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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 20 avril 1858

Séance du 20 avril 1858

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1857-1858)

(page 767) (Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Moor fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.

M. Vander Stichelen lit le procès-verbal de la séance précédente.

La rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Moor présente l'analyse des pièces adressés à la Chambre.

« Le sieur Laout, ancien militaire pensionné, demande une augmentation de pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants de Bavichove, Hulste, Oyghem et Cuerne demandent la suppression du droit exigé au passage d'un pont sur la Lys, à Harlebeke. »

- Même renvoi.


« Le sieur Dufour demande qu'il soit accordé une indemnité aux commissaires de police qui remplissent les fonctions de ministère public près les tribunaux de simple police. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Lille-Saint-Hubert demande la construction d'une route de Brée à Lille-Saint-Hubert par Gerdingen, Rippel, Bochotl et Cautille. »

- Même renvoi.


« Le sieur Douxhon, facteur de la poste pensionné, demande un secours. »

- Même renvoi.


« Le sieur Adam, aubergiste à Ath, se plaint de l'augmentation de la contribution personnelle qu'on lui a fait payer et demande le remboursement de la somme qu'il a dû verser de ce chef. »

M. Frison. - Je proposerai de renvoyer cette requête à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.

- Adopté.


« La veuve André demande un congé provisoire, ou du moins une prolongation de congé pour son fils Jean-Baptiste, milicien au premier règlement des carabiniers. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs meuniers de moulins à vent dans l'arrondissement de Bruges demandent l'établissement d'un impôt sur les machines à vapeur, à chevaux et à mains. »

- Même renvoi.

« Les sieurs Platel, Van Vinckeroy et Wittouck communiquent à la Chambre leurs observations sur le rapport annuel de la commission pour la pleuropneumonie. »

M. de Renesse. - Messieurs, plusieurs membres d'une commission nommée par le département de l'intérieur pour examiner le système de l'inoculation de la pleuropneumonie exsudative des bêtes bovines, inventé par le docteur Willems, croient devoir communiquer à la Chambre la copie d'une lettre qu'ils viennent d'adresser à M. le président, de cette commission, pour protester contre un rapport qui vient d'être distribué et dont les conclusions ne sont nullement conformes à leurs convictions et sont en contradiction avec les expériences.

J'ai l'honneur de proposer à la Chambre de vouloir ordonner le renvoi de cette requête à la commission des pétitions, avec demande de faire un rapport sur cette pétition en même temps que celui qui sera présenté sous peu sur la pétition des distillateurs, engraisseurs et cultivateurs qui se sont adressés à la Chambre pour donner leur adhésion au système de l’inoculation de la pleuropneumonie des bêtes bovines dont ils reconnaissent l’efficacité depuis plusieurs années.

- La proposition de M. de Renesse est adoptée.


« M. le ministre de la justice fait connaître que la requête en obtention de la naturalisation présentée par le sieur Egide Dekoninck est le résultat d'un malentendu et que ce dernier ne sollicite pas cette faveur. »

- Pris pour notification.


« M. le ministre de la justice informe la Chambre que le sieur Pierre Sarolea, qui a sollicité la naturalisation, a transféré son domicile à Kirsberg en Prusse et qu'ainsi il n'y a pas lieu de donner suite à sa demande. »

- Pris pour information.


« Des détenus pour dettes présentent des observations relatives au projet de loi sur la contrainte par corps. »

M. Orts. - Messieurs, la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur la contrainte par corps ayant terminé son travail, le crois qu'il conviendrait de déposer cette pétition sur le bureau pendant la discussion du projet.

- Cette proposition est adoptée.

« Des fabricants de sulfate de soude réclament l'intervention de la Chambre pour que les arrêtés du 16 août et du 16 novembre 1856, pris en faveur des fabricants de verres à vitres, soient rapportés et que la loi de 1844 soit appliquée au sulfate de soude jusqu'à la révision du tarif douanier. »

- Renvoi à la commission d'industrie.

Projet de loi accordant des crédits extraordinaires au budget du ministère de l’intérieur

Rapport de la section centrale

M. de Renesse dépose le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner un projet de loi allouant des crédits extraordinaires : au département de l'intérieur pour l'exerce de 1858.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi accordant des crédits extraordinaires au budget du ministère des finances

Rapport de la section centrale

M. Sabatier dépose le rapport de la section centrale sur une demande de crédit supplémentaire pour le département des finances.

- Ce rapport sera imprimé et distribué. Il figurera à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi, amendé par le sénat, portant révision des lois relatives au transit

Rapport de la section centrale

M. Moreau dépose le rapport de la section centrale sur l'amendement introduit, par le Sénat, dans le projet de loi portant révision des lois relatives au transit.

- Impression, distribution et mise à la suite de l'ordre du jour.

Projets de loi portant règlement des budgets des exercices 1844 à 1848

Rapport de la commission

M. de Man d'Attenrode présente le rapport de la commission permanente des finances, concernant les projets de règlement des budgets des exercices de 1844, 1845, 1846, 1847 et 1848.

- Mêmes décisions.

Projet de loi relatif à la cession du chemin de fer de Mons à Manage

Discussion générale

M. de Paul. - Messieurs, le projet de loi actuellement soumis à nos délibérations nous est parfaitement connu. Inutile de rappeler les circonstances qui l'ont amené. Présenté l'an dernier, par le précédent cabinet, ce projet de loi a subi une première fois l'examen des sections.

La section centrale le repoussait par quatre voix contre trois ; et déjà M. Vander Donckt avait déposé un rapport longuement et savamment motivé, lorsque survint la dissolution de la Chambre. La section centrale nouvelle s'est montrée plus favorable au projet ; par quatre voix contre deux elle nous en propose l'adoption, et le travail qu'a fourni l'honorable rapporteur, M. Faignart, ne le cède en rien au rapport dont nous avons été saisis l'an dernier.

Ainsi, messieurs, nous nous trouvons en présence d'une double et très complète instruction, on peut donc supposer que chacun de nous a dès maintenant sa conviction toute formée. Mais, en même temps, nous nous trouvons en présence de deux rapports, également très remarquables, qui s'efforcent respectivement de justifier deux opinions diamétralement opposées. Ce qui m'autorise à penser qu'une discussion nouvelle, une discussion publique est encore inévitable. Je crois donc pouvoir me permettre de présenter quelques considérations en faveur du projet ; mais pour ne pas devancer ou faire naître des objections nouvelles, surtout pour ne pas trop abuser des moments de la Chambre, je me bornerai, quant à maintenant, à examiner une seule des questions que soulève le projet de loi : celle de savoir si, au point de vue de la loyauté, de la délicatesse, de l'équité, le gouvernement qui, au nom de l'intérêt général, s'est opposé à la cession, au profit de la compagnie du Nord, de l'exploitation du chemin de fer de Mons à Manage, n'est pas tenu de prendre pour lui cette exploitation, alors surtout que les conditions qu'on lui fait sont moins onéreuses que celles qu'avait acceptées la compagnie du Nord.

En général, messieurs, les questions de délicatesse, de loyauté, ne se prêtent guère à des débats parlementaires ; c'est bien plutôt à l'inspiration de la conscience qu'au raisonnement qu'on doit demander la solution de semblables questions ; la solution se sent plutôt qu'elle ne se discute. Je ne prétends donc pas venir vous présenter une démonstration absolue, mais seulement quelques observations. La question d'équité est nécessairement précédée de la question de droit.

Le gouvernement a-t-il le droit absolu de s'opposer, sans condition aucune, à la mise à terme de l’exploitation du chemin de Mons à Manage ? S’il use de ce veto, peut-il, en droit rigoureux, se dispenser de reprendre lui-même le chemin de fer ? Messieurs, à l’unanimité, toutes (page 768) les sections, en 1857 comme en 1858, ont répondu affirmativement à cette question.

Il serait, en effet, très difficile de justifier une autre solution en présence des termes formels de certaine clause additionnelle ajoutée en 1854 aux statuts primitifs de la société du chemin de fer de Namur à Liège avec ses extensions. Cette clause additionnelle vous est connue ; elle a été rappelée dans tous les documents de l'instruction. Quoi qu'il en soit, il est vraiment digne de remarque que cette clause et toutes celle qu'on a ajoutées aux statuts primitifs, ont eu pour but unique d'amener, de faciliter la cession des deux lignes concédées. Cette vérité résulte à l'évidence des termes mêmes de toutes ces annexes ; elle résulte surtout des circonstances qui ont donné lieu aux modifications apportées aux statuts. Ces circonstances sont de notoriété publique. Je me permettrai cependant de les rappeler en peu de mots.

La compagnie du chemin de fer de Namur à Liège avait réalisé ses actions ; mais les dépenses de construction avaient tellement dépassé toutes les prévisions, que la compagnie avait dû contracter de nombreuses dettes, faire des emprunts considérables s’élevant à 20 ou 30 millions dont les quatre cinquièmes étaient dus à des Belges. Bref, la société était dans des embarras financiers très grands. La compagnie du Nord, qui avait besoin du chemin de fer de Namur à Liège pour compléter sa ligne vers l'Allemagne, vint en aide à la société ; elle lui offrit de se charger de la dette et de l'exploitation de la ligne.

Cette proposition était avantageuse aux deux sociétés ; on se mit facilement d'accord ; il fut convenu que la compagnie du Nord exploiterait à son profit la ligne de Namur à Liège, moyennant une redevance annuelle, spécialement, nominativement affectée au paiement des intérêts de la dette et à son amortissement successif. Mais le consentement des créanciers était nécessaire ; il fallait leur faire accepter, au lieu d'écus sonnants, des titres d'obligations remboursables par séries dans le terme de 99 ans.

Les créanciers acceptèrent, mais à deux conditions : la première, c'est que leur position fût régularisé ; que les titres de leurs créances fussent bien et dûment reconnus ; de là, messieurs, les diverses adjonctions apportées aux statuts primitifs. En second lieu, par excès de prudence, si l'on veut, par surcroît de précaution, ils réclamèrent l'intervention du gouvernement à titre de consécration de leurs droits ; comme garantie pour l'avenir, ils demandèrent que la convention à intervenir entre les deux sociétés fût soumise à l'approbation du gouvernement.

De là, messieurs, la réserve insérée aux articles premier et 22 des statuts. Aujourd'hui qu'arrive-t-il ? Ces mêmes stipulations additionnelles qui avaient été demandées par les créanciers et accordées en vue de faciliter la cession des deux lignes ; cette même réserve d'approbation, réclamée par les créanciers, et accordée en leur faveur dans leur intérêt et non dans celui de l’Etat, on les invoque pour y trouver en faveur du gouvernement un droit exorbitant, le droit de s'opposer sans indemnité, sans compensation aucune, à la mise à ferme du chemin de fer de Mons à Manage.

C'est là une chose, messieurs, qui me paraît inadmissible ; c'est là une interprétation évidemment contraire à l'intention formelle des parties contractantes. L'injustice d'un semblable système est d'autant plus grande qu'il est raisonnable de supposer que la société du chemin de fer de Namur à Liège avec ses extensions n'a consenti la cession de sa ligne principale qu'avec la pensée, avec l'espoir, espoir encouragé par le gouvernement, de céder ultérieurement la seconde ligne, celle de Mons à Manage. Or les motifs qu'on invoque pour s'opposer à la cession au profit de la compagnie du Nord, continueront à subsister quelle que soit la compagnie voisine qui se présenterait pour reprendre l'exploitation de cette ligne ; la société de Mons à Manage se trouverait ainsi condamnée indéfiniment à exploiter par elle-même, malgré elle, contrairement à ses intérêts et contrairement aux intérêts du bassin du Centre, une ligne qui peut devenir infiniment fructueuse dans les mains d'une autre société.

Voyons les motifs, messieurs, qu’on a invoqués pour justifier une semblable prétention.

Ces motifs sont longuement développés dans le rapport de la section centrale de l’an dernier. L'argumentation de l'honorable auteur de ce rapport peut se résumer ainsi :

En droit ; le concessionnaire d'un chemin de fer ne peut céder l'exploitation à un tiers. Voilà le principe. En fait, cette prohibition se trouve implicitement inscrite dans le cahier des charges de la concession du chemin de fer de Mons à Manage, puisque les concessionnaires, y est-il dit, se sont engagés à exploiter le chemin de fer à leurs frais et par leurs propres moyens. De plus, les statuts primitifs de la société dont il s’agit ne contiennent aucune autorisation quelconque de céder l'exploitation à des tiers. Donc, c'est par une faveur toute spéciale qu'en 1854 le gouvernement a consenti la clause additionnelle qui autorise la cession de l'exploitation ; il n'a permis cette cession que moyennant son autorisation préalable.

Cette réserve, le gouvernement peut en user sans blesser en rien les lois de l’équité, alors surtout que l'intérêt général le réclame.

Cette argumentation, messieurs, ne peut pas me satisfaire. Elle est basée, me paraît-il, sur une erreur. Le principe général, le principe de droit commun que l’on met en avant, n'existe pas, selon moi ; c'est le principe diamétralement contraire qui est seul vrai. Je comprends, messieurs, que le concessionnaire d’un chemin de fer ne puis pas céder sa concession en ce sens qu'il ne peut pas se décharger sur un tiers des engagements qu'il a contractés vis-à-vis du gouvernement ; car la novation par substitution de débiteur ne peut avoir lieu que du consentement du créancier.

Mais quand il s'agit du mode de jouissance de la concession, du mode d'exploitation, il ne peut être question de cette règle de droit.

Le concessionnaire peut choisir le mode d'exploitation qui lui convient le mieux ; il peut exploiter par lui-même, il peut exploiter en régie, à ses risques et périls ; ou bien il peut exploiter par un tiers, au moyen d'une location, d'un forfait ou autrement ; seulement il reste lié envers l'Etat, envers le public, envers les particuliers pour toutes les obligations qui résultent de son octroi de concession.

C'est, du reste, messieurs, ce qui arrive tous les jours, pour tous les chemins de fer ; le concessionnaire traite avec une compagnie quelconque, soit anonyme, soit en commandite, soit en nom collectif, qui se charge, à forfait, de construire et d'exploiter le chemin concédé. Et, messieurs, il ne peut pas en être autrement : les entreprises de cette nature sont trop importantes pour pouvoir être menées à bonne fin par un seul ou par quelques individus ; ce ne peut être que l'œuvre d'une société ; le concessionnaire est donc forcé de céder le bénéfice de sa concession à une société quelconque.

Au surplus, ce qui n'est pas défendu est permis ; or, je ne connais aucune disposition légale qui défende à un concessionnaire de disposer du bénéfice de sa concession, en restant dans les termes de son octroi, et je ne vois aucun motif pour qu'il en soit autrement, car, en matière de concession de chemin de fer, les individualités ne sont rien, la responsabilité personnelle ne signifie absolument rien. Il s'agit d'entreprises trop considérables pour qu'un seul individu puisse, en répondre. Du reste, cette même compagnie du Nord a repris, en 1854, l'exploitation de la ligne de Charleroi à la frontière de France, sans aucune intervention du gouvernement, et sans que personne y eût rien trouvé à dire. Il en eût été absolument de même pour la ligne de Namur à Liège, si de nombreux créanciers ne se fussent point trouvés intéressés dans la négociation ; il en eût été de même pour la ligne de Mons à Manage, si la société avait pu prévoir un refus, refus impossible en présence des antécédents.

Il me paraît donc certain que le principe général, le principe de droit commun qui sert de base à l'argumentation de l'honorable rapporteur ici n'existe pas, et que c'est le principe contraire qui est seul vrai.

Voyons maintenant en fait.

En fait, messieurs, les termes de l'octroi de concession, que l'on a invoqués, ne contredisent en rien les principes que je viens d'émettre. Ces termes, qui ne sont qu'une véritable formule de protocole, se retrouvent dans tous les cahiers de charges ; toujours il y est dit : « Les concessionnaires construiront, exploiteront à leurs frais et avec leurs propres moyens. »

Mais que signifient-ils ? Ils signifient simplement que les concessionnaires s'engagent à construire et exploiter à leurs risques et périls, avec leurs propres deniers, sans pouvoir réclamer le concours du gouvernement, sans pouvoir en rien engager l'Etat, sans pouvoir intéresser le trésor public. Voilà ce que cela veut dire et pas autre chose.

Aussi, dans l'espèce, ces termes n'ont pas empêché les concessionnaires du chemin de fer de Mons à Manage de céder le bénéfice de leur concession à la société du chemin de fer de Namur à Liège. Car ce ne sont pas les concessionnaires primitifs qui ont construit le chemin et qui l’ont exploité.

Ainsi il me paraît qu'on ne peut rien conclure des termes de l’octroi de concession. Ces termes ont une signification toute naturelle, toute logique, toute usuelle, contraire à celle qu'on prétend leur donner pour les besoins de la cause.

On ne peut pas davantage argumenter du silence des statuts primitifs qui ne parlent pas de la remise de l'exploitation à des tiers. En effet la faculté de cette remise est de droit ; elle n'avait donc pas besoin d’être stipulée. Pour qu'elle n'existât pas, il eût fallu qu'il y eût une prohibition formelle dans les statuts. Or, les statuts étaient complètement muets sur le mode d'exploitation à suivre ; ils n'en disent pas un mot ; surtout il n'y avait rien dans les statuts primitifs d'où l'on pût induire, directement ou indirectement, que la compagnie dût exploiter par elle-même, qu'elle dût exploiter en régie ou qu'elle pût exploiter par un tiers.

Je sais que l'on a prétendu que l'objet de la société anonyme étant la construction et l'exploitation du chemin de fer, la société ne pouvait pas mettre à ferme cette exploitation sans violer son contrat constitutif, sans l'anéantir. C'est là une proposition qui n'est nullement prouvée. Elle n'est justifiée par aucun motif d'intérêt public ; par aucun principe de droit, elle est tout à fait inadmissible en présence de la transmissibilité illimitée des actions de la société. La société plaçant ses actions comme elle le veut, chacun pouvant en acquérir, je ne comprendrais pas qu'il pût être défendu à la société concessionnaire de céder son exploitation à un tiers, puisqu'elle le peut toujours faire d’une manière indirecte. Du reste, comme je l'ai dit, les statuts primitifs ne disent pas un mot du mode d'exploitation à suivre ; elle pouvait donc exploiter par elle-même ou par un tiers, un forfaiteur. C'est ce qui a lieu depuis 1854 pour la compagnie du chemin de fer de Marchienne à Erquelinnes ; cette compagnie a conservé toute son existence légale, bien que la ligne soit exploitée par la compagnie du Nord, et ses actions continuent à être chaque jour cotées à la bourse.

(page 769) Du reste, en supposant qu'il en soit ainsi, en supposant que la société, en l'absence d'une clause spéciale dans ses statuts, ne pouvait pas céder son exploitation, il résulterait purement et simplement qu'en demandant cette clause ultérieurement, elle a fait chose très sage, et que le gouvernement, en la lui accordant, ne lui a nullement octroyé une faveur.

Il n'a fait que consacrer une faculté de droit commun ; il n'a fait que réparer une omission commise dans le contrat primitif ; dans tous les cas il ne pourrait pas venir réclamer un prix, une récompense quelconque, de ce fait qui, en réalité, n'est qu'un acte de complaisance, si l'on veut, mais qui est, en même temps, un acte de justice.

De tout ce qui précède je crois donc pouvoir conclure que par l'acte additionnel de 1854, le gouvernement n'a accordé aucune faveur exceptionnelle à la société de Namur à Liège.

. En outre que si la réserve stipulée dans cet acte avait la portée illimitée qu'on veut lui donner, il faudrait admettre, ce qui est inadmissible, que la société a voulu aliéner une faculté excessivement précieuse, celle d'exploiter selon le mode qui lui convient le mieux ; il faudrait admettre qu'elle a voulu accorder gratuitement au gouvernement un droit exorbitant, celui de pouvoir sans aucune compensation et selon son bon plaisir, empêcher la cession de l'exploitation à qui il conviendrait à la société de la faire.

il est vrai, les adversaires du projet reconnaissent au moins implicitement que l'exercice, de ce droit absolu, de ce veto sans limite, ne pourrait pas se justifier si le gouvernement, dans l'espèce, n'avait pas à invoquer un puissant intérêt, l'intérêt national, une espèce de salus populi, devant lequel tout doit céder.

Eh bien, messieurs, j'admets l'existence de ce danger ; j'admets la nécessité d'empêcher que l'exploitation de la ligue de Mons à Manage ne passe dans les mains de la compagnie du Nord. Eh bien, messieurs, l'exercice du veto gouvernemental suffirait-il pour conjurer ces dangers ? Nullement : la compagnie du Nord pourra toujours acheter toutes les actions ou au moins la plus grande partie des actions de Mons à Manage et par cette simple opération de bourse, devenir très légalement, très loyalement, tout aussi maîtresse de l'exploitation, qu'elle le serait par la cession directe de la ligne.

J'admets même que l'exercice du veto puisse aller jusqu'à empêcher la compagnie du Nord de mettre la main dans cette affaire ; mais alors qu'arrive-t-il ? Il arrive qu'on a sacrifié un intérêt très légitime, un intérêt privé, un intérêt particulier à l'intérêt général, et l'on a bien fait. Mais dans ce cas, le droit de la loi, l'équité, la raison exigent que ce sacrifice soit récompensé, soit payé ; elles veulent que le dommage causé soit réparé.

Eh bien, messieurs, quel autre moyen de réparer le dommage causé, de rendre la société indemne, si ce n'est de reprendre le chemin de fer de Mons à Manage ?

Ains», messieurs, je crois pouvoir dite que l'équité, d'accord avec l'intérêt général, que l'on dit compromis, exigent que, aujourd'hui, nous approuvions le rachat conclu par le gouvernement avec la société de Mons à Manage. Mais, messieurs, il est encore un autre motif tout aussi puissant que ceux que je viens d'indiquer, un motif qui réclame la même solution.

Dans l'espèce il ne s'agît pas seulement, d'après moi, d'une question d’équité, d'une question d'intérêt général, il s’agit aussi d'une question de dignité nationale. Messieurs, nous appelons, nous accueillons à bras ouverts les capitalistes étrangers qui viennent chez nous établir des chemins de fer ; nous les convions à venir immobiliser leurs capitaux, à entreprendre ou à partager nos grands travaux d'utilité publique.

Une société composés de ces capitalistes étrangers vient en Belgique construire à grands frais un chemin d'une utilité immense, peut-être le plus utile que nous ayons vu établir ; par une circonstance quelconque, elle ne peut pas aujourd’hui exploiter fructueusement la ligne par elle-même, mais elle trouve l'occasion d'affermer, de céder l'exploitation d'une manière avantageuse, et nous pourrions, nous, venir nous opposer à ce qu'elle déposât ainsi très loyalement de sa chose, de sa propriété ?

Nous viendrions désavouer le gouvernement qui, conciliant tous les intérêts, a conclu avec cette société un traité très équitable sous tous les rapports ! Et pourquoi ce désaveu, messieurs ? Pour quelque mille francs ; car, il faut bien l'avouer, si la société vouait proposer un rabais de quelques mille francs sur le prix convenu, le nombre des opposants au projet de loi diminuerait singulièrement.

Je pourrais, messieurs, en dire davantage sur ce point très délicat ; mais je crois que la question de moralité et de délicatesse que présente le projet n'a pas besoin d'être longuement élucidée, Comme je l'ai dit en commençant les questions de cette nature se résolvent par la conscience et non pas le raisonnement. Quant au point de vue financier, je crois que l'intérêt de la discussion demande que j'attende les observations qui seront faites contre les motifs développés avec beaucoup de talent dans le rapport de l’honorable M. Faignart.

M. Pirmez. - Messieurs, le projet de loi qui est en ce moment soumis à vos délibérations mérite d'être examiné avec la plus sérieuse attention, non seulement à cause de la somme importante dont il doit grever le budget, mais surtout à cause des principes nouveaux dont il contient le germe, et des conséquences qu'ils peuvent avoir.

Au mois de février 1857, M. le ministre des travaux publics Dumon conçut avec la société anonyme constituée pour l'établissement et l'exploitation des chemins de fer de Namur à Liège et de Mons à Manage, une convention par laquelle l'Etat belge rachète cette dernière ligne avec son matériel pour une rente annuelle de 672,330 fr. prenant cours le 1er janvier 1857, époque de l'entrée en jouissance de la ligne cédée.

J'ai eu l’honneur de faire partie de la section centrale de cette année ; de la discussion à laquelle elle s'est livrée, j'ai rapporté la conviction que le projet ne peut être adopté sans un grave préjudice pour l'Etat ; je demanderai à la Chambre la permission de lui présenter les motifs sur lesquels repose cette conviction et dont bon nombre, je tiens à le déclarer, m'ont été indiqués par le rapport de la section centrale de l'année dernière.

Pour saisir la véritable position de la question, il est nécessaire de rappeler les faits, que l'honorable M. de Paul me paraît ne pas avoir exposés dans leur véritable portée.

Le chemin de fer de Mons à Manage fut concédé en 1845. avec le chemin de fer de Namur à Liège, par une convention dûment approuvée ; une des clauses de cette convention était que les concessionnaires pourraient former une société anonyme à laquelle ils remettraient leurs droits. Cette société fut en effet constituée pour l'établissement et l’exploitation de ces lignes de chemin de fer ; ce sont les termes des statuts.

Vers la fin de 1854, des pourparlers avaient eu lieu entre cette société et la compagnie du Nord pour céder à celle-ci le chemin de Namur à Liège. Cette cession pouvait-elle se faire sans l'intervention du gouvernement ? ? Je n'examinerai point si le cahier des charges le rendait nécessaire, contrairement à l'opinion de l’honorable préopinant, parce qu'une raison plus décisive l'exigeait.

Une société anonyme est un être moral qu'il n'appartient pas aux individus de créer à leur volonté et dont l'action, après sa création légale, doit par conséquent se restreindre dans la sphère qui lui a été assignée. Je suis convaincu que ce principe ne sera combattu ni par M. le ministre des travaux publics ni par l'honorable préopinant. Autorisée par le gouvernement pour l’établissement et l'exploitation des deux lignes de chemin de fer, la société qui nous occupe ne pouvait se transformer en une société de rentiers par la vente de ses lignes sans que le gouvernement fût appelé à autoriser ce mode nouveau d'existence.

Une modification aux statuts fut demandée ; c'était reconnaître qu'elle était nécessaire.

Le gouvernement accorda à la société par un arrêté en date du 29 octobre 1854, la faculté de céder l'une ou l'autre de ses lignes ; mais, maître de refuser cette faculté, il stipula que la cession ne pourrait se faire qu'avec l'assentiment préalable du gouvernement. Cette réserve était incontestablement sage, et le gouvernement, en exigeant la préalabilité de l'autorisation, a montré qu'il connaissait l'influence qu'ont trop souvent les faits accomplis.

Se conformant cette fois scrupuleusement à ses statuts, la société annonça officiellement au gouvernement qu'elle était sur le point de traiter avec la compagnie du Nord et lui demanda son assentiment au contrat à intervenir ; l'assentiment accordé, le traité fut conclu. Cette cession est du commencement de 1855. Nous passons à l'année suivante.

L'exposé des motifs nous apprend « qu'à la suite de négociations auxquelles le gouvernement est demeuré étranger, la société a conclu avec la compagnie française du chemin de fer du Nord une convention datée du 30 août 1856, par laquelle la première cède à bail à la seconde la ligne de Mons à Manage. »

Elle sollicita alors l'assentiment du gouvernement qui lui fut refusé.

Nous n'examinerons pas si la société pouvait invoquer la clause des statuts qui lui permet d'aliéner l'une ou l'autre de ses lignes pour les céder toutes deux, mais il nous est impossible de ne pas faire remarquer que l'assentiment du gouvernement eût dû être préalable au contrat, comme il l'avait été dans la cession de la ligne de Liège.

La société avait donc méconnu ses devoirs en formant un contrat de cession sans la participation du gouvernement ; mais par une singulière coïncidence, dans la transcription de la clause des statuts qui se trouve en tête de l'exposé des motifs déposé le 10 mars 1857 (copié en cela par celui du 8 février 1858) le mot « préalable » a été omis, en sorte que cette convention, toute irrégulière qu'elle est, devient par cette omission à l'abri de tout reproche.

Pourquoi la société avait-elle méconnu ses devoirs, d'où vient l'omission du mot « préalable » ? Nous n'avons pas à le rechercher, mais il n'ns est pas moins vrai que c'est l'existence du contrat avec la compagnie du Nord qui est la seule cause de toutes les difficultés.

Si, en présence du fait accompli, le gouvernement refusa l'autorisation, il crut devoir une compensation : il offrit de faire l'achat pour son propre compte.

De là le contrat soumis à notre approbation.

Devons-nous lui donner cette approbation. Telle est, messieurs, tonte la question à examiner.

Et d'abord pour simplifier autant que possible le débat, nous ne contesterons en aucune manière que le gouvernement ait avec raison refusé son assentiment au contrat avec la société du Nord.

Nous nous bornerons à examiner si l'Etat doit laisser la compagnie actuelle continuer son exploitation ou s'il doit opérer le rachat.

Quelles sont les raisons que l'on fait valoir pour justifier le rachat ?

Il y en a deux de nature bien distincte. Elles se résument, messieurs, dans les deux propositions suivantes :

(page 770) Première proposition : L'Etat est tenu par une obligation morale à rendre, par le rachat de la ligne, la société indemne du préjudice qu'a pu lui causer le refus d'autorisation de céder.

Seconde proposition : Le rachat est une affaire avantageuse pour l'Etat.

Examinons, messieurs, successivement ces deux propositions. Et d’abord l'obligation morale dont on parle existe-t-elle ? Nous n'hésitons pas à dire que non.

Nous lisons dans le rapport de la section centrale : « Il est hors de doute pour tout le monde qu'en s'opposant à ce que la cession consentie en faveur de la compagnie du Nord sortît ses effets, le gouvernement a simplement fait usage d'un droit incontesté et incontestable. M. le ministre des travaux publics en fait lui-même la remarque, dans l'exposé des motifs qui accompagne le projet de loi. »

Mais, messieurs, si, de l'aveu des partisans du projet de loi, il ne peut y avoir de trace d'obligation juridique, si le refus d'autorisation reposait sur un droit incontesté et incontestable, d'où pourrait venir l'obligation morale ?

Nous n'en voyons qu'une cause possible. Elle serait dans l'usage que le gouvernement aurait fait de son droit, s'il en avait abusé au préjudice de la société. Si nous concevons que l'exercice d'un droit puisse constituer une iniquité, ce n'est évidemment que lorsque cet exercice, sans utilité pour celui à qui il appartient, est nuisible à celui qui doit le souffrir.

Est-ce le cas dans l'espèce ?

Mais l'exposé des motifs, en établissant que le gouvernement était mû par les raisons les plus sérieuses dans son refus d'autorisation, s'est lui-même charge de montrer qu'il n'a fait qu'un usage modéré et nécessaire de son droit et par conséquent il a créé l'ombre d'une obligation morale.

La société des chemins de fer de Mons à Manage et de Namur à Liège s'est librement constituée pour exploiter pendant 90 ans les deux lignes ; c'est là une position acceptées qu'elle ne pouvait espérer changer ; elle en avait les avantages comme les charges ; pour qu'une cession fut possible il a fallu des modifications à ses statuts que le gouvernement n'était nullement tenu d'autoriser ; il l'a fait mais, en sauvegardant tous ces droits, en stipulant expressément que la cession ne se ferait que de sa volonté. C'est là une première concession que le gouvernement eût pu refuser sans assumer aucune obligation même aux yeux de la plus scrupuleuse délicatesse ; nais il a préféré donner la faculté de céder, pourvu qu'elle ne pût dans aucun cas lui causer dommage.

La société cède un de ses chemins de fer, sans même consulter, comme elle le devait préalablement le gouvernement ; celui-ci pour les motifs les plus péremptoires, nous dit-on, use du droit qui lui est réservé, et la société pourrait lui dire : « Voilà le contrat que j'ai fait, irons allez le faire pour votre compte ou vous manquez de loyauté ! »

Ainsi le gouvernement n'aurait jamais le droit de refuser son autorisation, sans s'obliger au rachat : il ne pourrait, sans manquer de délicatesse, même pour les motifs les plus graves, user d'un droit, qu'on ne lui conteste même pas !

Ne peut-on pas dire, avec la section centrale de l'année dernière, que ce serait invoquer abusivement les considérations d'équité et déloyauté, pour imposer au gouvernement un véritable rôle de dupe.

Ainsi pour soutenir son système d'obligation morale, l'honorable rapporteur de la section centrale doit-il supposer que ce qu'il appelle le droit de veto a été introduit dans les statuts de la société de 1852, seulement et qu'il a eu uniquement en vue d'empêcher une cession anomale frauduleuse ou dépourvue de garantie suffisante. Mais ce sont là des erreurs évidentes, les statuts primitifs ne permettaient à la société aucune aliénation, et quant au second point, nous sommes à nous demander sur quels documents on appuie une assertion qui n'est autre chose qu'une accusation d'imprévoyance fort imméritée contre le gouvernement qui a autorisé le changement aux statuts.

L'obligation morale n'existe donc pas plus que l'obligation juridique : en maintenant la société dans une position qui est la condition de son existence, nous ne méconnaîtrons pas plus les règles de la délicatesse que celles du droit.

Mais, messieurs l'invocation de cette obligation morale, bien loin de vous engager à voter le projet de loi, doit vous révéler les dangers de son adoption.

Si le gouvernement est tenu par un lien quelconque à racheter la ligne de Mons à Manage, parce qu'il a refusé d'en autoriser la cession, il est évident que chaque fois qu'il refusera de consentir à l'aliénation d’un chemin de fer, il sera sous le coup de la même obligation ! il devra racheter sans même examiner les conditions ; il aura le rôle passif d'accepter un traité fait par d'autres, car quand c'est en vertu d’une obligation que l'on doit agir ,la question des charges disparaît devant l'accomplissement du devoir.

Ainsi, par exemple, et pour spécialiser cette idée, si la redoutée compagnie du Nord voulait traiter avec la société du chemin de fer de Charleroi à Louvain, même à un prix énorme, le gouvernement ne pourrait d'après les principes s'y opposer qu'en se substituant à l'acheteur dans le contrat qui serait intervenu.

La conséquence générale du système serait que la compagnie du Nord serait maîtresse de faire racheter à l'Etat tous les chemins de fer du royaume, et cela au prix qu'elle fixera î La Chambre se trouverait transformée en un bureau d'enregistrement de convention qu'elle ne pourrait pas même examiner ; son rôle se bornerait à exécuter les obligations morales qui lui seraient imposées !

On parle, messieurs, de la dignité du gouvernement, je doute qu'elle ait à gagner à ce résultat !

Toute cette idée d'obligation morale ne part que d'une manière inexacte d'envisager les attributions du gouvernement. Dans toutes les matières où l'intérêt général exige que les intérêts privés soient contenus dans une certaine mesure, une haute surveillance est attribuée au pouvoir exécutif ; c'est ainsi que la réunion ou le fractionnement des mines, la création des sociétés anonymes, l'établissement des communications publiques sont soumises à des autorisations.

Où irait-on dans toutes ces matières avec le système des obligations morales ? Non, messieurs, le gouvernement, quand il agit comme particulier, peut être tenu à des obligations, il est contraire à toute idée d'organisation politique, qu'il puisse en contracter par des actes qu'il fait comme pouvoir exécutif. Son refus d'autorisation est de cette nature.

Abandonnons donc, messieurs, la première raison invoquée pour le projet.

Quand la justice, l'équité, la délicatesse se taisent ; l'intérêt peut parler.

Voyons ce qu'il nous commande.

Messieurs, il faut tout d'abord le constater, le projet fait entrer le gouvernement dans une voie d'intervention toute nouvelle.

L'Etat possède aujourd'hui des chemins de fer, mais il n'a fait en les construisant que créer des voies de communication dont on a pensé que, sans lui, le pays ne serait point doté, du moins aussi promptement qu'il l'a été.

Ici, il s'agit d'un chemin de fer existant, l'intervention de l'Etat n'a pas pour but de faciliter les transports, c'est-à-dire l'industrie, le commerce ; je puis même dire qu'elle a un but contraire ; comme nous le verrons, elle a surtout pour objet de faire prendre aux marchandises telle direction plutôt que telle autre qu'elles suivraient, si la liberté de concurrence était laissée entre toutes les entreprises de transports qu'elles soient privées ou publiques.

C'est là pour moi un mobile déplorable, et qui est précisément l'opposé de celui qui a été assigné aux actes du gouvernement. Je tiens à faire cette remarque parce qu'il faut, pour que la question actuelle soit examinée avec vérité, qu'on ne la rattache pas à celle de l'exploitation actuelle de l'Etat.

Examinons donc les résultats financiers du marché que nous est proposé.

Quel est le prix de l'acquisition, quelle est la valeur de la chose cédée ?

Cherchons à déterminer ces deux points avec autant de précision que possible.

Et d'abord quelles sont les charges que prend l'Etat ?

En première ligne se présente la rente annuelle de 672,000 fr. que la convention l'oblige à servir.

Il résulte en outre de l'exposé des motifs présenté au commencement de l'année dernière qu'à cette époque déjà, les réparations à faire à la voie et au matériel cédé nécessitaient une dépense de 400,000 fr. De ce chef, la charge annuelle doit être augmentée de 70,000 fr., et s'élève ainsi à 742,000 fr.

Mais, ainsi que nous l'apprennent les documents fournis par M. le ministre des travaux publics à la section centrale, la société s'est abstenue autant que possible, en 1857, de faire des dépenses d'entretien, spécialement à son matériel roulant. Or, on sait avec quelle rapidité s'accroissent des dégradations qui ne sont pas arrêtées dans leur principe. La somme à laquelle s'évaluaient après 1856 les réparations à faire doit donc aujourd'hui subir de ce chef une majoration.

D'autre part il faut remarquer que la rente de 70,000 fr., que produisait la somme de 1,400,000 fr. à dépenser doit être augmentée de la somme nécessaire à l'amortissement du capital en quatre-vingts ans environ, terme de la concession acquise. Sans même tenir compte de l'insuffisance que l'événement prouve toujours exister dans les prévisions de dépenses, nous sommes autorisés à porter à la somme ronde de 750,000 fr., la charge annuelle que prend l'Etat par le contrat qu'on nous demande d'approuver.

Voyons maintenant qu'elle est la valeur de la ligne cédée.

Pour arriver à une -ppréciation exacte et complète nous devons d'abord voir ce que vaut cette ligne dans les mains de la compagnie qui la possède et chercher ensuite si elle a pour l'Etat une valeur plus considérable.

Quel a été le revenu de la compagnie ?

Voici les chiffres donnés par l'exposé des motifs (recettes nettes) : 1855 : 585,000 fr. ; 1856 : 538,000 fr. ; 1857 : 719,000 fr. Total pour trois ans : 1,842,000 fr. Ce qui porte la moyenne annuelle à 614,000 francs.

D'après ces chiffres, la perte annuelle, eu supposant que l'exploitation de l'Etat soit la même que celle de la compagnie ne serait que de 136,000 francs.

(page 771) Mais les chiffres produits sont-ils exacts ?

Nous n'hésitons pas, messieurs, à dire que non.

Nous n'avons aucuns documents quant au revenu de 1855.

Il en est autrement pour ce qui concerne 1856. Les documents statistiques publiés par le ministre des travaux publics ne portent la recette qu'à 268,000 fr., c'est-à-dire à la moitié de ce que qu'indique l'exposé des motifs.

La cause de cette différence mérite d'être recherchée ; elle vient de ce que, dans l'exposé des motifs, on a compté comme produit net certaines dépenses que l'on a considérées comme extraordinaires.

Or, dans cette dépense figurent la reconstruction de 46 waggons, les frais d'un procès, le renouvellement de la voie sur huit kilomètres, et les frais de négociation avec la compagnie du Nord. Il serait certes bien curieux de savoir en quoi ils ont consisté.

Or, je le demande, est-il possible de considérer comme un produit net d'une ligne sur laquelle se trouvent près de 1,000 waggons la dépense de reconstruction da 46 waggons ?

Je dis même qu'aucune de ces dépenses ne doit être défalquée des frais d'exploitation.

Et en effet, à la fin de 1856 pour remettre la ligne en bon état, il fallait faire une dépense de 1,400,000 fr., ce qui prouve bien que les dépenses ordinaires n'avaient pas même été faites. Et cependant l'on compte encore comme produit net une partie des frais d'entretien du matériel.

Pour 1857 des faits aussi extraordinaires se présentent ; mais je rends hommage à la loyauté de M. le ministre qui a sans doute reconnu postérieurement l'erreur dans laquelle on avait induit le gouvernement, et a réduit dans ces notes le chiffre de 719,000 à 665,000 fr. C'est à peine croyable, mais on avait majoré le revenu réel, reçu par la compagnie, des sommes qu'elle paye à l'Etat de divers chefs, notamment 14,000 fr. environ de patente et 20,000 fr. environ, je crois, pour usage d'une partie de la voie de l'Etat, cela sous prétexte que, par suite de la confusion qui s'opérerait, l'Etat ne payerait plus ces sommes. N'est-il pas cependant bien évident que cette majoration du revenu dans les mains de l'Etat n'est qu'une pure fiction puisqu'il consistait seulement à faire passer une somme du budget des voies et moyens au budget des travaux publics ?

Ces inexactitudes si graves et qui nous ont été révélées pour ainsi dire par hasard, doivent nous inspirer une grande défiance des chiffres produits par la compagnie ; elles nous autorisent à conclure que s'il nous était donné de voir le détail du revenu réel de la ligne eu question, il nous apparaîtrait certainement beaucoup moindre encore.

Toutefois, si nous prenons les chiffres de trois années ainsi rectifiés nous arrivons au résultat suivant : 1855 : 585,000 fr. ; 1856 : 268,000 fr. ; 1857 : 665,000 fr. Total : 1,618,000 fr. La moyenne est de 539,000 fr. ; ce qui fait une perte de 211,000 fr. par an !

Mais ce n'est pas tout : rappelons-nous, messieurs, que cette moyenne n'a été obtenue qu'en laissant en arrière des réparations pour une somme d'au moins 1,400,000 fr. que nous avons dû porter au passif de l'opération, en sorte que, si toutes les dépenses nécessaires avaient été faites, le revenu net aurait été considérablement réduit.

Il résulte à l'évidence de là, que, toutes choses égales d'ailleurs, il est impossible de compter sur un. revenu de 539,000 francs, mais que cette somme doit être notablement diminuée pour tenir l’exploitation en bon état, à peine d'avoir, de temps à autre, une somme de 1,400,000 francs à consacrer aux réparations arriérées.

De combien la perte annuelle de 211,000 fr. devrait-elle être augmentée de ce chef ? Il est clair que ce serait d'une somme importante ; je n'entreprendrai pas de rien préciser, mais j'espère que cette discussion ne se terminera pas sans que des membres plus compétents que moi aient fixé l'opinion de la Chambre sur ce point.

Y aurait-il des faits nouveaux qui seraient sur le point de modifier l'état de choses actuel ?

Je vois, en effet, un fait important, de nature à exercer une grande influence sur le produit de la ligne en question. Mais cette influence doit se manifester un abaissement du produit.

Je veux parler de la construction du chemin de fer des Ecaussines à Erquelinnes. Il est difficile de faire saisir l'importance de la construction de ce chemin de fer sans avoir la carte sous les yeux ; je vais, au reste, chercher à être aussi clair que possible.

La ligue de Mons à Manage est appelée, dans les actes de concession, le chemin de fer des charbonnages du centre à Mous et à Manage ; il a, en effet, spécialement pour objet le transport des houilles et autres marchandises pondéreuses dans ces deux directions. C'est ce que porte l'article premier du cahier des charges.

Et d'abord, permettez-moi, messieurs, de rappeler la position topographique, et les transports auxquels doit servir la ligne qui nous occupe.

Le chemin de fer de Mons à Manage est appelé dans les actes relatifs à la concession, le chemin des charbonnages du Centre à Mons et à Manège. Il est, aux termes du cahier des charges, spécialement destiné au transport des houilles et autres marchandises pondéreuses du Centre vers Mons et vers Manage.

Toutes les houilles qui étaient transportées vers la France allaient jusqu'à il y a peu de temps à Mons où elles s'embarquaient sur le canal de Mons à Condé où les prenait la ligne du Nord par Arras et Amiens. Toutes les houilles qui se dirigeaient du Centre vers Bruxelles suivaient la ligne du Centre jusqu'à Manage.

Voilà quel était l'usage principal du chemin de fer de Mons à Manage : transporter d'un côté les houilles du Centre vers Mons, de l'autre côté, vers Manage.

Un chemin de fer qui n'est pas encore entièrement achevé va changer complètement la position : c'est celui d'Erquelinnes aux Ecaussines. Cette ligne traverse les exploitations du Centre et les relie d'un côté à Erquelinnes, au chemin de fer de Charleroi à Paris et de l'autre à Erquelinnes à celui de Manage à Braine-le-Comte.

Une partie des houilles dirigées du Centre vers Paris va donc nécessairement être transportée par cette nouvelle voie sur Erquelinnes.

Cette voie est spécialement construite dans ce but ; il est évident que les transports qui doivent l'alimenter seront une perte considérable pour la ligne de Mons à Manage qui dans cette direction n’avait précédemment aucune concurrence à craindre.

Les houilles du Centre destinées à Bruxelles, allaient à Manage pour y prendre le railway de l'Etat, elles faisaient en ce dernier point un angle aigu, qui sera évité par la nouvelle ligue des Ecaussinnes. La partie de voie comprise entre le Centre et Manage doit évidemment perdre beaucoup de son utilité.

Voilà donc la position : c'est au moment où une ligne nouvelle vient détruire presque toute l'importance du chemin de fer de Mons à Manage qu'on veut la faire racheter par l'Etat.

Je signalerai une autre circonstance. Les houilles qui viennent vers Bruxelles par le canal sont enlevées aux transports par chemin de fer. Le canal est une concurrence pour le chemin de fer ; or actuellement la Chambre est saisie d'une proposition tendante à abaisser les péages sur le canal de Charleroi, à partir du Centre. J'espère que cette proposition ne sera pas accueillie ; mais tôt ou tard les péages sur le canal seront diminués, soit pour le Centre exclusivement, suit pour Charleroi et le Centre. Eh bien ! que le dégrèvement se fasse d'une manière ou d'autre, peu importe pour la question qui nous occupe, il sera une cause de perte très sensible pour le chemin de fer à acquérir.

Ainsi, bien loin de voir dans l'avenir une cause d'augmentation du revenu, nous voyons des causes très puissantes et très actives de diminution.

Mais on nous dit : L'affaire, mauvaise dans les mains de la compagnie, va devenir excellente dans les mains de l'Etat. La ligne de Mons à Manage est trop courte pour être exploitée avantageusement par la compagnie ; les frais d'exploitation trop considérables vont diminuer entre les mains de l'Etat qui exploite les chemins de fer.

Messieurs, je n'entreprendrai pas de faire la liste beaucoup trop longue des entreprises faites par l’Etat dans des provisions de brillants bénéfices que l'événement s'est obstiné à démentir cruellement, et dont le résultat final a toujours été de grever notre budget. J'examine d'une manière spéciale s'il y a quelque espoir de voir l'Etat plus heureux dans cette circonstance que dans toutes les autres.

La cause de diminution des frais dans l’exploration de l'Etat serait la suppression de l'administration centrale, de divers ateliers spéciaux, la diminution du nombre de locomotives journellement chauffées etc. ; il y aurait de ces divers chefs, nous dit-on, une économie considérable.

A côté de cette prétention, je constate un fait, c'est que les dépenses de la compagnie de Mons à Manage ne se sont élevées avant 1857 qu'à 49 p. c. et dans cette dernière année qu'à 536 p. c. du produit brut, tandis que la dépense de l'Etat monte en moyenne à 78 p. c.

Comment concilier cette prévision et ce fait ?

Je crois donc qu'il y aurait beaucoup à dire sur la diminution de recette que fera l'Etat. Je crois que l'Etat exploite toujours plus chèrement que les compagnies, parce que l'intérêt privé est toujours plus actif, exerce toujours une surveillance plus énergique que l'intérêt général ; mais je n'entre pas même dans cette discussion. Il y a une chose qui, dans tous les cas, compensera largement cette diminution de frais, qu'on prétend devoir le présenter lorsque la ligne sera exploitée par le gouvernement : c'est la différence très considérable entre le tarif de la société de Mons à Manage et le tarif de l'Etat. Lorsque l'Etat aura repris le chemin de fer de Mons à Manage, quelle sera la première chose à faire ? Ce sera évidemment d'appliquer à ce chemin de fer le tarif général de l'Etat.

Or, de ce chef, l'Etat va subir une perte énorme. Ainsi par exemple sur les houilles remises au chemin de fer à une lieue de Manage, la compagnie perçoit aujourd’hui 4 fr. par tonne. Quand l'Etat aura repris la ligne, au lieu de percevoir 4 fr. il n'en percevra que 1 fr 50 c.

Voilà donc, une diminution qui sera une conséquence de la reprise de la ligne par l'Etat. Or, si les produits bruts du chemin de fer fléchissent, quand bien même les frais d'exploitation de l'Etat diminueraient, il se pourrait très bien que le rapport entre les frais d'exploitation et les produits bruts changeât tout à fait, et cela dans un sens préjudiciable à l'Etat. Bien loin donc de pouvoir espérer dans ce changement d'exploitation ou une diminution de frais relativement aux produits, nous devons nous attendre à ce que le rapport ordinaire de l'exploitation de (page 772) l'Etat s'établisse, ce qui constituera un perte sensible dans le produit net. Mais nos adversaires nous objectent que si l'Etat va faire une perte considérable dans l'exploitation de la ligne même, il va faire une excellente affaire pour les lignes qu'il exploite.

Voici l'argument présenté par l'honorable rapporteur de la section centrale : les houilles du Centre qui sont transportées à Manage et en destination de Bruxelles ou des Flandres ont à Manage deux chemins : le chemin de l'Etat qui passe par Braine et le chemin par Nivelles et Groenendael. Or, dit l'honorable rapporteur, si l'Etat ne reprend pas la ligne de Mons à Manage, son chemin de fer pourra être privé d'un affluent très considérable et de grandes quantités de marchandises être transportées par la ligne de Nivelles et Groenendael.

Nous pourrions dire, messieurs, que cela est indifférent puisque l'Etat paye un minimum d'intérêt à la ligne de Nivelles et que dès lors s'il détourne des transports de cette ligne il devra payer d'autant plus du chef de sa garantie d'intérêt. Mais je vois dans cet argument de l'honorable rapporteur un principe des plus dangereux que l'on puisse admettre.

En effet, la ligne de Manage à Wavre s'est établie avec des capitaux considérables et les entrepreneurs de cette ligne ont décompter sur tous les transports qui leur arriveraient naturellement par la loi de la concurrence. Or, que veut-on faire ? Empêcher que la ligne de Manage à Wavre ne reçoive les marchandises qu'elle est plus à même qu'un autre chemin de fer de conduire à destination ? On prétend obtenir ce résultat par un empêchement positif à ce que les marchandises leur soient remises.

N'est-ce pas là une criante injustice ?

Mais, pourquoi donc a-t-on établi cette ligne de Mons à Manage ? Est-ce pour arriver à Manage, point qui ne peut rien fournir ? Non, évidemment ; mais bien pour transporter les charbons du Centre dans le Brabant et au-delà.

Si maintenant le gouvernement met son veto sur cette ligne, les capitalistes étrangers qui sont venus en Belgique sur la foi du gouvernement se verront privés de bénéfices sur lesquels ils avaient droit de compter, N'y a-t-il pas là une véritable iniquité ?

Une société a-t-elle pu s'imaginer que le gouvernement lui octroyait line concession pour lui en retirer ensuite par tous moyens les avantages ?

Je suppose que lorsque le rachat aura été opéré, la compagnie de Manage à Wavre vienne dire : J'ai consacré à ce chemin de fer des capitaux considérables, je l'ai fait pour transporter des marchandises, vous m'en empêchez, vous devez racheter mon chemin de fer. Que pourrait-on lui répondre ?

Messieurs, les motifs indiqués sur ce point sont très dignes d'attention. L'exposé des motifs prétend que le droit donné au gouvernement d'empêcher une compagnie particulière d'abaisser ses tarifs n'est pas suffisant pour arrêter la concurrence et voici comment il s'exprime à cet égard :

« A part la question de taxe, susceptible de subir elle-même beaucoup de modifications ou d'adoucissements, il existe encore une foule de moyens dont une compagnie peut user pour attirer sur ses lignes des transports qui pourraient se faire autrement ; telles sont, par exemple, les facilités plus ou moins grandes pour l'emploi du matériel, les conditions d'inscription au point d'échange, le mode accepté pour les décomptes, le contrôle, les pertes ou avaries, etc., etc. »

Ainsi ce serait parce que l'Etat ne pourrait pas offrir les mêmes avantages que la société privée, ce serait pour empêcher les particuliers de jouir de ces avantages qu'il faudrait racheter le chemin de fer de Mons à Manage ! Mais cette manière de raisonner est dans l'opposition la plus flagrante, avec ce qui a toujours été dit dans cette enceinte en matière de voies de communication ; on n'a jamais contesté que le devoir du gouvernement ne fût de faciliter les communications qui sont la vie de l'industrie et du commerce ; des sommes énormes ont été dépensées dans ce but et aujourd'hui vous voudriez obliger les exploitants à prendre la ligne de l'Etat alors qu'une compagnie leur donnerait plus de facilités. Je dis que ce motif, bien loin de nous engager à admettre le rachat, doit au contraire nous déterminer à le rejeter.

Il me reste messieurs, un mot à dire de cette crainte que l'on manifeste de voir la compagnie du Nord racheter indirectement la ligne de Mons à Manage ; je ne crains par ce rachat qu'il se fasse directement ou indirectement par l'acquisition de titres au porteur. Il me paraît qu'à part toutes les autres raisons de tranquillité que j'ai, il en est une qui doit rassurer, ce me semble, les personnes qui redoutent le plus l'action de cette compagnie, c'est que l'Etat par la possession qu'il a de lasStation de Manage se trouve toujours interposé entre les lignes de Mons a Manage et de Manage à Wavre, en sorte qu'il est toujours par cela seul maître d'imposer quelles conditions il veut à la société qui posséderait ces deux lignes, et de la tenir ainsi dans une complète dépendance.

Je m'abstiendrai, messieurs, de considérations générales sur les inconvénients que présente une trop grande intervention de l'Etat, inconvénients qui sont bien plus à redouter que ceux qui résulteraient d'une acquisition de la compagnie du Nord.

Le gouvernement n'a déjà que trop de places de faveur à distribuer ; nous ne le savons que trop, c'est là une cause puissante de corruption qui porte atteinte à l'indépendance du citoyen, au libre exercice de ses droits politiques.

Ils peuvent l'être aussi par la corruption qui augmente tous les jours. Eh bien, messieurs , il est de notre devoir d'empêcher autant qu'il est en nous cette corruption et pour cela il faut que le gouvernement voie pas ses attributions s'étendre.

Mais trop de causes spéciales s'opposent à l’adoption du projet sur lequel nous délibérons, pour qu'il ne soit pas surabondant d'invoquer des considérations aussi générales.

M. le ministre des travaux publics (M. Partoes). - Messieurs, l'honorable M. Pirmez vient d'attaquer avec une grande habileté de paroles le projet de loi sur lequel vous êtes appelés à voter ; à la fin de son discours, cédant un peu aux préoccupations de son esprit, l’honorable membre a dit qu'il craignait la corruption.

Je crois qu'elle est moins à redouter de la part du gouvernement que de la part de compagnies particulières.

Il est de fait que l'acquisition par l'Etat du chemin de fer de Mons à Manag vient entraver les espérances qui avaient été conçues, je pense, par plusieurs de ces compagnies.

Le rachat par l'Etat doit contrarier ces compagnies, cela ne peut être nié par personne.

Mais faut-il subordonner l'intérêt de l'Etat aux intérêts des compagnies ? Là est la question ; poser cette question devant vous, messieurs, c'est la résoudre.

L'affaire qui nous occupe est déjà ancienne ; on vous l'a dit, elle date de1856. Vous connaissez pour quels motifs elle n'a pas reçu jusqu'à présent une solution. La société anonyme des chemins de fer de Liège à Namur et de Mons à Manage ayant obtenu des modifications à ses statuts, en ce sens qu'on lui accordait la faculté d'aliéner l'une ou l'autre de ses lignes, avait cédé la ligne la plus importante, celle de Namur à Liège, à la compagnie du Nord, avec l'autorisation du gouvernement.

Vers la fin de 1856 elle contracta avec la même compagnie pour la cession de la ligne de Mons à Manage. Cette cession ne pouvait sortir ses effets qu'avec l'assentiment du gouvernement ; le gouvernement a refusé son assentiment, et en cela je crois qu'il a très bien fait.

La société qui avait obtenu une modification à ses statuts, précisément dans le but avoué de la cession de l'une et de l'autre lignes, n'apprit pas sans étonnement cette décision du gouvernement ; elle s'en plaignit très amèrement. Les actionnaires, qui sont pour la plupart des Anglais, exprimèrent dans les journaux de leur pays les plaintes les plus vives ; le gouvernement fut de ce chef l'objet d'attaques très violentes. Je n'ai pas à examiner ici jusqu'à quel point ces reproches qu'on adressait au gouvernement étaient plus ou moins fondés, plus ou moins exagérés.

La compagnie disait au gouvernement : « Vous vous opposez à ce que je cède ma propriété aux conditions les plus favorables pour moi ; vous frappez par le fait ma propriété d'interdit. Cela ne se trouve écrit nulle part. Puisque vous ne voulez pas permettre d'user comme je l'entends d'une chose qui m'appartient, accordez-moi une compensation ou rachetez vous-même ce que vous ne voulez pas que je cède à d'autres. »

Le gouvernement accueillit les ouvertures qui lui furent faites ; il reconnaissait qu'il avait fait de son droit un usage rigoureux et préjudiciable à la compagnie ; il ne repoussa donc pas la négociation, et après des pourparlers assez longs, il se décida à racheter lui-même la ligne,de Mons à Manage au prix qui avait été stipulé par la compagnie du Nord, après déduction toutefois de certaines dépenses accessoires assez considérables, maintenir surtout pendant les premières années.

Je ne pense pas que l'ancienne administration ait posé un acte plus utile que celui-là. Aussi, ai-je la conviction que, d'accord avec votre section centrale, vous voterez le projet de loi.

Messieurs, il y a trois points essentiels à considérer dans cette affaire ; il y a d'abord le refus fait par le gouvernement d'approuver la cession à la compagnie du Nord, point sur lequel tout le monde est d'accord ; il y a ensuite la convenance et l'utilité pour l’Etat de racheter pour lui-même le chemin de fer de Mons à Manage ; il y a enfin le prix de ce rachat.

Quant à la convenance, il y a à considérer en premier lieu l'obligation morale. Cette obligation morale me paraît avoir été établie d'une manière très claire par l'honorable M. de Paul ; elle est contestée par l'honorable M. Pirmez ; mais, je dois l'avouer, je n'ai pas été touché très fortement de son argumentation.

D'abord il ne s'agit nullement ici de poser un principe en fait de rachat et d'exploitation. Il s'agit d'une affaire qui doit être examiné isolément, abstraction faite de toute espèce de question de principe.

Je crois, messieurs, avec la section centrale, qu'il y a ici obligation morale, qu'il y a une espèce de connexité entre le fait du refus et celui du rachat par l'Etat.

Mais on dit que chaque fois qu'une compagnie voudra faire racheter un chemin de fer, elle fera une convention pour la cession de la ligne ; et que si vous refusez de ratifier cette cession, vous serez obligés de racheter vous-même.

Mais, messieurs, chaque affaire doit être examinée isolément, et je doute qu'il s'en présente jamais dans les conditions où celle-ci se trouve. En effet, il y a ici un arrangement fait avec le gouvernement pour modifier les statuts d'une compagnie, précisément afin de permettre à celle-ci l'aliénation des lignes qui sont entre ses mains. Un premier acte vient ratifier la cession de l'une de ces lignes, la principale.

Lorsqu'il s'agit, peu de temps après, de ratifier la cession de la seconde de ces lignes, la moins importante, le gouvernement oppose son

Il n'y a là, je le répète, des circonstances tout à fait spéciales et dont (page 773) vous devez tenir compte. Quand d'autres compagnies auront à tirer parti de leur exploitation, nous verrons s'il y a une nécessité aussi absolue que dans le cas actuel, de refuser l'autorisation à ces compagnies, si toutefois cette autorisation doit être accordée. Mais je pose en fait que si vous empêchez une autre compagnie de tirer le fruit qu'elle peut attendre de son exploitation, d'opérer comme elle le juge convenable à ses intérêts, vous lui devez une compensation quelconque. Vous devez admettre ce principe. La propriété d'un chemin de fer ne diffère pas des autres propriétés, et vous ne pouvez pas frapper cette propriété d'une espèce d'interdit. Ce serait en partie la suppression du droit de propriété.

En vertu de quoi le gouvernement s'est-il opposé à la vente du chemin de fer ? On vous l'a dit, c'est en vertu d'une disposition qui a été introduite, après coup, aux statuts de la société anonyme, car le cahier des charges ne contient aucune clause qui défende aux concessionnaires primitifs de donner à bail l'exploitation des lignes concédées. Cette clause a été insérée dans les statuts de la société anonyme ; pourquoi ? Parce que ceux qui dirigent les sociétés anonymes n'ayant pas de responsabilité, l'Etat doit veiller à l'intérêt des actionnaires, et c'est pour parer à l'éventualité de quelque transaction irrégulière, qu'il a jugé à propos d'introduire cette clause. Il est évident que ce n'était pas en vue de se refuser à la location à la compagnie du Nord, puisque l'introduction se faisait précisément en vue de la cession.

Messieurs, en rachetant le chemin de fer de Mons à Manage, vous écartez pour toujours la possibilité de voir passer cette ligne dans les mains d'une compagnie étrangère très puissante et que vous avez reconnu qu'il y aurait certains dangers à ce que cette compagnie fit de trop grands empiétements dans notre réseau de chemins de fer.

Vous empêchez en même temps à tout jamais la coalition de sociétés en relation avec la compagnie de Mons à Manage, coalition qui amènerait les mêmes résultats que la location du chemin de cette dernière compagnie à la compagnie du Nord.

Vous maintenez de plus un affluent qui a pour le chemin de fer de l'Etat une très grande valeur.

Cet affluent a procuré en une année une recette brute de plus d'un million de francs.

C'est donc un affluent d'une importance extrême ; il y aurait un préjudice considérable à voir les transports venant de cette source prendre une autre direction.

On a dit, je le sais, que ce n'était pas à craindre. Il faut avoir peu d'expérience de la manière dont s'exploitent les chemins de fer, pour croire qu'il n'est pas très aisé aux compagnies de détourner des transports, sans avoir dans des tarifs ostensibles des taxes plus favorables. Il suffit pour cela de donner quelques facilités pour l'usage des waggons ou d'employer d'autres moyens analogues. Les compagnies de chemin de fer le savent. C'est pour cela que les grandes exploitations achètent les petites lignes qui peuvent leur servir d'affluents ou de débouchés.

Les tarifs sont fixés par le gouvernement, il est vrai, mais on peut avoir recours à des moyens indirects, et il y en a une foule, pour favoriser telle direction plutôt que telle autre.

Il y a encore la question de droit ; j'admets qu'en droit strict le gouvernement pouvait refuser d'autoriser la cession à la compagnie du Nord, sans contracter aucune obligation, envers la société de Mons à Manage.

Mais comment regarde-t-on les particuliers qui, ne consultant que leur intérêt propre, poussent toujours leur droit jusqu'à la dernière limite ? Ces gens-là jouissent de peu de considération. Les devoirs du gouvernement ne sont pas autres que ceux des particuliers. Il est difficile que l'Etat use de son droit strict, rigoureux, pour imposer à une compagnie l'interdiction de tirer fruit de son exploitation, pour obliger à continuer une exploitation onéreuse et elle doit l'être ici, car une exploitation isolée de 25 kilomètres ne peut pas être fructueuse.

Dans ces conditions, user de son droit strict, ce serait presque en abuser. C'est ce qui a déterminé l'administration précédente, quand elle a refusé d'autoriser la cession, à effectuer en même temps le rachat. II y a connexité entre ces deux résolutions.

Messieurs, l'honorable M. Pirmez a démontré qu'au point de vue financier l'opération devait être désastreuse.

Il a présenté des chiffres qui doivent avoir jeté quelque inquiétude dans vos esprits ; il est très difficile dans une discussion d'entrer dans le détail des chiffres, dans le détail des frais d'exploitation et de comptes de produit net. Aussi je laisserai de côté les chiffres. Je tâcherai de rencontrer les principales objections de l'honorable préopinant, en vous signalant quelques faits principaux propres, me paraît-il, à vous tranquilliser.

D'abord, comme vous pouvez le voir par le rapport de la section centrale, l’affaire dont il s'agit a été l'objet d'un examen tout particulier ; elle a été passée au crible comme jamais aucune autre ne l'a été ; elle a fait l'objet d'un rapport très hostile de la section centrale de la précédente législature. Votre section centrale a eu connaissance de ce rapport, elle s'est éclairé de tous les renseignements réunis avant elle, elle en a recueilli de nouveau, et ce n’est qu'après l'examen le plus approfondi qu'elle vous a proposé l'adoption du projet de loi ; c'est là, ce me semble, une garantie.

Un autre fait qu'on ne peut pas contester, c'est que le produit du chemin de fer de Mons à Manage a été de 1,130 mille francs l'année dernière ; il a toujours été en progressant depuis sept ans et le progrès continue. S'il y a quelque raison pour qu'il s'arrête, il y en a aussi pour qu'il augmente ; c'est ce que nous examinerons tout à l'heure.

Je dis que le produit brut a été de 1,130,000 francs. Le chemin de Mons à Manage est très fécond en transports et par conséquent en recettes.

Or la proportion des dépenses relativement au produit brut augmente ou diminue, selon qu'un chemin de fer a beaucoup ou peu de transports et par suite beaucoup ou peu de recettes brutes.

On vous a effrayés, messieurs, en disant que le chemin de fer de l'Etat s'exploite à 58 p. c. Mais, je le répète, la dépense proportionnelle d'un chemin de fer dépend en grande partie de la ressource que le chemin de fer offre en lui-même. D'ailleurs, quand on calcule la moyenne de la dépense d'exploitation de notre chemin de fer, on oublie que dans cette dépense sont compris des postes nombreux, s'élevant à des sommes considérables qui devraient figurer parmi les fonds de premier établissement ; on oublie encore que dans cette moyenne sont compris les frais d'exploitation des chemins de fer des Flandres.

Il est évident que, si on laissait tout cela de côté, on arriverait à une proportion toute différente.

Si l'on prenait la ligne d'Anvers isolément. La différence serait bien plus favorable encore. D'où il faut conclure que pour juger de la proportion de la recette à la dépense, il faut tenir compte de la condition spéciale dans laquelle se trouve chaque chemin de fer. Or, je le répète, le chemin de fer de Mons à Manage est très fécond en transports et en recettes ; il produit des recettes très fortes, tandis que la dépense proportionnelle est très faible.

Admettons que, dans ces conditions très favorables la dépense d'exploitation du chemin de fer de Mons à Manage aille même à 50 p. c. ; il vous restera encore 565,000 francs environ de recette nette.

Quand on établit le prix à payer du chemin de fer de Mons à Manage, il y a deux choses qu'il ne faut jamais perdre de vue, c'est que la contre-valeur de ce prix est représentée d'une part, par le produit direct du chemin et d'autre part, par la perte que vous évitez.

J’ai dit que l'affluent du chemin de fer dont nous nous occupons est d'un million ; en 1856 il a diminué quelque peu, mais par des causes qu'il serait facile d'expliquer ; de sorte qu'on peut maintenir l'évaluation d'un million.

Eh bien, la compensation du sacrifice que vous faites en payant la rente annuelle, vous la trouvez d'abord dans le produit propre de chemin de fer, puis dans la valeur du chemin de fer comme affluent. Ce produit propre, vous le connaissez, messieurs, je viens de vous dire que la recette brute est de 1,130,000 fr. ; en n'en prenant que la moitié cela fait 565,000 fr., ajoutez à cela ce que vous avez à préserver comme affluent et vous aurez certainement une somme supérieure à la rente que vous devez payer.

On vous a beaucoup effrayés, messieurs, sur le chiffre de cette rente ; on l'a fait monter jusqu'à 750,000 francs. C'est là le résultat des indications plus ou moins erronées du rapport de la première section centrale.

Cette section, messieurs, évaluait à 200,000 francs au moins la perte que devait infailliblement occasionner à l'Etat le rachat du chemin de fer de Mons à Manage. Son rapport a paru au commencement de 1857 et son assertion était démontrée par des chiffres. Eh bien, nous connaissons aujourd'hui les résultats de l'exploitation en 1857, et il se fait qu'au lieu du déficit annoncé, il y a eu au-delà de la rente à payer à la compagnie un bénéfice de 46,000 francs.

Mais, nous dira-t-on, vous avez ce boni parce qu'on n'a pas fait en temps opportun toutes les dépenses d'entretien qu'on aurait dû faire.

Je le veux bien ; j'admets qu'on aurai tpu dépenser plus que l'on n'a fait, mais vous ne dépasserez jamais, pour l'entretien normal de ce chemin de fer, très productif et dans d'excellentes conditions d'exploitation, la proportion de 50 p. c ; il est donc impossible d'aboutir à un déficit comme celui qui a été annoncé.

On a dit, messieurs, que les produits de la ligne de Mons à Manage devaient décroître. Je ne le pense pas. Cette opinion est basée sur ce que l'ouverture du chemin de fer des Ecaussines aurait pour effet de diminuer considérablement la valeur du chemin ; que cela porte quelque préjudice aux recettes actuelles de cette dernière ligne, je le veux bien ; mais je crois que ce préjudice sera contrebalancé par l'ouverture du chemin de fer de Mons à Haumont.

Au surplus, ce chemin de fer des Ecaussines n'est pas une conception nouvelle ; on savait qu'il devait être construit lorsque la compagnie du Nord a déterminé son prix ; et, quoi qu'on en pense, on ne prétendra sans doute pas que cette intervention de la compagnie du Nord n'a été qu'une comédie et que son prix a été établi dans la prévision que le gouvernement, après avoir autorisé la cession du chemin de fer de Namur à Liège, n'autoriserait pas celle du chemin de fer de Mons à Manage.

A part l'intérêt que présente l'ouverture du chemin de fer de Mons à Hautmont, vous avez encore, dans la direction de Mons les transports qui se font par le canal de Mons à Condé. Or, cette voie restera toujours ouverte, quoi que l'on fasse.

A ce propos, je dirai qu'il y a même pour l'Etat un intérêt puissant, l'expérience le prouve, à ne pas livrer, d'une manière trop absolue, tous les transports de charbons belges vers la France au bon vouloir d'une (page 774) seule compagnie ; il importe extrêmement que l'Etat conserve une certaine liberté d'action ; parce que la compagnie du Nord, afin d'attirer les transports sur sa ligne, où le parcours est très long, afin de forcer les exploitants à diriger sur sa ligne leurs produits, pourrait gêner considérablement dans leurs opérations. Il importe donc beaucoup que la ligne de Mons à Manage reste à l'abri de cette éventualité, et cela ne peut être qu'à la condition qu'elle soit entre les mains de l'Etat.

Cette ligne, messieurs, forme une enclave au milieu du réseau de l'Etat ; c'est une raison de plus pour qu'on ne la laisse pas passer en d'autres mains, et puisque l'occasion s'offre de l'acquérir, je crois qu'il y aurait faute à ne point la saisir.

Je le répète, pour moi le fait du refus signifié à la société de Mons à Manage d'abandonner sa concession à la compagnie du Nord, impose à l'Etat l'obligation morale de se substituer à cette dernière. La section centrale en a jugé ainsi, et je pense qu'elle est plus dans le vrai que l'honorable orateur qui a pris la parole en dernier lieu. Cette obligation morale, messieurs, je crois que vous pouvez le remplir avec d'autant plus de sécurité qu'en fait l'opération est évidemment avantageuse au point de vue financier.

J'apprécie les intérêts très grands qui peuvent ne pas trouver leur satisfaction dans cette mesure ; mais, en me plaçant à un point de vue plus général, je dois dire que l'Etat me semble engagé de la manière la plus sérieuse à conserver la direction de la ligne de Mons à Manage.

On a dit (j'avais oublié de rencontrer cet argument) que l'Etat est toujours maître d'empêcher les transports de suivre une direction irrégulière, ou du moins de traiter ces transports comme il l'entendait ; que par exemple, puisqu'il faut passer par la station de Manage, il suffirait d'établir un droit de cinq francs pour arrêter immédiatement ces transports par cette voie. Mais il est évident qu'un pareil moyen ne pourrait pas être employé ; j'ai le droit, je pense, de dire que cet argument n'est réellement pas sérieux.

On a aussi fart le reproche au gouvernement de reprendre la ligne afin de priver une autre compagnie des profits légitimes qu'elle pouvait attendre de son entreprise. On a dit que l'Etat ayant un minimum d'intérêt à payer, devait au contraire tenir à ce que les transports se dirigeassent, sur cette ligne plutôt que sur la sienne. Messieurs, l'affluent représente, ainsi que je l'ai dit, une somme d'environ 1 million, et la garantie du minimum d'intérêt comporte, si je ne me trompe, 200,000 fr. Or, ce serait un très mauvais calcul que de renoncer à une recette d'un million pour être dispensé d'en payer peut-être 200,000.

On a dit aussi que le gouvernement ne devait pas détourner les transports de leur direction légitime. Mais ce n'est pas ce qu'il veut faire. Il comprend très bien que si l'on a créé la ligne de Manage à Wavre, c'est pour profiter des transports qui devaient naturellement suivre cette direction, et il se gardera bien de venir en aucune circonstance entraver ces expéditions. Mais autre chose est de laisser à chacun les transports qui lui appartiennent naturellement, autre chose est de détourner les transports de leur voie régulière ; or, c'est précisément parce qu'il y aurait à craindre que ce détournement n'eût lieu à son détriment, que le gouvernement a cru qu'il était utile de racheter la ligne de Mons à Manage. Du moins c'est un des motifs qui l'ont déterminé.

Je bornerai là pour le moment mes observations.

- La séance est levée à quatre heures et demie.