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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 19 février 1859

Séance du 19 février 1859

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)

(page 607) (Présidence de M. Orts, premier vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Vermeire procède à l'appel nominal à une heure et un quart et lit le procès-verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Boe présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Le sieur François Klein, caporal au corps des sapeurs-pompiers de Louvain, né à Grevenmacher (grand-duché de Luxembourg), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le sieur Charles-Frédéric Frickhoefer, télégraphiste délégué près de l'administration du chemin de fer concédé d'Aix-la-Chapelle à Landen, demeurant à Hasselt, né à Paris, demande la naturalisation. »

- Même renvoi.


« M. Lelièvre, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé. »

- Accordé.

Projet de loi révisant le code pénal (livre II, titre IV)

Discussion des articles

Titre IV. Des crimes et des délits contre l'ordre public, commis par des fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions, où par les ministres des cultes, dans l'exercice de leur ministère

Chapitre IX. Des infractions commises par les ministres des cultes dans l'exercice de leurs fonctions
Articles 295 et suivants

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, les accusations d'atteinte à la liberté, de violation de aà Constitution que, depuis le commencement de cette discussion, l'on ne cesse de faire entendre, ne m'étonnent ni ne m'effrayent. Quand il y a à peu près deux mois nous discutions les articles 149 et 150 du projet correspondant aux articles 261 et 262 du Code pénal, des reproches tout à fait analogues sous certains rapports, tout à fait contraires sous d'autres, nous étaient adressés.

Lorsque nous examinions ces articles qui garantissent la liberté des cultes, la liberté et l'exercice public des cultes, on nous reprochait aussi de porter atteinte à la manifestation de la pensée ; on nous reprochait de porter atteinte à la libre expression des opinions, nous violions la Constitution et nous créions un privilège pour le culte catholique

On recherchait aussi quelles étaient les raisons qui avaient fait introduire ces dispositions dans le Code pénal de 1810, et comme l'histoire est un arsenal où tout le monde peut trouver des armes, on cherchait à démontrer que les faits et la situation ne sont plus les mêmes, que les temps sont complétement changés, que notre organisation n'a plus rien de commun avec ce qui existait sous l'Empire et que c'est par conséquent un anachronisme que de maintenir dans le projet les dispositions qui se trouvent dans le Code pénal, notamment quant aux outrages dirigés contre les objets du culte.

Ce n'était pas, à cette époque, comme le dit aujourd'hui l'honorable M. de Muelenaere, dans l'arrestation du pape, ce n'était pas dans l'annexion de ses Etats à l'empire français, qu'il fallait chercher l'origine des dispositions que nous trouvons dans le Code pénal quant aux cultes ; on les devait, au contraire, à la volonté de l'empereur Napoléon, qui avait relevé le clergé, rouvert les temples et qui s'était efforcé d'inspirer l'amour de la religion à une génération élevée dans le mépris des objets du culte.

Aujourd'hui nous portons atteinte non plus à la liberté civile, mais à la liberté religieuse. Nous ne créons pas un privilège pour le culte catholique, mais nous mettons les ministres du culte hors du droit commun !

Aujourd'hui, ce n’est plus l'intérêt social, l'intérêt de la religion même qui ont dicté les dispositions du Code pénal ; c'est, au contraire, la défiance vis-à-vis des ministres du culte, c'est la crainte de voir attaquer dans la chaire l'annexion des Etats romains à l'empire qui ont fait décréter les articles 201 et suivants du Code actuel.

Messieurs, les attaques que nous entendions, il y a deux mois, n'étaient pas plus fondées que celles qui se produisent dans la discussion actuelle.

Les dispositions qui se trouvent dans le Code pénal de 1810, aussi bien celles qui garantissent la liberté des cultes que celles qui garantissent la liberté et l'indépendance du pouvoir civil, les articles 261 et 262 aussi bien que les articles 201 et suivants sont des dispositions qui n'ont pas besoin d'être justifiées par l'histoire ; ce sont des dispositions qui se justifient par la raison, par le sens commun ; et l'empereur, chez qui le sens commun s'élevait à la hauteur du génie, l'empereur avait parfaitement bien compris que sans les articles 267 et 268, il n'y avait pas de liberté des cultes, pas de liberté religieuse, et que sans les articles 201 et suivants il n'y avait pas de liberté civile, pas d'indépendance du pouvoir civil.

Otez, messieurs, les articles 267 et 268 du Code, que devient la liberté religieuse ? La liberté religieuse est livrée à l'empire de la force ; si chacun a le droit de venir à l'église interrompre, interpeller, contester, discuter, il n'y a plus de libre et paisible exercice du culte ; si l'on a le droit dans la rue, quand passe une procession, d'outrager les objets du culte, il n'y a plus ce que la Constitution nous garantit, le libre exercice public du culte ; et du jour où existera dans le pays une chaire inviolable, à laquelle pourront être évoquées toutes les affaires politiques, où le gouvernement, où l'autorité civile, où les conseils communaux, les bureaux de bienfaisance, les commissions des hospices pourront être critiqués, censurés, il n'y aura plus d'indépendance du pouvoir civil.

Messieurs, pas n'est besoin de l'histoire pour justifier cela. Il n'est besoin que de descendre dans son sens et dans sa raison, dans sa conscience, pour être convaincu de cette vérité. Il n'est besoin que de voir ce qui se passe tous les jours pour être convaincu que si l'on a le droit de traduire à la barre du public, en chaire, des gens qui, comme les conseillers communaux, comme les administrateurs des établissements de bienfaisance, gèrent et gèrent gratuitement les intérêts publics, si on a le droit de les persifler, de les bafouer, de les ridiculiser à la face de toute la commune, d'attaquer, de critiquer leurs actes, je dis qu'il n'y a plus d'administration possible. Vous ne trouverez personne qui se soumette à subir de semblables avanies.

Voilà donc, messieurs, la vérité des choses. Certains articles du Code garantissent la liberté religieuse, et d'autres garantissent la liberté et l'indépendance du pouvoir civil. Si l'on voulait tirer argument de la Constitution contre ces articles, pourquoi donc, lorsque nous étions attaqués, parce que nous maintenions les articles 261 et 262 du Code pénal, pourquoi nos adversaires d'aujourd'hui ne se joignaient-ils pas à nos adversaires d'alors ? Si les prérogatives du citoyen devaient exercer une influence dans le débat, si c'était par les droits accordés aux citoyens qu'il fallait régler les droits accordés aux ministres du culte, dans l'exercice de leurs fonctions et aux fidèles dans l'église, c'était à cette époque qu'il fallait commencer par nous opposer les principes que vous invoquez en ce moment.

On nous dit aujourd'hui : « C'est très singulier ; la Constitution a complétement bouleversé notre organisation sociale ; elle a accordé des garanties à tout le monde, elle a élevé la somme des droits, et cependant vous maintenez vis-à-vis des ministres des cultes la législation de 1810. »

Mais, messieurs, ne maintenons-nous pas aussi vis-à-vis de tous les citoyens la législation de 1810, en ce qui concerne la matière qui nous occupe ? Modifions-nous, quant à eux, les dispositions actuelles qui garantissent le ministre du culte contre toute interruption, dans l'exercice de son ministère ?

La Constitution n'a-t-elle pas accordé une grande somme de libertés à tous les citoyens sans que cependant, quand il s'agit de l'exercice du culte, nous supprimions les dispositions qui existent aujourd'hui ? Mais la Constitution a reconnu à tous les citoyens le droit de discuter les matières religieuses, elle a incontestablement aboli les dispositions qui défendaient ces discussions et notamment l'arrêté de 1814.

Avons-nous, en vertu de ce droit accordé par la Constitution aux citoyens, inscrit dans le projet de Code pénal la faculté pour les citoyens d'aller discuter à l'église les matières religieuses ? avons-nous modifié la position des citoyens sous ce rapport ? Cependant le citoyen a autant le droit que le ministre du culte, de nous dire : « La somme des libertés en Belgique a été augmentée, et cependant la part que vous me faites par le projet reste la même. Ainsi, j'ai le droit de tout discuter, et cependant lorsque je suis à l'église, ma position est la même qu'avant 1830. »

Eh bien, si nous n'avons pas modifié la position du citoyen sous ce rapport, il y a beaucoup moins de raison de modifier la position des ministres du culte. La raison en est bien évidente : c'est que la Constitution n'a en rien touché aux fonctions des ministres des cultes, c'est qu'elle n'a en rien modifié les limites qui séparent le domaine spirituel du domaine temporel.

L'honorable M. de Theux s'écriait hier : a Oh ! puissance de la logique ! » Je puis m'écrier aussi : « Oh ! puissance de la logique ! » Les droits du citoyen sont augmentés par la Constitution. Cependant, en ce qui concerne les devoirs vis-à-vis des ministres du culte dans l'exercice de leur ministère, ils restent absolument les mêmes. Mais la position des ministres des cultes, en ce qui regarde l'exercice du culte, n'est en rien modifiée par la Constitution. Et cependant on nous demande que de par la loi, leurs devoirs vis-à-vis des autorités publiques soient diminués, qu'ils soient affranchis de la réserve, des obligations que leur impose la loi actuelle. Est-ce là de la logique ?

Je soutiens après cela qu'aujourd'hui, bien plus qu'avant la Constitution de 1830, il y a des raisons sérieuses pour circonscrire les ministres des cultes dans le domaine religieux.

Sous le premier empire les droits du citoyen, en matière politique, étaient fort restreints, et la chaire était pour le prêtre le seul moyen de manifester ses sentiments, ses opinions. Aujourd'hui le ministre du culte se trouve en possession de toutes les libertés dont jouissent tous les autres citoyens.

Il peut, par la presse, manifester ses opinions, et par les moyens communs à tous, l'association, le vote, défendre ses droits ; il a d'autant moins besoin d'user à cet effet de la chaire, et d'aller y discuter les matières politiques.

(page 608) D'un autre côté, je comprends que, l'Etat intervenant dans les affaires du culte, il y ait eu de la part des autorités religieuses une tendance à intervenir dans les affaires de l'Etat.

Aujourd'hui que l'autorité civile n'exerce plus aucune espèce d'action ou d'intervention dans les affaires des cultes, il est juste que leurs ministres laissent au moins intact le domaine temporel et que les actes du pouvoir civil soient mis par la loi à l'abri des critiques et censures de la chaire.

Rien, à mon avis, n'est moins fondé que les arguments que l'on tire de la Constitution pour régler l'ordre de choses dont nous nous occupons. Les dispositions de la Constitution n'ont aucune espèce d'influence sur cette matière ; on ne se rend dans les édifices consacrés au culte pour y exercer des droits politiques, et il ne peut s'y agir de la qualité de citoyens ; à l'église, dans les temples, dans les synagogues, il n'y a que des ministres des cultes qui doivent s'occuper des choses religieuses, et des fidèles qui doivent avec recueillement écouter leur parole.

Messieurs, j'espérais qu'après huit jours de discussion la question de constitutionnalité serait considérée comme épuisée ; il n'en a pas été ainsi ; tous les orateurs y sont revenus tour à tour ; je crois devoir en dire encore quelques mots.

Pour soutenir que la disposition est inconstitutionnelle, l'on a invoqué et les discussions du Congrès et le texte de la Constitution.

Mais, messieurs, nos adversaires, dans les citations qu'ils ont faites des documents qu'ils invoquaient, ont toujours eu soin de ne vous lire que les parties qui convenaient à leur thèse et de laisser de côté ce qui la condamnait.

Ainsi, messieurs, l'honorable M. Dumortier est venu nous dire : Mais chaque article de la Constitution répond à un grief et les entraves apportées à la liberté de la chaire étaient un de ces griefs et c'est pour y faire droit que l'article 14 a été introduit dans la Constitution.

L'honorable M. de Haerne est venu ajouter que c'était tellement vrai, que le clergé avait réclamé par l'organe de l'archevêque de Malines, M. de Méan, qui avait saisi le Congrès de ses protestations à ce sujet. M. l'abbé de Haerne a lu un passage de la lettre de l'archevêque de Malines ; mais il a choisi celui qui s'occupait d'une manière générale de l'arrêté du gouvernement provisoire, du 16 octobre 1830, et d'omettre celui qui a trait à la question, celui par lequel l'archevêque de Malines fait connaître ce qu'il croit nécessaire d'introduire dans la Constitution. La lecture de ce passage convaincra la Chambre que cette atteinte à la liberté de la chaire, dont nous a parlé M. Dumortier, était un grief tout à fait imaginaire contre lequel on n'a pas réclamé et auquel personne n'a songé à faire droit.

Voici, messieurs, les stipulations que l'archevêque de Malines considérait comme devant être consignées dans le pacte fondamental :

« D'abord, il est nécessaire, disait-il, d'y établir que l'exercice public du culte catholique ne pourra jamais être empêché ni restreint. Faute de ces stipulations, on ferma, sous le gouvernement précédent, des églises et des chapelles où l'exercice public du culte était nécessaire et où certes il n'entraînait ni inconvénients ni dangers pour la tranquillité publique. « Si, à l’occasion ou au moyen du culte, des abus se commettent, les tribunaux doivent en poursuivre les auteurs ; mais il serait injuste d'interdire le culte même, puisque la peine rejaillirait toujours sur des innocents et bien souvent n'atteindrait pas les coupables.

« Mais la condition essentielle et vitale sans laquelle la liberté du culte catholique ne serait qu'illusoire, c'est qu'il soit parfaitement libre et indépendant dans son régime et particulièrement dans la nomination et l'installation de ses ministres ainsi que dans la correspondance avec le saint-siége. »

Plus loin, l'archevêque de Malines s'occupe de la liberté d'enseignement et de la liberté d'association.

Ainsi, vous le voyez, dans toute la pétition adressée au Congrès par l'archevêque de Malines, il n'y a pas un mot de la liberté de la chaire. On demande, ce qui a été accordé, que l'exercice public du culte catholique ne puisse jamais être empêché ni restreint ; on demande que le culte soit parfaitement libre et indépendant dans son régime, particulièrement dans la nomination et l'installation de ses ministres ; on demande enfin la liberté d'enseignement, la liberté d'association, etc. Mais il n'y a pas un mot qui puisse faire supposer un instant qu'il ait été question de la liberté de la chaire ; au contraire l'archevêque de Malines est d'accord que si, à l'occasion ou au moyen du culte, des abus sa commettent, c'est aux tribunaux à les réprimer. L'argument tiré de cette pétition tourne donc contre ceux qui 1 ont invoqué.

L'honorable M. Dumortier vous a fait une autre citation ; il a lu une observation présentée par M. Van Meenen au Congres ; mais il a eu soin de prendre, je ne dirai pas une phrase, mais un lambeau de phrase, qui n'a aucun rapport avec la question qui nous occupe. Ainsi que le constatait hier l'honorable M. de Decker, l'article 11 n’a donné lieu à discussion que sur le seul point de savoir si la loi pourrait ou non empêcher l'exercice public du culte, et c'est sur ce point que M. Van Meenen a présenté une observation.

M. B. Dumortier. - Pas du tout : il a présenté un amendement.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je vais vous donner lecture du passage entier, puisque vous n'avez pas osé le faire.

M. B. Dumortier. - Si, si ! je ne l'avais pas sous les yeux.

!

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Vous n'avez pas osé le faire, je vous ai indiqué la page où il se trouvait et je vous ai dit qu'il ne contenait que six lignes ; la Chambre et le pays jugeront ainsi de la valeur de vos citations.

M. B. Dumortier. - Mes citations sont très exactes.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Oui, comme le sont toutes les citations qui consistent dans les quatre derniers mots d'une phrase et qu'on détache, qu'on isole de tout ce qui précède. C'est ainsi que vous avez fait votre citation ; je vais vous le démontrer.

« L'article 11, dit M. Van Meenen, suppose que l'exercice du culte peut être empêché. On a voulu prévenir les actes extérieurs de ce culte hors des temples qui lui sont consacrés. Or, le culte catholique étant le seul qui s'exerce hors de l'enceinte des temples, vous avez établi un privilège contre le culte catholique. «

Vous voyez, messieurs, qu'il s'agissait des processions, de la question de savoir si une loi pourrait les interdire, et qu'il ne s'agissait, ni de près ni de loin, de la chaire et des sermons qui pourraient y are prononcés.

De quoi l'honorable M. Dumortier a-t-il donné lecture ? Des derniers mots que voici :

« Vous avez établi un privilège contre le culte catholique. » Voilà ce dont l'honorable M. Dumortier a donné lecture, laissant de côté tout ce qui précède, ce qui établit à quoi cette phrase se rapportait, quel était l'objet de la discussion ; voilà comment l'honorable M. Dumortier fait ses citations.

M. B. Dumortier. - Je vous répondrai.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Certainement. En attendant, voilà le livre ; je le mets à votre disposition.

Je ne m'occuperai pas des autres citations de l'honorable M. Dumortier ; par ce que je viens de dire vous pouvez juger de leur valeur.

L'honorable M. Dumortier a dit aussi que dans toutes les discussions du Congrès rien ue prouve qu'on ait voulu maintenir les articles 201 et suivants du Code pénal. L'argument n'est assurément pas sérieux.

Si rien, dans toutes les discussions du Congrès, ne prouve que cette assemblée ait voulu maintenir les articles 201 et suivants, il n'y a absolument rien non plus, dans toutes ces discussions, qui puisse faire supposer qu'elle ait voulu abroger ces articles. Or, pour qu'ils ne soient pas abrogés, il n'est pas besoin de trouver dans les débats de notre première assemblée, l'intention de maintenir la législation existante. Une législation ne disparaît pas par le silence que l'on garde à son égard, elle n'est abrogée que par une déclaration expresse ou quand elle se trouve en opposition manifeste avec une disposition postérieure. Cela est élémentaire.

Eh bien, non seulement il n'y a pas de déclaration expresse, il n'y a pas de dispositions contradictoires, nais il n'y a rien, absolument rien qui puisse, dans toutes les discussions du Congrès, faire supposer que cette assemblée ait eu l'intention d'abroger par les articles 14 et 16 les dispositions du Code pénal.

On nous a dit aussi, messieurs, que tous les délits dont l'article 14 de la Constitution réservait la répression avaient été prévus par le décret du 20 juillet 1831.

C'est un argument qu'ont présenté l'honorable M. de Theux et l’honorable M. Dumortier. Ces honorables membres sont mal servis par leur souvenir, et il suffit de remonter à l'origine du décret du 20 juillet 1831 pour être convaincu qu'il ne s'est pas occupé des délits prévus par les articles du Code pénal, relatifs à l'exercice du culte.

Comment et dans quelles circonstances ce décret a-t-il été porté ? C'est à la suite d'une proposition de M. Raikem, dont, dans une autre séance, j'ai déjà donné lecture à la Chambre. Voici cette proposition :

« Je propose de s’occuper de suite de la législation sur la presse et de l’établissement du jury, tant en matière criminelle que pour les délits politiques et de la presse. »

Voilà, messieurs, quelle est l'origine du décret du 20 juillet 1831. Les paroles que prononçait à cette occasion l'honorable M. Raikem feraient disparaître tout doute sur la portée de la proposition, si celle-ci n'indiquait pas suffisamment par elle-même quel était soi objet.

« Je demande qu'une commission soit nommée pour la révision de la législation en matière de presse, et que cette commission propose au Congrès la question de savoir si les lois sur la presse, du 16 mai 1829 et du ler juin 1830, sont encore obligatoires, ou si elles nécessitent des changements. »

En suite de cette proposition une commission fut nommée, j’en ai fait connaître dernièrement la composition ; elle a fait son rapport et elle a déclaré que les lois sur la presse n'étaient pas abolies. L'honorable M. de Theux, au moins d'après le recueil que j'ai entre les mains, ne demandait qu'une loi fût promptement faite, il disait que la commission était unanimement d'avis que les lois de 1829 et de 1830 étaient en vigueur.

M. de Theux. - Mais en même temps la commission était d'avis qu'une loi devait être faite dans un bref délai.

(page 609) M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je n'ai pas vu ce passage, mais, dans tous les cas, il ne s'agissait que des lois sur la presse, et encore une fois je désirerais beaucoup que l'un de nos adversaires nous montrât un seul mot, je ne dirai pas qui prouvât, mais qui pût seulement faire présumer qu'il a été question d'abolir les article 201 et suivants du Code pénal.

Une seconde commission a été nommée par le Congrès pour la révision de la législation sur la presse. Celle-ci reprit les projets présentés par M. Barthélémy, projets qui ne s'occupaient que de la presse et de la procédure, et on ne trouve nulle part de trace qu'on ait voulu toucher aux dispositions du Code pénal qui concernent l'exercice du culte. J'ai lu et relu attentivement tout ce qui se rapporte à cette discussion et nulle part, je n'ai pu découvrir l'intention de porter la moindre atteinte à la législation qui garantissait d'une part la liberté et l'indépendance du pouvoir civil et d'autre part la liberté religieuse.

A propos du décret du 21 juillet, l'honorable M Dumortier, répondant à une interpellation que je lui avais faite dernièrement sur le point de savoir quelle était la loi qui punissait la calomnie contre les autorités constituées, a voulu m'apprendre que ce délit était prévu par le décret de 1831 ; mais je connais cette disposition depuis qu'elle existe.

Je sais que ce décret punit la calomnie contre les autorités en corps ; mais ce que je sais aussi, c'est qu'il renvoie à l'article 367 du Code pénal et quand je demandais à l'honorable M. Dumortier quel était l'article du Code pénal applicable à ce cas, c'était pour montrer à l'honorable membre que le tribunal de Huy ayant appliqué l'article 201 du Code pénal, ce n'était pas d'un délit de calomnie qu'il pouvait s'agir, l'article 367 étant, comme je viens de le dire, seul applicable au délit de calomnie.

Ou nous a dit : « il n'y a pas de jurisprudence, il y a un arrêt de cour d'appel et trois jugements ; or, vous savez mieux que personne que trois jugements et un arrêt de cour d'appel ne constituent pus une jurisprudence. »

Il y a un arrêt de la cour de cassation qui date de 1834, qui ne statue pas in terminis, il est vrai, sur la question de savoir si les articles 201 et suivants sont ou non abrogés, mais qui détermine la portée de l'article 14 de la Constitution, et si l'on ne s'est pas pourvu en cassation, dans l'affaire de Boitsfort, c'est que le sens et la portée de l'article 14 de la Constitution étaient déjà fixés par l'arrêt de 1834.

Voici, messieurs, ce que porte cet arrêt. Il a été rendu à propos de la question de savoir si le décret du gouvernement provisoire avait abrogé les dispositions pénales relatives à la célébration du mariage civil avant le mariage religieux.

- Interruption de M. B. Dumortier.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Nous allons voir quel est le sens de l'article 14, car votre grand argument est que l'article 14 a abrogé les articles 201 et suivants du Code pénal. Eh bien, nous allons voir par l'arrêt de la cour de cassation ce qu'il faut entendre par la liberté de conscience et des cultes que proclame l'article 14, et par conséquent ce que cet article a abrogé.

« La cour, attendu que l'article 3 de l'arrêté du gouvernement provisoire du 16 octobre 1830 n'abroge point toute loi qui aurait un rapport quelconque avec l'exercice d'un culte, mais qu'il résulte des termes de cet article, et du préambule de l'arrêté, qu'il se borne à abroger les lois qui porteraient atteinte à la liberté de conscience et la liberté des cultes.

a Attendu que la liberté de conscience et la liberté des cultes sont le droit pour chacun de croire et de professer sa foi religieuse sans pouvoir être interdit ni persécuté de ce chef ; d'exercer son culte sans que l'autorité civile puisse, par des considérations tirées de sa nature, de son plus ou moins de vérité, de sa plus ou moins bonne organisation, le prohiber, soit en tout soit en partie, ou y intervenir, pour le régler dans le sens qu'elle juger at le mieux en rapport avec son but, l'adoration de la Divinité, la conservation, la propagation de ses doctrines et la pratique de sa morale ;

« Attendu que ces libertés ainsi définies n'ont rien d'incompatible avec le pouvoir qui appartient à la société civile de défendre et de punir par l'organe de la loi et par l'action des magistrats, les actes qu'elle juge contraires à l'ordre public ; qu'en conséquence les dispositions portées à cet effet n'ont point été abrogées par la loi qui proclame la liberté des cultes et la liberté de conscience, en abolissant toute loi qui y porterait atteinte ;

« Que tous les monuments de l'histoire, de la législation et de la jurisprudence attestent que c'est dans ces justes limites qu .ces libertés ont toujours été réclamées et consacrées ;

« Que l'article 14 de la Constitution les y renferme en termes clairs et précis par la réserve de la répression des délits commis à l'occasion de l'usage de ces libertés ;

« Que sans ces limites l'état social inhérent à la nature de l'homme manquerait d'une de ses conditions essentielles, le pouvoir de la part de la société de juger et de réprimer les actes contraires à l'ordre public. »

Voilà, messieurs, les principes que consacre un arrêt de la cour de cassation du 27 novembre 1834, rendu par une chambre présidée par M. de Sauvage qui faisait partie du Congrès et qui, par conséquent, pouvait éclairer ses collègues sur les intentions qui avaient dicté la disposition de l'article 14.

Messieurs, l'absence de pourvoi dans l'affaire de Boitsfort ne peut avoir d'autre raison que la consécration de ces principes. C'est parce que le sens de l'article 14 avait été fixé par un arrêt de la cour souveraine, qu'on a pensé qu'il était inutile d'affronter de nouveau ce degré de juridiction et c'est aussi comment s'explique que cette jurisprudence a été définitivement établie, et que la question même n'a plus été soulevée.

Il est bien évident que, si tout le monde ne s'était rendu à l'opinion adoptée par la cour de cassation, tous les jugements rendus eussent été portés en appel, et les arrêts des cours d'appel eussent été soumis à la cour de cassation. La longueur même de nos débats atteste l'importance de la question. Comment donc nos adversaires, s'ils conservaient des doutes sur la constitutionnalité de l'article 201, n'épuisaient-ils pas tous les degrés de juridiction pour le faire lever ?

L'honorable M. Malou a déclaré que les dispositions de l'article. 201 sont pour le pouvoir la conquête du domaine religieux et moral. Ce sont les expressions dont l'honorable membre s'est servi ; et l'on ne porte pas ce grave débat devant la cour de cassation ; les cours d'appel ne sont pas saisies, la question même n'est plus soulevée devant les tribunaux.

Mais, messieurs, ou votre attachement à la Constitution n'est pas aussi grand que vous le dites, ou bien vous ne croyez pas sérieusement à une inconstitutionnalité.

Messieurs, lors de l'exécution de l'arrêt rendu dans l'affaire de Boitsfort, l'honorable M. Malou lui-même était au pouvoir. Comment donc, si l'article 201 était abrogé, se fait-il que grâce complète n'ait pas été faite au condamné ? et à deux reprises, le pouvoir a été saisi de l'affaire. Une peine de trois mois d'emprisonnement avait été prononcée. Un premier arrêt fit remise de deux mois.

Et l'on ne dira pas que l'attention du ministre n'avait pas été éveillée ; cette affaire avait toutes les proportions d’une affaire politique et par sa nature et par la position des hommes qui indirectement y étaient mêlés. Mais pour un autre motif encore, elle ne pouvait pas échapper à l'attention du chef du département de la justice. Le magistrat qui, à cette époque, faisait le rapport sur la demande en grâce, y avait entre autres inséré la considération suivante:

« Les dispositions légales qui punissent ces abus, sont plus nécessaires aujourd'hui qu'à l'époque de la publication du Code où les ministres des cultes n'avaient pas cette indépendance qui leur est garantie par nos institutions politiques.»

II y avait bien là de quoi éveiller l'attention et les susceptibilités du ministre de la justice, si le doute avait existé sur le bien jugé de l'arrêt de la cour d'appel.

Après une première remise de peine de deux mois, il en intervint une seconde après trois semaines, par laquelle grâce fut faite du restant de la peine. Cette fois non plus, l'on n'invoqua l'inconstitutionnalité des dispositions qui avaient été appliquées ; on constata que le condamné s'était constitué et qu'une détention de trois semaines paraissait une punition suffisante pour une première faute.

Ce n'était donc pas un droit constitutionnel dont avait usé le curé de Boitsfort, c'était une première faute qu'il avait commise. Or, je ne comprends pas l'existence d'une première faute avec l'abrogation, de par la Constitution, de l'article 201.

A cette époque, je le répète, l'honorable M. d'Anethan et l'honorable M. Malou étaient au pouvoir, comme ils étaient aussi au pouvoir en 1847, avec M. de Theux, lorsque le tribunal de Huy rendait le jugement dont j'ai eu l'honneur de vous donner lecture dans une précédente séance.

J'ai dit que la jurisprudence de la cour de cassation et de la cour d'appel, a ait été unanimement adoptée. J'ai encore ici trois jugements qui m'ont été adressés et qui constatent la répression d'abus semblables à ceux qui sout punis par l'article en discussion.

Voici un jugement du tribunal de Liège en date du 8 mars 1852. Il est ainsi conçue.

« Attendu qu'il est constant que N... .a, dans le courant du mois de décembre 1851, dans l'exercice de ses fonctions de ministre du culte catholique, et en assemblée publique, fait la critique ou censure des actes de l'administration communale de..... en lisant en chaire une délibération du conseil de fabrique de la même commune du 5 octobre précédent, dans laquelle, en parlant du conseil communal, se trouvent les expressions suivantes :

« 1° Serait-il pris de vertige ? Ouest incliné à le croire, quand on considère son opposition systématique, opiniâtre et déplacée, contre le culte, et les cinquante mensonges contenus dans sa délibération du 17 janvier 1850. 2° Voilà pourquoi cette administration communale, contre tout procédé de convenance et de délicatesse et en vue de rendre le desservant de surprise, nous informe etc. 3° Cette administration, pour se venger de la construction des portes, a donc trompé le desservant de propos délibéré, a forfait à la question d'honneur et de justice etc. 4° C'est ce conseil communal, en abusant, à l'aide d'un tissu d'inexactitudes, de la confiance etc. ;

« Attendu qu'il y a des circonstances atténuantes ;

« Vu les articles 201 du Code pénal, 6 de la loi du 15 mai 1849 et 194 du Code d'instruction criminelle, dont lecture a été donnée ;

« Par ces motifs.

« Le tribunal condamne N.....à vingt-cinq francs d'amende et aux frais liquidés à vingt et un francs. »

(page 601) Voici un autre jugement conçu dans le même sens, rendu par le même tribunal à la date du 5 août 1853.

« Attendu qu'il est établi que N... curé à.... a, le 2 janvier 1853, au prône de l'église de…, à la messe de huit heures, prononcé un discours contenant la critique ou censure des actes du conseil communal et du bureau de bienfaisance de ladite commune de...

« Attendu qu'il existe des circonstances atténuantes ;

« Vu les articles 201 du Code pénal, 6 de la loi du 15 mai 1849 et 194 du Code d'instruction criminelle, dont lecture a été donnée.

« Par ces motifs :

« Le tribunal condamne N.....à quarante francs d'amende et aux frais liquidés à quatorze francs quarante-cinq centimes. »

En voici enfin un troisième rendu par le tribunal de Mons, à la date du 26 juillet 1858 et appliquant toujours les mêmes dispositions. Il est rédigé en ces termes :

« L'an mil huit cent cinquante-huit, le vingt-six du mois de juillet, le tribunal correctionnel séant à Mons a rendu le jugement suivant :

« En cause du ministère public d'une part ;

« Contre le nommé N..., prévenu d'avoir, à le dix janvier 1858, dans l'exercice de son ministère et en assemblée publique, prononcé un discours contenant la critique ou censure d'un acte de l'autorité publique, lequel discours renfermait les phrases suivantes :

« Il y a un an, MM. les administrateurs ont diminué faiblement mon traitement, je n'en ai pas parlé ; mais aujourd'hui la diminution est tellement forte (cent francs) qu'il m'est impossible de me taire.

« Cependant j'avais prévenu les habitants aux avant-dernières élections qu'ils devaient voter pour des hommes portés pour l'Eglise ; n'ayant pas suivi mes conseils, on en voit les conséquences.

« Je suis le seul à qui le traitement ait été diminué. MM. les administrateurs ont eu soin de maintenir les leurs qui sont cependant plus élevés que le mien eu égard aux dérangements.

« M. le bourgmestre a cent francs et MM. les échevins chacun cinquante francs. Un bourgmestre d'une commune voisine m'a dit qu'on pouvait facilement traiter toutes les affaires de la commune en quatre assemblées, ce qui donne pour chacune d'elles à M. le bourgmestre vingt-cinq francs et à MM. les échevins douze francs cinquante centimes ; et cela pourquoi faire ? Pour causer quelques instants près d'un bon feu et boire une pinte de bière. »

« Ledit prévenu comparant d'autre part,

« Entendu l'exposé de l'affaire et les témoins en leurs déclarations.

« Ouï M. de Hennin, procureur du roi, en ses conclusions tendantes à l'application de l'article 201 du Code pénal ;

« Et le prévenu dans sa défense tant par lui-même que par l'organe de Me Sainctelette, avocat, son conseil ;

« Attendu qu'il est vérifié par l'instruction faite à l'audience du 19 de ce mois et par les pièces du procès, que dans la journée du 10 janvier 1858, le prévenu a, en sa qualité de ministre du culte, et dans l'exercice de ses fonctions, prononcé dans l'église de.... étant en chaire, en présence de ses paroissiens, réunis en assemblée publique, un discours contenant la critique ou censure de certains actes de l'administration communale dudit.... notamment de deux délibérations du conseil, l'une prise en 1856, et l'autre le 27 décembre 1857, ayant toutes deux pour objet, en ce qui concerne le prévenu, de réduire le supplément de traitement lui accordé pour dire une deuxième messe, et cela par une mesure exclusivement administrative, dans le seul but d'opérer par cette réduction jointement par d'autres décrétées en même temps, des économies dans les dépenses, jugées utiles et nécessaires pour alléger les charges par trop lourdes de la commune, eu égard à ses faibles ressources ;

« Attendu que cette attaque ou cette critique résulte des termes et des insinuations de certains passages du discours du prévenu, où il se plaint avec mécontentement, comme étant injuste et imméritée, de cette mesure prise envers lui, ajoutant par forme de comparaison et de reproche que les bourgmestre et échevins qui n'avaient pas grand-chose à faire, et dont les services et la besogne étaient beaucoup moindres que les siens, s'étaient bien gardés de toucher à leurs traitements, et finissant par indiquer, pour empêcher à l'avenir le maintien et le retour de semblables résolutions, sur qui le choix devait tomber, lors des élections, pour la nomination des conseillers communaux ;

« Attendu que ces faits constituent, à charge du prévenu, le délit prévu et punissable par l'article 201 du Code pénal ;

« Attendu cependant qu'il existe en sa faveur des circonstances atténuantes ;

« Par ces motifs :

« Le tribunal déclare le prévenu coupable du délit lui imputé et faisant à son égard l'application des articles 6 de la loi du 15 mai 1849, 201, 52 du Code pénal et 194 du Code d'instruction criminelle, dont il a été donné lecture, condamne N..., à deux cents francs d'amende et aux frais du procès, le tout récupérable par corps. »

Je suis très convaincu qu'il existe de l'article 201 de bien plus nombreuses applications que celles que j'ai eu l'honneur de signaler à la Chambre, mais on m'a fait une objection : « La jurisprudence, dit-on, ne peut pas supprimer une liberté. »

J'en demeure d'accord : la jurisprudence ne peut supprimer ni la Constitution, ni les lois. Mais lorsqu'un doute s'élève sur l'interprétation à donner à un article de la Constitution ou d'une loi, c'est au pouvoir judiciaire seul qu'il appartient de le lever.

Si on prétend que dans l'occurrence la jurisprudence a méconnu la loi, que fallait-il faire ? Il fallait proposer une loi, c'était au pouvoir législatif à intervenir, c'était à lui de tracer des règles qui ne laissassent plus de place au doute, et qui rendissent désormais inutile toute interprétation, qui enlevassent l'occasion d'interpréter.

Ainsi, du moment où l'on croyait que la jurisprudence avait porté atteinte à l'article 14 de la Constitution en maintenant les articles 201 et suivants du Code pénal, quel était le devoir des hommes qui étaient alors au pouvoir ? C'était de proposer une loi ayant pour objet de déclarer abrogés les articles 201 et suivants du Code pénal.

Il est donc peu sérieux de dire que la jurisprudence ne peut pas abolir une liberté. La chose en elle-même n'est pas contestable, mais c'est résoudre la question par la question. La jurisprudence ne supprime pas une liberté, mais elle déclare que le droit ou la liberté que l'on invoque n'existe pas.

Si la jurisprudence par cette décision méconnaît la Constitution ou la loi, c'est au pouvoir exécutif à faire des propositions aux Chambres, pour fixer législativement le sens de la loi ou de la Constitution et éviter ainsi les effets d'une jurisprudence erronée.

Mais jusque-là vous devez respect à la décision de l'autorité judiciaire.

Du reste, je ne comprends pas qu'il puisse s'élever un doute sérieux sur l'article 14 de la Constitution ; et c'est la raison pour laquelle je n'ai pas fait rechercher toutes les décisions judiciaires qui consacrent le système que je soutiens.

L'article 14 garantit la liberté des opinions, la liberté de la presse, la liberté des cultes, sauf la répression des délits commis à l’occasion de l'usage de ces libertés.

Mais de quels délits s'agit-il ? Evidemment des délits prévus par la loi pénale ; il n'y en a pas d'autres et encore une fois je ne comprends pas que cela puisse être contesté.

Or la censure, la critique des actes de l'autorité par le ministre, du culte en assemblée publique dans l'exercice de son ministère était prévue par le Code pénal, la répression de ce délit tombait donc sous la réserve formelle de l'article 14.

Le second argument qu'on invoque consiste à dire que nous plaçons le ministre des cultes en dehors du droit commun.

Mais qu'entendent nos adversaires par droit commun ? Le droit commun, d'après eux, c'est la faculté pour les ministres des cultes d'exercer à l'église, au temple, ou à la synagogue leurs droits de citoyen. Voilà ce qu'ils entendent par le droit commun, et je soutiens, moi, que ce n'est pas là le droit commun, parce que personne, aucun citoyen n'a la faculté d'exercer ses droits de citoyen dans les édifices consacrés au culte. Si vous donniez au ministre du culte la faculté d'exercer ses droits de citoyen à l'église, dans le temple ou dans la synagogue, vous lui accorderiez un droit tout à fait exceptionnel. Je l'ai déjà dit, dans les édifices consacrés au culte, il n'y a que des ministres du culte qui exercent des fonctions religieuses, et des fidèles qui vont entendre la parole du ministre du culte.

Voilà la vérité des choses. Si vous donniez au prêtre la faculté d'exercer les droits de citoyen dans les édifices consacrés au culte, il serait le seul, ainsi que je viens de le dire, qui eût la jouissance de ce droit. Et serait-ce là un droit commun ?

Si aux cérémonies du cultes on peut mêler l'exercice des droits du citoyen, il faut pour qu'il y ait droit commun, que tout le monde puisse le faire, le fidèle aussi bien que le ministre du culte.

Le citoyen qui a le droit de discuter toutes les questions religieuses pourra donc aussi établir une controverse avec le ministre du culte quand celui-ci sera dans l'exercice de son ministère ?

Y a-t-il plus de raison pour imposer silence au citoyen qui discute une question de dogme avec le ministre du culte que pour imposer silence au ministre du culte, lorsque celui-ci veut aborder, dans l'église ou dans le temple, l’examen d'un acte de l'autorité communale ? Il n'y a pas de différence. Ce que vous appelez le droit commun n'est donc pas le droit commun.

Du reste, je ne saurais trop le répéter, en cette matière, il ne peut pas y avoir de droit commun dans le sens que l'on attache à ce mot, car, ainsi que je l'ai dit plusieurs fois, les édifices du culte ne sont pas consacrés à l'exercice du droit de citoyen.

On veut appliquer à un ordre de choses tout à fait spécial, des règles et des raisonnements complétement étrangers à la matière, et c'est là la voie fausse dans laquelle on s'est engagé dès le début, et dans laquelle on persiste.

Mais, pour autant que l'on puisse parler de droit commun, qu'on puisse employer ces mots dans cette discussion et les appliquer aux faits dont il s'y agit, je prétends que c'est nous qui défendons le droit commun, en soutenant que si un ministre du culte peut exercer ses droits de citoyen dans l'édifice consacré au culte, la même faculté doit être accordée aux autres citoyens, et j'ajoute que c'est vous qui demandez un droit exceptionnel en voulant qu'il soit permis au ministre du culte d'exercer dans l'église des droits politiques, tandis que vous déniez les mêmes droits aux autres citoyens.

(page 611) C'est vous qui soutenez le privilège, le droit exceptionnel, et c'est nous qui défendons le droit commun.

M. B. Dumortier. - Par des lois d'exception.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Vous privez le citoyen du droit de discuter n’importe quoi dans les édifices consacrés au culte.

M. B. Dumortier. - Vous n’oseriez pas le proposer.

M. H. de Brouckere. - Nous ne proposons pas d’absurdités.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C’est M. Van Overloop qui a défendu ce système, et j’ai été le premier à déclarer qu il était insoutenable et j’ai dit que les dispositions qui défendaient aux fidèles d'interrompre le ministre du culte, de discuter avec lui dans l’édifice consacré au culte avaient leur corrélatif dans les défenses faites au ministre du culte par les articles 201 et suivants

Dans une précédente séance j'ai demandé où était la légitimité de la peine infligée à celui qui interromprait le ministre du culte parlant d'un règlement communal ?

La peine prononcée contre celui qui interrompt le ministre du culte n'est légitime, que pour autant que l'interruption surprenne le prêtre dans l'exercice de ses fonctions, qu'elle trouble l'exercice du culte ; mais si le ministre du culte discute un acte de l'autorité publique, et qu'on l’interrompe, peut-on bien dire qu'on le trouble dans l'exercice de ses fonctions, qu'on trouble ou qu'on empêche l'exercice du culte ? Je ne le pense pas.

Vous ne pouvez pas appeler interruption au culte une interruption à une discussion politique.

Votre système vous mènerait inévitablement à ce dont vous ne voulez pas. Si le prêtre obtient le droit de discuter, de critiquer, de censurer en chaire tous les actes des autorités, l'on arrivera infailliblement à devoir concéder à tout le monde ce même droit de critiquer et de censurer les paroles du prêtre, de discuter avec lui en chaire sur ce qu'il y dit.

M. H. de Brouckere. - C’est-à-dire à permettre le désordre.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Nos adversaires ont aussi réclamé l'application du droit commun au point de vue de la liberté dont jouit par exemple le professeur dans la chaire,

Mais ils oublient toujours qu'ils ne sont pas dans le droit commun sous le rapport des garanties toutes spéciales que la loi leur accorde. Il faut renoncer à la protection résultant des articles 267 et suivants du Code pénal. Si vous ne voulez pas être soumis à d'autres règles que le tribun, que le professeur en chaire ; si vous voulez la liberté dont on jouit dans un meeting, dans un club, il faut accepter tout le régime des meetings et des clubs et renoncer aux pénalités sévères qui vous garantissent contre toute interruption ; vous ne pouvez pas avoir, à la fois, les avantages d’une liberté absolue de langage et les avantages d’un silence absolu impose aux fidèles.

Enfin on nous dit (c'est le troisième argument de nos adversaires) : Vous érigez en délit l'exercice d'un droit consacré par la Constitution ! Quand on raisonne ainsi, on ne tient pas compte du lieu où le fait se produit, de la destination de ce lieu, des garanties dont le ministre du culte y est entouré. Selon les temps et les lieux, l'exercice d'un droit peut très bien dégénérer en délit ; le droit de parler et de discuter est donc aussi érigé en délit ; c'est en raison du lieu où la parole ou la discussion se produisent, que la loi incrimine le fait. Il n'y a donc là rien d'exceptionnel pour le ministre du culte.

A ce propos, l'honorable M. Dumortier nous a parlé de théâtre. Il a fait une comparaison que je ne me permettrais pas s'il ne nous en avait donné l'exemple ; mais cet exemple même me fournit une réponse péremptoire. Il est vrai, comme le dit l'honorable M. Dumortier, qu’au théâtre le public ne peut pas interrompre l'acteur.

Mais quand l’acteur s'écarte de son rôle, il est puni ; et quand il s’adresse au public, il est encore puni. Si d'un côté les règlements de police interdisent au public d’interrompre les acteurs, d'un autre côté les mêmes règlements punissent les acteurs qui ne se renferment pas dans leur rôle.

Je ne veux pas comparer les deux choses mais on rencontre dans les deux cas les mêmes principes ; en fait de théâtre comme quand il s’agit de l’exercice du culte, on trouve des obligations réciproques.

L'honorable M. de Decker nous a dit qu'il accepterait bien la loi, mais à la condition que les faits incriminés réunissent deux caractères : le premier qu'il ne rentre pas dans le domaine religieux et, le deuxième, que l'acte posé porte atteinte à l'ordre public. Je s is d'accord avec l'honorable M. de Decker que les faits doivent réunir ces deux caractères.

Mais le dissentiment commence sur la question de savoir quand ces deux caractères existent. Je prétends que le ministre du culte sort du domaine religieux du moment, où il censure les actes des autorités publiques ; je soutiens en même temps que la critique et la censure de ces actes sont une véritable atteinte à l'ordre public :

Parce que le ministre du culte sort de son domaine,

Parce qu'il abuse de la protection qui lui est accordée, dans l'exercice de ses fonctions,

Parce que ses paroles, si elles ne sont pas une provocation volontaire à des troubles à l'exercice du culte, en sont le plus souvent une inévitable occasion,

Parce que le résultat inévitable de critiques et de censures faites par le ministère du culte en chaire est un trouble moral plus sérieux que le trouble matériel que peuvent se permettre les fidèles. Si l’on ne voit pas une atteinte à l’ordre public dans la critique faite par le ministre du culte des actes de l’autorité, c’es qu’on ne voit en chaire que ce qu’on ne devrait pas y voir, le citoyen, au lieu d’y voir ce qui doit y être réellement, le ministre du culte.

On nous a demandé si la loi punissait la critique, la censure indirecte ? Ce sont des questions qu’il est impossible de résoudre en dehors des faits.

Si le prêtre se borne à énoncer les vérités de la religion, alors même que ces vérités seront en opposition avec nos lois, avec des actes de l’autorité publique, si l’énonciation de ces vérités n’est pas accompagnée de censures ou de critiques, le fait ne tombera pas sous l’application de la loi, et pas un juge, dans un cas semblable, ne condamnerait.

Mais quand ces vérités ne seront qu’un prétexte pour critiquer, ne seront qu’un thème choisi pour donner à la censure l’apparence d’un acte religieux, si l’intervention de la religion n’est qu’un artifice, le juge démêlera la réalité de 1 apparence, et il jugera selon sa conscience,

Il n’entre donc pas dans nos intentions, je le dis encore une fois, de faire punir l’énonciation des vérités de la religion, alors même qu'elle serait en opposition avec une loi positive ; mais ce que la loi prévoit, c’est la critique ou censure avec l'intention de critiquer ou censurer le gouvernement et les actes de l'autorité,

Ce sera au juge, en cette matière comme en toute autre, à voir si les faits réunissent les caractères délictueux.

Messieurs, on nous a dit aussi que la rédaction proposée était très vague, très obscure, qu'on ne savait pas dans quels cas le fait sera incriminé et dans quels cas il ne le serait pas.

Je crois, au contraire, que cette rédaction est aussi claire, aussi nette, aussi précise que possible, et je suis d'avis qu’il n’y a pas dans le Code d'article qui présente moins d'obscurité, d’ambiguïté que l'article. 201. La preuve, pour moi, en est dans ce fait que, depuis cinquante ans qu'il existe, il n'a soulevé aucune controverse sérieuse, et il est vraiment singulier que ce soit précisément cet article qui n’a donné lieu à aucun doute, dont la jurisprudence n'a jamais eu besoin d'éclairer le sens, que l'on vous signale comme une disposition dont il est impossible de trouver la signification.

Je crois, messieurs, que c'est parce qu'il est trop clair, trop précis, tribun, que nos adversaires n'en veulent pas, et ce qui me le prouve, c'est l'amendement de l'honorable M. Malou.

On prétend que l’article 201, reproduit par le projet, n'est pas suffisamment clair et l’on présente comme correctif un amendement dont il est impossible de saisir la pensée, et pour la rédaction duquel on a choisi les termes les plus élastiques que l’on ait trouvés. En effet, que nous dit l'honorable M. Malou dans son amendement :

« Tout ministre des cultes qui, par des discours en assemblée publique, dans l'exercice de son ministère, aura attaqué méchamment un acte de l'autorité publique étranger aux intérêts de la religion et de la morale sera puni, etc. »

Or je voudrais bien savoir ce qui, dans la société, est étranger aux intérêtsde la religion et de la morale.

M. Malou. - Je vous le dirai tout à l’heure.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je serai charmé de vous entendre. Quant à moi, je ne le sais pas, surtout quand je vois nos adversaires étendre ces domaines de manière à y comprendre la politique elle-méme. Or les intérêts de la religion et de la morale se mêlant à toute chose, les ministres du culte ne tomberaient jamais sous l’application de l’article 295. D’où je conclus que cet amendement, s’il était adopté, n’aurait d'autre effet que de faire croire qu’on ne veut pas consacrer l’impunité absolue en faveur du clergé, tout en la lui garantissant dans la réalité.

L'amendement de M. Malou consacre aussi un principe qu’il est nécessaire de signaler. « Tout ministre des cultes, dit-il, qui par des discours en assemblée publique dans l’exercice de son ministère, aura attaqué méchamment un acte de l’autorité publique étranger aux intérêts de la religion et de la morale, sera puni, etc. « De sorte que tous les actes qui se lient aux intérêts dc la religion et de la morale pourront, d’après l'honorable M. Malou, être attaqués même méchamment.

M. Malou. - Pas du tout.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C est évident ; d après votre disposition, on pourra attaquer ces actes même méchamment.

M. Malou. - C'est une plaisanterie.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Veuillez relire attentivement votre amendement ; je n'ai pas la moindre envie d'en tronquer le sens, mais il m'est impossible de le comprendre autrement.

Il faut donc, pour que l'attaque méchante soit punie, qu'elle porte sur un acte étranger aux intérêts de la religion et de la morale, et aussitôt que, de près ou de loin, cet acte se liera à ces intérêts, il pourra être attaqué même méchamment.

Voilà l'amendement ; mérite-il par sa clarté, sa précision, de remplacer un article du Code qui n'a soulevé jusqu'à présent aucune difficulté ?

(page 62) Je ne le pense pas et je dis de nouveau que quand une disposition de loi a subi l'épreuve de l'expérience, il ne faut pas hésiter à la maintenir.

L'amendement de l'honorable M. Malou, bien loin donc de préciser les faits qui tomberaient sous l'application de la loi, ouvrirait à l'arbitraire des juges la porte la plus large et l'on serait amené à vous dire que nous avons fait une loi par laquelle nous soumettons aux juges civils toutes les questions de religion et de morale.

Et ce seraient, dans la réalité, les juges qui viendraient décider ce qui appartient au domaine religieux et moral, et ce qui n’y appartient pas. Eh bien, cela ne peut pas être : le rôle des juges civils doit se borner à examiner et à constater en fait s'il y a critique ou censure du gouvernement, des actes des autorités, et si ces critiques ou censures ont été faites avec l'intention de critiquer ou de censurer.

Voilà à quoi doit se borner la mission du juge, mission dans l'accomplissement de laquelle il n'a à se préoccuper ni du dogme ni de la morale.

Mais, a-t-on dit, cette loi que vous faites engendrera inévitablement des abus. Voyez ce qui s'est passé du temps de Guillaume, voyez les persécutions qui ont été exercées contre les ministres du culte !

Je n'ai pas, messieurs, à défendre ici le régime de Guillaume, pas plus que je n'ai à défendre le ministre Van Maanen ; je laisse ce soin à l'honorable M. de la Coste qui a été son collègue. (Interruption.)

M. de la Coste. - Je demande la parole. (Interruption.)

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est une tâche que je n'entreprendrai pas, je ne connais du reste pas suffisamment les faits pour m'en expliquer.

Mais je constate une chose, c'est que très peu de faits ont été cités. L'ou nous a parlé d'un jugement qui a été réformé et d'une décision rendue par le tribunal d'Audenarde. Voilà les seuls actes que l'on ait trouvés dans une période de 15 ans. Eh bien, je le demande, cela autorise-t-il à crier à la persécution ? Et remarquez que rien ne prouve que le jugement du tribunal d'Audenarde ait fait une fausse application de la loi. Ou ne nous a pas fait connaître les faits sur lesquels il a été porté ; et le jugement, en déclarant qu'il n'était pas nécessaire, pour tomber sous l'application de l'article 201, de citer la loi ou l'arrêté qu'on censure ou critique, n'a fait que consacrer un principe d'une incontestable vérité.

Depuis 1830 que s'est-il passé ? Veut-on reprocher au gouvernement un seul abus ? Pas un ; on n'a pas essayé de le faire. Le gouvernement n'a pas poursuivi une seule fois pour les attaques dirigées contre lui. Les abus de ce chef ne sont donc pas à craindre et il y a une raison péremptoire, à mon avis, pour que ces abus ne puissent se produire. Il y a contre l'abus une garantie dans nos institutions, et c'est là ce que l'on méconnaît. Si nos institutions ne nous donnaient pas de garantie contre les abus, nous n'aurions pas lieu d'en être fiers ! C'est donc là qu'est votre garantie : les abus ne sont pas possibles d'une manière sérieuse dans notre régime, et c'est ce qui fait la bonté de notre organisation.

Nos institutions consacrent la puissance de l'opinion qui se manifeste par la presse, par les Chambres, par des élections répétées à des époques rapprochées. Voilà, messieurs, où est l'obstacle aux abus.

Cette garantie n'existe pas, quand les abus se produisent de la part du clergé, et c'est pour cela que nous avons besoin de beaucoup moins de précaution vis-à-vis du gouvernement que nous n'en avons besoin vis-à-vis de l'autorité religieuse.

L'action sociale se fait sentir tous les jours sur le gouvernement ; il ne peut y échapper ; et le clergé y échappe complétement. La société est complétement impuissante vis-à-vis de lui. Et c'est pour cela que quand l'honorable M. de Decker me disait hier que je devais appliquer au clergé le raisonnement que j'applique au pouvoir civil, que les abus qui tournent contre celui qui les commet ne sont pas à craindre, il me faisait une objection qui n'était pas juste ; en effet les abus tournent contre le gouvernement qui les commet parce que le pays immédiatement réagit contre le gouvernement ; mais le pays ne peut pas réagir d'une manière efficace contre l'autorité religieuse quand celle-ci commet des abus.

L'autorité religieuse ne puise pas sa force dans le pays, elle est complétement indépendante de la nation, elle n'obéit pas à l'impulsion du pays ; elle n'est pas soumise à son action. L'autorité religieuse est soumise aux ordres d'une puissance étrangère ; c'est à celle-ci qu’elle doit se soumettre. Cela est tellement vrai qu'aujourd'hui, d'après les faits que nous voyons tous les jours, ce sont ordinairement les ministres du culte les plus militants qui sont le plus en faveur, ce sont précisément ceux qui sont les plus portés à commettre les faits dont nous voulons la répression, qui ont le moins à redouter l'autorité ecclésiastique supérieure.

L'honorable M. de Decker me posait hier la question de savoir si, quand des observations avaient été faites à l'autorité religieuse par l'autorité civile, il n'y avait pas été fait droit. Dans les faits dont j'ai eu l'honneur de vous entretenir, je vais trouver la réponse.

Ainsi que je vous l'ai dit, un ministre du culte a été condamné en 1849 par le tribunal de Huy pour avoir critiqué et censuré les actes du conseil communal et du bureau' de bienfaisance. M. D'Anethan avait demandé son déplacement. Eh bien, en parcourant la Belgique judiciaire, j'ai trouvé que deux ans après le même ministre du culte, d'ans la même commune, a été condamné à un mois de prison pour calomnie envers le bourgmestre.

Un mot maintenant quant à l'article 298 du projet, sur la suppression duquel nous ne sommes pas d'accord avec quelques-uns de nos honorables amis.

Messieurs, nous avons réduit les faits incriminés à la lecture qui se fait en chaire des mandements, et nous l'avons fait, non pas que nous regardions la disposition primitive du projet comme inconstitutionnelle, mais dans notre système il y a une corrélation intime entre les articles en discussion et les dispositions qui défendent toute espèce de trouble dans l'église.

Nous n'avons donc voulu incriminer que les faits qui se rattachent d'une manière complète à l'exercice même du culte ; la lecture des mandements est dans ce cas.

D'un autre côté nous ne croyons pas que la distribution des mandements imprimés ait les mêmes inconvénients que leur lecture. Le mandement imprimé ne s'adresse qu'à ceux qui savent et qui veulent lire. L'affiche, l'impression ménagent la conscience et le recueillement de ceux qui ne savent ou ne veulent pas lire.

Quant à l'amendement de l'honorable M. Dumortier, je dois dire que je n'en comprends pas la portée. Il tend à mettre les ministres du culte sut la même ligne que l'orateur qui porte la parole dans d'autres réunions. Si l'honorable membre veut de ce système, il doit le vouloir complet et placer les fidèles sur la même ligne que les spectateurs, les auditeurs des réunions artistiques, philosophiques, littéraires et autres ; mais il se gardera de le demander.

Quant à l'amendement de l'honorable M. De Fré, il consiste à ajouter à l'article 295, après les mots : « actes de l'autorité publique, » ceux-ci : « et auront ainsi empêché, retardé ou troublé les cérémonies ou tes exercices religieux du culte.» Messieurs, j'eusse compris un pareil amendement à l'article 150. En effet, un individu peut outrager un objet du culte ; et ceux qui font partie de la procession peuvent passer sans faire attention à l'outrage. Il y a dans ce cas outrage, mais cet outrage peut ne pas avoir retardé, empêché, troublé l'exercice du culte. Mais je ne comprends pas cette disposition appliquée au ministre du culte en chaire.

L'honorable M. De Fré admet qu'on ne peut pas l'interrompre, mais quand donc y aura-t-il eu empêchement, retard ou trouble ? Est-ce que le discours constituera à lui seul le retard, l'empêchement ou le trouble ? Alors l'amendement est inutile.

Si le simple fait de critiquer et de censurer est un retard, est un empêchement, est un trouble, alors je dis que l'amendement ne change absolument rien à l'article.

Si le retard, le trouble, l'empêchement ne résident pas du discours en lui-même alors l'amendement est, d'une manière détournée, la suppression de l'article.

Du reste, ainsi que je l'ai dit dernièrement, j'eusse désiré que l'honorable M. De Fré eût développé son amendement pour qu'il me fût possible de m'en expliquer pertinemment vis-à-vis de la Chambre ; en tous cas, à en juger d'après le texte, il est de toute évidence qu'il est inutile ou bien que c'est la suppression de l'article.

M. De Fré. - J'en ai été empêché par un rappel au règlement. Je me suis fait inscrire et je compte entrer dans quelques explications.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je n'accuse pas l'honorable M. De Fré, je me borne à constater un fait. Il est possible que je ne saisisse pas le sens de l'amendement, mais ainsi que je viens de le dire, il me paraît d'une application impossible, ou bien il dit ce que dit l'article 295 tel qu'il est proposé.

Je termine, messieurs ; j'ai fait tout ce qui a dépendu de moi pour conserver à cette discussion son véritable caractère, c'est à-dire son caractère juridique.

Je regrette que mes adversaires ne m'aient pas imité et qu'ils aient fait de la disposition proposée une question politique et aient cherché à agiter le pays en nous accusant de violer la Constitution, d'attenter à la liberté, en nous prédisant des maux incalculables comme l'a fait l'honorable M. de Decker. Je dirai à cette occasion à l'honorable M. de Decker ma pensée tout entière sur ce point : il y a quelque chose de beaucoup mieux à faire que prédire les malheurs qui peuvent naître de nos divisions, c'est de rechercher les causes de ces divisions, c'est de les prévenir. Cela est beaucoup plus méritoire et beaucoup plus utile au pays. Je crois qu'en ce moment l'honorable M. de Decker marche en sens inverse du but qu'il poursuit. La source de nos divisions, je ne me suis jamais fait illusion un seul jour à cet égard, la source de nos divisions est précisément dans l'intervention continuelle, permanente, profonde du clergé dans nos affaires politiques.

Eh bien, au lieu de faire disparaître cette cause de division et d'agitation, vous voulez ouvrir la porte plus large à l'abus que je signale, vous trouvez qu'on ne fait pas assez pour son influence en lui abandonnant le domaine de la morale et de la religion, vous semblez croire qu'il lui faut la domination politique, voilà comment vous marchez contre le but que l'honorable M. de Decker veut atteindre.

Aussi, de tous ces débats, de l'importance qu'on leur a donnée, de la (page 613) vivacité qu'on y a mise il résulte pour moi que la question entre vous et nous n'est pas une question constitutionnelle, une question de liberté religieuse, que le dissentiment est ailleurs et où on ne l'avoue pas.

Nous voulons, nous, qu'il ne tombe de la chaire que des paroles de paix et de consolation, qu'elle ne soit qu'un instrument de moralisation ; vous voulez, vous, que ce soit un instrument politique.

M. de Naeyer. - Messieurs, je n'ai pas la prétention de répandre de nouvelles lumières sur une question qui a été si longuement débattue devant vous, mais j'espère que la Chambre voudra me permettre de lui présenter quelques considérations pour motiver mon vote et pour en préciser la signification.

Je voterai contre les propositions du gouvernement pour deux motifs, d'abord parce que malgré la longue argumentation de l'honorable ministre de la justice, j'ai la conviction intime que ces dispositions sont contraires à l'esprit de notre Constitution, qu'elles sont incompatibles avec le système de libertés fondé par le Congrès ; ensuite parce que ces dispositions me paraissent évidemment basées sur un principe qui a pour conséquence d'attribuer à l'Etat une véritable suprématie en matière de dogme et de morale. (Interruption.)

Messieurs, c'est ma conviction ; je crois qu'il est permis de s'exprimer franchement et de dire ce qu'on pense.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est ici le lieu.

M. de Naeyer. - C'est ici aussi que j'use de mon droit.

Je parle d'une suprématie non pas au point de vue de l'autorité, c'étaient là les discussions du moyen âge, mais au point de vue de l'enseignement religieux, et cette monstruosité est évidente puisqu'il résulte des dispositions proposées, que le domaine de l’enseignement religieux pourra être circonscrit, limité par un acte quelconque d'une autorité quelconque, lors même que cet acte serait illégal ou inconstitutionnel.

Messieurs, l'opinion que je viens exposer devant vous est le résultat d'un examen sérieux et consciencieux, c'est l'expression d'une conviction intime et profonde et je ne reconnais à personne le droit d'en contester ni la sincérité ni la parfaite loyauté.

Ou s'est étonné hier de l'importance que nous attachons à cette discussion. Quant à moi, je ne m'étonne pas de cet étonnement. Je vais dire pourquoi : C'est que l'expérience m'a appris que certaines personnes ont l'habitude de s'étonner, de s'indigner même de toute opposition à leurs idées.

On nous dit : « Mais où est donc cette grande question que vous vous obstinez à débattre ? Voulons-nous innover ? Mais non ; il s'agit de maintenir des dispositions qui comptant dix lustres d'existence, et de les maintenir en y apportant des tempéraments. »

Je me bornerai, à cet égard, à faire remarquer qu'il y a une énorme différence entre laisser dormir du sommeil de la vieillesse certaines dispositions pénales d'un Code suranné dont la révision est formellement ordonnée, et entre réveiller ces mêmes dispositions pour leur donner une consécration nouvelle et une nouvelle vie dans un Code réformé dont la durée est illimitée. Voilà ma seule réponse à des reproches injustes, pleins d'amertume et de fiel.

L'honorable ministre de la justice est entré dans de très longs développements, il a invoqué la doctrine et la jurisprudence pour prouver que la Constitution n'a pas abrogé l'article 201 du Code pénal. Je ne m'attacherai pas à une réfutation en détail, cela serait trop long, mais le défaut général des arguments qui ont été produits est de résoudre la question par la question ; ita quia ita.

Cependant admettons gratuitement le bien jugé de ces décisions invoquées, est-ce que cela tranche la question ? Ne savons-nous pas que les tribunaux sont extrêmement rigoureux quand il s'agit de prononcer l'abrogation implicite d'une loi ?

Il faut pour cela qu'il y ait incompatibilité absolue entre la disposition nouvelle et la disposition ancienne ; il ne suffit pas que l'ancienne législation ne se trouve pas en harmonie complète avec l'esprit de la législation nouvelle. M. le ministre de la justice nous a cité un exemple à cet égard ; il nous a dit qu'une commission, nommée par le Congrès et composée de jurisconsultes, avait été unanimement d'avis que la Constitution n'avait pas abrogé les lois antérieures sur la presse. Direz-vous cependant, M. le ministre, que toutes ces lois antérieures étaient en parfaite harmonie avec l'esprit de la Constitution ?

Pourquoi le Congrès nous a-t-il imposé le devoir de réviser le Code pénal ?

Parce qu'il savait que certaines dispositions, non abolies peut-être de plein droit, ne seraient plus en concordance parfaite avec le nouvel ordre de choses.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Certaines dispositions.

M. de Naeyer. - C'est ce que je dis.

Je fais cette observation pour établir que ce n'est pas dans cette jurisprudence dont on a parlé si longuement que nous avons à puiser nos inspirations pour accomplir l'œuvre que nous avons à accomplir aujourd'hui ; nous devons remonter plus haut, nous avons à chercher nos inspirations dans la pensée qui animait le Congrès, pensée résultant de l'ensemble des actes qu'il a posés.

Messieurs, mon intention n'est pas de me lancer dans un dédale de citations ; il m'importe assez peu de savoir ce que tel ou tel membre a (page 63) dit, je m'attache à une seule et unique question : Qu'est-ce que le Congrès a dit ? Car enfin il a parlé en termes clairs et formels, et je demande à mes honorables adversaires une seule chose, c'est de croire à la parole du Congrès et de ne pas ériger leur sagesse au-dessus de la sagesse de cette assemblée immortelle.

Le texte de la Constitution dans son ensemble, voilà incontestablement le moyen employé par le pouvoir constituant pour nous manifester sa volonté que nous ne saurions environner de trop de respect. Or, quand nous lisons l'article 14 de la Constitution, n'est-il pas clair comme le jour que la liberté religieuse a été proclamée comme une conséquence de la liberté de manifester ses opinions en toute matière, et je dirai en passant que si la liberté religieuse a obtenu, dans cet article, les honneurs d'une mention spéciale, c'est parce qu'elle avait eu le plus à souffrir de l'intolérance et du despotisme du gouvernement précédent.

En inscrivant la liberté philosophique et la liberté religieuse dans un même article, en consacrant les deux libertés dans les mêmes termes, le Congrès a voulu nécessairement établir entre elles un lien indissoluble et une complète solidarité, et en cela il a fait preuve d'une profonde sagesse, car si le philosophe ne peut pas attaquer la liberté religieuse, sans frapper du même coup la liberté qui lui est particulièrement précieuse, c'est à-dire celle de manifester sa pensée en toute matière ; et si, d'un autre côté, le croyant ne peut en rien ébrécher la liberté philosophique, sans voir en même temps échapper de sa main une parcelle de la liberté religieuse qui lui est chère, alors il y a, pour le maintien des deux libertés, une garantie que j'appellerai formidable dans cette communauté d'intérêts ; voilà l'œuvre du Congrès, ayant pour conséquence immédiate, incontestable, que les deux libertés, quant aux abus qu'elles font naître, ne peuvent être soumises qu'à un seul et même régime de répression.

Si vous établissez des répressions exceptionnelles contre l'une d'elles, l'équilibre est rompu et la communauté d'intérêt, la garantie par excellence établie par le Congrès est détruite.

Voilà le vice radical de votre loi, elle soumet la liberté religieuse à un régime de répression qui n'atteint point la liberté philosophique ; la pensée fondamentale du Congrès est renversée, son système de garantie révélant une si profonde sagesse est sapé par la base.

Ce que je viens de dire est pleinement confirmé par l'article 16 de la Constitution ; la corrélation de cet article avec l'article 14 est évidemment celle-ci.

L'article 14 consacre le principe de la liberté religieuse, et l'article 16 détermine et règle certains cas d'application qui doivent nous servir de jalons pour guider notre marche dans la confection des lois ; ils nous font voir comment le Congrès entendait la liberté religieuse, comment nous devons l'entendre comme législateurs dans les cas non spécialement réglés par lui.

La liberté religieuse pour lui est notamment que l'Etat ne peut intervenir en rien dans la nomination des ministres des cultes ; la liberté religieuse pour lui, c'est que les ministres des cultes ont le droit de correspondre librement avec leurs supérieurs, n'importe où ceux-ci résident ; la liberté religieuse pour lui, c'est que pour la publication des actes des supérieurs ecclésiastiques, il n'y a pas d'autre responsabilité que la responsabilité ordinaire ; d'où nous législateurs, voulant rester fidèles à la pensée du Congrès, devons conclure a fortiori que pour la prédication ordinaire ayant certainement une importance moindre que les actes des supérieurs ecclésiastiques, il ne peut y avoir d'autre responsabilité que la responsabilité ordinaire.

Mais, nous dit-on, il pourrait en être ainsi, si les ministres des cultes se renfermaient dans le domaine religieux, s'ils ne se livraient pas à la critique d'actes appartenant au domaine politique.

Mais, messieurs, le Congrès ne savait-il pas que les actes des supérieurs ecclésiastiques pourraient contenir des critiques ou des censures de cette nature ? Quel était le but des anciennes restrictions pénales ? C'était sans aucun doute d'empêcher la censure des actes de l'autorité civile ; or, le Congrès connaissait parfaitement ces antécédents, il avait sous les yeux toutes les anciennes dispositions restrictives et cependant il les a abolies, et cependant il n'a fait aucune de toutes ces distinctions subtiles qui surgissent maintenant, il n'a pas voulu autre chose que la responsabilité ordinaire dans tous les cas.

Maintenant permettez-moi d'arrêter encore votre attention sur l'article 16.

Je crois qu'on n'a pas assez remarqué que cet article s'applique uniquement et exclusivement aux ministres des cultes considérés en quelque sorte comme les organes et les instruments de la liberté religieuse ; toutes les dispositions servent uniquement à régler leurs droits et leurs devoirs comme ministres des cultes, leurs droits et leurs devoirs comme citoyens sont transcrits dans d'autres articles.

Ainsi quand il est parlé dans l'article 16 de la publication des actes des supérieurs ecclésiastiques, il s'agit uniquement de cette publication faite par les ministres des cultes. Or, à cet égard l'article 16 contient deux choses savoir : 1° autorisation pleine et entière pour les ministres des cultes de publier les actes des supérieurs ecclésiastiques, et 2° pour la législature défense formelle de les soumettre de ce chef à une responsabilité autre que la responsabilité ordinaire en matière de presse et de publication ; eh bien, comment interprète-t-on aujourd'hui cette disposition ? On prétend que cette disposition ne s'applique pas à la (page 614) publication dans les assemblées des fidèles, pour laquelle on veut une responsabilité spéciale. Le Congrès a beau se servir des termes les plus généraux, n'importe, on y apporte des restrictions, ou ne veut pas croire à toute la parole du Congrès ; probablement on trouve que la majorité du Congrès, qui représentait l'union des catholiques et des libéraux, a été trop loin. Mais enfin ne perdez pas de vue que le Congrès s'adresse ici uniquement aux ministres des cultes et qu'il lui eût été impossible de leur dire plus explicitement :

« Je vous autorise de la manière la plus générale à publier les actes de vos supérieurs. Jamais aussi longtemps que ma volonté sera maintenue, vous ne pourrez être soumis de ce chef à aucune responsabilité autre que la responsabilité ordinaire. » Et l'on veut que cela ne s'applique pas à la publication dans l'assemblée des fidèles ! Mais enfin n'est-ce pas une règle de jurisprudence et de bon sens en même temps, qu'un législateur portant une disposition quelconque a principalement en vue les cas d'application les plus habituels, qui peuvent se présenter le plus fréquentent ? Or, il s'agit ici d'actes de supérieurs ecclésiastique à publier uniquement par les ministres des cultes ; quel est donc en pareil cas le mode de publication ordinaire, normal, généralement usité au moins 99 fois sur 100 ? Mais n'est-ce pas la publication dans l'assemblée des fidèles, n'est-ce pas même la seule passible pour les ministres des cultes agissant en cette qualité ? Et précisément l'article 16 ne s'occupe d'eux qu'en les considérant comme ministres des cultes. Ce mode de publication n'est-il pas encore le seul possible relativement aux fidèles illettrés ?

Est-ce que par hasard le Congrès ne savait pas tout cela ? Aussi en autorisant la publication des actes des supérieurs ecclésiastiques par les ministres des cultes, il a eu en vue principalement la publication dans les églises et les temples, et l'on prétend aujourd'hui exclure de la volonté du Congrès, ce que cette volonté renferme avant tout et surtout ! En vérité cela n’est ni sérieux ni raisonnable.

On nous a objecté en ricanant : Vous voulez donc que les ministres puissent publier les actes des autorités ecclésiastiques partout, même à l'audience d'un tribunal ? Mais non, mille fois non. Nous admettons avec l'article 16 les restrictions ordinaires et de droit commun, qui suffisent pour empêcher la réalisation de toutes ces suppositions ridicules ; mais nous voulons qu'au moins la publication à faire par les ministres des cultes puisse être opérée dans les lieux spécialement affectés à cette destination.

Remarquez maintenant que cette jurisprudence longuement invoquée par M. le ministre de la justice ne dit rien à l’encontre de l'opinion que je viens d'émettre. En effet, dans toutes les affaires décidées par les tribunaux il s'agissait de sermons prononcés par des curés.

Les tribunaux ont fait l'application de l'article 201 du Code pénal, mais ils n'ont jamais décidé que l'article 204 n'était pas abrogé ; j'irai plus loin, je dirai qu'il y a une jurisprudence en sens inverse, une juridiction implicite. On a fait grand bruit il y a deux à trois ans de certaines circulaires épiscopales, on a dit qu'elles critiquaient d'une manière très amère, très acerbe, peu convenable les actes de l'administration civile. Dans cette Chambre plusieurs membres ont ouvertement blâmé ces critiques ; si je ne me trompe, on les a qualifiées d'attaques inouïes contre l'autorité civile, mais il n'est venu à l'idée de personne de poursuivre les auteurs en vertu de l'article 204.

Quoi qu'il fût parfaitement connu que ces circulaires avaient été lues aux prônes, on n'y a vu aucune violation de loi, et cependant l'opposition de cette époque ne faisait, pour ainsi dire, que parler de violation de loi. C'était son thème favori. Si elle-même n'avait pas considéré l'article 204 comme abrogé, elle n'aurait pas manqué d'exploiter ce grief contre le ministère, composé alors des adversaires politiques de la majorité actuelle.

Il est donc évident que l'article 16 a été considéré comme ayant rendu impossible la répression spéciale contre les actes de supérieurs ecclésiastiques, même lus dans une assemblée de fidèles. Sous ce rapport l’inconstitutionnalité du projet est palpable, tous les arguments tirés de la jurisprudence sont sans application et le texte de la Constitution suffit pour détruire toutes les subtilités et distinctions qu'on a fait valoir en sens contraire.

Mais s'il en est ainsi, incontestablement, pour les actes des supérieurs ecclésiastiques, pouvons-nous, en révisant le Code pénal d'après l'esprit de la Constitution, maintenir des répressions spéciales contre les abus de la prédication, ordinaire, contre les sermons des ministres des cultes d'un rang inférieur ? La négative me paraît évidente ; s'il y avait lieu de créer ici un délit spécial, ce serait à raison de l'autorité morale dont les ministres des cultes sont revêtus.

Or, pour les actes des supérieurs ecclésiastiques, émanant d'une autorité plus grande, la création d'un délit spécial est interdite par la Constitution ; serait-il donc raisonnable de décréter des pénalités exceptionnelles pour des faits d'une importance moindre, qui sont bien moins graves sous le rapport du trouble possible pour l'ordre public, par cela même qu'ils sont revêtus d'une autorité moins imposante ?

Ce serait d'ailleurs le renversement de la règle qui veut que s'il y a des faveurs ce qui n'est guère compatible avec un régime d'égalité, elles soient accordées aux faibles plutôt qu'aux forts. Enfin il reste toujours vrai que toute répression spéciale en cette matière renverse de fond en comble la solidarité, la communauté d'intérêts entre toutes les libertés relatives à la manifestation de la pensée !

Je crois avoir démontré clairement que cette solidarité, cette communauté d'intérêts sont l'idée fondamentale de l'article 14 de la Constitution, c'est en quelque sorte la base de l'édifice de nos libertés les plus essentielles, à laquelle nous devons éviter soigneusement de porter la moindre atteinte. Je n'en dirai pas davantage sur la question de constitutionnalité, et ces considérations suffisaient sans doute pour justifier mon opposition et aux propositions du gouvernement et à tous les amendements. La Constitution dans son esprit n'admettant évidemment qu'un système commun de répression quant aux abus pour toutes les libertés relatives à la manifestation de la pensée, nous devons nous soumettre à cette volonté du Congrès dans la révision du Code pénal, lors même qu'il pourrait en résulter certains inconvénients ; mais j'ajouterai quelques considérations pour prouver que ces prétendus inconvénients, qu'on a exagérés d'une manière incroyable, n'ont rien de sérieux et que le droit, commun qui, est seul constitutionnel, est aussi bien suffisant pour satisfaire à toutes les exigences raisonnables et légitimes.

L'éternel argument présenté par les partisans de la loi exceptionnelle est celui-ci : le curé parle seul dans l'église. S'il critique les actes du gouvernement ou des autorités, on ne peut pas lui répondre, C'est un privilège injuste ; il faut donc que cette critique soit interdite. Voilà l'argument qui vous a été présenté sous mille formes, car c'est toujours dans ce cercle qu'on a tourné. On a appelé cette liberté de censure et de critique dans un lieu où la réponse n'est pas permis ; une espèce d'inviolabilité dont le ministre du culte seul serait investi, voyons si cela est vrai.

Vous savez que tout conseil communal a le droit de rendre ses séances publiques, hors les cas prévus par la loi ; eh bien, supposons un conseil communal hostile tout entier au clergé de la commune, c'est possible ; ce conseil peut fort bien faire affluer vers ses séances un concours considérable en mettant à l'ordre du jour un objet qui excite, éveille la curiosité publique, par exemple, en l'assaisonnant d'un peu de clérical ; supposons donc ce conseil délibérant en présence d'une partie considérable de la commune.

Supposons, en outre, que le bourgmestre ou un autre membre du conseil communal, sous prétexte que la conduite du clergé est d'intérêt communal, juge convenable de se livrer, à cet égard, à des critiques très acerbes, même de décocher des traits ironiques, de lancer des épigrammes plus ou moins spirituelles contre les dogmes et la morale précitées par le ministre du culte, sera-t-il permis à celui-ci de répondre pendant la séance ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il aura des amis.

M. de Naeyer. - Mais non ; il n'en a aucun dans le conseil.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Cela pourrait justifier peut-être les critiques dont il serait l'objet.

M. de Naeyer. - Là n'est pas la question. Je vais vous prouver que la loi que personne ne critique punit le ministre du culte qui voudrait répondre ; car le bourgmestre, qui a la police de l'assemblée, ne manquerait pas de lui refuser la parole ; et si, s'appuyant sur ce prétendu droit tant vanté ici par MM. les ministres de pouvoir répondre immédiatement partout où on est critiqué ou censuré, il s'obstinait à vouloir parler, qu'arriverait-il ? Mais il arriverait que M. le curé serait considéré comme ayant doublé l'ordre des délibérations et qu'il serait expulsé, en vertu de l'article 72 de la loi communale, avec plus ou moins de forme, ce qui dépendrait de la politesse du garde champêtre.

Est-ce tout ? l'expulsion serait-elle le dernier mot ? Non, car ce même article 72 de la loi communale ajoute qu'en pareil cas :

« Le président peut en outre, dresser procès-verbal à charge du contrevenant et le renvoyer devant le tribunal de simple police, qui pourra le condamner de un à 15 francs ou à un emprisonnement de un à trois jours sans préjudice d'autres poursuites, si le fait y donne lieu. »

Ainsi M. le curé pourrait aller apprendre sous les verrous que ce prétendu droit commun de pouvoir répondre immédiatement partout où ou est attaqué, n'existe réellement que dans l'imagination des défenseurs du projet de loi actuel.

M. de Theux. - Il en est de même dans l'enceinte des tribunaux.

M. de Naeyer. - C'est évident, je pourrais citer une foule de cas analogues : ab uno disce omnes.

Messieurs, on ne peut pas répondre à un sermon dans l'église et on appelle cela un inviolabilité exorbitante ! Cela est-il bien sérieux ? Mais mon Dieu, cette prétendue inviolabilité est excessivement éphémère, car ne peut-on pas répondre immédiatement après le sermon ? Ne peut-on pas répondre devant l'opinion publique, qui juge sévèrement, et je l'en félicite, le prêtre qui, sans nécessité, traite en chaire des questions appartenant aussi au domaine politique, ne peut-on pas répondre par la voie des journaux qui ont bien autrement de retentissement que les paroles prononcées du haut de la chaire d'une modeste église de village ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - On défend de les lire.

M. de Naeyer. - Eh mon Dieu ! ne disiez-vous pas aussi l'autre jour que les curés portent atteinte à la liberté de danser en prêchant contre la danse ? Ceci me rappelle qu'on niait un jour le mouvement devant un ancien philosophe ; que fit celui-ci ? il haussa les épaules.

Eh bien ! nos villageois prouvent souvent par un argument de même nature que leur liberté de danser n'est pas atteinte par les sermons du curé, et s'ils s'en abstiennent par des motifs de conscience, cela ne nous (page 615) regarde pas. Ou ne soutiendra pas sans doute que la conscience porte atteinte à la liberté, car la liberté sans la conscience, savez-vous ce que c'est ? C'est une monstruosité morale que la corruption humaine peut produire, mais qui est en dehors de la toute-puissance divine.

Est-ce tout, messieurs ? sont-ce là les seules garanties contre les abus ? Mais non ! si le prêtre se permet de dire un mot, de faire un geste qui soit de nature à porter atteinte à la considération du conseil communal ou d'une autorité quelconque, il est passible d'une peine même correctionnelle aux termes du nouveau Code que nous discutons.

Car, et c'est une chose à laquelle ou ne fait pas assez attention, le Code que nous faisons contient de notables améliorations ; en ce qui concerne la répression de la calomnie et de l'injure, nous créons des garanties bien plus efficaces pour réprimer les abus de la parole et pour protéger l'honneur et la considération des citoyens et surtout des corps constitués. Pour vous en convaincre il suffirait de lire les article 514 à 533 inclusivement du projet amélioré.

Ainsi suivant le Code actuel, pour qu'il y ait injure passible de peines correctionnelles, il faut l’imputation d'un vice déterminé, suivant les articles 521 et 523 du nouveau projet, lorsque les choses se passent en public, toute parole, tout geste, toute expression quelconque portant atteinte à l'honneur ou à la considération d'un citoyen ou d'une autorité constituée, est considérée comme une injure punissable devant le tribunal correctionnel, et il y a une aggravation de peines aux termes de l'article 524, lorsque l'injure est proférée contre une autorité.

Ainsi l'honorable M. Rogier vous citait de cas d'un prêtre qui, lors des élections de décembre 1857, avait proféré des paroles outrageantes pour le gouvernement et n'avait été condamné qu'à une peine de simple police.

Eh bien, d'après notre nouveau Code, ce prêtre eût été passible d'une peine correctionnelle parce que l'injure avait été publique, et la peine eût été plus forte encore si l'injure était tombée du haut de la chaire ; le juge, dans ce dernier cas, n'eût pas manqué d'attacher une aggravation de peine à l'aggravation du délit.

Il en eût été de même pour l’affaire de Boitsfort comme pour celle dont on vient de vous parler et qui a eu lieu dans la province de Liège. Dans ces deux cas, en effet, il y a eu injure, manque d'égard envers les administrations communale, et le juge est investi d'un pouvoir discrétionnaire pour déterminer quand il y a atteinte à la considération, c'est-à-dire aux égards dus à l'autorité. On trouve donc dans le droit commun toutes les garanties désirables.

Je ne vois donc pas la nécessité de la pénalité exceptionnelle que vous proposez ; et je vous demande si en présence de toutes ces garanties que vous possédez, il n'y a pas une incroyable exagération à venir prétendre ici que désormais, sans l'adoption des propositions du gouvernement, les conseils communaux seraient livrés à la merci du clergé, et que pour remplir les fonctions dont s'agit on ne trouverait plus que des hommes esclaves du clergé, ou des hommes violents et passionnés, animés d'intentions hostiles envers le clergé, et que les hommes vraiment indépendants et modérés se retireraient, ne voulant pas être persiflés à tous moments et attaqués impunément dans la chaire même en présence de leur famille. Ce sont là des exagérations qu'on a répétées à satiété et qui sont dénuées de tout fondement.

Comment ! il n'y a plus de garanties pour les conseils communaux contre les abus du clergé. Mais n'avons-nous pas des juges en Belgique, qui, en vertu du droit commun, sont investis du pouvoir de réprimer, par des peines même correctionnelles toutes les atteintes quelconques portées à la considération due aux autorités constituées ? Comment donc prétendre que les autorités pourront être bafouées impunément ? C'est une exagération incroyable, et en employant de pareils arguments on prouve que la cause qu'on défend est bien mauvaise. Les dispositions du droit commun qui seront considérablement renforcées par le nouveau Code et dont l'application est confiée à une magistrature parfaitement indépendante, seront certainement suffisantes si l'on ne veut que la répression des abus réels. Les dispositions proposées ne peuvent servir qu'à humilier le clergé en le plaçant sous un régime de suspicion exceptionnel et à renouveler le système de tracasseries pratiqué sous le gouvernement hollandais et qui a laissé de si tristes souvenirs dans nos provinces.

Messieurs, j'aurais à présenter encore beaucoup de considérations, surtout pour prouver que le principe servant de base aux propositions du gouvernement a pour conséquence d'attribuer à l'Etat une véritable suprématie eu matière d'enseignement religieux, opinion qu'il me serait bien facile de justifier, mais cette discussion ayant déjà duré assez longtemps, il me répugne de la prolonger beaucoup ; d'un autre côté j'éprouve un désir très vif d'entendre parler le brillant orateur qui est inscrit après moi. Je me borne donc à ces observations que je crois suffisantes pour motiver mon vote négatif.

M. Malou. - Je comprends l'impatience de la Chambre de clore ce débat. Je m'attacherai à le résumer plutôt qu'à l'étendre. Si je prends encore la parole, sans espoir de changer les convictions déjà formées, c'est que je tiens à rétablir devant le pays, qui est notre juge à tous, quel est le véritable sens de la proposition que j'ai eu l'honneur de soumettre à la Chambre.

Messieurs, nous sommes en présence de quatre systèmes différents.

Le Code pénal de 1810 revu, quelque peu corrigé, et un peu augmenté par le gouvernement.

Je ne parle plus que pour mémoire du système de la commission. Elle avait cherché à mettre le droit commun en harmonie avec nos institutions ; mais aucun membre de la majorité n'a reproduit la proposition qu'elle avait faite. Je crois qu'elle doit passer aux oubliettes parlementaires.

Il y a en troisième lieu la thèse absolue de ceux qui croient, comme mon honorable ami M. Je Naeyer, qu'il ne peut être établi aucune disposition en dehors du droit commun.

Enfin il y a ma proposition dont, voici le sens en deux mots : Nous voulons la répression de l'abus, mais nous ne voulons aucune atteinte à la liberté ; nous disons que la lettre et l'esprit de la Constitution ne permettent rien de plus.

C'était une tentative de conciliation ; ma proposition, si elle n'était pas susceptible d'être admise par la majorité dans les termes où je l'ai proposée, pouvait du moins servir de point de départ pour formuler une loi qui réunît dans la Chambre une grande majorité mixte.

Me suis-je fait illusion ? En aucune manière. J'ai voulu indiquer quel était réellement le but, quelle pensée devait constitutionnellement être inscrite dans notre législation ; je n'ai pas cru qu'une tentative de conciliation pût réussir aujourd'hui. Si j'avais eu les illusions, elles auraient été de bien courte durée, car immédiatement l'honorable M. Verhaegen, l'honorable M. Jouret me disaient : La gauche est parfaitement compacte pour voter le projet de loi.

Et le lendemain de ce jour, lorsque vous voyez, sur les bancs de la droite, les uns s'attacher exclusivement au droit commun, les autres chercher des formules de conciliation, lorsqu'on déclare que la gauche est homogène et compacte, c'est le lendemain de ce jour que M. le ministre des finances n'hésite pas à venir nous accuser de faire de cette loi une question de parti, une manœuvre de parti,

Messieurs, s'il y a une manœuvre de parti, elle existe de la part de ceux qui, ayant fait dans la commission, comme majorité, une tentative pour se rapprocher de la Constitution de 1830 l'abandonnent sans discussion ; de la part de ceux qui proclament la gauche, comme parti, homogène pour voter ce que veut le gouvernement.

Cette tentative, cette manœuvre de parti, on va, dit-on, la rendre ridicule. On va la rendre ridicule en disant que le Code pénal existe et qu'il s'agit d'un petit règlement de police.

Voilà, messieurs, les deux seuls arguments qui ont été produits d'une voix très éloquente et très convaincue, mais que, je l'avoue, ne m'ont pas paru des raisons démonstratives, quoique très énergiquement exprimées.

Le Code pénal existe. Existe-t-il en entier ? C'est la question ; c'est précisément ce que nous discutons depuis quinze jours. C'est une étrange théorie que celle des lois qui existent. L'abrogation directe d'une loi, dans l'histoire de la législation de tous les peuples, est la très rare exception, il n'y a pas une loi sur mille qui soit formellement abrogée par une autre.

Le droit romain, les capitulaires de Charlemagne, nos anciennes coutumes, nos anciennes lois, rien n »a été expressément abrogé, et devant les tribunaux, comme dans les assemblées politiques, la question se présente presque toujours de savoir si une loi est implicitement abrogée soit par une organisation politique nouvelle, soit par des lois contraires dans l'ordre civil.

II y a donc, comme vous le disait tout à l'heure mon honorable ami M. de Naeyer, une différence énorme entre une disposition qui existe, qui dort dans le Code de 1810 et une disposition que l'on vous propose de voter, de renouveler sous la Constitution de 180, à laquelle on vous propose de donner une existence permanente dans nos lois.

On nous dit : cette question de constitutionnalité que vous faites si grosse par une manœuvre de parti, il vous a fallu bien du temps pour vous en apercevoir. Rien n'est plus facile à expliquer. Et je demanderai, par exemple, si nous sommes coupables de ce chef, comment M. le ministre de la justice peut être innocent, lui qui a proposé à la Chambre, sur l'avis d'une commission composée de magistrats, des dispositions relatives aux lettres pastorales, et a reconnu, longtemps après, que ces dispositions étaient inconstitutionnelles.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je n'ai pas reconnu cela du tout.

M. Malou. - L'interruption est curieuse. Cet article 301, s'il n'est pas inconstitutionnel, pourquoi donc le retirez-vous ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Parce qu'il n'est pas nécessaire.

M. Malou. - On a reconnu que les amendements, en tant que publications d'actes, devaient rester dans le droit commun, et on l'a reconnu, après que la commission avait fait son rapport, après que M. le ministre de la justice avait présenté le projet et après que la commission de la Chambre avait terminé son examen.

D'ailleurs, je ne comprends pas en réalité la valeur de l'argument. Je ne sais pas s'il y a une préemption, s’il y a une exception quant aux questions de constitutionnalité. Je crois qu'une question de constitutionnalité peut être soulevée dans tous les temps, que ce n'est pas une (page 616) exception qui doit être opposée, comme on le disait dans mon jeune temps, in limine litis.

L'histoire contemporaine nous offre un fait frappant. Les 40,000 lois, décrets et arrêtés qui forment notre législation, sont un arsenal dans lequel tout le monde puise.

En 1834, un ministre de la justice a cru que la loi de vendémiaire an VI, sur l’expulsion des étrangers, était compatible avec notre droit constitutionnel, mais il s'est élevé une grande clameur dans cette Chambre et dans le pays, et bientôt on en est venu à faire une loi qui conciliait nos institutions nouvelles avec les garanties dues aux étrangers.

La loi de vendémiaire an VI fut abrogée. On ne s'aperçoit des lois mauvaises que lorsqu'il en est fait abus on lorsqu'il s'agit de les renouveler.

Messieurs, un autre argument m'a singulièrement surpris On veut faire, dit-on, au clergé, cette position de lui bâtir des presbytères, de lui donner des traitements, de grever en sa faveur le contribuable, et tout cela pour aboutir à ce que l'autorité civile vienne, chapeau bas, subir la censure du clergé.

Messieurs, c'est la première fois, je crois, que cet argument se produit. Après que la révolution eut dissipé, en quelques années, les biens donnés au clergé par la piété de nos pères, on a reconnu qu'il fallait désormais donner au prêtre, par le budget, le moyen d'exister. Mais jamais, jusqu'à présent, on n'avait dit qu'en acceptant cette faible indemnité que presque tous nos curés partagent avec les pauvres, il vendait en même temps son âme, sa conscience et sa liberté.

Si telle devait être l'interprétation du budget des cultes, je n'hésite pas à le dire, le clergé serait le premier à vous répondre : Plutôt la misère que de perdre la liberté, que de perdre le droit.

On parle des libéralités de l'Etat ; le Moniteur, en décembre 1857 par exemple, publiait ces arrêtés de subsides aux églises, c'était à qui louerait l'immense générosité de MM. les ministres. Messieurs, il me semble que les catholiques payent le budget comme les autres ; et si j'examine la vérité des faits, lu Belgique presque tout entière est catholique ; un grand nombre même de ceux qui dans l'ordre politique se disent libéraux, sont catholiques pratiquants ; ils payent leur culte ; ils le payent de cette manière ou d'une autre.

Messieurs, certaines personnes croient que les catholiques doivent payer en double l'enseignement ; un enseignement qui se donne contre eux, et un enseignement qui se donne pour eux.

Cette manière de pratiquer la liberté, dans un autre ordre, me paraît très injuste et je voudrais bien qu'on pût nous débarrasser de ce mode-là.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Nous en prenons acte.

M. Malou. - C'est pour cela que je le dis.

Messieurs, l’article que nous discutons contient les mots « critique et censure ». Mais le long commentaire donné à cet article par les orateurs que nous avons entendus est directement en opposition avec le texte. Ainsi l'on répète toujours : Le prêtre ne sera puni que lorsqu'il sort de sa mission, lorsqu'il s’occupe de choses étrangères au culte, lorsqu'il traite des matières politiques. Mais encore une fois, le texte dit précisément le contraire.

Est-ce que le juge, en matière pénale, doit appliquer les avis émis dans les discussions ou doit-il appliquer le texte ? Il applique le texte, et le texte porte que, quel que soit l'acte d'une autorité publique, même dans l'ordre des intérêts moraux et religieux, la simple critique, la simple censure de cet acte, lorsqu'elle est un devoir pour le prêtre, sera punissable. Le texte de votre loi atteint donc la liberté légitime et blesse le droit : c'est pourquoi je n'en veux pas.

Certains commentaires sont réellement incroyables. Je regrette que l'honorable M. Lelièvre ne soit pas ici, mais il a été jusqu'à dire que les mots « critique et censure » s'appliquaient à l'éloge.

S'il existait un jour, car le ministère actuel peut n'être pas immortel, s'il existait un ministère catholique, si un curé en faisait l'éloge en chaire, l'article lui serait applicable. Tel est l'avis de l'honorable M. Lelièvre. Un texte qui porte que la critique ou la censure des actes du gouvernement par les membres du clergé sera punie, défend selon les commentateurs, de faire même l'éloge du gouvernement.

En matière pénale, les lois doivent être précises ; je pourrais être moins exigeant, et demander que les lois soient sérieuses.

Une définition, et une définition précise est d'autant plus nécessaire qu'il s'agit ici de délits d'ordre public. En principe général, l'intention coupable, mauvaise, doit exister pour qu'il y ait lieu à répression. Mais en matière de délits d'ordre public il n'en est pas ainsi, à moins d'une disposition expresse de la loi.

Et, en effet l'atteinte à l'ordre public est portée par le fait seul, quand même il n'y aurait pas eu intention mauvaise. C'est pour ce motif qu'il m'a paru essentiel d'insérer dans l'article les mots « attaques méchantes ».

M. le ministre de la justice, oubliant un moment le sérieux de sa position, a retourné l'argument et a dit que les attaques méchantes pour un acte relatif au domaine religieux seraient donc permises. Si je prenais un à un tous les articles du Code pénal pour raisonner a contrario, il n'eu est pas un seul auquel je ne pusse appliquer l'argument de M. le ministre de la justice. Un pareil argument n'a jamais eu la moindre valeur en matière pénale.

Messieurs, trois objections ont été faites contre mon amendement. M. le ministre de la justice a reproduit tout à l'heure la première de ces objections qui avait été présentée par l'honorable M. Lelièvre ; elle consiste à dire que tous les actes de la vie humaine se rattachent à la religion et à la morale.

M. Devaux. - Aux intérêts de la religion ou de la morale.

M. Malou. - C'est ainsi que je l'entends.

Il est évident en fait, et je vous le démontrerai par les actes qu'on a cités, qu'il n'en est nullement ainsi.

Supposons un instant qu'au lieu de l'article « critique ou censure », ou de l'article 201 du Code pénal actuel, la disposition que j'ai eu l'honneur de vous soumettre eût été inscrite dans le Code pénal ; je me demande ce qui serait arrivé pour l'affaire de Boitsfort, pour les deux jugements rendus par le tribunal de Huy, et pour les trois jugements que M. le ministre de la justice a eu l'obligeance de me communiquer tout à l'heure, c'est l'application de mon amendement prise en quelque sorte sur le fait. Eh bien, dans ces six affaires, la seules que je connaisse, il s’agissait d'objets complétement étrangers aux intérêts de la religion et de la morale ; et si mon amendement avait existé comme loi, il aurait reçu par les tribunaux son application à tous les faits, qui seuls sont connus de la Chambre.

Je vais plus loin ; je dis que si l'article « critique ou censure » était appliqué d'une autre manière, il y aurait persécution, abus du droit. Ainsi, quand vous inscrivez les mots « critique ou censure » dans la loi, vous allez au-delà des nécessités mêmes qui ont été reconnues par l'expérience que vous invoquez ; vous allez au-delà de ce qui est le droit et l'intérêt du gouvernement.

Messieurs, comme deuxième objection, on a dit : « La même difficulté se présentera dans la pratique ; les juges auront à apprécier si le discours du ministre du culte est étranger aux intérêts de la religion ou de la morale. » On ajoute : « L'article est donc vague. »

Si l'article était vague, il serait vague au profit de la liberté, tandis que le vôtre est vague contre la liberté.

Mais je dis que l'article n'est pas vague. Dans toute disposition pénale, il y a à faire l'application du principe aux faits ; vous ne pouvez pas résoudre par une loi toutes les hypothèses qui peuvent se présenter devant les tribunaux.

Mais c'est tout autre chose de dire : « La simple critique ou censure, même dans les limites de votre devoir, est un fait punissable, eussiez-vous les meilleures intentions du monde » que de dire : « le juge aura à apprécier si, oui ou non, le discours est étranger aux intérêts de la religion ou de la morale. »

Messieurs, on a objecté que toutes les questions se rattachent directement ou indirectement aux intérêts de la morale ; les avocats, a-t-on ajouté, prétendront cela. Messieurs, nous savons par expérience que les avocats peuvent prétendre tout ce qu'ils veulent ; mais ce qu'il faut, c'est que la disposition soit telle que loyalement les juges aient à statuer sur l'appréciation des faits, sur le maintien du droit.

Ainsi, un curé se plaint de la distribution de l'affouage, de la répartition de la taxe personnelle ; il se plaint des charges que le budget communal fait peser sur les habitants ; il se plaint dans les termes des six affaires qui nous sont connues ; eh bien, chaque fois, il est sorti de son domaine, et chaque fois il eût été puni d'après la disposition que j'ai proposée.

Il s'ensuit que, sous le régime de cette disposition, les bourgmestres ne seraient pas aussi malheureux que l'honorable M Frère paraissait le croire dans la séance d'hier ; qu'ils seraient, au contraire, très efficacement protégés.

Je dirai avec mon honorable ami, M. de Naeyer, qu'il n'en sera pas de même des curés, quant au domaine religieux, car les bourgmestres pourront impunément, sans avoir rien à craindre, discuter, même le dogme et la morale religieuse, dans le conseil communal, et sous ce rapport, c'est une liberté excessivement partiale que celle que nous établirions aujourd'hui.

En résumé, que désirons-nous ? C'est que l'abus soit réprimé. Nous avons, pour désirer la répression des abus, un intérêt bien supérieur au vôtre ; car chaque fois que de pareils abus sont commis, ils le sont au préjudice des intérêts que nous avons surtout à cœur de sauvegarder.

Mais ce que nous ne voulons pas, ce contre quoi nous lutterons toujours, c'est que grâce à des définitions vagues, alors que la loi ne dit clairement ni ce qu'elle commande, ni ce qu'elle défend, ni ce qu'elle punit, la liberté soit, à chaque instant, étouffée, le droit sans cesse paralysé ; nous voulons sauver le droit ; nous ne voulons légitimer aucun abus.

« Il ne s'agit, dit-on, que d'un petit règlement de police du culte ; il faut qu’il y ait là-dedans une manœuvre de parti, pour qu'on donne de pareilles proportions à ce débat. » Et l'honorable ministre des finances qui nous fait cette objection, nous dit, un instant après, que la question de savoir où finit et commence le domaine des deux puissances, agite le monde depuis des siècles et se représente sans cesse. C'est donc en vain que l'on essayerait d'amoindrir la portée de cette discussion pour n'y voir qu'une affaire de règlement de police.

Non, ce débat a sa grandeur, sa raison d'être. L'éducation politique de ce pays est assez avancée pour ne pas s'y méprendre. Tout le monde (page 617) a compris, en dehors de cette Chambre et dans cette enceinte, qu'il ne s'agit pas de quelques dispositions de police, ;mais de savoir si nous resterons fidèles aux principes de la Constitution de 1830, si nous maintiendrons les droits de la conscience, les droits de la liberté, même lorsqu'il s'agit des curés.

L'honorable ministre disait hier : Ce que vous faites, c'est un appel à la révolte du clergé. Aujourd'hui, l'honorable ministre de la justice disait à son tour ; Ce que vous voulez, c'est le despotisme du clergé ; ne savez-vous pas que l'origine de toutes nos luttes, de toutes nos divisions, c'est l'intervention du clergé dans nos affaires politiques ? Messieurs, la vérité des faits est celle-ci : le clergé se voit disputer à chaque pas quand il ne demande qu'à remplir dans sa plénitude sa mission sociale, soit dans la chaire, soit dans l'enseignement, soit dans la charité ; le clergé, dis-je, se voit disputer à chaque pas sa part de cette liberté qui devrait être le patrimoine incontesté de tous les Belges. (Aux voix ! aux voix l la clôture !)

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, c'est un sous-amendement que je veux présenter ; je n'ai que quelques mois à dire.

Ainsi que je l'ai déclaré au commencement de ces débats, il y a une corrélation intime entre les dispositions des articles 149 et 150 du projet, qui garantissent la liberté religieuse et l'article 295 qui garantit la liberté et l'indépendance du pouvoir civil. Quand j'ai déposé la dernière rédaction, j'ai copié, quant à la peine, le texte primitif qui punit les troubles ou empêchements à l'exercice du culte d'un emprisonnement de huit jours à un an, La Chambre, sur la proposition de la commission, a réduit cette peine de 8 jours à 3 mois.

La corrélation existant dans les faits, doit exister aussi dans les pénalités ; comme la pénalité primitivement proposée contre les troubles apportés à l'exercice du culte a été diminuée par la Chambre, je propose de réduire également les peines comminées par l'article 295, et de fixer la durée de l'emprisonnement de 8 jours à 3 mois, et l'amende de 26 à 500 francs.

- Un membre. - Le principe reste le même !

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Le principe reste le même. La corrélation est complète. Des devoirs analogues réciproques sont imposés aux fidèles et aux ministres du culte ; la même peine doit frapper les infractions aux dispositions de la loi, commises soit par les fidèles soit par les ministres du culte.

- Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix ! la clôture !

M. de la Coste. - J'ai demandé la parole pour un fait personnel. Je ne sais pourquoi l'un des ministres m'a mis en cause, moi qui ne prenais aucune part au débat ; si maintenant je demeurais silencieux, on ne manquerait pas de dire qu'en prononçant le mot de Van Maanen le ministre m'a cloué sur mon banc.

Messieurs, il y a maintenant près d'un demi-siècle que j'ai été appelé à entrer dans la carrière publique : un décret de l'empereur Napoléon de 1809 m'a nommé auditeur au conseil d'Etat, tandis que j'étais encore sur les bancs de l'école de droit de Bruxelles.

Je ne prétends pas raconter cette longue carrière et ce n'est pas à moi à la juger ; je me permettrai seulement de dire que j'ai toujours cherché à remplir mon devoir, à prévenir les vexations, à défendre la justice et la tolérance.

J'ai été le collègue de M. Van Maanen, je ne viendrai pas expliquer quelle était alors la forme du gouvernement que vous avez renversé parce qu'il ne vous présentait pas les garanties du gouvernement parlementaire avec la responsabilité des ministres et la solidarité des cabinets.

j'ai été le collègue de M. Van Maanen ! mais qu'est-il arrivé ? Immédiatement après la révolution, je rentrai à Bruxelles aussitôt que je l'ai pu honorablement ; j'avais à traverser les barricades, et partout je n'ai trouvé que des mains amies qui serraient la mienne.

Peu de temps après, pendant une course que je fis à Aix-la-Chapelle, j'ai été élu au Sénat ; j'ai décliné cet honneur, parce que ce fut vers cette époque que le roi les Pays-Bas rejeta le traité ; je n'ai pas cru qu'en ce moment ce fût ma place au Sénat ; mais, quoi qu'il en soit, est-il arrivé souvent qu'un ministre d'un gouvernement déchu ait été élu spontanément dans la capitale du nouvel Etat formé sur les débris de l'ancien, quand la révolution était encore flagrante ?

Pour ne pas prolonger cet incident, je m'en tiens à ce témoignage.

M. B. Dumortier. - C'est très vrai ; quand la députation est revenue de la Haye, elle a dit qu'elle avait trouvé dans M. de la Coste un cœur vraiment belge !

M. le président. - M. Dumortier, vous n'avez pas la parole.

- Un grand nombre de voix. - La clôture ! la clôture !

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je n'ai voulu rien dire de désagréable pour M. de la Coste ; j'ai voulu seulement faire entendre que si Van Maanen avait été un ministre comme on l'a dépeint, M. de la Coste ne serait pas resté dans le même cabinet que lui.

- Un grand sombre de voix. - La clôture ! la clôture !

M. De Fré. - Je demande la parole contre la clôture !

Messieurs, je me suis fait inscrire à la suite de différents orateurs de mes amis qui, dans leurs discours, ont critiqué les propositions que j'avais émises. Je suis le seul de mon parti qui voterai contre l'article 295 ; il m'importe donc d'expliquer cette attitude ; je demande à la Chambre la permission de le faire.

- Un grand nombre de voix. - Parlez ! parlez !

M. le président. - La Chambre paraît disposée à entendre M. De Fré ? (Oui ! oui !)

Mais cela ne suffit pas, il faut que les orateurs inscrits avant lui consentent à lui céder leur tour de parole. M. Moncheur consent-il à céder son tour de parole à M. De Fré ?

M. Moncheur. - J'y consens bien volontiers.

M. le président. - La parole est à M. De Fré.

M. De Fré. - Messieurs, je dois dire à la Chambre qui m'écoutera, je l'espère, avec bienveillance, comment il arrive que je sois le seul de mon parti qui vote contre l'article 295 : c'est que les idées que j'ai soutenues ici, je les avais développées longtemps avant d'entrer dans cette enceinte. Toujours j'ai professé la liberté la plus large, le libéralisme le plus large et, certes, je ne suis pas venu ici pour renier ce passé, pour renier cette foi si vive que j'ai toujours eue dans la liberté.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ni nous, ni nos amis ne renions notre passé.

M. De Fré. - Personne plus que moi, messieurs, n'a combattu plus vivement l'intervention du prêtre catholique dans la politique, et l'abus qu'il a fait parfois des choses spirituelles pour envahir et dominer les choses temporelles ; mais il y a une grande différence entre combattre l'usage qu'on fait d'un droit et contester les droits de ceux que l'on combat. Voici, messieurs, ce que j'écrivais, en 1851, dans ma brochure : De l'influence du dogme catholique sur la politique nationale.

« Laissez le clergé maître chez lui. N'allez pas dans son église, dresser en face de sa chaire religieuse, votre chaire politique, ni opposer la langue de la philosophie à la langue de son bréviaire. Ne cherchez pas à intervenir dans des questions de dogme, tels que refus de recevoir les morts à l'église ou refus de célébrer le mariage religieux ; mais à votre tour ne souffrez pas que le clergé entre dans l'école, pour y juger l'enseignement de l'histoire, de la littérature et de la philosophie, ses ennemis qu'il ne peut que maudire. Le dogme catholique n'a rien à y voir. Ne le laissez pas maître de diriger la bienfaisance sociale. Quand la société civile, qui doit admettre tous les cultes, voudra secourir un hérétique qui a faim, le dogme, qui n'admet qu'un culte et est intolérant, viendra y faire obstacle. »

Voilà le libéralisme que je défendais !

Lorsqu'il s'est agi plus tard des lettres pastorales, j'ai répondu aux évêques sur cette étrange intervention dans l'enseignement de l'Etat. J'ai combattu leurs critiques, mais je n'ai pas contesté leur droit ; je n'ai pas voulu les envoyer en prison.

En 1856, dans ma brochure : De l'Intolérance catholique, chacun a pu lire :

« Et devant cette émotion que la lettre pastorale produit dans le pays tout entier, la presse catholique se dresse avec orgueil pour lui jeter, comme un défi, cette question à la face : L'épiscopat n'a-t-il pas le droit d'exprimer sa douleur ? Sa bouche n'est-elle pas ouverte pour tout critiquer, pour tout abîmer, selon l'esprit de l'Eglise ? Certes ce n'est pas moi, MM. les évêques, qui soutiendrai que vous n'avez pas le droit de tout dire, de tout faire. Votre considération personnelle, vous avez le droit d'en user et d'en abuser, comme le premier citoyen peut user et abuser de sa santé et de sa fortune. L'autorité morale dont vous êtes investi, pour maintenir la paix parmi les hommes, vous avez le droit de la livrer, comme instrument de bataille, pour le triomphe de votre politique ; vous avez le droit de la jeter dans l'arène passionnée des partis, comme autrefois Brennus jeta son épée dans le plateau de la balance. »

Dans la discussion parlementaire qui a suivi ces lettres pastorales de 1856, lues au prône des églises, l'honorable M. Rogier disait :

« Les mandements de deux de nos évêques ont eu un grand retentissement, je ne les examinerai pas ici dans tous les principes qu'ils posent Je ne veux pas contester aux évêques le droit qu'ils refusent à d'autres, de manifester librement leurs opinions en toute matière. »

Dans cette même séance, celle du 21 novembre 1856, cet honorable collègue disait encore :

« Certes, je ne viens pas, loin de moi cette pensée, conseiller au gouvernement de déférer à la justice civile les mandements des évêques, ce qui n'empêchera pas les journaux inspirés par les évêques de dire demain que M. Rogier a demandé que les évêques fussent traînés devant les tribunaux de la Belgique. Je ne demande pas cela.

« Je suis convaincu que les évêques croient remplir leur devoir et usent de leur droit en recommandant les établissements qu'ils patronnent ; Dieu me préserve de conseiller au gouvernement ce moyen de répression très légitime de particulier à particulier, mais je dirai comme M. le ministre de l'intérieur : En matière gouvernementale, nous avons de plus vastes horizons.

« Anathémiser les établissements de l'Etat, ce droit-là est reconnu et toléré en Belgique. »

Et' quand j'ai fait, en cette matière, dans cette Chambre, une distinction entre la Belgique et la France, je puisais cette distinction dans le discours de l'honorable M. Rogier lui-même.

« Peut-être, disait M. Rogier, que dans un pays voisin, qu'on nous a cité autrefois comme modèle en matière d'enseignement, une pareille (page 618) invasion sur le domaine de l'enseignement de l'Etat ne serait pas tolérée avec la même indulgence. Mais nous sommes en Belgique, nous jouissons de la liberté d'opinion, nous la maintenons pour tout le monde ; et nous ne contestons pas aux évêques le droit d'imprimer et de publier leurs opinions en toute matière. ». (Annales parlementaires, 185, p. 65.)

M. B. Dumortier. - Ah ! ah ! voilà !

M. De Fré. - Et ne l'oubliez pas, il s'agissait de discours lus en chaire, de pastorales lues au prône des églises, le dimanche qui a suivi leur publication, fait que l'article 295 doit punir.

Ce discours, messieurs, m'a pleinement fortifié dans mes principes ; il a servi à consolider ma conviction. Les lettres pastorales dont il s'agissait alors attaquaient des administrations publiques et elles ont provoqué les protestations des conseils communaux d'Ypres et d'Alost. Elles attaquaient énergiquement l'enseignement donné par l'Etat ; elles censuraient, elles critiquaient le gouvernement. Eh bien, que disait-on alors ? On disait que les évêques avaient la liberté en toutes matières ; et en même temps on réclamait la même liberté pour les philosophes. C'est dans la même discussion où la gauche défendait les droits du professeur vis-à-vis de l'orthodoxie et qu'on justifia M. Laurent d'avoir attaqué la divinité du Christ, non pas qu'on admettait la doctrine de M. Laurent, mais on défendait son droit comme M. Rogier reconnaissait le droit pour le clergé de critiquer et de censurer. C'est dans cette même séance que fut développé le système que je patronne ici. Ce n'est pas moi qui ai changé d'avis.

Ou reconnaissait que cette doctrine pouvait avoir des conséquences fâcheuses, mais on ne la déclarait pas moins constitutionnelle.

C’'est avec ce large système de liberté, que je suis intervenu dans ce débat, et ce sont là les vrais principes du libéralisme, ceux que la gauche parlementaire défendait en 1856, avec tant de conviction. J'ai donc cru que devant les membres qui siègent au banc ministériel, je pouvais sans danger défendre ce système, exprimer cette pensée.

A la séance du 22 décembre dernier, j'ai le premier, ici, combattu la disposition de l'article 295 et j'ai enveloppé dans les mêmes attaques, au nom des mêmes principes, l'article 150 qui punit les outrages par paroles aux objets du culte. Je ne voulais ni du privilège pour le culte catholique ni de la proscription pour ses ministres, mais la liberté. Quel a été mon désir ? Je voulais voir mes honorables amis de la gauche adopter l'amendement de la commission ; je voulais comme condition de délit, non la simple censure, mais des attaques méchantes. Si l'on avait mis comme condition du délit l’attaque méchante, ainsi que la commission l'avait d'abord proposé, j'aurais voté l'article 295. L'attaque méchante constitue seule l'abus de la liberté, mais la simple critique ou censure ne constitue pas, selon moi, un abus.

Messieurs, la Chambre est fatiguée ; j'écarte donc de mon discours tout ce que je comptais dire encore sur cette importante question. Je le regrette, cependant, car j'aurais voulu pouvoir justifier complétement la ligne de conduite que je suis en cette circonstance ; je le regrette d'autant plus que j'avais à ma disposition de nombreux documents qui vous eussent prouvé que la doctrine dont je me suis constitué le défenseur, est la vraie doctrine libérale et qu'elle a été soutenue dans tous les temps par tous les philosophes.

C'est cette doctrine qui après 89 et avant l'arrivée de Bonaparte, était inscrite dans les lois. Le décret rendu le 7 vendémiaire an IV par la Convention, que certes on ne peut pas accuser de cléricalisme, que se propose-t-il ? Il organise la police des cultes. Eh bien, il consacre la liberté du prêtre et ne punit que l'abus de cette liberté ; il indique tous les cas dans lesquels le prêtre peut être puni, et tous ces cas sont manifestement des cas de droit commun. (Voir les articles 22 et suivants de ce décret.)

Mais je dois glisser là-dessus et je n'ai plus qu'un mot à dire en ce qui concerne mon amendement.

D'après l'article 149 qui a été voté, celui qui trouble les cérémonies du culte dans l'église est puni ; celui qui, en dehors de l'église, outrage un objet du culte, est aussi puni. Quelle est la pensée du législateur ? Est-ce de protéger le prêtre ? Non ! c'est de protéger le libre exercice du culte qui est un droit constitutionnel et que vous devez garantir.

Vous n'avez pas de faveur à accorder au prêtre ; vous n'avez pas de restriction à apporter à sa liberté. La loi ne doit s'occuper que d'une chose : garantir à tout le monde le libre exercice du culte, comme elle doit garantir à tous la liberté de la presse, la liberté d'association, la liberté d'enseignement.

Vous n'avez pas à voir si le prêtre dit telle ou telle parole ; il use de sa liberté ; mais vous devez intervenir quand ces paroles troublent les cérémonies du culte. Ainsi, si le prêtre prêche et si par ses censures il trouble la cérémonie, s'il porte atteinte au libre exercice du culte, il doit être puni, mais si en censurant et en critiquant, il ne trouble pas l'exercice du culte, la loi, d'après moi, ne peut pas l'atteindre. Mon amendement est donc le corollaire de l'article 149.

J'ai l'espoir, si vous admettez mon amendement, et si vous introduisez ainsi dans l'article 295 la condition de trouble, de voir introduire la même condition dans l'article 150 qui punit, sans qu'ils aient troublé la cérémonie, les outrages par paroles aux objets du culte.

Messieurs, j'ai admiré hier un magnifique mouvement de colère de M, le ministre des finances. Lorsqu'il bondissait sur la droite, il s'est tourné vers moi et a voulu broyer, sous les éclats de sa foudre, ma parole trop vive et trop franche. « Malheureux, s'est-il écrié ! qui défendez la liberté et l'égalité. » Oui, malheureux ! Malheureux ceux qui défendent ici avec trop d'enthousiasme le magnifique élan de 1830. Je suis coupable d'avoir parlé avec trop d'enthousiasme de la liberté et de l'égalité que nous ont conquises à tous, les hommes de 1830 !... Triste temps !...

Je ne crois pas, messieurs, qu'on unisse les partis avec la colère et la violence. Ce sont là les faux dieux du libéralisme.

Les hommes de 1830 avaient du cœur, et voilà pourquoi ils ont fait des choses immortelles. La violence et la colère sont des dissolvants ; et si M. le ministre des finances voulait inaugurer cette politique, au lieu d'être le sauveur du libéralisme, il en serait le mauvais génie.

- La clôture est demandée.

M. B. Dumortier. - Je demande la parole contre la clôture. (Interruption.)

- Plusieurs membres. - Non ! non ! la clôture !

M. B. Dumortier. - J'ai le droit de parler contre la clôture, et je demande que le règlement soit respecté.

Je demande que la Chambre m'accorde trois minutes pour lui expliquer les motifs qui m'engagent à retirer mon amendement.

- Plusieurs membres. - Aux voix ! la clôture !

D'autres membres. - Retirez votre amendement.

M. B. Dumortier. - Je ne veux pas paraître ridicule en retirant un amendement sans eu expliquer les motifs.

M. le président. - La clôture est régulièrement demandée, je dois la mettre aux voix. Si elle n'est pas prononcée, vous aurez la parole. Si elle est prononcée, vous devez vous soumettre à la décision de la majorité.

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

M. B. Dumortier. - Je retire mon amendement sans m'expliquer mais chacun saura pourquoi.


M. le président. - Nous avons l'amendement de M. De Fré, l'amendement de M. Malou, l'amendement de la commission et la proposition de M. le ministre, remplaçant le projet primitif. Je propose de voter d'abord sur l'amendement de M. Malou, qui s'écarte le plus des propositions du gouvernement.

Cet amendement est ainsi conçu :

« Tout ministre des cultes qui, par des discours en assemblée publique, dans l'exercice de son ministère, aura attaqué méchamment un acte de l'autorité publique étranger aux intérêts de la religion ou de la morale sera puni, etc. (Le reste comme à l’amendement de M. le ministre de la justice. »

- L'appel nominal est demandé.

Il est procédé à cette opération.

En voici le résultat :

98 membres répondent à l'appel nominal.

77 répondent non.

19 répondent oui.

2 (MM. de la Coste et Tack) s'abstiennent.

En conséquence, l'amendement n'est pas adopté.

Ont voté pour l'amendement : MM. Verwilghen, Coomans, de Decker, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, Desmet, de Theux, d'Ursel, Janssens, le Bailly de Tilleghem, Malou, Moncheur, Vanden Branden de Reeth et Vander Donckt.

Ont voté contre l'amendement : MM. Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Leempoel, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Vervoort, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, de Breyne, de Bronckart, H. de Brouckere, Dechentinnes, De Fré, de Haerne, Deliége, de Luesemans, de Moor, de Naeyer, de Paul, de Portemont, de Terbecq, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, Dolez, Dubus, B. Dumortier, H. Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Frison, A. Goblet, Godin, Grosfils, Jacquemyns, J. Jouret, M. Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, Laubry, Ch. Lebeau, J. Lebeau, Loos, Maghermau, Manilius, Mascart, Moreau, Muller, Nélis, Neyt, Notelteirs, Orban, Orts, Pierre, Pirmez, Pirson, Prévinaire, Rogier, Sabatier, Saeyman, Savait, Tesch, Thiéfry, Thienpont, Tremouroux, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom et Verhaegen.

- Les membres qui se sont abstenus, motivent en ces termes leur abstention :

M. de la Coste. - Messieurs, je n'ai pas voulu repousser l'amendement, parce que c'était une tentative de conciliation ; mais je n'ai pu l'admettre, parce que j'adopte le principe, que la loi générale suffit pour réprimer les délits des ministres des cultes.

M. Tack. - J'aurais voulu voter en faveur de l'amendement de M. Malou, parce qu'il contient ; certains égards, des garanties réelles au profit des ministres du culte contre l'arbitraire ; mais je n'ai pu m'y décider par la raison qu'il ne concorde pas au fond avec la thèse que j'ai défendue dans cette enceinte.


M. le président. - Nous passons au vote sur l'amendement de M. De Fré.

page 619) M. De Fré. - Je déclare retirer mon amendement, parce que j'ai vu, par le discours de M. le ministre de la justice, que, même s'il était admis, on n'arriverait pas à modifier l'article 116.

- Plusieurs membres. - On ne peut pas parler entre deux votes.


M. le président. - L'amendement est retiré. Il ne reste plus que la nouvelle rédaction proposée par M. le ministre de la justice.

M. de Theux. - Je demande la division. L'article commence ainsi :

« Les ministres des cultes qui dans des discours prononcés ou dans des écrits lus... »

Je demande qu'on vote séparément sur ces mots : « des écrits lus » qui s'appliquent à la lecture des mandements des chefs ecclésiastiques. Nous demandons la division et le vote par appel nominal.

M. le président. - La division étant demandée, je mets aux voix la partie de l'article 295 ainsi conçue :

« Les ministres des cultes qui, dans des discours prononcés dans l'exercice de leur ministère, et en assemblée publique, auront fait la critique ou censure du gouvernement, d'une loi, d'un arrêté royal ou de tout autre acte de l'autorité publique, seront punis d'un emprisonnement de- huit jours à un an et d'une amende de vingt-six francs a cinq cents francs. »

Il est procédé au vote par appel nominal :

En voici le résultat :

97 membres ont pris part au tore.

59 ont voté l'adoption.

38 ont voté le rejet.

En conséquence, cette partie de l'article est adoptée.

Ont voté l'adoption : MM. Vanderstichelen, Van Iseghem, Van Leempoel, Vervoort, Allard, Ansiau, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, de Breyne, de Bronckart, H. de Brouckere, Dechentinnes, Deliége, de Luesemans, de Moor, de Paul, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt. Dolez, Dubus, Frère-Orban, Frison, A. Goblet, Godin, Grosflls, Jacquemyns, J. Jouret, M. Jouret, Lange, Laubry, Ch. Lebeau, J. Lebeau, Loos, Manilius, Mascart, Moreau, Millier, Nélis, Neyt, Orban, Orts, Pierre, Pirmez, Pirson, Prévinaire, Rogier, Sabatier, Saeyman, Savart, Tesch, Thiéfry, Tremouroux, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom et Verhaegen.

Ont voté le rejet : MM. Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Coomans, de Decker, De Fré, de Haerne, de la Coste, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, dé Muelenaere, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Faignart, Janssens, Julliot, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Magherman, Malou, Moncheur, Notelteirs, Tack, Thienpont, Vanden Branden de Reeth et Vander Donckt.


- Il est procédé au vote, par appel nominal, sur la partie de l'article qui se compose des mots : « ou par des écrits lus ».

97 membres sont présents.

59 adoptent.

38 rejettent.

En conséquence, cette partie de l'article est également adoptée.

Ont voté l'adoption : MM. Vanderstichelen, Van Iseghem, Vin Leempoel, Vervoort, Allard, Ansiau, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, de Breyne, de Bronckart, H. de Brouckere, Dechentinnes, Deliége, de Luesemans, de Moor, de Paul, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, Dolez, Dubus, Frère-Orban, Frison, A. Goblet, Godin, Grosfils, Jacquemyns, J. Jouret, M. Jouret, Lange, Laubry, Ch. Lebeau, J. Lebeau, Loos, Manilius, Mascart, Moreau, Muller, Nélis, Neyt, Orban, Orts, Pierre, Pirmez, Pirson. Prévinaire, Rogier, Sabatier, Saeyman, Savart, Tesch, Thiéfry, Tremouroux, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom et Verhaegen.

Ont voté le rejet : MM. Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Coomans, de Decker, De Fré, de Haerne, de la Coste, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, B. Dumortier, H. Dumortier, d Ursel, Faignart, Janssens, Julliot, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Magherman, Malou, Moncheur, Notelteirs, Tack, Thienpont, Vanden Branden de Reeth et Vander Donckt.

Article 296

« Art. 296. Si le discours ou l'écrit contient une provocation directe à la désobéissance aux lois ou aux autres actes de l'autorité publique, ou s’il tend à soulever ou armer une partie des citoyens contre les autres, le ministre du culte qui l'aura prononcé ou lu, sera puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans, si la provocation n'a été suivie d'aucun effet ; et d'un emprisonnement d'un an à cinq ans. si elle a donné lieu à la désobéissance, autre toutefois que celle qui aurait dégénéré en sédition ou révolte. Le coupable sera de plus condamné à une amende de cent francs à cinq cents francs.

- Adopté.

Article 297

« Art. 297. Lorsque la provocation a été suivie d'une sédition ou révolte de nature à entraîner une peine criminelle, cette peine sera appliquée au ministre coupable de la provocation. »

- La commission ne propose pas de changement.

L'article 297 est adopté.

Articles 298 à 300

M. le président. - Le gouvernement propose de supprimer les articles 298, 299 et 300 qui sont les derniers du livre II, titre IV.

M. J. Jouret. - Mes honorables amis et moi, nous déclarons retirer la proposition que nous avions faite de maintenir ces articles.

M. le président. - La proposition est retirée ; il n'y a plus rien à mettre aux voix.

- La Chambre consultée, fixe sa prochaine séance publique à mardi 22 février, à 2 heures.

La séance est levée à 5 heures.