(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1857-158)
(page 1061) (Présidence de M. Verhaegen.)
M. Crombez procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. Crombez présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.
« Le conseil communal de Saint-Léonard demande la construction de la section du canal de la Campine comprise entre Anvers et Turnhout. »
« Même demande du conseil communal de Turnhout et d'habitants de Ryckevorsel. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Wabry, ancien postillon, à Lokeren, demande une augmentation de pension ou une gratification. »
- Même renvoi.
« Des meuniers à Graves se plaignent de ce que les riverains des ruisseaux de cette commune en font déverser les eaux sur les prairies et occasionnent ainsi le chômage de leurs usines. »
- Même renvoi.
« Quelques officiers des anciens régiments de réserve réclament l'intervention de la Chambre pour obtenir la restitution des sommes retenues sur leurs appointements en vertu d'un arrêté du 6 décembre 1839. »
- Même renvoi.
« Les sieurs Snys et Beysert, architectes qui ont été charges de la direction des travaux pour les fêtes de juillet 1856, prient la Chambre de voter les fonds nécessaires pour liquider des comptes des entrepreneurs qui ont exécuté ces travaux sous leurs ordres. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi concernant un crédit pour les fêtes nationales.
« Des détenus pour dettes prient la Chambre de s'occuper du projet de loi sur la contraints par corps. »
M. Lelièvre. - Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale qui a été chargée de l'examen du projet de loi sur la matière.
- Adopté.
« Le sieur Roelens, combattant de la révolution, demande une pension ou un secours. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Fouret, ancien soldat congédié pour infirmité contractée au service, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une pension à une place à l'administration du chemin de fer. »
- Même renvoi.
« Le sieur J.-B. Geens, qui a été victime, en 1841, d'une erreur judiciaire demande un secours. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal d'Autryve présente des observations contre la demande de la direction de la wateringue d'Obigies et d'Hérinnes, tondante à faire augmenter les poutrelles du barrage d'Espierres. »
- Même renvoi.
M. H. Dumortier. - Je demande que la commission soit priée de faire un prompt rapport sur cette pétition.
- Cette proposition est adoptée.
« La commission instituée pour obtenir la séparation de Turnhout de quelques hameaux dépendants de cette ville, demande que ces hameaux soient érigés en communes distinctes. »
M. Jacquemyns. - Messieurs, il y a très longtemps que cette question traîne. Je demande le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions, avec invitation de faire un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
M. le ministre de la justice adresse à la Chambre, avec les pièces de l’instruction, la demande en grande naturalisation, du sieur Louis-Joseph Drumel.
- Renvoi à la commission des naturalisations.
M. le ministre des travaux publics adresse à la Chambre 110 exemplaires d'un volume contenant la statistique des mines du royaume pour les années 1851 à 1855.
- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.
M. Henri Jacobs, avocat, fait envoi et hommage à la Chambre de 110 exemplaires d'un traité sur le droit d'expropriation pour cause d'utilité publique avec examen des législations comparées de Belgique, de France et de l'Angleterre.
- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.
MM. de Decker et Faignart demandent un congé.
- Accordé.
M. Godin. -Messieurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission spéciale qui a été chargée d'examiner les projets de loi portant érection des communes de Rochechaut et de Dohan (Luxembourg).
- Impression, distribution et mise à la suite de l’ordre du jour.
M. de Boe. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport fait au nom de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi relatif à la contrainte par corps.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
Le jour de la discussion sera fixé ultérieurement.
M. de Boe. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale, qui a été chargée d'examiner le projet de loi portant cession au bureau de bienfaisance de Lillo, de propriétés bâties dans cette commune.
- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.
Il est procédé au tirage des sections du mois de juin.
Sur ta proposition de M. le président, la Chambre décide qu'elle se réunira demain, à midi, en sections, pour l’examen de la loi des travaux publics et que la séance publique aura lieu à trois heures.
Il est procédé à l'appel nominal.
Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 63 membres présents.
Ce sont : MM. Orban, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Sabatier, Savart, Thiéfry, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom. Vander Donckt, Vander Stichelen, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Verwilghen, Veydt, Wala, Allard, Ansiau, Coomans, Coppieters 't Wallant, Crombez, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bronckart, H. de Brouckere, Dechentinnes, de Liedekerke, Deliége, de Luesemans, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs-Hiegaerts, de Renesse, Desmaisières, de Terbecq, Devaux, Dolez, H. Dumortier, d'Ursel, Frère-Orban, Goblet, Godin, Jacquemyns, J. Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, C. Lebeau, J. Lebeau, Lelièvre, Loos, Mascart, Moncheur, Moreau, Muller, Nélis, Neyt et Verhaegen.
(page 976) >M. Vander Donckt, rapporteur. - Par pétition datée de Bruges, le 8 décembre 1855, le sieur de Peneranda présente des observations relatives à la liquidation de rentes à charge de la France et adresse à la Chambre une notice à l'égard de la position exceptionnelle qui lui a été faite au sujet des créances dont il est question au paragraphe 3 de l'article 22 du traité du 19 avril 1839. Cette affaire, qui a déjà été produite à la Chambre à différentes époques, a donné lieu à une longue discussion, notamment dans la séance du 16 novembre 1853. Ce serait abuser des moments précieux de la Chambre que de répéter ici tout ce qui a été dit à ce sujet et que les Annales parlementaires ont d'ailleurs reproduit. Sur la proposition des honorables membres MM. Osy et Thiéfry, M. le ministre des finances à cette époque présenta à la Chambre un rapport circonstancié sur cet objet dans la séance du 6 décembre 1855 (documents parlementaires, n°47), rapport qui a été distribué à tous les membres, et c'est surtout contre les motifs énoncés dans ce rapport que sont dirigées les observations du pétitionnaire. Il essaye de prouver à toute évidence que les décisions des diverses commissions sont loin d'être définitives et sans appel, que l'appel des intéressés est toujours recevable et qu'aucune prescription n'a pu être acquise à leur préjudice par le motif que l'Etat belge ne possède qu'à titre précaire et comme dépositaire de leur bien.
Dès le 4 février 1854, le pétitionnaire a protesté contre ce rapport par un exposé longuement motivé et dont un exemplaire a été distribué à chacun des honorables membres de cette Chambre. II y est dit que non seulement les hospices de Bruges et l'institut de Messines, mais un nombre considérable de particuliers et les administrations charitables des grandes villes, Anvers, Gand, Liège, Mous, Tournai et autres, y sont fortement intéressés, et pour réfuter les assertions du rapport au sujet des prétendues contradictions entre lui et les commissaires français, il se réfère aux moyens développés dans sa note du 30 décembre 1847 à M. Veydt, alors ministre des finances.
Le volumineux dossier de cette affaire contient, en outre, des réclamations à ce sujet qui ont été adressées successivement à MM. les ministres d'Huart, Desmaisières, Mercier, Frère-Orban et Liedts.
Pour vous mettre à même de juger en pleine connaissance de cette importante et délicate affaire, le meilleur moyen et le moins dispendieux est de déposer le dossier contenant toutes les correspondances, documents et autres pièces y relatives sur le bureau de la Chambre, où chacun pourra en prendre communication.
Toutefois, il est bon de faire remarquer que l'examen attentif de ce dossier, des nombreuses difficultés et controverses qu'il soulève, peut se résumer en trois questions capitales :
1° La déchéance est-elle encourue et définitive, et les différentes commissions qui se sont succédé ont-elles eu le pouvoir exorbitant de la prononcer ? En d'autres termes, le gouvernement qui possède pour autrui a-t-il pu prescrire contre des tiers ?
2° Si le total général des bordereaux de liquidation soumis au nom des anciens rentiers belges, créanciers du gouvernement français, égale, à une minime différence près, le capital de 42,000,000 de francs mis à la charge de la France par les puissances alliées, en vertu de la transaction diplomatique, en date du 25 avril 1818, n'est-il pas évident que c'est le décompte A et non le décompte B qui devrait leur être appliqué ?
3° Les commissions de liquidation appelées à statuer sur les droits des créanciers belges à charge de la France étaient-elles régulièrement et légalement investies du pouvoir de donner à leurs actes le caractère d'arrêts définitifs et sans appel ?
L'exemple de la ville d'Ostende, dont la réclamation fut écartée le 31 décembre 1846, et admise en liquidation en 1850 et 1855, semble prouver le contraire ;
4° Enfin la dernière commission, prise exclusivement parmi les employés du département des finances, était-elle bien et dûment instituée, et ne pourrait-on lui objecter avec raison que le gouvernement, dont elle était une émanation et une dépendance directe, s'est constitué juge et partie dans sa propre cause, ayant encaissé les fonds qui lui avaient été remis et dont il n'est pas propriétaire ?
Nous terminons en rapportant les paroles de notre honorable collègue, M. Lelièvre : « Que la dignité du gouvernement et la bonne foi qui doivent présider aux actes d'une administration loyale ne permettent pas d'éluder le payement d'une somme légitimement due, à l'aide d'une exception de chose jugée qui serait repoussée par l'équité..
« Que dirait-on d'un particulier qui, après avoir obtenu un jugement favorable, refuserait d'acquitter une créance légitimement due ? Or, un fait qui justifierait un reproche d'improbité vis-à-vis d'un simple citoyen, ne peut certainement être posé par un gouvernement honnête. »
La commission est d'avis que les questions qui précèdent ne peuvent convenablement être examinées et résolues que par une commission nommée par la Chambre dans son sein. Cependant le règlement ayant limité les conclusions qu'elle est appelée à prendre, elle a l'honneur de vous proposer le renvoi à M. le ministre des finances.
(Note du webmaster : ce rapport a été lu en séance du 5 mai 1858)
(page 1061) M. Thiéfry (pour une motion d’ordre). - Je demande la parole pour une motion d'ordre. _ Avant d'entamer la discussion sur la pétition de M. de Peneranda, je désire adresser une demande à M. le ministre des finances ; sa réponse m'indiquera si je dois saisir la Chambre d'une réclamation qui concerne les hospices de Bruxelles.
Son prédécesseur a déposé un rapport dans la séance du 6 décembre 1853, ou il est dit, à propos du travail de la commission de 1843 :
(page 1062) « Tels sont les principes posés par la commission de liquidation, sous les yeux de laquelle on avait placé les documents transmis par le gouvernement français, en 1839, ainsi que le rapport de MM. les commissaires belges à la commission mixte d’Utrecht, rapport qui avait servi de base au forfait conclu avec le gouvernement des Pays-Bas par l’article 61 du traité du 5 novembre 1842. »
J'ai demandé hier à l’honorable ministre s'il consentirait à me donner connaissance de ce rapport pour m'assurer si le gouvernement belge a ou n'a pas touché du gouvernement hollandais des intérêts doit il n'a pas tenu compte aux hospices de Bruxelles. J'ai besoin de cette communication pour renoncer à des réclamations que, jusqu’à présent, je considère comme justes. J'attendrai la réponse de M. le ministre.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l’honorable M. Thiéfry m'avait demandé communication de ce rapport, j'ai fait faire des recherches pour l’obtenir ; ces recherches n'ont pas abouti : je n'ai pas ce rapport ; je ne sais pas si de nouvelles recherches auraient un meilleur résultat ; mais il est incontestable que le fait que suppose l'honorable M. Thiéfry n'existe pas : le gouvernement des Pays-Bas n'a pas reçu et n'a pas pu restituer les intérêts dont parle l'honorable membre. C'est une question un peu obscure que j'expliquerai à la Chambre si elle le désire.
M. Thiéfry. - Je ne comprends pas qu'il faille si longtemps pour trouver la pièce que j'ai demandée. Il me paraît cependant nécessaire d'en prendre connaissance avant d'ouvrir le débat.
M. le ministre dit qu'il est probable que ce que suppose M. Thiéfry n'existe pas.
Je persiste dans mon opinion ; le gouvernement hollandais a payé à forfait une somme de 14,814,800 fr. en 2 1/2 pour cent ; la liquidation faite a laissé un boni de douze millions ; on a peine à comprendre d'où provient un bénéfice si considérable.
L'honorable M. de Peneranda, dont il est question, a été commissaire du gouvernement hollandais à Paris ; il a été membre de la commission de liquidation à la Haye jusqu'en 1828 ; il affirme de la manière la plus positive que cinq années d’intérêt ont été accordées à tous les créanciers. Dans la réponse que l’administration des hospices a reçue de votre prédécesseur, je ne vois rien qui puisse me faire croire que M. de Peneranda n'a pas raison.
Je demande à prendre connaissance de ce rapport dans vos bureaux afin de m'éclairer à ce sujet. Je le considère comme un acte des plus essentiels à consulter ; je demanderai à mes honorables collègue» de vouloir suspendre le débat jusqu'à ce que cette pièce ait été communiquée.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne sais réellement pas dans quelle voie l'on veut entraîner la Chambre. La Chambre est-elle un corps judiciaire ? La Chambre est-elle un corps judiciaire supérieur devant lequel on puisse porter les appels de décisions rendues par des autorités en exécution des lois ? Voilà la question.
Depuis un grand nombre d'années, M. de Peneranda soutient une prétention qui a été condamnée souverainement par des autorités compétentes.
M. Coppieters. - Quelles autorités ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Par les autorités instituées par la loi.
M. Coppieters. - Nommées par le gouvernement.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Qu’importe qu'elles aient été nommées par le gouvernement ? Ce sont les juges qui ont été désignés en vertu des lois et ils ont statué souverainement, en dernier ressort. On demande aujourd'hui que la Chambre casse leur décision et, chose étrange ! on le demande à la Chambre par voie de cassation nouvelle car la Chambre a déjà prononcé plusieurs fois. '
Ainsi, la discussion qu'on va soulever a été soulevée encore en 1849. En 1819, une proposition émanée de l'honorable M. de Pouhon tendait à mettre à la disposition du gouvernement les sommes qui resteraient disponibles après la liquidation des créances comprises dans les traités de 1839 et de 1842.
A ce sujet, sur la réclamation de M. de Peneranda, ou a dit dans cette Chambre qu'il y avait lieu de réserver ces sommes pour les payer aux créanciers qui avaient droit à certains intérêts des capitaux dont ils avaient obtenu la liquidation, et à ce sujet, j'ai été obligé de soutenir une discussion contre d’honorables membres qui appuyaient cette prétention et de démontrer à la Chambre que cette prétention n'était en aucune manière fondée. Qu'a fait la Chambre ? La Chambre a condamné cette prétention et a mis les fonds à la disposition du gouvernement.
M. A. Vandenpeereboom. - Sous réserve de tous droits.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Cela est évident ; mais ceux qui avaient des droits devient se présenter devant l'autorité compétente, qui était la commission de liquidation.
Maintenant, le boni est acquis au trésor ; il a été porté dans le compte définitif du budget de 1850 ; la loi approuvant le compte définitif du budget de 1850 a fait emploi de ces sommes après les vérifications de la cour des comptes. Et c'est après cela que maintenant encore on vient mettre cette affaire en question et que la Chambre est de nouveau appelée à s'occuper du point de savoir si des intérêts sont ou ne sont pas dus à certains créanciers qui n'ont pas réclamé ces intérêts ou bien qui ont été jugés n'y avoir aucune espèce de droits.
Messieurs, c'est par une véritable confusion de tous les pouvoirs que l'on procède ainsi. Si l'on peut porter devant cette Chambre des réclamations pour des intérêts personnels, je ne vois pas trop où nous nous arrêterons.
M. A. Vandenpeereboom. - Je demande la parole.
M. Thiéfry. - Il ne s'agit pas d'intérêts personnels dans l'affaire des hospices de Bruxelles.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Les hospices sont exactement dans la même position qu'un particulier qui a des droits à faire valoir et qui, ayant été condamné par les juges que la loi lui a donnés, s'adresse à la Chambre dans l'espoir d'obtenir une autre solution.
Si donc on vient plaider ici en faveur d’intérêts particuliers, nous aurons tous les jours des réclamations de ce genre. Nous verrons des particuliers, dont les prétentions auront été repoussées par les autorités compétentes, par des corps judiciaires, se pourvoir devant la Chambre en révision des jugements prononcés contre eux ; tous les jours nous serons obligés de subir de pareilles discussions.
Je ne me refuse nullement à donner quelques explications ; j'y suis prêt si la Chambre le désire Je dirai en peu de mots de quoi il s'agit et je crois que la Chambre reconnaîtra une fois de plus qu'il n'est pas possible d'admettre le système que je combats.
M. Thiéfry. - En l'absence de la pièce dont j'ai demandé communication, il serait assez difficile de soutenir une discussion approfondie.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il me semble assez nécessaire de dire de quoi il s'agit, avant de discuter le fondement de la prétention.
Messieurs, à la suite des grands bouleversements de la fin du siècle dernier, le gouvernement français s'est chargé de la liquidation des dettes qui étaient dues, par une foule de corporations, d'administrations provinciales, subalternes ou autres qui se trouvaient supprimées.
Cette liquidation prescrite par les lois a traîné en longueur. Un décret de 1808 a déclaré éteintes toutes les créances qui n'avaient pas été liquidées à cette époque. cette disposition du décret de 1808 a été confirmée par la loi budgétaire du 15 février 1810.
Ainsi toutes les créances qui n'avaient pas été liquidées à cette époque se trouvaient absolument éteintes.
Le gouvernement dis Pays-Bas, par une loi du 9 février 1818, a fait cesser les effets de cette espèce de confiscation, en admettant à charge de ses propres finances, et non en exécution du traité avec la France, la liquidation de ces mêmes créances qui avaient été déclarées éteintes par la loi de 1810. Mais il a stipulé en même temps que le payement des intérêts n'aurait lieu qu'à partir du 1er janvier 1815.
En venu de cette disposition, des particuliers, des hospices, notamment ceux de Bruges, de Bruxelles et d'autres villes ont obtenu la restitution des capitaux qu'ils avaient perdus.
Tout semblait terminé lorsque, en 1845 ou en 1846, sur les indications fie M. de Peneranda, on a prétendu qu'il y avait lieu non seulement à la liquidation des capitaux de ces rentes anéanties par la loi de 1810, non seulement des intérêts à partir du 1er janvier 1815, comme le déclarait la loi du 9 février 1818, mais de cinq années d’intérêts qui auraient couru, soit avant, soit depuis l’extinction proclamée par la loi.
C'est de ces intérêts qu'il s'agit aujourd'hui. On soutient ou bien que ces capitaux, qui ont été déclarés éteints, ont été productifs d'intérêts, ou bien que les créances anéanties en principal en 1810, ont subsisté quant aux intérêts.
Il faut avouer que c'est la prétention la plus bizarre et le plus inadmissible du monde. Une loi déclare éteintes des créances. Il n'en existe plus rien. C'est une loi injuste, si vous le voulez ; je ne discute pas cela, mais cette loi déclare éteintes ces créances, elles n'existent plus. Le principal a disparu, il n'existe donc plus d'accessoire ; ces capitaux n'ont pu produire d'intérêts.
Et pourtant - c'est là tout ce qu'on a eu à discuter depuis dix ans, - on prétend qu'on aurait dû admettre en liquidation une fraction de ces intérêts que l'on fixe à cinq ans.
Nous avons dit à M. de Peneranda qu'il avait tort. M. de Peneranda adressa alors au département des finances des mémoires très volumineux sur cette question ; on y répondit. M. de Peneranda insista pour que cette question des créances dites françaises fût examinée par le conseil de liquidation. Ce conseil fit parvenir au département des finances, le 14 mai 1849, une délibération motivée par laquelle il maintenait sa décision antérieure. Malgré cette délibération, M. de Peneranda a réclamé de nouveau et le ministre des finances a consenti à soumettre au gouvernement français la question de savoir si, comme le prétendait M. de Peneranda, c'était le décompte A et non le décompte B qui avait été admis lors du traité conclu avec la France le 25 avril 1818.
Voici, en effet, ce que soutenait M. de Peneranda. M. de Peneranda, qui avait eu la qualité de commissaire liquidateur du gouvernement des Pays-Bas à Paris, soutenait que, lors des liquidations opérées entre le gouvernement français et les gouvernements allies en 1815, et lors de la transaction du 25 avril 1818, le gouvernement français avait alloué en compte les intérêts dont parlait M. de Peneranda ; il affirmait que le décompte A comprenait ces intérêts et qu'il avait servi de base au forfait transactionnel arrêté en 1818. Tous les documents qui reposaient au département des finances attestaient l'erreur de M. de Peneranda.
(page 1063) Cependant, comme c'était une question de bonne foi et qu'elle était traitée de bonne foi par le département des finances, on s'est dit : Les documents existent encore à Paris ; demandons-les au gouvernement français qui n'a aucun intérêt dans la question ; si M. de Peneranda a raison, on fera droit à ses réclamations ; si M. de Peneranda a tort, il faudra bien qu'il se résigne.
J'écrivis à Paris et j'obtins copie du décompte A et du décompte B. Dans le décompte A se trouve, en effet, cette mention :
« Prétentions des Pays-Bas.... Cinq années d'arrérages pour rentes présentées en liquidation et non liquidées, à raison de 1,545,357 francs par an, 7,726,785. »
Mais ce décompte ne fut pas admis, il fut contesté ; on en présenta un autre qui ne comprenait plus ces arrérages.
La France refusait d'admettre en compte ces arrérages parce que les créances avaient été éteintes et qu'elle ne devait plus rien de ce chef.
Le duc de Wellington fut choisi comme arbitre pour se prononcer entre les deux décomptes ; il adopta le décompte B. On lit, en effet, en marge du document :
« Adopté par le duc de Wellington. » Signé : Hely d'Hoissel, l'un des membres de la commission française. J'ai sous les yeux, la copie authentique qui m'a été adressée en 1849 par le gouvernement français.
En me faisant parvenir cette pièce, mon collègue des affaires étrangères m'écrivait :
« Les indications précitées contenues dans votre lettre du 25 octobre, bureau de liquidation, n°10017, ont permis de faire de nouvelles recherches à l'effet de retrouver, dans les archives de l'ancienne commission des créances étrangères a Paris, les décomptes que vous désirez obtenir.
« Ces recherches ont fait atteindre le but désiré, et je m'empresse de vous envoyer ci-joint copie des pièces qui ont été retrouvées.
« En adressant ces pièces à la légation du Roi, le ministre des affaires étrangères de la République française a fait observer qu'il n'existe pas, comme le suppose la note jointe à ma dépêche du 27 octobre dernier, de troisième décompte coté C ; mais il a été trouvé une déclaration qui résume le décompte B, délivré, sur sa demande, à M. de Peneranda, commissaire liquidateur des Pays-Bas, le 6 décembre 1819 par les membres de la commission française. J'ai l'honneur, M. le ministre, de vous transmettre une copie de cette pièce.
« Quant au doute qu'exprime M. de Peneranda sur l'adoption par le duc de Wellington du décompte B, j'ai lieu de croire, dit M. le ministre des affaires étrangères de France, qu'en émettant un doute à cet égard, cet ancien commissaire n'avait plus présent à la mémoire l'envoi que lui firent de ce décompte les membres de la commission française par leur note sous la date du 25 novembre 1819 ; si ce document n'avait pas été la reproduction exacte des décisions arbitrales du duc de Wellington, M. de Peneranda en aurait nécessairement fait la remarque et n'aurait pas demandé, peu de jours après, la déclaration citée plus haut, qui en est le résumé. »
Ainsi, voilà des déclarations aussi positives que possible ; voici des documents authentiques pris dans les archives du gouvernement français, absolument désintéressé dans la question, documents qui condamnent sur tous les points la prétention de M. de Peneranda.
Je croyais que j'avais réussi à convaincre M. de Peneranda ; eh bien, M. de Peneranda n'a pas été convaincu, et quand la Chambre, à l'unanimité, déclarerait expressément qu'il est évident que M. de Peneranda a tort, M. de Peneranda recommencerait exactement les mêmes réclamations.
La conviction de M. de Peneranda est énergique sur ce point ; elle résiste même à la preuve d'une déclaration qui lui a été remise à lui-même, en sa qualité de liquidateur en 1819...
- Un membre. - Il répondra.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Certainement il répondra ; il répond toujours la même chose. Vous allez voir s'il est resté silencieux.
Le résultat de la correspondance dont je viens de parler fut communiqué, le 4 décembre 1849, à M. de Peneranda par l'intermédiaire d'un honorable sénateur qui s'était chargé de ma remettre sa demande. M. de Peneranda, comme je viens de le dire, ne se considéra nullement comme battu par la correspondance et les pièces officielles. Le 15 avril 1850, il adressa un autre mémoire au ministre des finances. J'y répondis de nouveau le 22 juillet suivant.
Indépendamment de ce mémoire, M. de Peneranda avait demandé à venir discuter avec moi cette question. J'admis M. de Peneranda à causer avec moi de cette affaire. Le 21 juin et le 18 octobre, il sollicita de nouvelles audiences, pour venir répéter exactement les mêmes choses. Je ne voulus pas encore écarter M. de Peneranda. Je priai MM. les délégués de vouloir bien se réunir dans le cabinet de mon secrétaire général, pour écouter M. de Peneranda, et essayer de le convaincre. Cette conférence eut lieu le 10 novembre, dans le cabinet du secrétaire général. M. de Peneranda produisit ses griefs, les délégués les rencontrèrent en détail et les réfutèrent complètement.
Un rapport sur cette conférence, qui me fut adressé le 26 novembre, concluait en disant que toutes les objections de M. de Peneranda ayant été victorieusement combattues, il y avait lieu de lui faite connaître qu'on ne-pouvait que se référer aux décisions antérieures.
Information fut donnée à M. de Peneranda de cette décision.
Depuis lors, M. de Peneranda ne cesse d'adresser réclamations sur réclamations, tantôt au ministre, tantôt à la Chambre des représentais. C'est ainsi qu'il en a adressé de nouvelles le 16 avri1, le 21 mai et le 31 décembre 1852, le 31 janvier et le 19 mars 1853 ; et on s’est donné la peine de continuer à répondre à M. de Peneranda le 26 mai 1852, le 31 janvier, le 17 février et le 31 mars 1853.
Messieurs, sur de nouvelles réclamations adressées à la Chambrer par cet infatigable et invincible M de Peneranda, mon honorable prédécesseur, M. Liedts, a présenté à la Chambre un long rapport qui expose toute la question, donne copie des décisions intervenues, et conclut comme tout le monde conclut, sauf M. de Peneranda.
La Chambre a paru être satisfaite, et l'on pouvait croire que la question était terminée. La voici de nouveau devant la Chambre. M. de Peneranda la reproduit dans les mêmes termes.
Tels sont les faits, mais je dois répéter que la Chambre est absolument incompétente pour s'occuper de cette question. Des commissions spéciales ont toujours été chargées des liquidations de ce genre. Ces commissions ont été instituées par les traités. Les traités de 1859 et de 1842 renferment le principe de l'institution de ces commissions. Les pouvoirs qui leur ont été conférés sont très étendus, ils ont été indiqués dans le rapport même de la section centrale sur le traité du 5 novembre 1842.
Voici comment s'exprime le rapporteur de la section centrale sur le traité du 5 novembre 1842 :
« Du temps de. l'ancien royaume des Pays-Bas, la position des créanciers était nettement déterminée, et quant aux liquidateurs qui devaient prononcer sur leurs créances, et quant aux règles dont ces liquidateurs étaient chargés de faire l'application.
« Compétence, législation, jurisprudence, tout était devenu stable et positif en matière de liquidation.
« Les diverses commissions liquidatrices prononçaient en premier et dernier ressort, en ce sens qu'aucun recours aux tribunaux ordinaires n'était ouvert contre leurs décisions ; mais ces décisions étaient soumises à l'approbation du Roi.
« Avant la séparation, les créanciers belges ne pouvaient s'empêcher d'accepter pour arbitres suprêmes les commissions de liquidation ; pour loi, les règles positives de liquidation ; pour jurisprudence constante, la longue série des décisions déjà rendues. La séparation a-t-elle changé leur position sous ce rapport ? Evidemment non.
« Ils n'acquièrent ni droits nouveaux, ni droits plus étendus.
« Les créanciers, mécontents des décisions des commissaires liquidateurs, pourront-ils recourir aux tribunaux de la Belgique ?
« Pour répondre à cette question, il y a une distinction à faire entre les décisions antérieures au traité de 1842, et les décisions qui seront rendues postérieurement à ce traité.
« Quant aux premières, l'on ne peut concevoir aucun recours judiciaire susceptible de produire quelque effet.
« Quant aux décisions que rendront les liquidateurs futurs, la section centrale a fait de ce point l'objet d'un examen spécial, qu'elle croit utile de retracer ici avec quelque développement.
« Dans l'article 64 du traité, il s'agit de réclamations résultant des créances antérieures à l'époque où les pays composant la Belgique actuelle ont cessé de faire partie de l'empire français et se rapportant à ces mêmes pays, pour autant que les réclamations seraient encore admissions.
(Suit l'énumération des lois, traités et convenions intervenus sur le sort de ces créances. Traité de Lunéville, de Paris, de 1814 et de 1815, de 1815 entre l'Autriche et les Pays-Bas, convention du 25 avril 1818 entre la France et les puissances alliées, loi du 9 février 1818, et traité du 19 avril 1839.)
« Par suite des traités, c'était au gouvernement des Pays-Bas à liquider ces créances. L'article 64 du traité du 5 novembre 1842 les a mises à la charge de la Belgique. A cet égard, cette puissance prend à sa charge une obligation du gouvernement des Pays-Bas, et la Belgique se trouve dès lors placée dans la même condition que ce gouvernement.
« On a donc pu stipuler dans l'article 64 que la liquidation se fera d'après les règles qui résultent de la combinaison des dispositions du traité de Paris du 30 mai 1814, de la convention du 20 novembre 1815, de celle du 25 avril 1818 et de l'arrêté royal du 26 juin suivant.
« Cette stipulation n'est pas contraire à l'article 92 de la Constitution ; car cet article lui-même ne fait que reproduire le principe proclame par l'article 165 de la loi fondamentale du 24 août 1815.
« L'obligation de la Belgique prend sa source dans les traités qui sont des actes du droit public international. On ne doit donc pas leur appliquer les règles concernant les droits civils.
« L'opinion de la section centrale était aussi celle du gouvernement qui s'en expliquait en ces termes :
« Voici comment il s'est exprimé à cet égard :
« Le gouvernement belge ne pouvait adopter d'autre mode de liquidation des anciennes créances que celui qui résulte des traites internationaux et de l'application des lois et arrêtés qui régissaient la matière au 1er octobre 1830.
« Quant au point de savoir comment la compétence des tribunaux pourrait être écartée, il suffit de faire remarquer que les ci-devant commissions de liquidation néerlandaises et la commission mixte d'Utrecht avaient pouvoir de décider, sans recours ou appel, sur le sort des (page 1064) réclamations qui leur étaient soumises, et que par le paragraphe 12 de l'article 64, les délégués que le gouvernement nommera à l'effet d'opérer les liquidations dont il s'agit se trouveront subrogés aux pouvoirs et aux attributions de ces commissions.
« Ces délégués seront donc seuls compétents pour appliquer les règles de liquidation en vigueur au 1er octobre 1830, et qui toutes acquièrent force de loi par les stipulations du paragraphe 11, lequel s'exprime ainsi : « Toutes les liquidations ci-dessus seront opérées conformément aux règles établies par le gouvernement de l'ancien royaume des Pays-Bas, avant le 1er octobre 1830. »
Maintenant, les commissions dont vous venez de constater les pouvoirs ont jugé et ont jugé sans appel. Pouvez-vous vous occuper de ces questions ? Quel serait le résultat de l'immixtion de la Chambre dans des affaires de cette nature ? Le jugement est prononcé, la Chambre ne peut plus rien faire ; elle est liée, elle ne peut pas, sans mettre en question des décisions souveraines, revenir sur cette affaire par une décision quelconque.
Je propose, je le fais par égard pour M. de Peneranda, le dépôt de la pétition au bureau des renseignements avec espoir que ce sera la dernière déclaration. Si je ne prenais en considération l'honorabilité, l'âge de M. de Peneranda, la force de sa conviction, je proposerais l'ordre du jour.
M. Vander Donckt, rapporteur. - M. le ministre s'est placé à son point de vue pour examiner cette question ; vous me permettrez de me placer à un autre point de vue. Il est incontestable que la France a été obligée par les traités avec les puissances alliées de payer une somme déterminée pour liquider les créances, les prétentions des particuliers, des hospices et de tous les créanciers belges envers la France.
Cette somme a été payée au gouvernement des Pays-Bas ; ce gouvernement qui a reçu par suite de ce traité ce capital n'en a fait aucun usage, n'a payé aucun créancier jusqu'en 1830. Lors de la révolution, nouvelle suspension ; par la liquidation qui a eu lieu entre la Hollande et la Belgique, la Belgique a reçu de la Hollande une somme déterminée encore pour payer les créanciers belges.
Comment les Pays-Bas ont-ils reçu ce capital qui n'était pas moindre d'un revenu annuel d'un million de florins, ce qui représentait un capital de 20 millions ?
Ce capital a été encaissé par le royaume des Pays-Bas. Comment le royaume des Pays Bas est-il parvenu à fixer ce capital de 20 millions ? Sur la décision de la commission de liquidation, par l'intermédiaire de M. de Peneranda, qui a prouvé que 60 mille bordereaux de créances étaient dus à des Belges et à des Hollandais.
Le gouvernement hollandais a encaissé ce capital. Dès lors, à quel titre l'a-t-il reçu ? Comme tiers dépositaire ; jamais comme propriétaire, comme faisant valoir ses propres prétentions, mais comme faisant valoir les prétentions de ses sujets, des hospices, des particuliers, des établissements de bienfaisance. Nous soutenons qu'il ne peut y avoir ni déchéance ni prescription, que l'Etat belge est débiteur de tous les créanciers dans la proportion des sommes reçues.
Voilà ce que nous soutenons, ce que M. de Peneranda a développé et ce qui résulte des dossiers dont M. le ministre vous a donné une idée. J'ai eu le courage de les compulser tous ; il m'en est resté la conviction que l'Etat belge est débiteur pour la partie des 20 millions dont on a tenu compte envers la Belgique.
La Belgique a liquidé quelques créances, lui appartenait-il de nommer ces commissions ? La commission principale, c'était la convocation générale de tous les ayants droit, de tous les créanciers qui auraient défendu leurs droits et entre lesquels les 5 millions de boni auraient dû être répartis comme tout le reste. Tous ne pouvaient pas être payés intégralement et les somme reçues égalaient à une minime différence près le montant des 60 mille bordereaux qui formaient les prétentions des créanciers belges et hollandais.
Cette somme correspondant au décompte A, toutes les probabilités sont que c'est le décompte A et non le décompte B qui a dû être suivi ; la somme payée le prouve à l'évidence.
Pour vous donner une idée de ce que c'est que ces commissions, une première commission a été nommée ; on a décidé qu'elle prononcerait en dernier ressort et sans appel. La dernière commission a été nommée par le ministre parmi les employés de ses bureaux ; cette commission a statué en dernier ressort et sans appel. Le gouvernement belge, je n'hésite pas à le dire, s'est constitué juge dans sa propre cause, il était juge et partie, après avoir encaissé comme boni 5 millions qui appartiennent aux créanciers belges et qui devaient leur être payés.
Voilà le point de vue auquel je me place ; loyalement la Belgique ne peut pas se refuser à les payer aux créanciers et surtout aux hospices. N’oublions pas que le gouvernement est le protecteur-né des hospices. Il devait examiner de nouveau consciencieusement d'une manière loyale intègre les décisions prises par les commissions, voir si, en effet, quelques prétentions ne sont pas valables. Eh bien, elles ne seront pas admises ; mais il est évident que les prétentions fondées devraient être accueillies dans la proportion des fonds que le gouvernement a reçus de la France ; et dans aucun cas le gouvernement belge n’a le droit de s'approprier le boni qu'il a encaissé sous réserve, comme la fort bien fait remarquer l'honorable M. Vandenpeereboom, sous réserve de tous les droits des créanciers.
M. Thiéfry. - J'ai demandé, de nouveau, la parole, quand j'ai entendu M. le ministre des finances taxer nos réclamations de bizarrerie et d'exagération.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je parlais des prétentions du système de M. de Peneranda, qui consisterait à faire produire des intérêts par des capitaux éteints.
M. Thiéfry. - J'apprends avec plaisir que les paroles de M. le ministre ne s'appliquaient pas aux réclamations présentées par moi en faveur de l'administration des hospices de Bruxelles.
Je me suis bien constitué le défenseur de réclamations émanant d'une administration à laquelle j'appartiens ; il ne s'ensuit cependant pas que je défende ici des intérêts personnels, je me place à un point de vue plus élevé : en entrant dans cette enceinte, j'ai contracté l’engagement de défendre ce qui est juste, et quoique administrateur des hospices, il ne m'est pas permis de négliger les intérêts des pauvres dont les hospices sont les tuteurs.
En 1794, le gouvernement français s'est emparé des biens des corporations, sur lesquels les administrations de bienfaisance avaient des créances hypothéquées ; il n'en liquida qu'une partie et déclara la déchéance du reste.
Il a fallu que les alliés arrivassent jusque dans Paris pour que le gouvernement français reconnût sa dette envers les Pays-Bas et envers tous les pays qui avaient autrefois appartenu à la France.
Le gouvernement français n'a accordé qu'un très court délai pour la présentation des réclamations qui pouvaient surgir à sa charge et il a déclaré qu'après 1810 aucune créance ne serait plus admise. Et M. le ministre des finances prétend que les cinq années d'intérêts que le gouvernement français a accordées ne sont applicables qu'aux rentes qui avaient été liquidées et inscrites au grand-livre de France. (Interruption.) M. le ministre des finances fait un signe de dénégation ; il ne l'a pas dit, en effet ; mais c'était du moins la prétention de l'un de ces prédécesseurs, puisque je lis ce qui suit dans une lettre du 21 novembre 1855 adressée par cet ancien ministre à l'administration des hospices :
« Messieurs, j'ai examiné les pièces qui étaient jointes à votre lettre du 9 de ce mois, n°5229/8576, tendante à obtenir le payement des intérêts arriérés de rentes, appartenant à votre administration, par application de l'article 9 de la convention du 20 novembre 1815.
« Cet article a pour objet de bonifier aux créanciers du gouvernement français, les arrérages de cinq années des rentes annuelles liquidées en France jusqu'en 1810, arrérages dont les commissions, instituées eu vertu de la loi du 5 prairial an VI, avaient omis de tenir compte aux rentiers, pour le temps antérieur à leur inscription au grand-livre de France.
« La première condition d'admissibilité pour les réclamants, était donc de posséder une rente annuelle liquidée et inscrite au grand-Iivre de France. cette base n'existe pas en ce qui concerne votre administration, puisque, d'après la vérification qui en a été faite, les rentes des hospices civils de Bruxelles n'ont pas été admises par la France. »
Ainsi, M. le ministre des finances prétend bien positivement que le gouvernement français n'a payé les cinq années d'intérêts que pour les rentes liquidées en 1810 et inscrites au grand-livre, et cela en vertu de l'article 9 de la convention du 20 novembre 1815. Voici cet article :
« Il sera procédé à la liquidation des intérêts non payés des dettes hypothéquées sur le sol des pays cédés à la France, par les traités de Campo-Formio et de Lunéville, résultant d'emprunts formellement consentis par les Etats des pays cédés ou de dépenses faites par l’administration effective desdits pays.
« Les commissaires liquidateurs devront prendre pour règles de leurs opérations, les dispositions des traités de paix et les lois et actes du gouvernement français sur la liquidation ou l'extinction des créances de la nature de celles dont il s'agit. »
Il est question dans cet article de toutes les rentes en général et non pas seulement des rentes liquidées avant 1810. Comment admettre que le gouvernement des Pays-Bas aurait voulu réparer une injustice pour le passé et l'aurait sanctionnée pour le présent ? Cela n'est vraiment pas admissible. Du reste, pour être certain que le gouvernement des Pays-Bas n'a pas reçu de celui de France une somme pour les intérêts de toutes les créances, je demande communication d'une pièce qui, seule, peut m'éclairer sur ce point. Le gouvernement hollandais n'a pas, comme on l'a dit, admis la liquidation de ces rentes à ses propres frais ; il a reçu une somme de 1,650,000 francs de rentes inscrites au grand-livre, ce qui représente un capital de 33 millions.
Il n'a point conservé cet argent dans ses caisses, comme l'a supposé l'honorable M. Vander Donckt : il a commencé la liquidation. Les hospices de Bruxelles et divers autres ayants droit ont reçu les capitaux d'un certain nombre de rentes ; seulement ils n'ont reçu aucune somme pour les intérêts.
Le gouvernement belge, par son traité de 1842, n'a-t-il pas reçu aussi les cinq années d'intérêts sur les sommes réclamées en liquidation ? C'est ce que nous désirons savoir.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est impossible.
M. Thiéfry. - Permettez, M. le ministre ; nous nous plaçons l'un et l'autre à des points de vue différents : vous avez l'argent et vous cherchez à le conserver ; nous, hospices, nous avons une réclamation à présenter et nous tâchons de la faire accueillir.
(page 1065) M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Adressez-vous aux tribunaux ; la Chambre n'est pas constituée pour cela. Vous avez été déjà condamnés.
M. Thiéfry. - Oui, les hospices ont été condamnés par le tribunal de première instance pour la forme et non pour le fond ; ils ont admis avec vous que les décisions des commissions nommées en 1843 étaient souveraines sans appel ; ils contestent seulement qu'il n'y ait plus aucun recours alors qu'il s'agit d'une réclamation sur laquelle la commission ne s'est pas prononcée.
Les hospices de Bruxelles, en présence du refus de M. le ministre des finances de faire droit à leurs réclamations, ont été obligés de s'adresser aux tribunaux et ils l'ont fait de l'avis conforme du comité consultatif, afin d'obtenir une décision sur un point dont la commission ne s'était pas occupée. Le tribunal s'est déclaré incompétent, attendu qu'aux termes de l’article 64 du traité du 5 novembre 1842, il ne peut appartenir au pouvoir judiciaire de prendre connaissance de la réclamation. Il ne s'est donc agi devait les tribunaux que d'une question de compétence ; ainsi M. le ministre refuse de remettre des sommes qui appartiennent aux hospices, il dit à la Chambre qu'elle n'a plus à intervenir dans cette affaire ; le tribunal à son tour se déclare incompétent : à qui donc les hospices s'adresseront-ils pour faire examiner leur cause ? Ils ne savent point obtenir justice, et cela dans un pays qui a toujours joui d'une réputation bien méritée de bonne foi et d'équité.
M. le ministre soutient que cette affaire est terminée depuis 1849, qu'il y avait alors un boni et que la Chambre, sur le rapport de l'honorable M. de Pouhon, l'a fait verser dans les caisses de l'Etat.
En 1848, le trésor était obéré par une dette de 30 millions. On craignait que des embarras financiers ne surgissent ensuite d'événements graves qui pouvaient avoir lieu.
Il y avait en dépôt, dans les caisses de l'Etat, l'encaisse de la Société Générale et le boni de la liquidation avec la Hollande, en vertu de l'article 64 du traité de 1842. Afin d'améliorer la mauvaise situation du trésor, M.de Pouhon a déposé, en décembre 1848, un projet de loi pour mettre à la disposition du gouvernement les valeurs dont je viens de parler. Et à propos de ce boni qui s'élevait, en actions de 2 1/2 p. c. à 11,980,000 francs, M. de Pouhon, auteur du projet l'a développé, il a indiqué la signification qu'il lui donnait, et c'est avec ces conséquences que la loi a été votée.
Or, M. de Poubon a déclaré (je l'ai copié textuellement pour les Annales parlementaires), qu'il ne donnerait jamais son approbation à un projet de loi qui tendrait à appliquer la déchéance à des réclamations justes, parce qu'elles n'auraient pas été produites en temps utile. M. de Pouhon allait donc plus loin que nous ; il n'admettait pas la déchéance, lorsque les réclamations étaient justes, quoique présentées tardivement ; notre ancien collègue a proteste d'avance contre la portée qu'on donne aujourd'hui à sa proposition.
On a autorisé le gouvernement à faire usage de ces fonds, mais de ce que l'on a versé cet argent dans le trésor et qu'on l'a dépensé, ce n'est pas un motif pour que la Chambre n'ait pas égard à une réclamation juste que l'on ferait valoir contre la liquidation dont nous nous occupons.
On dit que la question a été résolue par la décision de l'autorité compétente ; j'aurai l’honneur de faire remarquer à M. le ministre des finances, que la commission qu'il appelle souveraine ne s'est pas occupée de cet objet ; elle a liquidé le capital, et non les intérêts.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Quand avez-vous formé votre réclamation ?
M. Thiéfry. - Je vais vous le dire ; j'ai ici la pièce. Voici ce que la commission des hospices de Bruxelles a fait.
D'abord sous le gouvernement français en 1805 et 1806, elle a réclamé la liquidation de ce qui lui était dû. Cela résulte de 112 bordereaux signés par des membres de l'administration et dont le préfet de la Dyle a accusé réception.
En 1818, les hospices renouvelèrent leurs réclamations au gouvernement des Pays-Bas ; ils ont des pièces qui le constatent.
En 1843, M. Mercier a formé la commission ; le conseil général des hospices lui adressa le tableau de toutes les créances qu'il possédait au moment de la réouverture de la liquidation eu 1818 et il réclama tout ce à quoi il avait droit.
Je prie M. !e ministre des finances de faire attention à ce dernier point. Les hospices ont réclamé tout ce à quoi ils avaient droit.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Les intérêts compris ?
M. Thiéfry. - Je vais lire la lettre du conseil général des hospices à la commission de liquidation ; elle est du 27 juin 1843. Il lui fit remarquer que l'agent qu'il avait employé avait fait faillite, puis était décédé, et que l'on ne savait pas obtenir les bordereaux et les états dont il avait été le dépositaire.
« Au moyen de cet envoi, ont dit les hospices, et eu égard à l'impossibilité dans laquelle nous nous trouvons, pour le moment, de préciser davantage celles de nos créances encore, ouvertes, nous osons espérer, messieurs, que les établissements de charité, que les pauvres que nous représentons ne souffriront aucun préjudice, et qu'ils n'éprouveront aucune difficulté, ou fin de non-recevoir pour obtenir la liquidation des articles qui en seraient encore susceptibles.
« Nous l'espérons d'autant plus, qu'en exécution de l’avant-dernier alinéa de l’article 61 du traite du 5 novembre 1842, tous les registres et dossiers de l'ancienne commission générale de liquidation et rétroactes postérieurs doivent vous être délivrés, et que par conséquent vous pourrez vous assurer et vérifier par vous-même quelles sont les créances que nous sommes encore habiles à réclamer. »
Les termes généraux de cette lettre comprennent bien les intérêts, la réclamation est certainement bien faite et le gouvernement ne doit pas venir ici invoquer la prescription devant une administration dont il est le tuteur.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - D'après les explications qui viennent d'être données à la Chambre, elle sera facilement convaincue qu'il ne s'agit de rien moins que de décider qu'il n'y a dans cette affaire ni déchéance, ni prescription, ni autorité qui statue définitivement.
On proclame inique, contraire à la loyauté et à la probité tout ce qui a été décidé par la loi, on remet tout en question. Je voudrais bien savoir combien durerait l'état dans lequel nous vivons, la société dans laquelle nous sommes, si de pareils principes pouvaient être admis. Il faut qu'il y ait un terme à toutes les réclamations.
Elles peuvent être au fond très justes, très légitimes. Mais enfin si elles n'ont pas été produites dans les délais que la loi déterminait, ou si elles ont été condamnées par les autorités que la loi a instituées pour les juges, que faire ?
Il y a une loi de 1843 qui déclare, pour la liquidation spéciale dont nous nous occupons, que toutes les créances qui n'auront pas été produites avant le 1er janvier 1844 seront déchues. Qu'y puis-je ?
Il suffit de citer la forme de votre réclamation pour reconnaître qu'il ne s'agit pas d'une réclamation précise au moyen de laquelle vous auriez pu être affranchi de la déchéance. Cela est manifeste.
El si cela est, qu'y puis-je ? Qu'y peut la Chambre ? Voulez-vous qu'elle déclare que ceux qui n'ont pas fait leurs réclamations dans les délais voulus, que ceux qui ont eu des agents qui ont fait faillite, que tous ceux-là peuvent produire des réclamations qui ont été prescrites ?
M. Thiéfry. - Vous pourriez nommer une commission.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'instituerais un nouveau tribunal alors que le tribunal a statué, alors que la loi a statué ! Je suis sans pouvoirs pour le faire. Vous me demandez une chose que je ne puis pas faire et que la Chambre ne fera pas. La Chambre se garderait d'aller remettre en question toutes les liquidations de ce passé remontant au siècle dernier.
Je ne comprends pas que ces prétentions se produisent, qu'on puisse en entretenir la Chambre. En 1842 les pouvoirs en Belgique ont déclaré quel était le tribunal qui avait à juger ces contestations. Une commission a été instituée par le gouvernement en exécution des lois, cette commission a statué, elle s'est prononcée plusieurs fois, je ne puis qu'invoquer ses décisions.
On s'est fait un moyen de ce que, à certaine époque, lorsque tous les principes avaient été posés par la commission, on a remplacé cette commission par des délégués pris dans le sein du département des finances. Messieurs, cela a été fait pour céder au désir de la Chambre.
Cette commission de liquidation avait, en quelque sorte, épuisé sa mission. Cette commission de liquidation coûtait beaucoup d'argent, et on a émis le vœu qu'on pût achever ce qui restait à faire sans frais. En conséquence, des fonctionnaires supérieurs du département des finances ont été chargés, institués régulièrement par le gouvernement, en vertu de la loi, en exécution des pouvoirs qui lui avaient été conférés, ont été chargés de poursuivre cette liquidation. Qu'ont-ils fait ?
Il ont appliqué toutes les dispositions, tous les principes admis par la commission de liquidation précédente, sauf en un point qui a été indiqué et sur lequel tout le monde est d’accord. (Interruption.) Encore une fois, ces fonctionnaires supérieurs du département des finances n'avaient ni moins de lumières ni moins d'indépendance, ni moins d'honorabilité que les membres de la première commission. Ils n’avaient, assurément, aucun intérêt dans la question ; ils ont jugé aussi consciencieusement que ceux qui avaient jugé avant eux.
Je persiste à demander le dépôt au bureau des renseignements de la pétition de M. de Peneranda.
M. Coppieters 't Wallant. - Je regrette vivement que dans une question où les intérêts des pauvres sont en jeu, le gouvernement vienne nous opposer une fin de non-recevoir, car c'est là, au fond, l'argumentation de M. le ministre : il reconnaît, jusqu'à un certain point, que la réclamation peut être fondée, mais il dit qu'il ne reste rien à faire, la question ayant été souverainement jugée. En ce qui me concerne, messieurs, j'hésite à croire que la décision soit souveraine et je ne pense pas que le gouvernement l’ait cru lui-même.
Je demanderai d'abord quelle est la commission dont les décisions étaient souveraines ? On a institué, en 1843, une commission composée de personnages très honorables et qui était présidée par M. Van Volxem. Cette commission a examiné la plupart des questions que soulevèrent les liquidations.
Mais en 1845, le gouvernement l'a dissoute et l'a remplacée par des employés du ministère des finances qui certainement, quelle que pût être leur honorabilité, n'offraient pas les mènes garanties d'indépendance que la première commission, présidée par M. Van Volxem.
Eh bien, cette première commission, après avoir posé quelques principe que je ne considère pas tous comme également admissibles, a émis l'avis : « Qu'il y avait lieu de liquider au taux de 75 p. c, les (page 1066) intérêts dont les créanciers ont été privés depuis le 28 septembre 1800 jusqu'à l'époque de l'entrée en jouissance des inscriptions, et qu'il n'y avait nul motif de limiter à cinq années les intérêts à liquider. »
Après que cette commission eut pris la décision que je viens de rappeler, la nouvelle commission, composée entièrement, comme j'ai déjà eu l'honneur de le dire, d'employés du ministère des finances, trouva que c'était trop généreux et qu'il fallait limiter les intérêts à 5 années. La première commission n'était donc pas souveraine.
Une chose regrettable, c'est que M. de Peneranda, malgré sa parfaite honorabilité, malgré les fonctions importantes qu'il a remplies, ne voit ajouter foi à son témoignage que lorsqu'on peut extraire de sa correspondance un passage qui semble favoriser les intérêts du trésor. Ainsi, M. de Peneranda me paraît avoir établi que c'est le décompte A qui a servi de base à la transaction de 1818.
Cependant la première commission avait admis que c'était le décompte B, en vertu duquel les créanciers devaient recevoir tous les intérêts depuis 1800 jusqu'à l'époque où a commencé l'entrée en jouissance des rentes inscrites. La commission de 1843 assignait donc, non pas seulement 5 années, mais jusqu'à 6, 7, 8, 9,10 et même 11 années d'intérêts à certains créanciers, d'après l'époque plus ou moins tardive de leur inscription au grand livre ; la seconde commission c'est-à-dire celle de 1845 ne consent au contraire qu'à allouer cinq années d'intérêts, elle suit ainsi le décompte A en ce qu'il présente de favorable aux intérêts du trésor, et le répudie pour tout le reste.
Je vous le demande, messieurs, peut-on dès lors prétendre que ces commissions aient porté des décisions souveraines ?
M. le ministre des finances a répété, en ce qui concerne l'affaire du décompte A et du décompte B, ce que nous avons lu avec assez d'étonnement dans le rapport fait par l'honorable ministre des finances de 1853.
Après des réclamations réitérées du pétitionnaire, on s'est enfin enquis du point de savoir si c'était le décompte A ou le décompte B qui avait été adopté comme base de la transaction intervenue, en 1818, entre la France et les puissances alliées.
Qu'a-t-on fait ? On n'a pas tenu compte des indications données par .M. de Peneranda, tout en se servant de son nom.
M. de Peneranda avait commencé par déclarer que c'était par suite d'une méprise de l'un des commissaires français que le décompte B et non le décompte A avait été indiqué comme ayant servi de base à la transaction ; M. de Peneranda ajoutait que les renseignements à cet égard devaient être puisés aux archives de l'ambassade d'Angleterre ou les pièces avaient été déposées par M. le duc de Wellington. Néanmoins, on se contenta de la déclaration des commissaires français qui étaient partie intéressée, en ce qui concerne le soutènement d'une opinion déjà antérieurement émise par l’un d'eux. On négligea donc de s'adresser à l'ambassade d'Angleterre où devait se trouver la confirmation des allégations du pétitionnaire.
De cette manière, on mit M. de Peneranda, en apparence, en contradiction avec lui)même, et on lui dit qu'il n'y avait pas lieu de s'occuper de ses réclamations, qu'elles avaient été examinées à différentes reprises, qu'on s'en était occupé même trop complaisamment. Les commissaires liquidateurs ont été mis en rapport avec M. de Peneranda, et ils ont proclamé qu'ils avaient répondu victorieusement à toutes ses objections.
Je n'examine pas si ces commissaires ont eu raison de se décerner les honneurs du triomphe, mais en ce qui concerne les décomptes A en B, ils pourraient bien s'être trompés ; M. de Peneranda a produit différentes pièces qui tendent à l'établir et son argumentation est assez convaincante pour motiver un nouvel examen de la part du département des finances.
Mais un autre point où les commissions belges ont commis une erreur manifeste, c'est dans la computation des intérêts. Ainsi les liquidations faites, depuis 1845, ont établi les intérêts au taux réduit de 75 p. c. C'est contre cette manière d'opérer que porte principalement la réclamation de l'administration des hospices de Bruges. Jamais, dans aucune pièce, on n'a fait une réponse satisfaisante aux plaintes provoquées par cette injuste réduction.
D'après M. de Peneranda, elle n'a pu être opérée qu'au mépris des dispositions les plus catégoriques sur la matière.
C'est sur le montant nominal et intégral de la créance que les intérêts doivent être calculés.
Les articles 18 et 20 de la convention du 20 novembre 1815 ne laissent aucun doute à ce sujet.
L'article 18 est ainsi conçu :
« Toutes les créances auxquelles il est attaché un intérêt, soit par les termes des lois, soit par ceux du traité du 30 mai 1814, continueront à en jouir au même taux. Quant à celles auxquelles il n'est attaché aucun intérêt, ni par leur nature, ni par ledit traité, elles en produiront un de quatre pour cent à dater de la signature de la présente convention. Tous les intérêts seront payés en numéraire et sur le montant de la valeur nominale du la créance. »
L'article 20 porte :
« Il sera inscrit, le premier janvier au plus tard, comme fonds de garantie, sur le grand-livre de la dette publique de France, un capital de trois millions cinq cent mille francs de rente, avec jouissance du 22 mars 1816, au nom de deux, quatre ou six commissaires, moitié sujets de S. M. T. C, et moitié sujets des puissances alliées : lesquels commissaires seront choisis et nommés, savoir : un, deux ou trois par le gouvernement français, et un, deux ou trois par les puissances alliées.
« Ces commissaires toucheront lesdites rentes de semestre en semestre.
« Ils en seront dépositaires sans pouvoir les négocier.
« Ils en placeront le montant dans les fonds publics et ils en recevront l'intérêt accumulé et composé au profit des créanciers. »
Ainsi, remarquons-le bien, d'après les dispositions formelles des articles 18 et 20 de la convention, les intérêts devaient être bonifiés sur le capital intégral et non, comme on l'a fait, sur un capital réduit à 75 p. c. En outre, ces fonds devaient être conservés au profit des créanciers. Ce qui confirme une assertion qui a été émise tout à l'heure par l'honorable M. Vander Donckt, à savoir que les commissaires, représentant les puissances alliées, n'étaient que les intermédiaires entre les puissances contractantes et les véritables créanciers.
En résumé, donc, puisque, d'un côté, il y a doute sur le point de savoir si c'est le décompte A ou le décompte B qui a été adopté par les puissances ; et puisque, d'un autre côté, on s'est trompé dans la computation des intérêts, je crois qu'il importe de soumettre cette affaire à l'examen d'une nouvelle commission.
Nous ne demandons pas que la Chambre s'érige ici en tribunal et tranche souverainement la question ; nous demandons seulement que le gouvernement qui doit reconnaître de bonne foi qu'on s'est trompé, ne s'approprie pas le bien d'autrui et surtout ne s'empare point des deniers du pauvre.
S'il pouvait y avoir un doute sur l'erreur qui a été commise par le gouvernement, il suffirait, messieurs, de vous citer un chiffre.
Qu'a reçu le gouvernement en vertu de la convention conclue en 1842 avec la Hollande ? Le gouvernement a reçu 7 millions de florins à 2 1/2 p. c. Et savez-vous de quelle manière la liquidation des créances auxquelles ce capital devait être appliqué a été effectué par les commissaires belges ?
Cette opération a laissé un bénéfice considérable, que l'honorable M. Osy évaluait, dans la séance du 6 novembre 1855, à cinq millions, et cependant je ne sache pas que nous avons eu à nous louer de nos arrangements financiers avec la Hollande.
Cela ne prouve-t-il pas que la liquidation n'a pas été faite d'après les bases que le gouvernement hollandais supposait ?
Et puisque je parle du gouvernement hollandais, je vais citer un nouvel argument, pour prouver que la computation des intérêts ne s'est pas faite d'une manière convenable.
Je prierai M. le ministre des finances de vouloir bien prendre des renseignements à l'égard de l'observation que je vais faire. Plus de 60,000 bordereaux de différentes nature ont été liquidés avant 1830 et toujours les intérêts ont été calculés sur le capital nominal ; plusieurs de ces bordereaux doivent se trouver dans les archives du ministère des finances ; il doit donc être facile à M. le ministre de s'assurer de l'exactitude de cette assertion. Que l'on veuille se rappeler que, d'après l'article 64 du traité du 3 novembre 1842, toutes les liquidations devaient être opérées conformément aux règles établies par le gouvernement de l'ancien royaume des Pays-Bas avant le 1er octobre 1850.
Savez-vous quelle a été la conséquence du mode d'opérer adopté par les liquidateurs belges, en ce qui concerne la créance des hospices de Bruges ? C'est que cette administration n'a reçu que 13,340 fr. tandis qu'elle aurait dû toucher au-delà de 64,000 fr. Les hospices de Bruges ont donc été lésés au-delà de 50,000 fr. Les hospices de Bruxelles, dont les créances n'ont pas été liquidées sous le gouvernement français, n'ont absolument rien reçu. Je termine donc en appuyant la proposition de la commission tendante à renvoyer la pétition de M. de Peneranda à M. le ministre des finances avec prière de nommer une commission pour examiner avec soin toutes les questions relatives à cette importante affaire.
M. B. Dumortier. - De toutes les questions qui ont été soulevées dans le partage des dettes des Pays-Bas, le point le plus clair à démontrer était la fausseté de la réclamation de deux millions de florins a charge de la Belgique du chef de la dette française à laquelle se rapporte l'objet en discussion. Le trésor public n'avait jamais été chargé, sous le royaume des Pays-Bas, d'un florin de dette du chef de cette prétendue dette française ; c’était une dette de la Hollande envers des créanciers belges. Eh bien, en 1831, quand la première fois le traite fut présente, mon honorable ami M. de Muelenaere envoya M. de Peneranda en Angleterre pour réclamer sur ce point ; l'évidence était telle, qu’il n’y avait pas moyen d'y résister ; malheureusement, alors les choses se passaient excessivement vite ; on ne put rien changer au traité.
Mais en 1838 c’était différent ; nous avions du temps devant nous pour négocier, et il est excessivement regrettable que dans la négociation ou n'ait pas fait disparaître cette dette qui n'a jamais existé,, dont le trésor des Pays-Bas n'avait jamais été chargé. Ouvrez les états de la dette publique présentés aux états généraux, vous verrez qu'il n y figura jamais un centime pour la prétendue dette française pour laquelle on nous charge annuellement de deux millions de florins.
C'était une dette pour laquelle la France avait versé, soit directement, soit par liquidation le montant au trésor des Pays-Bas, qui était débiteur envers les créanciers belges ; mais que jamais il n'avait liquidée. On avait liquidé avec célérité toutes les dettes appartenant aux Hollandais, mais les enfants du second lit de la Néerlande avaient été (page 1067) entièrement négligés, ils n'avaient rien reçu ; nos dettes étaient à liquider après quinze ans de communauté.
Malheureusement, lors du traité avec la Hollande, les droits de la Belgique ne furent pas défendus d'une manière victorieuse, puisque nous restâmes chargés d'une partie de la dette ; mais dans le traité qui intervint en 1842, la Belgique reçut 14 à 15 millions de florins, à 2 1/2 p. c. ( Interruption. )
« Art. 64. Moyennant l'inscription au profit de la Banque du capital de 7 millions de florins..., le gouvernement belge se charge d'achever à son compte la liquidation de toutes les réclamations résultant des créâmes antérieures à..., en y comprenant : 3° la liquidation des créances dont s'occupe le paragraphe 3 de l’article 22 du traité du 19 avril 1839, qui, à l’époque du 1er avril 1830, n'étaient ni liquidées, ni payées, ni rejetées, ni frappées de déchéance, ni prescrites. »
Voilé, messieurs on a donc reçu sept millions de florins à 2 1/2 p. c, et ces sept millions de florins devaient servir à liquider toutes les dettes. Toujours est-il que cette liquidation ne s'est pas faite. Ainsi que le disait tout à l'heure l’honorable M. Coppieters, la Belgique qui avait été si maltraitée sous le gouvernement de. Pays Bas, ne l'a guère été moins par le gouvernement belge. Il restait en 1848 cinq mille florins ou onze millions de francs à peu près de valeurs non liquidées ; ces cinq millions de florins, dans l'embarras momentané où l'on se trouvait, furent versés au trésor.
Voilà toute la question. Il restait 11 millions à 2 1/2 p. c. ; ces 11 millions, qu'en a-t-on fait ? On les a versés au trésor, pour faire face aux besoins du moment Est-ce là une déchéance, une prescription ? Il est impossible de supprimer les droits des créanciers, parce que dans un moment de gêne on dispose du fonds destiné à les payer et qu'on a sous la main. La commission de liquidation savait qu'elle n'avait pas épuisé la somme reçue de la Hollande pour les créanciers belges, elle savait aussi que cette somme n'avait pas été donnée à la Belgique ; que c'était un dépôt fait entre ses mains pour payer les anciens créanciers.
Il en résulte qu'on ne pouvait pas s'emparer de ce fonds ; personne n'a entendu le faire pour en gratifier le trésor public.
La commission, après la première liquidation, savait qu'il y avait des fonds en caisse et qu'elle devait réviser ses résolutions pour en faire la répartition aux créanciers. En première ligne, on devait payer les dettes françaises dont parlait le paragraphe 3 de l'article 64 que je viens de citer.
Maintenant on vient dire : Il y a déchéance. La commission a souverainement jugé.
Elle a souverainement jugé ce qu'elle a acquitter, mais elle dut revoir son travail afin que les fonds restés disponibles fussent partages entre les créances reconnues les plus justes au point de vue de l'équité. Voilà comment la chose a été expliquée cent fois.
Je ne puis admettre que des fonds remis pour des créanciers belges privés depuis 50 ans de leurs créances soient détournés de leur destination pour entrer dans h caisse du trésor public.
Je pense qu'il est indispensable qu'une nouvelle commission soit instituée pour réviser le travail fait jusqu'ici et faire une répartition juste, légitime, mais toujours proportionnelle, de la somme restée en caisse et de ce qui reste des fonds donnés pour la liquidation.
Il ne me paraît pas du tout raisonnable de voir le trésor public s'emparer de fonds qui ne lui ont pas été donnés, mais seulement confiés pour en opérer la liquidation entre les ayants droit.
M. le président. - Voici une proposition que MM. Thiéfry et Coppieters viennent de faire parvenir au bureau :
« Nous proposons le renvoi à M. le ministre des finances, avec invitation de nommer une commission pour examiner de nouveau les réclamations concernant la liquidation des créances mentionnées à l'article 64 du traité du 5 novembre 1842. »
- Un membre. - C'est sous-entendu par le renvoi à M. le ministre des finances.
M. le président. - Je ne le pense pas.
M. Coppieters 't Wallant. - Notre proposition n'a pas d'autre but que d'expliquer le sens du renvoi à M. le ministre des finances ; c'est-à-dire que si ce renvoi est admis par la Chambre, nous espérons que M. le ministre des finances, eu égard aux arguments qui ont été produits dans la discussion, voudra bien, dans l’intérêt de la loyauté belge, charger une commission d'examiner de nouveau la question.
M. Thiéfry. - Nous n'insistons pas dès lors sur la partie de la proposition tendante à expliquer le renvoi à M le ministre des finances.
M. le président. - La proposition se borne donc à demander le renvoi à M. le ministre des finances.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne veux pas, messieurs, rencontrer toutes les erreurs qui ont été avancées dans cette discussion,
je n'en finirais pas ; mais je crois devoir dire quelques mots encore pour rassurer l'honorable M. Dumortier.
L'honorable M. Dumortier s'est imaginé que, parce que la loi de 1849 avait mis le boni qui resterait après la liquidation, à la disposition du trésor, ce qui était inévitable et de droit, on se ferait de cette disposition une fin de non-recevoir contre les créanciers. L'honorable membre se trompe ; on n'oppose aucune fin de non-recevoir aux créanciers dont les titres sont sérieux ; ceux-là, s'il en existait encore, verraient leurs réclamations admises et seraient payés par le gouvernement belge. L'honorable M. Dumortier combat donc une chimère lorsqu'il suppose que la difficulté résulte de la loi qui a disposé du boni et qu'il s'indigne à l’idée que l'on oppose cette loi à des créanciers légitimes.
Pas le moins du monde ; la question n'est pas là. La question est tout simplement de savoir si l'on veut remettre en question ce qui a été résolu plusieurs fois et par la Chambre et par les commissions de liquidation régulièrement instituées. (Interruption.) Les deux commissions, dit M. Coppieters, ont émis sur un point des décisions différentes. Qu'importe ? Si j'obtenais d'une cour une décision qui fût contraire à une décision d'une autre cour sur la même question, en déduirait-on que ces deux décisions ne sont pas souveraines parce qu'il y aurait contradiction entre elles ? Evidemment non.
L'une a décidé qu'il y avait lieu de payer plus de cinq années d'arrérages ; l'autre, sur des preuves fournies par M. de Peneranda lui-même...
M. Coppieters. - Dans un document qu'il récuse.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Sur des preuves irrécusables, l'autre commission a décidé, à tort si l'on veut, qu'on admettrait cinq années d'intérêt, sans plus. Voulez-vous que je réforme ces décisions, que j'institue une commission pour réviser toutes ces liquidations commencés sous le gouvernement français, poursuivies sous le gouvernement hollandais, continuées sous le gouvernement belge ? Voulez-vous que tout soit remis en question, que chaque réclamation fasse l'objet d'un nouvel examen ? Vous croyez par un simple renvoi arriver à ce résultat, mais vous vous trompez.
Vous aurez prononcé le renvoi de la pétition au ministre des finances, mais le ministre des finances ne pourra rien faire ; il ne pourra pas agir ; il vous déclare, dès à présent, qu'il ne saurait pas nommer une commission pour réviser les décisions des anciennes commissions ; il faudrait une loi pour l'y autoriser.
Eh bien, si vous, vous croyez que l'on puisse remettre tout en question et soumettre à une révision tout ce qui s'est fait depuis 60 ans, faites-en la proposition sous forme d'un projet de loi ; la Chambre appréciera et décidera s'il faut relever de la déchéance tous les créanciers ; car, remarquez le bien, il ne s'agit pas de telle ou telle catégorie de créanciers ; l'iniquité, si iniquité il y a, s’applique à tous ceux qui auraient été compris dans ces immenses liquidations. C'est assez dire, messieurs, qu'il s'agit ici d'une des questions les plus graves qui puissent être soulevées au sein du parlement. Aussi, je persiste à demander à la Chambre que pour mettre fin à ce débat déplorable qui n'a déjà que trop duré, la pétition de M. de Peneranda soit déposée au bureau des renseignements.
M. Vander Donckt. - M. le ministre s'oppose à la nomination d'une nouvelle le commission, avec une insistance qui permettrait de croire qu'il s'agit ici d'une mesure sans précédent.
Or, messieurs, en 1846, la ville d'Ostende avait été condamnée à propos d'une prétention de ses hospices ; en 1850 la commission, convaincue de l’erreur qu'elle avait commise est revenue sur sa décision première et en 1853, on a intégralement payé les hospices d'Ostende. Maintenant que demandons-nous ? Le redressement des erreurs qui ont été commises par les commissions antérieures. Pourquoi avoir deux poids et deux mesures ; pourquoi ne pas nous mettre à même d'obtenir, comme les hospices d'Ostende, la justice qui nous est due ? Pourquoi ne pas nous accorder une chose si simple alors surtout que, comme l'honorable M. Thiéfry l'a parfaitement démontrer, on n'a pas même examiné la question des intérêts à payer à la ville de Bruxelles ?
- Voix nombreuses. - Aux voix ! Aux voix !
M. le président. - l'une de MM. Thiéfry et Coppieters, qui, modifiée comme elle l'a été par ses auteurs, n'est plus autre chose que la proposition de la commission, c'est-à-dire le renvoi pur et simple à M. le ministre des finances ; l'autre, de M. le ministre des finances, tendant à ordonner le dépôt au bureau des renseignements. Je mets cette dernière aux voix.
- La Chambre ordonne, à une grande majorité, le dépôt de la pétition au bureau des renseignements.
La séance est levée à 5 heures ; demain séance publique à 3 heures. Les sections sont convoquées pour midi précis.