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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 12 février 1859

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)

(page 529) (Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Boe procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

- La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Boe présente l'analyse de la pétition suivante.

« Des débitants et consommateurs de sel raffiné prient la Chambre de rejeter la demande des sauniers ayant pour objet une nouvelle imposition de l'eau de mer employée dans le raffinage du sel. »

- Renvoi à la commission de l'industrie.

Motion d’ordre

M. H. Dumortier. - Depuis quelque temps la section centrale qui s'occupe de l'examen du projet de loi instituant une caisse de retraite en faveur des secrétaires communaux n'a pas été convoquée. Dans la seule séance qu'ait eue la section centrale, nous avons demandé au gouvernement des renseignements qui ont été communiqués, je crois, depuis une quinzaine de jours.

Je demande, pour que nous puissions voter cette loi dans le courant de la session actuelle, que M. le président veuille bien convoquer la section centrale.

M. le président. - Mon intention était de convoquer cette section centrale pour aujourd'hui.

Mais deux membres qui ont dû s'absenter m'ont témoigné le désir qu'elle ne fût convoquée que dans le courant de la semaine prochaine.

Du reste, le temps qui s'est écoulé n'a pas été perdu ; on a eu le temps nécessaire pour envoyer les renseignements demandés à tous les membres de la section centrale qui ont pu les examiner dans leur cabinet.

La section centrale sera réunie au commencement de la semaine prochaine.

Projet de loi révisant le code pénal (livre II, titre IV)

Discussion des articles

Titre IV. Des crimes et des délits contre l'ordre public, commis par des fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions, où par les ministres des cultes, dans l'exercice de leur ministère

Chapitre IX. Des infractions commises par les ministres des cultes dans l'exercice de leurs fonctions
Articles 295 et suivants

M. le président. - La discussion continue sur l'article 295.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je remarque dans ce débat le même abus de mots que celui que nous avons trouvé dans toutes les grandes discussions auxquelles nous nous sommes livrés avec nos adversaires.

Quand le gouvernement veut s'occuper d'enseignement, quand l'Etat veut procéder à l'organisation de ses établissements d'instruction tout en laissant au clergé la liberté la plus absolue de créer de son côté des établissements du même genre et comme il l'entend, ou nous dit que nous confisquons la liberté de l'enseignement.

Quand nous cherchons à prévenir les abus de la personnification civile, quand nous cherchons à entourer les fondations de garanties qui empêchent que l'état de mendiant et de vagabond ne devienne un métier lucratif, on nous dit que nous confisquons la liberté de la charité.

Quand nous venons aujourd'hui demander que les ministres du culte se renferment dans les limites de leur mission, quand nous venons demander qu'ils n'envahissent pas le domaine politique et qu'ils ne soumettent pas en chaire à leur critique et à leur censure le gouvernement et les actes de l'administration publique, on nous dit que nous confisquons la liberté religieuse.

C'est ainsi, messieurs, que l'Etat, le gouvernement qui ne demande qu'à n'être pas attaqué, est considéré comme l'agresseur.

Messieurs, serait-ce que nos adversaires ne voient que de la politique dans la religion ? ou bien serait-ce que l'on veut faire croire que l'opinion libérale a des sentiments hostiles aux principes que notre Constitution consacre et que personne plus que l'opinion libérale ne respecte ?

Je l'ignore ; mais, quoi qu'il en soit, je crois devoir établir le véritable terrain de la discussion, et, avant d'examiner les dispositions en elles-mêmes, faire connaître celles qui sont actuellement en vigueur.

Messieurs, ce que le ministre du culte fera, comme citoyen, tombera sous les règles générales qui gouvernent tous les citoyens. Ainsi, le ministre du culte écrira dans les journaux ; il prendra part à des associations ; il se rendra dans leurs réunions ; il y prendra la parole ; le ministre du culte, comme citoyen, jouira de toutes les libertés, de toutes les garanties dont tous les autres citoyens peuvent jouir, il se trouvera dans la même position qu'eux ; il ne sera soumis de ce chef qu'au droit commun, et je prouverai, du reste, tout à l'heure, que la disposition proposée contre les ministres du culte n'a aucun caractère exceptionnel.

Quand le ministre du culte s'occupera de matières religieuses, il jouira encore de la liberté la plus absolue et sera, dans l'exercice de son ministère, entouré de la protection de la loi ; sous ce rapport, aucune espèce d'entraves ne sera apportée à l'accomplissement de sa mission ; il ne peut donc pas s'agir d'atteintes portées à la liberté religieuse ; car, je le répète, ce n'est que quand le ministre du culte franchira les limites du domaine religieux que la loi trouvera son application.

Cela dit, voyons quelles sont sur ce point les dispositions de la loi actuelle.

La matière dont nous nous occupons est régie par les articles 201 à 208 inclus du Code pénal. L'article 201 porte :

« Art. 201. Les ministres des cultes qui prononceront, dans l'exercice de leur ministère, et en assemblée publique, un discours contenant la critique ou censure du gouvernement, d'une loi, d'un décret impérial ou de tout autre acte de l'autorité publique, seront punis d'un emprisonnement de trois mois à deux ans. »

Les articles 202 et 203 sont ainsi conçus :

« Art. 202. Si le discours contient une provocation directe à la désobéissance aux lois ou autres actes de l'autorité publique, ou s'il tend à soulever ou armer une partie des citoyens contre les autres, le ministre du culte qui l'aura prononcé sera puni d'un emprisonnement de deux à cinq ans, si la provocation n'a été suivie d'aucun effet ; et du bannissement, si elle a donné lieu à désobéissance, autre toutefois que celle qui aurait dégénéré en sédition ou révolte. »

« Art. 203. Lorsque la provocation aura été suivie d'une sédition ou révolte dont la nature donnera lieu contre l'un ou plusieurs des coupables à une peine plus forte que celle du bannissement, cette peine, quelle qu'elle soit, sera appliquée au ministre coupable de la provocation. »

L'article 204 s'occupe des critiques, censures et provocations dirigées contre les autorités publiques dans un écrit pastoral. Voici en quels termes l'article 204 est rédigé :

« Art. 204. Tout écrit contenant des instructions pastorales, en quelque forme que ce soit, et dans lequel un ministre du culte se sera ingéré de critiquer ou censurer, soit le gouvernement, soit tout acte de l'autorité publique, emportera la peine du bannissement, contre le ministre qui l'aura publié. »

Je passe aux articles suivants :

« Art. 205. Si l'écrit mentionné en l'article précédent contient une provocation directe à la désobéissance aux lois ou autres actes de l'autorité publique, ou s'il tend à soulever ou armer une partie des citoyens contre les autres, le ministre qui l'aura publié sera puni de la déportation.

« Art. 206. Lorsque la provocation contenue dans l'écrit pastoral aura été suivie d'une sédition ou révolte dont la nature donnera lieu contre l'un ou plusieurs des coupables à une peine plus forte que celle de la déportation, cette peine, quelle qu'elle soit, sera appliquée au ministre coupable de la provocation. »

Les articles 207 et 208 qui se rapportent aux correspondances que les ministres du culte pourraient entretenir avec les puissances étrangères sont conçus comme suit :

« Art. 207. Tout ministre d'un culte qui aura sur des questions ou matières religieuses entretenu une correspondance avec une cour ou puissance étrangère, sans avoir eu probablement informé le ministre de l'empereur chargé de la surveillance des cultes, et sans avoir obtenu son autorisation, sera, pour ce seul fait, puni d'une amende de cent francs à cinq cents francs, d'un emprisonnement d'un mois à deux ans. »

« Art. 208. Si la correspondance mentionnée en l'article précédent, a été accompagnée ou suivie d'autres faits contraires aux dispositions formelles d'une loi ou d'un décret de l'empereur, le coupable sera puni du bannissement à moins que la peine résultant de la nature de ces faits ne soit plus forte, auquel cas cette peine plus forte sera seule appliquée. »

Voilà, messieurs, les dispositions du Code actuel, comparons-les avec celles du projet.

L'art. 295 du projet prévoit le cas de critique et de censure faite soit dans des discours prononcés, soit par des écrits lus par le ministre du culte dans l'exercice de son ministère et dans des assemblées publiques. Il remplace à la fois l'article 201 en ce qui concerne les discours prononcés et l'article 204 en ce qui concerne les écrits pastoraux lus en chaire avec cette différence, quand à ce dernier point ; que l'article 204 du Code pénal actuel punit tout écrit concernant des instructions pastorales en quelque forme que ce soit et dans lequel un ministre du culte se sera ingéré de critiquer le gouvernement ou les actes de l'administration, tandis que le projet se borne à punir la lecture faite en chaire des écrits pastoraux qui contiendront ou critiques ou censures.

(page 530) L'article 296 est destiné à remplacer les articles 202 et 205 avec la différence que je viens de signaler que ce dernier article s'applique à l'écrit pastoral, tandis que le projet ne punit que la lecture en chaire.

L'article 297 remplace les articles 2035 et 206.

Les articles 207 et 208, relatifs aux correspondances que peuvent avoir les ministres d'un culte avec une puissance ou une cour étrangère sont supprimés comme étant contraires à l'article 16 de la Constitution Maintenant, quant aux pénalités, voici les différences qu'il y a entre le Code pénal actuel et le projet soumis à vos délibérations :

D'après le Code pénal actuel, la critique ou censure du gouvernement ou des actes de l'autorité est punie d'un emprisonnement de 3 mois à deux ans ; par le projet elle est punie d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende de 50 à 500 fr.

D'après le Code pénal, le discours qui contient une provocation à la révolte ou qui tend à armer les citoyens les uns contre les autres est puni d'un emprisonnement de 2 à 5 ans, si la provocation n'a été suivie d'aucun effet, et du bannissement, si la provocation a été suivie d’effet/

D'après le projet, la peine est de 6 mois à 3 ans, quand la provocation n'a pas été suivie d'effet et d'un an à 5 ans et d'une amende de 100 fr. à 500 fr., quand la provocation a été suivie d'effet.

D’après l'article 203 du Code, quand la provocation est suivie de révolte ou de sédition, le minimum est le bannissement ; d'après le projet, il n'y a lieu à appliquer de peines criminelles qu'autant que la sédition ou révolte entraîne elle-même une peine de cette nature.

D'après le Code, l'écrit contenant des instructions pastorales dans lequel un ministre du culte se sera ingéré de critiquer le gouvernement ou un acte de l'administration, donne lieu à la peine criminelle du bannissement. D'après le projet, la lecture en chaire de semblable écrit, lecture qui est seule peine, entraînera un emprisonnement de huit jours à un an et une amende de 26 à 500 fr.

Lorsque la lettre pastorale contient une provocation à la désobéissance aux lois, alors même que cette provocation n'est suivie d'aucun effet, le Code actuel prononce la peine de la déportation.

Le projet punit la lecture en chaire d'une semblable lettre d'un emprisonnement de six mois à trois ans.

Quand la provocation a été suivie d'effet, sans toutefois que la désobéissance aille jusqu'à la sédition ou la révolte, la peine, d'après le projet est de deux à cinq ans. Dans les deux cas l'amende est de 100 à 500 francs.

Lorsque la lettre pastorale contient une provocation qui est suivie de révolte ou de sédition, elle est punie, d'après le Code actuel, des peines qu'entraîne la révolte ou la sédition, « si ces peines sont plus fortes que celle de la déportation. »

D'après le projet, la lecture en chaire de semblable lettre pastorale est punie de la peine qu'entraîne la révolte ou la sédition.

Les articles 207 et 208 du Code, qui ne sont pas reproduits par le projet, punissaient le fait de la correspondance du ministre du culte avec une puissance étrangère d'une amende de 100 à 500 francs, et d'un emprisonnement d'un mois à deux ans.

La correspondance était punie du bannissement si elle était accompagnée ou suivie d'autres faits contraires aux dispositions d'une loi ou d'un décret impérial.

Ainsi, messieurs, comme vous le voyez, d'un côté les faits incriminés sont moins nombreux dans notre projet que dans le Code pénal actuel, et d’un autre côté les peines comminées en raison des faits qui restent incriminés sont notablement réduites.

Après vous avoir rappelé l'état actuel de la législation et l'avoir comparée avec les dispositions que nous vous avons soumises, la première question qu'il se présente est celle de la constitutionnalité des articles 295 et suivants que nous discutons, car il est bien certain que si le projet était contraire à l'une ou à l'autre disposition de la Constitution, nous devions nous arrêter et les rejeter. Mais, messieurs, si le projet est contraire à une disposition de la Constitution, il faut être d'accord que les articles du Code que le projet doit remplacer ont disparu, frappés du même vice le lendemain même de la promulgation de la Constitution et que, par conséquent, les articles 201 et suivants n'ont pas pu être appliques depuis 1831.

Je pense que personne ne contestera cela.

Plusieurs voix à gauche. - C'est clair !

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je vais donc examiner si, depuis 1831, ces dispositions ont été considérées comme abrogées, si ce caractère d’inconstitutionnalité dont on argumente aujourd'hui a jamais été admis par la doctrine ou par la jurisprudence. De tous les orateurs qui jusqu'à présent se sont occupés de la constitutionnalité des dispositions soumises en ce moment à la Chambre, il n'en est aucun qui, dans ce débat, ait apporté à l'appui de son opinion autre chose que le poids de sa propre autorité. J'ai entendu beaucoup d'affirmations ; j'ai entendu l'honorable M. Overloop affirmer, j'ai entendu l'honorable M. Tack affirmer, j’ai entendu l'honorable M. De Fré affirmer, j'ai entendu l'honorable M. Malou affirmer aussi ; mais aucun d'eux n'a cité jusqu'à présent ni auteur, ni jugement, ni arrêté qui ait admis le système dont tous ces honorables orateurs se constituent aujourd'hui les défenseurs.

Cependant il faut admettre que si, depuis 1830, des doutes réels s’étaient, élevés sur un point constitutionnel de cette importance, ils auraient fait l'objet des controverses sérieuses de la doctrine et auraient été soumises à la décision de nos tribunaux. Je n'hésite donc pas à le dire, depuis 1830, personne, ni autorité judiciaire, ni autorité administrative, ni autorité religieuse, ni les Chambres n'ont pensé que les articles 201 et suivants étaient contraires à la Constitution.

M. B. Dumortier. - On ne les a jamais appliqués contre le gouvernement, il n'y a pas eu de jugement.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je voudrais bien savoir ce qu'on entend par ces mots : « On ne les a jamais appliqués contre le gouvernement ». Je ne les comprends pas.

M. Rodenbach. - Aucun sermon n'a été poursuivi.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je m'étonne, messieurs, que des hommes qui sont depuis si longtemps membres de la législature se permettent d'affirmer certaines choses avec une aussi énorme légèreté. C'est une chose réellement incroyable d'entendre l'honorable M. Rodenbach et l'honorable M. Dumortier dire à côté de moi que cela n'a jamais été appliqué.

Messieurs, cela a été appliqué et a été souvent appliqué, et si cela n'a p a été appliqué plus souvent, d'où cela provient-il ? C'est que le gouvernement est intervenu souvent auprès des évêques et a cherché à éviter le scandale de poursuites judiciaires en appelant leurs bons offices pour faire changer de résidence des ministres du culte qui se livraient aux écarts que la loi a pour but de réprimer.

Vous dites que cela n'a jamais été appliqué. Je vous ai cité dernièrement un jugement rendu dans une affaire de Boitsfort. Décidée par le tribunal de première instance in terminM. de Theuxis, cette affaire a été déférée à la cour d'appel de Bruxelles, qui a confirmé le jugement, en examinant de nouveau et comme l'avait fait le tribunal de Bruxelles, le point de constitutionnalité que nous débattons en ce moment. L'honorable M. Dumortier et l'honorable M. Rodenbach nient-ils le fait ?

(Le Moniteur reprend l’arrêt rendu par la cour d’appel de Bruxelles, en date du 14 février 1845. Le texte de cet arrêt est le suivant :

»En droit :

» Attendu que le gouvernement provisoire, en accordant par le décret du 16 octobre 1830, à tout citoyen ou à des citoyens associés dans un but religieux ou philosophique, quel qu'il fût, la liberté de professer leurs opinions comme ils l'entendraient et de les répandre par tous les moyens possibles de persuasion et de conviction, a voulu, ainsi qu'il est dit dans le préambule du décret, donner l'essor à l'intelligence et faire cesser les entraves qui avaient jusque-là enchaîné ta pensée ;

« Attendu qu'on ne peut, sans lui faire injure, supposer au gouvernement provisoire l'intention d'avoir voulu, par ce décret, faire disparaître de notre législation les lois répressives des abus qui pourraient naître dans certains cas, de l'usage de cette liberté si large, octroyée aux citoyens, et encourager ainsi la licence et le désordre ;

« Attendu que la Constitution belge, qui résume dans son article 14 le principe consacré par le décret du 16 octobre, garantit également la libre manifestation des opinions en toutes matières, ainsi que la liberté des cultes et de leur exercice public, mais avec la restriction que les délits commis à l'occasion de l'usage de ces libertés seraient réprimés ;

« Attendu que cette restriction comprend l'article 201 du Code pénal, de l'application duquel il s'agit dans la cause ;

« Attendu que cette loi, qui contient une mesure indispensable pour la conservation de l'ordre et de la paix publique, n'a été abrogée ni expressément par les articles 2 et 3 du décret du 16 octobre 1830 et par l'article 138 de la Constitution, ni virtuellement, puisqu'elle n'est point contraire an texte sainement apprécié du décret précité et de la Constitution, et qu'elle n'est incompatible avec l'esprit d'aucune de leurs dispositions ;

« Attendu que, s'il fallait admettre que l'article 201 du Code pénal aurait été abrogé par le gouvernement provisoire et par la Constitution, comme constituant une entrave à la liberté de la manifestation des opinions, le même motif militerait pour l'abrogation des articles 202 et 203 du même Code, puisque, dans ces trois articles, il s'agit de discours prononcés par des ministres du culte dans l'exercice de leur ministère. en assemblée publique, ce qui amènerait la conséquence absurde que ces ministres pourraient impunément en chaire prononcer des discours tendants à provoquer directement à la désobéissance aux lois et aux actes de l'autorité publique, à soulever ou armer les citoyens les uns contre les autres, et à exciter enfin des séditions ou des révoltes, ce qui est inadmissible ;

« Par ces motifs, confirme, etc. »)

M. B. Dumortier. - Je le connais très bien. (Interruption,) Il n'est pas question là-dedans du gouvernement ni de jugement. Ce sont tout bonnement des considérations pour faire une loi et non l'application d'une loi.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - De quoi s'agit-il ? Il s'agit de savoir si la Constitution a aboli les articles qui défendent aux ministres des cultes d'attaquer les actes de l'autorité ? C'est bien là la question, je pense ? Il s'agit en d'autres termes de savoir si l'article 201 du Code pénal a été ou n'a pas été aboli. Est-ce la question ?

M. B. Dumortier. - Ce n'est pas un jugement qui peut décider qu'une liberté est abolie.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Qui donc interprétera nos lois si ce n'est l'autorité judiciaire ?

M. B. Dumortier. - Un jugement dirait que la liberté de la presse est abolie, qu'elle ne le serait pas pour cela.

(page 531) M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, l'honorable M. Dumortier a commencé par déclarer qu'il n'y avait pas eu de poursuites.

M. B. Dumortier. - J'ai dit que le gouvernement n'avait pas poursuivi.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il ne s'agit pas du gouvernement, mais il s'agit de critiques ou censures des actes de l'autorité publique.

Il s'agit de savoir si les articles 201 et suivants du Code pénal sont abolis ou ne le sont pas, et je vous répète que le tribunal de Bruxelles, et après lui la Cour d'appel de Bruxelles, ont déclaré que l'article 201 n'était pas abrogé.

Et qui donc a la mission d'interpréter les lois et de les appliquer, qui a la mission de rechercher et de déterminer leur véritable sens, si ce n'est l'autorité judiciaire ? Sera-ce la Chambre ? Est-ce l'empiétement du pouvoir législatif sur le pouvoir judiciaire que vous voulez ?

M. B. Dumortier. - Non, mais je ne veux pas l'empiétement du pouvoir judiciaire sur le pouvoir législatif.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Vous prétendez que le pouvoir judiciaire a empiété sur le pouvoir législatif, qu'il a méconnu sa mission ? Mais il y avait alors un recours à exercer, et alors qu'il s'agissait d'une question aussi grave, intéressant à un aussi haut degré tout le clergé, comment donc n'y a-t-il pas eu pourvoi en cassation ? Comment la magistrature supérieure, celle qui règle en définitive quelle est la véritable interprétation que la loi doit recevoir, n'a-t-elle pas été saisie de la question ? Comment ! vous prétendez aujourd'hui que nous confisquons la liberté religieuse, et quand les tribunaux maintenaient l'article 201, vous n'épuisiez pas tous les degrés de la juridiction !

Et comment se fait-il que le gouvernement lui-même qui, à cette époque, était représenté, au ministre de la justice, par l'honorable M. d'Anethan, comment se fait-il que le gouvernement n'ait pas donné ordre de se pourvoir dans l'intérêt de la loi, s'il pensait que réellement la cour d'appel de Bruxelles avait méconnu, violé la Constitution ?

Ah ! messieurs, c'est que personne, je le répète, jusqu'aujourd'hui et je vous le prouverai tout à l'heure par des autorités que la droite ne pourra pas repousser, personne n'a soutenu que l'article 201 avait été abrogé.

Mais, messieurs, est-ce donc le seul monument de la jurisprudence ? Je pourrais vous en citer d'autres. Je puis entre autres vous citer une affaire qui s'est présentée à Huy, qui a fait le sujet d'une correspondance administrative entre le ministre de l'époque et l'évêque, et à laquelle l'autorité judiciaire a donné sa solution et dans laquelle ni le ministre, ni l'évêque, ni la partie elle-même, ni l'autorité judiciaire n'ont mis un instant en doute la constitutionnalité, la force obligatoire de l'article 201 du Code pénal.

Voici, messieurs, le sermon que, d'après un procès-verbal envoyé au département de la justice, M. le curé de *** devait avoir prononcé en chaire, ce qui donna naissance au débat.

« Depuis quatre ans le bureau de bienfaisance a gaspillé près de 4,000 francs pour l'instruction gratuite des enfants pauvres ; cette injustice m'allant trop au cœur, je ne puis que la divulguer. Les indigents payent six francs par mois tandis que si M. le baron de Moffards allait demander à l'instituteur, combien il lui coûterait pour l'instruction de son enfant, il lui répondrait que c'est un franc vingt-cinq centimes ; et si au contraire un indigent se présentait pour lui faire la même demande il lui dirait : C'est six francs qu'il me faut. La députation a porté un arrêté autorisant le bureau de bienfaisance à disposer d'une somme de 1,000 francs pour bâtir l'école, mais cet arrêté est illégal.

« Ce n'est pas non plus à ce même bureau, dit-il, en citant le contenu de l'article 20 du titre 3 de la loi du 23 septembre 1842, à fixer le traitement de l'instituteur, mais bien à la commune. Je n'en veux nullement aux membres de ce bureau dont la plupart sont ignorants et ne signent que de bonne foi, mais au président (c'est M. le bourgmestre). Depuis quatre ans il n'y a pas un seul enfant qui sache lire ni écrire sans faute d'orthographe ; quand les pauvres leur demandent du secours, ils les rebutent brusquement.

« Si les bienfaiteurs des membres dudit bureau qui gisent dans le cimetière pouvaient revenir, ils les accableraient de reproches, et si la justice humaine ne les accable pas, gare à la justice divine ! Si le bureau n'avait pas voté la somme de 600 fr. pour l'instruction, il aurait pour le moment de quoi soulager les veufs et orphelins qui sont continuellement à ma porte, et les malades qui sont sur leurs grabats.

« En admettant toutefois les 1,000 francs votés en 1842 pour la construction de l'école, le bureau aurait, nonobstant cette somme, environ 2,700 francs en caisse. »

Telle est, messieurs, la teneur de la pièce qui fut adressée au département de la justice.

Le chef du département à cette époque ne pensa point que l'article qui défend la critique en chaire, par les ministres du culte, des actes de l'autorité, fut abrogé.

Il écrivit à Mgr l'évêque du diocèse, où le fait s'était passé, la lettre que voici :

« J'ai reçu le procès-verbal ci-joint, eu copie, contenant une plainte contre M. le curé de la commune de ***.

« Si les faits dénoncés dans cette plainte sont exacts, il serait vivement à désirer que M. le curé de ' prévienne, s'il est possible, l'éclat fâcheux d'un débat judiciaire, au moyen d’une satisfaction qu'il demeurerait volontairement au plaignant. Si telle était aussi votre opinion je vous prierais, M. l'évêque, de vouloir bien interposer, sans délai, votre autorité dans ce but de conciliation.

« il me sera, dans tous les cas, agréable de connaître la résolution à laquelle vous vous arrêterez.

« Le ministre de la justice, d'Anethan. »

L'évêque, messieurs, ne paraît pas, non plus, avoir pensé que cet article fut abrogé, et il répondit :

« Les faits articulés à charge de M. le curé de * et qui font l'objet de votre dépêche du 6 de ce mois, troisième division, n°2680 de l'indicateur particulier, m'avaient déjà été signalés par M. le bourgmestre de * et par M. le doyen du canton de * Je m'empressai dès lors de demander devant moi et mon conseil l'ecclésiastique inculpé ; je lui représentai vivement l'inconvenance de sa conduite et l'engageai à m'offrir, dans une lettre ostensible, l'expression de son repentir et à désavouer publiquement, en chaire, les discours repréhensibles qu'il y avait prononcés contre les actes de l'autorité communale etc. Ceci se passait il y a huit jours, et j'ai appris qu'en effet M. le curé de. * a profité du premier jour de fête qui a suivi sa comparution pour publier une sorte de désaveu ou de rétractation. Mais, soit que ce désaveu n'ait pas été assez explicite, soit que les esprits soient trop aigris de part et d'autre, il paraît que M. le bourgmestre ne considère point le désaveu donné comme une réparation suffisante et qu'il persiste à vouloir donner suite à sa plainte. Désolé de l'inutilité de mes premiers efforts, j'avais chargé un de mes vicaires généraux de faire de nouvelles tentatives de conciliation, et je viens, au reçu de votre dépêche, d'écrire moi-même à M. le curé de *** qu'il n'y a plus qu'un moyen de le soustraire aux poursuites dont il est menacé, et que ce moyen consiste pour lui à m'offrir sa démission de la succursale qu'il occupe et à accepter une autre destination.

« Veuillez agréez, etc.

« Corneille, E. V. de Liège. »

Des membres. - Il y avait calomnie.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je demande aux éminents jurisconsultes qui m'interrompent, par quelle loi est prévue la calomnie contre les autorités et quel est, dans ce cas, l'article de Code qui eût été applicable.

Je citerai tout à l'heure le jugement qui prouve qu'il ne s'agissait pas du tout de calomnie.

Ceci se passait au mois de janvier 1847 ; on ne parvînt pas à concilier les parties, et il fut donné suite à l'affaire.

Le tribunal de Huy en fait saisi, et voici le jugement qui fut rendu sur le point qui nous occupe :

« Attendu qu'il est établi que M. N..., curé desservant à..., a, les dimanches 15 et 20 décembre 1846, dans l'exercice de son ministère de desservant et en assemblée publique, prononcé des discours renfermant la critique ou la censure d'actes émanant du conseil communal et du bureau de bienfaisance de la commune de.,., et notamment en critiquant l'allocation votée par le bureau de bienfaisance eu faveur de l'instituteur communal, ainsi que la répartition que le conseil communal opère du produit de bois de..... ;

« Attendu que les circonstances paraissent atténuantes, et que le préjudice causé n'excède pas 25 francs ;

« Vu les articles 201, 463 du Code pénal et l'art. 194 du Code d'instruction Crminelle, qui sont ainsi conçus, etc., desquels articles il est donné lecture par le président,

« Le tribunal condamne N.... à 50 fr. d'amende et aux frais liquidés à 60 francs 55 centimes.

« Fait et prononcé à l'audience du tribunal correctionnel séant à Huy, le 1er mai 1847. »

Est-ce bien l'application, par un tribunal, de l'article 201, qu'on déclare aujourd'hui inconstitutionnel ? Cet article n'est-il pas cité par son numéro et par ses dispositions ? y a-t-il encore un doute possible ?

Le jugement, je viens d'en lire la date, est de 1847 ; le même tribunal en a rendu un autre en 1854 ; le voici :

« Attendu qu'il est établi par l'instruction que l'administration communale de... s'étant refusée à payer le subside voté pour binaison, en se fondant sur ce que la seconde messe ne se disait pas à l'heure fixée, le prévenu desservant de la paroisse, a, le huit mai 1853, dans un discours prononcé en chaire, pendant les offices, dans l'église de..., critiqué et censuré cet acte de l'autorité communale, délit prévu par l'article 201 du Code pénal.

« Attendu qu'il existe des circonstances atténuantes qui autorisent le juge à substituer l'amende à l'emprisonnement ;

« Vu les ariclest. 201 du Code pénal, 6 de la loi du 15 mai 1849 et 194 du Code d'instruction criminelle, qui sont ainsi conçus, etc., desquels articles il est donné lecture par le président ; le tribunal condamne N... à vingt-cinq francs d'amende et aux frais liquidés, etc.

« Fait et prononcé à l'audience publique du tribunal correctionnel de Huy, le 6 janvier 1854. »

(page 532) Remarquez que ces jugements n'ont pas été réformés. Comment se fait-il que si réellement la Constitution avait été violée par ces décisions judiciaires, personne n'eût porté la question ni en appel ni en cassation ? On ne peut pas dire qu'il s'agissait de personnes qui n'auraient pas pu faire les frais de semblables recours. Certainement, si l'on avait pensé que les dispositions appliquées fussent contraires à la Constitution, on aurait trouvé de toutes parts l'appui nécessaire pour faire vider la question.

Je fais observer qu'il doit être donné connaissance au procureur général de tous les jugements rendus en matière correctionnelle, et que bien certainement M. le procureur général de Liège n'aurait pas laissé passer de semblables décisions sans les frapper d'appel, s'il avait pensé un instant qu'elles fussent contraires au pacte fondamental.

Ce ne sont pas les tribunaux que je viens de citer qui se sont occupés de semblables faits ; il en est d'autres encore. Ainsi, une affaire de ce genre a été portée devant le tribunal de Tournai. Cette fois il n'y a pas eu de condamnation ; mais il n'est venu à l'idée de personne de regarder l'article invoqué comme inconstitutionnel ; on a soutenu et déclaré que les faits n'étaient pas suffisamment établis.

M. B. Dumortier. - Il n'y a donc pas eu de jugement.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Comment, il n'y a pas eu de jugement !

II y a certes eu un jugement ; mais si, dans l'opinion du tribunal, l'article 201 avait été inconstitutionnel, au lieu de déclarer que les faits n'étaient pas suffisamment établis, il eût déclaré que les faits, fussent-ils établis, ne seraient pas punissables : il n'y aurait pas eu renvoi devant le tribunal correctionnel, l'instruction, dès le principe, aurait été arrêtée.

Voilà, messieurs, en ce qui concerne la jurisprudence.

Quant aux auteurs, je citerai M. Delebecque, qui était un de nos magistrats les plus distingués, qui a signalé, en annotant les Codes, les articles abrogés par la Constitution ou d'autres lois ; il indique, comme étant abrogés les articles 207 et 208 que j'ai cités tantôt ; mais il ne mentionne pas comme tels, les articles 201 et suivants que nous discutons.

Un honorable professeur de l'université de Liége, M. Nypels, s'exprime, lui, d'une manière expresse, formelle, dans ses annotations sur l'ouvrage de MM. Chauveau et Hélie.

Sous le n°198, ces auteurs font remarquer que les lois spéciales sur les délits de publication votées en France n'ont porté aucune modification aux dispositions du Code pénal comprises dans cette section et la suivante, c'est-à-dire aux articles 201 et suivants.

M. Nypels ajoute en note :

« Il en est de même en Belgique ; le décret du 20 juillet 1831, qui forme toute la législation en cette matière, n'a porté aucune atteinte aux dispositions du Code dont il est ici question. »

Messieurs, je vous ai dit tout à l'heure que quand l'arrêt de la cour de Bruxelles a été rendu, eu 1845, l'honorable M. d'Anethan, ministre de la justice, n'avait pas jugé à propos de le déférer à la cour de cassation ; ce qu'il eût certainement fait, si son opinion sur la constitutionnalité des dispositions du Code avait été différente de celle que je soutiens en ce moment. Je puis le dite avec d'autant plus d'assurance que récemment, à propos même de la discussion à laquelle nous nous livrons, il a émis la même manière de voir que celle que je défends.

Voici ce qu'a écrit l'honorable M d'Anethan :

« Les articles sont-ils constitutionnels ? S'ils sont constitutionnels, sont-ils utiles, ne doivent-ils pas au moins être modifiés ?

« Les ministres des cultes seront seuls punissables dans les cas déterminés par ces articles, d'où l'on tire la conséquence que le principe de l'égalité des citoyens n'est pas respectée, la peine ne les atteignant pas tous également.

« C'est, d'après moi, faire une fausse application de l'article 6 de la Constitution.

« Oui, sans doute, les Belges sont et doivent rester égaux devant la loi, c'est-à-dire, pour nous occuper seulement des matières pénales, que deux Belges se trouvant dans les mêmes conditions et commettant le même délit doivent être atteints par la même disposition générale ; mais s'ils sont dans des conditions différentes, l'égalité ne sera pas violé.', si les pénalités sont différentes aussi. Le militaire qui frappe son supérieur en grade est puni de mort, le citoyen non militaire qui aura fait une blessure, même grave, à un autre citoyen pourra n'encourir qu'une peine correctionnelle. Le militaire pourra même commettre des faits qui constitueront dans son chef un délit et qui n'auraient rien de punissable chez un simple particulier. Eh bien ! cette inégalité dans les peines n'a fait naître chez personne la pensée qu'il y ait là violation du principe consacré par l'article 6 de la Constitution. »

Et plus loin, l'honorable M. d'Anethan ajoute, en ce qui concerne l'article 14 de la Constitution, qu'on prétend avoir aboli les articles 201 et suivants :

« La Constitution fournit un autre argument encore pour justifier m principe, l'article 295.

« Les articles 14 et 16 de la Constitution sont relatifs au culte et aux garanties qui lui sont assurées.

« Le premier de ces articles, après avoir proclamé le principe de la liberté, reconnaît que l'usage peut en être abusif et dégénérer en délit, et dans ce cas il en autorise la répression. Mais qui décidera s'il y a délit ? Ce sera nécessairement la loi. Le législateur constituant n'ayant rien défini, rien statué, ce délit pourra être un délit spécial, la Constitution ne contenant aucune défense à cet égard. »

Voilà je pense qui est aussi formel que possible.

Maintenant j'invoquerai encore l'opinion de votre honorable rapporteur qui n'a jamais soutenu que l'article 201 du Code pénal fut abrogé ; il a soutenu au contraire l'opinion que je soutiens en ce moment.

M. Moncheur. - II faut distinguer : Je suis d'avis que la critique et la censure du gouvernement et de ses actes ne peuvent plus être constitutionnellement punis en vertu de l'article 201.

J'exige l'attaque avec intention méchante, M. d'Anethan soutient la même doctrine.

MjT. - Ce ne peut pas être là une question constitutionnelle !

M. Moncheur. - Je tiens seulement à faire la distinction.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Vous justifierez la distinction, soit ; mais du moment où le législateur reste investi du droit de déclarer ce qui est délit, c'est à lui aussi à en déterminer les caractères.

M. Moncheur. - Mon opinion est que la législature est compétente pour définir les délits qui peuvent être punis en vertu de l'article 14 de la Constitution.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est aussi la compétence de la législature que je soutiens. C'est au législateur à déclarer quels sont les faits qu'il incrimine et à déterminer le caractère du délit ; il n'y a pas d'autre autorité qui puisse le faire et il n'y aurait pas moyen d'obtenir une répression quelconque si l'on admettait que la législature est incompétente.

Ceux qui soutiennent que les dispositions que nous proposons sont inconstitutionnelles, prétendent que les articles 201 et suivants, ont été abrogés par l'article 14 de la Constitution.

Cet article, en proclamant la liberté des opinions, la liberté des cultes, avait par là même abrogé toutes les dispositions du Code pénal. C'est là ce qu'ont soutenu l'honorable M. Rodenbach, l'honorable M. Van Overloop, c'est qu'a soutenu encore l'honorable M. Malou.

M. Malou. - Je n'ai pas soutenu cela.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Soit, je rectifie ; et c'est ce que se propose de soutenir encore l'honorable M. Dumortier.

Eli bien, l'article 14 qui proclame la liberté des cultes et la liberté de leur exercice public, proclame aussi la liberté de manifester ses opinions en toute matière ; et si cet article a aboli les articles du Code pénal qui punissent les critiques ou censures auxquelles les ministres du culte se livrent en chaire, il a bien certainement aussi aboli toutes les dispositions sur la presse qui existaient à l'époque où la Constitution a été promulguée. Je ne sais comment on pourrait soutenir que les lois relatives à la presse qui existaient avant la promulgation de la Constitution, n'ont pas été abrogées par la publication même de la Constitution et que les articles 201 et suivants du Code pénal auraient été abrogés par ce même article 14, comme contraires à la Constitution. Ou bien est-ce là ce que vous soutenez ?

M. Coomans. - On ne peut pas faire une discussion par questions et réponses.

M. Malou. - Veut-on substituer le gouvernement interrogatif ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je dis que si l'article 14 a aboli les articles du Code pénal relatifs aux critiques et censures auxquels se livrent les ministres du culte, il à aboli aussi les articles et les lois spéciales qui touchaient de près ou de loin aux autres dispositions de l'article 14, toutes les lois relatives à la presse, et par contre, s'il n'a pas aboli les lois sur la presse, il n'a pas aboli les articles 201 et suivants relatifs aux cultes. (Interruption.)

Je vais prouver que personne n'a jamais soutenu que les lois sur la presse aient été abrogées par la Constitution.

Messieurs, dans une des dernières séances du Congrès national a surgi précisément la question de savoir si les lois sur la presse existantes au moment où la Constitution a été promulguée, ont été ou non abolies par la mise en vigueur du nouveau pacte fondamental. C'est l'honorable M. Raikem qui, de concert avec quelques collègues, nous avons le bonheur d'en posséder encore un parmi nous, a déposé la proposition suivante :

« Je propose de s'occuper de suite de l'état de la législation sur la presse et de l'établissement du jury, tant en matière criminelle que pour les délits politiques et de la presse.

« (Signé : Raikem, abbé de Smet, vicomte Vilain XIIH, Goethals, Andries, Lebègue.) »

L'honorable M. Raikem disait ceci : « Ces lois n'ont été révoquées par aucun acte du pouvoir législatif ; sont-elles demeurées en leur force et vigueur ou bien ont-elles été abrogées par le fait même de la révolution ? C'est une question grave qui peut partager les cours et les tribunaux, et dans ce moment vous n'avez pas même le bienfait d'une cour de cassation unique et propre à ramener la jurisprudence à l'uniformité. *

Par suite de cette proposition une commission fut nommée : elle fut composée de MM. Raikem, Van Meenen, le chevalier de Theux de Meyland, (page 533) Destrivaux, Brabant, Trenteseaux et Jottrand ; ce dernier n'ayant pas accepté, fut remplacé par M. Lebègue.

Et voici ce que dans la séance du lendemain, l'honorable M. de Theux vint déclarer au nom de cette commission. Je lis :

« M. le chevalier de Theux de Meyland, rapporteur, dit que la commission n'a pas cru nécessaire de présenter une loi nouvelle : elle a été d'avis unanime que les lois de 1829 et 1830 étaient en vigueur et pouvaient nous régir. »

Ainsi cette commission, composée de MM. Raikem, de Theux et des autres membres que je viens de citer, était unanimement d'accord que la législation sur la presse, existante à cette époque, était encore en vigueur ; et l'on vient soutenir que toutes les dispositions du Code pénal qui punissent les critiques et censures faites en chaire se trouvent abrogées, nonobstant la réserve de l'article 14 de la Constitution. Quant à la répression de délits commis à l'occasion de l'usage de la liberté des cuites, un semblable système n'est pas admissible.

Il ne peut donc pas être question d'abrogation par l'article 14 de la Constitution. En présence de la jurisprudence, de la doctrine, de l'opinion des membres mêmes du Congrès, qui, certes, étaient parfaitement à même de connaître la portée de l'article 14, en présence de cette unanimité, dis-je, le doute n'est plus possible.

Y a-t-il, comme on le prétend, abrogation indirecte ? Est-il vrai que les articles 201 et suivants du Code pénal actuel et 295 du projet nouveau que nous proposons, violent l'article 6 de la Constitution, en ce sens qu'ils détruiraient, en ce qui concerne les ministres du culte, le principe de l'égalité de tous les citoyens devant la loi ?

Est-il vrai que nous fassions au prêtre une position exceptionnelle et que nous méconnaissons ainsi une règle fondamentale du droit constitutionnel moderne ?

Cette théorie, messieurs, est encore plus insoutenable que la précédente ; et je ne comprends pas vraiment que des hommes sérieux puissent venir soutenir que les dispositions que nous proposons soient contraires à l'article 6 de la Constitution.

Qu'est-ce que c'est que l'égalité devant la loi ? Quels sont ses caractères ? Mais l'égalité devant la loi consiste à faire jouir des mêmes avantages, des mêmes garanties, et à soumettre aux mêmes charges les personnes qui se trouvent dans les mêmes conditions, dans la même position.

Et quand il s'agit de matières pénales, l'égalité devant la loi consiste à punir des mêmes peines ceux qui, quant aux faits, sont dans une position tout à fait identique. Voilà ce qu'il faut entendre par l'égalité devant la loi. Mais l'égalité devant la loi n'a jamais pu consister à punir, d'une manière uniforme, tout le monde pour tous les faits, sans tenir compte des distinctions établies ou par la loi ou par les faits ; et il n'y aurait pas de législation possible si l'égalité devant la loi était ainsi entendue.

Ainsi, s'il n'y avait pas de dispositions spéciales relatives à des faits particuliers, comment atteindre, par exemple, l'adultère qui ne peut être commis que par des gens engagés par les liens du mariage ?

Ce qui est véritablement incriminé c'est le fait, et l'égalité devant la loi consiste à punir de la même peine toutes les personnes qui commettent le fait dans les mêmes conditions.

Avec le système de l'égalité devant la loi compris, comme l’entendent nos adversaires, il ne pourra plus être tenu compte dans l'incrimination des rapports de père à fils et de fils à père ; les mêmes faits posés par le père vis-à-vis de l'enfant, ou de l'enfant vis-à-vis du père, seraient frappés des mêmes peines et l'on ne tiendrait plus aucun compte des différences de rapports créés par la loi ou par la nature ; cela ne soutient pas l'examen.

Mais il y a beaucoup mieux. Un de nos collègues, l'honorable M. Pirmez a signalé avec beaucoup de raison l'aggravation qui existe, par exemple, pour les ministres du culte, les instituteurs, quant à certains faits, ceux prévus, par exemple, par la loi du 15 juin 1846. Que lui a-t-on répondu ?

On lui a répondu que c'était là une simple aggravation de peines, mais que le fait était un délit pour tout le monde, un délit commun ; que l'on comprenait dans certaines circonstances, une aggravation de peines, mais que l'on n'admettait pas qu'un fait fut déclaré délit quant à une partie des citoyens et ne le fut pas quant aux autres.

L'argument semble avoir été trouvé bon, car il a été répété. Je vais prouver qu'il ne vaut rien.

Je demanderai à ceux qui l'ont inventé ou répété si la discrétion est imposée à tout le monde, si l'indiscrétion est un délit de droit commun ? La violation d'un secret est-elle incriminée sans distinction des personnes qui la commettent ? on n'oserait le soutenir, et cependant le médecin qui violera un secret sera puni.

Pourra-t-il dire que la loi le place dans une position exceptionnelle et qu'elle viole l'article 6 de la Constitution ? On ne le soutiendra pas, et cependant il n'y a en principe aucune différence entre ce cas et celui de critiques et censures prononcées par les ministres du culte. Je répète ici ce que j'ai déjà dit : quand la loi incrimine un fait, elle ne se préoccupe pas des individus ; elle dit : tel fait est coupable, et par le principe de l'égalité des citoyens devant la loi, tous les individus qui commettent ce fait tombent sous l'application de la loi.

Dans l'espèce, le principe de l'égalité devant la loi ne serait violé que si l'on exceptait de ces dispositions les ministres d'un culte quelconque. Ainsi, si l'on affranchissait des peines comminées les ministres, soit du culte catholique, soit du culte protestant, il y aurait privilège, position exceptionnelle, inégalité devant la loi.

Messieurs, à propos d'égalité devant la loi, je rencontrerai quelques objections qui ont été faites et quelques exemples qu'on nous a cités. On nous a dit : mais le tribun qui se permet de critiquer ou censurer des actes de l'autorité, pourquoi ne le punissez-vous pas ? Je demanderai à ceux qui m'adressent cette question : est-ce qu'un tribun est dans la même position qu'un ministre du culte ? On a demandé pourquoi un professeur qui, dans sa chaire, censurera, critiquera le gouvernement, ne tombera-t-il pas sous l'application de la loi ? Mais je demanderai encore si un professeur dans sa chaire est dans la même position qu'un ministre du culte dans sa chaire ?

Je pourrais, messieurs, vous montrer l'énorme différence qu'il y a ici en ce qui concerne l'influence qui s'attache au caractère sacré de l'un et dont ne jouit pas l'autre. Je pourrais vous montrer le danger que peuvent entraîner les paroles de l'un et que n'entraîne pas la parole de l'autre. Mais je n'ai pas besoin d'invoquer ces différences de caractère, d'influence, car la loi elle-même fait aux uns et aux autres des positions si différentes, qu'on y trouve la véritable raison des dispositions que nous proposons à la Chambre.

Le ministre du culte dans sa chaire est garanti contre toute espèce d'interruption, contre toute espèce d'interpellation, contre toute voie de fait, et il est garanti par des peines sévères, exceptionnelles.

Est-ce que le tribun jouit de la même protection ? Est-ce que le professeur, dans une université, jouit du même avantage, de la même garantie ? L'individu qui interrompra un tribun sera-t-il puni d'une peine de huit jours à un an d'emprisonnement ? L'individu qui interrompra un professeur sera-t-il passible de la même pénalité ?

Un membre. - On l'expulsera !

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je trouve, messieurs, qu'il y a une différence assez sérieuse entre être expulsé et être incarcéré. La position faite aux ministres du culte n'existe en faveur de personne d'autre et ce sont les garanties dont il jouit qui exigent impérieusement la réserve que la loi leur commande. On a dit, et je sais bien que cette protection n'est pas accordée, créée en faveur de la personne du ministre du culte, qu'elle existe en faveur du culte ; mais c'est précisément parce qu'elle n'existe qu'en faveur du culte, qu'elle ne doit pas exister en faveur d'attaques politiques, et que le ministre du culte doit se renfermer dans sa mission, dans l'exercice de son ministère.

Mais, messieurs, si le principe de l'égalité devant la loi a la signification qu'on lui donne, ce principe doit être appliqué aussi bien aux avantages qu'aux charges.

Si le ministre du culte, à raison de sa position, ne peut être assujetti à aucune disposition spéciale, comment donc justifierait-on les avantages particuliers dont il jouit ? Ainsi, je cite la charge de la milice : si le ministre du culte, à raison de sa position, ne peut pas être soumis à certaines pénalités spéciales, comment donc lui accorderez-vous des avantages particuliers ? Comment l'exonérerez-vous des charges que tous les citoyens doivent supporter ? Est-ce que vous blesserez moins le principe de l'égalité devant la loi lorsque vous accorderez des avantages exceptionnels que lorsque vous imposerez des charges spéciales ?

Il est évident que le principe doit être suivi dans les deux cas, que si le prêtre doit être soumis à toutes les règles du droit commun, que si le ministre du culte, dans la mission sainte qu'il remplit et au moment où il la remplit, ne peut pas être soumis à des dispositions qui n'atteignent pas tous les citoyens sans distinction, vous ne pouvez pas non plus accorder au ministre du culte des avantages dont ne jouissent pas tous les citoyens, vous ne pouvez pas l'affranchir des charges que supportent tous les autres citoyens.

Voilà, messieurs, ce que j'avais à dire sur la question constitutionnelle, en ce qui concerne l'article 201 du Code pénal et l'article 295 du projet.

On a, messieurs, cherché à établir une distinction entre la critique ou censure faite dans des discours et celle faite dans les lettres pastorales.

Plusieurs honorables membres de la droite, l'honorable baron d'Anethan et l'honorable M. Moncheur (je croyais que beaucoup de leurs amis étaient du même avis), admettaient les dispositions de l'article 295, en tant qu'elles ne s'appliquaient pas aux lettres pastorales.

Quant à moi, messieurs, je ne vois pas de distinctions à faire entre la critique ou censure prononcée par un ministre du culte dans un discours et la critique ou censure faite dans une lettre pastorale. Messieurs, l'article 16 que l'on a invoqué ne me semble pas applicable au cas qui nous occupe ; l'article 16, on vous l'a démontré, a pour objet de faire disparaître des dispositions de loi autres que celle qui concernent l'exercice proprement dit du culte.

L'article 16 a eu pour objet d'abroger, entre autres, les articles 207 et 208 du Code pénal, les articles 4, 5, 6 et 10 du concordat, les articles organiques 1, 2, 6 et 19.

Voilà quel a été l'objet de l'article 16, mais il n'a pas eu pour but, je le répète, de s'occuper de faits se rattachant uniquement au culte.

Ces faits sont prévus par l'article 14 qui proclame le libre exercice des cultes, en faisant la réserve formelle des délits qui pouvaient se commettre (page 534) à cette occasion. De quels délits s'agissait-il ? Bien évidemment des délits prévus par les lois existantes, par les dispositions du Code pénal dont nous nous occupons.

On admet que pour la presse, l'article 14 se rapportait à la législation existante. Comment soutenir, qu'en ce qui concerne les cultes, le même article 14 ne se rapportait pas à la législation du Code pénal ? Ces distinctions, messieurs, ne sont pas sérieuses.

Messieurs, il y a, dans tous les cas, une autre raison pour que l'article 16 ne soit pas applicable aux faits dont nous nous occupons. Remarquez-le bien, les dispositions, telles que nous les présentons, touchent beaucoup moins à la publication de lettres pastorales contenant des critiques ou des censures qu'elles ne touchent aux lieux où ces critiques et ces censures se font. C'est le lieu que nous garantissons, ce n'est pas la publication que nous proscrivons. Ainsi, messieurs, comme je l'ai dit tantôt, la publication, par affiches, par la presse, la publication en tout autre lieu qu'en chaire, ne tombe pas sous l'application de la loi.

Mais de ce qu'on a le droit de publier, il ne s'en suit pas qu'on ait le droit de publier en tous lieux ; la publication peut être un droit constitutionnel, mais le fait de publier dans tel lieu plutôt que dans tel autre, peut être l'objet d'une loi de police. En effet, messieurs, tout le monde, les fonctionnaires compris, la magistrature comprise, a le droit de publier ses opinions ; pensez-vous cependant qu'il soit permis à tout le monde, qu'il soit permis aux fonctionnaires, aux magistrats, d'aller dans tous les lieux où ils exercent leurs fonctions, publier leurs opinions ? Mais, messieurs, je suppose qu'un magistrat, un procureur du roi, ouvre l'audience par un discours politique. Cela ne serait certainement pas toléré. On lui répondrait avec beaucoup de raison, s'il argumentait de son droit constitutionnel :

Vous avez bien le droit de publier vos opinions, mais vous n'avez pas le droit de venir les publier à l'audience. Eh bien, de même, nous disons : Les ministres des cultes publieront leurs opinions ; les lettres pastorales pourront être publiées ; mais, lorsqu'elles contiendront la critique ou la censure d'actes de l'autorité ou du gouvernement, elles ne pourront pas être lues en chaire. Ce n'est donc pas tant la publication elle-même, que le lieu où elle se fait dont nous nous occupons.

M. Vilain XIIII. - Il s'agit de la publication canonique.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - La publication canonique ! Le clergé peut faire la publication canonique d'actes qui sont canoniques ; mais nous ne pouvons pas admettre que la publication canonique puisse s'appliquer à des actes politiques. La publication canonique ! c'est très bien, tant que vous resterez dans votre mission de ministre du culte, mais quand vous en sortirez ?

M. Van Overloop. - Précisez !

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Mais c'est là la perpétuelle confusion que vous faites. Vous voulez comprendre dans la liberté religieuse, dans les immunités religieuses, des actes qui n'appartiennent pas à la religion. Publiez canoniquement, mais publiez canoniquement ce qui est du domaine religieux.

Un membre. - Qui fera la distinction ?

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Mais la justice, mais les juges. (Interruption.) Et qui donc, en définitive, lorsqu'un délit a été commis, détermine s'il tombe sous l'application de la loi ?

Qui décidera si tel acte est ou non une provocation à la désobéissance aux lois ? Ou bien auriez-vous par hasard la prétention à l'impunité la plus absolue ? Qui donc dira si le ministre du culte a transgressé la loi ? Ce seront les juges, car ce sont toujours eux qui doivent décider si le fait incriminé réunit ou non les caractères du délit ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - On se défie de tout le monde. On n'a plus même confiance dans la justice.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Si vous n'acceptez plus de juge, il ne faut plus accepter de loi.

M. de Decker. - Il faut des lois, mais des lois claires.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - La loi est aussi claire que possible.

Mais comment se fait-il donc, si cette loi est si obscure, que depuis 1810, elle ait donné lieu à si peu d'abus que jamais dans cette chambre où toutes les questions ont été agitées, où des plaintes de toute nature, des réclamations de toute espèce se sont produites, on n'en ait jamais parlé ?

Comment se fait-il qu'il n'y ait jamais eu de discussions au sujet de ces obscurités que vous découvrez maintenant ?

Il est une chose évidente. On fait croire que nous innovons. Les innovations que nous introduisons dans la loi sont tout à l'avantage des ministres du culte, en ce sens que nous diminuons le nombre des faits incriminés, que nous réduisons de beaucoup les peines ; nous maintenons précisément les termes du Code, parce que ces termes du Code ont leur valeur de signification reconnue de par la doctrine, de par la jurisprudence.

L'on affecte de croire aujourd'hui à un immense danger pour la société, pour la liberté. Mais comment donc se fait-il que nous ayons vécu si longtemps sous ce régime et que la Belgique n'en ait éprouvé le plus léger inconvénient.

Voyez, messieurs, à quelle grave inconséquence on aboutirait si l'article 16 était interprété comme le prétendent nos adversaires. Il se trouverait que l'évêque, lisant son mandement à l'église, pourrait être poursuivi, tandis que les ministres du culte, qui le liraient dans leurs églises, ne pourraient l'être.

Ainsi le fait de la lecture par l'évêque tomberait sous l'application de la loi et ce qu’il ferait lire par un intermédiaire dans la même église, ne serait plus punissable ! Evidemment ce serait la plus grave des inconséquences, et ce n'est pas une inconséquence pareille que les constituants ont commise. Tous les délits qui se rapportent aux cultes, je le répète de nouveau, sont réglés par l'article 14, ce sont des faits étrangers à l'exercice du culte proprement dit qui ont été réglés par l'article 16.

Quel est maintenant, messieurs, la raison des dispositions des articles 295 et suivants du projet présenté ?

Je l'ai dit dans une séance antérieure, la Constitution garantit à tous les citoyens le libre exercice de leur culte. Ce principe ne peut, à mon avis, exister sans sanction. Ce principe doit avoir sa sanction dans la loi pénale et c'est parce que ce principe reçoit sa sanction par le projet de loi que nous vous avons soumis, que les ministres des cultes ne doivent pas s'écarter de l'objet de leur mission ; du moment où ils franchiraient les limites de leur ministère, pour critiquer ou censurer les actes de l'autorité, la peine qui est prononcée contre ceux qui les troublent, n'aurait plus de légitimité.

En effet, messieurs, je suppose un ministre du culte critiquant en chaire un règlement communal, une mesure prise par le bureau de bienfaisance. Je suppose un bourgmestre ou tout autre citoyen l'interrompant. Comment donc réprimeriez-vous cette interruption ? Pourriez-vous la punir comme une infraction au paisible exercice du culte ? Mais l’interrupteur vous répondra avec vérité : je n'ai pas interrompu l'exercice du culte ; le ministre du culte critique, censure un règlement communal, une délibération du bureau de bienfaisance ; je n'interromps pas l'exercice du culte, c'est le ministre du culte lui-même qui l'interrompt. Et que répondrait-on à cet argument, et où trouverait-on la raison, la légitimité de la peine à infliger ?

L'on peut, à mon avis, soutenir, messieurs, deux systèmes, l'un celui de l'honorable M. Van Overloop. qui admet que le moment où le prêtre en chaire s’occupe d'autre chose que de religion, on peut l'interrompre et discuter avec lui sans encourir de pénalité ; je comprends que, dans ce cas, le prêtre ne soit plus assujetti par la loi à se renfermer dans sa mission.

Mais que devient dans ce système l'exercice du culte ? Si par une critique ou censure d'actes de l'autorité, le ministre du culte peut donner lieu pendant l'exercice du culte à des discussions que la loi ne réprime pas, que devient le culte et son exercice ? Comment le culte sera-t-il continué à la suite d'une semblable discussion ? De quel recueillement les fidèles seront-ils encore capables ? Personne ne peut vouloir de ce système...

M. H. de Brouckere. - Non, ce système n'est pas possible.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je suis du même avis ; je dis que du moment où l'on admet que le ministre du culte, sortant à tort de sa mission, peut être interrompu et qu'on peut discuter avec lui, il n'y a plus d'exercice du culte possible.

Eh bien, s'il en est ainsi, si tout le monde est d'accord sur ce point, il n'y a pas d'autre système que celui que nous proposons : c'est d'interdire au ministre du culte de sortir de sa mission pour critiquer les actes des autorités publiques...

M. de Decker. - Vous faites des suppositions ; on peut en faire d'autres.

- M. Orts remplace M. Verhaegen au fauteuil.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Nous ne faisons pas de suppositions ; j'ai lu tout à l'heure des pièces officielles. (Interruption.)

Si vous êtes d'accord avec nous que ces faits ne peuvent pas être tolérés, vous devez reconnaître qu'ils doivent être punis ; mais, dit-on, la difficulté est de savoir si le ministre du culte sort ou ne sort pas de sa mission ?

Mais c'est là un fait qui est du domaine des tribunaux, et qui doit être livré à leur appréciation exclusive, c'est aux tribunaux seuls à juger si la critique à laquelle un ministre du culte s'est livré, a le caractère délictueux prévu par la loi, ou si c'est un acte qui ne tombe pas sous son application.

M. de Decker. - Il faut chercher une formule.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je vous engage à en chercher une de votre côté, à déposer des amendements ; voilà à peu près deux mois que le projet est soumis à vos délibérations, je n'ai pas, quant à moi, trouvé une formule meilleure que celle qui se trouve dans le Code.

Cette formule a subi l'épreuve de l'expérience, elle n'a donné lieu à aucun inconvénient. J'appelle l'attention sérieuse de la Chambre sur ce point : Voilà une formule qui existe depuis 50 ans ; tout le monde reconnaît qu'elle n'a engendré aucun abus ; qu'elle n'a soulevé aucune réclamation ; pourquoi, dès lors, ne la maintiendrait-on pas, alors surtout qu'on ne peut pas en trouver une meilleure ?

Si le ministre du culte, sortant de sa mission, censure ou critique en chaire les actes des autorités publiques, et qu'on ne puisse pas lui répondre, la liberté de manifester ses opinions ne devient-elle pas pour lui un privilège ?

(page 535) L'honorable M. Malou disait hier : « Il n'y a d'inviolable dans notre organisation politique que le Roi ; et cependant le gouvernement aspire à être inviolable. » Le gouvernement n'aspire pas du tout à l'inviolabilité, mais il ne veut pas qu'il y ait des tribunes plus inviolables que la tribune nationale, et c'est ce qui arriverait si le système des adversaires du projet était accepté.

Et en effet, vous auriez une tribune où il serait permis de s'occuper des actes du gouvernement, des actes des autorités, où la contradiction ne pourrait se produire d'aucune manière, où le ministre du culte seul aurait la parole, et où il serait garanti contre toute interruption, contre toute interpellation, par une pénalité de huit jours à un an de prison.

Or, je le demande, que deviennent, dans ce système, vos idées d'égalité ? Le ministre du culte est-il toujours le simple citoyen qui ne jouit d'aucun privilège et qui ne peut être assujetti à aucune pénalité spéciale ?

Ainsi, je le répète, il faut admettre avec l'honorable M. Van Overloop, ce que je reconnais cependant être inadmissible, que lorsque le prêtre sort de sa mission pour attaquer les actes du gouvernement, il faut avoir le droit de lui répondre ; ou, si l'on repousse ce système, il faut admettre qu'il y a lieu d'interdire aux ministres des cultes d'attaquer en chaire les actes du gouvernement ou des autres autorités publiques ; sinon, vous seriez exposé à appliquer à un fait qui n'est en réalité qu'un trouble, à une discussion politique, une pénalité comminée contre des faits troublant l'exercice du culte, c'est-à-dire que vous puniriez un homme pour un fait qu'il n'a pas commis.

Messieurs, je répondrai quelques mots aux observations que l'honorable M. Malou a présenté dans la séance d'hier.

L'honorable membre nous a beaucoup parlé des abus auxquels la loi pourra donner lieu. Messieurs, je l'ai déjà dit tout à l'heure, si la loi que nous proposons était une innovation, si cette disposition prenait, pour la première fois, place dans notre législation, je comprendrais ces appréhensions ; quand il s'agit d'une disposition nouvelle, sans précédents, l'on peut se livrer à toute espèce de conjectures ; mais, messieurs, ce que nous demandons, c'est le maintien de ce qui existe depuis 50 ans ; à quels abus cette législation a-t-elle donné lieu ? Je désirerais beaucoup que l'on voulût bien me le dire.

Du reste, messieurs, je doute beaucoup que ce soit l'abus que l'on redoute. Je serais plutôt tenté de dire qu'on ne l'espère pas. Je ne comprends pas que dans un pays, que l'on proclame avec beaucoup de raison, un pays tolérant et religieux, on suppose un gouvernement assez privé de raison, pour abuser de dispositions semblables et se livrer à des persécutions.

Le gouvernement, dans notre pays, a ses racines au sein des populations, c'est là qu'il puise toute sa force ; comment supposer un instant qu'un gouvernement aille de gaieté de cœur, par des poursuites mal fondées, blesser tous les sentiments des populations ? Mais nous ferions manifestement vos affaires, si nous en agissions ainsi.

Comment supposer que dans un pays où existe la liberté de la presse la plus illimitée, où le gouvernement se trouve en présence des Chambres qui, tous les jours, peuvent demander des explications, comment supposer que le gouvernement puisse organiser des persécutions contre les ministres du culte et parvienne à faire de magistrats inamovibles, ses complices ? Mais il y aurait, dans le pays, contre de semblables faits, un tollé général, auquel un ministère ne résisterait pas.

Messieurs, s'il y a eu un abus, il a consisté bien plus dans l'absence de répression que dans la multiplicité des poursuites, et je n'hésite pas à dire que sur cent faits qui tombaient sous l'application de l'article 201 du Code pénal, il n'y en a pas dix qui aient été poursuivis.

Les dossiers que j'ai entre les mains attestent que, dans toutes les circonstances, sous tous les ministères, au lieu de pousser à des poursuites, on a cherché à étouffer de semblables affaires, à éviter le scandale qui pouvait en résulter.

M. Van Overloop. - Cela est vrai.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Si cela est vrai, les abus ne sont pas à craindre ; du reste, des abus qui tourneraient immédiatement contre ceux qui les commettraient sont très peu redoutables.

M. Malou a parlé d'une législation d'un autre âge à laquelle nous emprunterions les dispositions que nous proposons. Mais si ces dispositions n'avaient pas été inscrites dans le Code pénal actuel, il eut fallu les introduire dans la législation que nous vous proposons. Ces dispositions pourraient ne pas être nécessaires sous l'empire, elles sont indispensables sous le régime actuel.

En effet, l'empire avait des garanties dans le concordat, dans les articles organiques, dans toute l'organisation du clergé ; ces garanties nous font défaut.

Pour se convaincre de l'action, de l'influence puissante que le gouvernement pouvait exercer sur le clergé, il suffit de lire quelques dispositions en vigueur sous l'empire.

Voici ce que portait les article 4, 5, 6 et 10 du concordat :

« Art. 4. Le premier consul de la république nommera, dans les trois mois qui suivront la publication de la bulle de Sa Sainteté, aux archevêchés et évêchés de la circonscription nouvelle.

« Sa Sainteté conférera l'institution canonique, suivant les formes établies par rapport à la France avant le changement de gouvernement. »

« Art. 5. Les nominations aux évêchés qui vaqueront dans la suite seront également faites par le premier consul, et l'institution canonique sera donnée par le saint-siège, en conformité de l'article précédent. »

« Art. 6. Les évêuqes, avant d'entrer en fonctions, prêteront directement, entre les mains du premier consul, le serment de fidélité qui était en usage avant le changement de gouvernement, exprimé dans les termes suivants :

« Je jure et promets à Dieu, sur les saints Evangiles, de garder obéissance et fidélité au gouvernement établi par la Constitution de la république française. Je promets aussi de n'avoir aucune intelligence, de n'assister à aucun conseil, de n'entretenir aucune ligue, soit au-dedans, soit au-dehors, qui soit contraire à la tranquillité publique, et si, dans mon diocèse ou ailleurs, j'apprends qu'il se trame quelque chose au préjudice de l'Etat, je le ferai savoir au gouvernement. »

« Art. 10. Les évêques nommeront aux cures.

« Leur choix ne pourra tomber que sur des personnes agréées par le gouvernement. »

Voici quelques-uns des articles organiques :

« Art. 1er. Aucune bulle, bref, rescrit, décret, mandat, provision, signature servant de provision, ni autres expéditions de la Cour de Rome, même ne concernant que les particuliers, ne pourront être reçus, publiés, imprimés, ni autrement mis à exécution, sans l'autorisation du gouvernement. »

« Art. 2. Aucun individu se disant nonce, légat, vicaire ou commissaire apostolique, ou se prévalant de toute autre dénomination, ne pourra, sans la même autorisation, exercer sur le sol français ni ailleurs aucune fonction relative aux affaires de l'église gallicane.»

« Art. 6. Il y aura recours au conseil d'Etat dans tous les cas d'abus de la part des supérieurs et autres personnes ecclésiastiques.

« Les cas d'abus sont l'usurpation ou l'excès de pouvoir, la contravention aux lois et règlements de la république, l’infraction des règles consacrées par les canons en France, l'attentat aux libertés, franchises et coutumes de l'Eglise gallicane, et toute entreprise ou tout procédé qui, dans l'exercice du culte, peut compromettre l'honneur des citoyens, troubler arbitrairement leur conscience, dégénérer contre eux en oppression ou en injure, ou en scandale public. »

« Art. 19. Les évêques nommeront et institueront les curés ; néanmoins ils ne manifesteront leur nomination, et ils ne donneront l'institution canonique qu'après que cette nomination aura été agréée par le premier consul. »

« Art. 52. Ils ne se permettront, dans leurs instructions, aucune inculpation directe ou indirecte, soit contre les personnes, soit contre les autres cuiles autorisés dans l'Etat. »

« Art. 53. Ils ne feront au prône aucune publication étrangère à l'exercice du culte, si ce n'est celles qui seront ordonnées par le gouvernement. »

Ainsi, messieurs, sans le droit de nommer les évêques, d'agréer les choix faits pour les cures, le gouvernement de l'empire trouvait des garanties que l'Etat n'a plus aujourd'hui. Le gouvernement en Belgique n'intervient plus ni dans la nomination ni dans l'installation des ministres du culte ; le gouvernement ne peut plus prévenir les abus par les choix pourrait faire, par l'action qu'il pourrait exercer ; la répression est la seule chose à laquelle l'Etat puisse recourir.

Messieurs, l'honorable M. Malou a fait valoir un dernier argument ; il nous a dit : Si votre projet est accepté, on poursuivra le vicaire parce qu'il aura lu le mandement ou la bulle à la première messe, le curé qui l'aura lu à la grand'messe, et l'évêque parce qu'il aura donné l'ordre de le lire. Il faudra dépenser quelques millions de plus pour agrandir les prisons : il est bon d'être prévoyant, on s'exposerait sans cela à ne pas pouvoir loger les prisonniers.

Je désirerais savoir si l'honorable membre pense que quand il arrivera une bulle du pape n'importe sur quel sujet, avec l'ordre de la lire en chaire, le pouvoir civil devra se soumettre, respecter ces ordres et regarder faire !

Je vois l'honorable M. Malou faire un signe négatif. Il ne pense donc pas que nous devions reconnaître les ordres donnés par les chefs des ministres des cultes et, respecter toutes les hiérarchies des organisations religieuses.

Il est bon d'être fixé sur ce point.

L'argument, du reste, prouve trop, beaucoup trop pour prouver quelque chose. Remarquez que l'hypothèse de l'honorable M. Malou peut se présenter, alors même que l'article 295 disparaîtrait. Il admettra, certes, que la provocation à la désobéissance aux lois doit être punie ; supposez une lettre pastorale qui, au lieu de critique ou de censure, contienne (page 536) une provocation à la désobéissance aux lois ; ne serez-vous pas dans le cas de poursuivre tous les ministres du culte qui ont donné lecture en chaire, ne faudra-t-il pas aussi agrandir les prisons, ne faudra-t-il pas exercer les mêmes poursuites que s'il s'agit de critique ou censure ? ' Si la difficulté d'exécution doit arrêter ici, elle se présente tout aussi sérieuse à l'égard de certains autres faits que le Code pénal prévoit et punit. Vous prévoyez la coalition des fonctionnaires ; si elle avait lieu, vous pourriez être amené à poursuivre un très grand nombre de personnes, plus grand peut-être que dans le cas que suppose l'honorable M. Malou.

Vous prévoyez le cas d'un concert arrêté entre des magistrats pour donner leur démission afin de suspendre l'administration de la justice. La difficulté d'exécution qui se présente doit-elle nous déterminer à laisser le fait impuni ?

Vous voyez que, comme je l'ai dit, cet argument prouve beaucoup trop pour prouver quoi que ce soit.

Messieurs, je termine par deux mots de réponse à l'apologue par lequel l’honorable M. De Fré terminait son discours. L'honorable M. De Fré nous a parlé d'un roi philosophe ayant fait à des libéraux la proposition de mettre en prison des catholiques, propositions à laquelle les libéraux auraient répondu : Ça nous va...

Messieurs, je n'ai reconnu là, ni les sentiments d'un roi philosophe, ni les principes, ni le langage de mes amis les libéraux. L'honorable M. De. Fré a sans doute fait allusion à de jeunes libéraux.

M. le président. - La parole est à M. de Theux.

M. de Theux. - Je suis prêt à parler, mais l'heure est peut-être trop avancée.

- Plusieurs voix. - A lundi !

D'autres voix : A mardi 1

M. le président. - Messieurs, les avis sont partagés, je vais consulter la Chambre.

- Quelques membres. - L'appel nominal !

- Il est procédé à l'appel nominal.

En voici le résultat : 64 membres y prennent part.

35 membres votent pour qu'il y ait séance lundi, 27 pour qu’il y ait séance mardi.

2 membres s'abstiennent.

En conséquence, la Chambre décide qu'elle tiendra séance lundi prochain, à deux heures.

Ont voté pour lundi : MM. Coomans, David, de Boe, de Bronckart, Dechentinnes, de Decker, de Haerne, de la Coste, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Ruddere de Te Lokeren, de Smedt, de Theux, Dumortier (Barthélémy), Dumortier (Henri), d'Ursel, Grosfils, Jouret (Joseph), Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Lebeau (Joseph), Mascart, Moreau, Orban, Orts, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Tack, Vandenpeereboom (Ernest), Vander Donckt, Van Leempoel, Van Renynghe et Vilain XIIII.

Ont voté pour mardi : MM. Allard, Dautrebande, de Bast, De Fré, de Liedekerke, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Vrière, Du Bus, Frère-Orban, Goblet (Louis), Godin, Jouret (Martin), Moncheur, Nélis, Neyt, Pirmez, Pirson, Sabatier, Saeyman, Tesch, Thiéfry, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Vanderstichelen, Van Overloop, Verwilghen.

Se sont abstenus : MM. de Luesemans et Malou.

M. le président. - Je prie MM. de Luesemans et Malou de faire connaître les motifs de leur abstention.

M. de Luesemans. - J'ai toujours voté pour qu'il y eût séance le lundi et j'ai toujours été présent à mon poste. Je n'ai donc pas voulu voter cette fois pour qu'il n'y eût pas de séance lundi prochain. Mais, d'un autre côté, j'ai remarqué qu'il arrivait souvent que les membres qui avaient le plus insisté pour qu'il y eut séance le lundi étaient précisément ceux qui se trouvaient absents et qui faisaient manquer la séance. C'est pour ce motif et dans la crainte de n'avoir lundi qu'une séance blanche que je n'ai pas cru pouvoir appuyer la proposition de nous réunir ce jour-là.

M. Malou. - Il y a, je crois, de grands inconvénients à interrompre inutilement des débats comme ceux-ci ; c'est ce motif qui m'avait disposé à voter pour qu'il y ait séance lundi et à m'y rendre. Mais en voyant MM. les ministres voter contre cette proposition...

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Pas tous !

M. Malou. - Ceux qui ont voté avant moi, je n'ai pas voulu les contrarier sur ce point. C'est d'ailleurs sur eux que repose surtout la responsabilité de la direction des travaux de la Chambre.

MjT. - Nous ne pouvons pas accepter une pareille responsabilité ; car les ministres sont toujours à la disposition de la Chambre le lundi comme les autres jours ; mais ainsi que l'a fait remarquer l'honorable M. de Luesemans, il arrive souvent que la Chambre n'est pas en nombre le lundi, et que les membres qui viennent pour assister à la séance, perdent leur temps.

Voilà ce que j'ai voulu éviter en votant pour que la séance fût fixée à mardi.

- La séance est levée à 4 heures.et demie.