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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 24 février 1859

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)

(page 637) (Présidence de M. Dolez, second vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Boe procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart ; il lit le procès-verbal de la séance d'hier, dont la rédaction est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

Il présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Des meuniers dans la Flandre occidentale demandent la réduction du droit de patente auquel ils sont assujettis. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Par neuf pétitions, des secrétaires de parquet de tribunaux de première instance demandent une augmentation de traitement. »

- Même renvoi, avec demande d'un prompt rapport, sur la demande de M. Lelièvre.


« Le sieur Dubois, ancien ingénieur, fait hommage à la Chambre de deux écrits qu'il a publiés sur les prolongements de la rue de la Loi et demande que le modèle dont il est question dans son travail et qui a été exécuté aux frais de l'Etat, puisse être déposé, pendant un mois, dans le vestibule du Palais de la Nation. »

- Distribution des brochures aux membres de l'assemblée et dépôt à la bibliothèque ; renvoi, quant à la demande, à la commission des pétitions.


« Le sieur Jean Senten, employé au chemin de fer de l'Etat, à Manage, né à Wouw (Pays-Bas) demande la naturalisation ordinaire avec exemption du droit d'enregistrement. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.

Projet de loi accordant un crédit au budget du ministère de l’intérieur, pour l'amélioration de la voirie vicinale et de l'hygiène publique

Discussion générale

M. M. Nélis. - L'honorable M. Coomans, dans le discours qu'il a prononcé hier, a paru me faire un reproche de ce que je n'avais pas examiné comment la répartition des subsides s'était effectuée dans les arrondissements et les villages. Les motifs pour lesquels je n'ai pas porté mes investigations aussi avant, c'est que ce sont les administrations provinciales qui sont chargées de cette répartition.

L'honorable membre a paru craindre les résultats de l'application qui serait faite des idées émises dans mon discours. L'opinion que j'ai émise consiste à prier le gouvernement de fixer les bases générales d'après lesquelles il interviendrait dans les frais de construction des chemins dits de grande vicinalité.

Ma proposition me paraît rationnelle. Pour l'Etat il n'y a ni provinces, ni communes ; il y a le pays. L'intérêt général doit être le principal objet de sa sollicitude.

En se plaçant à ce point de vue, il me semble que l'Etat doit fixer, comme règle générale, la part pour laquelle il veut contribuer dans la dépense de la construction des chemins qu'on appelle de grande communication et qu'on devrait appeler routes communales.

En partageant les subsides par provinces, on commet certainement de grandes injustices. Si l'on suivait le même principe dans les sous-répartitions, voici les résultats qu'on obtiendrait : les provinces feraient le partage par parts égales dans les arrondissements, et la sous-répartition par parts égales dans les communes démontrerait les inconvénients de ce système.

Il y a donc, ce me semble, des raisons majeures pour demander que le gouvernement s'explique sur le système qu'il se propose de suivre dans la répartition des subsides.

Cette question a déjà été agitée en 1853 ; le gouvernement, à cette époque, après avoir pesé tous les arguments qui avaient été présentés, s'est prononcé pour la répartition égale entre les 9 provinces.

S'il ne s'agissait que de la petite voirie, je me rallierais volontiers à ce système ; mais comme il s'agit de la construction de chemins qui, en définitive, doivent faire pour ainsi dire, partie intégrante du système général de la voirie, il me semble que ce principe ne peut plus être appliqué.

Je prierai donc M. le ministre de l'intérieur d'examiner de nouveau la question, et de voir s'il n'y aurait pas lieu de modifier le principe qu'il a adopté en 1853.

Puisque j'ai la parole, je répondrai quelques mots à la partie du discours de M. Muller, qui a rapport au projet que j'ai soumis à la Chambre, pour faciliter l'exécution des chemins de grande communication ; elle avait pour but de procurer aux communes les moyens d'avoir les fonds nécessaires à l'exécution des chemins qui les intéressent, afin qu'elles puissent continuer les travaux sans interruption.

Rien de plus préjudiciable aux chemins de grande communication que la lenteur avec laquelle ils s'exécutent, ce qui augmente beaucoup la dépense. Il est des chemins de grande communication qui sont en construction depuis 1844. Il est impossible de cette manière d'obtenir un travail parfait et les intérêts des capitaux engagés dans la construction font arriver la somme de la dépense à un chiffre excessivement élevé. Il faut arriver à exécuter ces voies de communication sans interrompre les travaux.

Pour cela il faut procurer aux communes la somme nécessaire pour couvrir la dépense qu'elles ont à supporter. Il leur est impossible de la prendre sur les ressources de leur budget, en la faisant porter sur un ou deux exercices ; il faut la reporter sur une période plus longue. Il est dès lors indispensable de recourir à l'emprunt, si on veut que le travail se fasse sans interruption ; mais pour emprunter il faut trouver un prêteur. Quel sera ce prêteur ?

Nous savons que les communes, en général, n'ont pas un crédit assez bien établi pour que le public leur prête les fonds dont elles ont besoin. Je ne vois que la province ou l'Etat qui puissent leur accorder du crédit. Voilà pourquoi je propose d'organiser une caisse qui centraliserait les fonds des communes et ferait des avances à celles qui auraient des travaux à exécuter ; c'est le seul moyen de leur permettre de pourvoir convenablement aux dépenses qui tombent à leur charge, dans la construction des routes communales.

Dans son discours, l'honorable M. Muller a vanté l'organisation qui existe dans la province de Liège pour l'exécution des chemins de grande vicinalité. D'un autre côté, l'honorable membre demande qu'il soit établi uu système uniforme pour l'entretien. Il me semble qu'il y a là contradiction.

L'établissement des chemins exige plus de soin et d'étude que l'entretien ; car ces chemins doivent être établis de manière à desservir le plus de populations possible, à aboutir aux stations des chemins de fer, aux canaux, aux routes de l'Etat ou de la province.

Je vous avoue que je ne vois pas pourquoi une bonne administration des chemins vicinaux ne serait pas établie dans chaque province ; elle y produirait les meilleurs résultats. Dans aucune partie de mon discours, je n'ai émis l'idée de voir passer la direction des chemins vicinaux dans les mains du gouvernement ; j'ai demandé que les provinces complètent le service en établissant un chef supérieur qui aurait sous ses ordres les agents voyers inférieurs. Je bornerai là mes observations, me réservant de reprendre la parole si je le crois utile.

M. de Naeyer, rapporteur. - Je ne pense pas, messieurs, que la Chambre puisse décréter de dépenses plus utiles que celles qui sont destinées à l'amélioration de la voirie vicinale.

Les intérêts qui sont ici en cause ne sont pas seulement ceux de l'agriculture, du commerce et de la bonne exploitation de nos voies ferrées ; mais, dans ma manière de voir, il s'agit de tout l'avenir de la civilisation de nos communes rurales ; car, après tout, la civilisation, à la considérer dans sa véritable signification, consiste dans le développement de la vie sociale, résultant de l'extension, de la facilité et de la multiplicité des relations des hommes entre eux.

Eh bien, sous ce rapport, il faut bien le reconnaître, nos communes rurales se trouvent dans un état d'infériorité déplorable, malgré tous les travaux d'amélioration si éminemment utiles qui ont été exécutés depuis quelques années ; cet état d'infériorité est manifeste, il est affligeant, pour toutes les personnes qui ont des rapports suivis avec la campagne. Je dirai même que, relativement, il s'est beaucoup aggravé encore par la construction des chemins de fer, parce que, malheureusement, l'action si énergique des chemins de fer reste én grande partie concentrée dans les stations urbaines ; les stations rurales se trouvent très souvent dans un isolement complet ; elles sont dépourvues généralement de moyens de communication indispensables pour propager les bienfaits du railway autour d'elles.

Il y a sous ce rapport, et je prie la Chambre de porter toute son attention sur ce point, il y a un véritable vice dans l'organisme du pays : il y a, en quelque sorte, pléthore, surabondance de vitalité dans certaines parties du pays, et atonie, paralysie dans d'autres parties ; et si vous voulez rétablir l'équilibre, ce qui est indispensable pour assurer le fonctionnement régulier de nos forces vitales, on ne saurait donner une impulsion trop énergique à l'amélioration des chemins vicinaux destinés à compléter notre réseau de communications par des ramifications rayonnant dans toutes les directions, et faisant circuler dans toutes les parties du pays la vie, le mouvement et le progrès. Depuis plus de vingt ans que je m’occupe des affaires publiques et m'intéressant particulièrement au sort de nos communes rurales, j'ai vu sous l'influence de nouvelles voies de communication s'opérer des transformations si importantes, si prodigieuses même, que je considère les chemins vicinaux convenablement améliorés comme les organes les plus énergiques de la civilisation dans nos campagnes, et je suis convaincu que l’honorable ministre de l'intérieur poserait un acte d'excellente administration si, par exemple, il retranchait de certain chapitre de son budget un demi-million par an, employé aujourd'hui en encouragements soi-disant en(page 638) faveur de l'agriculture, et qui étant appliquée directement à l'amélioration de la voirie vicinale, produirait des résultats infiniment meilleurs plus efficaces aussi bien pour la production agricole que pour la prospérité de nos communes rurales.

D'après ces considérations, je partage naturellement l'avis de quelques honorables membres qui ont insisté sur l'importance spéciale de ces chemins vicinaux qui servent d'affluents au chemin de fer. Outre l'utilité ordinaire, ces chemins vicinaux offrent des avantages sui generis d'abord parce qu'ils sont utiles non seulement aux communes qui touchent directement au chemin de fer, mais encore à toutes celles qui se trouvent dans le ressort des stations ; ensuite parce qu'ils exercent une influence marquée sur l'accroissement du mouvement et des revenus du chemin de fer.

Cependant, je ne pense pas que, quand il s'agit de la construction de routes de cette catégorie, le département de l'intérieur doive dépasser la proportion généralement adoptée quant à son intervention dans l'amélioration de la voirie vicinale. Aux yeux du département de l'intérieur, il s'agit toujours de routes vicinales dont la dépense principale doit incomber aux provinces et aux communes. Ce principe doit être invariablement maintenu ; si l'on en déviait tantôt sous un prétexte et tantôt sous un autre, on arriverait à un système de centralisation qui serait détestable.

Il faut, pour que les choses marchent régulièrement, que chacun remplisse son rôle. En ce qui concerne l'amélioration des moyens de communication, le rôle du département de l'intérieur consiste à exciter à l'amélioration de la voirie vicinale, et ce rôle est magnifique ; c'est, comme je viens de le dire, un rôle éminemment civilisateur.

Maintenant, quant à l'utilité spéciale des chemins vicinaux servant d'affluents au chemin de fer, ceci rentre évidemment dans les attributions du département des travaux publics, qui est chargé de prendre toutes les mesures destinées à rendre l'exploitation de notre railway aussi utile, aussi fructueuse que possible et qui dispose à cet effet de ressources considérables ; et je ferai remarquer que la chose avait été ainsi entendue par l'honorable prédécesseur de l'honorable ministre actuel, M. Partoes, dont la perte prématurée a excité des regrets si vifs et si légitimes. S je suis bien informé, l'honorable M. Partoes avait donné des instructions à tous les ingénieurs en chef, pour qu'ils fissent un relevé exact de tout ce qui restait à faire pour organiser complétement les stations nouvelles, surtout de manière que toutes les communes situées dans le ressort y fussent reliées par de bonnes voies de communication. Je suis persuadé que l'honorable ministre actuel donnera suite à ce travail de son prédécesseur, et en employant à cette fin une bonne partie des ressources qui sont mises à sa disposition, il fera une dépense éminemment utile au pays et qui sera d'ailleurs amplement compensée par un accroissement des revenus des chemins de fer.

Aussi dans les pays étrangers, notamment en France, les sociétés concessionnaires s'imposent souvent des sacrifices considérables, afin de doter les stations de bonnes voies de communication vers les communes situées dans leur ressort ; ce qui prouve que l'intérêt qui domine ici, en envisageant la question à ce point de vue, concerne l'exploitation fructueuse du railway, et cette considération seule suffirait pour justifier et légitimer une large intervention au moyen de subsides de la part du département des travaux publics dans l'établissement de routes communales servant d'affluents aux stations. Ces routes présentent d'ailleurs un caractère d'utilité générale par cela même qu'elles servent justement à propager le mouvement du railway qui constitue la grande artère dans notre système actuel de circulation. Pour ce motif, il a été reconnu plusieurs fois dans cette enceinte que s'il s'agissait encore de procéder à une nouvelle classification de nos routes, celles qui sont perpendiculaires au chemin de fer devraient être rangées généralement dans la première classe.

Messieurs, plusieurs honorables membres vous ont entretenus de la manière dont les crédits votés par ma législature devraient être répartis entre les provinces.

Cette question a souvent occupé la Chambre et a donné lieu à des discussions assez longues. On a indiqué différentes bases de répartition : importance des provinces, la population, le montant des contributions, l'étendue territoriale, le nombre des communes, etc., et en définitive, on a rencontré partout des difficultés, en quelque sorte inextricables pour combiner ces différents éléments et établir des règles équitables ; et si je suis bien informé, de guerre lasse, on a fini par faire un partage en quelque sorte paternel, en accordant à chaque province à peu près la même somme, sauf une légère différence en faveur de celles qui contribuent à alimenter le plus largement le trésor public.

Ce système se pratique, je pense, depuis quelques années, et il a l'avantage d'une grande simplicité et d'une application très facile. Si je n'envisageais que l'intérêt de ma province, je ne devais pas en être grand part san ; car la Flandre orientale contribue pour une sixième dans les charges de l'Etat et ne peut obtenir ainsi que la huitième partie environ des subsides de l'Etat. Cependant je crois que, daus ce bas monde, la perfection est impossible, et que les inconvénients ne sont pas assez graves pour que la Chambre insiste sur la nécessité d'adopter d'autres règles de répartition que celles qui ont été suivies jusqu'ici.

L'honorable M. Nélis m'a paru désirer que la part d'intervention de l’Etat fût en proportion de la part d'intervention des provinces et des communes.

M. M. Nélis. - J'ai' demandé qu'il y eût une base générale adoptée pour tout le pays.

M. de Naeyer, rapporteur. - Il y a aujourd'hui une espèce de règle générale. L'Etat n'intervient pas pour une part supérieure au tiers de la dépense. Je crois que c'est ce qui se pratique depuis plusieurs années.

Si vous prétendiez que la part d'intervention de l'Etat doit être proportionnelle à celle des provinces, je vous ferais remarquer que le résultat serait que les provinces qui ont de grandes ressources absorberaient presque tous les subsides.

Ainsi l'honorable M. Nélis a cité des chiffres qui prouvent que le Brabant n'a pas participé à la jouissance des fonds de l'Etat dans une proportion aussi forte que plusieurs autres provinces. Je crois que l'Etat n'a contribué que pour la quinzième partie dans les travaux exécutés par le Brabant, tandis que dans d'autres provinces il a contribué à la dépense dans une proportion plus forte. Si je ne me trompe dans la province d'Anvers, l'intervention de l'Etat a même atteint la proportion de 33 ou 35 p. c.

Messieurs, il est une circonstance importante dont il est nécessaire de tenir compte en ce qui concerne notamment le Brabant. Cette province est évidemment dans une position privilégiée, parce qu'elle a le bonheur d'avoir pour chef-lieu la capitale du royaume. Je me suis donné la peine, dans le temps, de rechercher dans quelle proportion la ville de Bruxelles contribue aux revenus du Brabant, or, cette proportion dépasse la moitié des impôts versés au trésor provincial, et cependant Bruxelles n'a pas besoin d'un centime pour l'amélioration de ses chemins vicinaux.

Maintenant comment se fait-il que Bruxelles contribue si puissamment à accroître les ressources du Brabant ? Mais cela provient évidemment de ce que Bruxelles est le siège des grands corps de l'Etat et voit ainsi notamment dépenser dans ses murs une partie très considérable des sommes allouées dans nos différents budgets ; cela tient en un mot au rang que Bruxelles occupe comme capitale de la Belgique ; or, il est certainement vrai de dire que, comme capitale, cette ville n'appartient pas seulement au Brabant, mais à tout le pays ; il s'agit donc ici d'un position spéciale et en quelque sorte privilégiée. Le Brabant dispose de ce chef de ressources considérables qui lui permettent de donner à ses travaux d'amélioration de la voirie vicinale, une impulsion qu'il est impossible au gouvernement de seconder en intervenant dans la même proportion que pour les autres provinces.

Et l'on serait d'autant moins fondé à se plaindre de cet état de choses, qu'après tout le Brabant a obtenu une somme égale et même un peu supérieure à celle accordée aux autres provinces.

On a parlé aussi du régime intérieur de nos provinces, c'est-à-dire de ce qui se pratique dans chacune d'elles afin d'obtenir les meilleurs résultats possibles des ressources affectées à l'amélioration de la voirie vicinale ; je dois dire que j'ai écouté avec le plus grand plaisir et avec le plus vif intérêt les observations qui ont été présentées à cet égard par plusieurs membres, notamment par l'honorable M. Muller.

Je suis persuadé que les considérations de l'honorable député de Liège seront lues avec beaucoup de fruit par les membres des députations permanentes ; évidemment elles sont le résultat d'une longue et précieuse expérience. Seulement, messieurs, je crois que ces détails sont un peu étrangers à la compétence de la Chambre ; ce sont des détails administratifs que nous devons abandonner aux députations permanentes et aux conseils provinciaux.

Il ne peut pas être question ici d'établir une trop grande centralisation ; puisque, d'après l'esprit et suivant les termes de la loi du 10 avril 1841, tout ce qui concerne la voirie vicinale a un caractère éminemment provincial, l'Etat ne doit intervenir en cette matière qu'à titre d'encouragement et tout en respectant les attributions des autorités provinciales.

Je pense donc, messieurs, qu'en général le mode adopté dans chaque province est le meilleur, eu égard aux usages, aux besoins, aux ressources des localités et aussi à l'esprit des populations ; d'ailleurs, comme il émane de l'initiative des autorités qui doivent l'appliquer, on peut aussi compter sur une application plus intelligente et sur un dévouement plus entier et plus franc dans toutes les mesures d'exécution.

Quant à ces différentes pratiques administratives ; je citerai un seul exemple. J'ai entendu plusieurs honorables membres vanter beaucoup l'institution des commissaires voyers ; je crois que, dans les provinces où cette institution existe et où elle est en quelque sorte enracinée dans les mœurs et les usages, elle peut rendre de très grands services. Je m'en rapporte volontiers à cet égard aux renseignements qui pourraient être donnés par les députés appartenant aux provinces dont il s'agit ; mais ce n'est pas une raison pour vouloir absolument introduire cette institution partout. Ainsi dans la Flandre orientale il n'y a pas de commissaires voyers et l'on n'éprouve aucunement le besoin d'en établir, et néanmoins les travaux exécutés dans cette province sont proportionnellement au moins aussi importants et utiles que ceux qu'on a pu exécuter ailleurs.

Je me rappelle qu'il y a quelques années on a essayé de prouver le contraire, mais il m'a été facile de démontrer, en m'appuyant sur des données officielles, que toutes ces assertions reposaient sur des erreurs palpables et pour ainsi dire incroyables. Il est vrai que si nous nous passons de commissaires voyers, nous ne nous privons pas de l'intervention des hommes de l'art : Quand nous avons des travaux à (page 639) exécuter, ce sont des agents des ponts et chaussées qui font les plans et qui surveillent l'exécution. De cette manière tout marche parfaitement et avec beaucoup d'économie.

Laissons, sous ce rapport, à chaque province le soin de régler son ménage ; intervenons par des subsides, mais n'élevons pas la prétention d'établir partout une uniformité qui blesserait des citoyens respectables, qui serait d'ailleurs en opposition avec l’esprit de nos institutions et avec les vrai, besoins du pays .

J'ajouterai un mot, messieurs, sur ce qui a été dit des communes pauvres.

Je crois, moi, qu'en plaidant trop chaleureusement la cause des communes prétendument pauvres on risque d'encourager un peu ce que j'appellerai la mendicité, cette mendicité qui consiste à simuler des infirmités pour inspirer la compassion.

Ainsi, il arrivera ceci : ces communes pauvres viendront simuler, devant l’administration supérieure, la maladie qui est connue dans les régions administratives sous la dénomination de pénurie de ressources ; elles se plaindront d'être horriblement tourmentées par ce mal pour lequel il n'y a évidemment qu'un seul remède, savoir ; l'allocation de gros subsides.

Dans ma province, toutes les communes sont pauvres, en ce sens que, sans recourir à une taxe personnelle, elles se trouvent même dans l'impossibilité de faire face à leurs dépenses ordinaires. Ainsi je crois que dans la Flandre orientale les taxes personnelles affectées exclusivement à couvrir les dépenses communales ordinaires, s'élèvent annuellement à quelque chose comme 800,000 fr. ou 900,000 fr., et quand il s'agit d'améliorer les chemins vicinaux, les communes, pour couvrir leur part, doivent recourir à de nouveaux sacrifices ; il en est plusieurs qui s'imposent dans ce but jusqu'à 15 centimes additionnels aux contributions directes et cela pendant un grand nombre d'années, afin de pourvoir ainsi au payement des intérêts et à l'amortissement des emprunts qu'elles sont obligées de contracter. Ces communes en général pourront donc réclamer la qualité de communes pauvres et arranger leurs budgets de façon à être atteintes de la maladie appelée pénurie de ressources. Je pense qu'en entrant dans cette voie on tombe nécessairement dans l'arbitraire.

D'ailleurs, puisque l'Etat accorde jusqu'au tiers de la dépense, je pense que c'est une part d'intervention très raisonnable et qui permet aux communes de faire des travaux lorsqu'elles sont de bonne volonté pour s'imposer des sacrifices toujours amplement compensés.

Pour ma part, j'engage fortement l'honorable ministre de l'intérieur à se défier beaucoup du titre tiré de la qualité de commune pauvre ; j'ai la conviction que ce sera presque toujours un titre fictif et coloré.

Je n'en dirai pas davantage.

M. de Paul. - Messieurs, la discussion générale, qui est ouverte depuis hier, a fourni à un grand nombre de mes honorables collègues l'occasion d'émettre, de développer de nombreuses considérations sur le meilleur mode, selon eux, de distribuer le crédit extraordinaire qui nous est demandé pour la voirie et sur les moyens les plus efficaces d'assurer pour tout le pays, une voirie vicinale parfaite.

Le gouvernement tirera de ces discours tout le profit qu'il jugera convenable ; pour moi, j'en tire cette conséquence, qu'on est assez peu d'accord ; et cette désunion est pour moi un nouveau motif pour renouveler la demande qui a été adressée au gouvernement par la section centrale dont j'ai eu l'honneur de faire partie.

La section centrale, sans vouloir empiéter en rien sur les attributions du pouvoir exécutif, sans vouloir, comme on l'a dit, faire de l'administration, a cru cependant devoir demander au gouvernement quel est le mode qu'il entend suivre pour la répartition, entre les diverses provinces, de la partie du crédit extraordinaire de 2 millions qui sera affectée à l'amélioration de la voirie vicinale.

Quoi qu'on en dise, cette question est, à mes yeux, très importante ; mon vote dépendra de la solution qui y sera donnée.

La réponse écrite que M. le ministre de l'intérieur a transmise à la section centrale, est insérée dans le rapport de l'honorable M. E. Vandenpeereboom. Voici ce que dit M. le ministre :

« Elle a pensé que, pour donner aux subsides une application véritablement utile, il ne fallait pas qu'ils fussent le partage exclusif des communes les plus riches, mais qu'il importait d'y faire participer, autant que possible, toutes les localités dans la juste mesure de leur situation et de leurs besoins.

« Or, pour atteindre ce but, il faut avoir égard, pour les provinces de même que pour les communes, non seulement au montant des ressources dont elles peuvent disposer, mais aussi aux sacrifices que la réalisation de ces ressources leur impose, à raison de leur situation financière respective. Ainsi, dès qu’il est constaté que, pour l'exécution d'un travail utile, les communes intéressées et la province accordent le concours que leur situation financière comporte, l'intervention de l'Etat se trouve justifiée, et elle se produit dans une proportion d'autant plus élevée, que les ressources locales et provinciales sont plus restreintes.

« C'est la marche que suit le département de l'intérieur pour la répartition du crédit ordinaire des chemins vicinaux. C'est aussi celle qu'il se propose d'adopter pour la distribution du crédit qui est actuellement demandé. »

La section centrale a trouvé cette réponse satisfaisante. Certes, elle témoigne une fois de plus du désir de l'administration de ne prendre pour guide que l'équité, la justice distributive et l'intérêt public. Je suis parfaitement convaincu de la sincérité, je dirai même de l'efficacité de ce désir ; mais cette conviction ne m'empêche pas de trouver incomplète la réponse du ministre de l'intérieur.

En effet, messieurs, que dit M. le ministre ? Il nous dit : d'une part, que dans la répartition du subside, il aura égard surtout aux besoins, au manque de ressources, en un mot à la situation des localités à subsidier ; d'autre part, qu'on se conformera, pour la distribution du crédit extraordinaire dont il s'agit aujourd'hui, à la marche qui a été adoptée pour la répartition des subsides ordinaires. Or, messieurs, ces deux propositions sont quelque peu contradictoires.

Le tableau qu'on vous a fait hier, tableau indiquant l'emploi des crédits ordinaires affectés à la voirie, depuis 1841 jusques et y compris 1855, établit que la répartition n'a été faite ni proportionnellement à l'importance relative des provinces, ni proportionnellement au montant des sacrifices que chaque province s'est imposés, ni en raison de leurs besoins et de leurs ressources relatives ; il établit, au contraire, que la répartition s'est opérée entre les neuf provinces, par portions égales ou à peu près égales.

Messieurs, je ne veux pas discuter ce système ; je le crois vicieux. Ce n'est pas le moment de soulever de nouveau cette grosse question, qui a occupé la Chambre pendant plusieurs séances, il y a quelques années. Je me borne à constater un simple fait, l'état réel des choses.

Maintenant, si nous voulons connaître le mode de répartition qui a été suivi pour les crédits extraordinaires affectés à la voirie, nous pouvons consulter une annexe au rapport de la section centrale, qui contient l'état de cette répartition, entre les provinces, depuis 1845.

Ici, ce n'est plus du tout le mode de répartition qui est adopté pour la distribution des subsides ordinaires ; nous n'avons plus un système d'égalité entre toutes les provinces ; nous avons, au contraire, un véritable système d'illégalité flagrante.

Ainsi sur un total de 2,671,695 francs, la province d'Anvers n'a reçu que 113,825 fr.

Le Brabant a reçu 333,191 fr. 31 c., la Flandre occidentale a reçu 375,914 fr., la Flandre orientale a reçu 364,849 fr. 66 c, le Hainaut a reçu 282,129 fr., la province de Liège a reçu 465,665 fr. 62 c, c'est-à-dire quatre fois autant et plus même que la province d'Anvers. Le Limbourg a reçu 212,247 fr., le Luxembourg a reçu 341,338 fr., la province de Namur a reçu 184,546 fr., c'est-à-dire le tiers de la part qu'a reçue la province de Liège.

Je ne saurais ni louer ni blâmer ce système ; les éléments d'appréciation me font complétement défaut ; j'ignore quelles bases on a suivies ; je veux croire que pour la répartition des divers subsides extraordinaires depuis 1845, on a agi selon les règles de la justice et de l'équité. Encore une fois je ne veux pas critiquer cet état de choses, je me borne à le constater.

En présence, messieurs, de ces faits, de ces antécédents qu'il est difficile de concilier et que M. le ministre de l’intérieur nous présente comme devant servir de règle pour l'avenir, je crois que je suis en droit, avant d'engager mon vote, de demander si le gouvernement entend répartir le crédit dont il s'agit aujourd'hui, suivant le mode adopté pour les crédits ordinaires, c'est-à-dire par portions égales entre les provinces.

Je lui demande en outre s'il entend exiger de chaque province une participation, une coopération pécuniaire quelconque et dans quelle proportion ; s'il laissera à chaque administration provinciale le soin de distribuer entre les diverses localités la part du subside accordée à chaque province, sous le contrôle du gouvernement, bien entendu, comme cela se fait toujours, ou si le gouvernement se réservera le soin de faire lui-même et directement cette répartition entre les communes les plus nécessiteuses et s'il prendra égard aux provinces auxquelles appartiendront ces communes qu'il subsidiera. J'attendrai les explications de M. le ministre de l'intérieur. Je crois qu'elles sont nécessaires. Il est bien entendu qu'il n'est pas ici question de chiffres précis, exacts, ni de règle de répartition absolue ; je ne demande que des données générales sur le mode que suivra le gouvernement.

Puisque j'ai la parole, je demanderai la permission de rectifier quelques allégations présentées à la séance d'hier, mais uniquement dans l'intérêt de la vérité.

Mon honorable ami M. Nélis a présenté, pour chaque province, le rapport qui existe entre le chiffre des subsides accordés et la dépense totale qu'ont entraînée les travaux exécutés pour améliorer la voirie vicinale. Le résultat de ses calculs est celui-ci :

« Ainsi donc la proportion des fonds de l'Ea.t varie de 15 à 35 p. c. La province d'Anvers a été la plus favorisée et celle de Brabant a eu la plus petite part. »

Mon honorable ami a opéré sur une seule période quinquennale ; s'il eût opéré sur les trois périodes de 1841 à 1855, il eût trouvé que ce n'est pas la province de Brabant qui a eu, à son point de vue, la plus petite part, mais bien la province de Hainaut, et ce pour une raison toute simple, c'est que c'est celle qui s'est imposé les sacrifices les plus considérables dans l'intérêt de la voirie vicinale.

(page 640) Dans la même séance d'hier, l'honorable M. Coomans a dit : « Pourquoi le Hainaut a-t-il eu une si forte part dans les fonds de l'Etat ? Par une raison très simple : le Hainaut est une province plus riche que la plupart des autres et il a pu offrir une plus forte part contributive ; l'administration, se préoccupant peut-être trop du principe rappelé par M. Nélis, donnait la préférence aux communes qui fournissaient la plus forte part. » M. Coomans sV-t complétement trompé.

M. Coomans. - Ce sont les chiffres de M. Nélis qui étaient erronés.

M. M. Nélis. - Pas du tout.

M. de Paul. - La province de Hainaut n'a pas eu la plus grande part ; elle n'a peut-être pas eu sa juste part ; elle n'a même reçu qu'une part moindre que Liège, le Brabant et la Flandre occidentale. (Interruption.)

Ce n'est, encore une fois, que dans l'intérêt de la vérité que je fais cette rectification.

Je passe à un autre fait ; mon honorable ami M. Muller nous a cité le bon état dans lequel se trouve la voirie vicinale dans la province de Liège.

Il a cité la bonne organisation qu'y a reçue le service de la voirie. Je félicite bien sincèrement la province de Liège de cet état de choses : mais dans l'intérêt de l’amour-propre des autres provinces, je crois pouvoir faire remarquer que de toutes les provinces, celle qui a reçu le plus gros subside de l'Etat, c'est la province de Liége, et que ce n'est pas celle qui s'est imposé le plus de sacrifices ni qui ait réalisé le plus d'améliorations ; ceci dit comme simple observation.

Avant de me rasseoir, permettez-moi un seul mot encore. Je joins mes instances à celles de mon ami M. Van Leempoel pour appeler la sérieuse et bienveillante attention du gouvernement sur la nécessité de faciliter par des subsides, de rendre possible l'exécution des deux chemins de grande vicinalité dont mon honorable ami a entretenu la Chambre hier.

Il s'agit de venir en aide à des communes importantes, qui ne possédant ni routes, ni canaux, ni rivière, ni chemin de fer, se trouvent isolées, éloignées des grands centres de population, des grands centres de consommation.

Je n'ajouterai rien aux considérations que mon honorable collègue a fait valoir ; je crois qu'elles sont plus que suffisantes, et suis persuadé que le gouvernement y aura égard.

M. E. Vandenpeereboom, rapporteur. - Messieurs, l'utilité des crédits demandés n'est pas contestée ; je n'ai donc pas à les défendre, et cela me permettra d'être bref. Déjà des subsides, pour le même objet, avaient été portés dans le projet de loi du 26 mai dernier ; ils avaient reçu un accueil favorable dans toutes les sections et à la section centrale ; et ils auraient probablement obtenu un vote favorable de la Chambre, si une circonstance n'était venue amener le retrait du projet tout entier.

Une seule difficulté se présente, c'est la répartition ; elle a occupé la section centrale qui a pris des renseignements près du gouvernement. Quelques sections avaient demandé la division des deux crédits ; mais il était difficile de déterminer les bases de cette division ; car, en fait, il est des dépenses mixtes.

Pour n'en citer qu'une seule, je vous parlerai du pavement des agglomérés qui appartient à la voirie vicinale et à l'assainissement ; il y là d'autres travaux analogues qui rendent la dépense mixte.

Il a été entendu que la très grosse part serait accordée à la voirie vicinale.

Ceci dit, sans diminuer en rien l'utilité des travaux d'hygiène, utilité admise par la section centrale, et jusqu'ici point contestée, dans ce débat.

On a fait quelques observations sur la répartition du crédit pour la voirie ; je tâcherai d'y répondre en peu de mots. Il a été reconnu, par la section centrale, qu'il était impossible, soit à la section elle-même, soit à la Chambre, de s'occuper d'un pareil travail ; les études n'étant pas complètes, pour les affaires auxquelles doivent s'appliquer les crédits qui nous sont proposés.

Si quelques inégalités ont pu avoir lieu, dans l'application des crédits ordinaires et extraordinaires précédemment votés, elles pourront être nivelées au moyen du million que nous allons voter. Je crois que, si le gouvernement, à côté de crédit global, venait présenter un état de répartition, cette division donnerait lieu à la même discussion. On verrait s'élever des réclamations, alors même qu'on ferait une répartition mathématiquement exacte entre les provinces, en tenant compte des subsides accordés précédemment.

Je crois que, même après un semblable travail, ou trouverait encore des observations à faire sur les communes qui ont le plus de besoins et sur celles qui ont le moins de ressources.

La section centrale n'a pas hésité à reconnaître que ce sont là des actes d'administration, qu'il faut abandonner à la justice distributive du gouvernement, qui rend compte, à la législature, de l'emploi de pareils crédits.

Il est absolument impossible, consultât-on même les délégués de toutes les provinces, d'établir un partage mathématiquement exact. Il faut bien qu'il y ait quelques différences, puisqu'il s'agit tantôt de travaux déjà commencés et qu'il importe d'achever au plus tôt, quelle que soit leur importance ; tantôt de projets de communications qui sortent seulement de l'état d instruction, et dont l’entier développement n'a pas eu le temps de se produire. En un mot, il y a une foule de circonstances administratives, dont il faut nécessairement tenir compte et à l'examen desquelles la Chambre ne pourrait pas se livrer utilement.

Il faut donc, je pense, s'en rapporter à l’équité du gouvernement et se borner à lui recommander de régler d'près les bases d'une bonne justice distributive, la répartition à faire entre les provinces et les communes.

D'un autre côté, messieurs, il ne faut pas perdre de vue, non plus, que les députations permanentes sont toujours consultées et que ces autorités sont particulièrement compétentes pour connaître les besoins de chaque localité et pour se prononcer sur les moyens d'y pourvoir de la manière la plus équitable. Les commissaires d'arrondissement instruisent toujours les affaires ; et, parfois les conseils provinciaux règlent eux-mêmes l'ordre d'exécution des diverses routes. C'est un motif de plus, messieurs, qui doit nous engager à voter le crédit, eu nous bornant aux recommandations générales que la section centrale a cru pouvoir faire au gouvernement.

Plusieurs observations ont été faites sur le mode à suivre pour la construction et l'entretien des chemins vicinaux. Je crois qu'il serait également bien difficile d'établir, à cet égard, des règles générales et uniformes, parce qu'il y a, dans chaque province, des règlements, on pourrait même dire des systèmes différents.

Les unes ont des commissaires voyers, d'autres n'en ont pas ; ici, comme dans la province de Liège, que citait hier l'honorable M. Muller, il y a des assemblées cantonales ; ailleurs il n'existe rien de semblable et tout passe directement, après l'instruction de MM. les commissaires d'arrondissement, à la décision des députations permanentes, ou même, quelquefois, à celle des conseils provinciaux. Il serait donc tout à fait impossible d'établir, à cet égard, des règles générales et uniformes, pour toutes les provinces. Au surplus, je le répète, nous pouvons en toute sécurité nous rapporter, pour tout ce qui concerne la voirie vicinale, aux diverses branches de l'administration ; leur longue expérience leur a donné, sous ce rapport, une aptitude en laquelle nous pouvons avoir toute confiance.

L'honorable M. de Naeyer a dit qu'il ne fallait pas être trop facile à l'égard des communes pauvres. Je sais fort bien qu'il y a des communes qui parviennent à simuler la pauvreté ; mais, ainsi que l'honorable membre l'a fait remarquer, avec beaucoup de raison aussi, presque toutes les communes de nos deux Flandres n'ont absolument pas d’autres ressources que celles qu'elles s'imposent et qui suffisent à peine à couvrir les dépenses ordinaires de la commune.

Cependant, on ne peut pas se dissimuler que, par suite de la crise qui a pesé particulièrement sur les Flandres, il y a un grand nombre de communes qui ont dû contracter des emprunts, non pas pour faire des travaux de voirie vicinale, mais uniquement pour l'entretien de leurs pauvres.

Je connais des communes qui, de ce chef, sont grevées de dettes de 50,000 et 60,000 francs.

Celles-là méritent, à coup sûr, le nom de communes pauvres, dans la véritable acception du mot. C'est pour cela que la section centrale a cru devoir engager le gouvernement à donner une part, relativement plus large, aux communes qui se trouvent dans cette position. Je reconnais très volontiers qu'on ne doit dispenser cette faveur qu'avec une juste sévérité ; qu'il faut s'enquérir, d'une manière sérieuse, des ressources et des besoins réels de chaque commune ; mais il en est beaucoup dont la position gênée est un fait en quelque sorte de notoriété publique ; il en est beaucoup qui ont été accablées par les maladies et par la misère, et certes, celles-là méritent, tout particulièrement, que le gouvernement leur vienne en aide, par l'allocation de subsides extraordinaires.

Je crois donc que l'on fera très bien de suivre le conseil donné par l'honorable M. de Naeyer, c'est-à-dire, de faire une enquête rigoureuse sur la position de chaque commune ; mais aussi je suis d'avis que partout où une gêne réelle sera constatée, il sera de toute équité de la soulager autant que possible.

Je m'arrête à ces courtes observations, me réservant de prendre encore la parole, si la suite de la discussion le rendait nécessaire. Je pourrai dire beaucoup de choses en faveur du crédit demandé pour l'hygiène publique. Mais, puisque cette destination du crédit n'est pas attaquée jusqu'ici, je crois bien faire en n'insistant pas sur ce point.

M. de La Coste, rapporteur. - Plusieurs fois j'ai eu l'occasion de présenter des observations, dans cette enceinte, sur la répartition des crédits qui ont été votés précédemment Cette répartition, fondée sur un principe d'égalité qui aboutit à une inégalité réelle, ainsi qu'on l'a déjà dit, n’a pas ici de conséquences très importantes aussi longtemps qu'il ne s’est agi que de crédits bien faibles ; mais maintenant qu'il est question de crédits considérables, il en est tout autrement.

Je conviens qu'il est fort difficile d'établir une base générale de répartition, et qu'une assemblée comme la nôtre ne saurait guère la déterminer ; car, tout pénétrés que nous sommes de l'intérêt général, il est impossible que nous fassions complétement abstraction des intérêts (page 641) qui nous sont plus particulièrement confiés, et dès lors quelle que soit la base qui puisse être proposée, on se préoccupera toujours, même involontairement, des résultats qu'aurait son application sur ces intérêts.

Néanmoins, je me demande ce qui nous engage à voter des fonds pour la voirie vicinale ? Evidemment, nous ne le ferions pas si toutes les communes étaient suffisamment pourvues de bonnes voies de communication.

L'origine de la mesure qui nous est proposée, sa raison d'être, c'est donc le besoin. Dès lors il me semble que les besoins plus ou moins considérables des localités doivent entrer en ligne de compte dans la répartition et concourir du moins à déterminer la part plus ou moins grande du subside à allouer à chaque province.

J'ai entendu dire que la province de Brabant était déjà suffisamment favorisée parce qu'elle a l'avantage de posséder la capitale.

Mais, messieurs, de quelle importance est cet avantage pour les communes distantes de la capitale de 10 à 12 lieues et qui n'ont que des moyens de communication très imparfaits avec celle-ci ? Qu'importe à ces communes d'être situées dans la province où se trouve la capitale, si l'on doit mettre plus de temps pour aller de ces communes à Bruxelles, que de Paris à cette ville.

D'un autre côté, voyons quelle est dans le Brabant la situation réelle. L'autorité provinciale a décrété la construction de chemins vicinaux de grande communication et il faut dire qu'il est procédé à cet égard avec beaucoup de prudence : on ne commence la construction de chemins nouveaux de cette espèce que lorsque les autres sont en bonne voie d'achèvement.

Eh bien, parmi ces chemins, j'en connais qui sont décrétés depuis longtemps, dont on n'aperçoit l'existence que dans les centres de population ou à quelque distance de là ; j'ai parcouru des sections de ces chemins où pour apprendre au voyageur que ce sont des chemins de grande communication, il faudrait placer de distance en distance des poteaux portant ces mots pour inscription.

Il n'est pas besoin d'autre preuve qu'il y a dans le Brabant, notamment dans l'arrondissement de Louvain, des localités qui ont droit à une part importante des subsides, parce qu’elles en ont grand besoin.

On vient de dire qu'un tiers de subvention de l'Etat est la proportion ordinaire ; j'ai même entendu s'apitoyer ici sur le sort des communes qui n'obtiennent qu'un tiers des subsides. Eh bien, dans les localités auxquelles je fais allusion, on obtient à peine de l'Etat un sixième. La province fournit un autre sixième, et la commune les deux tiers restants ; et voilà pourquoi il reste encore tant à faire dans ces contrées, malgré les efforts des communes et même les sacrifices que se sont imposés des particuliers

Je pense donc que les observations présentées par l’honorable M. Nélis ne sont pas sans fondement et qu'elles doivent attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur. On a parlé de la pauvreté des communes qui doivent couvrir leurs dépenses au moyen d'un rôle de répartition. A ce point de vue toutes les communes du Brabant sont pauvres ; à l'exception des villes ; en effet, presque partout, c'est là leur sel revenu.

(page 643) M. Coomans. - Messieurs, je rends hommage aux bonnes intentions de l'honorable M. Nélis, qui est d'ailleurs à même d'apprécier les besoins de l'agriculture. Mais je dois dire que les nouvelles explications qu'il a données à l'appui de son système ne sont pas de nature à me le faire adopter. Je dois dire encore que j'ai accepté hier trop vite la dénégation que m'a adressée l'honorable membre quand j'ai cherché à donner une explication des chiffres qu'il a cités. Il m'était impossible, comme représentant de la province d'Anvers, qui est une de celles qui ont le plus besoin de chemins vicinaux, d'accepter sans observations les chiffres d'où il résultait que cette province avait reçu deux fois plus que la province de Brabant. J'ai cherché à ce fait une explication qui, je le reconnais, est superflue.

La vérité est que toutes les provinces ont reçu à peu près la même somme, et bien certainement, ce n'était pas, comme semblait l'insinuer l'honorable membre, la province d'Anvers qui avait été avantagée, puisqu'il y a, d'après les chiffres que je possède, cinq ou six provinces qui l'auraient été davantage encore.

II m'importe de prouver à la Chambre que la province d'Anvers n'a reçu aucun avantage exorbitant, aucune espèce d'avantage. Elle a reçu moins que d'autres provinces. Je sais bien que l'honorable membre trouvera une explication de ses chiffres.

Mais le fait que j'affirme me suffit. La Campine notamment a reçu moins que d'autres localités, quoique, dans ma conviction, la province d'Anvers et celle de Luxembourg soient les deux provinces de la Belgique qui ont le plus de titres à l'obtention des subsides de l'Etat. Car, et c'est sur ce terrain que je voudrais amener la Chambre, il me semble évident que le gouvernement doit s'intéresser avant tout aux localités auxquelles une bonne voirie vicinale pourrait profiter le plus. Le gouvernement doit avoir surtout en vue les fruits à recueillir. La considération du concours financier des communes et des provinces n'est pas à dédaigner ; mais elle n'est que secondaire.

Car je n'admettrais pas que le gouvernement consentît à donner ne fût ce qu'un douzième pour une voie de communication presque inutile, alors qu'il pourrait en créer une excellente en contribuant à la dépense pour sept ou huit douzièmes. Le gouvernement doit d'abord avoir en vue l'utilité de la route. Il doit chercher, avant tout, à faire sortir certaines provinces de l'état de pauvreté relatives où elles se trouvent. Alors que nous faisons tant de sacrifices, tantôt pour créer des colonies dans l'autre monde, tantôt pour créer des débouchés par la vapeur, tentatives auxquelles je ne suis du reste pas hostile, nous ferions bien de regarder autour de nous d'abord, et d'examiner si nous ne pouvons pas à moindres frais obtenir des résultats plus utiles et plus efficaces.

C'est donc l'utilité des chemins vicinaux que l'Etat doit envisager en premier lieu. Je pense que ce système ne peut être réfuté.

J'ajouterai encore un mot. Il n'y a d'ailleurs pas de discussion qui mérite de nous occuper plus longtemps. Je ne pense pas même devoir réclamer l'indulgence de la Chambre.

Il y a une autre considération sur laquelle j'appelle l'attention de la législature ; c'est qu'il importe d'achever le plus promptement possible les chemins entrepris, parce que c'est agir en bon père de famille que d'essayer de retirer immédiatement les avantages de la dépense que l'on s'impose. Je pourrais citer des chemins vicinaux auxquels on a travaillé pendant huit ans et qui ne sont pas encore achevés ; c'est-à-dire que ces chemins ne donneront que très tard les fruits qu'on était en droit d'en espérer.

Je sais bien pourquoi le gouvernement et les autres administrations qui président à la distribution des subsides n'agissent pas toujours de la manière que je viens de dire : c'est que l'on s'efforce de satisfaire à peu près tout le monde à la fois. Mais j'aime beaucoup mieux un bon chemin vicinal praticable que dix bouts ou tronçons qui ne servent à personne.

Il faudrait donc que les subsides que nous votons aujourd'hui et que je regrette de ne pas trouver plus considérables fussent appliqués autant que possible à l'achèvement des voies déjà entreprises. C'est surtout en matière de travaux publics que j'aime le vieux dicton : non multa sed multum.

(page 641) M. Muller. - Je n'ai que quelques mots à dire à la Chambre

Si j'ai pris hier la parole, c'est à la suite d'observations desquelles il semblait inférer que les subsides tant du gouvernement que des provinces, étaient délivrés en quelque sorte à l'aventure, sans connaissance exacte et sans examen approfondi des divers besoins des localités.

Je n'ai pas le moins du monde entendu - et mon honorable ami M. de Paul s'est singulièrement mépris sur mes intentions - citer la province de Liège comme devant servir de modèle aux autres. Telle n'a pas été mon intention. J'ai seulement parlé de ce qui s'y passait parce que j'en ai connaissance, et j'ai ajouté que dans toutes les provinces on avait à cet égard des garanties suffisantes et analogues.

Si j'ai parlé des assemblées cantonales de la province de Liège, c'est que je supposais qu'il en existait de semblables ailleurs et que je considère cette institution comme bonne. Là se sont bornées mes observations. Mais ce que j'ai voulu démontrer, c'est qu'il y avait exagération dans les plaintes qui se sont élevées à propos de la répartition des subsides ; c'est qu'on oubliait que les questions de voirie vicinale sont instruites d'abord par les administrations centrales qui, depuis plusieurs années ne font pas preuve d'inactivité quand il s'agit de solliciter des subsides, ensuite par les députations permanentes,, enfin par les commissaires voyers dans notre province, par les autres agents qui en tiennent lieu dans quelques autres, par les ingénieurs là où les ingénieurs veulent bien prêter leur concours à ce genre de travaux.

Il est une autre observation que je ne dois pas laisser passer inaperçue, c'est celle par laquelle l'honorable M. de Paul a prétendu que la province de Liège aurait eu, en fait de voirie vicinale, bien au-delà de ce qu'ont obtenu toutes les autres provinces. Voici comment l'honorable M. de Paul a procédé. Il vous a dit que sur un crédit extraordinaire de 2,671,695 fr., la province de Liège a reçu 463,000 fr.

Mais, messieurs, les crédits extraordinaires de l'Etat auxquels l'honorable membre a fait allusion, se sont élevés à 9,050,000 fr., et ils ont été votés pour mesures relatives aux subsistances, au maintien du travail, à la voirie, à l'hygiène publique et au soulagement des classes ouvrières. Pour que l'observation de l'honorable M. de Paul fût exacte et concluante, il faudrait qu'il eût établi sa comparaison sur la distribution de la totalité des crédits. Dans telle localité on a alloué des fonds pour procurer des salaires aux populations en dehors des travaux de voirie ; ailleurs c'est pour ces derniers travaux que les subsides ont été accordés.

Evidemment il faut envisager l'ensemble de la répartition pour apprécier si telle province a été traitée plus favorablement que telle autre. Lorsqu'il y a eu un crédit de 9,050,000 fr., dont 2,671,000 fr. seulement ont été affectés à la voirie et à l'assainissement, et 6,379,000 pour d'autres objets, je n'admets pas le moins du monde qu'on puisse crier à la faveur, parce que telle province a obtenu une part assez large d'un chef, alors qu'elle a reçu moins des autres. Si vous envisagiez la répartition générale du crédit tout entier, vous arriveriez à d'autres proportions, à un résultat différent.

M. d'Hoffschmidt. - Messieurs, je n'ai demandé la parole que pour combattre l'opinion émise par l'honorable M. de Naeyer, eu ce qui concerne les communes pauvres

L'honorable membre a dit au gouvernement : Prenez garde de faire trop attention aux réclamations des communes, qui prétendent être dénuées de ressources pour la distribution des subsides, car c'est souvent une pauvreté factice, qui ne mérite pas grande considération. Je ne partage nullement cette manière de voir. D'abord le gouvernement et les administrations provinciales surtout, ne peuvent pas être induits en erreur en ce qui concerne les ressources des communes. Une commune est plus ou moins riche, selon qu'elle possède plus ou moins de biens communaux, produisant des revenus. Eh bien, c'est ce qui est extrêmement facile à apprécier par les administrations provinciales, qui exercent la plus grande part d'influence sur la distribution de ces subsides.

En second lieu, une commune est plus ou moins riche, selon le plus ou moins de richesse de sa population ; si une commune renferme un grand nombre d'individus ayant de la fortune, cette commune peut tirer beaucoup plus de ressources de la cotisation personnelle que telle autre commune n'ayant que des habitants pauvres.

Les communes qui n'ont pas de ressources, soit comme être moral, soit pour la cotisation personnelle de leurs habitants, sont celles qui méritent surtout la sollicitude du gouvernement quand il s'agit de répartir les subsides pour la voirie vicinale.

Je connais des chemins extrêmement utiles qui restent inachevés, parce que les communes sont dépourvues de ressources. J'en citerai un, non pour faire une réclame, mais parce que je la connais particulièrement. C'est le chemin de grande communication de Bastogne à Laroche, qui est entrepris depuis longtemps, et qui ne s'achèvera pas, faute de ressources, si le gouvernement ne vient pas largement en aide aux communes qu'il traverse.

Comme le disait un honorable préopinant, l'intervention du gouvernement a surtout pour raison d'être l'absence de ressources des communes. L'exécution des chemins communaux est une charge communale, et quand les communes ont le moyen d'y faire face, le gouvernement ne devrait plus intervenir ; s'il intervient, c'est uniquement à cause de l'insuffisance des ressources communales.

Je dirai aussi, messieurs, que l'utilité des voies à construire doit être prise en très sérieuse considération.

Il serait très difficile à la Chambre d'adopter un système absolu pour la répartition de ces subsides, et je partage l'opinion que nous devons nous en rapporter aux administrations provinciales et à la justice distributive du gouvernement. Je ne pense pas qu'il y ait lieu de modifier le moins du monde le système qui a été suivi jusqu'à présent, qui a produit de bons résultats et n'a soulevé aucune réclamation sérieuse.

On ne peut pas prendre uniquement pour base ni les revenus d'une province ni sa population ; il y a d'autres bases d'appréciation ; ainsi il faut considérer l'étendue d'une province, lorsque son territoire est considérable relativement à la population, il faut bien lui venir en aide si on veut que la voirie vicinale s'exécute.

Je ne partage pas non plus l'opinion de ceux qui veulent que l'on s'occupe avant tout des affluents du chemin de fer. Il me semble que le département des travaux publics devrait intervenir dans ces sortes de communications. Certes, elles doivent appeler l'attention du gouvernement, mais si l'on s'en préoccupait exclusivement, on arriverait à négliger d'une manière absolue les parties du pays qui ne jouissent pas des avantages des chemins de fer ; or, ce serait là une chose souverainement injuste.

Je le répète, messieurs, il faut surtout s'en rapporter à la justice distributive du gouvernement ; il ne manquera pas de consulter les administrations provinciales qui sont à cet égard parfaitement compétentes

M. de Luesemans. - Messieurs, le crédit demandé n'est combattu par personne ; je viens donc faire comme tout le monde, l'appuyer et témoigner mes regrets, qu'il n'ait pas été possible au gouvernement de demander une somme plus forte. J'espère que, pour les exercices prochains, il persévérera dans la voie où il est entré, et qu'il portera encore au budget une somme considérable pour les chemins vicinaux et pour les travaux d'assainissement ; il sera difficile de faire un meilleur emploi des deniers de l'Etat. (Interruption.)

On me fait remarquer qu'il faut avoir le temps de dépenser les crédits ; je le sais, mais qu'on veuille bien ne pas perdre de vue, ainsi que le disait l'honorable M. Coomans, qu'il existe plusieurs chemins de grande (page 642) communication qui sont déjà commencés et qui, par des retards que je ne m'explique pas, ne s'achèvent pas.

J'appelle l'attention toute spéciale du gouvernement sur la nécessité de ne pas priver plus longtemps les populations intéressées de ces excellents moyens de communication et de progrès agricole.

Messieurs, tout le monde est d'accord sur l'incontestable utilité des chemins de grande communication ; mais j'ai entendu hier avec un certain regret un honorable membre attacher une importance bien moindre aux travaux d'assainissement.

Tout à l'heure l'honorable M. de Naeyer disait des chemins de communication, que ce sont des agents civilisateurs ; j'en dis autant des travaux d'assainissement.

C'est à eux que nous devons en grande partie les habitudes d'ordre et de propreté de nos classes ouvrières.

Quand elles voient que les communes se donnent des peines et font des dépenses pour assainir et approprier les abords de leurs demeures, elles ne veulent pas à leur tour rester en retard, elles assainissent leurs habitations et contractent des habitudes qui influent singulièrement sur leur santé, et sur la salubrité publique.

L'honorable M. de Theux disait hier que le gouvernement était souvent mal renseigné en ce qui concerne les travaux d'assainissement, qu'on faisait passer pour tels des travaux qui ne l'étaient pas.

Il est possible que, dans le principe, lorsque l'utilité de ces travaux n'était pas aussi bien comprise qu'elle l'est aujourd'hui, il y ait eu quelquefois certains abus ; mais ce que je crois savoir, c'est que ces abus ont complétement disparu, et que les crédits votés pour travaux d'assainissement ont produit, dans les villes et même dans les communes rurales, au moins autant de résultats, dans un autre ordre d'idées bien entendu, que les crédits votés pour les chemins vicinaux.

Au reste, rien de plus simple pour le gouvernement que de n'être pas trompé. Il a ses agents qu'il peut envoyer sur les lieux et il ne manque pas de le faire ; il se fait soumettre tous les plans, toutes les données ; il fait examiner, expertiser les travaux qui sont achevés, et il ne fait liquider les subsides que quand les travaux sont reconnus avoir été faits dans les conditions prescrites et qu'ils ont coûté la somme pour laquelle ils avaient été adjugés.

Un honorable orateur a parlé de la nécessité d'affecter des crédits à l'arrondissement de Louvain. Il est évident que toute demande de cette nature obtiendra mes sympathies ; je dirai qu'il n'est peut-être pas un seul arrondissement qui se trouve dans des conditions aussi exceptionnelles que l'arrondissement de Louvain. (Interruption.)

Un honorable représentant de Turnhout a plaidé la cause de son arrondissement ; d'autres honorables membres ont élevé la voix eu faveur de leurs localités respectives ; je n'emploierai aucune précaution oratoire, je ne viendrai pas affirmer que je parle exclusivement dans un intérêt public, que je n'entretiendrai la Chambre ni de ma province, ni de ma localité, je dis très carrément que, moi aussi, je réclame pour mon arrondissement, et j'affirme que cette réclamation est parfaitement fondée.

La preuve de ce que j'avance n'est pas difficile à fournir. Lorsque, au siècle dernier, la ville de Louvain voulut avoir une voie de navigation, le gouvernement ne lui vint point en aide ; on a dit à la ville de Louvain : « Si vous avez besoin d'un canal, faites-le à vos frais. »

La ville de Louvain a construit le canal de ses deniers, et aujourd'hui encore elle est écrasée par les emprunts considérables qu'elle a dû faire à cet effet.

Ce n'est pas tout ; en ce qui concerne les communications par terre, la ville de Diest, celle d'Aerschot et d'autres localités encore ont été dans l'obligation de construire elles-mêmes leurs chaussées ; elles ont dû contracter, à cette fin, des emprunts écrasants, et l'être moral qu'on appelle le gouvernement, non seulement ne leur a pas accordé de subsides, non seulement n'a rien fait pour leur rendre la charge plus légère, au contraire, il a fait main basse sur la propriété de ces chaussées, il les a confisquées à son profit, ainsi que leur produit, et aujourd'hui ces communes sont chargées de dettes qu'elles ont été dans la nécessité de faire pour pouvoir sortir de chez elles.

Dans un procès assez récent, le gouvernement, qui avait été appelé en garantie, a répondu à la demande, qu'il n'était nullement tenu de garantir, qu'en confisquant les routes des communes et des particuliers, il a fait un acte de la puissance publique, qui ne l'entraîne à aucune responsabilité civile ; ce qui revient tout simplement à dire que ce qui est bon à prendre est bon à garder ; cela pourrait être rigoureusement son droit, mais je persiste à croire que cela est fort peu équitable. Plusieurs localités sont restées ainsi avec des dettes qu'elles auront bien de la peine liquider.

Eh bien, je dis que ces considérations sont graves, et qu'elles sont de nature à appeler l'attention toute spéciale du gouvernement sur l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter. Je bornerai là mes observations.

M. Magherman. - Messieurs, l'honorable M. de Naeyer a fait valoir plusieurs excellentes considérations pour appeler l'attention du gouvernement sur la grande utilité qu'il y a de relier les chemins vicinaux aux stations rurales du chemin de fer de l'Etat.

En effet, l'établissement du chemin de fer de l'Etat a apporté en quelque sorte une révolution complète dans notre système de communications ; les communes désirent vivement être reliées au chef-lieu de leur canton, de l'arrondissement, et même au chef-lieu de la province ; eh bien, ces stations mettent les communes en communication avec toutes les parties du royaume ; établir ces communications, c'est, comme l'a dit l'honorable M. de Naeyer, porter la civilisation dans ces contrées isolées.

Mais les considérations que l'honorable membre a fait valoir s'appliquent, avec la même force, aux stations des chemins de fer concédés. Toutes les parties du royaume n'ont pas le bonheur d'être reliées au chemin de fer de l'Etat ou d'en être traversées ; des arrondissements entiers en sont isolés. Le même bienfait leur est donné, au point de vue des communications, par les chemins de fer concédés ; les communes rurales de ces contrées doivent donc être également reliées aux stations de ces chemins de fer ; si elles ne le sont pas, les parties du royaume qui sont particulièrement traversées par des lignes concédées se trouveront dans un état d'infériorité, relativement aux subsides à distribuer.

Il est vrai que l'Etat ne retirera pas un avantage pécuniaire direct de l’établissement de ces communications, comme il en retirera des communications qui seront établies entre les communes et les stations du chemin de fer de l'Etat ; mais ce n'est pas à ce point de vue que nous devons nous placer, mais au point de vue de la civilisation, de l'avantage des communes. Or, à ce point de vue, le résultat sera le même ; et l'on peut y ajouter qu'au point de vue des recettes de l'Etat, les lignes concédées elles-mêmes sont des affluents pour les chemins de fer de l'Etat.

J'engage donc M. le ministre de l'intérieur à porter son attention sur la nécessité de favoriser, autant que possible, les communications vers les stations rurales des chemins de fer, sans faire la distinction si ces stations appartiennent au chemin de fer de l'Etat ou à une ligne concédée.

L'honorable M. Coomans a signalé à l'attention du gouvernement la nécessité d'achever, avant tout, les communications commencées ; en effet, les dépenses déjà faites resteront stériles, tant que ces voies de communication ne seront pas terminées.

Mon honorable collègue, M. Vander Donckt, a appelé la sollicitude du gouvernement sur une communication qui est commencée depuis longtemps, c'est celle qui traverse la commune (ou plutôt la succursale, car ce n'est pas encore une commune) de Louise-Marie ; on a déjà construit une église et une école dans cet endroit pour y créer un centre de population ; eh bien, la route qui doit traverser ce nouveau centre de population est dans un état d'inachèvement complet qui rend en quelque sorte inutiles les dépenses qu'on a déjà consacrées à cet objet. Des grès ont été transportés à pied d'œuvre ; les bordures se trouvent sur les lieux ; mais ces approvisionnements disparaissent à vue d'œil.

Je prie M. le ministre de l'intérieur de porter toute son attention sur cette route et de faire achever ce qu'à une époque déjà éloignée il a si bien commencé.

- Plusieurs voix. - A demain ! à demain !

- D'autres voix : Non ! non ! continuez !

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le crédit n'est pas contesté, mais un grand nombre d'observations ont été présentées depuis deux jours, je dois une réponse ; pour rencontrer ces observations, il me faudrait une heure à une heure et demie, car il me paraît convenable de répondre à toutes les observations.

- Plusieurs voix : A demain ! à demain !

- La Chambre décide que la discussion sera continuée à demain.

La séance est levée à 4 heures.