(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)
(page 81) (Présidence de M. Orts, premier vice-président.)
M. Crombez fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Vermeire lit le procès-verbal de la séance précédente.
- La rédaction en est approuvée.
M. Crombez présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Des bateliers de Mortagne et des environs, naviguant habituellement sur les canaux et rivières de Belgique, demandent la réduction des droits de patente auxquels ils sont soumis. »
M. Lelièvre. - J'appuie cette pétition, et j'en demande le renvoi à la commission, qui sera invitée à faire un prompt rapport.
« Le sieur Wilmer propose des modifications aux articles 2 et 40 du projet de loi sur la contrainte par corps. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du vote définitif de ce projet de loi.
« Des habitants de Louvain demandent que M. le ministre de l'intérieur soit invité à se prononcer sur ses intentions relatives aux réclamations qui ont été adressées en faveur de la langue flamande. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des consommateurs et négociants en engrais, charbons et autres matières qui se transportent par eau, demandent que la section du canal de Schipdonck à la Lys soit ouverte à la navigation. »
M. Tack. - Je proposerai le renvoi de cette requête à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
- Adopté.
« La dame Lehouque prie la Chambre de s'occuper de sa pétition tendante à ce que la pension dont elle a joui à titre de veuve sans enfants du sieur Havard, ancien receveur des contributions, lui soit continuée. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« M. de Renesse demande un congé de quelques jours pour cause d'indisposition. »
- Accordé.
A l'article 1er, n°2°, les mots : « qui signeront des effets », sont, sur la proposition de la section centrale, remplacés par ceux-ci : « qui ont signé ou garanti des effets ».
A l'article 4, n°5°, les mots : « constituées sur immeubles », sont remplacés par : « constituées sur particuliers ».
L'article 5 est définitivement adopté, avec l'amendement qui y a été introduit au premier vote, et avec la substitution du mot « peut » au mot « pourra ».
L'article 10 est définitivement adopté, avec l'amendement qui y a été introduit au premier vote, et avec la substitution des mots : « envers un étranger », aux mots : « envers une personne ».
L'article 15 est définitivement adopté avec l'amendement qui y a été introduit lors du premier vote.
L'article 18 est définitivement adopté.
Les articles 25 et 26 sont définitivement adoptés dans les termes suivants :
« Art. 25. La contrainte par corps ne peut être prononcée : 1° contre les femmes et les filles, si ce n'est pour des faits de leur commerce, lorsqu'elles sont légalement réputées marchandes publiques (articles 4 et 5 du Code de commerce), pour stellionat et lorsqu'elles sont condamnées en vertu des dispositions du titre IV de la présente loi.
« La contrainte par corps pour cause de stellionat pendant le mariage n'a lieu contre les femmes mariées que lorsqu'elles sont séparées de biens ou lorsqu'elles ont des biens dont elles se sont réservé la libre administration et à raison des engagements qui concernent ces biens. Les femmes qui, étant en communauté, se seraient obligées conjointement ou solidairement avec leur mari ne pourront être réputées stellionataires à raison de ces contrats ;
« 2° Contre les mineurs, si ce n'est pour dettes commerciales lorsqu'ils sont marchands et légalement réputés majeurs pour fait de leur commerce (article 2 du Code de commerce) ;
« 3° Contre les débiteurs qui ont atteint leur soixante et dixième année.
« 4° Contre les héritiers du débiteur contraignable par corps. »
« Art. 26. Elle cesse de plein droit le jour où le débiteur a atteint sa soixante et dixième année. »
« Art. 27. Dans aucun cas, la contrainte par corps ne pourra être exercés : 1° contre le mari et la femme simultanément ; 2° contre le veuf ou la veuve ayant un ou plusieurs enfants mineurs aux besoins desquels ils pourvoient. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, pour rencontrer les différentes objections qui ont été faites, je proposerai de rédiger l'article 27 de la manière suivante :
« Art. 27. Dans aucun cas la contrainte par corps ne peut être exercée simultanément contre le mari et la femme.
« Les tribunaux peuvent, par le jugement de condamnation, suspendre l'exercice de la contrainte par corps pendant un temps qu'ils détermineront à l'égard des débiteurs de bonne foi, s'ils sont veufs ou veuves et s'ils ont un ou plusieurs enfants mineurs aux besoins desquels ils pourvoient par leur travail.
« Si le veuvage survient après le jugement de condamnation, le débiteur pourra se pourvoir conformément à l'article 36. »
Une objection qui a été faite contre le paragraphe 2 de l'article 27, c'est qu'il étendait beaucoup trop l'exemption de la contrainte par corps. Je pense y avoir remédié en laissant au juge le soin d'apprécier toutes les circonstances et de suspendre, le cas échéant, l'exercice de cette contrainte par le jugement de condamnation.
Il est bien entendu que si le veuvage existe déjà au moment où le tribunal est saisi de l'affaire, la demande de suspension de la contrainte par corps devra être faite, et qu'il y sera statué en même temps que sur le fond. Si le veuvage survient et que le débiteur se trouve dans le cas prévu par cet article, il pourra se pourvoir devant le tribunal conformément aux règles tracées par l'article 35bis que je propose. Dans tous les cas, cet article n'est applicable qu'aux débiteurs de bonne foi ; ce n'est qu'à l'égard du veuf ou de la veuve de bonne foi que le tribunal pourra suspendre la contrainte par corps.
- L'article 27 nouveau proposé par M. le ministre de la justice est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Nous passons à l'article 34.
M. Lelièvre. - Je demande la parole.
Messieurs, il s'est glissé une erreur dans la rédaction de l'article 35. Les mots : « la demande sera portée devant la juridiction qui a prononcé la contrainte par corps », doivent disparaître, puisque, d'après les expressions suivantes : « le tribunal compétent » est celui du domicile du débiteur.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il y a une nouvelle rédaction des articles 34 et 35.
M. le président. - Voici la nouvelle rédaction proposée par M. le ministre :
« Art. 34. Après trois mois de détention, le débiteur obtiendra son élargissement en payant ou en consignant le tiers du principal de la dette et des accessoires et en fournissant caution pour le surplus.
« La caution devra s'obliger solidairement avec le débiteur à payer les deux tiers qui resteront dus dans un délai qui ne pourra excéder une année.
« Si, à l'expiration du délai, le créancier n'est pas intégralement payé, il pourra de nouveau exercer la contrainte par corps contre le débiteur, sans préjudice de ses droits contre la caution. »
« Art. 35. Lorsqu'une année se sera écoulée depuis l'incarcération, le débiteur pourra demander son élargissement en prouvant qu'il est dépourvu de tout moyen d'acquitter la dette.
« Le jugement sera eu dernier ressort.
« En cas de rejet de la demande, elle ne pourra être reproduite qu'après une année révolue. »
« Art. 35bis. Dans les cas prévus par les articles précédents, quelle que soit la juridiction qui a prononcé la contrainte, le tribunal compétent sera le tribunal de première instance ou le tribunal de commerce selon la matière de la dette.
« La cause sera portée devant le tribunal du domicile du débiteur, et, si celui-ci n'a pas de domicile en Belgique, devant le tribunal du lieu où il se trouve détenu. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'expliquerai en peu de mot la nouvelle rédaction que j'ai l'honneur de proposer.
L'article 34 prévoit le cas où un débiteur demande son élargissement en payant le tiers de la dette principale et des accessoires et en fournissant caution pour le reste. Cet article détermine également le tribunal qui doit connaître de l'affaire.
L'article 35 prévoit le cas où, après un an de détention, le débiteur demande son élargissement. Cet article règle également la juridiction qui doit être saisie et le tribunal devant lequel la cause doit être portée.
Je crois que les règles de compétence doivent être les mêmes dans les deux cas.
Je supprime donc des articles 34 et 35 tout ce qui a rapport à la juridiction et au tribunal qui doivent être saisis et je propose un article 35bis, qui deviendrait l'article 36, qui détermine et la juridiction devant laquelle l'affaire doit être portée et le tribunal qui doit en connaître.
Maintenant, messieurs, voici comment ces principes seront appliqués. Deux tribunaux seulement pourront connaître, à l'avenir, de ces demandes : ce sera le tribunal de première instance si la dette est civile, ou le tribunal de commerce si la dette est commerciale.
Quant à la compétence ratione personae, ce sera le tribunal du domicile du débiteur qui connaîtra de l'affaire si le débiteur est domicilié en Belgique, soit qu'il s'agisse d'une offre de caution, soit qu'il s'agisse d'une demande d'élargissement après une année de détention.
(page 82) Nous évitons ainsi les difficultés que pourrait faire naître la rédaction adoptée au premier vote.
Ainsi, on pouvait se demander, lorsque, par exemple, la contrainte par corps résultait d'un arrêt rendu par une cour d'assises, quelle était la juridiction qui devait connaître de l'affaire, qu'il s'agît de l'offre d'une caution ou d'une demande d'élargissement. Ces difficultés disparaissent par la modification que je propose. Tous les juristes de cette assemblée savent, en effet, qu'on ne peut pas porter une pareille affaire devant une cour d'assises, qui n'est pas permanente et qui n'est d'ailleurs pas compétente pour juger de pareilles affaires.
La créance étant civile de sa nature, ce sera le tribunal de première instance qui connaîtra de l'affaire.
On pouvait se demander aussi si, par exemple, quand la contrainte était le résultat d'un arbitrage en matière commerciales, il fallait nommer un nouveau tribunal arbitral pour statuer sur la caution ou la demande d'élargissement. Maintenant, ce sera le tribunal de commerce qui devra être saisi.
Je crois ainsi avoir fait disparaître les difficultés les plus ordinaires qui pouvaient se représenter, car il n'est donné à personne de les prévoir toutes par la loi.
- Les article 34, 35 et 36, proposés par M. le ministre de la justice, sont mis aux voix et définitivement adoptés.
Le nouvel intitulé du titre VI ainsi conçu : « De la contrainte par corps en matière répressive et des peines subsidiaires pour le cas de non-payement des amendes », est définitivement adopté.
« Art. 44. Les condamnations à l'amende et aux frais envers l'Etat, prononcées en matière criminelle, correctionnelle et de simple police, sous l'empire de la loi ancienne, pourront être exécutées par la voie de la contrainte par corps.
« Le débiteur se pourvoira devant le tribunal de son domicile à l'effet d'en faire déterminer la durée, dans les limites fixées par l'article 58. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Après les mots devant le tribunal, il faut ajouter : « de première instance ».
-L'article 44, ainsi rédigé, est définitivement adopté.
« Art. 45. Les articles 20, 24, 27, 28, 30, 31. 32, 33, 34, 35, 36, 37 et 38 sont applicables, dans les limites de la disposition de l'article 41, aux individus actuellement détenus en exécution de condamnations aux restitutions, dommages-intérêts et frais en matière criminelle, correctionnelle et de simple police.
« Toutefois, si ces condamnations n'excèdent pas 300 fr., les débiteurs pourront se pourvoir devant le tribunal civil de leur domicile, pour faire déterminer la durée de la contrainte par corps, conformément au paragraphe 2 de l'article 41. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Au lieu de : « le tribunal civil », on propose de dire : « le tribunal de première instance ».
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Comme nous avons un article de plus, il faudra en tenir compte dans les citations.
- L'article, ainsi modifié, est définitivement adopté.
M. le président. - Avant l'article 46, on propose un nouvel article ainsi conçu :
« Dans le cas des deux articles précédents, si le débiteur n'a pas de domicile en Belgique, le tribunal compétent sera le tribunal de première instance du lieu où le débiteur se trouve détenu. »
- Cet article est adopté.
L'article 46 est définitivement adopté avec les modifications qui y ont été apportées au premier vote.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet qui est adopté à l'unanimité des 65 membres qui prennent part au vote ; un membre, M. Coomans, s'est abstenu.
Ont voté l'adoption : MM. Vander Stichelen, Van Iseghem, Van Overloop, Vermeire, Verwilghen, Veydt, Allard, Ansiau, Coppieters 't Wallant, Crombez, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, de Breyne, Dechentinnes, Defré, de Haerne, de Liedekerke, Deliége, de Luesemans, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Terbecq, Dumortier (Henri), d'Ursel, Faignart, Godin, Grosfils, Jacquemyns, J. Jouret, M. Jouret, Lange, le Bailly de Tilleghem, C. Lebeau, Lelièvre, Loos, Magherman, Malou, Manilius. Mascart, Moreau, Muller, Nélis, Notelteirs, Orban, Orts, Pirmez, Pirson, Rogier, Saeyman, Tack, Tesch, Thiéfry, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom et Vander Donckt.
M. Coomans. - Je n'ai pas voté contre le projet parce qu'il renferme des améliorations réelles, mais je me suis abstenu parce qu'il maintient encore des dispositions trop sévères.
« Art. 155. Tout fonctionnaire ou officier public, tout dépositaire ou agent de l'autorité ou de la force publique, qui aura illégalement et arbitrairement arrêté ou fait arrêter, détenu ou fait détenir des personnes quelconques, sera puni d'un emprisonnement de trois mois à trois ans ;
« Si la détention illégale et arbitraire a duré plus de dix jours, d'un emprisonnement d'un an à cinq ans ;
« Si elle a duré plus d'un mois, de la détention de 5 ans à 10 ans.
« Dans les cas ci-dessus, le coupable sera de plus interdit des droits indiqués aux numéros 1, 2 et 3 de l'article 42. »
La commission propose d'ajouter, à la fin de l'article, les mots : « conformément aux articles 43 et 44. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je me rallie à la modification proposée par la commission et qui ne porte que sur la rédaction.
Quant à l'article même, je ferai la proposition que j'ai faite hier pour d'autres articles, c'est de comminer une amende, qui serait de 100 à 3,000 fr. La commission qui aura à examiner, quant à l'amende, d'autres articles, pourra peut-être augmenter ou diminuer la peine pécuniaire afin de maintenir l'harmonie entre toutes les dispositions de la loi.
M. de Luesemans. - Messieurs, les articles 155, 164 et 165 sont relatifs au même ordre d'idées ; il s'agit, dans ces articles, d'arrestations arbitraires et illégales.
Je partage entièrement les idées qui ont guidé le gouvernement et la commission spéciale. La liberté individuelle ne saurait être trop garantie ; mais j'appellerai l'attention du gouvernement et de la commission sur un genre d'appréhensions corporelles qui ne sont pas, à proprement parler, des arrestations, mais qui en participent beaucoup ; je veux parler de la saisie, comme dit la loi de 1791, d'individus qui contreviennent aux règlements de police ou qui troublent l'ordre.
Dans certains cas spéciaux, il est indispensable de s'emparer de ces individus et de les déposer en lieu sûr, autant dans leur intérêt que dans l'intérêt de la tranquillité publique.
Il est impossible, à mon avis, que ce genre d'arrestations disparaisse de nos lois, car la police municipale deviendrait en certains cas impossible.
Cette question, messieurs, m'a paru assez importante pour que j'en confère avec M. le rapporteur de la commission et M. le ministre de la justice, et je crois qu'ils ne s'opposeront pas à ce que les articles que j'ai mentionnés soient renvoyés à la commission, afin qu'elle puisse examiner si ces articles atteignent le genre d'arrestations que j'appellerai municipales et que je crois aussi nécessaires que la police elle-même.
M. Lelièvre, rapporteur. - D'après l'article 128 de la loi du 28 germinal an VI, il existe une maison de sûreté provisoire. C'est dans cette maison qu'on dépose les individus du genre de ceux dont parle l'honorable M. de Luesemans. Là, les citoyens ne sont pas arrêtés, mais ils sont gardés à vue, dans une salle de la maison commune, par mesure de police. Ce mode de procéder est parfaitement légal. Du reste, le Code dont nous nous occupons laisse subsister les lois spéciales qui énoncent dans quels cas les arrestations peuvent avoir lieu. En conséquence, jamais nous ne devrons nous occuper dans ce Code des cas dans lesquels l'arrestation est autorisée. A ce point de vue, je ne vois pas l'utilité de la mesure demandée par M. de Luesemans.
M. de Luesemans. - Il y a autre chose, messieurs, que la loi dont on vient de parler ; il y a encore la loi municipale de 1791 qu'il sera bon de consulter. Je sais bien que nous aurons à nous occuper du Code d'instruction criminelle, mais avant que le code soit voté, il s'écoulera du temps, et il serait dangereux pour la police municipale qu'on ne fût pas fixé sur la question.
Pourquoi ne pas renvoyer à la commission, pourquoi vouloir improviser une solution que M. Lelièvre ne peut pas nous donner instantanément puisqu'il y a à examiner l'influence d'une loi qu'il n'a pas citée ?
Je puis vous certifier, messieurs, d'après mon expérience personnelle qu'à plusieurs reprises des réclamations du chef d'arrestation arbitraire ont été adressées à l'autorité à propos d'arrestations qui n'avaient pas d'autre caractère que celui que je viens d'indiquer, et que dans plusieurs cas la solution de ces questions a causé d'assez grands embarras.
Ce que je désire surtout obtenir, c'est une déclaration nette du gouvernement ou de la commission qui fixe le sens des articles dont je demande le renvoi.
M. Lelièvre, rapporteur. - A mon avis, le renvoi des articles dont il s'agit est sans objet. En effet, il est évident que le Code pénal doit se borner à punir les arrestations arbitraires.
Ce n'est pas à ce Code qu'il appartient de définir dans quel cas il y aura arrestation arbitraire. Cet objet est prévu par des lois spéciales, auxquelles nous ne dérogeons pas. En conséquence, ces lois sont maintenues, et il est bien certain que notre Code laisse subsister la législation antérieure.
Je ne sais pourquoi le renvoi à la commission serait ordonné, alors qu'il est bien certain que les dispositions que nous discutons ne subiront aucun changement.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je partage complétement la manière de voir de l'honorable M. Lelièvre. Je ne pense pas que l'article 155 étant voté, il porterait la moindre atteinte aux dispositions des lois spéciales concernant la police municipale.
Mais puisque l'honorable M. de Luesemans insiste, et s'il croit qu'il (page 83) peut y avoir encore le moindre doute, après les déclarations faites par l'honorable rapporteur et par le gouvernement, je ne m'oppose pas au renvoi à la commission.
M. de Luesemans. - Messieurs, je crois devoir insister sur le renvoi à la commission ; je désire lever surtout un scrupule constitutionnel, que j'ai vu plusieurs fois se produire dans le pays.
L'article 7 de la Constitution dit que « hors le cas de flagrant délit, nul ne peut être arrêté qu'en vertu de l'ordonnance motivée du juge qui doit être signifiée au moment de l'arrestation ou au plus tard dans les 24 heures. »
Il faut donc, pour qu'il y ait arrestation légale, que l'une des deux conditions existe, ou bien qu'il y ait flagrant délit ou bien qu'il y ait un mandat régulier.
Maintenant, dans cet ordre d'idées, pour que la saisie de l'individu qui trouble l'ordre puisse être considérée comme légale, il ne faut pas qu'elle puisse être envisagée comme une arrestation, et ce serait à dessein que la loi de 1791 se serait servie de l'expression ; saisie.
Je désire que la commission se livre, à ce point de vue, à un nouvel examen de la disposition.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je déclare de nouveau que je ne m'oppose pas au renvoi à la commission. Cependant, je dois faire observer que si la théorie indiquée par l'honorable M. de Luesemans était exacte, toutes les arrestations opérées depuis la promulgation de la Constitution, dans les cas qu'il a indiqués, seraient des arrestations arbitraires, ce qui ne me paraît pas admissible.
M. de Luesemans. - Je ne partage pas l'opinion que M. le ministre de la justice combat ; mais je crois la question assez importante pour qu'elle soit examinée.
- La Chambre, consultée, renvoie à la commission les articles 155, 164 et 165.
« Art. 156 (projet du gouvernement). Tout fonctionnaire de l'ordre administratif ou judiciaire, tout officier de justice ou de police, tout commandant ou agent de la force publique, qui, agissant en ladite qualité, se sera introduit dans le domicile d'un habitant contre le gré de celui-ci, hors les cas prévus par la loi, et sans les formalités qu'elle a prescrites, sera puni d'un emprisonnement de huit jours à un an et pourra être interdit du droit de remplir des fonctions, emplois ou offices publics. »
« Art. 156 (projet de la section centrale). Tout fonctionnaire de l'ordre administratif ou judiciaire, tout officier de justice ou de police, tout commandant ou agent de la force publique, qui, agissant en cette qualité, se sera introduit dans le domicile d'un habitant, contre le gré de celui-ci, hors les cas prévus par la loi, et sans les formalités qu'elle a prescrites, sera puni d'un emprisonnement de huit jours à un an et pourra être interdit du droit de remplir des fonctions, emplois et offices publics, conformément à l'article 44 du présent Code. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - La modification proposée par la commission n'est qu'un changement de rédaction. Au lieu des mots : « en ladite qualité », la commission propose de dire : « en cette qualité ». Je crois que l'expression employée par la commission est plus exacte.
Je demanderai également qu'on ajoute à l'article une amende de 26 à 1,000 fr.
M. Lelièvre, rapporteur. - Je me rallie à la proposition du gouvernement en ce qui concerne l'amende ; je pense qu'il est utile de prononcer une amende en semblable matière.
- L'art. 156 est adopté, sous la réserve que la Chambre le complétera ultérieurement, s'il y a lieu en ce qui concerne la peine pécuniaire.
« Art. 157. Toute suppression, toute ouverture de lettres confiées à la poste, commise ou facilitée par un fonctionnaire ou agent du gouvernement ou de l'administration des postes, sera punie d'un emprisonnement de quinze jours à deux mois et d'une amende de vingt-six francs à cinq cents francs. »
- Adopté.
« Art. 158. Seront condamnés à un emprisonnement de quinze jours à six mois et à une amende de vingt-six francs à cinq cents francs :
« Les employés et agents du service télégraphique qui auront supprimé des dépêches ;
« Ceux qui, dépositaires des secrets qu'elles renferment, les auront révélés, hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets.
« Les agents qui auront ouvert les dépêches qu'ils étaient chargés de porter à leur adresse. »
- Adopté.
« Art. 159 (projet du gouvernement). Les coupables mentionnés dans les deux articles précédents seront, de plus, interdits du droit de remplir des fonctions, emplois ou offices publics. »
« Art. 159 (projet de la commission). Les coupables mentionnés dans les deux articles précédents seront, de plus, interdits du droit de remplir des fonctions, emplois ou offices publics, conformément à l'article 44 du présent Code. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je me rallie à la rédaction de la commission ; le fond est le même ; il n'y a qu'un changement de rédaction.
- L'article 159 du projet de la commission est adopté.
« Art. 160. Tout autre acte arbitraire et attentatoire aux libertés et aux droits garantis par la Constitution, ordonné ou exécuté par un fonctionnaire ou officier public, par un dépositaire ou agent de l'autorité ou de la force publique, sera puni d'un emprisonnement de quinze jours à deux ans. Le coupable pourra, en outre, être interdit du droit de remplir des fonctions, emplois ou offices publics. »
- La commission propose l'addition des mots « conformément à l'article 44 ».
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je me rallie à cet amendement et je demande qu'il soit également comminé une peine pécuniaire de 26 à 1,000 francs.
- L'article 160 du projet de la commission est adopté, sous la réserve indiquée ci-dessus.
« Art. 161. Si, dans les cas prévus par les articles précédents, le prévenu ou l'accusé justifie qu'il a agi par ordre de ses supérieurs, pour des objets du ressort de ceux-ci et sur lesquels il leur était dû obéissance hiérarchique, les peines respectivement prononcées par ces articles seront appliquées seulement aux supérieurs qui auront donné l'ordre. »
La commission propose de remplacer les mots « prévenu ou accusé » par le mot « inculpé ».
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, je pense qu'il faut maintenir la rédaction du gouvernement. Les mots « prévenu ou accusé » rendent mieux la pensée qu'on a voulu exprimer. Le mot « inculpé » indique un individu qui n'est pas encore en prévention, tandis qu'il s'agit d'individus qui sont déjà en état de prévention. Je demande donc qu'on maintienne les mots « prévenu ou accusé » qui sont dans la rédaction du gouvernement.
M. Lelièvre, rapporteur. - Je ne m'oppose pas au maintien des mots « prévenu ou accusé ». Le gouvernement craint que l'on ne puisse induire du mot « accusé » que le motif de justification énoncé en notre article est de nature à être apprécié par la chambre du conseil ou celle des mises en accusation. Or, afin qu'il soit bien constant qu'à la cour d'assises ou au tribunal correctionnel exclusivement il appartient d'examiner si le prévenu ou l'accusé a agi par ordre de ses supérieurs pour des objets du ressort de ceux-ci et sur lesquels il leur était dû obéissance hiérarchique, je ne m'oppose pas au maintien de la rédaction proposée par le gouvernement.
- L'article 161, proposé par le gouvernement, est mis aux voix et adopté.
« Art. 162. Si les fonctionnaires publics, prévenus d'avoir ordonné ou autorisé les actes ou l'un des actes mentionnés dans les articles 155 à 160, prétendent que la signature à eux imputée leur a été surprise, ils seront tenus, en faisant cesser l'acte, de dénoncer l'auteur de la surprise ; sinon, ils seront poursuivis personnellement. »
- Adopté.
« Art. 163. Si l'un des actes arbitraires, mentionnés aux articles 155 à 160, a été commis au moyen d’une fausse signature d'un fonctionnaire public, les auteurs du faux et ceux qui en auront sciemment fait usage, seront punis des travaux forcés de dix à quinze ans. »
- Adopté.
Les articles 164 et 165 ont été renvoyés à la commission, par suite de la décision prise par la Chambre.
« Art. 166. Les directeurs, commandants, gardiens et concierges des maisons de dépôt, d'arrêt, de justice ou de peine, qui auront reçu un prisonnier sans mandat ou jugement ; ceux qui l'auront retenu ou auront refusé de le représenter à l'officier de police ou au porteur de ses ordres, sans justifier de la défense du procureur du roi ou du juge ; ceux qui auront refusé d'exhiber leurs registres à l'officier de police, seront punis de quinze jours à deux ans d'emprisonnement et d'une amende de vingt-six à deux cents francs. »
La commission propose d'ajouter le mot « francs » à la fin de l'article, et de dire : « de vingt-six francs à deux cents francs. »
Le gouvernement se rallie à cette rédaction.
- Cet article, ainsi modifié, est adopté.
(page 167) « Art. 167. Seront punis d'une amende de deux cents fr. à deux mille francs et de l'interdiction du droit de remplir des fonctions, emplois ou offices publics, tous officiers de police judiciaire, tous procureurs généraux ou du roi, tous substituts, tous juges qui auront provoqué, donné ou signé un jugement, une ordonnance ou un mandat tendants à la poursuite ou accusation, soit d'un ministre, soit d'un membre du Sénat ou de la Chambre des représentants, sans les autorisations prescrites par les lois de l'Etat ; ou qui, hors le cas de flagrant délit, auront, sans les mêmes autorisations, donné ou signé l'ordre ou le mandat de saisir ou arrêter un ou plusieurs ministres, ou membres du Sénat ou de la Chambre des représentants. »
La commission propose d'ajouter, au commencement de l'article après les mots : « emplois ou offices publics », ceux-ci : « conformément à l'article 44 ».
Le gouvernement se rallie à ce changement.
M. lde Muelenaere. - Je proposerai à cet article une légère modification de rédaction. On y lit : « tous procureurs généraux ou du roi, » on pourrait en induire que les procureurs généraux ne sont pas les représentants du Roi. » Je proposerai de dire : « tous procureurs généraux, tous procureurs du roi, etc. »
M. lde Muelenaere. - Je proposerai à cet article une légère modification de rédaction. On y lit : « tous procureurs généraux ou du roi, » on pourrait en induire que les procureurs généraux ne sont pas les représentants du Roi. » Je proposerai de dire : « tous procureurs généraux, tous procureurs du roi, etc. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'adhère à ce changement.
- L'article 167 est mis aux voix et adopté avec les modifications proposées.
« Art. 168. Seront punis de la même peine, les officiers du ministère public, les juges ou les officiers publics qui auront retenu ou fait retenir une personne hors des lieux déterminés par le gouvernement ou par l'administration publique. »
- Adopté.
M. le président. - Nous sommes arrivés au bout du projet ; je demanderai à M. le ministre s'il a pris une détermination sur la question de savoir si on fera des projets de loi séparés de chacun des titres révisés du Code pénal ou si on les réunira en un seul.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je proposerai de réunir en un seul projet les quatre premiers titres du livre II du Code pénal ; de cette manière, le Sénat pourra être immédiatement saisi des projets votés et s'en occuper. Comme il n'est pas réuni et que la commission doit encore revoir différents articles qui lui ont été renvoyés, que, d'un autre côté, fa Chambre pourra s'occuper, au commencement de la semaine prochaine, des IIIe et IVe titres, il serait inutile et sans avantage de faire des deux premiers titres du second livre une loi spéciale.
Au surplus le Sénat, dès sa prochaine réunion, s'occupera, je pense, de la loi des prud'hommes dont il est saisi et de la loi sur la contrainte par corps que nous venons d'achever.
Le rapport sur le troisième titre, dont a été chargé l'honorable M. Pirmez, nécessitera un examen sérieux ; comme il ne pourra être distribué que demain, je proposerai d'en fixer la discussion à mardi prochain ; d'ici là il est possible que le rapport de M. Moncheur puisse être distribué également, de sorte qu'après le troisième titre nous pourrons commencer la discussion du quatrième.
Je propose donc de fixer à mardi prochain la discussion du troisième titre. Le rapport devant être distribué demain soir, on aura trois jours pleins pour l'examiner.
Bien que les projets dont nous venons de nous occuper n'aient pas soulevé beaucoup de discussion, ils n'ont pas moins exigé un examen très approfondi et de la part des commissions qui les ont examinés et de la part de tous les membres de cette assemblée qui ont pris part à la discussion. Il en sera de même des deux titres qui vont suivre ; je ne pense donc pas que nous puissions nous occuper de cet objet avant mardi.
- La proposition de M. le ministre de la justice est adoptée.
M. le président. - Nous avons maintenant à l'ordre du jour un feuilleton de pétitions.
- Plusieurs membres. - A demain !
M. Lelièvre. - Je propose à la Chambre de fixer sa prochaine séance à mardi prochain.
- Cette proposition est adoptée.
M. Moreau. - Je n'attends pus que quelques renseignements qui ont été demandés à M. le ministre des finances pour compléter mon rapport sur le budget des voies et moyens. Je demande la permission de faire imprimer mon rapport si ces renseignements me parviennent avant mardi.
M. Van Iseghem. - Je demande la même autorisation en ce qui concerne le rapport sur le budget des affaires étrangères.
- La Chambre autorise l'impression de ces deux rapports et s'ajourne à mardi prochain.
La séance est levée à 5 heures trois quarts.