(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1858-1859)
(page 29) (Présidence de M. Verhaegen.)
M. Crombez procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. de Moor donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. Crombez présente l'analyse des pétitions suivantes/
« Le sieur Frédéric Lang, négociant à Bruxelles, né à Dusseldorff, demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« Des bateliers de la Dendre proposent d'ordonner le rachat des usines qui ont établi des barrages sur cette rivière ou ses affluents. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Plusieurs élèves à l'université de Liège demandent qu'à la session de Pâques 1859, il y ait des jurys d'examen pour l'obtention de tous les grades académiques. »
- Même renvoi.
« Des habitants d'Overyssche demandent que M. le ministre de l'intérieur soit invité à se prononcer sur ses intentions relatives aux réclamations qui ont été adressées en faveur de la langue flamande. »
« Même demande d'habitants de Louvain, Anvers, Gand et Hamme. »
- Même renvoi.
« Le sieur Vermeire, Vauhaute et autres membres de la société littéraire Tael en Kunst à Hamme, demandent l'impression du rapport de la commission royale relatif aux réclamations concernant la langue flamande. »
« Même demande d'habitants de Stabroek. »
- Même renvoi.
M. Vermeire. - Je demande que la commission des pétitions veuille examiner avec toute l'attention qu'elles réclament les pétitions que diverses sociétés flamandes ont adressées à la Chambre et qu'elle veuille bien en faire l'objet d'un prompt rapport.
« L'administration communale de Turnhout prie la Chambre de ne point voter le projet de loi relatif à l'érection de la commune de Vieux-Turnhout, avant d'avoir ordonné une enquête supplémentaire sur les limites à établir entre cette commune et la ville de Turnhout. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Les commissaires de police faisant les fonctions de ministère public dans les cantons d'Ardoye et d’Ingelmunster, prient la Chambre d'améliorer leur position. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les membres du conseil communal et des habitants d'Espierres se plaignant des eaux noires et pestilentielles et des teintures qui viennent de Roubaix, de Tourcoing, par le courant de l'Espierres, prient la Chambre de prendre des mesures pour faire cesser cet état de choses. »
M. H. Dumortier. - La pétition dont vous venez d'entendre l'analyse, messieurs, soulève une question importante relativement à la corruption des eaux de la Lys. J'en demande le renvoi à la commission des pétitions et que cette commission veuille bien en faire l'objet d'un prompt rapport.
M. le président. - Il sera tenu compte de cette recommandation.
« Le sieur Mestrieau propose à la Chambre de formuler une règle générale sur les faits qui peuvent donner lieu à l'application d'une peine disciplinaire au fonctionnaire public. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Toussaint, commissaire de police à Gembloux, propose des mesures pour améliorer la police rurale. »
- Même renvoi.
M. Lelièvre. - Je recommande la pétition à l'examen spécial de la Chambre.
« Le lieutenant général honoraire Borremans prie la Chambre de statuer sur sa demande tendante à ce que sa pension soit liquidée conformément à l'arrêté royal du 14 avril 1854, qui l'a revisée. »
- Même renvoi.
« M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, sept demandes de naturalisations ordinaires. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« M. le ministre de l'intérieur adresse à la Chambre 110 exemplaires du compte rendu du grand tir qui a eu lieu à l'occasion des dernières fêtes anniversaires de l'indépendance nationale. »
- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.
« M. Lacordaire, recteur de l'université de Liège, adresse à la Chambre 110 exemplaires de la brochure qui contient la discours prononcé par le recteur à la réouverture solennelle des cours de l'université de Liège. »
- Même décision.
« M. Considérant, avocat, adresse à la Chambre 108 exemplaires d'une brochure qu'il vient de publier. »
- Même décision.
« M. Corvajx fait hommage à la Chambre de diverses publications relatives à la réforme sociale. »
- Dépôt à la bibliothèque.
« M. de Portemont, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé. »
- Ce congé est accordé.
MM. H. de Brouckere et Frison ont écrit à la Chambre pour demander un congé, pour cause d'indisposition.
- Accordé.
Les sections de novembre se sont constituées comme suit :
Première section
Président : M. le Bailly de Tilleghem
Vice-président : M. Lelièvre
Secrétaire : M. de Lexhy
Rapporteur de pétitions : M. Thienpont
Deuxième section
Président : M. Savart
Vice-président : M. Godin
Secrétaire : M. de Moor
Rapporteur de pétitions : Wala
Troisième section
Président : M. Dautrebande
Vice-président : M. de Luesemans
Secrétaire : M. de Fré
Rapporteur de pétitions : M. de Paul
Quatrième section
Président : M. J. Jouret
Vice-président : M. Vanden Branden de Reeth
Secrétaire : M. Tack
Rapporteur de pétitions : M. Frison
Cinquième section
Président : M. Deliége
Vice-président : M. Coppieters ’t Wallant
Secrétaire : M. Muller
Rapporteur de pétitions : M. Vander Donckt
Sixième section
Président : M. de Renesse
Vice-président : M. d’Hoffschmidt
Secrétaire : M. Crombez
Rapporteur de pétitions : M. M. Jouret
La commission permanente de comptabilité a été constituée par les sections de la manière suivante : MM. Manilius, Mascart, Moreau, de Man d'Attenrode, Veydt et Allard.
M. le président. - Le bureau avait été chargé de compléter l'ancienne section centrale chargée d'examiner le projet de loi du Sénat apportant des modifications à la loi électorale en ce qui concerne le cens d'éligibilité pour le Sénat. Cette section centrale se composait de MM.de Naeyer, Julliot, de la Coste, Deliége, Wasseige, Tack et Coppieters. Nous n'aurions donc à pourvoir qu'au remplacement de M. Wasseige.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demanderai que la commission veuille bien, avant de se réunir, attendre que je lui aie transmis quelques observations de la part du département de l'intérieur sur cet objet.
M. le président. - M. le ministre sera invité à se rendre au sein de la commission.
M. de Theux. - Le projet d'adresse est contraire à tous les usages parlementaires. C'est un acte de provocation, c'est un acte injurieux pour la minorité. Cet acte suppose notamment un danger pour le pays de voir renaître une situation incompatible avec notre Constitution, avec nos mœurs. Les antécédents parlementaires de notre opinion, aussi bien que nos serments, répondent d'avance à une insinuation aussi outrageante.
La minorité manquerait à sa dignité si elle prenait part à la discussion. Telle est la déclaration que mes honorables amis m'ont chargé de faire à la Chambre.
M. Lelièvre. - Je crois devoir donner mon assentiment à l'adresse soumise à nos délibérations. Je pense, avec la commission, que le gouvernement doit entrer dans la voie des améliorations que réclament les diverses branches de l'administration.
Il est indispensable que l'avènement de l'opinion libérale au pouvoir soit signalé par des mesures fécondes qui donnent à l'opinion publique de légitimes satisfactions.
Sans doute, il est impossible de se jeter, sans un mûr examen, dans des théories hasardeuses, dont l'expérience n'a pas révélé le côté pratique ; mais le gouvernement doit être convaincu de la nécessité de soumettre à l'étude certaines questions dont la solution peut exercer une influence notable sur l'avenir du pays.
L'instruction primaire étant l'un des intérêts sociaux les plus importants, j'appelle l'attention particulière du ministère sur l'enseignement obligatoire, question qui depuis quelque temps occupe sérieusement les divers organes de la presse.
Cet objet mérite un examen attentif ; il s'agit de savoir si l’on peut constitutionnellement arrêter des mesures coercitives en cette matière, (page 30) s'il y a utilité à les décréter et si on peut les concilier avec le grand principe de la liberté d'enseignement et les droits imprescriptibles de l’autorité paternelle.
Le gouvernement fera chose utile à l'intérêt public en faisant connaître aux Chambres législatives le résultat de sa conviction sur ce point.
J'appelle aussi l'attention du ministère sur les travaux importants d'utilité publique qui avaient fait l'objet d'un projet de loi discuté à la fin de la session dernière. Les mesures énoncées en ce projet sont réclamées avec instance par de nombreuses populations. Elles sont de nature à satisfaire à des nécessités indispensables, et leur exécution est d'une incontestable urgence.
Il est digne d'une administration libérale d'en doter le pays le plus tôt possible.
Enfin, la réforme postale est l'une des dispositions progressives qui sont le plus impatiemment attendues.
J'émets le vœu que, pendant la session qui vient de s'ouvrir, le ministère réalise les améliorations morales et matérielles sur lesquelles sont fondées les espérances du pays. C'est dans cette confiance que je donnerai un vote favorable au projet d'adresse.
M. Dolez. - Je ne m'attendais pas, messieurs, à prendre la parole au début de la discussion que je croyais devoir s'ouvrir sur le projet d'adresse soumis à vos délibérations. Cette tâche appartenait à l'honorable rapporteur de votre commission, M. Devaux, qui, bien mieux que moi, eût pu la remplir, mais cet honorable collègue étant souffrant me demande à l'instant de le suppléer.
S'il fallait en croire l'honorable M. de Theux, le projet d'adresse serait contraire à tous les usages parlementaires, il serait attentatoire à la dignité de la Chambre, il serait une offense de la majorité à la minorité. L'œuvre de votre commission ne mérite point ces reproches passionnés ; la pensée qui a inspiré votre commission a été plus noble, plus digne d'elle, plus digne de vous, messieurs. Organe de la majorité, ayant à vous proposer de parler au nom de celle-ci, votre commission a pensé qu'elle devait faire connaître au pays quelles sont les doctrines que professe cette majorité. Eh ! messieurs, si jamais majorité avait le droit d'exposer ses doctrines, n'était-ce point, je le demande, celle qui, au jour de sa naissance même, avait été l'objet de tant d'attaques odieuses et calomnieuses ?
Ce devait être pour nous un besoin de proclamer, à la face de la nation, quelles étaient les doctrines de cette majorité.
Nous n'avons pas entendu faire autre chose et j'ai l'intime conviction que nous avons en cela rempli noblement notre devoir.
Y a-t-il dans la proclamation de ces doctrines quelque chose qui soit contraire aux usages parlementaires ? Non, messieurs, une telle proclamation est tout naturellement l'objet d'une adresse. C'est par elle que la majorité de la Chambre peut faire connaître au gouvernement et au pays quelles sont ses doctrines, quelles sont ses convictions, quelles sont ses tendances. Représentants du pays, nous avons le devoir de lui dire où nous le menons et c'est dans ce but que la commission s'est exprimée comme elle l'a fait.
Si l'honorable comte de Theux trouve dans le langage de la commission, dans les doctrines que renferme ce langage, quelque chose qui soit un danger pour le pays, qu'il vienne le dire ! qu'il vienne signaler le danger ! qu'il vienne combattre nos doctrines ! Nous l'y provoquons et nous lui démontrerons avec calme, avec la conviction qui nous anime, que nos doctrines n'ont rien que le pays puisse redouter, que ce sont des doctrines d'ordre, de sages progrès et de liberté que nous inscrivons sur notre drapeau.
Je n'oublie pas, messieurs, que lors de l'élection qui m'a ramené dans cette Chambre, on a cherché à stigmatiser la majorité sortie de cette élection, en la qualifiant de majorité de l'émeute. Eh bien, nous avons voulu dire que cette majorité, que des adversaires peu loyaux ont voulu flétrir ainsi, était sans contredit une majorité de liberté et de progrès, mais était en même temps une majorité d'ordre et de conservation par le progrès.
J'invite donc l'honorable comte de Theux, résumant en ce moment, d'après ce qu'il a lui-même déclaré, un grand parti dans le pays, je l'invite à ne pas abdiquer. Je l'invite à ne pas poser un acte bien plus contraire que notre projet d'adresse, aux saines pratiques parlementaires. Je le convie à venir combattre nos doctrines. Je l'invite à venir proposer à la Chambre de substituer une autre adresse à celle que nous ayons présentée. Car, enfin, cette tribune n'est-elle pas libre, pour permettre à l’honorable comte de Theux et à ses amis de démontrer en quoi nous nous exposons à égarer le pays ? N'est-elle pas libre pour nous éclairer nous-mêmes si nous étions exposés au danger de nous égarer ?
Je crois donc que si quelqu'un oublie les saines pratiques parlementaires en cette occasion, ce n'est pas votre commission, c'est l'honorable comte de Theux, ce sont les amis qui l'ont chargé de tenir le langage que nous avons entendu tout à l'heure.
Je bornerai à ces quelques mots les observations que l'attaque dirigée contre nous mo paraissait devoir motiver. Le pays approuvera, j'espère, la protestation que j'oppose à cette attaque imméritée,
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, la Chambre, un côté de la Chambre partagera notre pénible surprise en voyant déserts les bancs où siège l'opposition.
M. de Decker. - Ils ne sont pas déserts.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je constate la sortie, la retraite de l'honorable chef de l'opposition et de la plupart de ses amis.
L'honorable comte de Theux, qui compte tant d'années de régime parlementaire, qui depuis si longtemps est initié aux nécessités, aux devoirs de notre gouvernement, donne en ce moment le déplorable exemple d'une espèce de désertion de son parti. A la vérité, avant de partir il a lancé à mes amis une accusation très grave ; il a voulu représenter la minorité comme étant sous le coup d'une espèce d'oppression qui ne lui permettait pas de prendre part à ces débats. Messieurs, nous n'avons pas rédigé l'adresse contre laquelle s'insurge l'honorable chef de l'opposition ; nous ne l'avons pas rédigée, nous n'avons pas été consultés sur la rédaction, mais je m'empresse d'ajouter que cette adresse nous l'acceptons, nous l'adoptons en son entier comme explication, et si l'on veut, comme complément de notre programme. Mais, messieurs, parce que cette adresse n'est pas du goût de l'opposition, parce qu'elle semble contrarier quelques-unes de ses tendances ou de ses opinions, faut-il pour cela que l'opposition s'abstienne, faut-il que notre gouvernement, qui doit vivre de discussions et auquel aussi l'opposition est en quelque sorte indispensable, soit frappé de mutisme, faut-il que nous assistions à cet étrange spectacle que nous donne en ce moment l'opposition, spectacle qui forme, messieurs, un contraste si saisissant avec l'opposition hors de cette Chambre ?
Comment ! dans cette chambre l'opposition est silencieuse et ne trouve pas un grief à articuler contre le gouvernement, et tous les jours ce même gouvernement, ces mêmes hommes qui représentent loyalement leurs opinions dans le cabinet, sont en but à l'opposition extra-parlementaire la plus violente, la plus dévergondée dont le pays ait eu l'exemple depuis 1830.
Il importe, messieurs, de constater cet étrange contraste entre l'attitude de l'opposition parlementaire et l'attitude de l'opposition extra-parlementaire. S'il y avait quelque chose de vrai, quelque chose de fondé dans ces reproches incroyables dont chaque jour le gouvernement est l'objet, comment se fait-il que dans cette enceinte, pas une voix, pas une seule ne s'élève pour produire à la tribune ces griefs que nous aspirons depuis longtemps à combattre devant la nation ?
Si je ne m'abuse, voici la position qu'on veut se faire : on affirme chaque jour dans cette presse, dans cette opposition extra-parlementaire, que l'opinion à laquelle on appartient est sous l'oppression, persécutée par un gouvernement violent et partial, sorti de l'émeute, composé d'hommes sans conscience, sans moralité.
L'opposition parlementaire, on voudrait peut-être la représenter aussi comme se trouvant sous le coup de l'émeute. Car, messieurs, c'est là le grief qu'on ne cesse d'articuler depuis bien longtemps contre l'origine du gouvernement actuel. On le représente, aux yeux du pays, qui n'y croit pas, mais aux yeux de l'étranger, qui peut y croire, comme sorti de l'émeute, comme gouvernant par l'oppression et l'émeute.
Si le rôle que prend l'opposition signifie quelque chose, voici le but que l'on a en vue ; on veut dire au pays : « Nous sommes sous le régime de l'émeute, nous sommes sous le coup de l'oppression ; nous devons nous abstenir. »
Ce rôle n'est pas franc, n'est pas digne. J'engage les hommes de cœur qui sont dans l'opposition de quitter au plus tôt ce rôle indigne d'eux.
Nous ne sommes pas gouvernement pour faire naître à plaisir dans cette Chambre des querelles interminables ; nous n'avons pas pour mission de provoquer l'opposition ; mais enfin nous sommes en quelque sorte ici à l'état de légitime défense.
Nous avons contre nous, à l'extérieur, une opposition implacable qui ne recule devant aucun moyen pour attaquer, pour ruiner le cabinet, et souvent même le gouvernement parlementaire. Nous n'avons pas à répondre à ces attaques extra-parlementaires ; mais nous aurions été heureux de rencontrer au moins l'occasion de nous expliquer devant cette Chambre ; aussi regrettons-nous la résolution déplorable qu'on a prise de nous fermer en quelque sorte cette voie.
J'espère, messieurs, que le pays ne se laissera point prendre à une pareille tactique que je condamne, que tous les hommes véritablement amis de nos institutions, condamneront avec moi ; j'espère qu'il ne verra pas une oppression dans ce qui n'est qu'une tactique, une mauvaise tactique, une tactique indigne du parlement.
L'année dernière, nous n'avons pas eu l'occasion de nous expliquer devant la Chambre, attendu que le cabinet nouveau s'était formé le jour même fixé pour l'ouverture de la session. Je constate la désertion d'une partie des membres de la Chambre ; mais je ne pense pas que cela doive m'empêcher de fournir quelques explications et de revenir pendant quelque temps sur le passé.
Je disais que nous n'avions pas eu l'occasion l'année dernière, de nous expliquer devant la Chambre ; nous l'avons beaucoup regretté : nous aurions dit pourquoi le gouvernement nouveau s'était formé, quelle était son origine, quelles étaient ses tendances, quel était en (page 51) un mot son programme ; rien n'a été dit à cet égard ; les calomnies de la presse ont continué à circuler.
Nous sommes, dit-on, un gouvernement sorti de l'émeute, la majorité parlementaire représente l'émeute, le président de cette assemblée est un émeutier ! Voilà le thème qui se débite encore chaque jour et sera continué de plus belle à partir de ce que j'appellerai l'incartade de l'honorable chef de l'opposition.
Je soutiens que jamais gouvernement ne s'est constitué sur une base plus régulière, que jamais majorité plus sincère n'est sortie d'élections moins violentes ; je soutiens enfin que le gouvernement tel qu'il est constitué, appuyé par la majorité telle qu'elle est constituée, répond plus que tout autre aux besoins des circonstances, aux intérêts du pays.
A la suite de la discussion du mois de mai 1857, que s'est-il passé ? Le ministère d'alors crut devoir ajourner les Chambres ; ce conseil ne lui avait pas été donné par l'opposition. Il constata, au moment de l'ajournement, dans un document rendu public, que tout était rentré dans l'ordre, que le pays avait eu le temps de se reconnaître ; il avait déclaré d'ailleurs, à M. Dumortier, dès le 30 mai, que les représentants pouvaient délibérer en paix, que toutes les mesures étaient prises pour maintenir et assurer l'ordre.
Voilà dans quelles circonstances l'ajournement des Chambres fut prononcé et dans quels termes s'exprimait le ministère : « Le pays a eu le temps de se reconnaître, la sécurité est rétablie » ; le pays était tranquille. Nous sommes au mois de juin, les ministres usent de leurs vacances, pour voyager à l'étranger ; le plus grand calme continue à régner, l'opposition se met aussi en vacance, cinq mois se passent dans cette situation.
Qu'arrive-t-il ensuite ? A la fin du mois d'octobre, les communes se rassemblent et font leurs élections, ces élections dans un certain nombre de localités donnent raison à l'opposition, renversent les hommes de l'ancienne majorité ; cela se passait à la fin d'octobre, le plus grand ordre régnait ; je ne pense pas qu'on ait reproché aux élections communales d'avoir été le fait de l'émeute.
A cette époque je me trouvais absent du pays, on m'écrivit que le ministère avait donné sa démission et que le Roi désirait se mettre en rapport avec moi pour reformer un nouveau ministère.
J'avoue que ma surprise fut grande et que je l'exprimai à S. M. Je lui demandai pourquoi le ministère se retirait, attendu qu'il comptait, dans la Chambre, une majorité suffisante. Le Roi me déclara qu'il avait insisté auprès de ses ministres pour qu'ils restassent au pouvoir ; mais qu'ils avaient répondu qu'ils croyaient devoir maintenir leur démission.
Je demandai à S. M. qu'elle voulut bien faire de nouvelles instances auprès du cabinet démissionnaire, afin de le décider à reprendre ses fonctions, le Roi ne pouvant pas rester sans ministère à la veille de l'ouverture des Chambres. S. M. engagea l'honorable M. de Decker à revenir sur sa résolution première ; l'honorable M. de Decker persista au nom du cabinet.
Maintenant, pourquoi ce ministère s'est-il retiré ? Voilà ce qui ne m'a pas été dit, voilà ce que j'ignore encore. Sans doute, il a cru qu'il ne pourrait plus compter sur cette majorité qui l'avait soutenu, malheureusement pour lui, dans la discussion d'une déplorable loi ; et c'est pour cela qu'il se sera retiré. La majorité de droite faisant défaut à un ministère de droite, un ministère de gauche se présentant, pouvait-il messieurs, accepter de gouverner avec une majorité de droite déclarée insuffisante par MM. de Decker et Vilain XIIII ? Je crois que cela ne souffre pas de discussion. La majorité qui faisait défaut à ces honorables membres eût, à bien plus forte raison, fait défaut à mes honorables amis et à moi. Qu'y avait-il donc à faire ? Il y avait à consulter le pays pour savoir s'il entendait maintenir cette majorité, ou s'il croyait devoir la remplacer. La dissolution a eu lieu : le pays s'est prononcé dans le plus grand calme, dans la plus grande indépendance, dans la plus grande liberté.
Cela n'empêche pas cependant que l'on représente cette dissolution comme étant l'œuvre de l'émeute, et les élus de la nation sortis de cette manifestation toute constitutionnelle, comme des représentants de l'émeute ; et qu'à l'heure qu'il est nous sommes encore, nous gouvernement, nous majorité, des produits de l'émeute.
Il y a eu, messieurs, il y a eu, à cette époque, des violences qui ressemblaient beaucoup à des actes de mutinerie, mais ce n'est pas de la part des libéraux que ces violences sont venues.
Je ne parle pas du langage inqualifiable de la presse ; je parle du langage tenu dans certains manifestes électoraux. Ce langage sortait de toutes les limités de la modération et des convenances, ce langage était des plus insultants pour une partie de la nation ; il était provocateur sur tous les points ; il accusait le gouvernement de toute espèce de méfaits. Des violences avaient lieu dans les chaires mêmes ; d'autres violences matérielles s'exerçaient contre les affiches qui contenaient la circulaire du gouvernement aux autorités locales afin de faire connaître son programme.
Voilà, messieurs, quelle était alors la situation du pays. Voilà de quel côté partaient les violences, et ces violences, on peut le dire, ont continué et durent encore dans toute la presse de l'opposition.
Après de si grands éclats, après toutes ces accusations extra-parlementaires, on aurait pu s'attendre que quelque chose viendrait à s'en refléter au sein de la Chambre ; mais rien ; et l'année dernière, par exemple, alors que l'honorable M. de Theux n'a pas eu à subir cette prétendue injure qu'il invoque aujourd'hui comme la cause d'une désertion, il n'a pas plus que ses amis ouvert la bouche pendant toute la session et il n'a pas eu l'air, que je sache, de subir l'oppression dont il se plaint aujourd'hui. C'est un pur prétexte qu'il invoque pour couvrir son silence. Le pays appréciera une pareille conduite.
En présence de cette attitude de l'opposition, et puisque je ne puis plus m'adresser, pour ce moment, aux bancs entièrement vides de la droite, je vais m'expliquer un peu avec mes amis de la gauche. (Interruption.) Car enfin, nous sommes un gouvernement parlementaire et il est bien naturel que noirs nous entretenions quelques instants de nos affaires.
Eh bien, je dirai à mes amis de la gauche que cette tactique ne peut avoir qu'un but : c'est de jeter parmi nous la désunion, la division ; Il serait agréable d'assister à ce spectacle ; il est consolant, quand on est devenu impuissant, de voir les forts se battre et se dévorer entre eux. J'espère, messieurs, que nous ne donnerons pas ce spectacle à nos adversaires silencieux et inertes. J'espère qu'en l'absence même des membres de l'opposition, nous parviendrons à nous mettre d'accord sur tous les points qui doivent servir de base à notre politique. J'espère que la session actuelle sera surtout féconde en lois importantes, en travaux utiles, qui recommanderont notre opinion à l'estime du pays.
Messieurs, nous serions par trop aveugles, nous mériterions trop le ridicule attaché au rôle qu'on veut nous faire jouer, si nous nous laissions aller aux conséquences qu'on attend de ce système inqualifiable d'abstention et de désertion. Nous sommes assez nombreux et assez forts, messieurs pour faire à nous seuls les affaires du pays ; nous sommes assez patriotes pour les bien faire à nous seuls ,et s'il le faut sans le concours de ce qui peut rester de l'opposition.
Je vous engage, messieurs, et nous y prêterons énergiquement les mains, à doter, pendant cette session, notre pays de toutes les lois qui nous ont été annoncées. Le programme est très rempli ; il renferme un grand nombre de projets utiles, attendus avec impatience ; et cependant ce programme n'est pas encore épuisé ; il y a encore quelque chose à faire au-delà du programme ; mais tel qu'il est, il me semble qu'il doit donner dès maintenant une grande satisfaction à la Chambre, de même qu'il donnera une grande satisfaction au pays si nous parvenons-à le mettre tout entier en pratique dans le cours de cette session.
Si, messieurs quelques questions ont donné lieu, non pas dans cette enceinte mais au-dehors, à certains débats, je laisse aux membres de la majorité à juger si ces questions sont arrivées à un tel degré de maturité, qu'elles puissent être produites utilement dans cette enceinte.
Nous ne voyons pas avec déplaisir les organes de l’opinion publique agiter un certain nombre de questions ; c'est la vie de la nation, c'est même le devoir de la presse d'agiter dans le cercle constitutionnel certaines questions. Notre devoir à nous, messieurs, est de nous occuper de ces questions, alors seulement qu'elles sont arrivées à un tel état de maturité et d'étude, qu'elles puissent être utilement transformées en lois, qu’elles puissent être utilement la matière de vos travaux parlementaires.
Mais s'il est certaines questions que nous considérons dans les circonstances actuelles comme prématurées, ce n'est pas à dire que nous prétendions être, que nous voulions être un gouvernement immobile, un gouvernement borné qui reculerait devant toute espèce de progrès. Nous sommes des amis du progrès ; nous l'avons dit, nous l'avons répété ; nous sommes des amis de la liberté comme nous sommes des amis de l'ordre.
Il y a messieurs, dans le programme qui vous est soumis, assez de lois où le progrès a pénétré, où il pourra se révéler. Nous avons, messieurs, ou du moins l'opinion libérale a, je l'espère, pins d'une année à vivre au pouvoir. Par sa conduite sage, et ferme, par sa bonne entente, elle peut rester pour longtemps saisie des affaires du gouvernement. Eh bien, il faut qu'elle se dise qu'à marcher trop vite, on manque parfois d'arriver au but. Il faut qu'elle se dise que tout ne peut pas se faire en une session, en une année, qu'il faut que chaque chose se fasse en son temps,, que pour les idées comme pour les individus, il y a un âge de maturité ; il faut ce temps aux doctrines dont l'élaboration se prépare ailleurs qu'au sein du parlement.
Messieurs, d'après ce qui se passe, il est possible que dès demain la Chambre se trouve en position d'aborder l'ordre du jour de la session. Quant à moi, je désire que la Chambre commence le plus tôt possible son rôle actif, son rôle pratique et qu'elle s'empresse de donner au pays les lois d mt le besoin se fait sentir et que le pays accueillera, je n'en doute pas, avec reconnaissance.
M. Vilain XIIII. - M. le président, je m'empresse de donner en quelques mots l’explication de ma sortie du ministère que M. le ministre de l'intérieur vient de réclamer et qu'il aurait pu obtenir depuis longtemps en demandant au Roi communication de la lettre que j'ai eu l'honneur d'écrire à Sa Majesté en donnant ma démission.
La discussion de la loi sur la charité dans cette Chambre avait produit dans le pays une agitation profonde qui n’est niée par personne. Cette agitation, après la prorogation de la Chambre, n'avait fait que grandir.
Pour calmer cette agitation, il n'y avait qu'un seul moyen : retirer la loi de charité qui avait été présentée par le cabinet dont je faisais partie. Or, des ministres constitutionnels peuvent très bien, en se retirant, avouer qu'ils se sont trompés ; mais, jamais des ministres qui se respectent ne peuvent rester au pouvoir pour venir se démentir à la face (page 52) du pays et retirer un projet important qu'ils ont présenté, projet, qui faisait parte de leur programme. Cela eût été contraire à nos mœurs parlementaires ; cela était impossible.
Eh bien ! c'est cette nécessité, d'une part, de retirer le projet, et cette impossibilité, d'autre part, de le retirer par le cabinet dont je faisais partie qui m'ont fait offrir ma démission au Roi.
M. de Decker. - Messieurs, je ne m'attendais pas à devoir prendre la parole dans la discussion actuelle. Je m'y trouve forcé d'abord par la mesure que viennent de prendre quelques-uns de mes honorables amis.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Presque tous.
M. de Decker. - Et ensuite, par la revue rétrospective que vient de faire l’honorable ministre de l'intérieur.
Messieurs, je tiens à déclarer à la Chambre que, pour ma part, je suis resté complétement étranger à la décision qui a été prise par d'honorables amis ; étranger aux délibérations qui paraissent avoir amené cette résolution.
M. Vilain XIIII. - J'adhère pour ma part à la déclaration de M. le comte de Theux.
M. de Decker. - Ce n'est pas cependant que je ne me rallie jusqu'à un certain point aux observations présentées par l'honorable comte de Theux.
L'adresse a évidemment et, si l'on veut être sincère, de l'avis de tout le monde, une forme insolite. D'ordinaire, à part quelques variantes, l'adresse est une paraphrase du discours du Trône. Dans le dernier alinéa, il est convenu qu'il y a entre la majorité et le gouvernement qui dirige les affaires, une espèce de compromis de sentiments et de tendance, qu'il y a une promesse de confiance plus ou moins complète ou plus ou moins limitée.
Mais je ne sache pas qu'on ait cru jamais devoir introduire, dans une adresse au Roi, un véritable manifeste de parti.
Ensuite, et ceci, je crois, ne peut être contesté par personne, l'adresse est des plus provoquantes. Ceux qui, comme moi, désirent le rétablissement de la paix dans les esprits, ceux qui, comme moi, croient que le gouvernement doit s'élever au-dessus des partis, que le gouvernement et que la Chambre doivent se rappeler qu'ils représentant non telle ou telle faction du pays, mais l'ensemble du pays ; ceux qui, comme moi, désirent que l’adresse soit rédigée de façon que le plus grand nombre de membres puissent y adhérer, ceux-là ont vu avec peine le caractère provoquant qui a été donné au projet en discussion.
Messieurs, je tiens à ajouter quelques paroles aux explications que vient de vous donner l'honorable comte Vilain XII1I.
On a demandé pourquoi le ministère précédent avait cru devoir donner sa démission.
Mon honorable ami M. le comte Vilain X1III vient de vous donner l'un des motifs.
Il y avait pour moi un autre motif encore plus général, puisé dans le respect des principes constitutionnels, qui m'a fait un devoir d'offrir ma démission à Sa Majesté.
Comme vient de vous le dire mon honorable ami, la loi sur la charité avait provoqué dans le pays une grande agitation. Le corps électoral avait été appelé à se prononcer pour la dernière fois en 1856. Depuis cette époque, par suite de cette agitation, par suite d'un ensemble de circonstances qui avait amené cette agitation, il y avait lieu de croire que l'opinion publique n'était plus, à la fin de 1857, ce qu'elle était en 1856. Les élections d'octobre venaient d'une manière légale, légitimer cette supposition.
Le gouvernement pouvait à la rigueur continuera rester aux affaires, puisqu'il avait encore la majorité de fait.
Mais j'ai cru, pour ma part, que pour gouverner honorablement et avec fruit il fallait que le gouvernement eût encore devant le pays cette force morale qui lui était surtout indispensable dans les circonstances difficiles où il se trouvait.
Cette force morale, il devait la trouver dans la certitude que la majorité sur laquelle il s'appuyait était à son tour appuyée par la majorité du pays. Cette certitude je ne l'avais pas ; or, à mes yeux, c'est une des positions les plus dangereuses que l'on puisse faire à un pays constitutionnel, que de le gouverner avec une majorité qui peut être censée de ne plus représenter fidèlement les sentiments et les vœux de la nation.
Voilà surtout le motif qui m'a déterminé à résigner le pouvoir.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je rends hommage aux sentiments qui ont déterminé nos honorables prédécesseurs à quitter le ministère. Il importe, en effet, au gouvernement représentatif que le cabinet se trouve en rapport avec le sentiment public ; mais j'avoue que j'apprends pour la première fois, de la part de l'honorable comte Vilain XIIII que le ministère dont il faisait partie a quitté les affaires parce qu'il ne croyait pas pouvoir honorablement retirer la loi qu’il avait présentée et qui avait été l’objet de nos débats dans la session précédente. Je reconnais qu'un sentiment d'honneur a pu déterminer l’honorable comte à agir de la sorte, mats il voudra bien dès lors aussi nous accorder que ce qu'il ne pouvait pas faire avec honneur et ce qu'il croyait cependant nécessaire, nous avons, nous, eu raison de le faire et nous avons pu le faire honorablement, attendu que cette loi, nous l'avions combattue et repoussée.
Ainsi je suis convaincu qu'il ne s'associe pas à la polémique calomnieuse qui nous représente comme un gouvernement sorti de la violence, s’appuyant sur l’émeute et apportant ici une politique émeutière.
Notre premier acte a donc été de faire ce que nos honorables prédécesseurs auraient fait s'ils avaient cru pouvoir le faire sans se mettre en opposition avec leurs antécédents et je suis charmé que nos honorables prédécesseurs aient fait cette déclaration, car il en résulte que le pays peut être bien assuré que la loi des couvents ni rien de semblable ne sera représenté.
Il reste une difficulté, c'est l'article 84 de la loi communale que nous avons de tout temps appliqué dans un sens que nous croyons favorable aux intérêts du pays ; nous voulons continuer à l'appliquer de la même manière.
Je ne sais pas si à cet égard nous serons d'accord avec nos honorables prédécesseurs, mais enfin ce deuxième point est important. Les honorables MM. Vilain XIIII et de Decker avaient dit dans leur rapport au Roi que l'article 84 pouvait leur .suffire, appliqué dans le sens d'une certaine jurisprudence produite dans les derniers temps ; nous répudions cette jurisprudence, nous attachons à l'article 84 le sens que nous y avons toujours attaché, et pour qu'il n'y ait aucun doute, pour que le pays sache à quoi s'en tenir, nous présenterons un projet de loi qui aura pour but de fixer d’une manière bien claire le sens de cet article 84.
Je remercie nos honorables prédécesseurs de l'attitude qu'ils ont prise dans cette discussion. Elle forme un contraste frappant avec celle de la plupart de leurs amis ; je les remercie au nom du régime parlementaire qu'ils ont pris au sérieux et qu'ils sauraient défendre au besoin, avec nous, contre des attaques imprudentes. Je suis sûr que tous mes amis de la gauche s'associeront à moi pour remercier nos honorables prédécesseurs du rôle qu'ils ont pris dans ce triste incident parlementaire, incident d’ailleurs beaucoup plus regrettable pour ceux qui en sont les auteurs que pour tous.
M. Orts. - Je m'associe complétement à l'appréciation que vient de faire M. le ministre de l'intérieur des paroles prononcées par les honorables MM. Vilain XIIII et de Decker. Pour ma part (et je crois exprimer, eu parlant ainsi, l'opinion de beaucoup de nos amis politiques), je n'ai jamais attribué la retraite des honorables membres qui viennent de parler, à d'autres motifs qu'à des motifs constitutionnels et honorables pour eux comme pour le pouvoir qu'ils représentaient. Ce n'est pas dans nos rangs que leur conduite a été autrement appréciée et autrement qualifiée.
Il résulte de ces explications deux faits qu’il nous importe à nous, majorité d'aujourd'hui, de constater, et c'est pour que cette constatation soit nettement faite que je me suis permis de demander à la Chambre la permission d'ajouter quelques paroles à celles qu'elle a déjà entendues.
La retraite d'un nombre considérable de membres de l'opposition après un concert arrêté d'avance en dehors de cette enceinte, après le choix d'un organe officiel qui est venu parler au nom d'un mandat qu'il a invoqué, cette situation, messieurs, me semble singulièrement étrange, et puisqu'on a parlé de formes insolites, je la mets sans crainte, devant le jugement du pays, en parallèle avec la marche suivie par la commission d'adresse, organe de la majorité. Il me semble que ce fait est non seulement une méconnaissance des devoirs qu'impose à un membre du parlement le choix qu'il fait en siégeant dans l'opposition, vis-à-vis de son pays.
C'est plus encore lorsqu'il s'agit de prendre part à la discussion qui nous occupe. C'est alors un manque de convenance envers celui à qui nous sommes appelés à répondre. Lorsque, dans le discours de la Couronne, le Roi fait à la Chambre une demande de concours pour le cabinet qu'il a choisi, il est du devoir de l'opposition de dire, et à la couronne et au pays, pourquoi l'opposition refuse ce concours. Ce concours, au début d'une session, est demandé par la Couronne à tout le monde ; il n'est pas demandé à la seule majorité, car, au début d'une session, il n'y a, avant l'adresse, ni majorité, ni minorité. Devant ce grand devoir, s'il pouvait y avoir quelque chose d'irrégulier, de blessant même dans les expressions provisoires proposées par la commission d'adresse, c'est une puérilité que de s'arrêter à un mince détail de forme, à un froissement d'amour-propre pour refuser à la Couronne et au pays ce que la Couronne et le pays attendent de l'opposition.
Maintenant, messieurs, cette appréciation faite, quelle est la signification du projet d'adresse ? Mérite-t-il les reproches qu'on lui prodigue ?
Depuis que nous sommes redevenus majorité, nous n'avons pas eu l'occasion de nous exprimer régulièrement sur notre origine, sur nos intentions ; cette origine a été accusée, calomniée ; ces intentions ont été accusées, calomniées à leur tour, eh bien, nous venons dire la première fois qu'il nous est permis de parler dans la forme constitutionnelle, nous venons dire : la calomnie nous la déclarons calomnie, ces intentions mauvaises qu'on nous prête nous ne les avons pas ; cette origine qu'on nous reproche, cette origine impure qui serait la violation des institutions fondamentales du régime constitutionnel, cette origine que nous aurions trouvée dans l'émeute, n'est pas la nôtre. Nous sommons qui que ce soit dans la Chambre d'oser reproduire tout haut pareilles accusations, de nous les adresser en face et de la maintenir.
Ce débat devait naître de l'adresse. L'adresse est provoquante, dites-vous ? A ce point de vue, volontiers. Je l'ai votée dans ce sens, avec cette portée ; je l'avoue, pour ma part, j'ai voulu provoquer le débat que j'indique ; j'en avais le droit. L'opposition fuit ce débat.
(page 33) Que reste-t-il ? Qu'il n'y a pas dans cette enceinte un seul membre ayant le courage de dire en face à la majorité ce qu'on dit d'elle au dehors : « Vous êtes la majorité de l'émeute ; » au ministère : « Vous êtes le ministère de l'émeute. » Nous sommes vengés. Le courage manque, pourquoi ? Parce que l'accusation était fausse.
Dans la forme, le langage de l'adresse, dit l'opposition, est blessant pour la minorité ! Offensée, elle s'abstient. Je demande à tout homme de bonne foi qui lira le projet d'adresse sans opinion arrêtée d'avance, sans le désir d'y trouver un moyen de maintenir le régime d'abstention qu'on cultive avec amour depuis un an et qu'on était embarrassé de suivre encore et de justifier surtout ; je demande s'il est une phrase, un mot, blessants par la forme, dans le projet d'adresse ? Ce qui s'y trouve, quant au fond, est-il de nature à blesser si fortement l'opposition d'aujourd'hui, qu'elle se voit forcée à ne plus prendre part à nos débats parlementaires ?
Nous avons parlé dans l'adresse du retour à d'anciens abus que notre politique a toujours été d'empêcher ou de prévenir. Eh bien, n'avons-nous pas tenu ce langage à l'opposition d'aujourd'hui, quand elle était majorité ? Ne lui avons-nous pas dit en face, alors qu'elle voulait le retour aux anciens abus, que la loi sur la charité que nous repoussions et qu'elle soutenait, nous ramenait directement au rétablissement de la mainmorte et des couvents ? N'avons-nous pas tenu alors ce langage ? Et l'opposition d'aujourd'hui si chatouilleuse, paraît-il, n'est-elle pas restée alors sur ses bancs ?
Il est vrai qu'alors l'opposition d'aujourd'hui était la majorité. Elle savait par son nombre, qu'à rester, elle gagnerait la partie et elle restait. Aujourd'hui minorité, elle sait qu'en restant, elle perdra. Elle fuit ! Je connais des joueurs qui suivent cette tactique et s'en vont lorsque tourne la chance. Mais ces joueurs-là sont de petits enfants ; ce ne sont pas des hommes sérieux.
Voilà, messieurs, ce qui me paraît résulter de plus net, de plus clair, du singulier incident auquel nous assistons.
J'espère que les honorables membres de l'opposition qui auraient pu au moins rester sur leurs bancs, sans prendre part à la discussion, voudront bien, mieux avisés, venir un jour nous restituer ce qu'ils nous enlèvent aujourd'hui. J'attends avec impatience le jour de la justification ; comme tout homme accusé à tort et précisément parce que je me sens accusé à tort, j'éprouve le besoin de me justifier le plus tôt possible. Pourquoi nos honorables collègues de l'opposition nous refuseraient ils à moi et à mes amis cette justice ?
Nous sommes fils de l'émeute, sortis de dessous les pavés ! Qu'importe à gens courageux ? Notre caractère de fils de l'émeute ne saurait effrayer une assemblée parlementaire digne d'elle. J'ai souvenir d'une assemblée parlementaire placée en face d'émeutiers bien plus dangereux que la majorité actuelle, j'ai souvenir du 15 mai 1848. L'assemblée législative envahie par une émeute autrement sérieuse, attendit ce jour-là le martyre, impassible et digne sur ses bancs.
Pour retenir vis-à-vis de nous en 1858, l'honorable comte de Theux et son bataillon sacré, même silencieux, cet exemple aurait dû suffire, car enfin nous ne sommes pas plus terribles que ces émeutiers-lâ, je pense, aux yeux de nos honorables collègues de la droite.
- La discussion générale est close.
Articles 1 à 6
On passe à la discussion des paragraphes.
« Sire,
« Dans cette circonstance solennelle qui ne s'était pas offerte à la Chambre des représentants depuis sa récente recomposition, elle ne serait pas l'interprète fidèle du sentiment public, si ses premières paroles n'exprimaient une profonde gratitude et un respectueux dévouement. »
-Adopté.
« Nous aimons à le reconnaître avec Votre Majesté, la Belgique est en droit de se féliciter de sa situation florissante. Sous l'égide d'institutions heureusement appropriées au caractère national, les citoyens de toutes les classes et de toutes les opinions jouissent des libertés les plus complètes ; l'ordre règne sur tous les points du royaume ; une prospérité toujours croissante atteste à la fois l'influence féconde de la paix, la sagesse de l'administration du pays, l'esprit d'ordre et de progrès de ses laborieuses populations. »
- Adopté.
« Attentif à respecter les droits des autres Etats, ayant pour tous une politique également sincère et bienveillante, le gouvernement de Votre Majesté recueille à bon droit les témoignages de leur estime et de leur confiance. »
- Adopté.
« La Chambre examinera les traités qui lui seront soumis avec le désir d'affermir et de resserrer ces utiles relations. »
- Adopté.
« Les questions qui se rattachent aux droits des écrivains et des artistes pourront être résolues, nous l'espérons, de manière à concilier, dans une juste mesure, les intérêts divers qu'elles embrassent. »
- Adopté.
« Le gouvernement a raison de mettre au rang de ses attributions les plus élevées, la mission que la Constitution et les lois lui ont faite en matière d'enseignement public. Pour l'accomplir il peut compter sur notre sympathique concours. Déjà la Chambre s'est empressée, dans sa session dernière, de voter les allocations qui devaient apporter une notable amélioration au sort des professeurs et des instituteurs dont la position était la moins favorable. Elle est également disposée à hâter la construction de maisons d'écoles dans les communes où les locaux sont insuffisants. »
- Adopté.
« En donnant récemment, dans une solennité pleine de touchantes émotions, un affectueux témoignage d'intérêt à la jeunesse de nos écoles, Votre Majesté a pu reconnaître que les sentiments de la Belgique envers son Roi ne s'altèrent pas en se transmettant d'une génération à l'autre, et qu'ils sont déjà passés à l'état de traditions dans les familles. »
- Adopté.
« Une enquête approfondie sur la situation de la classe indigente et sur l'efficacité des moyens mis en usage pour la soulager est nécessaire au gouvernement et aux Chambres, afin de résoudre l'ensemble des questions qui se rattachent à l'organisation de la bienfaisance publique. Il est toutefois une de ces questions qui a trop vivement ému la Belgique pour en laisser plus longtemps la solution indécise. Une interprétation donnée à l'article 84 de la loi communale nous oblige à fermer immédiatement cette voie à des abus dont l'administration du bien des pauvres doit être garantie. »
-Adopté.
Paragraphe
« L'utile influence de nos chemins de fer vient de s'étendre à une partie du pays où leur exécution avait longtemps paru difficile. C'est une voie nouvelle qui s'ouvre à notre commerce vers les pays étrangers. Puisse-t-elle être en même temps pour la prospérité de la province de Luxembourg, le point de départ d'une transformation analogue à celle qui s'est accomplie, à l'autre extrémité du royaume, parmi les populations matière souffrantes de la Flandre. Nos provinces tendent ainsi à se rapprocher d'un même niveau de bien-être. »
M. de Renesse. - Par le paragraphe 7 du discours du Roi, le gouvernement fait ressortir « qu'en dépit d'une crise commerciale, qui a fortement éprouvé beaucoup de contrées, les intérêts matériels du pays ont continué à se développer avec une remarquable énergie, et que le chemin de fer national a, depuis bientôt vingt-cinq années, contribué largement à cette amélioration ; qu'il vient de s'accroître et, pour ainsi dire, de se compléter. »
C'est particulièrement sur ces dernières expressions du discours du Trône que je crois devoir présenter à la Chambre et au gouvernement quelques courtes observations.
Ces expressions pourraient être très peu satisfaisantes pour des localités d'une certaine importance, privées jusqu'ici de voies ferrées, et qui depuis longtemps ne cessent de réclamer d'être reliées au réseau national, si le gouvernement ne leur donnait actuellement l'assurance qu'elles aussi seront bientôt dotées de chemins de fer si nécessaires à tous leurs intérêts ; on ne peut prétendre, en effet, que nous soyons arrivés, pour ainsi dire, au complément du railway national, lorsque d'importantes parties de plusieurs de nos provinces sont encore actuellement sans communications ferrées aucunes.
C'est ainsi que la ville de Tongres, le seul chef-lieu judiciaire provincial du royaume, et la plus grande partie de son arrondissement, n'ont encore pu obtenir ce moyen de communication facile et économique, an grand détriment de tous leurs intérêts, malgré plusieurs votes favorables des Chambres législatives, et les promesses du gouvernement.
Si le gouvernement reconnaît, dans le discours du trône, que l'établissement des chemins de fer contribue largement à améliorer les intérêts matériels des parties du royaume qui jouissent déjà de ces avantages de communication, il est aussi de son devoir, comme chargé de la sauvegarde de tous les divers intérêts nationaux, de chercher à doter, le plus tôt possible, d'une voie ferrée les localités d'une certaine importance qui, actuellement, ne sont pas encore rattachées au système général de nos chemins de fer.
Les intérêts de ces localités doivent d'autant plus être respectés par le gouvernement, que ces parties de notre territoire, n'ont cessé de contribuer, depuis 1830, à toutes les charges extraordinaires, résultant de tous les grands travaux qui ont été décrétés, sans avoir jamais obtenu, jusqu'ici, leur juste part dans ces mêmes travaux.
J'ai donc l’honneur d'appeler l'attention toute particulière du gouvernement sur la position tout exceptionnelle où se trouvent la ville de Tongres et la plus grande partie de son arrondissement.
Il y aurait un vrai déni de justice, qu'on ne pourrait justifier, de laisser plus longtemps cette contrée, une des plus riches et des plus populeuses du Limbourg, dans cette position d'isolement.
C'est au gouvernement à chercher, par tous les moyens en son pouvoir, à la doter le plus tôt que faire se pourra, d'une voie ferrée, afin de sauvegarder tous ses intérêts, actuellement sérieusement compromis par l'isolement où elle n'est restée que trop longtemps, et pour qu'à la fin elle puisse aussi jouir des avantages d'être rattachée au réseau national.
J’espère que sous ce rapport le gouvernement voudra donner quelques paroles rassurantes, pour que les populations de cette partie du Limbourg puissent aussi nourrir l'espoir d'être prochainement mises en communication facile avec le reste du pays, et ressentir, comme celles du Luxembourg, tout le bien qui devra nécessairement en résulter pour leur prospérité future.
(page 34) M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable comte de Renesse donne au paragraphe du discours du Trône, auquel répond le projet d'adresse, un sens qu'il ne peut évidemment pas avoir. Le gouvernement n'a pas entendu dire que le réseau du chemin de fer était définitivement complété par l'ouverture du railway du Luxembourg. Certes, en fait de travaux publics, il reste encore beaucoup à faire, et je comprends, sous ce rapport, toute la sollicitude de l'honorable membre en faveur de l'arrondissement qu'il représente. L'honorable membre connaît toutes les sympathies du gouvernement peur cet arrondissement, il en a vu la preuve dans la loi de 1851, où se trouvait consigné le désir du gouvernement et des Chambres de voir construire un chemin de fer dans la direction indiquée par l'honorable membre ; les circonstances n'ont pas permis de l'exécuter, mais il est à espérer que, dans un avenir assez rapproché, des offres pourront être faites qui permettront de réaliser les vœux de l'honorable membre, et si elles sont praticables, le gouvernement les accueillera avec empressement.
- Personne ne demandant plus la parole, le paragraphe est mis aux voix et adopté.
Paragraphe 8
« La situation des finances de l'Etat a ressenti les heureux effets du progrès de la richesse publique. L'excédant de ressources qui en est résulté a été utilement consacré à rendre cette situation plus régulière encore par la diminution de la dette flottante. »
- Adopté.
Paragraphe 9
« La Chambre examinera avec intérêt les moyens de faire droit aux plaintes de l'industrie des bateliers. »
M. Vermeire. - Messieurs, si je n'ai pas demandé la parole sur le paragraphe qui précède celui qui est en discussion, c'est que je me propose d'examiner la situation financière quand un projet de loi y relatif sera soumis à vos délibérations.
Je vois avec plaisir que des mesures d'amélioration seront présentées par le gouvernement en faveur de l'industrie batelière. Ces mesures doivent, d'après moi, consister principalement dans l'abaissement du droit de patente auquel on astreint les bateliers, et dans la diminution du droit de navigation sur les canaux et les rivières.
En effet le droit de patente que l'on fait payer à un petit bateau naviguant sur le canal de Charleroi vers Bruxelles est le même que celui que l'on applique à un haut fourneau. Les produits que donnent les deux industries différent essentiellement entre eux, l'assiette de ce droit est dès lors peu juste, peu équitable.
D'autre part les droits de navigation sont encore établis sur un taux tellement élevé, que toute concurrence devient impossible avec les chemins de fer qui cependant ont été construits postérieurement à l’établissement des canaux.
Ici il y a encore lieu de faire droit à des plaintes fondées qui ont été formulées depuis longtemps
Je ne puis donc qu'engager le gouvernement à présenter le plus tôt qu'il lui sera possible de le faire les projets de loi qui seront de nature à améliorer l'industrie des bateliers.
- Le paragraphe est mis aux voix et adopté.
Paragraphes 10 à 23
« Plusieurs de nos provinces attachent une grande importance à la révision de la répartition de la contribution foncière. Nous nous occuperons avec sollicitude de cette révision qu'on pourra étendre ultérieurement aux autres branches du revenu public qui en paraîtraient susceptibles. »
-Adopté.
« Dans l'examen des projets de loi ayant pour but de faciliter les prêts sur marchandises et la vente publique des denrées et des matières premières, la chambre aura égard aux intérêts du commerce maritime, qui n'ont pu tous se soustraire aux effets de la crise commerciale dont souffrent les transactions internationales de tous les pays. »
- Adopté.
« Il est peu de mesures plus utiles à la classe ouvrière que la bonne organisation des caisses d'épargne. La Chambre aidera le gouvernement à en résoudre les difficultés et à asseoir l'institution sur des bases solides. La caisse de retraite doit, dans les mêmes intentions, recevoir les modifications dont l'expérience a démontré la nécessité. »
- Adopté.
« La Chambre s'associera aux sentiments de philanthropie qui font désirer au gouvernement de pouvoir donner une nouvelle impulsion à l'amélioration de l'hygiène publique. »
- Adopté.
« Il est, dans cet ordre d'idées, deux mesures que nous recommanderions dès aujourd'hui à la sollicitude qui anime le gouvernement envers la classe ouvrière, si nous ne pensions que l'enquête qui nous est annoncée constatera avec plus de précision les abus auxquels il s'agit de porter remède ; nous voulons parler des moyens législatifs propres à limiter le travail industriel des enfants et à restreindre l'abus des liqueurs fortes. »
- Adopté.
« Nous comprenons les grands avantages de l'amélioration des voies vicinales ; la Chambre secondera avec faveur les intentions du gouvernement pour donner plus de développement aux progrès considérables qui, sous ce rapport, se sont accomplis depuis quelques années. »
- Adopté.
« Nous nous occuperons sans retard des lois importantes dont nous sommes déjà saisis concernant la contraint' par corps et la punition des crimes et délits. La loi sur l'organisation judiciaire viendra complètes cette partie de nos travaux. »
- Adopté.
« Des changements aux lois sur la milice sont vivement désirés depuis longtemps. Le gouvernement, nous en sommes persuadés, cherchera à introduire dans les détails de cette législation les modifications qui peuvent concilier l'intérêt particulier des citoyens avec le grand intérêt de la défense du pays. »
- Adopté.
« Une fête d'un caractère national vient de faire ressortir les louables sentiments d'union qui règnent entre la garde civique et l'armée. Ces deux éléments différents de la force publique se recommandent aux sympathies de la représentation nationale, autant par le patriotisme qui les anime que par le but même de leur institution. »
-Adopté.
« Votre Majesté nous annonce une loi destinée à étendre le nombre des Représentants et des Sénateurs. La Chambre ne se séparera pas sans rétablir, sous ce rapport, entre la population et la représentation nationale, l'équilibre que la Constitution a déterminé. »
- Adopté.
« Sire, dans les nombreux travaux auxquels elle va se livrer, la Chambre des représentants s'efforcera d'accomplir tous ses devoirs constitutionnels. Les intérêts de la Belgique et le vœu du corps électoral, dont la Chambre est à la fois la libre émanation et l'expression sincère, lui imposent, dans le cercle de ses attributions, l'obligation de défendre la société belge contre le retour des abus d'un autre âge, de veiller à l'indépendance de l'autorité laïque à laquelle seule la puissance publique a été confiée par la Constitution. Cette mission, la Chambre saura la remplir avec fermeté, mais sans esprit de violence ou d'exagération, sans blesser le droit des consciences, en respectant scrupuleusement toutes les libertés constitutionnelles, en maintenant les ministres de la religion dans toutes les franchises que les lois leur accordent, en satisfaisant par les allocations du budget à tous les besoins du culte, en s'efforçant de conserver aux rapports du clergé et des pouvoirs de l'Etat cette bienveillance et ces égards que les convenances commandent aussi bien que l'intérêt public. »
- Adopté.
« La Chambre désire vivement que dans toutes les branches de l'administration des efforts d'amélioration et de perfectionnement se fassent sentir sans relâche ; mais elle redoute les bouleversements et n'appelle pas les innovations aventureuses. Un gouvernement patriotique et éclairé ne demeure jamais immobile, mais il ne s'avance que dans les voies praticables dont les obstacles ne le forceront pas à revenir sur ses pas. »
- Adopté.
« C'est dans cet esprit, Sire, que la Chambre coopérera avec zèle et dévouement à la consolidation de la nationalité et de la monarchie belge, à l'affermissement des libertés du pays, au progrès de son bien-être et de sa civilisation. Nos efforts dans l'accomplissement de cette tâche s'uniront à ceux du gouvernement de Votre Majesté, auquel nous assurons notre concours actif et notre loyal appui. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble de l'adressa. En voici le résultat :
62 membres répondent.
55 membres adoptent.
9 membres rejettent.
En conséquence, le projet d'adresse est adopté.
Ont voté pour le projet : MM. Manilius, Mascart, Moreau, Muller, Neyt, Orban, Orts, Pierre, Pirmez, Rogier, Sabatier, Saeyman, Savart, Tesch, Thiéfry, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Stichelen, Van Leempoel, Vervoort, Veydt. Allard, Ansiau, Coppieters t Wallant, Crombez, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Bast, de Boe, Dechentinnes, Defré, De Lexhy, Deliége, de Luesemans, de Moor, de Paul, de Renesse, Devaux, de Vrière, d'Hoffschmidt, Dolez, Frère-Orban, Goblet, Godin, Grosfils, J. Jouret, M. Jouret, Lange, C. Lebeau, J. Lebeau, Lelièvre, Loos et Verhaegen.
Ont voté contre le projet : MM. Thienpont, Vander Donckt, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, de Decker, de Haerne, de Naeyer et Desmet.
M. le président. - Il nous reste, messieurs, à tirer au sort la députation des onze membres qui, avec le président, sera chargée de présenter l'adresse à Sa Majesté, et à fixer notre ordre du jour de demain.
Nous avons, pour la prochaine séance : la contrainte par corps, la séparation de la commune de Vieux-Turnhout, une demande de grande naturalisation et un feuilleton de pétitions. Je vous propose donc de fixer la séance de demain à 2 heures.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - La section centrale qui a examiné la loi sur la contrainte par corps doit encore se réunir demain à une heure. Différentes communications devant encore lui être faites, il serait utile, je pense, de ne fixer la séance qu'à 3 heures.
(page 35) M. Muller. - On pourrait maintenir l'heure proposée par M. le président, sauf à intervertir l'ordre du jour et à commencer par les deux petits projets de loi qui y figurent.
- Cette proposition est adoptée.
Le sort désigne pour faire partie de cette députation MM. Vervoort, Van Renynghe, Joseph Lebeau, de Boe, Crombez, Allard, Godin, d'Hoffschmidt, Frère-Orban et Devaux.
M. le président. - J'ai l'honneur de faire connaître à l'assemblée que le bureau a remplacé M. Wasseige par l'honorable M. Lelièvre dans la commission chargée d'examiner le projet de loi relatif au cens d'éligibilité pour le Sénat.
M. le président. - Je viens de recevoir la lettre suivante d'un de nos honorables collègues :
« M. le président,
« J'ai l'honneur de vous adresser ma démission de membre de la Chambre des représentants. Ma santé, fortement délabrée depuis un an, réclame des soins assidus et un repos absolu.
« D'importantes questions politiques se présenteront probablement, dans le cours de cette session, aux délibérations de la Chambre ; en présence de cette éventualité, je considère comme un devoir de ne point priver l'arrondissement de Bruxelles d'une voix sur laquelle il est en droit de compter.
« Agréez, M. le président, l'expression de ma très haute considération.
« Armand de Perceval.
« Nice, le 10 novembre 1858. >
- Pris pour notification.
Il en sera donné connaissance à M. le ministre de l'intérieur.
La séance est levée à 4 heures trois quarts.