(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)
(page 789) (Présidence de M. Verhaegen.)
M. Vermeire procède à l’appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Boe donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
Il présente l'analyse suivante des pièces adressées à la Chambre.
« Un grand nombre de négociants, à Anvers, présentent des observations contre la pétition des membres du barreau d'Anvers, relative à la réorganisation des tribunaux de commerce. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le conseil communal d'Alost prie la Chambre d'introduite dans les élections à tous les degrés le vote par lettre alphabétique. »
« Même demande d'habitants de Gembloux et de Grandmesnil. »
- Renvoi à la section centrale ehargée d'examiner le projet de loi concernant une nouvelle répartition des représentants et des sénateurs.
M. le ministre de l'intérieur fait hommage à la Chambre de 110 exemplaires de la seconde partie du tome XI du Bulletin du conseil supérieur d'agriculture. »
- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.
« Le secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, des lettres et des beaux-arts fait hommage à la Chambre, au nom de la commission royale d'histoire, de 110 exemplaires du n°1 du tome XII, 2ème série, de ses bulletins. »
- Même décision.
« M. Van Overloop, retenu par des affaires de famille, demande un congé de quelques jours. »
- Accordé.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Saint-Trond, le 19 février 1859, un grand nombre d'habitants de Saint-Trond se plaignent des changements qui ont été apportés dans le nombre et les heures de départ des convois du chemin de fer en direction de Hasselt et de Landen, et demandent qu'il soit au plus tôt porté remède à cet état de choses.
Il paraît, messieurs, que des mesures qui ont été prises par l'administration du chemin de fer de Landen à Hasselt sont très préjudiciables aux intérêts des localités que ce tracé est appelé à desservir.
Déjà dans une séance précédente la commission vous a entretenus de pétitions ayant le même objet ; elle a proposé et la Chambre a adopté le renvoi au ministre des travaux publics. Jusqu'ici aucun changement n'est intervenu ; les pétitionnaires reviennent à la charge et insistent pour obtenir justice.
Votre commission, pour autant qu'elle a pu comprendre que les intérêts des ces localités sont compromis, a l'honneur de vous proposer le renvoi de la pétition au ministre des travaux publics.
M. de Theux. - Messieurs, voici la seconde pétition adressée à la Chambre par suite de la suspension partielle de l'exploitation du chemin de fer de Landen à Maestricht.
La suppression des convois dont on se plaint est excessivement préjudiciable à toutes les relations de la province de Limbourg avec la capitale et la province de Liège en particulier.
Du moment que le chemin de fer de Landen à Hasselt a été établi, le gouvernement a eu l'exploitation de compte à demi avec la compagnie concessionnaire du chemin de fer de Landen à Hasselt et de Jurbise à Tournai, le gouvernement a eu constamment trois convois par jour de Landen à Hasselt et réciproquement, c'est le minimum qui puisse exister.
Quand le chemin de fer a été concédé à la compagnie concessionnaire du chemin de fer de Hasselt à Maestricht, la compagnie a établi un quatrième convoi pour répondre à une assez grande augmentation de relations ; aujourd'hui elle en a supprimé deux, de sorte qu'il n'existe plus que deux convois de Landen à Maestricht et de Maestricht à Landen.
Cet état de choses ne peut pas durer, il est contraire à la convention qui est intervenue entre le gouvernement et la compagnie concessionnaire. Je sais qu'on a déclaré que les convois supprimés ne faisaient pas leurs frais. La compagnie s'est engagée à exploiter le chemin de fer suivant les nécessités des localités. On ne doit pas calculer les recettes et les dépenses des convois pris isolément, mais dans leur ensemble ; or il est constant que sur le chemin de Landen à Hasselt l'ensemble des convois de marchandises et de voyageurs donnait un résultat très satisfaisant. Si la compagnie ne peut pas rétablir tous les convois de Maestricht à Hasselt, au moins elle ne peut se dispenser d'établir les convois tels qu'il existaient à l'époque de la concession du chemin de fer de Hasselt à Landen.
Il est impossible qu'il en soit autrement, et le gouvernement a par devers lui les moyens d'assurer le service et de faire rendre justice aux pétitionnaires. Il a la faculté de reprendre l'exploitation.
J'espère donc que M. le ministre des travaux publics voudra bien faire une dernière sommation à la compagnie pour qu'elle exécute son contrat et que si elle reste en défaut de le faire le gouvernement se croira obligé de faire l'exploitation par lui-même.
Je crois, messieurs, que la question serait alors complétement résolue.
M. le ministre aura à examiner s'il peut rétablir les trois convois de Maestricht à Landen ou simplement de Hasselt à Landen, mais pour cette dernière partie du parcours il ne peut y avoir d'excuse à la suppression.
M. de Luesemans. - Messieurs, je partage entièrement l'opinion de l'honorable préopinant en ce qui concerne le chemin de fer de Landen à Hasselt. Je crois même qu'en général les compagnies de chemin de fer se préoccupent un peu trop de leurs intérêts et trop peu de ceux du public.
Il y a là quelque chose à faire. L'action du gouvernement en général doit s'exercer sur l'exploitation des chemins de fer concédés, de manière que le public en reçoive tous les bienfaits qu'il est en droit d'en attendre.
Revenant au chemin de fer de Landen à Hasselt, voici une anomalie que je ne m'explique que difficilement.
Le premier convoi partant de Bruxelles arrive à Landen à 8 h. 45 m. Le premier convoi partant de Cologne arrive à la même station à 8 h. 50 m.
Il semblerait tout naturel que tous les convois étant arrivés on partît immédiatement pour Hasselt. Il n'en est rien. Les voyageurs sont obligés d'attendre pendant plus d'une heure à Landen avant de pouvoir se mettre en route pour Hasselt.
On pourrait, me semble-t-il, organiser le service de manière à ne pas mettre les voyageurs dans la nécessité de faire une pareille perte de temps. Il y a à cela d'excellentes raisons.
Si les convois partaient de Landen immédiatement, les voyageurs pourraient arriver à Hasselt en temps voulu pour y terminer leurs affaires.
Aujourd'hui, lorsque l'on a une affaire devant le tribunal de Hasselt, il faut partir la veille. Sinon, l'on arrive à 11 heures 45 m., c'est-à-dire lorsque les affaires sont déjà entamées et quelquefois terminées.
Il en résulte, messieurs, que pour aller de St-Trond à Hasselt pour traiter une affaire au tribunal et revenir, si l'on n'a pas d'autres moyens de transport, il faut aux plaideurs, aux prévenus et aux témoins, un jour et demi pour aller et revenir, alors qu'il ne s'agit que d'un trajet de 3 lieues.
Il est évident que c'est là un état de choses déplorable et je joins mes instances à celles de l'honorable préopinant pour engager le gouvernement à prendre des mesures énergiques et indispensables pour le faire cesser.
M. de Theux. - Messieurs, les observations présentées par l'honorable M. de Luesemans sont très justes.
Je vais donner l'explication de l'anomalie qu'il a signalée : c'est qu'il n'y a, à vrai dire, plus de convois de voyageurs sur Landen. Les deux convois qui existent encore sont des convois de marchandises.
Voilà pourquoi il n'y a pas de convoi partant de Landen au moment où les convois de voyageurs venant de l'Allemagne et de Bruxelles y arrivent. C'est, messieurs, parce qu'on attend le convoi de marchandises. Les voyageurs sont transportés alors comme marchandises et non comme voyageurs.
Voilà l'état actuel des choses.
Si je demande l’établissement de trois convois, c'est, bien entendu, trois convois de voyageurs, comme cela existait avant la concession du chemin de fer de Hasselt à Maestricht.
Pour les convois de marchandises qui ne prennent qu'accessoirement des voyageurs, c'est une affaire que M. le ministre des travaux publics pourrait arranger avec la compagnie ; mais il faut qu'il y ait trois convois de voyageurs ; convoi du matin, convoi de midi et convoi du soir.
M. Vander Donckt. - Messieurs, d'après les discours des honorables membre-, vous voyez que les réclamations des pétitionnaires sont très fondées.
La commission se borne à recommander spécialement cette affaire à l'attention du gouvernement et à le prier de faire prompte justice.
M. le ministre des travaux publics (M. Vander Stichelen). - La Chambre sait déjà, d'après les explications que j'ai données précédemment, que je suis parfaitement d'accord avec les honorables préopinants. Le service entre Landen et Aix-la-Chapelle ne marche pas convenablement ; il s'agit seulement de savoir quand et comment je pourrai modifier cet état de choses. Je l'ai déjà déclaré ici, et je l'ai déclaré d'une manière plus (page 790) explicite dans une autre enceinte, je suis prêt à user des armes que le cahier des charges de la société d'Aix-la-Chapelle me met entre les mains, mais auparavant j'essaye des moyens de conciliation, c'est-à-dire que si je puis arriver à un résultat favorable sans exproprier la compagnie, je n'aurai pas recours à l'expropriation. Des négociations amiables se poursuivent très activement. Ainsi il y a une quinzaine de jours, à la demande de la compagnie, il y a eu une nouvelle conférence à Aix-la-Chapelle entre les délégués de la compagnie, du gouvernement belge, du gouvernement hollandais et du gouvernement prussien.
Il a surgi une nouvelle proposition, qui est soumise à l'appréciation du gouvernement prussien. Je ne sais pas si nous aboutirons ; je dois même dire que j'entrevois de sérieuses difficultés ; mais si cette dernière tentative échoue, je croirai que le moment est venu d'user de sévérité vis-à-vis de la compagnie, qui n'ignore pas les intentions dn gouvernement belge à cet égard.
Il faut que le service soit amélioré, et pour m'expliquer sur ce point spécial, je dirai qu'il faut un convoi partant le matin de Landen qui passe à Hasselt vers 10 heures, un convoi le soir, et un troisième convoi, dans le milieu de la journée, au moins entre Hasselt et Landen, bien entendu des convois de voyageurs.
Voilà, messieurs, ce que j'avais à déclarer à la Chambre. D'ici à peu de temps la compagnie sera mise une dernière fois en demeure, et je me croirai désormais eu droit d'user de rigueur.
M. de Theux. - Nous sommes d'accord.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
M. de Ruddere de Te Lokeren. dépose le rapport sur le budget des recettes et dépenses pour ordre pour 1860.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite à l'ordre du jour.
M. de Baillet-Latour. - Messieurs, je viens solliciter quelques instants d'attention de votre part, sur la situation vraiment anomale et pénible que les lois et règlements ont faite à un corps militaire d’élite, aussi distingué par son excellente discipline que par les services publics qu'il rend chaque jour.
Depuis l'institution de la gendarmerie dans les Pays-Bas et la Belgique (1796), aucun changement n'a été apporté dans son organisation ni dans ses attributions. Les règlements des 30 janvier et 20 mars 1815 ne peuvent être cités que pour mémoire, c'est la reproduction textuelle d'une partie de la loi du 28 germinal an VII.
Les dénominations seules furent changées ; son effectif s'est augmenté d'une manière très peu sensible, malgré l'accroissement de la population et de la fortune publique ; malgré la facilité des communications et l'augmentation des crimes et délits, et, enfin, malgré le redoublement de service que la loi du 13 juin 1849 est venu lui apporter, en chargeant les gendarmes de faire, mais sans frais, tous les actes de la justice répressive, c'est-à-dire de porter les citations ou cédules aux témoins.
La somme portée au budget de la guerre, en 1858, pour l'augmentation de 40 gendarmes à pied, n'a guère allégé le service, attendu que, d'un autre côté, il a constamment manqué trois fois ce chiffre en cavaliers.
En présence d'un pareil état de choses et en l'absence d'une loi organisatrice, réunissant toutes les décisions qui forment la législation de la gendarmerie, le corps ne marche plus que par habitude au milieu d'un dédale de lois, de décrets, d'arrêtés, de règlements et de circulaires qui se paralysent mutuellement.
Une ordonnance réglementaire parfaitement conçue, concertée entre les ministres de la guerre, de l'intérieur, de la justice et de la marine existe pour la gendarmerie française ; elle règle les droits à l'avancement de tous ceux qui la composent, les fonctions attribuées à chacun, leurs rapports avec les différentes autorités, complétant ainsi par son ensemble le service et la force de cette arme. Cette ordonnance fut mise en vigueur par décret impérial du 1er mars 1854 ; il suffirait de la prendre pour base et de la mettre en harmonie avec les lois et les institutions qui régissent la nation belge, pour répondre au vœu de tous.
En l'absence de cette organisation tant désirée, le corps si utile de la gendarmerie va droit à une désorganisation complète, si l'on ne se hâte de renforcer ce corps et d'améliorer le sort des gendarmes. C'est ce qui ressort de la manière la plus évidente des renseignements suivants dont l'exactitude ne peut être mise en daute, puisqu'ils s'appuient sur des chiffres.
1° En France, la force de la gendarmerie est de 25,000 hommes pour une population de 35,000,000 d'âmes.
En Belgique, il n'y a que 1,400 hommes pour une population de 5,000,000 d'âmes ; c'est la 17e partie de la force de la gendarmerie française !
Dans la séance du 23 février 1857, M. Julliot reconnaissant également l'urgence d'une augmentation et d'une organisation définitive, émit l'avis d'accroître le corps de la gendarmerie par un nombre déterminé de gendarmes à pied. Un régiment de ligne de moins et un régiment de gendarmes à pied en plus, dit-il, donneraient une police parfaite dans nos campagnes comme dans nos villes.
M. le ministre de la guerre répondit que : quant à la gendarmerie, c'est une question d'organisation qu'il s'agit d'étudier. En effet, dit M. le ministre, il s'est présenté en plusieurs circonstances que le nombre des gendarmes n'était pas suffisant. On cherche le moyen d'en augmenter l'effectif ; mais je ne saurais être d'accord sur la nécessité d'augmenter de préférence le nombre des gendarmes à pied.
La gendarmerie, en général, rend d'excellents services, soit à pied, soit à cheval. La réorganisation de ce corps est une question à examiner avec le plus grand soin.
Un rapport établi sur les données consciencieuses des hommes les plus compétents fut transmis au gouvernement, accompagné d'un tableau renseignant 79 brigades dont le personnel est devenu insuffisant pour subvenir aux exigences du service (depuis lors d'autres renforts ont encore été demandés). Cette augmentation s'élevait à 620 hommes dont 335 à cheval et 285 à pied, ce qui porterait le corps à 2,025 hommes ;
2'°Les gendarmes payent en moyenne, pour leur pension alimentaire d'un mois, fr. 30.
Leurs frais d'entretien du linge, chaussure, lavage, etc., peuvent sans exagération s'élever pendant le mois, à 10 fr.
Total 40 fr.
Le gendarme à cheval doit, en outre, pourvoir à la ferrure et autres menus frais d'entretien de sa monture.
Les cavaliers reçoivent pour solde, après retenue au profit de la masse d'entretien et de réserve, 48 fr.
Les gendarmes à pied, 43 fr. 50
Il ne leur reste ainsi en main, par mois, aux uns que, 8 fr., aux autres que 3 fr. 50.
Au moyen de ces faibles deniers de poche, ils doivent faire leur service pendant tout un mois, c'est-à-dire, faire des tournées et des patrouilles de nuit, pendant lesquelles ils doivent pourvoir à leur nourriture, sans compter les dépenses qu'ils doivent forcément faire quand ils vont en correspondance périodique ou en extraordinaire ; quand ils changent de résidence (car le gendarme ne reçoit pas de frais de route) ; quand ils se rendent au chef-lieu de la compagnie pour les revues et les inspections générales ; quand des renforts doivent être concentrés sur un point de territoire de la province où la tranquillité est menacée et où des réjouissances publiques ont lieu ; quand ils parcourent plusieurs communes pour prendre des renseignements soit sur les individus qu'ils recherchent, soit sur les crimes, soit sur les délits qui leur sont dénoncés, et tout le monde sait que, pour que les investigations, souvent minutieuses, qu'ils doivent exercer, soient efficaces, ils sont obligés de les continuer le plus généralement dans des lieux publics où ils sont contraints à des dépenses quand ils ne veulent pas rendre leurs recherches stériles ; c'est chez eux la conséquence d’une émulation et d'un amour-propre qu'il est utile de développer et de maintenir.
Est-il étonnant, après cela, qu'ils se trouvent dans un tel état de gêne que quelques-uns, ceux qui ont famille surtout, sont obligés de contracter des dettes, s'ils ne possèdent pas d'autres moyens d'existence, ou si l'on ne vient à leur secours ; et que l'on ne croie pas que le gendarme jouit de certains avantages, tels que gratifications, indemnités, dons volontaires, etc., il y a longtemps que justice a été faite de ces avantages qui n'étaient que la source d'une foule d'abus (La prime de 8 francs pour l'arrestation d'un déserteur est versée, moitié au capteur, moitié à la masse de secours ; celle pour contraventions aux règlements provinciaux sur la race chevaline et la taxe des chiens, sont insignifiantes. Il n'est plus rien alloué en matière de chasse et les divers parquets chargent les huissiers et non les gendarmes du recouvrement des amendes.)
Voici maintenant ce que coûte à l'Etat un cuirassier. Ce rapprochement prouvera surabondamment combien on a tenu peu de compte de la mission du gendarme, comparativement à celle des soldats de la ligne, et si l'on doit hésiter plus longtemps à renforcer le corps de la gendarmerie par des militaires pris dans les rangs de larmée, eu leur faisant, toutefois, une position pécuniaire en rapport avec les services qu'ils sont appelés à rendre à la société.
La solde mensuelle du cuirassier, pain compris est de 34 fr. 50.
Usure, perte du cheval (calculée sur une durée moyenne de dix ans) : 8 fr. 50.
Allocation pour renouvellement du harnachement (15 fr. par an) : 1 fr. 33.
Allocation pour entretien du harnachement et de la ferrure, 9 centimes par jour : 2 fr. 70.
Chauffage, éclairage : 1 fr. 50.
Perte pour l'Etat résultant de l'usure du casque et de la cuirasse : 50 c.
(page 791) Différence sur l'allocation de fourrages (un cheval de grosse cavalerie coûte à l'Etat en plus qu'un cheval de gendarme) par mois : 10 fr. 80.
Total : 59 fr. 53 c.
Un gendarme à cheval coûte par mois, 70 fr. 50 c.
Différence : 10 fr. 97 c.
Mais il faut tenir compte de la différence obligée de l'ordinaire du soldat avec celui du gendarme, soit 60 centimes par jour : 18 fr.
Idem pour achats de théorie, papier, fournitures de bureau, effets bourgeois, en cas de réquisitions, etc. : 5 fr.
Total : 23 fr.
Ainsi donc, en résumé, il restera entre un cuirassier et un gendarme, une différence de 12 francs par mois en faveur du premier, encore n'a-t-on pas fait entrer en ligne de compte des frais généraux comme ceux d'hôpitaux et de médicaments que beaucoup de gendarmes ne reçoivent pas, de transports militaires inconnus dans la gendarmerie, etc., et que coûtent tous les militaires de l'armée.
3° A l'insuffisance de la solde, à l'insuffisance du personnel, il faut ajouter certains droits méconnus, certains privilèges enlevés, cause de démoralisation, en un mot, de désorganisation.
En effet, la gendarmerie, qui devrait être un corps privilégié, non seulement n'est pas traitée sur le même pied que les autres corps de l'armée, mais est beaucoup plus maltraitée.
Voici comment :
1° En privant les sous-officiers de gendarmerie promus officiers du bénéfice de l'article premier de l'arrêté royal du 14 juin 1833, qui accorde à tout sous-officier de cavalerie dans certaines conditions, le droit de garder en propriété le cheval qu'il monte lors de sa promotion, ou d'en prendre un aux frais de l'Etat dans la première remonte.
Cependant, les officiers de cavalerie passés dans la gendarmerie, ont joui du bénéfice de cet arrêté.
En France, les officiers de gendarmerie sont montés aux frais de l'Etat ;
2° En ne créant pas d'abord un escadron de dépôt ou compagnie d'élèves gendarmes pour l'instruction des hommes et des chevaux, comme cela existe dans tous les régiments indistinctement. Il s'ensuit que les hommes, dès leur entrée au corps, sont rebutés, écrasés par le travail que leur demande l'exécution du service et leur instruction élémentaire, militaire, judiciaire et administrative ;
3° En interdisant aux commandants de lieutenance le droit d'occuper le logement qui leur était affecté par les administrations provinciales ou communales dans l'intérieur des casernes. Cette interdiction a été motivée, il est vrai, par les nombreux inconvénients qui résultaient de la cohabitation de l'officier avec ses sous-ordres ; mais au moins on devrait lui accorder, comme en France, une indemnité proportionnelle.
4° En retirant aux lieutenants et sous-lieutenants leur deuxième cheval, rendu depuis à ceux de l'armée ; cependant, les officiers de gendarmerie n'ont pas, comme ceux de l'armée, la facilité, au besoin de monter un cheval d'escadron.
C'est le contraire de ce qui existe en France. Après la guerre de Crimée, l'indemnité de fourrages a été diminuée d'une ration pour les officiers de l'armée et les deux rations ont été maintenues pour ceux de la gendarmerie.
5° En transgressant la loi du 28 germinal an VI, qui n'admet dans la gendarmerie des officiers de l'armée que pour un quart des lieutenances vacantes, tandis que ces derniers ont été admis dans tous les grades et hors de toute proportion, en dépit de l'arrêté royal du 16 mai 1858 réglant le mode d'avancement dans l'armée et qui déclare, par son dernier paragraphe : que rien n'est changé au mode suivi dans la gendarmerie ;
6" En accordant aux gendarmes, aux brigadiers et aux sous-officiers, sans tenir compte de leur rang, de leur degré d'instruction, de leurs services (si utiles à la société), dans une arme d'élite, que la pension accordée aux soldats, caporaux et sous-officiers de la ligne. C'est-à-dire, que le maréchal des logis de gendarmerie aura la même pension qu'un sergent et qu'un brigadier commandant de brigade de gendarmerie sera pensionné comme le caporal d'infanterie, ainsi de suite.
Bien plus, le gendarme qui a servi précédemment comme sous-officier dans l'armée, et que ses belles qualités auront fait admettre au corps, perd tous ses droits à la pension attribuée aux sous-officiers, il sera pensionné comme simple soldat.
En outre, comme on ne peut entrer dans la gendarmerie, avant l'âge de 21ans et qu'à 55 ans on y est pensionné, comment pourront-ils jamais jouir du maximum de la pension qui n'est accordée qu'après 40 ans de service ?
Cependant, vu leur conduite et leur manière de servir, vu leurs connaissances diverses, tous auraient pu aspirer à des grades plus élevés s'ils étaient restés dans l'armée ; cependant ils appartiennent à une arme d'élite qui tient, dans toutes les circonstances, la droite des autres troupes ; cependant les membres de cette arme ont toujours été considérés comme ayant le grade immédiatement supérieur à ceux des autres armées, et ils en portent les marques distinctives. (Le brigadier porte un galon en argent, comme le maréchal des logis de l'armée. Le maréchal des logis en porte deux comme les maréchaux des logis chefs de l'année. Le maréchal des logis chef de gendarmerie porte trois galons en argent. Le gendarme qui a servi comme sous-officier porte le chevron en argent.)
7° En établissant dans l'intérieur des casernes de gendarmerie des prisons municipales, en chargeant les commandants de brigade de la tenue des livres d'écrou, en préposant les gendarmes à la garde des prisonniers et au soin de les nourrir, cumulant ainsi les fonctions de geôlier avec celles qui leur sont conférées par la loi.
8° En n'accordant aux hommes montés de la gendarmerie qu'une allocation de fourrages insuffisante
Malgré l'ordre, l'économie, la surveillance et les encouragements prescrits, la perte moyenne s'élève à plus de 16,000 francs annuellement.
De 1851 à 1858 inclus, les 1,000 ou 900 cavaliers dont se compose le corps ont eu à supporter une perte de 144,462 fr. 68 c. sur laquelle il ne leur a été remboursé, en 1855, qu'une somme de 12,629 fr. 39 c.
9" Enfin, en leur retirant, en 1848, l'indemnité supplémentaire de 20 centimes par jour, accordée précédemment, au lieu de pourvoir à tous leurs besoins légitimes.
Faut-il encore s'étonner que les meilleurs sujets aspirent après leur congé pour occuper des emplois civils qui leur sont offerts de tous côtés, bien avant l'expiration de leur engagement ; qu'il manquera, si cela continue, avant la fin de l'année plus de 200 cavaliers, ce qui réduira le corps à 800 pour assurer la sécurité publique dans toute l'étendue du royaume ; et qu'enfin, dans un temps plus ou moins éloigné, il ne restera plus que les non-valeurs ? Mais il faut espérer, qu'avant cela, les Chambres voteront une loi d'organisation dont fait mention l'article 120 de la Constitution, en prenant pour base l'organisation française.
C'est sur ce point, messieurs, que j'ai cru devoir appeler l'attention sérieuse du gouvernement en l'engageant fortement à mettre à l'ordre du jour de ses délibérations et à insérer dans son programme l'amélioration du sort de la gendarmerie. Dans tous les cas, j'appuie la proposition de la section centrale.
M. H. Dumortier. - Messieurs, j'avais quelques observations à présenter sur le budget de la guerre, et je désirais adresser quelques interpellations à l'honorable général qui dirige ce département ; mais puisque M. le ministre ne peut pas assister à la discussion de ce budget, je crois opportun d'ajourner la plupart des considérations que je me proposais de développer. Quand l'honorable général reviendra à la Chambre, je lui ferai telles interpellations que je jugerai utiles. Pour le moment donc, je mie bornerai à dire quelques mots.
J'ai été frappé de voir l'augmentation constante et considérable qu'a subie depuis quelques années le chiffre des pensions militaires. La Chambre me permettra de lui soumettre quelques chiffres pour lui faire voir la progression toujours ascendante qu'a suivie le crédit affecté à ce genre de dépenses.
Eu 1847, le montant des pensions militaires était de 2,153,000 fr. En 1849, ce chiffre s'élevait à 2,350,000 fr. ; en 1851, 2,445.000 fr. ; en 1853, 2,487,000 fr. ; en 1855, 2,847,000 fr. ; en 1857, 3,078,000 fr. ; en 1859, 3,324,000 fr.
Il y a des années, en 1855, par exemple, où il a été accordé pour 324,351 fr. de pensions militaires.
Les principales causes qui ont contribué à amener un pareil état de choses sont généralement assez connues pour qu'il ne me faille pas entrer dans de longs développements à cet égard. Je ne m'étendrai donc pas sur cette partie des observations que je désire vous présenter. Je ne ferai pas entendre ici d'amères récriminations. Je pense que cette question, comme plusieurs autres questions relatives à l'armée, demande à être traitée à la Chambre avec prudence et circonspection.
On nous fait espérer que, dans le courant de l'exercice prochain, ce crédit ne subira pas d'augmentation. C'est là un renseignement que nous avons appris avec une véritable satisfaction. Toutefois, messieurs, nous craignons bien que cette satisfaction ne sera pas de longue durée, car s'il faut en croire les bruits qui circulent en ce moment et qui émanent de sources digues de foi, M. le ministre de la guerre aurait pris, tout récemment, la résolution de mettre à la pension un grand nombre d'officiers et plusieurs médecins de 1 armée.
Je prie M. le ministre de la guerre ad intérim de vouloir nous donner quelques explications à cet égard.
Quoi qu'il en soit, l'année dernière, M. le ministre de la guerre a formellement promis d'examiner scrupuleusement les questions qui concernent les pensions militaires ; je désirerais savoir quel a été le résultat de cet examen, et j'exprime le vif désir de voir soumettre à la Chambre, (page 792) dans un bref délai, quelques propositions utiles sur cet important objet.
Nos lois sur la milice ont donné lieu à un grand nombre de réclamations et parmi ces réclamations il en est, il en est même beaucoup, qui sont justes et fondées, le temps est venu de mettre cette législation en harmonie avec les modifications et les progrès qui se sont produits dans la société. Toutefois, messieurs, en révisant les lois sur la milice, il faut se mettre en garde contre les tendances exprimées parfois de faire des réformes radicales, et il ne faut pas perdre de vue que ces lois, même incomplètes, sont cependant le résultat d'une longue expérience. Une commission a été nommée pour examiner quelles sont les réformes utiles qui peuvent être introduites dans nos lois sur la milice.
Il serait bon que la Chambre sache à quel degré d'avancement est arrivé le travail de cette commission, et si elle peut espérer que dans un avenir plus ou moins rapproché un projet de loi sur cette matière pourra être soumis à ses délibérations.
Messieurs, je n'ai plus qu'un mot à ajouter à ces courtes observations. Je vois figurer à l'article 32, littera D du budget, un crédit sur l'allocation duquel j'ai inutilement demandé des renseignements à plusieurs de mes honorables collègues.
Ce crédit est libellé comme suit : « Subsides en faveur des réfugiés politiques ». Je saurai gré à M. le ministre de vouloir donner à cet égard quelques éclaircissements.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) (chargé par intérim du département de la guerre). - Messieurs, l'honorable député de Philippeville a communiqué à la Chambre des observations sérieuses et dignes de notre intérêt. Le gouvernement les prendra en considération.
Il m'est impossible, en ce moment, de suivre l’honorable membre dans des développements qu'il a donnés à ses observations, il m'est impossible de constater l'exactitude de plusieurs de ses assertions.
Je dois seulement, messieurs, faire une réserve. L'honorable représentant de Philippeville, dans l'intérêt qu'il porte au corps de la gendarmerie, voudrait des améliorations dans la position des hommes qui en font partie ; sous ce rapport je partage entièrement son sentiment.
Mais où je ne pourrai admettre son appréciation, c'est quand il parle de l'état de désorganisation et de démoralisation où se trouverait le corps de la gendarmerie. Notre gendarmerie, tout le monde le reconnaît, est une des institutions les pins belles, les plus fortes que nous possédions.
Si nous allions, messieurs, certes sans aucune mauvaise intention, jeter une sorte de discrédit sur ce que nous avons de meilleur, je puis le dire, nous n'agirions pas prudemment, ni d'une manière équitable. Nous pouvons, à bon droit, rendre hommage à la gendarmerie belge, nous en glorifier.
Je ne sache pas qu'il existe un pays en Europe, où un corps appelé souvent à exercer des attributions sévères soit entouré d'autant de respect et de sympathie que les gendarmes en Belgique. Je ne pense pas que lorsqu'on se trouve dans une position aussi bonne, on soit sur le point de se décourager, de se démoraliser, de se désorganiser, c'est là une exagération et je dois repousser toute accusation de ce genre.
II est un fait, cependant, que je dois signaler à la Chambre, c'est qu'aujourd'hui on éprouve une certaine difficulté à recruter le corps de la gendarmerie.
C’est parce que, grâce à l'état florissant de toutes les branches de l'activité publique dans le pays, de l'industrie notamment, l'état est privé de beaucoup de bras qui pouvaient être utilisés autrefois dans les corps armés, et entre autres dans la gendarmerie. L'industrie aune tendance à attirer à elle les forces vives du pays ; elle recherche particulièrement les hommes disciplinés. Ainsi, d'un bon gendarme, on fait un excellent surveillant. Sous ce rapport, nous avons à lutter contre la concurrence que nous fait l'industrie.
La gendarmerie se recrute difficilement, cela est vrai ; à cet égard il y aurait des améliorations à introduire pour rendre la fonction de gendarme plus attrayante et d'un plus grand rapport pour celui qui l’exerce.
En même temps qu'il se manifeste un certain affaiblissement dans le recrutement de la gendarmerie, ces besoins se révèlent sur divers points du pays. Un assez grand nombre de localités, celles surtout où l'industrie se développe, réclament du gouvernement, des brigades de gendarmerie que le gouvernement n'est pas à même de leur fournir. Eh bien, il faudrait qu'il pût être fait droit aux réclamations fondées de plusieurs communes importantes ; mais dans l'état actuel des choses, il est très difficile d'accueillir ces demandes.
En 1856 et en 1857 il a été alloué un supplément extraordinaire de solde en faveur des sous-officiers, brigadiers et soldats de la gendarmerie, à raison de 20 centimes par homme et par jour ; cette allocation n'a pas été continuée pour 1858 et pour 1859 ; nous l'avons rétablie au budget de 1860. La section centrale demande que cette augmentation de 105,993 fr., de temporaire qu'elle est, devienne permanente. Quoique nous l'ayons portée dans la colonne des charges extraordinaires, l’intention du gouvernement n'est pas de la supprimer dans l'avenir.
Messieurs, un honorable député de Courtrai a présenté des observations sur les pensions militaires, sur la milice et sur les secours payés à des réfugiés politiques.
En ce qui concerne les pensions, la question ayant été soulevée par la section centrale du budget de la dette publique, et la section centrale ayant demandé des renseignements au gouvernement, la Chambre préférera peut-être ajourner la discussion sur cet objet jusqu'à l'examen du budget de la dette publique ; c'est là qu'elle trouvera naturellement sa place. Du reste, si on veut entamer le débat aujourd'hui, je suis prêt.
En ce qui concerne la milice, une commission a été nommée, il y a plusieurs mois ; elle s'est occupée avec beaucoup de zèle de la tâche importante qui lui est confiée. Je n'ai pas encore les conclusions de cette commission ; elle apporte à l'examen de toutes les questions que soulève la réforme de nos lois de milice, beaucoup d'intelligence et de dévouement. J’attends avec confiance le travail qui sortira de l'examen de cette commission.
Quant à présenter un projet de loi dans le courant de la session, je ne puis pas en faire la promesse ; je le déposerais, d'ailleurs, que la Chambre n'aurait pas le temps de l'examiner.
Je ne pense pas enfin que les travaux de la commission soient assez avancées pour qu’un projet de loi puisse être présenté dans le cours de cette session.
Cela me paraît impossible. Ce projet est plus difficile à formuler qu'on ne l'imagine. Plus on examine les questions, plus on voit combien une loi de réforme présente de difficultés, plus on voit que les questions qui au premier abord paraissent les plus simples, les plus pratiques, sont difficiles à résoudre, quand il s'agit d'en venir à une sérieuse application.
On a demandé des explications sur un crédit qui figure au budget de la guerre depuis 1832.
Les réfugiés politiques pour lesquels ce crédit a été voté sont des Polonais ; un assez grand nombre de Polonais sont venus chercher un refuge en Belgique, beaucoup d'entre eux étaient dans une situation très malheureuse.
Une allocation fut portée au budget de la guerre, en 1832, on l'a réduite successivement, elle n'est plus aujourd'hui que de trois mille francs ; et encore n'est-elle pas entièrement employée, car il ne reste plus que trois individus qui reçoivent mensuellement de modiques sommes dont le tout est, je crois, de 1,250 francs. Le reste du crédit n'est pas dépensé.
Voilà ce que j'avais à dire en réponse à l'honorable représentant de Courtrai.
M. de Baillet-Latour. - Je suis heureux d'avoir entendu M. le ministre intérimaire de la guerre reconnaître que mes observations au sujet de la nouvelle organisation dont a besoin le corps de la gendarmerie fixeraient toute son attention. Si j'ai parlé de désorganisation de ce corps, c'est un malentendu, j'ai voulu dire seulement que des difficultés existant dans le recrutement de la gendarmerie pourraient amener un grand mal. Je reconnais avec M. le ministre que la gendarmerie est digne de toute la sollicitude du gouvernement et de la Chambre, et je voudrais voir figurer au budget de la guerre, comme permanente, l'augmentation de solde de 20 centimes.
M. de Smedt. - Depuis que j'ai l'honneur de siéger dans cette enceinte, j'ai cru devoir m'abstenir sur le vote des différents budgets de la guerre qui nous ont été présentés jusqu'à ce jour.
Je compte m'abstenir encore aujourd'hui.
Permettez-moi, messieurs, de vous en donner très succinctement les principaux motifs.
Les dépenses pour l'armée, depuis que la Belgique est libre, ont absorbé à peu près l'énorme somme de deux milliards ; et par année à peu près le tiers des revenus généraux de la nation.
Une pareille dépense pour faire respecter notre neutralité me paraît au moins une exagération en même temps qu'une défiance mal justifiée envers les puissances signataires de nos traités.
Mais si, malgré les progrès de la civilisation et les intérêts en tout genre que la guerre doit compromettre, les armées permanentes sont encore aujourd'hui un mal malheureusement nécessaire, même dans les pays essentiellement neutres comme le nôtre, force m'est donc d'accepter le mal.
Pour le moment je ne désire qu'une chose, c'est de voir le gouvernement chercher à l'atténuer par tous les moyens qui sont en son pouvoir.
En conséquence, je serais heureux de voir réduire l'effectif de notre armée au strict nécessaire ; encourager davantage encore les enrôlements volontaires, améliorer nos lois sur la milice ; diminuer si c'est possible les masses de nos soldats et de nos officiers plutôt que tendre à les augmenter par des changements de toute nature et d'une utilité parfois contestable ; enfin je voudrais surtout que nos contribuables trouvent dans l'emploi de notre armée à certains travaux d'utilité publique : tels que défrichements, constructions, démolitions de fortifications, travaux dans nos ports, rivières, canaux, etc., une faible mais utile compensation pour les sacrifices énormes qu'ifs s'imposent de ce chef.
Ne serait-ce pas peut-être là, messieurs, le moyen de donner quelque satisfaction à cette partie de l'opinion publique qui critique notre (page 793) organisation militaire, parce qu'elle ne présente pas à leurs yeux, dans notre pays neutre, un caractère d'utilité assez évidente pour tous, assez direct !
Nos braves soldats nous seraient ainsi précieux en temps de paix aussi bien que dans l'éventualité d'événements que nous aimons à croire toujours bien éloignés.
Si le gouvernement voulait entrer dans cette voie d'utiles réformes je le déclare franchement, je n'hésiterais plus, quant à moi, à voter notre budget de la guerre. Jusque-là je crois de mon devoir de m'abstenir.
M. d'Hoffschmidt. - J'ai entendu avec plaisir M. le ministre de l'intérieur déclarer que l'allocation destinée à augmenter la solde de la gendarmerie doit être considérée comme permanente.
Je crois que cette mesure se justifie de la manière la plus complète. L'honorable M. de Baillet a donné des renseignements et des chiffres qui doivent avoir fait impression sur l'esprit de la Chambre. Le simple gendarme à pied ne touche que 1 fr. 85 c. par jour, on conçoit qu'il doit se trouver dans une situation difficile.
Cette situation ne peut pas s'améliorer, car dans le corps de la gendarmerie il y a eu très peu d'avancement.
Un homme d'élite, comme doivent l'être tous ceux qui appartiennent à ce corps destiné à recevoir 1 fr. 85 c. pour faire un métier très difficile sans espoir d'avancement, ne peut pas être très empressé à rechercher une pareille position.
Uue autre observation m'a frappé dans ce qu'a dit M. le ministre, c'est la difficulté que présente le recrutement de la gendarmerie : cette arme, autrefois si recherchée, paraît dédaignée aujourd'hui.
On a de la peine à recruter la gendarmerie ; il en résultera que ce corps parfaitement composé aujourd'hui, dont le pays peut être fier, qui remplit ses devoirs de la manière la plus zélée, la plus satisfaisante, les hommes d'intelligence s'en écartant faute d'une rémunération suffisante, devra peut-être se composer d'hommes ne présentant pas les mêmes garanties de zèle et de moralité ; il pourra alors ne plus offrir la même confiance au pays, et le mérite de cette belle institution serait exposé à être amoindri.
Je crois qu'on fera fort bien de prendre des mesures pour conjurer ce danger. Mon vote est acquis d'avance à toute proposition ayant en caractère permanent de la nature de celle qui figure au budget et dont l'objet est d'augmenter de 20 centimes la solde des sous-officiers et gendarmes.
Une autre observation a été faite dans le rapport de la section centrale. L'article 120 de la Constitution porte que les attributions de la gendarmerie feront l'objet d'une loi.
Les attributions actuelles de la gendarmerie ont été déterminées par une loi de l'an VI ; un règlement a été porté sous l'empire en 1815, qui a définitivement organisé ce service.
La date même de cette organisation prouve que sans doute on pourrait y apporter des améliorations.
Les meilleures dispositions du règlement actuel pourraient figurer dans l'organisation nouvelle, mais par suite des changements intervenus dans la situation et dans la législation du pays, il devra y avoir des améliorations à y apporter.
On aurait à examiner aussi s'il ne faut pas augmenter le personnel du corps de la gendarmerie. Ce personnel, de l'avis de tout le monde, est maintenant insuffisant par suite du développement de la population et des affaires.
Une autre question a été soulevée dans le temps, sur laquelle je ne me prononcerai pas, mais qui mériterait peut-être de fixer l'attention. Il s'est agi de voir si l'on ne pourrait pas substituer, dans une certaine mesure, la gendarmerie au service des gardes champêtres. Cette affaire présentera sans doute des difficultés, mais elle mérite de fixer l'attention du gouvernement. On sait que le service des gardes champêtres ne se fait pas toujours d'une manière bien complète. On pourrait, peut-être, dans certaine mesure, faire intervenir très utilement pour la police rurale le corps de la gendarmerie.
Je crois que cet objet mérite de fixer l'attention du gouvernement et qu'il y a donc lieu d'examiner, puisque la Constitution l'exige, si une loi nouvelle ne doit pas venir réorganiser et développer cette institution.
Je n'ajouterai que quelques mots sur une question qui a été soulevée tout à l'heure par l'honorable M. Dumortier ; je partage du reste l'opinion de M. le ministre qu’il vaut mieux que cette question relative aux pensions militaires soit traitée lorsque nous discuterons le budget de la dette publique.
Je ne présenterai qu'une observation.
Je faisais l'année dernière partie de la section centrale qui a examiné ce budget. Cette section a soulevé des observations assez importantes dont l'honorable M. Loos a été l'organe, qui ont donné lieu à une déclaration même de la part de M. le ministre de la guerre. Nous avions été frappés, messieurs, de l'accroissement qu'avait pris le chiffre des pensions militaires, surtout pendant les dernières années et je vais vous donner la preuve de cet accroissement.
Pendant la période de 1848 à 1855, l'accroissement du chiffre des pensions militaires avait été en moyenne de 76,710 fr. par année, et pendant la période de 1855 à 1858, cet accroissement a été en moyenne de 143,000 fr. par année.
Nous avons trouvé que cet accroissement provenait principalement de l'arrêté qui avait été pris pendant cette période et c'est contre les dispositions de cet arrêté trop rigoureuses, selon nous, que nous nous sommes élevés. Il est certain que si un accroissement pareil par année se continuait et allait progressivement, il arriverait une époque où les pensions deviendraient une charge intolérable pour le trésor. Je crois donc que cette question mérite aussi toute la sollicitude du gouvernement, et que l'armée se ressentirait même d'un pareil système, s'il était poussé trop loin.
Je n'en dirai pas davantage sur cet objet, sauf à y revenir, s'il y a lieu, lorsque nous nous occuperons du budget de la dette publique.
M. Coomans. - On vient de faire de la gendarmerie nationale un grand et juste éloge, auquel je suis bien convaincu que l'assemblée entière s'associera. Mais il ne suffit pas de faire l'éloge des gens, il faut leur rendre justice. Or, ce me semble, les réclamations trop longtemps inécoutées de la gendarmerie belge sont très fondées. On a, dans ces derniers temps, augmenté un peu la solde des sous-officiers et des gendarmes. On fait plus, j'apprends avec plaisir que le gouvernement ne voit pas d'obstacle à ce que, de provisoire, cette légère amélioration devienne définitive.
C'est bien, je l'avoue, mais après cette légère augmentation de solde la situation financière de la plupart des sous-officiers et des simples soldats de gendarmerie ne restera pas moins très difficile.
Quelles que soient les causes de la difficulté qu'on éprouve à recruter le corps, causes parmi lesquelles l'honorable ministre de l'intérieur a cité, selon moi, la moins importante, il n'en est pas moins vrai que le gouvernement doit s'efforcer de réunir dans le corps de la gendarmerie les meilleurs sujets, les plus aptes, les plus honnêtes, les plus instruits, et ne pas lésiner pour atteindre ce but d'utilité publique.
Il faut, messieurs, dans ce but, donner à ces agents de la force publique une certitude d'avenir, leur assurer un sort, je ne dirai pas enviable mais convenable, c'est-à-dire élever leur solde au nécessaire ; mais cela encore ne suffira pas.
La vraie cause, je ne dirai pas, Dieu m'en garde, de la désorganisation ni de la démoralisation de la gendarmerie, - je suis sûr qu'un corps pareil ne se désorganise ni ne se démoralise point, - mais la vraie cause du découragement réel qui s'est emparé de ce corps, c'est le manque d'avancement, et sur ce point j'ai quelques observations à présenter à la Chambre.
Un jeune homme instruit, intelligent, zélé, ne s'engage pas dans la gendarmerie pour rester simple soldat ou sous-officier et pour obtenir, à la fin de sa carrière, une pension qui lui donnera à peu près du pain. Il s'engage surtout dans l'espoir de gagner des épaulettes, si son instruction, son zèle, son honnêteté l'en rendent digne.
Or, il arrive que cet espoir est généralement déçu et cela par des causes qui ne sont pas indépendantes de la volonté du gouvernement ; jamais il ne m'arrivera d'élever dans cette enceinte des réclamations au sujet d'inconvénients auxquels il serait impossible de remédier. Je ne me plains pas lorsqu'il pleut, je me couvre et je me tais ; mais lorsque nous sommes devant un mal guérissable, remédiable, nous avons raison de le signaler et d'insister pour que le remède soit appliqué.
Pourquoi donc, messieurs, y a-t-il si peu d'avancement dans la gendarmerie ? C’est parce qu'on y fourre, je veux dire introduit, à chaque instant des officiers des autres régiments de cavalerie et cela illégalement. (Interruption.) Puisqu'on semble en douter, je prouverai l'illégalité de cette manière de procéder.
L'honorable M. d'Hoffschmidt vient de dire avec raison que la gendarmerie se trouve sous l'empire d'une loi de la première république, celle du 26 germinal an VI, si je ne me trompe. Cette loi oblige le gouvernement à donner les trois quarts des grades d'officiers aux individus faisant partie du corps de la gendarmerie.
On n'agit cependant pas ainsi. A. chaque instant, on introduit dans ce corps des officiers subalternes et supérieurs qui lui sont étrangers.
J'ai sous la main la preuve incontestable, officielle, de ce que j'allègue.
J'ai ici la liste nominative des officiers d'autres armes passés dans la gendarmerie depuis seize ans, depuis 1842 jusqu'en décembre 1848. Ils sont au nombre de 26.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Quelle est la date de la dernière nomination ?
M. Coomans. - Je répète que mes renseignements comprennent une période de 16 uns, de 1842 à 1858. Eh bien, pendant cet espace de temps on a emprunté aux régiments de cavalerie 26 officiers, du reste très honorables et très instruits, je n'en doute pas, mais qui, n'appartenant pas au corps, sont venus décourager évidemment les membres, officiers et sous-officiers de ce corps.
Voilà, messieurs, les véritables causes du découragement réel qui s'est emparé de la gendarmerie. Voilà pourquoi les engagements de gendarmes sont devenus si difficiles (je parle de bons gendarmes, car vous avez parfaitement raison de ne pas en engager d'autres). Voilà (page 794) pourquoi les rengagements de sous-officiers sont devenus plus difficiles encore.
Voilà pourquoi, comme vient de le dire l'honorable ministre de l’intérieur, un sous-officier instruit et bien noté résiste très peu aux sollicitations avantageuses dont il est l'objet de la part de chefs d'industrie et de maisons de commerce, etc.
Mais si un sous-officier instruit, honnête, actif tel que l'industrie privée en désire, avait l'assurance de devenir officier un jour, perspective qui se réaliserait si l'on exécutait la loi de germinal, la plupart et les meilleurs resteraient dans le corps.
J'engage donc le gouvernement, soit à exécuter la loi, soit à la réformer s'il le juge convenable.
Je passe à un autre point.
On s'est plaint mainte fois et avec infiniment de raison dans cette Chambre de l'accroissement des pensions militaires, chapitre du budget de la guerre qui s'est accru encore plus fortement que tous les autres, ce qui n'est pas peu dire, et cela malgré de constantes réclamations.
Mais il semble qu'au fur et à mesure que nos plaintes se multipliaient dans cette ciieeine, on nous fournissait de nouvelles raisons de les répéter.
Nous nous plaignons d'année en année davantage, et d'année en année le chiffre des pensions militaires s'élève. C'est vraiment trop fort !
Il est vrai qu'on nous promet un temps d'arrêt pour 1806, mais c'est une simple promesse, nous verrons comment on l'exécutera et si elle a plus de valeur que celles qui l'ont précédée.
En attendant je me trouve devant des chiffres officiels qui prouvent que l'augmentation de l'allocation des pensions militaires devient je dirai presque scandaleuse pour un petit pays comme le nôtre. A chaque instant du reste l'opinion publique a à se prononcer sur ce sujet.
L'autre jour ne mettait-on pas à la retraite des médecins d'autant meilleurs, qu'ils avaient plus d’expérience ? Ne mettait-on pas également à la pension un officier supérieur chargé de la manufacture d'armes à Liège.
Il est vrai, d'après ce qu'on me dit, que l'arrêté royal pris à ce propos ne sera pas exécuté, mais les faits que je signale ne prouvent pas moins les tendances du gouvernement et j'insisterai avec d'honorables membres de toutes les parties de cette Chambre, pour qu'on mette un terme à ces dépenses vraiment déraisonnables.
Je me rappelle qu'il y a une dizaine d'années, lors de mon entrée dans cette Chambre, le gouvernement nous promettait déjà une réduction dans les pensions militaires.
Il disait : Vous avez raison, nous aviserons, mais les circonstances sont difficiles ; il faut attendre.
C'était sous la république européenne de 1848. Nous avons pris patience. Nous avons attendu, et en quelques années, on a doublé le chiffre des pensions militaires !
J'espère, messieurs, que la Chambre se montrera, en temps et lieu, très sévère à cet égard.
Pour ce qui concerne la milice, la réponse de M. le ministre de l'intérieur et de la guerre ne me paraît pas satisfaisante.
Il a nommé, dit-il, une commission qui s'occupe de cette question avec beaucoup de zèle.
Il y a déjà longtemps que cette commission est nommée, et, si je suis bien informé, elle ne s'est réunie que trois ou quatre fois.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Elle travaille beaucoup.
M. Coomans. - Il est bien facile d'obtenir un certificat de zèle si on le gagne pour avoir travaillé six jours en six mois ! Il faudrait montrer plus d'activité, surtout pour les questions de cette importance.
Je voudrais que le gouvernement, qui est convaincu avec beaucoup de membres de cette assemblée que nos lois de milice consacrent d'affreuses injustices, mît un peu plus de zèle à amener cette réforme et qu’il ne se bornât pas à décharger pour ainsi dire sa responsabilité sur une commission qui n'en a pas, qui est très bien composée, je le reconnais, mais qui n’a pas été stimulée, je ne sais pourquoi, puisque au bout de tant de temps, nous n'avons pas encore le moindre résultat de ses travaux.
J’admets des retards dans toutes les questions d’intérêt matériel, où il s’agit d’argent, de convenances, etc. Mais dans les questions de justice, dans les questions d’humanité, tout retard m’est odieux. Or, il y a dans nos lois de milice des injustices odieuses, horribles. Qu’on ne me force pas d'entrer dans des détails ; ce n'est peut-être pas le moment ; mais j’y reviendrai, je m’y engage, et je prouverai toutes mes allégations.
Eh bien, lorsque nous nous trouvons dans une situation semblable, lorsque nous savons que chaque année nous commettons quelques centaines d'injustices criantes, nous ne devrions pas nous borner à nommer des commissions et à ajourner aussi facilement des questions aussi graves et aussi pressées.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je pensais qu'il était conenu dans la Chambre qu'on ajournerait la question relative aux pensions jusqu'à la discussion du budget de la dette publique. L'honorable préopinant cependant a cru bon d'y revenir.
M. Coomans. - J'en suis bien libre, je l'espère ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'honorable membre est parfaitement dans son droit.
M. Coomans. - Si la Chambre avait pris une décision, je m'y serais conformé. Il n'y a pas eu de décision ; je respecte trop la Chambre pour contrevenir à ses décisions.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Cela ne vaut pas une querelle.
Messieurs, ou vient de se livrer à une sortie très violente « contre les affreuses injustices, contre les injustices horribles » que consacrent nos lois sur la milice.
M. Coomans. - Oui !
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Eh bien, c'est là une affreuse exagération. La loi sur la milice a sans doute des défectuosités, beaucoup de défectuosités ; il y a de grandes améliorations à y introduire. Mais quand on y regarde de près, quand on y regarde attentivement, avec l'intention d'introduire de véritables améliorations, on rencontre un grand nombre de difficultés. Les hommes très compétents (l'honorable M. Coomans les connaît) qui se sont occupés de cette question, ont vu qu'à mesure qu'on avançait dans l'examen, on rencontrait de grandes difficultés pour mettre en pratique des mesures qui, à première vue, semblent très simples.
La commission, messieurs, ne travaille pas tous les jours, certainement. Elle est composée d'hommes désintéressés et dévoués auxquels je ne puis imposer le travail comme à de simples employés, et alors même qu'elle voudrait se livrer à un travail quotidien, elle ne le pourrait pas. Il est telles questions qui, exigeant un examen tout spécial, qui obligent les membres de la commission à prendre chez eux les dossiers relatifs à ces questions et à les étudier.
Voilà comment il se fait que la commission nommée depuis plusieurs mois n'a pas encore abouti. Elle a eu, si je ne me trompe, dix ou douze réunions. Cette commission travaille, ce qui n'est pas toujours le cas de toutes les commissions.
M. Coomans. - Pendant deux mois elle n'a rien fait.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Si l'honorable M. Coomans veut des renseignements plus précis, il peut s'adresser à ceux de ses honorables collègues qui font partie de la commission ; il apprendra qu'elle travaille et, quant à moi, j'ai grande confiance dans la commission ; ceci soit dit sans vouloir jeter sur elle la responsabilité du retard que j'assume à moi seul, pas plus que la responsabilité du projet de loi, que j'assumerai aussi à moi seul.
On s'est exprimé sur le compte de la gendarmerie en très bons termes. Mais je regrette que tout en faisant son éloge, on ait, en quelque sorte, involontairement sans doute, introduit dans ce corps les germes, qu'on prétend y exister, de désorganisation et de découragement. Je n'admets en aucune manière que le corps de la gendarmerie soit découragé, qu'il soit désorganisé.
A quoi bon dans cette enceinte, lorsque nous avons devant nous une institution honorable, solide, qui n'est animée que de bons sentiments, venir jeter légèrement ces mots de désorganisation découragement ? Ce n'est pas là faire de la conservation, permettez-moi de vous le dire, c'est faire de la désorganisation et du désordre.
M. Coomans. - Il n'y a pas de désorganisation dans la gendarmerie, je l'ai dit.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il ne faut pas dire qu'officier et soldats ont le droit d'être découragés. Ce sont des paroles qui ne devraient pas partir de cette tribune.
J'ignore si depuis 1830 on a introduit comme on l'a dit, une multitude d'officiers de cavalerie dans la gendarmerie. J'ai demandé à l'honorable M. Coomans la date des dernières nominations. Je reconnais qu'il est juste, qu'il est utile que le corps de la gendarmerie se recrute en lui-même.
M. Coomans. - J'en prends acte et je vous remercie.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je dis donc que je ne sais à quelle époque on a fait allusion. Si on a fait allusion aux premières années de la révolution, il est évident qu'il a fallu alors prendre dans la cavalerie et même dans l’infanterie de quoi recruter le corps de la gendarmerie qui avait été désorganisé par le fait même de la révolution.
M. Coomans. - J'ai parlé des seize dernières années.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Si dans les dernières années le fait s'est produit, je dis que cela est regrettable. Mais je n'en conclus pas que la gendarmerie est découragée.
La gendarmerie n'a pas de motifs de découragement. Elle est partout respectée, elle est partout aimée, et pour peu qu'on soit animé de sentiments patriotiques, on doit être fier d’une pareille position et non se décourager.
Le recrutement, il est vrai, est difficile. Mais le recrutement est devenu difficile pour toutes les armes. Lorsque l'honorableMl. Coomans nous proposait comme remède aux affreuses, aux horribles lois de milice, son système d'armée de volontaires, on lui a démontré qu'il serait impossible de recruter une armée de volontaires dans notre industrieux pays, et par-là même son système a été ruiné dans sa base. Daus le dernier temps surtout le recrutement est devenu difficile, non pas parce§page 795) qu'on a pris dans la cavalerie des officiers pour commander des gendarmes dont la plupart n'aspirent pas à la position d'officier, mais parce que les chevaux et les fourrages ont été à des prix fort élevés. Voilà une raison pratique qui a pu éloigner les cavaliers de se présenter pour devenir gendarmes.
Maintenant, messieurs, il faut bien que je dise un mot des pensions, puisqu'on est revenu sur ce point.
On a dit que, loin de voir les pensions diminuer d'année en année on les voyait s'augmenter, en dépit des promesses faites par l'honorable général Berten. Le général Berten, en arrivant au ministère, s'est trouvé en présence d'un arrêté qui, en principe, mettait à la retraite tous les officiers ayant atteint un certain âge. C'était 55 ans pour les capitaines, 58 ans pour les majors et lieutenants-colonels, 60 pour les colonels, 63 pour les généraux-majors, 65 pour les lieutenants-généraux.
Aux termes de la loi, la mise à la retraite est une faculté pour le gouvernement. Mais l'honorable prédécesseur du ministre de la guerre actuel avait transformé cette faculté en obligation. L'honorable général Berten ne demanda pas le retrait de cet arrêté, car le retrait d'un arrêté royal est toujours une chose grave ; mais il demanda à pouvoir l’appliquer avec une certaine tolérance, et il fut appliqué de cette manière qu'on ajoutait un an à l'âge fixé et qu'en outre, pour les positions spéciales, comme celles d'intendant et de médecin, l'officier, pour être pensionné, devait avoir atteint l'âge fixé pour le grade supérieur à celui qu'il occupait, plus un an au-delà de cet âge. Voilà la règle que le général Berten avait adoptée et qui avait reçu l'adhésion de Sa Majesté.
Au moyen de cette tolérance plus grande, on arrivait, messieurs, à un chiffre de pension beaucoup moins élevé chaque année.
C'est cette règle que notre honorable ami le général Berten avait appliquée de l'assentiment du Roi et de concert avec ses collègues ; mais rien n'avais été arrêté définitivement ; c'était en quelque sorte un essai.
En dernier lieu, cette règle a été appliquée à trois médecins très distingués, qui tous trois appartiennent à l'Académie.
Ils ont été avertis qu'ils avaient atteint l'âge fixé pour la retraite des officiers du grade supérieur au leur, augmenté d'une année, mais ces officiers ne sont pas, à l'heure qu'il est, mis à la retraite. Le général Berten avait pensé qu'il pouvait user d'une nouvelle tolérance à leur égard, et il est probable qu'il le fera, d'accord avec Sa Majesté et d'accord avec ses collègues.
J'ajouterai, messieurs, pour écarter toute espèce de commentaire soit ici soit au-dehors, que nos relations avec le général Berten n'ont pas cessé, un seul jour, d'être des plus cordiales. Elles ont été constamment appuyées sur une confiance réciproque. A aucune époque et jusqu'à l'heure qu'il est, il n'a existé entre le général Berten et nous aucun genre de dissentiment.
La position du général Berten est aujourd'hui connue d'un grand nombre de nos collègues ; il est sérieusement malade et c'est ce qui fait que je me suis trouvé dans la pénible nécessité de le remplacer provisoirement pour soutenir son budget autant que mes forces me le permettraient ; mais je suis bien aise d'avoir eu cette occasion de faire la déclaration que la Chambre vient d'entendre
M. Muller. - L'honorable ministre de l'intérieur et nos honorables collègues, MM. de Baillet-Latour et d’Hoffschmidt ont fait remarquer que la position de la gendarmerie exige une majoration de solde. Il y a difficulté d'obtenir des recrutements convenables. L'honorable ministre de l'intérieur, faisant l’interim de la guerre, a ajouté que l'intention du gouvernement était de continuer, à titre en quelque sorte permanent, l'allocation qui est aujourd'hui portée pour majorer le traitement de la gendarmerie.
Je pense, messieurs, qu'il importe (et je complète ici sans doute les observations des honorables membres) qu'il n'y ait pas d'incertitude à cet égard, précisément pour que le recrutement puisse se faire d'une manière plus facile.
Il ne faut pas que celui qui aurait envie de s'engager dans la gendarmerie ait la crainte de voir réduire la solde, lorsque le prix des denrées alimentaires viendrait à baisser quelque peu. J'attire donc sur ce point l'attention de la Chambre, et je crois qu'il devra résulter de la discussion du budget de la guerre que c'est à titre permanent que l'augmentation de solde que nous allons voter aujourd'hui d'une manière unanime, sera acquise.
Sans doute, la Chambre est libre chaque année de revoir le budget, de voter chaque article ; mais il ne faut pas que le paragraphe qui terminait l'exposé des motifs puisse influer d'une manière fâcheuse sur le recrutement de la gendarmerie. Le gouvernement avait, par ce paragraphe, pris l'engagement de supprimer l'augmentation d'allocation dès que le motif invoqué viendrait à cesser ; ce motif, c'était l'augmentation du prix des denrées alimentaires.
Je pense, messieurs, qu'à cet égard un des meilleurs moyens d'obtenir beaucoup plus facilement le recrutement de la gendarmerie, c'est de mettre cette allocation sur la même ligne que les autres, de la faire figurer à titre ordinaire et non pas à titre extraordinaire.
M. de Luesemans. - Messieurs, une des sections de la Chambre qui ont examiné le budget de la guerre, a manifesté le désir que vient d’exprimer l'honorable M. Muller ; la question fut soumise à la section centrale, et elle aurait été résolue, je pense, dans ce sens, si la section centrale n'avait été arrêtée par un scrupule, si elle n'avait pensé que ce n'était pas son rôle de provoquer des augmentations de dépenses, qu" cela devait venir de l'initiative du gouvernement.
Si donc la déclaration du gouvernement était dans le sens de la demande de M. Muller, il est évident que le gouvernement serait en cela d'accord avec la section centrale.
Je tenais à faire cette déclaration parce que j'ai fait partie de la section centrale et que je suis au courant de ce qui s'y est passé.
M. H. Dumortier. - J'ai demandé la parole quand j'ai entendu M. le ministre de la guerre ad intérim déclarer que sous l'administration du prédécesseur de l'honorable général Berten la mise à la retraite des officiers, ayant atteint un âge déterminé, était devenue une obligation pour le gouvernement.
Il me semblait que sous ce rapport M. le ministre commettait une erreur.
Si mes souvenirs sont exacts l'arrêté royal du 18 avril 1855 n'a pas cependant un caractère aussi rigoureux, aussi absolu que celui que lui attribuait M. le ministre de la guerre ad intérim.
M. Muller. - Messieurs, si l'arrêté de l'honorable général Greindl a provoqué des plaintes si nombreuses, c'est qu'il faisait de la règle, en quelque sorte, l'exception et de l'exception la règle. La loi accordait au gouvernement lafaculté de mettre à la pension à tel âge, eh bien, l'honorable général Greindl a décidé que, comme règle, on serait mis à la pension à cet âge, et il se réservait d'y apposer des exceptions. Voilà l'immense différence qui existe entre le texte de la loi et l'arrêté de l'honorable général Greindl qui est contraire à son esprit.
M. H. Dumortier. - Certainement.
- La discussion générale est close ; on passe aux articles.
« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Traitement des employés civils : fr. 154,810.
« Charges extraordinaires : fr. 1,950. »
- Adopté.
« Art. 3. Supplément aux officiers et sous-officiers employés au département de la guerre : fr. 14,000. »
- Adopté.
« Art. 4. Matériel : fr. 40,000. »
- Adopté.
« Art. 5. Dépôt de la guerre : fr. 19,000. »
- Adopté.
« Art. 6. Traitement de l'état-major général : fr. 778,770 10. »
- Adopté.
« Art. 7. Traitement de l'état-major des provinces et des places : fr. 303,151 20. »
- Adopté.
« Art. 8. Traitement du service de l'intendance : fr. 150,748 50. »
- Adopté.
« Art. 9. Traitement du service de santé des hôpitaux : fr. 217,894 50. »
- Adopté.
« Art. 10. Nourriture et habillement des malades ; entretien des hôpitaux : fr. 532,400. »
- Adopté.
« Art. 11. Service pharmaceutique : fr. 120,000. »
- Adopté.
« Art. 12. Traitement et solde de l'infanterie : fr. 11,951,947 57. »
« Les crédits qui resteront disponibles, à la fin de l'exercice, sur les chapitres II, III.,IV et VII, concernant le personnel, pourront être réunis et transférés, par des arrêtés royaux, à la solde et autres allocations de l'infanterie, ce qui permettra le rappel sous les armes, pendant un temps déterminé, d'une ou de deux classes de miliciens qui appartiennent à la réserve. »
- Adopté.
« Art. 13. Traitement et solde de la cavalerie : fr. 3,593,099 78. »
- Adopté.
« Art. 14. Traitement et solde de l'artillerie. : fr. 2,988,870 79. »
- Adopté.
« Art. 15. Traitement et solde du génie : fr. 798,926 81. »
- Adopté.
(page 796) « Art. 16. Traitement et solde des compagnies d'administration : fr. 268,340.
« Les hommes momentanément en subsistance près d'un régiment d'une autre arme compteront, pour toutes leurs allocations, au corps où ils se trouvent en subsistance. »
- Adopté.
M. le président. - La discussion est ouverte sur le chapitre V (Ecole militaire). La parole est à M. Desmaisières.
M. Desmaisières. - Messieurs, je n'ai demandé la parole que pour présenter à la Chambre quelques courtes observations, relativement aux examinateurs permanents de l'école militaire.
Je regrette de ne m'être pas trouvé présent à la séance de la Chambre au moment où la pétition de M. Dubois, ancien examinateur permanent de l'école militaire, a été inopinément mise en discussion.
Bien que des explications ministérielles, contraires à cette pétition, aient été données en 1857, je n'en aurais pas moins exprimé le désir que de nouvelles explications fussent demandées.
J'aurais prié M. le ministre de la guerre de nous dire s'il est vrai qu'on ne trouve plus aujourd'hui aucun professeur qui veuille renoncer à ses fonctions pour prendra celles d'examinateur permanent.
Pourquoi en est-il ainsi ? La raison en est bien simple : c'est qu'en passant de la position de professeur à celle d'examinateur permanent, c'est-à-dire à des fonctions plus pénibles et plus difficiles, on perdrait en même temps tout droit à l'éméritat universitaire lorsqu'il s'agirait de liquidation de pension.
Ce n'est cependant que parmi les professeurs qu'on peut rencontrer les hommes capables d'être examinateurs permanents.
Ainsi la loi organique de l'école militaire qui veut qu'il y ait deux examinateurs permanents attachés à cette école est devenue non exécutable dans une de ses parties essentielles.
Ce fâcheux état des choses ne peut venir à cesser que par l'assimilation des examinateurs permanents aux professeurs pour la liquidation de leurs pensions.
Il n'y aurait pas eu lieu à la réclamation du sieur Dubois, si la loi du 18 mars 1838, organisant l'école militaire, avait donné à ses fonctions la qualification de professeur-examinateur, et il ne me paraît pas douteux que tel eût été le cas, si lors de la rédaction de cette loi on eût prévu la situation établie par la loi des pensions du 21 juillet 1844.
Si l'assimilation de l'examinateur permanent aux professeurs est aujourd'hui mise en question, il me semble qu'on ne saurait se refuser à une interprétation qui rentrerait tout à fait dans l'esprit de la loi du 18 mars 1838, qui ne ferait que rendre justice aux droits acquis par le sieur Dubois, et qui serait entièrement conforme aux intérêts des études de notre école militaire.
Je soumets ces observations à l’honorable ministre de la guerre, en le priant de vouloir bien en faire l'usage qu'il jugera convenable dans l'intérêt de l'armée. Je vois dans cette affaire une question qui intéresse non seulement le sieur Dubois, mais aussi l'avenir de notre bel établissement d'instruction militaire.
« Art. 17. Etat-major, corps enseignant et solde des élèves : fr. 142,892 27. »
- Adopté.
« Art. 18. Dépenses d'administration : fr. 29,007 73. »
- Adopté.
« Art. 19. Traitement du personnel des établissements : fr. 40,660. »
- Adopté.
« Art. 20. Matériel de l'artillerie : fr. 761,500. »
- Adopté.
« Art. 21. Matériel du génie : fr. 700,000. »
M. Coomans. - Messieurs, la Chambre a ajourné à l'examen de l'article 21 du budget l'incident qui s'est élevé hier au sujet des travaux de défense militaire sur l'Escaut. Nous voici arrivés à cet article. Je suis disposé à parler, mais on me fait observer que nous ne sommes pas en nombre ; s'il en est ainsi, on ne pourra pas voter ; toutefois je suis aux ordres de la Chambre, si elle veut entendre mes observations ; M. le ministre ne sera pas mieux préparé mardi pour faire les réponses qu'il jugera convenable de nous faire. (Parlez ! parlez !)
Vous vous rappelez, messieurs, qu'en 1855 la Chambre a voté un crédit de 1,350 mille fr. pour cinq objets différents, pour la reconstruction des forts et pour la construction de bâtiments pour l'artillerie.
Les espèces de plans qui nous ont été soumis à cette époque par le gouvernement, attestent que telles étaient ses intentions que tel devait être l'emploi des fonds accordés par la section centrale et votés par la Chambre. Comme on nous avait dit naguère que le seul fort de Sainte-Marie exigerait une dépense pins forte que la somme globale votée en 1855, nous avons demandé des explications au gouvernement qui a répondu que le crédit ne serait pas dépassé.
Le gouvernement a bien voulu nous remettre les pièces relatives à cette affaire ; je viens de les examiner ; il en résulte que le crédit des 350 mille fr. n'est pas dépassé, mais qu'il est appliqué à un seul des cinq objets pour lesquels il avait été demandé.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Sauf 100,000 francs pour les locaux de l'artillerie.
M. Coomans. - Je reconnais que le gouvernement a eu rigoureusement le droit d'appliquer au seul fort Sainte-Marie la totalité de la somme votée ; c'est une grosse concession que je fais au gouvernement ; elle est importante, car quand le gouvernement vient solliciter des fonds en indiquant l'emploi qu'il compte en faire, il est moralement obligé de se conformer à cette indication ou de demander un bill d'indemnité à la Chambre.
Toutefois, je reconnais qu'en fait de dépenses militaires, il faut faire large part à l'imprévu et surtout aux améliorations que le temps et l'expérience indiquent.
Aussi si le gouvernement a cru qu'il pouvait faire un emploi plus utile des fonds dont il s'agit en les consacrant au seul objet dont nous parlons, homme incompétent en cette matière, je me soumets ; mais d'après les pièces que j'ai sous les yeux, il paraît que le gouvernement renonce aux autres dépenses qu'il se proposait de faire en 1855. (Interruption.) S'il n'y renonce pas, s’il avait jugé convenable d'exécuter un seul travail au lieu de cinq, sauf à demander des sommes nouvelles pour exécuter les plans ajournés, il y aurait là un acte mauvais que je n'hésiterais pas à blâmer de toutes mes forces, parce que ce serait en quelque sorte tromper la Chambre, ce serait lui demander des fonds pour différentes dépenses qu'elle aurait jugées utiles et la forcer après coup de faire deux ou trois fois plus de dépenses qu'elle ne voulait.
La question, je crois, est nettement posée.
Si le gouvernement renonce aux autres dépenses qu'il avait résolues en 1855, j'avoue que sa situation est régulière ; mais s'il revenait plus tard avec les projets qu'il a abandonnés tels que bâtiments pour l'artillerie et les autres forts de l'Escaut, s'il venait demander des fonds pour ces objets, ce serait un fait grave posé au détriment de la Chambre et de ses droits les plus chers. A mon sens, le plus beau droit de la Chambre, le plus efficace et le mieux sanctionné, c'est celui de voter les dépenses publiques : enlevez ce droit-là au système représentatif et il ne lui reste plus aucune prérogative sérieuse.
Mais il faut que ce droit soit sérieusement respecté de la part du gouvernement et sérieusement appliqué de la part de la Chambre.
J'espère qu'on ne nous donnera plus le spectacle très peu édifiant que nous avons eu sous différents ministères, de petites sommes demandées aux Chambres, servant en quelque sorte d'amorce et suivies de gros millions qui ont été votés pour ainsi dire par force majeure.
Il ne faut pas que cet intolérable abus se renouvelle.
Il est bien entendu que je n'accuse pas. Je reconnais que le gouvernement est jusqu'à cette heure dans son droit rigoureux, tel que je l'ai défini, mais il doit être entendu aussi que le gouvernement renonce aux autres travaux qu'il avait compté exécuter avec cette somme.
L'observation que je fais est tellement logique, que je suis persuadé que l'honorable ministre de l'intérieur ne se refusera pas à en reconnaître la justesse.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, par une loi du 4 juin 1855, il a été ouvert au département de la guerre un crédit extraordinaire de 1,460,000 fr., ayant une double destination, savoir : complément du système défensif des rives de l'Escaut (voilà l'expression dans toute sa généralité) et construction de bâtiments destinés au service de l'artillerie.
La section centrale de 1855 a distrait cette somme d'un grand projet comportant une dépense de 9,400,000 fr., et elle n'a alloué que ce crédit spécial. C'était l'honorable M. Coomans qui était rapporteur.
Je tiens à établir que le gouvernement est resté dans une parfaite légalité et qu'il a agi avec toute la régularité possible. On vient, du reste, de le reconnaître, tandis qu'hier on prétendait qu'il avait porté atteinte à la Constitution.
Le gouvernement a appliqué une partie du crédit de 9,400,000 fr. nue somme de 100,000 fr. environ à la construction de bâtiments d'artillerie.
Il a affecté le reste non pas à la construction de plusieurs forts qui étaient indiqués dans l'exposé des motifs, mais à la construction d'un seul fort.
Voici pourquoi : Depuis 1855, la question a pris une face nouvelle. Le système défensif d'un pays neutre demande de la part du gouvernement une grande attention.
Les travaux qui devaient être exécutés au moyeu du crédit n'ont pas été exécutés parce qu'on a reconnu qu'ils devaient être modifiés.
(page 797) Il est résulté d'une nouvelle étude que la construction d'un fort considérable sur l'emplacement de Calloo serait sur plus efficace et plus nécessaire dans l'intérêt de la défense de l'Escaut
Mais de ce que la construction d'un grand fort sur un seul point a été reconnue par le gouvernement préférable à l'éparpillement de plusieurs forts moins importants sur divers points, résulterait-il que le gouvernement dût se renfermer rigoureusement dans les termes de l'exposé des motifs ?
Ce n'est pas ce qu'on peut vouloir.
Si le fort s’exécute, le gouvernement restera strictement dans les termes de la loi, il appliquera le crédit à l'amélioration du système de défense des rives de l'Escaut.
Il reste une somme de 1,360,000 fr. à dépenser.
L'adjudication a eu lieu mais avec cette réserve de la part du gouvernement qu'il peut jusqu'au premier mai renoncer à l'entreprise sans devoir payer aucune indemnité.
En attendant il a dû faire procéder à l'acquisition de terrains.
On m'a demandé hier un détail eu ce qui concerne la valeur des terrains acquis. J'ai remis le tableau comprenant ces renseignements à l'honorable député qui m'en avait fait la demande et je le déposerai sur le bureau si on le désire.
L'on nous dit maintenant : Est-ce tout ? Lorsque le gouvernement aura dépensé 1,360,000 fr. pour le fort de Calloo, renoncera-t-il s tous autres travaux sur les rives de l'Escaut ?
Je ne sais, messieurs, ce que les nécessités de la défense de l'Escaut exigeront.
Rappelons-nous que nous avons un grand devoir à remplir ; comme pays neutre, nous avons à nous défendre contre tout le monde, comme nous avons à compter sur l'appui de tout le monde en cas d'agression injuste.
Nous devons exprimer la volonté de nous défendre sur toutes nos frontières contre toutes les attaques possibles.
Je ne sais, je le répète, ce que les besoins de défense du côté de l'Escaut pourront exiger du gouvernement. Il est possible que de nouveaux travaux seront encore nécessaires.
Je ne puis donc pas prendre l'engagement que le gouvernement ne fera plus rien ; pour le montent on se borne à la construction d'un fort considérable à l'emplacement de Calloo.
Permettez-moi, messieurs, de le dire en finissant ; nous sommes une nation jeune, pleine de vigueur et d'ardeur patriotique, pleine d'espérance pour l'avenir. Nous devons avoir la fermeté de faire certains sacrifices pour conserver à la Belgique la belle position qu'elle s'est acquise.
Si nous allions prêter l'oreille à toutes les plaintes des localités qui pourraient avoir à souffrir dans des circonstances données, si nous paralysions l'action de la force publique, si nous avions la faiblesse d'abandonner des travaux d'utilité générale, parce qu'ils rencontreraient une opposition locale, il nous faudrait alors, messieurs, renoncer au rôle de nation libre, il ne nous faudrait pas nous élever à la hauteur où nous avons l'habitude de nous placer et passer sans résistance sous la première domination étrangère qui voudrait s'imposer à nous.
J'engage donc la Chambre à ne pas se laisser entraîner à ces réclamations dictées par l’intérêt local. Il faut savoir dans les circonstances où nous sommes, comme toujours, faire des sacrifices à l'intérêt public.
Les plaintes de Calloo sont évidemment exagérées.
Que le fort de Calloo soit agrandi ou non, ce point de l'Escaut est nécessairement appelé à subir les conséquences d'une attaque par le le fleuve.
Vaut-il mieux que Calloo soit fortement protégé que faiblement protégé ? Voilà toute la question.
Il est certain, en outre, que la présence d'une forte garnison ne peut qu'être utile à Calloo. Ainsi pendant les années de paix et c'est l'état normal en Belgique, la commune de Calloo profilera du voisinage d'une forte garnison. En temps de guerre, au contraire, Calloo sera protégé plus que dans sa position actuelle.
Je dis qu'en temps de paix cette localité jouira d'un avantage et nous en avons la preuve.
Chaque fois qu'il s'agit de déplacer 50 hommes seulement de la garnison d'une ville, des réclamations se produisent, comme si une pareille mesure devait porter une atteinte grave aux ressources de la localité.
Le gouvernement se trouve continuellement paralysé par les réclamations lorsqu'il veut déplacer des garnisons.
Sous ce rapport, j'espère qu'on trouverait, le cas échéant, dans toutes les localités, assez de patriotisme pour renoncer à cet intérêt matériel lorsque la défense du pays exigerait le déplacement de certaines garnisons.
Je fais à cet égard un appel aux représentants des localités intéressées. Mais je constate que la présence d'une garnison est une source d'avantage et de bien-être et que loin de se plaindre de ce chef, la commune de Calloo devrait se féliciter.
M. Coomans. - Il y a beaucoup de choses et même quelques bonnes choses dans le discours de l’honorable ministre. Mais il ne répond pas au point essentiel que j'ai posé et dont je m'occupe. Je ne me suis pas placé au point de vue des intérêts de Calloo ou de toute autre commune, je me suis placé au point de vue général, au point de vue des intérêts nationaux dans ce qu'ils ont de plus élevé, le respect des droits de la législature.
Or, je rappelle les faits. En 1855, lorsque nous avons été appelés à voter les sommes dont il s'agit, le gouvernement n'a pas fait les moindres réserves pour l'avenir. Il ne nous a pas dit : « Il me faut 890,000 fr. pour la défense des rives de l'Escaut, mais plus tard nous vous demanderons peut-être davantage. »
Il nous a dit : « Voilà la somme, toute la somme que nous vous demandons, et nous ne demandons rien de plus. » Et ici je fais appel aux souvenirs de l'honorable général Goblet et des autres membres de la section centrale, nous n'avons pas défalqué un centime de ce que demandait le gouvernement. Nous lui avons dit : « Vous connaissez mieux que nous les besoins de la défense de l'Escaut ; vous demandez une somme de... La voilà. Mais nous ajournons le vote des sommes pour les forteresses environnant Anvers. »
Donc il y a eu, de la part du gouvernement, engagement moral pris de ne pas dépenser plus qu'il ne demandait, après les explications très approfondies entre le gouvernement et la section centrale. C'était une section centrale qui travaillait bien et avec beaucoup de soin.
Donc voici mon argumentation, je n'ai pas dit autre chose : Si le gouvernement, ayant dépensé la somme votée en 1855 comme seule somme à demander à la législature, se contente de cette dépense, chose qu'il a faite jusqu'à présent, il est dans les règles du régime représentatif, je le reconnais, et nous n'avons pas de critique à lui adresser de ce chef, sauf les réserves que j'ai faites tout à l’heure, et qui sont fort atténuées par la matière dont il s'agit.
Je reconnais qu'en fait de travaux militaires on peut changer d'avis du jour au lendemain, et ce n'est pas moi qui blâmerai des modifications de ce genre, je n'y entends rien.
Mais je répète que si le gouvernement avait appliqué au seul fort de Sainte-Marie les 1.300,000 francs qui forment la presque totalité des crédits votés en 1855, avec l'arrière-pensée d'exécuter plus tard les autres travaux pour lesquels ce même crédit était demandé, il y aurait là un jeu indigne et du gouvernement et de la Chambre. Voilà toute la question.
Il résulte des pièces que M. le ministre de l'intérieur a eu la complaisance de nous fournir, que le gouvernement abandonne les autres travaux qu'il avait indiqués comme urgents et comme nécessaires en 1855, parce qu'il ne lui reste plus de fonds pour les exécuter.
Je ferai observer, quoique j'abandonne cette légère critique, que le gouvernement n'avait demandé que 890,000 fr. pour tous les forts de l'Escaut.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Avant la guerre de Crimée.
M. Coomans. - Mais nous avons siégé ici depuis la guerre de Crimée, et vous pouviez, s'il vous fallait plus d'argent, nous faire l'honneur de nous laisser prendre part à la défense nationale. Je n'admets pas que le gouvernement s'arroge le monopole du patriotisme. Je ne refuse pas des millions pour défendre l'Escaut, et le reste de la patrie, mais je désire avoir l'honneur de les voter.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Soyez tranquille !
M. Coomans. - Je ne veux pas que le gouvernement dépense les fonds de l'Etat en dehors des prescriptions formelles de la Constitution, sauf à venir, longtemps après, demander un bill d'indemnité. C'est se défier de la Chambre. Chacun sait bien que vous construisez une citadelle à Calloo. L'étranger le sait, et nous pouvons le savoir.
Vous auriez pu, en temps utile, si vous modifiez les résolutions de vos prédécesseurs, nous soumettre ces modifications et venir dire : Nos prédécesseurs se sont trompés en ne demandant que 890,000 fr. pour la défense des rives de l'Escaut. Il nous faut beaucoup plus, puisque le seul fort de Calloo absorbera le crédit de 1,300,000 fr. en entier.
Voilà la question. C'est une question de formalité, mais de formalité grave, essentielle. Il y va de l'honneur de la Chambre et de la Constitution. Je ne dis pas qu'elle ait été violée aujourd'hui ; mais je crains qu'elle ne le soit demain, comme elle l'a été hier et avant-hier dans la même matière.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je crois, comme le disait l'honorable préopinant, que nous sommes bien près d’être d'accord.
Il reconnaît que le gouvernement avait légalement le droit d’appliquer à un seul travail défensif de l'Escaut la somme de 1,300,000 fr. C’est ce qu'a fait le gouvernement, après s'être livré à des études plus approfondies sur le meilleur système de défense de l'Escaut. La lettre de l'honorable général Berten au président de la Chambre établit que, d'après l'expérience faite, on a reconnu la nécessité d'opposer des forces défensives beaucoup plus grandes à des forces agressives plus puissantes. Voilà pourquoi on a renforcé la position de Calloo. On a négligé les autres forts qui avaient été indiqués dans l'exposé des motifs, pour porter toute l'énergie du crédit, si je peux le dire, sur un seul travail.
Les autres travaux sont-ils à toujours ajournés ? C'est ce que je ne puis dire. Mais s'ils devaient être exécutés, le seraient-ils sans autorisation préalable, comme paraît le supposer l'honorable M. Coomans ? Nullement. Car alors commencerait l’irrégularité, commencerait l'illégalité. Mais s'il est reconnu indispensable d'établir sur l'Escaut d'autres travaux (page 798) défensifs, que fera le gouvernement ? Il demandera à la Chambre de nouveaux crédits, et la Chambre délibérera.
Je prends l’engagement, non pas que jamais de nouveaux crédits ne seront demandés, que jamais d'autres dépenses ne seront faites, mais je promets qu'aucune dépense ne sera faite sans l'assentiment de la législature. Et à part les dissentiments politiques, l'honorable M. Coomans est trop national pour reculer devant un travail qui serait démontré utile à la défense du pays. Ainsi sous ce rapport nous sommes complétement d'accord dans le présent comme pour l'avenir.
Voilà ce que j'avais à dire.
La Chambré peut être parfaitement tranquille. Aucune dépense nouvelle ne sera faite, sauf le cas de nécessité urgente. Car, si la patrie était en danger, nous n'hésiterions pas à engager complétement notre responsabilité. Mais dans des circonstances normales le gouvernement ne fera aucune dépense nouvelle sur les rives de l'Escaut sans avoir reçu des Chambres les pouvoirs et les crédits nécessaires.
Êtes-vous maintenant satisfait ?
M. Coomans. - Pour le moment.
- La Chambre, consultée, fixe sa prochaine séance publique, à mardi 29 mars, à 2 heures.
La séance est levée à quatre heures trois quarts.