables aux yeux de la loi.

M. H. de Brouckere. - Et s'il y a tentative ?

M. Moncheur. - J'en viendrai à la tentative.

En effet, celui qui par exemple donne un pistolet armé à une personne qu'il savait aller en faire immédiatement usage pour se suicider, celui-là commet une action non seulement lâche, honteuse, mais encore coupable en elle-même, et cette action est très voisine de celle de l’homme qui se servirait lui-même du pistolet pour tuer l'individu qui lui demanderait de lui rendre cet affreux service.

Or, d'après l'exposé des motifs et aux termes de la législation pénale qui nous régit et qui nous régira toujours, cette action sera considérée comme un meurtre et même comme un assassinat.

L'honorable M. de Brouckere vient d'indiquer une objection, la voici : Ce qui prouve, dit-on, que le suicide n'est ni un crime ni un délit, c'est qu'on ne punit pas la tentative. Lorsque la personne qui a cherché à se suicider a survécu à cette tentative, l'action n'est pas éteinte, puisque le coupable existe. Par conséquent, si le fait qu'il a tenté de commettre était un crime, on devrait punir la tentative de ce crime.

Je déclare, messieurs, que, dans mon opinion, il serait très légal et tout à fait conforme aux principes du droit criminel de punir la tentative du suicide.

Mais pourquoi ne le fait-on pas et pourquoi a-t-on mille fois raison de ne pas le faire ? C'est que punir la tentative, dans ce cas, serait une mesure impuissante, inefficace, et qui irait même à l’encontre du but que se proposerait le législateur et qui serait de prévenir le crime.

En effet, le malheureux qui a commencé à attenter à ses jours peut avoir un moment de repentir, avant que le fait soit consommé, mais si la pensée lui vient que s'il survit, il sera l'objet d'une poursuite et subira la honte d'une condamnation, cette pensée seule peut fort bien l'engager à consommer le crime.

Par conséquent, la punition de la tentative serait inefficace, impuissante pour prévenir le crime et contrarierait même le but que se proposerait le législateur.

(page 826) Je fais valoir ces considérations, messieurs, pour en revenir à la réponse qui doit, selon moi, être faite à l'honorable M. de Luesemans. Dans mon opinion, on doit décider à plus forte raison de ce que je viens de dire, que celui qui tue une autre personne qui lui a demandé de le faire, est punissable comme coupable du crime de meurtre ou même d'assassinat, et la circonstance que deux personnes se seraient rendu mutuellement le service de s'ôter la vie, ne détruit en rien la criminalité du fait. Ainsi, dans le cas qu'a cité l'honorable M. de Luesemans, je pense que le jury devait répondre affirmativement à la question de culpabilité, et que les faits qu'il a indiqués constituent le crime d'assassinat.

M. de Luesemans. - Messieurs, j'aurai probablement été mal compris ou je me serai mal expliqué. Je n'ai pas du tout posé le cas auquel l'honorable M. Moncheur a fait allusion. Je regrette de ne pas avoir la note que j'avais faite et que j'ai laissée chez moi par inadvertance, j'avais copié l'arrêt de la cour de cassation de France. Je crois qu'il est de 1834 ; la rubrique est, je pense, à peu près comme suit :

« Si deux personnes ont conçu le projet de se donner mutuellement la mort, celle circonstance n'enlève pas au fait son caractère de meurtre »

Je crois aussi me rappeler, messieurs, que l'espèce était celle-ci : deux personnes allument ensemble un réchaud, ou bien deux personnes préparent ensemble un toxique ; l'une meurt, l'autre survit. Y a-t-il là meurtre ou complicité de suicide ? Voilà, messieurs, la question que j'ai posée ; mais je n'ai pas du tout demandé s'il fallait considérer comme meurtrier celui qui, à la demande d'une personne, la tue. Je crois aussi qu'il y a là une perversité coupable et ce n'est pas du tout le cas que j'ai cité.

Je crois, messieurs, qu'il faut trancher la question que j'ai soulevée, puisque la cour de cassation de France et les criminalistes les plus célèbres ne sont pas d'accord ; je ne voudrais pas plus longtemps, quant à moi, en abandonner la solution aux hasards de la jurisprudence ou aux discussions de la doctrine.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il est impossible, messieurs, de prévoir dans la loi tous les cas qui peuvent se présenter, comme il est impossible au ministre de donner immédiatement, instantanément la solution de toutes les questions qu'on peut soulever.

Depuis cinquante ans que le Code pénal existe, de nombreuses difficultés ont été soumises aux cours et aux tribunaux ; si chacune d'elles doit devenir l'objet d'une interpellation, il sera impossible au ministre de répondre.

Le suicide, d’après la loi actuelle comme d'après la loi proposée, n'est pas puni. Le complice du suicide ne l'est pas davantage. J'entends par complice d'un suicide celui qui, par exemple, a fourni l'arme pour qu'un individu puisse se suicider.

Mais ce n'est pas là le cas que suppose l'honorable M. de Luesemans. L'honorable membre suppose le cas où deux individus se sont entendus pour s'ôter réciproquement la vie ou pour se l'enlever simultanément.

Le fait de s'ôter réciproquement la vie me semble tomber incontestablement sous l'application des dispositions qui punissent le meurtre. Quant au projet de s'enlever simultanément la vie, et qui ne serait exécuté que quant à l'une des personnes qui auraient formé ce projet, il est impossible de dire quelle sera, en droit, la position de celui qui aura survécu. C'est là, avant tout, une question de fait, et dont la solution dépendra des circonstances.

- La Chambre décide que l'article 461 est supprimé.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - M. le président, pour la facilité de la discussion, je demanderai que l'on conserve provisoirement les numéros des articles tels qu'ils existent dans le projet du gouvernement. Ainsi l'article auquel nous allons arriver demeurerait l'article 462 jusqu'à la fin de la discussion. Quand tout le projet sera voté, ou pourra donner aux articles les numéros qui leur appartiendront.

Section II. Des lésions corporelles volontaires
Intitulé

Le gouvernement propose de modifier ce libellé comme suit : « De l’homicide volontaire non qualifié meurtre et des lésions corporelles volontaires. »

- Cette modification est adoptée.

Article 462

« Art. 462. Quiconque aura volontairement fait des blessures ou porté des coups, sera puni d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende de vingt-six francs à cent francs, ou de l'une de ces deux peines seulement.

« S'il y a eu préméditation, le coupable sera condamné à un emprisonnement d'un mois à deux ans et à une amende de cinquante francs à deux cents francs. »

- Adopté.

Article 463

« Art. 463. Si les coups ou les blessures ont causé une maladie ou une incapacité de travail personnel pendant plus de vingt jours, le coupable sera puni d'un emprisonnement.de six mois à trois ans et d'une amende de cinquante francs à trois cents francs.

« Il sera puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de cent francs à cinq cents francs, s'il a agi avec préméditation. »

M. le président. - La commission a proposé au premier paragraphe de fixer le minimum de la prison à trois mois, au lieu de six mois. Le gouvernement propose les modifications suivantes :

« § 1. Au lieu de un emprisonnement de deux mois à trois ans, dire : un emprisonnement de six mois a deux ans.

« § 2. Au lieu de un emprisonnement d'un an à cinq ans, dire : un emprisonnement d'un an à trois ans. »

M. Lelièvre, rapporteur. - Je crois pouvoir me rallier au système du gouvernement.

- L'article est adopté avec les modifications proposées par le gouvernement.

Article 464

« Art. 464. La peine sera celle de la réclusion, s'il est résulté des coups ou des blessures, soit une maladie ne laissant pas d'espoir fondé de guérison, soit une incapacité permanente de travail personnel, ou si, par l'effet de ces violences, la personne maltraitée a perdu l'usage absolu d'un organe, ou qu'elle soit demeurée gravement mutilée.

« La peine sera celle des travaux forcés de, dix à quinze ans, s'il y a eu préméditation. »

M. le président. - La commission propose de supprimer l'article et de le remplacer par la disposition suivante :

« Dans le cas prévu par l'article précédent, le coupable sera puni d'un emprisonnement de six mois à cinq ans et d'une amende de cent francs à cinq cents francs, s'il a agi avec préméditation. »

Le gouvernement propose les changements suivants :

« § 1. Au lieu de : la peine sera celle de la réclusion, dire ; la peine sera l'emprisonnement de deux ans à cinq ans et l'amende de deux cents francs à cinq cents francs.

« § 2. Au lieu de dire : des travaux forcés de dix à quinze ans, dire: de la réclusion.

M. Lelièvre, rapporteur. - Je me rallie à la proposition du gouvernement.

- La proposition du gouvernement est adoptée.

Article 465

« Art. 465. Lorsque les coups portés ou les blessures faites volontairement, mais sans intention de donner la mort, l'ont pourtant causée, le coupable sera puni des travaux forcés de dix à quinze ans.

« Il sera puni des travaux forcés de quinze à vingt ans, s'il a commis ces actes de violence avec préméditation. »

M. le président. - Le gouvernement propose les modifications suivantes :

« § 1. Au lieu de : travaux forcés de dix à quinze ans, dire : de la réclusion.

« §2. Au lieu de : des travaux forcés de quinze à vingt ans, dire : des travaux forcés de dix à quinze ans. »

M. Lelièvre, rapporteur. - La commission est d'accord avec le gouvernement.

- La proposition du gouvernement est adoptée.

Article 466

« Art. 466 (nouvelle rédaction proposée par le gouvernement). Lorsque, dans une rixe, sans que l'attaque ait été concertée à l'avance entre les agresseurs, la personne attaquée a reçu une blessure de la nature de celles qui sont prévues par l'article 464, s'il y a incertitude sur le véritable auteur de la lésion ou si celle-ci a été le résultat de plusieurs blessures, tous ceux qui auront exercé des violences contre le blessé seront punis d'un emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amendé de cinquante francs à cinq cents francs.

« Ceux qui auront de toute autre manière contribué à amener le résultat, seront condamnés à un emprisonnement d'un mois à un an et à une amende de vingt-six francs à deux cents francs. »

M. Lelièvre, rapporteur. - Je dois déclarer que les modifications apportées par M. le ministre au projet primitif font disparaître plusieurs inconvénients auxquels les premières dispositions auraient pu donner lieu. Toutefois, j'aurais préféré qu'on se référât purement et simplement au droit commun qui me paraît suffisant.

- L’article 466, tel que le gouvernement a proposé de le rédiger en dernier lieu, est mis aux voix et adopté.

Article 466bis

« Art. 466 bis. Lorsque, dans une rixe, une personne aura été tuée sans que l'attaque dirigée centre elle ait été concertée à l'avance entre les agresseurs, s'il y a incertitude sur le véritable auteur de la blessure mortelle, ou si la mort a été le résultat de plusieurs blessures, tous ceux qui auront exercé des violences contre la personne homicidée seront punis d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d’une amende de deux cents francs à mille francs ; ceux qui auront de toute autre manière contribué à (page 827 amener le résultat, seront punis d'un emprisonnement d'un mois à deux ans et d'une amende de cinquante francs à cinq cents francs.

- Adopté.

Article 467

« Art. 467. Si l'attaque a été concertée à l'avance, tous ceux qui auront participé à la rixe seront punis, suivant les circonstances, comme co-auteurs ou complices de l'homicide. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch) propose la suppression de cet article.

M. Lelièvre, rapporteur. - Nous sommes d'accord.

- L'article 467 est supprimé.

Article 468

« Art. 468. Quiconque aura causé à autrui une maladie ou incapacité de travail personnel, en lui administrant volontairement, mais sans intention de tuer, des substances qui sont de nature à donner la mort ou à altérer gravement la santé, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à cinq ans et d'une amende de cinquante francs à cinq cents francs.

« La tentative de ce délit sera punie d'un emprisonnement de huit jours à trois ans et d'une amende de vingt-six francs à trois cents francs. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch) propose de modifier cette rédaction comme il suit :

« Art. 468. § 1. Sera puni d'un emprisonnement de trois mois à cinq ans et d'une amende de cinquante francs à cinq cents francs, quiconque aura causé à autrui une maladie ou incapacité de travail personnel, en lui administrant volontairement mais sans intention de tuer, des substances qui peuvent donner la mort, ou en lui administrant des substances qui, sans être de nature à donner la mort, peuvent cependant altérer gravement la santé.

« § 2. La tentative de ce délit sera punie d'un emprisonnement d'un mois à trois ans et d'une amende de vingt-six francs à trois cents francs. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, la rédaction nouvelle qui est proposée par le gouvernement, modifie en partie le fond de l'article. Par cette modification, nous avons voulu atteindre celui qui, avec l'intention de donner la mort, a administré des substances qui, sans être de nature à donner la mort, pourraient cependant porter une atteinte grave à la santé. Ce cas ne tombait pas sous l'application de l'article tel qu'il était rédigé.

M. Lelièvre, rapporteur. - Nous sommes d'accord.

- L'article 468 ainsi modifié est adopté.

« Art. 469. Si la maladie ou incapacité de travail personnel a duré plus de vingt jours, le coupable sera puni de la réclusion.

« La peine sera celle des travaux forcés de quinze à vingt ans, lorsque ces substances auront causé, soit une maladie ne laissant pas d'espoir fondé de guérison, soit une incapacité permanente de travail personnel, ou lorsque, par l'effet de ces substances, la personne à qui elles ont été administrées, aura perdu l'usage absolu d'un organe.

M. le ministre de la justice propose de dire : travaux forcés de dix à quinze ans, nu lieu de travaux forcés de quinze à vingt ans.

M. Lelièvre, rapporteur. - Nous sommes d'accord.

- L'article 469, ainsi modifié, est adopté.

Article 470

« Art. 470. Si les substances administrées volontairement, mais sans intention de donner la mort, l'ont pourtant causée, le coupable sera puni des travaux forcés de quinze à vingt ans. »

- Adopté.

Article 471

« Art. 471. Sera puni des travaux forcés de dix à quinze ans, celui qui aura volontairement entravé la circulation d’un convoi sur un chemin de fer, en y déposant des objets quelconques, en dérangeant les rails ou leurs supports, en enlevant les chevilles ou clavettes, ou en employant tout autre moyen de nature à arrêter le convoi ou à le faire sortir des rails. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch) propose de dire : la réclusion, au lieu de : travaux forcés de dix a quinze ans.

M. Lelièvre, rapporteur. - Je me rallie au système du gouvernement parce qu'il atténue la peine du projet primitif. Aux termes de la loi de 1843, ou ne comminait qu'un simple emprisonnement, et je pense même que cette peine aurait été suffisante.

- L'article 471, ainsi modifié, est adopté.

Article 472

« Art. 472. Si le fait a causé des blessures de la nature de celles prévues par l'article 465, le coupable sera condamné aux travaux forcés de quinze à vingt ans. »

M. le président. - M. le ministre de la justice a proposé à l'article 472 l'amendement suivant :

« Art. 472. § 1er. Projet de la commission. Au lieu de : travaux forcés de quinze à vingt ans, dire : travaux forcés de dix à quinze ans.

« § 2. Il sera condamné aux travaux forcés de quinze à vingt ans si les blessures sont de la nature de celles qui sont prévues par l'article 464. »

- L'article, ainsi modifié, est adopté.

Article 473

« Art. 473. Si le fait a causé la mort d'une personne, le coupable sera puni de mort. »

- Adopté.

Article 474

« Art. 474 (nouvelle rédaction proposée par te gouvernement). Les personnes condamnées en vertu des articles 463, 464, § 1er, et 468, à la peine d'emprisonnement, pourront de plus être placées sous la surveillance de la police pendant cinq à dix ans. »

M. Lelièvre, rapporteur. - Nous sommes d'accord.

- L'article 474, ainsi rédigé, est adopté.

Articles 475 et 476 (dispositions communes aux deux sections précentes

On passe aux : « Dispositions communes aux deux sections précédente ». La commission, d'accord avec le gouvernement, propose la suppression de cette rubrique.

- La suppression des mots : « Dispositions communes aux deux sections précédentes » est mise aux voix et prononcée.


Art. 475. Dans les cas mentionnés aux articles 462 à 469, si le coupable a commis le crime ou le délit envers ses père et mère légitimes, naturels ou adoptif ou autres ascendants légitimes, le minimum des peines prononcées par ces articles sera toujours porté aux deux tiers du maximum fixé par les mêmes dispositions.

« Le maximum des peines d'emprisonnement et d'amende pourra même être élevé jusqu'au double. »

- Le gouvernement se rallie à la rédaction de la commission, toutefois en supprimant le mot « toujours ».

M. Pirmez. - Messieurs, la rédaction, telle qu'elle est formulée dans l'article 475, a subi des modifications dans des articles précédents où elle se présentait ; il y a donc lieu de modifier l’article 475 dans le même sens. En effet, la disposition a pour but d'élever le minimum aux deux tiers, non pas du maximum, mais de la différence entre le maximum et le minimum fixé par la même disposition.

Telle qu'elle est rédigée, la disposition conduirait, dans certains cas, à une flagrante contradiction : S'il s'agit, par exemple, des travaux forcés de 15 à 20 ans, en fixant l. minimum aux deux tiers du maximum, bien loin de l'élever on l'abaisserait ; il ne serait que de 15 ans et quelques mois au lieu d'être supérieur à 18 ans.

Je pense, en conséquence, qu'il y aurait lieu de renvoyer l'article 475 à la commission, pour que ce changement fût apporté à la rédaction.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je pense qu'il est inutile d'ordonner le renvoi à la commission. Nous avons admis hier, dans deux articles qui consacrent une disposition semblable à celle que nous discutons, la rédaction suivante : « Le minimum des peines prononcées par cet article sera élevé des deux tiers de la distance qui sépare le minimum du maximum. »

Il y a donc lieu d'admettre, ici la même rédaction en ajoutant ces mots : « fixé par les mêmes dispositions ».

M. Lelièvre. - Je me réfère à es que vient de dire M. le ministre de la justice. Adoptons dès maintenant une rédaction déjà votée définitivement par la Chambre.

- L'article 475 est mis aux voix et adopté avec la rédaction proposée par le gouvernement.

Article 476

« Art. 476. Les crimes et délits prévus par les articles 455, 456 ; 462 à 466bis, 471, 472, 473, s'ils sont commis en réunion séditieuse, avec rébellion ou pillage, sont imputables aux chefs, auteurs et provocateurs de ces réunions, rébellions ou pillages. »

- Adopté.

Section III. De l'homicide, des blessures et des coups excusables
Intitulé

M. le président. - L'intitulé de cette section doit être ainsi conçu :

« De l'homicide (au lieu de du meurtre), des blessures et des coups excusables. »

- Cette modification de l'intitulé de la section III est mise aux voix et adoptée.

Articles 477 et 478

« Art. 477. L'homicide, les blessures et les coups sont excusables, s'ils ont été immédiatement provoqués par des violences graves envers les personnes. »

- Adopté.


« Art, 478. Les crimes et les délits mentionnés au précédent (page 828) article sont également excusables, s'ils ont été commis en repoussant, pendant le jour, l'escalade ou l’effraction des clôtures, murs ou entrée d'une maison ou d'un appartement habité ou de leurs dépendances »

- Adopté.

Article 479

« Art. 479. L'homicide, les blessures et les coups sont excusables :

« 1° Lorsque le crime ou le délit est commis par l'époux sur sa femme et le complice, à l'instant où il les surprend en flagrant délit d'adultère ;

« 2° Lorsqu'il est commis par la femme sur son mari et la concubine, à l'instant où elle les surprend en flagrant délit d'adultère dans la maison conjugale. »

M. le ministre propose de substituer au mot « époux » le mot « mari », et de supprimer les chiffres 1° et 2°. »

M. Savart. - Messieurs et honorables collègues, ce n'est point pour faire contre le ministère acte d'hostilité que je viens combattre l'article 479 du projet de loi, les idées qui me font prendre la parole aujourd'hui sont mes idées d'il y a trente ans.

Alors comme aujourd'hui j'éprouvais un profond sentiment de répulsion contre l'article 324 du Code pénal de 1810.

Cet article est celui qui proclame l'excuse du mari, qui, surprenant son épouse en adultère dans le domicile conjugal, la frappe, elle et son complice, et commet un double meurtre.

Lorsque en 1828 je me suis occupé de la révision du Code pénal, dans la brochure que j'ai publiée, je me suis élevé contre l'article 324.

Cet article est empreint de je ne sais quel cachet de férocité, il a quelque chose de sauvage qui ne concorde pas avec la civilisation et la mansuétude de nos mœurs, il porte atteinte au grand, au salutaire principe, que nul ne peut se faire justice.

Le mari est en même temps, dans sa propre cause, juge et bourreau.

Et malgré que le meurtre excusé puisse encore être atteint de peines correctionnelles, il n'en résulte pas moins, de fait, quelque chose qui ressemble à une semi-autorisation d'égorgement.

Depuis 1828, j'ai vécu dans un milieu qui m'a permis de lire dans le cœur humain, d'en sonder les replis.

Les nombreux procès en séparation de corps et de biens, en divorce, en adultère qui se sont déroulés devant moi, n'ont pas changé mes convictions sur les dangers de l'article 324. Loin de là. Je sais, messieurs, quelles tempêtes les passions soulèvent.

Je comprends comment l'état de la raison s'obscurcit, s'efface, comment la nuit se fait dans l'âme bouleversée.

Je comprends l'irritation d'un mari trompé, qui voit tout à coup s'écrouler l'édifice de son bonheur domestique, qui perd la confiance qu'il avait dans sa femme, la croyance qu'il avait dans ses enfants, qui passe, pour ainsi dire, du paradis dans l'enfer.

Certes, l'irritation peut aller jusqu'au délire. Le jury peut absoudre.

Si le jury n'absout pas, le roi peut faire grâce de tout ou partie de la peine, suivant les circonstances.

Tels sont les vrais principes. Mais n'y a-t-il pas imprudence à inscrire dans la loi une excuse préalable, et applicable à tous les cas où le mari donne la mort au moment où il surprend sa femme en adultère ?

Pour moi, j'ai la conviction profonde que cet article a été la cause première et unique de bien des meurtres et de bien des assassinats.

Je me sers à dessein du mot « assassinat », car quoi qu'en dise l'honorable M. Lelièvre dans son rapport, l'article, comme il est conçu, excuse même le meurtre prémédité.

Une phrase vague insérée dans un rapport ne changera rien à cet égard dans la jurisprudence. On a reproduit le texte de l'article 324 dans l'article 479 et nous reverrons les drames que nous avons déjà vus.

Tout ce que la loi exige, c'est que le meurtre ait lieu au moment de la surprise.

Mais pour arriver à cette surprise, combien de fois des maris n'ont-ils pas tissé avec patience et longueur de temps les mille mailles du réseau dans lequel ils devaient envelopper les coupables pour après les tuer à leur aise ?

Les maris, surprenant des correspondances, soldaient des espions, séduisaient des domestiques, achetaient des armes, les chargeaient avec soin, les fourbissaient avec dextérité, feignaient des voyages, restaient en embuscade des nuits entières et plusieurs nuits en attendant leur proie.

Ils étaient là, comme Gérard, à l'affût des bêtes fauves.

Ils déployaient le même sang-froid, la même persévérance, mais non le même courage ; car ils trouvent des coupables, mais des coupables sans défense.

Eh bien, malgré toutes ces circonstances aggravantes, je pense que mon honorable collègue M. Lelièvre ne pourrait pas me citer deux exemples de maris qui n'ont pas été excusés.

J'espérais, messieurs, lorsqu'on s'est occupé d'un nouveau projet de Code, qu'on aurait diminué l’excuse trop étendue par l’article 324 et expliqué clairement dans la loi qu'il n'y avait pas d’excuse lorsqu'il y avait dessein de tuer, arrêté à l'avance, guet-apens, préméditation. Mais combien mes espérances sont déçues ! Au lieu de restreindre le cercle des excuses on l'élargit considérablement, on n'exige plus que la surprise ait lieu dans le domicile conjugal.

Le mari pourra tuer partout, on lui accorde l'excuse alors qu'il massacre deux coupables qui n'auraient été frappés par la loi que de peines correctionnelles ou même qui n'auraient été soumis à aucune peine.

Car le mari qui a commis lui-même un adultère dans la maison nuptiale ne peut plus dresser plainte contre sa femme.

Il a le premier violé la parole donnée, il a le premier fait affront au toit conjugal, il ne pourra dresser plainte contre sa femme, mais la tuer c'est différent ; même dans ce cas, s'il tue, il est excusé !!!

Le gouvernement avait eu la précaution de dire que, dans ce cas, l'excuse ne serait pas admissible ; mais la commission a biffé cette restriction.

On a élargi le cercle de l'excuse en l'accordant à la femme, alors qu'elle égorge et son mari et sa concubine, surpris en conversation criminelle dans la maison nuptiale.

Jusqu'ici nous avons des pages bien lugubres dans nos annales judiciaires.

Nous avons des exemples trop multipliés de maris qui ont massacré leurs femmes adultères et leurs complices, mais il n'y a pas d'exemple connu d'une femme qui a massacré son époux et sa concubine.

Si vous maintenez le projet présenté par la commission, vous verrez des femmes venir s'excuser d'un double massacre.

L'article aura pour elles le même résultat qu'il a eu pour les maris.

L'explosion de la jalousie chez les femmes est aussi terrible que chez l'homme.

Les passions de la femme sont plus fortes ; leur raison, plus faible.

Je crois que votre loi, mauvaise conseillère, semblera murmurer à l'oreille de la femme altérée de vengeance : Si tu frappes, l'excuse est là ; tue et derrière les cadavres tu trouveras l'excuse. Si la femme ne frappe pas son époux, elle pourra bien ne pas épargner sa rivale.

On a voulu établir une espèce de réciprocité. Mais cette réciprocité pour produire de bons résultats était peut-être de rayer l'excuse pour l'époux et pour l'épouse, de s'en rapporter au jury et en tous cas à la clémence royale.

En tous cas il n'y a pas l'analogie entre l'homme et la femme adultère.

Le mari n'a porte pas, comme la femme, un étranger dans la famille, il ne vole pas la part des enfants légitimes ; enfin l'adultère de la femme accuse une démoralisation plus profonde que celui de l'homme. Il n'y a donc pas d'égalité dans la faute de l'un, dans la faute de l'autre. La loi ne doit pas mettre le mari et la femme au même rang.

Votre législation serait du reste contraire aux idées reçues et à la législation des autres pays de l'Europe.

La femme, même après avoir tué son mari, n'en conserve pas moins la puissance maternelle ; elle conserve les droits et les avantages qui lui sont assurés par la loi civile sur les biens et la personne de ses enfants

Les enfants lui doivent honneur et respect. Ils devront vivre avec l'assassin de leur père et être soumis à son autorité.

Recevront-ils les caresses des mains de leur mère funestes encore du sang de leur père ?

Quant à moi mes idées de législateur se soulèvent et se révoltent contre une législation qui amènerait de tels résultats.

Jamais je ne consentirai à voter le projet sans amendement. Non. Jamais !

M. Lelièvre. - Il n'est impossible de partager le système de l'honorable M. Savart qui ne veut pas que l'on considère comme excusable (c'est-à-dire méritant une atténuation de peine) l'homicide commis par le mari au moment où il surprend sa femme en flagrant délit d'adultère.

Nous sommes occupés à énoncer dans quel cas il y a excuse. Eh bien, y a-t-il une excuse plus légitime que celle dont il s'agit ?

Le mari est témoin de l'outrage le plus violent qui puisse être fait à un homme d'honneur.

Naturellement il ne peut contenir sa juste indignation. Eh bien, n'est-il pas conforme à la justice de considérer comme excusables les excès qu’il commet sous l'influence de la colère que l'acte injuste de la femme et du complice a provoquée ?

La violation scandaleuse de la foi conjugale n'atténue-t-elle pas singulièrement la gravité de l'action commise par le mari ?

Mais aux termes de l’article. 477, déjà voté par la Chambre, il y a excuse lorsque le fait a été provoqué par des violences graves.

Eh bien, l'outrage fait au mari dans la circonstance dont nous nous occupons, doit exercer sur lui une influence bien plus grande que des violences.

Mais il faudrait être un homme sans cœur pour ne pas s'émouvoir à l'aspect d'un pareil outrage, qui foule aux pieds toutes les règles de l'honnêteté.

En pareille circonstance, n'est-on pas excusable lorsqu'on se livre à des excès motivés par une légitime indignation ?

(page 829) Du reste ce principe a été consacré par toutes les législations.

Je nie rappelle qu'en 1822 à l'université de Louvain, M. Pirmez, père de notre honorable collègue, a soutenu une excellente dissertation de marito tori violati vindice, ouvrage remarquable qui, soit dit en passant, prouve que dans la famille de notre collègue le talent est héréditaire. Eh bien, cette dissertation prouve que chez presque toutes les nations, l'excuse dont il s'agit était admise en faveur du mari outragé.

Difficile est temperare justum dolorem, disaient les Romains, et la disposition consacrée par le code de 1810, est donc conforme aux sentiments naturels, elle est conforme aux principes du droit qui admettent l'excuse lorsqu'il existe un fait injuste de la victime propre à provoquer l'indignation de l'agent qui a cédé à un premier mouvement.

Du reste nous admettons l'excuse alors même que l'adultère a été commis par la femme hors de la maison conjugale, parce que, quel que soit le lieu où ce fait se commette, il constitue un délit puni par la loi et d'ailleurs parce qu'il exerce la même influence sur le mari qui en est témoin.

Je dois du reste déclarer à l'honorable M. Savart qu'il est évident que d'après l'esprit et la lettre de notre disposition, l'excuse, introduite en faveur du mari qui surprend sa femme eu flagrant délit, n'est admise que lorsque l'inculpé a agi sans préméditation.

En effet notre article se trouve sous la rubrique du meurtre.

Or aux termes de l'article 455, c'est l'homicide commis sans préméditation qui est qualifié meurtre.

Lorsque le meurtre est commis avec préméditation, il est considéré comme l'assassinat.

Dans le cas de notre article 479, c'est le meurtre seul qui est excusable et non pas l'assassinat. Du reste le texte même de l'article 479 démontre qu'il en est ainsi ; on suppose que le mari a cédé à un mouvement d'irritation qui ne lui a pas permis de réfléchir, et l'esprit de notre disposition n'est pas moins décisif en ce sens.

Sans doute il y a eu des acquittements dans certains cas où la préméditation existait ; mais ce sont là des décisions émanées du jury, qui n'ont aucune relation avec l'interprétation de la loi.

Le jury, appréciant l'intention de l'agent, trouve bon de prononcer un verdict de non-culpabilité, nous n'avons pas à nous préoccuper de semblables déclarations bien ou mal portées.

Quant à la question de savoir s'il convient de considérer comme excusable la femme qui, surprenant son mari en flagrant délit dans la maison conjugale, commet un homicide sur la personne de son époux ou sur celle de sa concubine, je dois faire connaître à la Chambre qu'au sein de la commission j'ai partagé l'avis de l'honorable M. Savart et que j'ai estimé qu’il serait préférable d'adopter, sur ce point, la législation en vigueur.

Mais la commission a émis un avis contraire, et je dois exposer les motifs qui ont prévalu. On a dit qu'il était juste de placer la femme sur la même ligne que le mari ; que la femme, qui est témoin d'un délit outrageant pour son honneur et sa juste susceptibilité, ne peut modérer son indignation, et que le fait qu'elle commet sous l'influence de ce sentiment ne doit pas être frappé de la peine ordinaire réservée au meurtrier.

On a dit aussi que nos lois et nos mœurs doivent relever la dignité de la femme, et qu'en conséquence on ne peut la traiter moins favorablement que le mari ; que d'aideurs les mêmes raisons militent pour établir l'excuse en sa faveur.

En ce qui me concerne, je donne la préférence à l'opinion de l'honorable M Savart.

Je pense que la femme devant obéissance à son mari, il est contraire à la subordination qui la lie envers son époux d'inscrire dans la loi l'excuse en sa faveur.

C'est ainsi qu'en pareil cas, cette excuse n'est pas admise lorsqu'il s'agit d'un ascendant qui aurait été trouvé en flagrant délit d'adultère.

Pourquoi décréterait-on un autre principe lorsqu'il s'agit du mari auquel obéissance est due par la femme ?

En second lieu, il me semble anomal et contraire à nos mœurs, d'inscrire dans nos lois une excuse en faveur de la femme, alors qu'elle n'a jamais été admise par les législations antérieures.

La Chambre pourra apprécier auquel système elle croit devoir se rallier.

Ne perdons pas de vue que si l'excuse n'est pas inscrite dans la loi, ce sera toujours au jury qu'il appartiendra d'apprécier les circonstances, et bien souvent on ne se bornera pas à accueillir l'excuse, il interviendra une déclaration de non-culpabilité.

Du reste, j'ai exposé les motifs qui me semblent devoir prévaloir et je me réfère avec confiance à la sagesse de la Chambre.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je m’en rapporte aux considérations émises par l'honorable rapporteur pour justifier la disposition de l'article 479, en tant qu'elle s'applique au mari, et je me bornerai à faire quelques observations sur les considérations qu'il vient de présenter en son nom personnel pour soutenir que la femme ne doit pas être placée, au cas qui nous occupe, sur la même ligne que le mari, c'est-à-dire que la femme ne doit pas être déclarée excusable quand elle commet un meurtre sur la personne de son mari dans des circonstances où le mari est déclaré excusable quand il commet un meurtre sur la personne de sa femme.

Quand l'honorable rapporteur soutient l'excuse introduite en faveur du mari qui tue sa femme qu'il a surpris, en flagrant délit d'adultère, il raisonne comme homme, il tient compte de tous les sentiments qui doivent agiter le cœur d'un époux trompé, outragé, Il admet que le mari a pu se trouver dans une situation qui ne lui a pas laissé le sang-froid, la liberté d’esprit nécessaire pour résister au sentiment de la vengeance et apprécier l'acte qu'il a commis ; mais il apprécie la position de la femme qui surprend son mari en flagrant délit d'adultère, il raisonne en juriste, il recherche quels devoirs le Code civil impose à la femme vis-à-vis du mari.

Je ne puis pas admettre que l'infidélité de la femme puisse mettre le mari dans une situation telle, qu'il ne se rend plus compte de l'action qu'il commet, et ne pas admettre la même chose pour la femme ; quant aux passions, la différence entre l'homme et la femme n'est pas telle, qu'un fait qui les soulève chez l'un laisse l'autre insensible.

Vous supposez un fait qui froisse la femme dans tous ses sentiments, qui est de nature à jeter dans sa vie la plus grande perturbation, et vous exigez qu'elle n'en éprouve aucune émotion ; au moment où son mari méconnaît ses devoirs vis-à-vis d'elle, vous exigez qu'elle songe aux devoirs que lui impose le Code civil ; qu'elle se rappelle l'obéissance, la soumission que lui commande la loi ! Mais pourquoi n'avez-vous pas les mêmes exigences vis-à-vis du mari ? Pourquoi n'exigez-vous pas qu'il reste parfaitement calme quand il surprend sa femme en flagrant délit de conversation criminelle, et qu'il se souvienne qu'il est interdit de se faire justice à soi-même et que la loi défend de tuer.

Les considérations qui sont tirées du cœur humain en faveur d'une des dispositions de l'article de celle qui concerne le mari, sont applicables à celle qui concerne la femme ; vous devez les placer tous les deux sur la même ligne.

- L'article 479, proposé par la commission, est mis aux voix et adopté.

Article 80

« Art. 480. Lorsque le fait d'excuse sera prouvé,

« S'il s'agit d'un crime emportant la peine de mort, ou celle des travaux forcés à perpétuité, la peine sera réduite à un emprisonnement d'un an à cinq ans et à une amende de cent francs à cinq cents francs.

« S'il s'agit de tout autre crime, elle sera réduite à un emprisonnement de six mois à deux ans et à une amende de cinquante francs à deux cents francs.

« Dans ces deux cas, les coupables pourront de plus être mis, par l'arrêt ou le jugement, sous la surveillance spéciale de la police pendant cinq ans au moins et dix ans au plus.

« S'il s'agit d’un délit, la peine sera réduite à un emprisonnement de huit jours à six mois. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch) propose de supprimer le paragraphe 4 : « Dans ces deux cas, etc. »

- L'article 480 ainsi modifié est mis aux voix et adopté.

Article 481

« Art. 481. Les excuses énumérées dans la présente section ne sont pas admissibles, si le coupable a commis le crime ou le délit envers ses père, mère ou autres ascendants légitimes, ou envers ses père ou mère naturels qui l’avaient légalement reconnu. »

- Adopté.

Section IV. De l’homicide, des blessures et des coups justifiés
Articles 482 et 483

« Art. 482. Il n'y a ni crime ni délit, lorsque l'homicide, les blessures et les coups étaient ordonnés par la loi et commandés par l’autorité légitime. »

- Adopté.


« Art. 483. Il n'y a ni crime ni délit, lorsque l'homicide, les blessures et les coups étaient commandés par la nécessité actuelle de la légitime défense de soi-même ou d'autrui. »

- Adopté.

Article 848

« Art. 484. Sont compris dans le cas de nécessité actuelle de défense les deux cas suivants :

« 1° Si l'homicide a été commis, si les blessures ont été faites, si les coups ont été portés, eu repoussant pendant la nuit l'escalade nu l'effraction des clôtures, murs ou entrées d'une maison ou d'un appartement habité ou de leurs dépendances ;

« 2° Si le fait a eu lieu en se défendant contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence envers les personnes. »

M. Pirmez. - Cet article, qui est emprunté au Code pénal actuel, messieurs, a fait naître une difficulté très grave.

Voici la controverse à laquelle il a donné lieu.

L'article prévoit le cas où l’homicide est commis eu repoussant, la nuit, l'escalade ou l'effraction des clôtures, murs ou entrées d'une maison, etc. ; il suppose qu’en repoussant l'escalade ou l'effraction on s'est trouvé dans le cas de légitime défense. Mais on s'est demandé si cette présomption de la loi est ce qu'on appelle dans le langage technique une présomption juris et de jure ou seulement une présomption juris tantum.

(page 830) En d’autres ternies, si la disposition que nous discutons a pour effet d'excuser le fait, dans tous les cas, quelles que soient les circonstances et quelque connaissance que l'auteur de l'homicide ait eue des intentions de l'agresseur ; ou bien, si cette excuse doit être entendue en ce sens qu'il y a encore lieu à condamnation, s'il résulte des circonstances que l'agent savait que l'agresseur n'avait pas l'intention de causer de mal aux personnes, par conséquent n'était pas dans le cas de légitime défense.

Cette question a été examinée dans les deux rapports qui nous ont été soumis.

Les auteurs du projet décident que, malgré la disposition de l'article 484, s'il paraît que l'homicide a été commis inutilement ; par exemple, s'il est constant que l'auteur de la violation de domicile n'avait d'autre intention que de dérober quelques légumes dans un jardin ou d'entretenir des relations avec une personne de la maison, et qu'il n'avait nullement le projet d'attenter à la sûreté des personnes, dans ce cas, dis-je, les auteurs du projet sont d'avis que l'homicide ne serait pas justifié et devrait être puni d'après les dispositions du Code pénal.

Le rapport de l'honorable M. Lelièvre, au contraire, décide la question dans un autre sens : il décide que, quelle que soit la cause de l'escalade ou de l'effraction, celui qui s'y oppose est toujours dans son droit en tuant.

Cette opinion, messieurs s'appuie sur la jurisprudence de la cour de cassation de France qui a décidé que même lorsqu'il est constaté que l'auteur de l'homicide n'avait couru aucun danger et le savait, il est encore dans le cas de la justification énoncée par la loi.

Cette question étant de nature à se présenter fréquemment, il importe, me semble-t-il, qu'il n'y ait aucun doute sur sa portée. Je demanderai donc au gouvernement s'il se rallie à l'opinion de la commission ou s'il maintient celle qui est exprimée dans l'exposé des motifs.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'ai examiné très attentivement cette controverse, et je me proposais de demander le renvoi de l'article à la commission ; nous l'examinerons ensemble. Je pense que l'opinion énoncée dans l'exposé des motifs doit être adoptée et qu'une modification doit être apportée à la rédaction pour qu'il n'existe plus aucun doute à cet égard.

M. Lelièvre. - Je ne m'oppose pas au renvoi à la commission de l'article 484. Toutefois je dois dire qu'à mon avis il faut maintenir en sou entier le principe qu'il sanctionne ; ce principe n »est pas nouveau. Il est écrit dans toutes les législations des peuples les plus anciens. Chez les Hébreux, chez les Romains on pouvait impunément tuer le voleur de nuit.

Notre disposition est fondée sur le principe que l'individu qui repousse l'escalade ou l'effraction pendant la nuit défend sa sûreté personnelle et celle de son domicile. Alors que par suite de la nuit il ne peut recourir à la force publique ni invoquer l'assistance des étrangers, il se trouve réellement placé sous l’égide des principes du droit naturel qui lui permettent de faire respecter le foyer domestique.

Il importe peu quel est le but de l'auteur de l'escalade ou de l'effraction ; celui-ci commet un fait injuste que le propriétaire de l'habitation a le droit de repousser. En règle générale on peut, d'après les principes du droit naturel, faire respecter tout droit légitime.

Eh bien, celui dont ou vient violer la demeure pendant la nuit se trouvant dans l'impossibilité de recourir à la force publique et d'invoquer l'aide des agents de la société, a le droit de se défendre lui-même et de repousser l'effraction qui est un acte illégitime.

Je pense donc qu'il y a lieu de maintenir notre disposition dans toute sa teneur sans aucune modification.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'admets bien que, lorsqu'un individu se croit sérieusement menacé dans sa personne ou dans ses biens, il recourt à la mesure extrême de porter atteinte à la vie de son semblable.

Je comprends que, sous ce rapport la loi établisse en sa faveur la présomption que, quand pendant la nuit il y a escalade, que quand on cherche à s'introduire, de nuit, dans une maison ou dans un enclos en dépendant, c'est dans un but qu'il est permis de repousser par tous les moyens.

Mais lorsqu'on prouve au meurtrier qu'il savait parfaitement dans quel dessein ou cherchait à s'introduire chez lui, qu'il n'avait absolument rien à craindre, qu'il n'était menacé ni dans sa personne ni dans sa propriétés et que, nonobstant cette connaissance, il a commis ou tenté de commettre un meurtre, il m'est difficile d'admettre qu'il puisse être innocenté. Il n'avait pas besoin dans ce cas, comme le suppose l'honorable M. Lelièvre, de recourir à la force publique.

Il y a donc, me semble-t-il, une distinction à faire entre l'individu qui connaissait le dessein dans lequel on cherchait à pénétrer chez lui, et celui qui ignorait ce but. Le système de l'honorable M. Lelièvre me paraît trop absolu et présente de sérieux inconvénients.

- Le renvoi de l'article 484 à la commission est ordonné.

Chapitre II. De l’homicide par des lésions corporelles involontaires
Article 485

« Art. 488 (projet du gouvernement). Est coupable d’homicide ou de lésion involontaire, celui qui a causé le mal par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d'attenter à la personne d'autrui. »

« Art. 488 (projet de la commission). Est coupable d'homicide ou de lésion involontaire celui qui, sans intention, a causé le mal par défaut de prévoyance ou de précaution. »

M. le président. - La commission maintient-elle sa rédaction ?

M. Lelièvre. - Je me réfère à la rédaction proposée par le gouvernement.

- L'art. 485 du projet du gouvernement est mis aux voix et adopté.

Articles 486 et 487

« Art. 486 Quiconque aura involontairement causé la mort d'une personne sera puni d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de cinquante francs à mille francs. »

- Adopté.


« Art. 487. S'il n'est résulté du défaut de prévoyance ou de précaution que des coups ou des blessures, le coupable sera puni d'un emprisonnement de huit jours à deux mois et d'une amende de vingt-six francs à cent francs, ou de l'une de ces deux peines seulement. »

- Adopté.

Article 488

« Art. 488. Sera puni d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende de vingt-six francs à trois cents francs, ou de l'une de ces deux peines seulement, celui qui aura involontairement causé à autrui une maladie ou incapacité de travail personnel, en lui administrant des substances qui sont de nature à donner la mort ou à altérer gravement la santé. »

M. Coomans. - J'exprime mon regret de ne pas voir, dans cet article, une distinction entre les personnes.

Ainsi, il me semble que l'homme diplômé, le médecin ou le pharmacien est beaucoup plus coupable, lorsqu'il administre des choses malsaines que le premier ignorant venu, la bonne foi étant égale de part et d'autre. Je crois qu'il faudrait une peine plus forte pour le pharmacien et le médecin que pour le simple citoyen. Le diplôme engage.

M. Lelièvre, rapporteur. - Sans doute les médecins et les hommes de l'art sont plus coupables que les simples particuliers, ils commettent une faute plus grave, mais notre article laisse au juge une latitude suffisante pour appliquer la peine dans les limites du minimum et du maximum. Ne perdons pas de vue que la peine peut être élevée jusqu'à une année, pénalité bien sévère alors qu'il s'agit de faits commis sans intention qui d'ordinaire sont réprimés suffisamment par des peines pécuniaires. Notre article ne doit donc pas être aggravé, il satisfait complétement aux nécessités de la répression.

M. Coomans. - La peine n'est pas assez forte.

M. Lelièvre. - Une année d'emprisonnement, je ne conseille pas à l'honorable M. Coomans de subir une pareille peine.

M. Coomans. - Je la mériterai lorsque je vous aurai emprisonné.

M. Lelièvre. - Mais il s'agit d'un fait involontaire qui ne doit pas être traité aussi sévèrement que dans le cas où le contrevenant a agi avec intention criminelle.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ferai remarquer que cet article ne sera guère applicable qu'aux médecins et aux pharmaciens, c'est-à-dire à ceux qui sont dans le cas de prescrire des remèdes. Ce ne sont, en général, qu'eux qui seront dans le cas d'administrer de ces substances.

M. Coomans. - Et les restaurateurs, les cuisiniers ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Ce ne sout pas d s substances de nature à donner la mort qu'on va chercher chez les restaurateurs.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Projet de loi allouant une pension viagère à la veuve du professeur Dumont

Dépôt

Projet de loi autorisant le gouvernement à acquérir les collections scientifiques du professeur Dumont

Dépôt

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le Roi m'a chargé de déposer deux projets de loi : l'un a pour but d'allouer une pension annuelle et viagère de 2,000 francs à la veuve du professeur Dûment ; l'autre à pour but d'autoriser le gouvernement à faire l'acquisition des collections scientifiques délaissées par le professeur Dumont.

Il y a un seul exposé des motifs pour les deux projets de loi.

- Il est donné acte à M. le ministre de l'intérieur de la présentation de ces projets de loi qui seront imprimés et distribués.

La Chambre les renvoie à l'examen des sections.

Projet de loi révisant le code pénal (livre II, titre VIII)

Discussion des articles

Titre VIII. Des crimes et des délits contre les personnes

Chapitre II. De l’homicide par des lésions corporelles involontaires
Article 489

« Art. 489. Lorsqu'un convoi du chemin de fer aura éprouvé un accident de nature à mettre en péril les personnes qui s'y (page 831) trouvaient, celui qui, par défaut de prévoyance ou de précaution, en aura été involontairement la cause, sera puni d'un emprisonnement de huit jours à deux mois et d'une amende de vingt-six francs à deux cents francs, ou de l'une de ces deux peines seulement.

S'il est résulté de l'accident des lésions corporelles, le coupable sera puni d'un emprisonnement d'un mois à trois ans et d'une amende de cinquante francs à deux cents francs.

Si l'accident a causé la mort d'une personne, l'emprisonnement sera de six mois à cinq ans et l'amende de trois cents francs à mille francs.

M. Lelièvre, rapporteur. - Je considère le paragraphe 2 comme extrêmement sévère. Il ne s'agit que de lésions par simple imprudence. Il me semble qu'on pourrait sans inconvénient réduire le maximum à deux ans.

Ne perdons pas de vue que nous aggravons notablement les dispositions de la loi de 1843 sur la police des chemins de fer. Ces aggravations ne peuvent recevoir mon assentiment, elles excèdent évidemment les limites de la répression.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je ne pense pas que la peine soit trop sévère. Il faut bien se rendre compte de la gravité du fait. Il s'agit d'un défaut de prévoyance, de précaution dans la direction d'un convoi. Or, vous n'ignores pas que l'existence de centaines de personnes est confiée à ceux qui dirigent ces convois, et que le moindre défaut de prudence peut entraîner les conséquences les plus funestes. Le minimum d'un mois ne me paraît donc pas exagéré.

Le fait ici est beaucoup plus grave que lorsqu'il s'agit d'une lésion faite directement à une seule personne. Je crois donc qu'il faut maintenir cet article.

- L'article est mis aux voix et adopté.

- Plusieurs membres. - A demain !

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Comme nous sommes occupés du Code pénal, je demanderai s'il ne serait pas possible de continuer demain cette discussion et de remettre à un autre jour les prompts rapports de pétition.

M. le président. - On peut postposer les prompts rapports après la discussion dont nous nous occupons. (Adhésion.) S'il n'y a pas d'opposition, il en sera ainsi.

- La séance est levée à 4 heures et demie.