séance du 28 janvier 1859.
(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)
(page 419) (Présidence de M. Verhaegen.)
M. de Boe procède à l'appel nominal à 2 heures et demie.
M. Crombez donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
La rédaction en est approuvée.
M. de Boe, secrétaire, présente l'analyse des pétitions suivantes.
« Le comte Duval de Beaulieu et le sieur Le Docte, président et secrétaire de la Société Centrale d'agriculture, prient la Chambre d'augmenter le chiffre du subside, accordé chaque année, pour l'amélioration de la voirie vicinale. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des cultivateurs de Lombeek-Notre-Dame demandent le libre échange du houblon ou l'établissement d'un droit d'entrée sur les houblons étrangers. »
« Même demande de cultivateurs à Strythem. »
- Renvoi à la commission de l'industrie.
« Par sept pétitions, autant de sauniers des provinces d'Anvers, du Brabant et des deux Flandres, prient la Chambre de n'apporter aucune modification à la loi du 5 janvier 1844. »
M. J. Jouret. - Dans une séance précédente, j'ai demandé le renvoi de semblables pétitions à la commission de l'industrie, et ce renvoi a été ordonné. Ilserait donc rationnel de prendre la même décision à l'égard de celles-ci.
M. Tack. - Je voulais faire exactement la même observation que M. Jouret ; une pétition conçue dans un sens diamétralement opposé à la demande des sauniers d'Anvers a été renvoyée l'autre jour à la commission permanente de l'industrie ; il serait, par conséquent, rationnel que la pétition dont l'analyse vient de nous être présentée fût également examinée par la même commission, et non pas par la commission des pétitions.
- Le renvoi à la commission de l'industrie est ordonné.
« M. le ministre de la justice informe la Chambre que le sieur Fr. Barth a déclaré renoncer à sa demande en obtention de la naturalisation ordinaire. »
« Le même ministre transmet, avec les pièces de l'instruction, une demande en obtention de naturalisation ordinaire adressée par le sieur Frédéric Lang, négociant à Bruxelles. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
M. Coomans (pour une motion d’ordre). - J'ai une réclamation à faire au sujet d'une lacune que j'ai constatée dans le compte rendu des Annales parlementaires, de notre séance d'hier.
L'honorable M. Wala a fait hier rapport sur une pétition d'un habitant de Gand démaillant à la législature une récompense, et il a, au nom de la commission des pétitions, exprimé le désir que cette récompense fût accordée par le gouvernement.
C'est sur ce point que j'ai eu l'honneur de présenter quelques observations et ces observations ont été bien accueillies non seulement par l'assemblée, mais par l'honorable rapporteur lui-même. Or, je remarque, et c'est là le sujet de ma réclamation, que la partie du rapport à laquelle j'ai répondu n'est pas reproduite aux Annales parlementaires, de sorte que mes observations semblent n'avoir plus aucun sens et que j'ai l'air d'avoir parlé dans les nuages.
Il y a, me paraît-il, un inconvénient très sérieux à supprimer d'un discours des passages qui ont provoqué des observations, c'est pour cela que j'ai pris la parole.
Mon observation du reste servira d'erratum et je désire aussi qu'elle serve de leçon pour l'avenir ; elle s'adresse à l'auteur, quel qu'il soit, de la suppression dont je me plains.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'ignore quel est l'auteur de la suppression dont se plaint l'honorable M. Coomans ; mais il me semble que, par sa nature même, cette réclamation ne peut s'adresser qu'à la sténographie.
M. Coomans. - Je n'ai accusé personne.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il n'existait, je pense aucun motif de supprimer les observations qui ont pu être faites. Il se peut que l'honorable M. Coomans n'ait pas revu son discours.
M. Coomans. - Il ne s'agit pas de mon dis ours, mais du rapport de l'honorable M. Wala.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je regrette que l’honorable M. Wala ne soit pas ici ; quant à moi. il me serait tout à fait impossible de dire le motif de la suppression qui a été opérée.
M. Coomans. - Je dois faire remarquer que je n'ai demandé d'explication à qui que ce soit, pas plus à M. le ministre de la justice qu'à tout autre. Je prie la Chambre et l'honorable M. Wala d'être bien convaincus que ce n'est nullement pour être désagréable à qui que ce soit que j'ai présenté mon observation ; mais j'ai bien le droit, je pense, de ne pas consentir à me rendre ridicule. Or, un orateur est ridicule quand il parle sur rien du tout ou qu'il réplique à des phrases absentes, et c'est précisément ce que j'ai l'air d'avoir fait, d'après les Annales parlementaires, puisque je parais répondre à une conclusion qui n'aurait pas été présentée. L'observation que j'ai faite, c'est qu'il ne convenait pas que la Chambre s'associât au vœu exprimé par la commission des pétitions. Le gouvernement semble même avoir adhéré à mon observation. Il eût donc été convenable de ne point supprimer la phrase qui m'avait frappé et que tout le monde ici a entendue.
Je n'ai pris la parole, messieurs, que pour signaler cette suppression et pour exprimer le regret qu’elle ait été opérée, attendu qu'elle a pour effet d'autoriser à croire que j'aurais présenté une observation sans cause. Je ne veux pas être un don Quichotte.
M. le président. - Il sera fait droit à l'observation de M. Coomans par le fait même de son insertion aux Annales parlementaires de la séance d'aujourd'hui.
M. Coomans. - C'est tout ce que je demande, M. le président.
M. Manilius. - J'ai eu l'honneur de présenter quelques paroles à propos de la pétition dont vient de parler l'honorable préopinant, j'ai lu le'Moniteur ce matin et il m'a paru que ce qu'on avait reproduit n'avait rien de contraire à la marche de la discussion.
L'honorable préopinant se plaint de n'y avoir pas trouvé l'explication de son discours ; je dois dire qu'à mon avis il n'y a rien qui y soit contraire. J'ai appuyé sa manière de voir et dans le compte rendu je n'ai rien vu qui m'ait fait l'effet dont il se plaint.
M. David. - L'honorable M. Coomans n'aura sans doute pas fait attention que l'honorable M. Wala, à la suite des observations dont son rapport a été l'objet de la part de beaucoup de membres de cette Chambre, a répondu : Je supprimerai le passage qui a soulevé la discussion pour ne proposer que le renvoi pur et simple. M. Wala aura sans nul doute remis son rapport pour l'impression après avoir fait la suppression qu'il avait annoncée.
Voilà, messieurs, l'explication du fait dénoncé par M. Coomans.
M. CoomansM Coomans. - On donne beaucoup trop de développement à la simple motion d'ordre que j'ai présentée ; mais l'étrange doctrine que vient d’émettre M. David m'oblige à protester.
Quand un orateur rétracte ou modifie une partie de son discours, il serait, d'après M. David, en droit de supprimer les phrases qu'il aurait prononcées. Voilà un point que je ne puis admettre. Je me rappelle que M. le rapporteur a reconnu le fondement de mes observations et qu'il a offert de supprimer les phrases explicatives du renvoi proposé. Mais les Annales parlementaires n'en devaient pas moins relater le premier rapport de l'honorable membre, rapport qui n'était pas son œuvre exclusive et les lecteurs du Moniteur auraient jugé entre lui et moi.
Quand il m'arrivera, que la Chambre me permette cette expression, (page 420) quand il m'arrivera dédire uns sottise à la Chambre, je ne l'effacerai pas des Annales, je me rétracterai ; on aura sous les yeux le fait avec la rétractation ou l'explication, mais je ne supprimerai pas la partie du discours qui aurait provoqué des critiques
Si cela ne m'avait pas concerné, j'aurais cru faire une chicane à M. Wala que d'en entretenir la Chambre, et j'aurais compris que la Chambre gardât le silence. Quant à moi, j'avais le droit de faire observer que la suppression de l'objet de mon discours en faisait un non-sens que j'avais l'air de parler en vain.
Il n'y avait qu'à entendre mon observation et, sans y répondre, passer à l'ordre du jour.
II est dans les usages de la Chambre que les réclamations qui portent sur la rédaction des Annales parlementaires soient présentées à l'ouverture de la séance suivante. (Interruption.)
Je n'accuse personne, je constate seulement que mes observations d'hier sont presque inintelligibles et doivent paraître injustes par suite de la suppression de la partie du rapport qui les a motivées.
M. de Theux. - Pour suivre la marche régulière, le Moniteur aurait dû constater que M. Wala avait déclaré qu'il retirait cette partie de son rapport. L'honorable M. Coomans est dans son droit quand il se plaint que son discours semble ne répondre à rien. Chacun de nous, quand il a pris la parole dans une discussion, a le droit de rencontrer son adversaire dans les Annales parlementaires, sans cela nos discussions seraient ridicules, absurdes.
M. David. - Nous devons faire une grande distinction entre un rapport et un discours. Lorsqu'on a prononcé un discours, on ne peut rien en supprimer.
M. Coomans. - Encore moins d'un rapport fait au nom de la commission.
M. David. - Mais quand il s'agit d'un rapport de pétition et que toute la Chambre est d'avis que telle partie des conclusions doit être supprimée, il me semble qu'on peut le faire sans mauvaises intentions.
Je ne conteste nullement que l'honorable M. Coomans ait eu le droit de faire ses observations, mais j'ai voulu constater un fait : que sans mauvaise intention l’honorable Mi Wala a pu supprimer la phrase dont il s'agit, que c'est avec une parfaite bonne foi qu'il l'a fait.
M. Mascart. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le projet de loi tendant à abroger les dispositions législatives concernant le concours des propriétaires riverains du canal de la Meuse à l'Escaut.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite des objets à l'ordre du jour.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Bruxelles, le 7 novembre 1858, plusieurs médecins vétérinaires diplômés demandent l'abrogation des articles 22 et 23 de la loi du 11 juin 1850, sur l’exercice de la médecine vétérinaire, et la faculté, pour eux comme pour les médecins vétérinaires du gouvernement, d'intervenir dans la police sanitaire des animaux domestiques.
Les pétitionnaires sont des jeunes gens qui, ayant terminé leurs études à l'école vétérinaire du gouvernement, ont été s'établir dans diverses communes rurales du pays.
Là ils rencontrent des vétérinaires privilégiés nommés par le gouvernement et ayant seuls le droit de délivrer des certificats et des ordres pour l'abatage des bestiaux affectés de maladies contagieuses. Les pétitionnaires font remarquer qu'il leur est impossible de trouver des moyens d'existence dans le peu de pratique qu'ils peuvent avoir, tandis que les vétérinaires privilégiés, les vétérinaires du gouvernement enlèvent la clientèle de tous les cultivateurs aisés.
Ou conçoit, messieurs, qu'il doit en être comme le disent les pétitionnaires. Car dans les épizooties le cultivateur dont le bétail est malade doit demander de préférence le vétérinaire du gouvernement parce que, s'il faut en venir à l'abatage, c'est le seul dont le certificat fasse loi auprès du gouvernement pour établir l'indemnité due pour les bestiaux abattus.
Cet état de choses, d'après les pétitionnaires, rend impossible la profession de vétérinaire en dehors de ceux nommés par le gouvernement. Ils demandent que les articles 22 et 23 de la loi du 11 juin 1850 soient modifiés.
Votre commission croit que les plaintes des pétitionnaires sont fondées et elle vous propose le renvoi de leur requête à M. le ministre de l'intérieur.
M. Nélis. - La question soulevée par les pétitionnaires me semble mériter un sérieux examen. Il est évident que le cultivateur s'adressera toujours aux artistes vétérinaires du gouvernement, lorsqu'il aura du bétail malade. Il en résulte que les artistes non-commissionnés, malgré toutes les peines qu'ils se donnent pour se former une clientèle, ne peuvent y parvenir et sont dans l'impossibilité de se créer par leur état des moyens d'existence.
J'appuie donc le renvoi de la requête à M. le ministre de l'intérieur pour que cette question soit de nouveau mise à l'étude et que l'on examine s'il n'y a pas lieu de porter remède à cette situation.
M. Muller. - Messieurs, j'appuie également la pétition qui vous est adressée ; mais je l'appuie moins au point de vue de l'intérêt des vétérinaires diplômés, qui ne sont pas fonctionnaires de l'Etat, que dans l'intérêt des cultivateurs. Les districts des vétérinaires sont organisés actuellement de telle sorte, qu'il arrive que le cultivateur de certaines localités, lorsqu'il a l'un de ses animaux atteints d'un mal contagieux, doit faire deux, trois et même quatre lieues, pour avertir et appeler le vétérinaire qui, seul, a qualité pour constater légalement l'abatage. Et remarquez, messieurs, que cette formalité de la constatation officielle, par un agent nommé par le gouvernement, est indispensable pour qu'on ait droit à une indemnité.
C'est un système contre lequel on s'est récrié dans plusieurs provinces et notamment dans la mienne. Le conseil provincial de Liège a été unanime pour demander à cet égard des modifications aux dispositions actuellement en vigueur.
Je ne sais par quel esprit de routine on oppose une fin de non-recevoir à cette réclamation. On objecte que des vétérinaires simplement diplômés n'offriraient pas les mêmes garanties contre l'abus d'attestations trop facilement délivrées. Mais c'est là un point que je ne puis admettre.
Tous les vétérinaires peuvent être admis sans inconvénient à constater dans leur âme et conscience que tel animal a été abattu du chef de maladie contagieuse, puisque l'on fait bien aujourd'hui constater par des médecins que tel milicien a droit d'être exempté de la milice du chef de tel vice corporel, alors que l'on fait également constater par eux que tel fonctionnaire est incapable de continuer l'exercice de ses fonctions par suite d'une maladie incurable.
Je crois donc qu'il s'agit moins ici de l'intérêt des médecins vétérinaires que de l'intérêt général de tous les cultivateurs et c'est à ce point de vue que j'appuie la pétition adressée à la Chambre.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Il y a une autre observation à faire à l'appui de ce que vient de dire l'honorable M. Muller, c'est que, dans l'état actuel des choses, il est impossible que le nombre des vétérinaires augmente dans les campagnes, qu'il s'étende au-delà du nombre des vétérinaires nommés par le gouvernement. Or, les cultivateurs réclament et réclament avec instance contre la pénurie des artistes vétérinaires établis dans les communes rurales. Tous ces motifs militent puissamment en faveur de la révision de la loi du 11 juin 1850, surtout en faveur de la modification des articles 22 et 23 de cette loi.
Votre commission conclut au renvoi pur et simple au ministre de l'intérieur.
Or, tant que durera l'état actuel des choses, les vétérinaires n'ont pas de chances de pouvoir exercer leur état avec succès dans les localités où un commissionné est établi.
C'est une raison de plus pour recommander au département de l'intérieur de procéder à la révision de la loi et de faire étudier spécialement les articles contre lesquels les pétitionnaires réclament.
M. Rodenbach. - Messieurs, je connais des communes où les dispositions contre lesquelles on réclame ont donné lieu à de grands abus Lorsque les vétérinaires du gouvernement sont appelés à d'assez grandes distances, ils se rendent quelquefois à cet appel et quelquefois ils y manquent. Or, savez-vous quel est le résultat de l'absence de l'artiste vétérinaire en pareil cas ? Pour pouvoir obtenir une indemnité du gouvernement et de la province, il faut que le vétérinaire du gouvernement ait soigné le bétail malade ; il ne suffit pas qu'un autre vétérinaire diplômé l'ait soigné. Voilà l'abus qui existe ; je ne sais si c'est une conséquence d'un article de la loi, mais en fait il en est ainsi.
Dans la commune que j'ai l'honneur d'administrer, plusieurs cultivateurs ont été victimes de cet état de choses ; le médecin vétérinaire n'étant pas arrivé à temps et n'ayant pas soigné la bête, il en est résulté que ces cultivateurs n'ont pas obtenu d'indemnité, et ce sont précisément des familles malheureuses qui ont éprouvé cette perte.
Il y a donc lieu de prendre en considération la demande des pétitionnaires, et je suis convaincu que lorsque M. le ministre de l'intérieur aura examiné l'affaire, il reconnaîtra qu'il est nécessaire de faire disparaître la cause de l'abus dont on se plaint.
- Personne ne demandant plus la parole, le renvoi de la pétition à M. le ministre de l'intérieur est prononcé.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Breedene, le 17 janvier 1859, les administrateurs du Vrye-Polder demandent une loi qui règle ce qui est relatif à la transmission des biens immeubles des polders.
Messieurs, il y a plusieurs polders dont l'institution remonte à une date très ancienne. Des propriétés appartiennent à la communauté du polder ; et au point où en sont venues les affaires aujourd'hui, les propriétaires intéressés du polder tiendraient à sortir de l'indivision. Les administrateurs ont demandé à ce sujet, en assemblée générale, la permission de faire vendre ces propriétés ; or, ils désireraient de ne pas devoir passer devant l'autorité judiciaire, pour être autorisés à procéder à la vente des immeubles qui sont de fort peu d'importance pour chacun d'eux en particulier vu leur grand nombre ; en conséquence, ces propriétaires indivis sollicitent une loi ayant pour objet de régler les mutations de toutes les propriétés qui leur appartiennent aujourd'hui en commun.
(page 421) La commission des pétitions croit devoir se borner à engager M. le ministre de l'intérieur à examiner la question et à voir ce qu'il serait possible de faire dans l'intérêt de ces propriétaires.
Votre commission conclut au renvoi pur et simple à M. le ministre de l'intérieur.
-. Ce renvoi est ordonné.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Bruxelles, le 18 janvier 1859, le sieur Van Alstein présente des observations contre les ouvrages militaires que l'on se propose de construire sur les rives de l'Escaut.
Messieurs, la pétition du sieur Van Alstein est non seulement une pétition, mais une espèce de dénonciation adressée à la Chambre contre le gouvernement qu'il accuse, après le rejet du projet de loi sur les fortifications d'Anvers, de procéder à l'adjudication de nouveaux et importants travaux au fort Sainte-Marie, voire même à la construction d’un nouveau fort.
Le pétitionnaire est un des grands propriétaires des terres environnante de cette localité, il prétend que le gouvernement n'a pas le droit de faire des constructions considérables, d'augmenter les travaux d'un fort ou d'en construire un nouveau, sans une intervention expresse de la Chambre. C'est là en peu de mots le contenu d'une longue requête très volumineuse.
Votre commission ne peut pas apprécier toute la portée des observations du pétitionnaire. Elle se borne à vous proposer le renvoi au ministre de la guerre.
M. Van Overloop. - Messieurs, le 10 décembre dernier, vous avez renvoyé au ministre de la guerre une pétition des habitants de Calloo, avant le même objet que la pétition du sieur Van Alstein, avec demande d’explications. Jusqu'ici l'honorable chef du département de la guerre n'a pas donné ces explications. Je crois donc qu'il faudrait renvoyer la pétition de M. Van Alstein au ministre de la guerre, en demandant une seconde fois des explications sur les faits signalés dans la pétition. Ces faits sont d'une nature assez grave. Les travaux à exécuter au fort Sainte-Marie sont des travaux dépendants du système des fortifications d'Anvers.
Cela est si vrai que le crédit à l'aide duquel on veut exécuter ces travaux était compris dans celui de 9,400,000 fr. pétitionné en 1855 pour compléter le système défensif d'Anvers et des rives de l’Escaut, crédit dont la Chambre a ôté 5,440,000 fr. destinés à compléter le camp retranché d'Anvers.
Les travaux qu'on se propose de faire à Calloo, au fort Ste-Marie, forment donc un ensemble avec le projet des travaux de défense à exécuter à Anvers. Les habitants de Calloo sont trop bons patriotes pour ne pas se prêter à supporter toutes les charges qui pourraient, dans une juste mesure, leur incomber pour assurer la défense du pays.
Cependant vous remarquerez que les travaux à exécuter à Calloo peuvent être inutiles ; si on ne persiste pas dans le projet de faire d'Anvers le grand boulevard de la Belgique.
J'ignore quelles sont les intentions du gouvernement à ce sujet ; mais je doute que les travaux qu'on veut exécuter à Calloo aient quelque utilité au cas que l'on ne fasse pas d’Anvers le boulevard de la défense nationale. Avant de faire de grosses dépenses au fort Sainte-Marie, il conviendrait donc de savoir si les Chambres sont disposées à allouer au gouvernement les fonds nécessaires pour mettre Anvers en état de jouer le rôle de dernier refuge de la Belgique.
Quoi qu’il en soit, il y a d'autant plus de motifs pour renvoyer la pétition au ministre de la guerre avec demande d'explications qu'il n'y a plus de disponible sur le crédit affecté par le vote de la Chambre à la défense de la rive de, 1,'Escaut qu'une somme de 1,358,963 francs 14 centimes. Or l'adjudication des travaux dont il s'agit, non compris les fonds nécessaires pour les expropriations qu'il est indispensable de faire, non compris les fonds nécessaires pour l'armement de la place, atteignent déjà un million à 1,100 mille fr. ; on dit à mes côtés 1,400 mille fr. ; Convient-il, messieurs, d’exécuter des travaux pour lesquels les Chambres n’ont pas alloué de fonds à suffisance ?
Il importe donc que le ministre donne des explications et qu'on n'exécute pas des travaux considérables avant que les Chambres aient voté les fonds nécessaires.
Je n'apprécie pas les arguments du pétitionnaire, j'ignore les vues du gouvernement quant à la défense d'Anvers ; mais en présence des faits signalés, il est indispensable de renvoyer la pétition au ministre de la guerre avec demande d'explications, d'autant plus que le 16 décembre, comme je le disais en commençant, vous avez déjà renvoyé au ministre de la guerre avec demande d'explications une pétition ayant le même objet que celle du sieur Van Alstein.
M. Vander Donckt. - Je ne m'oppose pas à la demande d'explications.
M. Jacquemyns. - Je ne viens pas m'opposer à ce que cette requête soit renvoyée au ministre de la guerre avec demande d'explications relativement aux expropriations, mais je pense qu'il n'y a pas lieu de demander des explications sur la plus grande partie de la pétition qui est relative à l'envasement du chenal du port d'Anvers. En effet la pétition porte, pour la plus grande partie, sur un envasement qui ferait naître des. inquiétudes à mon avis fort peu fondées. D'après l'auteur de la pétition, le chenal du port d'Anvers se trouvera complétement envase et l'Escaut sera complétement bouché d'ici à dix ans.
Il y a là une telle exagération que je ne pense pas qu'il y ait lieu de demander des explications au ministre de la guerre ou des travaux publics.
Il n'est pas à supposer que des fleuves qui depuis tant d'années portent leurs eaux à la mer, puissent avoir leur cours arrêté dans un avenir aussi prochain.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Vous le comprenez, messieurs, il est impossible de donner lecture et même d’analyser tous les points que traitent les pétitions, qui forment souvent un dossier très volumineux. S'il fallait expliquer tous les points que renferment les demandes des pétitionnaires et les réfuter, il n'y aurait plus autre chose à faire qu'à s'occuper des pétitions.
Voilà pourquoi la commission a jugé à propos d'analyser brièvement les pétitions et d'en proposer le renvoi à l'un ou l'autre ministre ; une analyse succincte et substantielle est toujours reçue avec faveur par la Chambre.
Par exemple, il est impossible de discuter ici si le chenal de l'Escaut s'envase, et s'il y a lieu de craindre que dans dix ans l’écoulement des eaux ne puisse plus avoir lieu. Nous lisons toutes les pétitions, mais nous n'entretenons pas la Chambre de tout ce qu'elles contiennent ; nous nous bornons à une courte analyse et nous proposons le renvoi de la pétition au département que concerne l'affaire, afin que l'honorable chef du département examine ou fasse examiner l'objet de la pétition et statue s'il le trouve bon.
Maintenant l'honorable M. Van Overloop demande des explications, non pas sur la question du chenal ou de l'envasement, mais sur les constructions militaires, sur ce qu'il y a de vrai dans le fait de l'adjudication mentionnée par le sieur Van Alstein, des travaux de construction de ce nouveau fort.
Comme je l'ai fait remarquer, la pétition du sieur Van Alstein est une espèce de dénonciation faite à la Chambre, de la mise en adjudication de travaux importants sans que la Chambre en aurait eu connaissance.
C'est à ce propos que l'honorable M. Van Overloop demande que M. le ministre de la guerre donne des explications ; et comme il le fait très bien remarquer, il y a lieu d'agir à l'égard de cette pétition comme on l'a fait à l'égard d'une demande récente des habitants voisins du fort Sainte-Marie.
Je ne m'oppose donc pas aux conclusions modifiées par l'honorable préopinant.
M. de Boe. - Je demande le renvoi de la pétition tout à la fois à MM. les ministres de la guerre et des travaux publics.
Ainsi que l'a fait remarquer l'honorable M. Jacquemyns, une double question est soulevée par le pétitionnaire : celle qui est relative à la construction du fort Sainte-Marie ou au développement à donner à ce fort, et celle qui est relative aux ensablements de l'Escaut. Si je ne me trompe, une commission a été instituée pour examiner cette seconde question, et je prierai M. le ministre des travaux publics de vouloir bien faire hâter les travaux de cette commission afin que les craintes qui se sont manifestées à Anvers puissent être dissipées le plus tôt possible.
M. le président. -Proposez-vous le renvoi à M. le ministre des travaux publics avec demande d'explications ?
M. de Boe. - Non, il ne me paraît pas nécessaire de demander des explications à M. le ministre des travaux publics pour la partie de la pétition qui le concerne. M : le ministre dès travaux publics ne pourra nous les donner que lorsque la commission aura terminé son travail.
M. Van Overloop. - Je suis tout à fait d'accord avec l'honorable M. de Boe.
- La Chambre ordonne le renvoi à M. le ministre de la guerre, avec demande d'explications, et le renvoi à M. le ministre des travaux publics.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée d'Anvers, le 30 décembre 1858, plusieurs négociants, armateurs et courtiers, à Anvers, prient la Chambre de provoquer des mesures propres à arrêter le déclin du mouvement commercial de leur port, et indiquent, comme pouvant amener ce résultat, les mesures réclamées par la chambre de commerce d'Anvers.
Les mesures provoquées par la chambre de commerce d'Anvers sont les suivantes :
1° Création d'un ministère général du commerce et de l'industrie, ou, tout au moins la concentration dans une seule main de toutes les affaires commerciales et industrielles.
2° Abolition du droit de tonnage, comme en Hollande ;
3° Réduction du droit de pilotage ;
4° Création, par voie de concession d'une nouvelle voie ferrée en ligne directe vers l'Allemagne et réduction des tarifs de transports des marchandises à des taux qui permettent la concurrence ;
5° Organisation du service des canaux par l'adoption d'un tarif modéré sur les bases de celui qui est en vigueur sur le parcours hollandais du canal de la Campine.
6° Suppression des formalités fiscales et vexatoires de la douane par la révision de la loi de 1822 ; l’application plus intelligente et plus conforme aux idées modernes de toutes nos lois douanières.
Messieurs, votre commission n'a pas cru devoir vous présenter d'autres considérations sur la pétition ; elle se borne à vous en proposer le renvoi pur et simple à M. le ministre des affaires étrangères.
- Ce renvoi est ordonné.
Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, l'assemblée passe immédiatement à la discussion et au vote des articles amendés.
« Art. 13. L'élection a lieu au siège de l'institution.
« Les administrations communales, dans leurs ressorts respectifs, convoquent les électeurs, conformément aux instructions de la députation permanente du conseil provincial.
« La convocation est faite à domicile et par écrit ; elle est, en outre, publiée par voie d'affiche ou autrement dans chacune des communes du ressort du conseil, selon les formes usitées et à l'heure ordinaire des publications.
« Les convocations à domicile et la convocation par publication sont faites huit jours au moins avant celui de l'élection.
« Les bulletins de convocation indiquent le jour, l'heure et le local où l'élection a lieu, ainsi que le nombre et la profession des prud'hommes à élire. »
M. Verhaegen. - L'amendement consiste dans l'addition du dernier paragraphe, lequel formait le paragraphe 2 de l'article 13.
- L'amendement est mis aux voix et adopté. L'article est définitivement adopté.
« Art. 14. Les chefs d'industrie, réunis en assemblée particulière, nomment les prud'hommes chefs d'industrie.
« Les ouvriers, également réunis en assemblée particulière, nomment les prud'hommes ouvriers.
« Les contre-maîtres et les patrons inscrits au rôle d'équipage d'un navire de pêche ne pourront jamais former plus du quart des membres du conseil. »
M. David. - Si je comprends bien la portée de l'amendement introduit par le Sénat à l'article en discussion, il aurait pour but de donner une garantie de plus à l'élément ouvrier, en le mettant à l'abri d'une absorption par l'élément contre-maître ou patron du navire de pêche.
Cet amendement a été adopté sans doute afin qu'en aucun cas les contre-maîtres ou patrons des navires de pêche ne pussent, sous la dénomination d'ouvriers, dépasser le quart du nombre des membres des conseils de prud'hommes.
Il résulte aussi, je pense, de cet amendement, que si le nombre des contre-maîtres et patrons n'atteignait pas le quart du nombre des membres du conseil de prud'hommes, ou si même il n'y en avait aucun dans ce conseil, celui-ci ne serait pas moins légalement constitué.
J'ai lieu de croire que la section centrale entend comme moi cette disposition.
M. de Luesemans, rapporteur. - Il n'y a, je pense, qu'une seule manière de comprendre l'amendement. La simple lecture de la discussion qui a eu lieu au Sénat prouve à toute évidence que c'est une garantie qu'on a voulu donner aux ouvriers contre leurs propres entraînements. Ainsi, il leur est défendu de nommer, parmi les contre-maîtres et patrons inscrits aux rôles d'équipage, plus du quart de leurs représentants au sein du conseil de prud'hommes. Ils peuvent donc en nommer moins, ils peuvent même n'en pas nommer du tout. Il est incontestable que n'y eût-il ni contre-maître ni patron d'équipage au sein du conseil de prud'hommes, ce conseil ne serait pas moins très légalement constitué. L'amendement, je le répète, n'a d'autre but que d'offrir une garantie aux ouvriers contre leurs propres entraînements.
- L'amendement est mis aux voix et adopté. L'article ainsi amendé est définitivement adopté.
« Art. 15. Les électeurs ne sont admis au vote que sur la présentation d'un bulletin de convocation.
« Toutefois le bureau sera tenu d'admettre ceux qui seront portés sur la liste dressée par la députation permanente du conseil provincial et qui justifieront de leur identité. »
- Adopté.
« Art. 16. Les assemblées peuvent être divisées en autant de sections que la députation permanente le juge nécessaire, en raison du nombre des électeurs ;
« Dans aucun cas, une section ne peut être composée de plus de 400 électeurs.
« Il est assigné à chaque section un local distinct.
« Le classement des électeurs par sections s'opère en suivant l'ordre alphabétique. »
- Adopté.
« Art. 21. Dans le cas ou les assemblées auraient été divisées en sections, le résultat du vote de chacune d'elles, signé par les membres du bureau, sera immédiatement transmis aux bureaux principaux où se fera le dépouillement. »
- Adopté.
« Art. 32. Le greffier et le commis greffier, avant d'entrer en fonctions, prêtent, entre les mains du président du conseil, le serment prescrit par l'article 25. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il doit être bien entendu que l’addition du mot « commis greffier » n'entraîne pas pour le gouvernement l’obligation de nommer un commis greffier ; il n'en nommera un que si c’est nécessaire.
- L'amendement est adopté.
« Art. 41. Les conseils de prud'hommes connaissent des contestations, soit entre ouvriers, soit entre chefs d'industrie et leurs ouvriers des deux sexes, pour tout fait d'ouvrage, de travail et de salaire, concernant la branche d'industrie exercée par les justiciables.
« La compétence quant au lieu, est fixée par la situation de la fabrique, et, pour les ouvriers travaillant à domicile, par l'endroit où l'engagement a été contracté. »
- Adopté.
« Art. 42. Sans préjudice des poursuites devant les tribunaux ordinaires, les conseils de prud'hommes pourront réprimer, par voie disciplinaire, tout acte d'infidélité, tout manquement grave et tout fait tendant à troubler l'ordre et la discipline de l'atelier.
« La peine ne pourra excéder vingt-cinq francs d'amende. »
- Adopté.
« Art. 45. Les infractions prévues à l'article 42 se prescrivent par quinze jours. Ce délai court, pour les faits commis à bord des bateaux de pêche, du jour de la rentrée du bateau au port. »
- Adopté.
« Art.47. Les conseils de prud'hommes connaissent des demandes de leur compétence jusqu'à 200 francs, sans appel, et, à charge d'appel, à quelque valeur que la demande puisse monter.
« Il n'y aura lieu à appel des sentences préparatoires ou interlocutoires qu'après les semences définitives et conjointement avec l'appel de ces dernières (1).
« L'appel sera porté devant le tribunal de commerce, sauf pour les affaires des mines do t connaîtra le tribunal civil de première instance. »
(1) Disposition supprimée : « L’exécution des sentences définitives ne portera aucun préjudice aux droits des parties quant à l’appel de ces sentences préparatoires ou interlocutoires, sans qu’elles doivent faire, à cet effet, aucune notification ni réserve. »
- Adopté.
« Art. 49. Le conseil de prud'hommes, en cas d'absence ou d'empêchement du mari ou du tuteur, peut autoriser la femme à ester en justice, et nommer au mineur un tuteur ad hoc pour remplacer dans l'instance le tuteur absent ou empêché. »
- Adopté.
« Art. 53. La citation indique les lieu, heure, jour, mois et an de la comparution ; elle mentionne les noms, profession et résidence actuelle des parties, et énonce sommairement l'objet et les motifs de la demande. »
- Adopté.
« Art. 58. Lorsque, à l'audience, l'un ou plusieurs des assistants donnent des signes publics, soit d'approbation, soit d'improbation, ou excitent du tumulte de quelque manière que ce soit, le président les fait expulser ; s'ils résistent à ses ordres ou s'ils rentrent, il les fait arrêter et conduire à la maison d'arrêt : il est fait mention de cet ordre dans le procès-verbal, et, sur l'exhibition qui en sera faite au gardien de la maison d'arrêt, les perturbateurs y seront reçus et retenus pendant vingt-quatre heures.
« Lorsque le tumulte a été accompagné d'injures ou de voies de fait donnant lieu à l'application ultérieure de peines de simple police, ces peines peuvent être prononcées séance tenante, et immédiatement après que les faits ont été constatés ; quand il s'agit d'un crime ou d'un délit commis à l'audience, le président, après avoir fait arrêter le délinquant et après avoir dressé procès-verbal des faits, envoie ces pièces et le prévenu devant les juges compétents. » (2).
Le dernier paragraphe est supprimé ; il était ainsi conçu : « Les sentences prononcées en vertu du présent article ne sont point sujettes à appel. »
- Adopté.
« Art. 59. Les sentences rendues en vertu des deux articles qui précèdent sont exécutoires par provision. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet, qui est adopté à l'unanimité des 57 membres qui ont pris part au vote, un membre (M. Van Overloop) s'est abstenu.
Ont voté l'adoption : MM. Malou, Manilius, Mascart, Moncheur, Moreau, Muller, Neyt, Notelteirs, Orban, Pierre, Rodenbach, Rogier, Saeyman, Tack, Tesch, Thiéfry, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Iseghem, Vervoort, Verwilghen, Coomans, Coppieters 't Wallant, Crombez, David, de Bast, de Boe, de Breyne, de Bronckart, Dechentinnes, De Fré, De Lexhy, de Liedekerke, Deliége, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Portemont, (erratum, page 439) de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smet, de Terbecq, de Theux, de Vrière, d'Hoffschmidt, B. Dumortier, H. Dumortier, d'Ursel, Frère-Orban, Goblet, Godin, Jacquemyns, J. Jouret, le Bailly de Tilleghem, J. Lebeau et Verhaegen.
M. le président. - Le membre qui s'est abstenu est invité à faire connaître les motifs de son abstention.
M. Van Overloop. - Messieurs, je n'ai pas voulu voter contre le projet de loi que j'approuve dans son ensemble. Je n'ai pas voté contre à cause de l'article 14 qui consacre le vote, dans des assemblées (page 423) séparées, des chefs d'industrie et des ouvriers, article que je considère comme devant entraîner des conséquences excessivement graves dans l'avenir.
Discussion des conclurions du rapport de la commission des pétitions sur la requête du général Borremans, relative à la liquidation de sa pension
M. Thiéfry. - C'est pour la troisième fois que la Chambre est appelée à délibérer sur la réclamation du général Borremans ; je crois qu'il est temps de mettre un terme à la présentation de nouvelles requêtes. Je le dis avec franchise, c'est à regret que je viens combattre l'opinion émise à la fin du rapport de la commission des pétitions. S'il était possible d'accorder une faveur à un vieux soldat de l'Empire, certes l'honorable général en serait bien digne ; il a servi pendant 47 ans d'une manière très distinguée, il a fait 14 campagnes ; ce sont là des titres que peu de militaires sauraient invoquer. Mais nous sommes obligés d'envisager la question au point de vue des lois et des conséquences que la décision de la Chambre pourrait avoir.
Depuis l'impression du dernier rapport de l'honorable M. Vander Donckt, nous avons reçu le cahier d'observations de la cour des comptes, et à la page 78, la cour a indiqué les motifs qui l'ont empêchée de liquider la pension du général avec le supplément accordé par l'article 20 de la loi du 24 mai 1838.
Il y a par conséquent un conflit entre la cour des comptes et le ministre de la guerre ; nous connaissons tous le soin minutieux avec lequel la cour procède à l'examen des, affaires qu'elle doit contrôler, et la justice qui préside à ses décisions ; avant donc de déclarer qu'elle s'est trompée, alors qu'elle s'appuie sur la lii, il est nécessaire d'être bien éclairés. La décision que vous allez prendre, messieurs, aura de l'importance, non pas précisément en raison de la somme, elle n'est que de 500 francs, mais parce qu'il s'agit d'un principe contraire à la loi sur les pensions militaires, et que, si l'on n'y prend garde, des abus naîtront de la marche que suivraient les ministres de la guerre.
Les pensions militaires sont accordées ou pour ancienneté de service, ou pour blessures et infirmités : celles-ci sont liquidées à un taux plus élevé, et pour les obtenir il faut justifier de ses droits. Pour faire bien comprendre quels sont les officiers qui peuvent y prétendre, je lirai d'abord deux articles de la loi du 24 mai 1838.
« Art. 7. Les blessures accordent un droit immédiat à la pension, si elles ont occasionné la cécité, l'amputation ou la perte absolue de l'usage d'un ou plusieurs membres. »
Cet article n'est pas applicable à la réclamation dont il s'agit.
« Art. 8. Dans les cas moins graves, elles ne donneront lieu à l'obtention de la pension que sous les conditions suivantes :
« Pour l'officier, si elles le mettent hors d'état de pouvoir servir activement, et lui ôtent la possibilité de rentrer ultérieurement au service. »
Ainsi donc pour avoir le bénéfice de la pension pour blessures, il faut nécessairement que l'officier soit en activité et que ses blessures l'empêchent à tout jamais de reprendre un service actif.
Le 19 août 1838, un arrêté royal a été communiqué à toute l'armée. Il a pour but, dit le considérant, de déterminer les formes et les délais dans lesquels doivent être justifiées les causes, la nature et les suites des blessures ou infirmités qui donnent droit à la pension de retraite.
L'article premier est ainsi conçu :
« Tout militaire qui a des droits à faire valoir à la pension de retraite, pour cause de blessures ou d'infirmités, est tenu de les faire valoir, par la voie hiérarchique, avant de quitter le service.
« Le ministre de la guerre fera procéder, immédiatement après la réception de la demande, à la vérification des droits du réclamant, selon les règles établies par le présent arrêté. »
L'article 3 dit :
« Toute demande d'admission à la pension de retraite pour cause de blessure ou infirmités devra ère appuyée : 1° d'un certificat dans lequel l'officier de santé qui aura prescrit ou dirigé le dernier traitement, constatera la nature et les suites desdites blessures ou infirmités et déclarera positivement si elles lui paraissent incurables, et si elles lui semblent de nature à empêcher le militaire de rester au service ». Chaque année des propositions sont faites en se conformant à cet arrêté, tous les officiers et surtout les généraux connaissent donc parfaitement les règles établies pour l'obtention d'une pension, personne ne peut ignorer la loi.
Il résulte de ces articles comme de la loi même, que c'est bien pendant que l'officier se trouve encore sous les drapeaux, qu'il doit prouver que ses blessures l'empêchent de continuer son service.
La loi a accordé alors un supplément de pension par suite de l'intérêt qu'inspire l'homme dont la carrière est brisée, et qui dans la vie privée éprouve des douleurs et des privations de tout genre. Elle ne donne point cette augmentation aux militaires mis à la pension pour ancienneté de service, ni à ceux qui ont reçu des blessures 45 ans avant leur mise à la retraite, blessures dont ils ont été guéris, puisqu'ils ont pu continuer un service actif pendant un laps de temps aussi long.
Il y a, au département de la guerre, une règle adoptée pour la mise à la retraite des officiers. Les généraux-majors sont pensionnés à 63 ans : ce n'est qu'exceptionnellement, et par une faveur toute spéciale, que l'on peut être conservé en activité après cet âge ; pour jouir de cet avantage, il faut avoir la force et la vigueur pour supporter les fatigues du métier.
Voyons maintenant comment les choses se sont passées. Par arrêté royal du 24 février 1854, le général-major Borremans est admis à faire valoir ses droits à la retraite. Par arrêté du 14 mars, les généraux Goblet, Prisse, Deys, Rrialmont et Borremans sont mis à la pension, tous pour ancienneté ; le général Goblet seul n'a point atteint l'âge adopté pour la mise à la retraite ; le général Borremans l'a dépassé, il a près de 65 ans. Le 22, il adresse une demande au département de la guerre pour profiter des bénéfices que la loi accorde pour blessures, et il se fonde sur une blessure reçue le 6 juin 1809. Le 14 avril suivant, un autre arrêté accorde une pension à ce général, non plus pour ancienneté de service, nais pour infirmité grave, incurable, provenant d'une blessure reçue à la guerre et qui, dit-on, lui donne droit au bénéfice de l'article 20 de la loi du 21 mai 1838. Voici cet article :
« Pour les blessures ou infirmités dont les suites ont occasionné la perte de l'usage d'un membre, ou qui y sont équivalentes, la pension est également fixée aux taux des chiffres de la cinquième colonne.
« Après 30 ans de service, la pension est augmentée d'un dixième. »
C'est pour accorder ce dixième que le deuxième arrêté a été pris ; il s'agit de savoir si l'augmentation est due. La cour des comptes, sans entrer dans les motifs de la distinction faite par le législateur entre la pension pour ancienneté et celle pour blessures, a refusé de liquider l'augmentation, se fondant sur ce que les prescriptions de la loi n'avaient pas été suivies, l'intéressé n'ayant point fait valoir ses infirmités avant de quitter le service.
Les articles que j'ai lus et l'exposé des faits prouvent à évidence que la cour des comptes a eu raison ; mais à cette tribune nous pouvons nous permettre autre chose que la discussion des articles de loi, nous avons le droit d'apprécier les actes du gouvernement ; eh bien, je le dis hautement, l'arrêté du 14 avril 1854 est un acte de faveur que l'on voudrait faire sanctionner par la Chambre.
J'ai peine à concevoir que le 14 avril on prétende que les blessures du général étaient équivalentes à la perte d'une main ou d'une jambe ; car c'est là ce qu'on entend par la perte de l'usage d'un membre, tandis que le 14 mars, jour de sa mise à la pension, il commandait activement une brigade d'infanterie à Gand.
Le général a dépassé l'âge du maintien au service ; pendant près de 2 ans il a été maintenu exceptionnellement en activité, puis quand le moment de la retraite a sonné, on vient réclamer le taux fixé pour la pension de ceux qui, à cause de blessures, sont incapables de continuer leur service. La Chambre ne peut pas admettre une telle prétention sans déroger à la loi, sans établir un précédent, dont indubitablement on abuserait encore. On verrait des officiers favorisés être prévenus du moment où ils vont être mis à la retraite, et réclamer alors la majoration de la pension pour rhumatismes, infirmités ou blessures ; de cette manière on violerait la loi. Ce sont là des abus que je veux prévenir, abus qui deviendraient légaux si la Chambre admettait la réclamation.
M. le ministre Greindl a écrit à la Chambre : « Pendant que l'arrêté qui admettait le général à la retraite était soumis à la sanction du Roi, M. Borremans était en instance pour faire valoir ses infirmités. »
La loi exigeant que ces sortes de réclamations soient faites avant de quitter le service, l'honorable rapporteur a cru que cette différence de quelques jours était la seule cause qui empêchait la révision de la pension ; je dois au moins le supposer ainsi, d'après le passage suivant du rapport de l'honorable Vander Donckt, du 2 mars 1858 :
« M. le général Borremans a été blessé grièvement pendant les guerres de l'empire.
« Aux termes de la législation sur la matière, les blessures constatées lors de la mise à la pension d'un officier, lui assurent une augmentation de 500 francs.
« Pour obtenir cette augmentation, le pétitionnaire eût dû se soumettre à la visite d'une commission et réclamer le supplément avant de sortir du service. »
L'honorable rapporteur s'est trompé, la constatation d'une blessure avant la mise à la pension ne suffit pas pour avoir l'augmentation de 500 fr. ; il faut que cette blessure interrompe la carrière de l'officier et empêche la continuité du service. Ce n'est pas, je le répète, quand un militaire a atteint l'âge de la retraite et qu'il a été mis à la pension pour ancienneté, que l'on peut se prévaloir des blessures reçues 45 ans avant pour lui accorder une majoration de pension.
La preuve que cette augmentation n'est pas due a été donnée par MM. les ministres de la guerre. La cour des comptes, par lettre du 24 avril 1856, a prévenu M. le ministre Greindl que la loi du 29 octobre 1846 lui donnait le moyen de couvrir l'irrégularité. L'article 14 dit :
« Lorsque la Cour ne croit pas devoir donner son visa, les motifs de son refus sont examinés en conseil des ministres. »
C'est là une injonction, une obligation d'examiner en conseil les raisons données par la cour des comptes. Voici le paragraphe suivant :
« Si les ministres jugent qu'il doit être passé outre au payement, sous leur responsabilité, la cour vise avec réserve. »
Il dépendait donc des ministres de mettre fin à la réclamation du général Borremans, en ordonnant la liquidation de la pension sous leur responsabilité.
(page 424) Depuis cinq ans trois ministres de la guerre se sont occupés de cet objet ; dès le 30 juin 1854 le lieutenant-général Anoul a été prévenu par la cour des raisons qui l'empêchaient de liquider la pension, au taux fixé pour blessures et infirmités : après un échange d'observations, ce ministre n'a donné aucune suite à cette affaire.
Le lieutenant-général Greindl a insisté, la cour des comptes, qui était forcément arrêtée par la loi de 1838, lui a indiqué la marche prescrite par l'article 14 de la loi de 1846, M. Greindl n'a pris aucune résolution.
L'honorable général Berten n'a point non plus fait usage de cette dernière loi. Il était cependant possible de régulariser immédiatement la pension ; un seul ministre de la guerre devait seulement le vouloir et le conseil des ministres approuver. Si cela n'a pas eu lieu, aucun reproche ne peut être adressé de ce chef à la cour des comptes.
Ou cette affaire a été soumise à MM. les ministres, comme la loi en imposait l'obligation au ministre de la guerre, et il faut alors qu'ils aient refusé de prendre leur part de responsabilité ; ou aucun ministre de la guerre n'a donné connaissance du conflit à ses collègues ; il est à supposer, dans ce cas, que MM. les généraux ont compris que la prétention n'était pas fondée.
Je devrais peut-être demander à la Chambre de passer à l’ordre du jour sur la pétition ; par égard pour le pétitionnaire, j'appuierai le dépôt pur et simple au bureau des renseignements ; si la chambre le vote, MM. les ministres devront, conformément à la loi de 1846, examiner l'affaire en conseil ; ils ont entendu les objections que j'ai présentées, et je m'en rapporterai bien volontiers à leur décision.
M. de Muelenaere. - Malgré toutes les sympathies que m'inspire le pétitionnaire que j'ai eu l'honneur de connaître personnellement pendant qu'il était au service, mon opinion sur la question à l'ordre du jour est entièrement conforme à celle qui vient d'être exprimée par l'honorable député de Bruxelles.
Je pense que dans cette affaire la cour des comptes a agi dans le cercle de ses attributions et qu'elle s'est rigoureusement conformée à la loi.
J'attendrai, pour user de mon tour de parole, que d'autres membres de cette Chambre aient défendu la conduite du département de la guerre dans cette circonstance. Si nous sommes tous d'accord, il est inutile de prolonger la discussion.
M. Van Overloop. - Je ne partage pas, l'opinion de l'honorable M. Thiéfry ni celle de l'honorable comte de Muelenaere. Voici, messieurs, ce que porte la loi du 24 mai 1838 sur les pensions :
« Titre premier. Droits à la pension de retraite pour infirmité de service
« Art. 1er. Les militaires de tout grade et de toute arme, qui ont 40 années de service et qui sont âgés de 55 ans accomplis, ont droit à une pension de retraite.
« Art. 2. Le roi a la faculté de mettre à la pension de retraité ;
« 1° Les militaires qui comptent 30 années de service effectif, et qui sont reconnus hors d'état de continuer à servir ;
« 2° Ceux qui ont 40 années de service et qui en forment la demande ;
« 3° Ceux qui ont atteint l'âge de 55 ans accomplis.
« Titre II. Droits à la pension de retraite pour cause de blessures ou d'infirmités.
« Art. 6. Les blessures, lorsqu'elles sont graves et incurables et qu'elles proviennent d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés dans un service commandé, donnent droit à une pension de retraite, quelle que soit la durée des services. »
Le titre IV est relatif à la fixation des pensions.
La première section fixe les pensions pour ancienneté de service.
La deuxième section fixe les pensions pour cause de blessures et d'infirmités.
Que résulte-t-il des faits connus, d'après les lettres émanées du département de la guerre et adressées à la cour des comptes ?
Il résulte de, ces faits, mis en rapport avec la loi, que le général Borremans avait le droit de réclamer la liquidation de sa pension de deux manières différentes. II avait l'âge ; il pouvait donc réclamer la pension pour cause d'ancienneté. Et le général Borremans avait également droit (c'est ce que constatent les réponses du département de la guerre, tant celles du général Anoul que du général Greindl), à demander sa pension pour cause d'infirmités ou de blessures graves et incurables. C'était un droit que personne, d'après moi, ne pouvait lui ôter.
Le général Borremans pouvait donc demander sa pension et demander que cette pension fût liquidée ou conformément au titre IV, première section, pour ancienneté de service, ou conformément au titre IV, deuxième section, pour cause de blessures et d'infirmités.
Le général Borremans n'a pas réclamé sa pension, mais le Roi, usant de la faculté que lui accorde l'article 2 de la loi, a mis le général Borremans à la pension.
Maintenant quels sont les rétroactes ?
Un arrêté du 24 février 1854 met à la pension le général Borremans.
Un arrêté du 14 mars 1854 fixe cette pension conformément à l'article premier de la loi du 24 mai 1858, pour plus de 40 années de service et 55 ans d'âge. C'est la pension pour ancienneté.
Cet arrêté, et c'est là, d'après moi, la question capitale, c'est le nœud gordien, cet arrêté, d'après les réponses du département de la guerre, n'a été mis à exécution que le 30 mars 1854. Il n'a été inséré au Moniteur que le 3 avril 1854.
Dans l'intervalle, qu'avait fait M. le général Borremans ? Le 22 mars, il avait, conformément à l'arrêté du 19 août 1838, adressé au département de la guerre, par la voie hiérarchique, sa réclamation tendante à faire liquider sa pension conformément à la section 2 du titre IV de la loi du 24 mai 1838. Le général Borremans avait donc rempli toutes les formalités qu'il avait à remplir, car l'article premier de l'arrêté du 19 août 1838 porte : « Tout militaire qui a des droits à faire valoir à la pension de retraite, pour cause de blessures ou d'infirmités, est tenu de les faire valoir, par la voie hiérarchique, avant de quitter le service. »
Il s'agit donc d'une question de fait.
D'après la correspondance qui est intervenue entre la cour des comptes et M. le ministre de la guerre, les blessures du général Borremans sont incontestables. Je ne pense pas que la blessure dont le général Borremans se plaint le plus soit une blessure reçue en 1809, mais c'est, si mes renseignements sont exacts, car je n'ai jamais eu le moindre entretien avec le général, que je ne connais que de vue, de la blessure qu'il a reçue au combat de Kermpt en 1831 et la Chambre sait de quelle bravoure a fait preuve le général Borremans pendant la déplorable campagne de 1831.
Il y avait donc à constater, conformément à l'arrêté du 19 août 1838, s'il était vrai que le général Borremans était atteint d'une blessure grave, et ce fait étant constaté, il fallait respecter les droits acquis qu'avait, d'après moi, le général Borremans à la liquidation de sa pension pour cause de blessures ou d'infirmités.
Or, c'est ce qui a eu lieu, d'après les déclarations du département de la guerre.
Que s'en est-il suivi ? Par arrêté du 14 mars 1854, publié dans le Moniteur du 3 avril suivant, la pension du général Borremans avait été liquidée pour cause d'ancienneté ; mais, par arrêté du 14 avril 1854, publié dans le Moniteur du 22 avril suivant, l'arrêté du 14 mars fût révisé, et la pension du général fut liquidée pour cause de blessures.
Cela établit une différence de 500 fr. en faveur du général.
Mais, lors de la liquidation du premier trimestre de la pension du général sur le pied de 5,500 fr., la cour des comptes refusa de liquider sur ce pied, en se fondant sur ce que le général n'avait pas fait valoir ses droits dans le délai prescrit par l'arrêté du 19 août 1838.
Je félicite hautement la cour de sa sollicitude pour les intérêts du trésor, mais je crois qu'elle s'est trompée dans l'application de la loi.
Encore une fois le fait de la blessure est incontestable. C'est ce qu'affirme le département de la guerre après avoir rempli toutes les formalités indiquées par l'arrêté de 1838. D'un autre côté, il est incontestable, d'après les déclarations du département de la guerre, que le général Borremans avait adressé sa réclamation pendant que l'arrêté était à la signature royale, et avant qu'il n'eût été publié.
Ces faits étant constants, peut-on contester la demande de M. le général Borremans ? Quant à moi, je ne le pense pas. Aussi je regrette que le département de la guerre n'ait pas cru devoir suivre l'avis que lui donnait la cour des comptes, avis qui consistait à faire décider la question par le conseil d'es ministres ou à faire proposer un projet de loi spécial, relatif à la réclamation de M. le général Borremans. Si on avait suivi l'un ou l'autre de ces conseils, la pétition de M. le général Borremans ne se renouvellerait pas de session en session. Pourquoi ne pas agir comme on a agi sous le ministère de l'honorable M. H. de Brouckere, relativement à un ancien ministre ?
Messieurs, vous devez tous vous rappeler qu'un ancien ministre était en fonctions depuis deux ans écoulés, lorsque fut abrogée la loi décrétant une pension au profit des ministres ; que cet ancien ministre resta aux affairés après l'abrogation de cette loi ; qu'après sa sortie du pouvoir, la cour des comptes refusa de liquider sa pension de ministre, par la raison qu'il était encore ministre au moment où la loi fut abrogée. En présence de la résistance de la cour des comptes (résistance qui n'est qu'une preuve de sa sollicitude), le ministère de l'honorable M. dé Brouckere présenta un projet de loi, et si mes souvenirs sont exacts, c'est sur ma proposition que la Chambre adopta l'ordre du jour, motivé sur ce que cet ancien ministre avait un droit acquis, avant l'abrogation de la loi sur la pension des ministres.
A la suite de cet ordre du jour, l'ancien ministre auquel je fais allusion reçut sa pension, que la cour des comptes liquida alors sans difficulté.
Il y aurait peut-être lieu, dans l'espèce, d'agir de la même manière.
Quoiqu'il en soit, comme je suis tout aussi soucieux que les honorables MM. Thiéfry et de Muelenaere des intérêts du trésor, peut-être serait-il préférable de suivre l'idée émise par l'honorable M. Thiéfry, à savoir qu'on pourrait prier le conseil des ministres d'examiner la question ; et s'il partage mon opinion sur le droit acquis que je prétends exister dans la personne de M. le général Borremans, le conseil des ministres pourrait alors agir conformément à l'article 14 de la loi sur la cour des comptes.
Quant à moi, je désire qu'une décision soit prise. Je le répète, M. le général Borremans est un des plus braves soldats de notre armée, il s’est toujours conduit comme un des serviteurs les plus zélés de l'Etat, il a versé sou sang pendant la campagne de 1831, dans l'intérêt de l'indépendance nationale, et un vieux militaire comme le général Borremans ne (page 425) doit pas être éconduit, sans qu'on ait sérieusement et mûrement examiné ses réclamations.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, la discussion qui vient d'avoir lieu prouve combien j'ai eu raison de proposer à la Chambre d'ordonner l'impression de toutes les pièces, avant de statuer sur la réclamation de M. le général Borremans.
Pourquoi la commission des pétitions a-t-elle présenté les conclusions sur lesquelles la Chambre délibère en ce moment ?
D'abord, parce que deux hounrables ministres de la guerre qui se sont succédé ont été d’avis l'un et l'autre que les droits du général Borremans étaient incontestables.
L'opposition faite par la cour des comptes provenait de ce que, suivant elle, le général Borremans aurait dû faire valoir ses droits avant de sortir du service.
Or, l'honorable M Van Overloop a très bien prouvé, en rappelant les dates, que le général Borremans avait réclamé dans le délai voulu, puisque l'arrêté royal qui l'admettait à la pension, n'était exécutoire que le 30 mars seulement, tandis que le général a demandé, dès le 22, sa pension basée sur ses blessures.
Un autre motif qui a engagé la commission des pétitions à présenter à la Chambre ses conclusions, c'est qu'il y a un précédent. La pension d'un autre honorable général, M. de Cruquenbourg, a été liquidée sur le même pied, sans opposition de la part de la cour des comptes, et ce général en a joui jusqu'à sa mort.
Le refus de la cour des comptes, en ce qui concerne le général Borremans, est basé sur ce motif, que le général ne se serait pas conformé à la loi, en ne demandant pas la pension pour blessures avant de sortir du service.
Or, le général Borremans, dans sa dernière requête, établit à la dernière évidence qu'il s'est conformé à la loi. En effet, l'arrêté qui l'admet à la pension est du 14 mars ; mais il n'était exécutoire que le 30, jour auquel il a été signifié au pétitionnaire.
Telles sont, messieurs, les raisons pour lesquelles la commission des pétitions a cru pouvoir vous proposer l'admission du lieutenant général Borremans à la pension pour blessures graves.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je ne pense pas que la marche qui est proposée par la commission des pétition i puisse être suivie par la Chambre.
La commission propose à la Chambre de décréter que la pension de M. le général Borremans sera liquidée au taux de 5,500 fr.
Est-ce une loi que la commission des pétitions propose ?
Si c'est une loi, on ne s'est conformé à aucune des formalités prescrites par le règlement pour la confection des lois. Aucune proposition n'a été faite ; la Chambre en sections n'en a pas autorisé la lecture ; la proposition n'a pas été prise en considération ; elle n'a pas été examinée par les sections ; il n'y a pas de rapport.
La Chambre ne peut pas faire une loi en dehors des conditions déterminées par son règlement.
Est-ce que la commission des pétitions peut, d'ailleurs, prendre l'initiative d'une proposition de loi ? Est-ce un acte d'administration qu'elle invite la Chambre à accomplir, en révisant la pension de M. le général Borremans ?
Mais la Chambre est incompétente pour faire un acte d'administration de ce genre.
Je n'ai pas à me prononcer sur le fond même de l'affaire, je fais mes réserves sur les observations présentées par les honorables MM. Thiéfr. et de Muelenaere, car je ne connais pas suffisamment les faits.
Mais il me semble que la seule chose à faire par la Chambre, c'est de renvoyer la pétition purement et simplement au département de la guerre. Déjà, dira-t-on, une réponse a été faite ; des résolutions semblables ont été prises sans être suivies d'une solution. Il n'en est pas moins vrai qu'il n'y en a pas d'autre à prendre pour suivre une marche légale.
M. le ministre de la guerre qui n'est pas engagé, qui n'a pas liquidé la pension, pourra examiner s'il doit déférer la question au conseil des ministres pour qu'en exécution de l'article 14 de la loi organique de la cour des comptes, le conseil décide s'il y a lieu de passer outre au payement de la pension liquidée par le département de la guerre, nonobstant le refus de visa de la cour.
Je ne puis pas admettre avec l'honorable M. Van Overloop, qu'il y aurait lieu par la Chambre de renvoyer l'affaire au conseil des ministres ; la Chambre semblerait indiquer que ce conseil doit nécessairement se réunir et statuer. Je ne pense pas qu'il soit convenable que la Chambre prenne une pareille résolution.
Au fond, l'affaire ne paraît pas avoir l'importance qu'on y attache. La liquidation n'a pas été faite d'une manière strictement conforme aux dispositions de l'arrêté du 19 avril 1838 ; c'est une fin de non-recevoir, si j'ai compris, que la cour des comptes oppose au pétitionnaire, parce qu'il n'a pas fait valoir ses droits du chef de blessures qu'après la date de l'arrêté qui l'admettait à la retraite.
Si M. le général Borremans avait été averti de l'intention où l'on était de le mettre à la retraite, il aurait fait sa demande, et d'après les faits constatés, il semble assez probable que la pension aurait été liquidée avec l'augmentation du chef de ses blessures. Il a été, au contraire, mis à la pension spontanément, parce qu'il se trouvait, d'après l'appréciation du département de la guerre, dans l'impossibilité de continuer son service. Je présume que M. le général Borremans prétend qu'on a pensé qu'il était dans l'impossibilité de continuer son service à raison de son âge, tandis que, réellement, c'était à cause de ses blessures.
Si la pension a été ensuite liquidée à 5,500 fr., n'est-ce pas à une simple appréciation de fait que l'on s'est livré ?
Je me borne à indiquer la question sans la résoudre, et je persiste à penser que la seule chose à faire, c'est de prononcer purement et simplement le renvoi au département de la guerre.
- Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !
M. de Muelenaere. - Il est cependant une observation à faire. Il ne faut pas perdre de vue que la cour des comptes s'est trouvée devant un double obstacle résultant de la loi du 24 mai 1858. Pour avoir droit à une pension de retraite pour blessures, il faut se trouver rigoureusement dans les termes de la loi. Or, qu'exige cette loi pour donner ouverture à une pension pour blessures ? L'article 8 porte : « Les blessures ne pourront donner droit à l'obtention d'une pension que sous les conditions suivantes : pour l'officier, si elles le mettent hors d'état de servir activement. »
Vous voyez que d'après l'article 8 il faut que la blessure ait été de nature à mettre l'officier hors d'état de pouvoir continuer son service. Or, il est constaté par la correspondance que le général Borremans a été admis à la pension par l'initiative du gouvernement, sans qu'il en ait jamais fait la demande. Il avait 65 ans, il a été retraité en vertu de la loi à raison de son âge et de son ancienneté, il est constaté qu'il n'a jamais sollicité cette mise à la retraite. Ce n'est pas parce qu'il était incapable de continuer un service actif qu'il a été pensionné, c'est en exécution d'une autre disposition de la loi de 1838 qui permet de mettre à la pension ordinaire les officiers ayant plus de 40 ans de service et plus de 55 ans d'âge.
Il est vrai que la cour des comptes a insisté sur une irrégularité, une contravention à l'arrêté du 19 août 1838 ; mais cet arrêté est aussi une partie intégrante de la loi ; la loi du 24 mai 1838 porte : « La cause, la nature et les suites des blessures seront justifiées dans les formes et les délais qui seront déterminés par un arrêté royal inséré au bulletin des lois ». En effet il est intervenu un arrêté qui a fixé les délais dans lesquels, pour jouir des faveurs extraordinaires accordées par la loi, les réclamations doivent être fournies.
Mais si le général Borremans avait eu droit à une pension pour infirmités, encore la réclamation eût-elle été tardive, n'ayant pas été fournie dans le délai déterminé.
J'ai fait cette observation pour prouver que la cour des comptes s'est bornée à demander l'exécution pleine, entière et religieuse de la loi. Si on trouve moyen de donner au général Borremans la pension qu'il a méritée par ses longs et loyaux services, je ne demanderai pas mieux que d'y prêter la main.
Si l'on veut présenter un projet de loi spécial en faveur de l'honorable général, je déclare d'avance que je lui donnerai volontiers mon assentiment ; mais dans l'état actuel des choses, j'estime que la cour des comptes a eu raison de refuser la liquidation de la pension du général au taux de 5,500 francs, telle qu'elle avait été fixée par arrêté royal du 14 avril 1854. (Aux voix ! aux voix !)
M. Thiéfry. - Je ne veux dire que deux mots.
Messieurs, on a cité un précédent pour établir la légalité de la liquidation de la pension du général Borremans pour blessures. Cet exemple est mal choisi, car il a été un abus ; c'est, d'ailleurs, le seul précédent qui ait jamais existé, et il ne faut pas que cela se renouvelle.
Je ne m'oppose pas au renvoi au ministre de la guerre, convaincu qu'il aura le même résultat que le dépôt au bureau des renseignements. On examinera toujours cette affaire avec attention.
L'honorable M. Van Overloop a prétendu que j'étais dans l'erreur lorsque je faisais remonter à 1809 l'année oh M. le général Borremans a reçu la blessure à raison de laquelle il croit avoir droit au supplément de 500 francs. Or, messieurs, j'ai sous les yeux l'état officiel de services de l'honorable général, et je n'y vois aucune autre blessure que celles reçues en France. J'ai trouvé, en outre, à la cour des comptes le certificat du médecin pour l'obtention de la majoration ; il n'est pas conforme aux prescriptions de l'arrêté de 1838, et il indique la blessure reçue en 1809 pour motiver l'augmentation de la pension. Je n'en dirai pas davantage, je m'en réfère aux raisons que j'ai développées.
M. le président. - La commission propose le dépôt de la pétition au bureau des renseignements et plus loin elle demande que la Chambre décrète que la pension de 5,500 francs est due. Nous sommes donc en présence de la demande de dépôt au bureau des renseignements et de la proposition de M. le ministre des finances ayant pour objet le renvoi à M. le ministre de la guerre.
M. de Muelenaere. - Je voulais proposer à la Chambre le renvoi pur et simple à M. le ministre de la guerre.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est ainsi que je l'entends.
M. B. Dumortier. - Il ne faut pas qu'il y ait équivoque ; il doit être bien entendu que le renvoi ne doit pas être entendu dans le sens indiqué par la commission. (Non ! non !)
M. J. Lebeau. - C'est un simple renvoi pour examen ultérieur.
- Le renvoi pur et simple à M. le ministre de la guerre est ordonné.
La séance est levée à 4 1/2 heures.