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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 22 mars 1859

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)

(page 747) (Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Boe procède à l'appel nominal à 3 heures et un quart.

M. de Moor donne lecture du procès-verbal de la séance du 18 mars.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Boe présente l'analyse des pétitions suivantes.

« Le sieur Fromont demande que son neveu, Adolphe Chessau, canonnier à Anvers, soit libéré du service militaire. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Guillaume Vandoren, maître de musique et cabaretier à Brée, né à Thorn (partie cédée du Limbourg), demande la naturalisation ordinaire, »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


» Les sieurs Straele, Sermon et autres membres d'une société, dite de Vlaemsche Rond, à Anvers, prient la Chambre de régler par une loi les questions qui se rattachent aux intérêts de la langue flamande. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Farinaux demande exemption du droit d'enregistrement auquel se trouve assujettie la naturalisation qui lui a été conférée. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Des habitants de Tamines prient la Chambre d'introduire dans les élections à tous les degrés, le vote par lettre alphabétique. »

« Même demande d'habitants de Namur, Vitrival, Malines, Iteghem, Heyst-op-den-Berg, Nielen et Wiekevorst. »

M. Lelièvre. - Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur l'augmentation des sénateurs et des représentants, puisque cette section s'occupe de la question soulevée par les pétitionnaires.

- La proposition de M. Lelievre est adoptée.


« Des capitaines au long cours ou au grand cabotage, régulièrement autorisés à naviguer sous pavillon belge, et des négociants-armateurs à Anvers et à Ostende demandent une loi prescrivant que tout marin étranger, pour être admis en qualité d'officier de la marine marchande belge, devra être naturalisé en Belgique et avoir régulièrement subi, devant un jury belge, l’examen de capacité pour le grade qu'il sollicite. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les sieurs Goost, Maus et autres membres de l'association des secrétaires communaux, demandent une loi qui fixe le minimum du traitement des secrétaires communaux. »

- Même renvoi.


« Le sieur Pierre Dreessen, demeurant à Bruxelles, né à Udenhout (Pays-Bas), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« M. le ministre de la justice renvoie à la Chambre, avec les pièces de l'instruction, quatre demandes de naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


Il est fait hommage à la Chambre.

1° Par M. le ministre de l'intérieur, de 112 exemplaires du tome III des documents statistiques publiés par son département (distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque).

2° Par M. Tarlier, éditeur à Bruxelles, d'un exemplaire du Recueil consulaire, année 1858.

- Dépôt à la bibliothèque.


« Les sieurs Waroqué, de la Roche et autres membres du comité houiller du bassin du Centre du Hainaut prient la Chambre de statuer prochainement sur la proposition de loi relative aux péages du canal de Charleroi, à Bruxelles. »

« Des négociants en charbons, à Molenbeek, prient la Chambre de discuter le plus tôt possible les propositions faites par la commission spéciale, à l'égard du canal de Charleroi. »

M. J. Jouret. - Messieurs, je demande que ces deux pétitions soient renvoyées à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.

Cela est d'autant plus nécessaire que, dans le feuilleton de pétitions qui vient de nous être distribué, se trouve une pareille pétition, annoncée pour les prompts rapports de vendredi prochain. Comme les deux pétitions dont il s'agit ont absolument le même but, je prierai l'honorable M. Vander Donckt de les comprendre dans son rapport de vendredi.

A cette occasion, je crois devoir prévenir M. le ministre des finances, ainsi que M. le ministre des travaux publics, que nous présenterons des observations dans le sens des mesures réclamées par les pétitionnaires.

A l'heure qu'il est, le gouvernement n'est pas encore saisi des conclusions de la commission des péages ; mais je puis annoncer, d'une manière positive, je tiens le fait de M. le président de la commission, que le travail vient d'être terminé et signé ; ce travail sera donc entre les mains de M. le ministre des travaux publics dès ce soir ; dès lors, d’ici à vendredi, MM. les ministres pourront faire connaître à la Chambre leurs intentions, relativement à la demande des pétitionnaires.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - D'ici à vendredis cela est impossible ; nous ne pouvons pas nous décider en deux fois 24 heures.

M. J. Jouret. - Il serait déplorable que cet objet ne pût pas être examiné avec une certaine promptitude. Vous verrez par le rapport qui vous sera fait par l'honorable M. Vander Donckt que les motifs signalés exigent qu'on se hâte d'une manière considérable, si on ne veut pas léser de plus en plus les personnes qui souffrent de l'état de choses actuel. Il me semble que d'ici à vendredi les propositions de la commission des péages pourraient être examinées par M. le ministre des travaux publics.

M. L. Goblet. - Messieurs, je me joins à l'honorable M. J. Jouret, pour demander un prompt rapport sur les deux pétitions qui viennent d'être analysées.

Je prierai MM. les ministres des finances et des travaux publics de vouloir bien se mettre en mesure de faire connaître à la Chambre leurs intentions sur cet objet, vendredi prochain. Il est de la dernière urgence qu'une solution intervienne pour faire cesser des incertitudes pénibles.

Cette question, messieurs, est grave et des plus pressantes et je ne conçois pas qu'on puisse hésiter à la résoudre, en rendant justice à des réclamations parfaitement fondées.

La navigation du canal de Charleroi est dans un état des plus précaires et toutes les industries qui s'y rattachent voient leur existence menacé e et leur ruine imminente.

M. Ch. de Brouckere. - Messieurs, si M. le ministre des travaux publics ne peut pas nous apporter une solution définitive pour vendredi prochain, il pourra au moins ce jour-là nous indiquer l'époque à laquelle il sera en mesure de se prononcer ; sinon, la session se passera, et le statu quo sera maintenu. Or, ce statu quo est la ruine d'un grand nombre de familles.

Il vaut mieux pour tous les bateliers qui naviguent sur le canal de Charleroi, de savoir dès aujourd'hui qu'ils n'ont rien à espérer que de languir encore ; car, quand ils seront ruinés, le remède viendra trop tard, et d'autres s'enrichiront à leurs dépens.

Je demande que M. le ministre des travaux publics veuille bien faire connaître l'époque à laquelle pourra intervenir une solution. Si la solution du gouvernement est négative, nous reprendrons la proposition de l'honorable M. J. Jouret.

Nous la modifierons, mais nous la reprendrons et nous la soumettrons à la Chambre. Il est temps que nous sortions de cette position où l'on nous place par des atermoiements continuels. Nous trouverons toujours sur notre chemin d'autres membres que la proposition froisse ; au lieu de la discuter, il est plus facile d'élever des incidents et de faire ajourner. Nous demandons une solution quelle qu'elle soit. Il faut que la question soit décidée avant la clôture de la session ; si le gouvernement ne saisit pas la Chambre d'une proposition, nous reprendrons celle de nos collègues.

M. J. Jouret. - J'ai demandé la parole pour faire observer que notre proposition ne doit subir aucune modification. Les pétitions de Bruxelles qui demandent autre chose et davantage ont été renvoyées à la commission chargée d'examiner notre proposition ; cela fera un ensemble que nous aurons à examiner.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - J'ai demandé la parole pour faire une simple observation. La commission a consacré plusieurs mois à l'examen de la question dont il s'agit...

M. Sabatier. - Quelques séances.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - Depuis le jour où la commission a été instituée jusqu'à celui où elle a déposé son rapport, plusieurs mois se sont écoulés.

Il est possible que la commission n'ait eu que quelques séances, mais dans l'intervalle chacun des membres qui la composaient a pu et a dû examine la question chez lui. Au reste, je n'ai pas encore le rapport. Je devrais donc faire en deux jours un travail qui a occupé la commission pendant plusieurs mois.

M. Ch. de Brouckere. - Nous ne demandons pas cela.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - Je vous demande pardon.

M. Ch. de Brouckere. - Nous demandons que le gouvernement fixe une époque à laquelle il proposera une solution.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - Quand j'aurai lu le rapport, je verrai s'il est possible de proposer une solution. Je mettrai à l'examen de la question toute la promptitude possible, je ne puis pas aller au-delà.

(page 748) M. L. Goblet. - Je regrette que M. le ministre des travaux publics ne paraisse pas disposé à aborder encore cette question qui traîne déjà depuis fort longtemps ; ceux qui souffrent et voient leurs souffrances se perpétuer trouvent tous ces retards bien intempestifs ; en effet, la question de péages des canaux a été discutée plusieurs fois dans cette enceinte ; à différentes reprises on nous a fait espérer une prompte solution et nous ne voyons rien venir.

Avec un peu de bonne volonté, cependant, on pourrait en finir avec cette affaire, car tout le monde paraît d'accord, aussi bien sur le fond de la question que sur la rédaction du projet de loi à soumettre à la Chambre.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - Une preuve que je ne veux pas le moins du monde traîner cette affaire en longueur, c'est que j'ai annoncé que j'apporterais à l'examen du rapport dont je ne suis pas encore saisi, toute la promptitude possible ; je vais en donner une autre, c'est que je déclare être sympathique à la réduction des péages ; mais la question est de savoir dans quelle proportion elle doit avoir lieu ; c'est là un point très délicat.

- Les pétitions sont renvoyées à la commission avec invitation de faire un rapport pour vendredi prochain.

Proposition de loi allouant une pension aux sieurs Geens et Bonne

Développements

M. Notelteirs. - Ce projet, messieurs, est la conséquence naturelle de débats récents et des paroles mêmes de M. le ministre de la justice, qui nous a invités à traduire nos désirs en proposition de loi. Aussi j'ose espérer que M. le ministre, qui a basé en grande partie son opposition sur la pratique de ses prédécesseurs, ne sera pas opposé au projet qui fait sortir la chose de la voie administrative.

Le projet comprend les trois victimes d'un malheur commun.

Tous les trois passèrent 27 mois dans les prisons dont 97 jours dans le cachot des condamnés à mort, 9 mois aux travaux forcés et ils furent exposés au carcan.

Voilà des malheurs incomparables qui légitiment bien notre proposition.

Comme je le disais la première fois que j'élevai la voix en faveur de ces infortunés, la justice en fonctionnant pour la sécurité de la société a blessé profondément des innocents.et je pense que l'équité, l'humanité, la dignité demandent une réparation convenable.

En donnant son adhésion à un second subside dans la séance du 11 novembre 1844,1'honorable baron d'Anethan, alors ministre de la justice, ajouta : « En présence de ce que vient de dire l'honorable M. Mast de Vries, en présence des besoins qu'éprouvent encore ces malheureux, en présence de leur position qui n'est pas changée, je n'aurai pas le courage de m'opposer à la demande de l'honorable membre. »

Vous le voyez, messieurs, en 1844 la Chambre accorda le subside en présence des besoins qu'éprouvaient les malheureux. Il y a de cela 15 ans. Ils étaient encore dans la force de l'âge et pouvaient encore espérer une amélioration dans leur sort. Aujourd'hui ils sont entrés dans la vieillesse et tout espoir d'amélioration s'est évanoui pour eux.

Aux victimes d'un malheur semblable s'attache un intérêt perpétuel. Cet intérêt nous croyons devoir le réaliser par quelque chose de modéré mais permanent. Il sera mis ainsi, une bonne fois, fin à cette pénible affaire.

Je n'ai pas consulté le dossier administratif relatif aux diverses suppliques des trois victimes, mais j'ai des motifs suffisants pour affirmer que des magistrats haut placés dans l'ordre judiciaire partagent l'avis que, par motif d'humanité et dans l'intérêt de la dignité de la justice, il convient d'effacer à tout jamais le triste souvenir de cette erreur et d'accorder enfin un secours permanent.

J'ai à répondre à deux objections.

D'abord une condamnation de Bonne père et de Geens pour vol de comestibles en 1816. Ce fait, a-t-on dit, a dû influer puissamment sur le jury et a probablement été la cause de la condamnation de 1842. A mon avis ce raisonnement manque de base : attribuer l'erreur commise à ce fait particulier serait, ce semble, accuser le jury belge de s’être laissé entraîner par la prévention. S'il fallait expliquer l'erreur commise, c'est à un ensemble malheureux de circonstances qui n'est imputable à personne qu'il faudrait l'attribuer.

On objecte à Bonne et Geens une faute ancienne. Messieurs, je n'ai pas le dessein de justifier un délit quelconque ; mais il ne faut non plus rien exagérer.

Vous savez de quoi il s'agit : d'un vol de comestibles commis en 1816, alors que les besoins impérieux poussèrent plus d'un cœur honnête au délit. Et ce délit a été expié, et il y a de cela 42 ans, et après 42 ans et après des malheurs tels que les leurs on leur dirait : Vo> plaintes ne sont pas recevables à cause de cette faute de votre jeunesse ! Avouons que ce serait trop sévère. Je crois que cette faute eût pu rester entièrement oubliée.

Si jamais l'on ne peut être réhabilité d'une faute de cette nature, alors quel but moralisateur restera-t-il à nos commissions de patronage des condamnés libérés ?

Ajoutons que depuis 1817 Bonne père et Geens n'ont plus eu rien à demêler avec la justice, et que contre Bonne fils jamais aucun grief n'a existé ; il fut toujours de la conduite la plus exemplaire.

L'autre objection, c'est le danger de poser un antécédent. Messieurs, cette objection n'en est pas une. De la mémoire de vous tous, le cas en question est unique dans son espèce. Le danger ne serait réel que si entre le cas en question et des erreurs judiciaires qui peuvent être d'une certaine fréquence, il y avait analogie véritable : ce qui n'est pas. C'est une espèce à part qu'une condamnation d'innocent capitale, définitive et exécutée. J'ajoute exécutée : la condamnation capitale et définitive des Bonne et Geens a été en effet exécutée (après commutation de peine) par le carcan et les travaux forcés.

Ainsi, messieurs, comme vous l'a déjà dit notre honorable collègue M. Van Overloop, l'empereur de Russie n'a pas craint de poser un antécédent en accordant une réparation éclatante à cause d'une condamnation injuste, et récemment est mort en France un homme qui, ayant été condamné par erreur, avait été indemnisé par son élévation à un poste honorable et lucratif.

Messieurs, je n'ajouterai plus rien ; là où il faut sentir, les longues discussions ne semblent pas de saison. Il ne s'agit pas ici d'une question de droit strict que de longues discussions puissent éclaircir, mais d'une question d'équité, de dignité et d'humanité. Nous avons l'honneur d'en soumettre avec confiance la solution aux sentiments élevés de la Chambre.

Prise en considération

M. le président. - La proposition a été suffisamment appuyée puisqu'elle est signée par six membres.

M. Lelièvre. - La proposition qui vous est soumise est fondée sur des motifs sérieux que la Chambre et le gouvernement sauront apprécier.

La société doit une juste indemnité aux victimes d'une erreur judiciaire qui a été reconnue solennellement.

Cela ne peut présenter aucune difficulté. Or il est impossible de maintenir que dans l'espèce les malheureux Geens et Bonne père et fils aient reçu une indemnité en proportion avec le tort incalculable que leu/ a causé la funeste erreur commise par les organes de la justice.

Ces malheureux sont demeurés dans les prisons pendant deux ans et trois mois, ils ont subi tontes les angoisses d'un jugement criminel, ils ont été condamnés à mort et jetés pendant 97 jours dans le cachot des condamnés à la peine capitale, attendant à chaque moment l'heure de l'exécution.

Leur peine ayant été commuée, ils ont été exposés au carcan, ils ont subi pendant neuf mois la peine des travaux forcés, et pour toute indemnité de pareilles souffrances, ils ont reçu la somme de 1,333 francs 33 centimes. Est-ce là une indemnité suffisante ? Je le demande à tout homme impartial ; je le demande surtout à M. le ministre de la justice dont les sentiments généreux sont connus.

Mais la société doit à ces hommes les moyens propres à leur assurer une existence honnête.

Eli bien, ce que nous réclamons pour eux, c'est la chétive somme d'un franc 50 centimes par jour.

Les malheureux auxquels nous portons intérêt ont subi des tourments physiques et moraux à raison desquels il leur est dû une réparation appréciable à prix d'argent.

Il y a plus, la législation en vigueur fournit les éléments nécessaires pour déterminer l'indemnité en pareille matière.

Quand il s'agit d'une détention illégale et arbitraire, l'article 117 du code pénal veut qu'en aucun cas et quel que soit l'individu lésé les dommages et intérêts ne puissent être au-dessous de vingt-cinq francs pour chaque jour de détention illégale et arbitraire et pour chaque individu.

Voilà le taux de l'indemnité régie par la loi même à raison de chaque jour de détention.

Or, savez-vous à quelle somme s'élèverait l'indemnité qui devrait être accordée sur ce pied à chacun des trois malheureux dont nous nous occupons. Son montant serait de douze mille cent soixante-cinq francs.

Eh bien, nous ne demandons pour eux, déjà parvenus à un âge avancé, qu'une rente viagère de six cents francs, alors cependant que la détention qu'ils ont subie a été aggravée par la condamnation à mort et par le traitement exceptionnel qui en a été la suite et par l'exposition au carcan.

On comprend que des souffrances aussi dures ont anéanti l'existence de ceux qui les ont endurées.

Leur santé a été compromise, et certes, ce n'est pas leur faire une faveur que de leur assurer dans leur vieillesse une existence à l'abri du besoin.

La proposition soumise à la Chambre ne fait que consacrer un acte de toute justice.

Messieurs, ce n'est pas ici le cas de marchander ni d'hésiter.

Je conçois que le gouvernement n'ait pas cru devoir prendre l'initiative de la mesure.

Mais la Chambre, organe du pays et des nobles sentiments qui caractérisent le peuple belge, se montrera en cette occurrence encore grande et généreuse ; elle pensera qu'il est de la dignité et de la justice d'acquitter une dette sacrée de la société, et je ne crains pas de le dire, il n'est pas un cœur honnête qui n'applaudisse à cette décision.

M. Vanden Branden de Reeth. - Je viens appuyer la prise en considération du projet de loi dont la lecture a été autorisée par les sections.

(page 749) Dans une séance antérieure, à l'occasion d'une pétition qui avait été adressée à la Chambre, j'avais exprimé le désir de voir le gouvernement user de son initiative en venant nous proposer une mesure en faveur du malheureux Geens et consorts, victimes d'une erreur judiciaire.

M. le ministre de la justice, en réponse aux observations que nous avions présentées, a déclaré que le gouvernement ne pouvait pas prendre cette position. Je suis loin, messieurs, de vouloir blâmer pareille décision et je conçois très bien que le gouvernement, en pareille matière, a une responsabilité qu'il ne peut pas engager légèrement ; ce précédent pourrait être invoqué dans des circonstances qui n'auraient pas la gravité du fait posé à l'égard des nommés Geens et consorts.

Mais du moment où une proposition formelle vous est soumise, en vertu de l'initiative de quelques membres de la Chambre, je me plais à croire que nous ne rencontrerons aucune opposition tant de la part du gouvernement que de celle de nos honorables collègues.

A la question qui nous occupe dans ce moment, il se rattache, messieurs, des considérations si pénibles qu'il est à désirer d'effacer autant que possible les traces des faits que l'on fait naître en accordant la modique pension qui est le but du projet de loi que nous soumettons à vos discussions.

Son rejet, messieurs, nous exposerait à voir surgir de nouveau et presque périodiquement une discussion dont le prestige qui doit entourer la justice ne peut que souffrir.

A l'époque où l'innocence de Geens et Bonne fut reconnue, l'honorable M. Verhaegen, aujourd’hui notre président, demandait déjà par amendement que le ministre de la justice de l'époque s'engageât à présenter un projet de loi pour accorder une pension en faveur des victimes, et je ne doute pas que s'il se trouvait sur nos bancs il appuierait notre proposition de toute l'autorité de sa parole.

L'on me dira peut-être que Geens et Bonne ont reçu une séparation suffisante, que la société s'est acquittée envers eux, qu'elle leur a accordé une indemnité en rapport avec le tort qu’elle leur a causé.

C'est, messieurs, permettez-moi de le dire, faire un peu trop bon marché de la vie et de la liberté des citoyens.

Les explications qui ont été échangées dernièrement nous ont appris que des subsides s'élevant en totalité à 4,000 fr. ont été accordés autrefois à Geens et à Bonne, père et fds, c'est donc pour chaque victime 3,333 fr. 33 cent.

Ainsi un innocent aura été condamné à mort ; cet innocent aura subi un emprisonnement préventif d'une année passée presque entièrement au secret ; pendant trois grands mois il aura été enfermé au cachot des condamné à mort ; il aura été exposé au carcan ; puis pendant neuf mois il aura subi les travaux forcés. Et la société, au nom de laquelle ces supplices lui auront été infligés se sera libérée envers ce malheureux en lui payant 1,333 fr. 33 centimes. Un pareil langage est impossible !

Lorsque l’on reconnaît à la société le droit exorbitant de condamner un homme à mort, il ne faut pas oublier quelles peuvent être les conséquences d'une condamnation injuste. Il est triste de devoir le dire, mais si la clémence royale n'était pas intervenue, trois têtes innocentes seraient tombées. La société a heureusement échappé à ce péril, mais pourrait-elle aujourd'hui refuser de donner un morceau de pain aux victimes de l'erreur commise en son nom et qui étaient au moment de périr du dernier supplice ?

L'on a dit aussi que ce serait poser un précédent dangereux.

Messieurs, je ne comprends pas l'objection faite à propos de la demande relative à Geens et Bonne. Un précédent dangereux !!! Est-il permis de supposer que les erreurs judiciaires vont se multiplier au point de créer un danger en posant le principe de leur réparation... lorsque cette réparation est possible ? Une pareille supposition, je ne puis la faire.

Est-ce au point de vue financier qu'il y aurait danger ? Mais, messieurs, souvenez-vous qu'il s'agit ici d'une modique pension de 600 francs à accorder à des vieillards 1

Je ne prolongeai par le débat, parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, il a été trop pénible, et nous avons tous intérêt à le voir cesser. Je me plais donc à croire que la Chambre voudra bien prendre en considération notre projet de loi et que plus tard, lorsqu'il sera soumis à la discussion, elle lui fera un accueil favorable.

- La proposition est prise en considération et renvoyée à l'examen des sections.


M. le président. - Demain, il y aura réunion des sections. Nous avons à l'ordre du jour des sections divers projets de loi et le budget de' la justice. L'inconvénient que nous avons rencontré la semaine dernière se représente aujourd'hui. Le budget de la justice a été renvoyé aux sections de février ; les autres projets ont été renvoyés aux sections de mars. Je propose à la Chambre de distraire le budget de la justice des sections de février et de décider qu'il sera examiné par les sections de mars. (Adhésion.)

S'il n'y a pas d'opposition, il en sera ainsi.

Projet de loi détachant les sections de Pasemange et de Bagimont de la commune de Sugny

Dépôt

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'ai l'honneur de déposer un projet de loi tendant à détacher les sections de Passemange et de Bagimont de la commune de Sugny (province de Luxembourg).

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi ; la Chambre en ordonne l'impression et la distribution et le renvoie à l'examen d'une commission, qui sera nommée par le bureau.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - Avant d'aborder les naturalisations, je proposerai à la Chambre de fixer l'ordre du jour de demain. Nous avons le budget de la guerre.

M. Van Overloop. - Le rapport n'a été distribué qu'hier soir ; je demanderai que la discussion n'ait lieu qu'après-demain.

M. Lelièvre. - Je pense qu'il serait préférable de fixer la discussion du budget de la guerre à la séance de demain.

Le budget a été examiné en sections et le rapport de la section centrale ne propose aucune modification. Nous n'avons rien à l'ordre du jour et dans l'intérêt de la Chambre, il me semble qu'il y a lieu de discuter dès demain un budget que tous les membres de la Chambre ont dû examiner depuis longtemps.

M. Van Overloop. - Je demande si le règlement a eu un but utile, oui ou non, en exigeant qu'il y eût un intervalle de trois jours entre la distribution du rapport et la discussion.

M. Ch. de Brouckere. - Oui, le règlement a eu un but utile : il a voulu que lorsqu'un projet du gouvernement était contesté par la section centrale, tous les membres de l'assemblée eussent le temps de méditer les observations de la section centrale ; mais le règlement serait sans but, il n'aurait aucune raison d'être, s'il fallait l'appliquer alors que tous les membres ont eu le projet longtemps en main, alors que le projet a fait l'objet des discussions des sections et qu'il n'a soulevé aucune espèce d'objection.

M. Van Overloop. - L'honorable préopinant déclare qu'il n'y a aucun changement proposé. J'ignorais cette circonstance, parce que j'ai reçu le rapport seulement hier soir à huit heures, et on n'a pas toujours le temps de lire le lendemain matin toutes les pièces qu'on a reçues, alors surtout que le règlement nous accorde trois jours.

Puisqu'il n'y a aucune objection contre le projet, je n'insiste pas.

- La Chambre décide que le projet figurera à l'ordre du jour de demain.


M. le président. - Le bureau a composé comme suit la commission chargée d'examiner le projet de loi tendant à détacher les sections de Passemange et de Bagimont, de la commune de Suguy : MM. Godin, Tack, Orban, de Moor et Van Leempoel.

Prise en considération de demandes en naturalisation

Il est procédé au scrutin pour la prise en considération de plusieurs demandes en naturalisati n ordinaire.

En voici le résultat.

Nombre des votants, 59.

Majorité absolue, 30.

Pierre Flukiger, sergent au 12ème régiment de ligne, né à Trachselwald (Suisse), le 21 juillet 1805, a obtenu 42 voix.

Jacques Peusens, cultivateur, né à Breust (partie cédée du Limbourg), le 14 vendémiaire an VI, domicilié à Herderen (Limbourg), 49.

François-Lambert Smitz, desservant, né à Megen (Pays-Bas), le 18 novembre 1804, domicilié à Acren (Hainaut), 50.

Jean-Henri Diehl, commissionnaire en marchandises, né à la Haye, le 22 septembre 1834, domicilié à Anvers, 47.

Nicolas Loring, cultivateur, né à Arsdorff (grand-duché de Luxembourg), le 27 avril 1830, domicilié à Tintange (Luxembourg), 47.

Lambert-Henri-Joseph Craenen, commis négociant, né à Sittard (partie cédée du Limbourg), le 21 janvier 1832, domicilié à Ixelles (Brabant), 51.

Antoine-François-Joseph-Hubert Vanden Dyck, négociant, né à Maestricht, le 19 mars 1826, domicilié à Vlytingen (Limbourg), 51.

Jean-Pierre Van Zwol, forgeron, né à Baarle-Nassau (Pays-Bas), le 22 novembre 1825, domicilié à Malines, 49.

Louis-Nicolas Luyten, cordonnier, né à Heer-en-Keer (partie cédée du Limbourg), le 15 décembre 1817, 48.

Eugène-Hyacinthe Excoffiez, commissaire de police, né à Mons, le 14 janvier 1825, domicilié à Ghlin (Hainaut), 49.

Zaudy Verger, négociant, né à Maestricht, le 9 février 1822, domicilié à Liège, 50.

- En conséquence, toutes ces demandes sont prises en considération.

La séance est levée à 4 heures.