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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 28 janvier 1858

Séance du 28 janvier 1858

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1857-1858

(page 145) (Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Vander Stichelen procède à l'appel nominal à 3 heures et un quart ; il donne ensuite lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Vermeire présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Les sieurs Quenon et Sainctelette, vice-président et secrétaire du comité des houillères du Couchant de Mons, prient la Chambre de décréter la suppression complète de tous péages sur les canaux de Mons à Condé et de Pommerœul à Antoing et sur la Lys, si elle accorde la réduction des droits de navigation demandée paroles exploitants du Centre et de Charleroi. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.

M. Lange. - Je demande que cette pétition soit renvoyée à l'examen de la commission d'industrie, comme on l'a fait pour d'autres pétitions relatives aux péages du canal de Charleroi.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Arnout, blessé de septembre, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir la pension dont jouissent les blessés de septembre. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Raimon, ancien officier supérieur de volontaires et ancien commandant de Bouillon, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir une pension et l'arriéré de son traitement. »

- Même renvoi.

« Des habitants de Honnay demandent la réforme de la loi sur la milice dans le sens des enrôlements volontaires.

« Par 62 pétitions, des habitants de Bruxelles, Bonsin, Merdorp, Schrick, Meeswyck et Leuth, Heusden, Strée, Ohain, Dilsen, Mellen, Bierset, Xhendelesse, Dorinne, Moustier-sur-Sambre, Crupet, Dison, Thorembais-les-Béguines, Welkenraedt, Neufchâteau, Jeneffe, Solre-Saint-Géry, Vlisseghem, Saint-Nicolas, Ottergem, Steenhuyze-Wynhuyze, Dongelberg, Boitshoucke, Moerbeke, Everbeke, Duysbourg, Gingelom, Philippeville, Mariakerke, Heusies, Mussy-la-Ville, Stoumont, Reid, Dairomont, Bois-de-Villers, Meslin-Levêque, Moere, Moen, Rillet, Longvilly, Nollevaux et Plainevaux, Bellevaux, Noirefontaine, Froidlieu, Pesche, Virton, Hollogne, Musson, Durnal, Spontin, Conneux, Bellefontaine, Waha et les membres du conseil communal de Hoerbeke font la même demande.

- Renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un rapport spécial.


« Des bateliers du canal de Charleroi et du canal de Bruxelles demandent une réduction sur les péages du canal de Charleroi. »

- Renvoi à la commission permanente de l'industrie.


« Le bourgmestre de Durnal se plaint de ce que l'arrêté royal du 28 octobre 1857 ne fixe qu'un seul marché régulateur pour la province de Namur. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des candidats en médecine demandent que la session de Pâques soit maintenue cette année, pour l'examen du premier doctorat en médecine, chirurgie et accouchements. »

- Même renvoi.


« Des meuniers et huiliers à Aerseele demandent la révision de leur patente. »

- Même renvoi.

Projet de loi augmentant le personnel des tribunaux d’Anvers et de Namur

Rapport de la commission

M. Ch. Lebeau. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission qui a été chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'augmentation du personnel des tribunaux d'Anvers et de Namur.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à l'ordre du jour de demain.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des travaux publics

Rapport de la section centrale

M. A. Vandenpeereboom. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi portant demande d'un crédit de 500 mille fr. au département des travaux publics pour travaux à exécuter à la Grande-Nèthe, à l'Yser et au canal de Plasschendael par Furnes et Nieuport à la frontière de France.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l’ordre du jour.

Projet de loi portant le budget du ministère de la justice de l’exercice 1858

Discussion du tableau des crédits

M. le président. - La section centrale n'a introduit au budget qu'un amendement auquel le gouvernement s'est rallié, et qui consiste dans une réduction de 3,400 francs à l'article 27.

- Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la Chambre passe à la discussion des articles.

Chapitre premier. Administration centrale

Articles 1 à 5

« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Traitement des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 200,800. »

- Adopté.


« Art. 3. Matériel : fr. 26,000. »

- Adopté.


« Art. 4. Frais d'impression de recueils statistiques : fr. 6,000. »

- Adopté.


« Art. 5. Frais de route et de séjour : fr. 6,000. »

- Adopté.

Chapitre II. Ordre judiciaire

Articles 6 et 7

« Art. 6. Cour de cassation. Personnel : fr. 215,600.

« Charges extraordinaires : fr. 3,500. »

- Adopté.


« Art. 7. Cour de. cassation. Matériel : fr. 5,250. »

- Adopté.

Article 8

« Art. 8. Cours d'appel. Personnel : fr. 551,500.

« Charges extraordinaires : fr. 22,000. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Ce chiffre devra être augmenté d'une somme de 36,250 fr. par suite du vote de la loi relative à l'augmentation du personnel de la cour de Liège, ce qui porterait l'allocation à 609,750 fr.

- L'article ainsi modifié est mis aux voix et adopté.

Articles 9 et 10

« Art. 9. Cours d'appel. Matériel : fr. 18,000. »

- Adopté.


« Art. 10. Tribunaux de première instance et de commerce : fr. 1,030,855.

« Charges extraordinaires : fr. 18,216. »

- Adopté.

Article 11

« Art. 11. Justices de paix et tribunaux de police : fr. 564,960.

« Charges extraordinaires : fr. 5,670. »

M. J. Jouret. - Messieurs, à propos de l'article 11 du budget de la justice, je désire faire à la Chambre et à M. le ministre de la justice quelques observations sur la manière dont la loi du 1er mai 1849 est exécutée, quant à l'appel devant cette juridiction inférieure.

Le Code de brumaire an IV par application de ce qu'avait statué la Constitution de l'an III, avait interdit d'une manière absolue l'appel des jugements de simple police.

On en conçoit la raison, messieurs ; le législateur n'avait pas voulu que, pour des infractions d'une importance aussi minime, on pût compliquer la procédure, multiplier les formalités, autoriser des rigueurs que ne pouvaient légitimer ni la vindicte publique ni l'intérêt de la société.

La seule voie pour attaquer ces jugements était le recours en cassation.

Les rédacteurs du Code d'instruction criminelle ont modifié cette règle qui était trop rigoureuse ; mais en restreignant, par l'article 172, l'appel aux seuls cas où l'emprisonnement avait été prononcé et où l'amende était d'une somme supérieure à 5 francs, le législateur n'avait, dans sa sagesse, ouvert cette voie qu'au prévenu.

Le ministère public ne pouvait dans aucun cas et pour aucun motif appeler des jugements de simple police. Il n'avait le droit de les attaquer que par la voie de la cassation.

Messieurs, la loi du 1er mai 1849 sur les tribunaux de police simple et correctionnelle est venue introduire une tout autre législation dans, cette matière.

Aux termes de l'article 5 de la loi, les jugements rendus par les tribunaux de simple police peuvent, dans tous les cas, être attaqués par la voie de l'appel.

Je pense, messieurs, que cette innovation n'a pas été heureuse A l'époque où la loi du 8 mai 1849 a été portée, j'étais moi-même membre de la magistrature, inférieure à la vérité ; j'étais juge de paix. Consulté à ce titre, je ne manquai pas d'émettre l'avis que cette innovation me semblait extrêmement malheureuse et qu'elle produirait des effets dont on aurait très peu à se louer. Les événements sont venus confirmer ces prévisions ; et il serait bien désirable que l'on pût revenir, non pas au régime de la loi de brumaire an IV, mais du moins à celui du Code d'instruction criminelle, qui autorise l'appel dans les cas que je viens d'avoir l'honneur de, spécifier à la Chambre.

(page 146) Qu’arrive-t-il, en effet, devant les tribunaux de simple police ? Les prévenus sont toujours appelés devant ces tribunaux pour des infractions extrêmement légères. Il s'agit, en effet, d'embarras sur la voie publique, d'oublis de balayer les rues, de dépôts momentanés sur la voie publique d'objets quelconques, d'immondices ; il s'agit encore d'injures verbales légères et de toute espère de contraventions consignées dans le 4ème livre du Code pénal. Une condamnation à une amende inférieure aux conclusions du ministère public ou un acquittement interviennent-ils ? Presque toujours il y a appel, et quelles en sont les conséquences ? C'est que de malheureux prévenus, souvent des ouvriers, de pauvres pères de famille qui n'ont qu'un léger pécule gagné à la sueur de leur front, se voient appelés devant un tribunal supérieur pour répondre à un malencontreux appel ; et il arrive que les tribunaux correctionnels étant extrêmement éloignés des tribunaux de simple police, l'appel occasionne des frais énormes. Ainsi, je citerai, par exemple, le tribunal de simple police de Lessines qui m'est particulièrement connu ; ce tribunal est éloigné de 7, 8 et 9 lieues du chef-lieu de l'arrondissement.

Eh bien, qu'arrive-t-il ?

Le malheureux qui a été acquitté et dont l'acquittement est l'objet d'un appel, doit se transporter à 8 ou 9 lieues, il a à citer trois ou quatre témoins à décharge, qui coûtent 8 à 10 francs chacun ; il a à payer un avocat. Comme ces petites infractions sont presque toujours commises par des personnes dont les ressources sont très modestes, il en résulte que, acquitté ou condamné, le malheureux est ruiné. Voilà le résultat de l'appel. Je ne parle pas des personnes qui ont des ressources ; mais je parle de l'ouvrier, et j'ai eu très souvent, tous les jours, dirai-je, l'exemple de pareilles choses, où j'ai eu à déplorer cette réforme faite en 1849, et où mon expérience de magistrat me disait qu'il eût été bien préférable de ne pas ouvrir la voie d'appel dans des cas semblables.

Messieurs, en définitive la vindicte publique, l'intérêt de la société ne sont-ils pas excessivement minimes dans ces petites infractions, et fallait-il ouvrir la voie de l'appel pour des faits de si petite importance ? Je pense que non. J'espère que M. le ministre de la justice, qui est un homme d'expérience profonde, croira, comme moi, qu'il y a lieu de revenir, à la première occasion, à la législation du Code d'instruction criminelle sur cette matière.

J'ai parfaitement compris, lorsque cette innovation a été proposée lors de la loi de 1849, qu'on ouvrît la voie d'appel pour les catégories de délits dont on donnait exceptionnellement la connaissance au juge de paix par l'article 2 de cette loi. C'était une expérience qu'on voulait faire. Il y avait une grande utilité à ouvrir la voie d'appel pour ces sortes de délits qu'on déclassait et qu'on mettait sous la juridiction des juges de paix. Mais c'était une erreur véritable que d'ouvrir l'appel pour toutes les autres contraventions simples ; c'était une erreur véritable encore que d'ouvrir l'appel pour tous les délits qui, conformément à une décision de la chambre du conseil, étaient, par cette même loi, rangés dans la catégorie des contraventions.

Il n'y avait aucune espèce d'utilité, et le législateur de la constitution de l'an III, de même que celui du Code d'instruction criminelle, avaient été infiniment plus sages. Je suis convaincu qu'en modifiant cette partie de la législation pour des contraventions d'un si petit intérêt, on a ouvert la voie à de véritables vexations que ne légitiment en aucune manière ni la vindicte publique, ni l'intérêt de la société.

Messieurs, puisque j'ai la parole dans ce moment, j'en profiterai pour attirer l'attention de M. le ministre de la justice sur un autre objet qui ne me paraît pas moins important. Je veux parler de la recommandation qui a été faite aux magistrats des différentes juridictions, de faire comparaître les parties volontairement, au moyen de l'article 147 du Code d'instruction criminelle, par avertissement, en évitant de faire des citations par huissier, et cela en vue d'économie. Je pense que, mise à exécution d'une manière absolue, cette mesure a été également fâcheuse. Tout homme d'expérience, et je crois en avoir acquis un peu en cette matière, ayant été juge de paix pendant à peu près vingt-trois ans, doit regarder cette mesure comme offrant infiniment d'inconvénients.

Et, messieurs, l'observation que je fais à cet égard vient d'autant plus à propos que, dans l'exposé des motifs du crédit supplémentaire au budget de la justice de 1857 que la Chambre a adopté hier après le rapport fait par l'honorable M. Savart, nous lisons le passage suivant où. M. le ministre de la justice semble légitimer les craintes que j'ai de voir ce principe appliqué avec trop de rigueur :

« Cet excédant de dépenses, en matière de frais de justice, doit être attribué, en grande partie, aux circonstances du temps, qui ont amené une augmentation dans le nombre des délits et des prévenus. Au surplus, il y a du relâchement dans l'observation des mesures économiques recommandées par l'administration, notamment en ce qui concerne les huissiers, au ministère desquels on recourt trop souvent pour les citations à comparaître en justice et autres notifications. »

Remarquez, messieurs, que presque toujours les personnes qu'on invite ainsi à se présenter devant la justice se refusent à se rendre à cette invitation. Il est extrêmement rare de rencontrer de la bonne volonté sous ce rapport, au moins dans les parties du pays que je connais plus particulièrement.

Non seulement les prévenus ne se rendent pas à l’invitation qui leur est faite de la part de l’autorité, mais ils tâchent de détourner les témoins de s’y rendre, et qu’arrive-t-il ? C’est qu’il y a impossibilité radicale de terminer les affaires. On doit remettre une affaire deux ou trois fois jusqu'à ce que l'on se décide enfin à faire des citations. Je dis, messieurs, que cette manière de faire offre de très grands inconvénients et porte un grand préjudice au prestige dont la justice doit être toujours entourée et à la dignité de ceux qui en sont les organes.

Un criminaliste célèbre, M. Comte, dans son Traité de législation, a dit à cet égard une grande vérité : « Ce n'est pas, a dit M. Comte, la gravité des peines qui constitue leur efficacité, mais c'est plutôt la certitude et la promptitude de leur application. »

Il me semble que cette observation est profonde et saisissante de vérité. Tous les hommes pratiques devront reconnaître que la première condition d'une bonne administration de la justice, c'est que jamais il n'y ait de doute possible sur le droit qu'a la justice de se faire obéir. Eh bien, messieurs, j'ai été souvent froissé d'un spectacle qui avait quelque chose de blessant et qui me faisait souffrir : j'ai vu des prévenus et des témoins venir au prétoire, narguer en quelque sorte les magistrats et avoir l'air de leur faire entendre qu'ils n'avaient pas le droit de les inviter à se rendre devant eux.

Vous comprenez donc, messieurs, que les magistrats éloignent autant que possible ce mode d'invitation et qu'ils ont presque toujours recours à la citation pour éviter de semblables inconvénients.

Ce qu'il y a de plus pratique et de plus logique à faire à cela, c'est que les juges et les fonctionnaires du parquet se bornent à donner des avertissements aux personnes qu'ils savent être dans l'obligation, par les fonctions publiques dont elles sont revêtues, d'obéir à leurs invitations ou qui, du moins, ont des raisons de déférence envers l'autorité. Quant à moi, j'approuve hautement les magistrats qui ne donnent des avertissements que quand ils ont la certitude qu'on devra nécessairement s'y conformer. Je les approuve d'oublier les petites économies qu'il s'agit de faire, qu'il est bon pourtant de faire quand on le peut, et de n'agir, en cela, que conformément à ce qui convient à leur propre dignité et à l’intérêt de la bonne administration de la justice.

J'ai cru faire chose utile en signalant ces deux objets à l'attention de M. le ministre de la justice.

M. Lelièvre. - La question soulevée par M. Jouret, relativement à l'appel des jugements des tribunaux de simple police ne me paraît pas aussi évidente qu'à notre honorable collègue. Le droit d'appel accordé par la loi de 1849 au ministère public est la conséquence nécessaire de l'extension donnée à la juridiction du juge de paix, extension qui non seulement a été décrétée par la loi dont il s'agit, mais aussi par diverses lois subséquentes qui ont également admis la compétence des juges de paix dans plusieurs matières importantes. Les Chambres législatives ayant ainsi adopté le système d'extension de la juridiction des magistrats dont il s'agit, il était naturel d'accorder le droit d'appel non seulement au prévenu, mais aussi au ministère public et à la partie civile.

Ne perdons pas de vue d'ailleurs que dénier le droit d'appel au ministère public, c'est s'exposer à voir passer en force de chose jugée les décisions les plus erronées en droit. En effet le recours en cassation doit en général être exercé dans les 24 heures ; or, comme il existe rarement près des tribunaux de simple police des officiers du parquet en position de connaître parfaitement l'importance des questions résolues par le jugement, d'ordinaire le recours en cassation ne sera pas exr cé, et par conséquent les tribunaux de simple police seraient juges souverains des points de droit les plus ardus.

Enfin il est à remarquer que le système qui refuse le droit d'appel au ministère public doit également le dénier à la partie civile. Or il résulte de cet ordre des choses, que celle-ci ne pourrait avoir aucun recours efficace contre des décisions qui statueraient sur des intérêts civils très importants, les faits du ressort des tribunaux de simple police, aux termes du Code d'instruction criminelle, peuvent souvent donner lieu à des réclamations civiles d'un chiffre assez élevé. Eh bien, est-il juste et conforme aux règles d'une bonne législation de laisser statuer sur ces demandes un magistrat servant seul d'organe à la justice ? La partie civile, éconduite de sa demande, se verrait souvent dénuée de tout recours.

Je pense donc que le droit d'appel a été accordé à juste titre à toutes les parties par la loi de 1849, et qu'il ne peut être question de changer cette législation.

J'ajoute que, dans mon opinion, l'extension des attributions des tribunaux de simple police a produit de bons fruits et que sous ce rapport l'on ne peut songer à revenir aux principes du Code d'instruction criminelle, concernant l'objet du débat actuel.

M. J. Jouret. - J'aurai l'honneur de faire observer à l'honorable M. Lelièvre qu'en signalant les graves questions de droit qui peuvent se présenter devant le tribunal de simple police, qu'en faisant ressortir d'un autre côté les difficultés du système qui se borne à donner le recours en cassation dans ces circonstances, il a fait le procès à la loi de brumaire an IV et à la constitution de l'an III. Cependant ce régime, jusqu'à la promulgation du Code d'instruction criminelle, de même que le régime sanctionné par ce Code, n'avait donné lieu à aucune espèce de réclamation ni de difficultés.

Et remarquez, messieurs, que lorsqu'on a modifié la législation en 1849, on n'a nullement été guidé par des considérations de droit criminel, on s'est laissé uniquement guider par des voies d'économie ; la question de droit criminel n'a nullement été agitée.

Je n'ai pas prétendu que l'appel pour les délits dont on avait attribué la connaissance aux juges de paix, fût inutile, au contraire, j'ai reconnu (page 147) qu'il était nécessaire que la voie d'appel fût ouverte dans ces cas spéciaux, qu'on faisait une expérience nouvelle et qu'il fallait qu'on eût l'œil ouvert sur la matière dont ces juridictions inférieures exécutaient une loi qui n'était pas sans importance.

L'honorable M. Lelièvre ne prouve pas qu'il y ait eu convenance, en 1849, à ouvrir la voie d'appel pour de simples contraventions. Il fallait, puisque le Code d'instruction criminelle avait admis l'appel dans un cas tout spécial, l'admettre également pour le cas spécial des délits qui étaient déférés à la connaissance des juges de paix.

Mais il eût été infiniment plus logique et surtout plus convenable, de ne pas l'admettre pour les contraventions simples, parce que c'était ouvrir la porte à des rigueurs inutiles, que j'ai indiquées et qui existent réellement, sans qu'elles soient utiles.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, par ce que viennent de dire les honorables MM. Jouret et Lelièvre, vous avez pu vous apercevoir que les deux systèmes ont leurs inconvénients. Le système du Code d'instruction criminelle a l'inconvénient de placer les intérêts de la vindicte publique et des contrevenants à la merci du juge de paix dont les sentences, dans certains cas, ne peuvent être attaquées que par la voie de cassation. Cet inconvénient est grave, sérieux, parce que des questions dans lesquelles des intérêts importants seraient engagés pourraient recevoir une solution qui ne serait susceptible de réformation que dans le cas de la violation de la loi.

Quant aux inconvénients signalés par M. Jouret, pour en apprécier l'étendue, il me manque un document, c'est la statistique des appels interjetés par le ministère public en matière de simple police. Par cette statistique, je pourrai voir si l'inconvénient signalé existe, faire droit administrativement à l'observation de l'honorable membre ; dans tous les cas elle sera examinée quand il s'agira de modifier cette partie de notre législation.

Quant à la faculté donnée aux magistrats de faire comparaître les prévenus sur avertissement, avant de donner assignation, ce système a été introduit sur l'initiative même de la Chambre. La Chambre a trouvé, non sans raison que les frais de justice allaient tous les ans en augmentant et que déjà ils atteignaient le chiffre de 700 à 800 mille fr. C'est pour parer à cet accroissement de dépenses qu'on a réduit ce chiffre de 400,000 francs, en recommandant le système suivi aujourd'hui.

Il est possible qu'il y ait certaines parties du pays où ce système présente des inconvénients.

C'est aux magistrats à voir si leur dignité peut être compromise, si des prévenus ou des témoins arrivent à leur audience sans vouloir répondre ou comparaissent pour les narguer, parce que ceux-ci ne sont contraignables que quand ils ont reçu une assignation. Je dois dire que s'il en est ainsi dans quelques parties du pays, dans d'autres ce système s'est parfaitement exécuté. C'est pour cela que nous avons reçu de si nombreuses réclamations de la part des huissiers. Là encore il ne faut pas maintenir de règle générale absolue ; là où le système est praticable, il est de l'intérêt de l’État de le maintenir, sous peine de voir encore augmenter les frais de justice et les plaintes de la Chambre se renouveler.

- L'article 11 est mis aux voix et adopté.

Chapitre III. Justice militaire

Articles 12 et 13

« Art. 12. Cour militaire. - Personnel, charge ordinaire : fr. 16,550.

« Charge extraordinaire : fr. 4,233. »

- Adopté.


« Art. 13. Cour militaire. Matériel : fr. 2,000. »

- Adopté.

Article 14

« Art. 14. Auditeurs militaires et prévôts, charge ordinaire : fr. 30,659.

« Charge extraordinaire : fr. 212. »

M. Moncheur. - Messieurs, les auditeurs militaires du pays ont adressé au Sénat et à cette Chambre une pétition à l'effet de voir leur position améliorée. Je crois de mon devoir d'appuyer cette pétition, parce qu'il existe des motifs très justes, des raisons très graves pour la prendre en sérieuse considération. En effet l'institution des auditeurs militaires est des plus importantes. Elle est, pour ainsi dire, le pivot de la justice militaire en Belgique. Cette institution est vraiment nationale et elle survivra à toute révision ou modification quelconque qu'on pourra faire de nos lois sur l'organisation de la justice militaire.

Sous le gouvernement hollandais, leurs traitements étaient de 5,500 francs la première classe et de 4,600 fr. la seconde. Ces traitements ont été réduits, j'ignore pourquoi, à la somme de 4,200 fr. pour la première classe et de 3,600 fr. pour la seconde.

Il est vrai que quand cette réduction a eu lieu, on a eu soin de dire dans l'exposé des motifs de la loi que si on réduisait ainsi les traitements de ces magistrats au strict nécessaire, c'était par une mesure purement provisoire, que lors de la réorganisation de la justice militaire, que l'on croyait déjà très prochaine, on pourvoirait aux besoins de ce service, selon ce qui paraîtrait juste et convenable. Mais il y a vingt-quatre ans de cela et cet ordre de choses provisoire existe encore. Or, messieurs, ce qui était de stricte nécessité à cette époque est devenu insuffisant aujourd'hui.

Et vous avez vous-même consacré cette vérité, car vous avez augmenté presque tous les traitements, surtout ceux des fonctionnaires de l'ordre judiciaire C'est ainsi que les procureurs du roi de 3ème et 4ème classe, au rang desquels les auditeurs militaires ont été placés, ont vu leur traitement augmenté d'un quart par une loi de 1845 ; plus récemment vous avez cru nécessaire et équitable d'augmenter aussi le traitement d'un très grand nombre de fonctionnaires d'un rang moins élevé. Il est juste de ne pas oublier cette catégorie de magistrats. Leurs fonctions sont tellement délicates et importantes qu'on doit leur assurer une véritable indépendance, attendre d'eux une intégrité parfaite et en exiger des connaissances profondes en jurisprudence ; le grade de docteur en droit est, dans tous les cas, requis. Or, quand on exige tout cela de fonctionnaires, soumis d'ailleurs à un travail incessant, il faut les payer convenablement. Et cela est d'autant plus nécessaire qu'aujourd'hui les auditeurs militaires n'ont réellement plus de carrière ; c'est-à-dire que la carrière dans laquelle ils entrent comme tels est sans issue, car ils n'ont aucune perspective d'avancement, comme en ont les autres magistrats de l'ordre purement civil. Autrefois la haute cour militaire était composée de magistrats permanents, et les auditeurs militaires pouvaient aspirer à en faire partie.

Maintenant, cette cour ne se compose que d'officiers supérieurs qui alternent et qui sont présidés par un membre délégué de la cour d'appel ; il n'y a donc plus moyen pour les auditeurs militaires d'arriver à une magistrature suprême ; c'est, vous le concevez, messieurs, un motif de plus pour leur faire une position convenable, en rapport avec l'importance de leurs fonctions.

Je me bornerai, pour le moment, à recommander leur réclamation à votre attention, messieurs, ainsi qu'à celle de M. le ministre de la justice, et je prie ce haut fonctionnaire de proposer, en leur faveur, dans son prochain budget, l'augmentation qu'il jugera juste et équitable.

M. Lelièvre. - En ce qui me concerne, je recommande à M. le ministre de la justice la présentation d'un projet de nouveau Code militaire, projet dont la nécessité est généralement reconnue. Le gouvernement en faisant droit à ma demande réalisera un progrès marqué. En France, semblable révision a eu lieu dernièrement ; j'appelle donc l'attention de M. le ministre sur ce point important.

- L'article 14 est mis aux voix et adopté.

Article 15

« Art. 15. Frais de bureau et indemnité pour feu et lumière : fr. 3,540. »

- Adopté.

Chapitre IV. Frais de justice

Articles 16 et 17

« Art. 16. Frais de justice en matière criminelle, correctionnelle et de police : fr. 270,000. »

- Adopté.


« Art. 17. Traitement des exécuteurs des arrêts criminels et des préposés à la conduite des voitures cellulaires, charge ordinaire : fr. 10,280.

« Charge extraordinaire : fr. 15,328. »,

-Adopté.

Chapitre V. Palais de justice

Article 18

« Art. 18. Constructions, réparations et entretien de locaux. Subsides aux provinces et aux communes poulies aider à fournir les locaux convenables pour le service des tribunaux et des justices de paix, charge ordinaire : fr. 35,000.

« Charge extraordinaire : fr. 40,000. »

Chapitre Vi. Publications officielles

Articles 19 à 22

« Art. 19. Impression du Recueil des lois, du Moniteur et des Annales parlementaires, pour laquelle il pourra être traité de gré à gré : fr. 150,000. »

- Adopté.


« Art. 20. Abonnement au Bulletin des arrêts de la cour de cassation : fr. 3,000. »

- Adopté.


« Art. 21. Publication d'un recueil des anciennes lois des Pays-Bas autrichiens, de la principauté de Liège et d'autres pays, dont le territoire est compris dans le royaume de Belgique ; publication d'un recueil d'instructions-circulaires émanées du département de la justice, depuis la réunion de la Belgique à la France, en 1795 ; impression d'avant-projets de lois et autres documents législatifs ; frais de route et autres des membres des commissions de législation : fr. 15,300. »

- Adopté.


(page 148) « Art. 22. Traitement d'employés attachées à la commission royale de publication des anciennes lois, nommés par le gouvernement : fr. 2,940. »

- Adopté.

Chapitre VII. Pensions et secours

Article 23

« Art. 23. Pensions civiles : fr. 10,000. »

- Adopté.

Article 24

« Art. 24. Secours à des magistrats et à des employés près des cours et tribunaux, ou à leurs veuves et enfants mineurs qui, sans avoir droit à une pension, ont des titres à un secours, par suite d'une position malheureuse, : fr. 11,500. »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je demanderai que ce chiffre soit augmenté de 300 francs, à prendre à l'article suivant. La somme de fr. 11,500 proposée à titre de secours à des magistrats et à des employés près des cours et tribunaux, ou à leurs veuves et enfants mineurs, n'est pas suffisante ; tandis que l'allocation demandée pour secours à des employés ou veuves et enfants mineurs d'employés de l'administration centrale est supérieure de quelques centaines de francs à la somme qui est strictement nécessaire.

Ce n'est donc qu'un simple transfert que j'ai l'honneur de proposer.

- L'article 24 est voté à la somme de 11,800 francs.

Articles 25 et 26

« Art. 25. Secours à des employés ou veuves et enfants mineurs d'employés de l'administration centrale du ministère de la justice, ou des établissements y ressortissant, qui se trouvent dans le même cas que ci-dessus : fr. 1,700 fr., au lieu de 2,000 fr. »

- Adopté.


« Art. 26. Secours à des employés ou veuves et enfants mineurs d'employés des prisons, se trouvant dans Je même cas que ci-dessus : fr. 3,000. »

- Adopté.

Chapitre VIII. Cultes

Article 27

« Art. 27. Clergé supérieur du culte catholique, personnel enseignant et dirigeant des grands séminaires, à l'exception de celui de Liège : fr. 315,100. »

M. le président. - La section centrale a opéré sur cet article une réduction de 3,400 francs, à laquelle M. le ministre de la justice a déclaré se rallier. L'allocation serait donc réduite à 311,700 francs.

M. Vanden Branden de Reeth. - Lors de la discussion du budget de la justice pour l'exercice 1856, la Chambre, sur la proposition du gouvernement, a voté à l'article 27 une augmentation de 3,400 fr.

Cette augmentation, qui figurait au budget au moment de sa présentation, y avait été introduite à la suite de réclamations adressées antérieurement au département de la justice.

L'insuffisance du crédit qui était alloué pour frais de bureau était motivée sur l'étendue du diocèse de Malines qui comprend, vous le savez, deux provinces importantes, le Brabant et la province d'Anvers, et qui renferme une population de 1,200,000 habitants.

On comprend, quand on examine la chose en elle-même et en la dégageant de tonte préoccupation étrangère, combien l'administration d'un pareil diocèse doit occasionner des écritures, des frais de déplacement et d'autres dépenses de toute nature. Pour l’administration des affaires religieuses comme pour l’administration des affaires civiles, il faut des secrétaires, des agents qui doivent être rétribués ; dans l'une pas plus que dans l'autre administration, ces agents ne peuvent se nourrir d'air. Eh bien, c'est précisément sur les frais de bureau qu'on prélève la dépense nécessaire pour les payer.

C'est, messieurs, ce qu'avait compris l'honorable prédécesseur de M. le ministre de la justice actuel, et c'est pour ce motif qu'il est venu demander une augmentation à la Chambre. J'ajouterai que c'est également ce qu'avait compris l'honorable ministre actuel de la justice, puisque, lors de la présentation de son budget, ce même crédit était porté au chiffre auquel il a été voté pour 1857.

Cependant l'une des six sections de la Chambre, la cinquième, a demandé la réduction du crédit à concurrence de la somme de 3,400 fr. ; la section centrale s'est ralliée à cette réduction, et elle la propose dans son rapport.

Ce qui m'a particulièrement engagé à prendre la parole, messieurs, ce sont les termes dans lesquels cette proposition de réduction a été présentée.

En effet, l'honorable rapporteur de la section centrale, au lieu de discuter la question de savoir si l'augmentation était motivée par les frais considérables de l'administration de ce vaste diocèse, par la nombreuse population qu'il renferme, s'est borné à dire que c'était un supplément de traitement accordé d'une manière indirecte à S. E. le cardinal-archevêque de Malines. A la suite de cette allégation, qui ne repose sur aucun fait, l'honorable rapporteur nous répète, de nouveau, ce qui a déjà été dit dans cette enceinte, il y a dix ans, quand on s'est également occupé du traitement du cardinal et des ministres.

Je ne rappellerai pas ce qui a été dit alors. Cependant, n'en déplaise à l'honorable rapporteur de la section, je persiste, de mon côté, à prétendre qu'il ne s'agit ici que d'une question d'administration et que ce n'est qu'à ce seul point de vue que l'augmentation a été votée au budget de 1857.

J'ajoute, de nouveau, que c'est ainsi également que M. le ministre de la justice a dû considérer la question, puisque cette augmentation a été maintenue par lui au budget que nous discutons. On a prétendu que c'était là le résultat d'une erreur d'impression, mais je dois croir -que s'il en avait été ainsi nous en aurions été informés comme nous le sommes dans toutes les circonstances de même nature.

Messieurs, la proposition de la section centrale sera-t-elle admise par la Chambre ? Je voudrais pouvoir en douter, mais je ne me fais pas d'illusion à l'égard du vote que la majorité est appelée à émettre. La manière dont les choses sont présentées dans le rapport m'indique assez quelle est la signification que l'on veut donner à cette mesure.

Messieurs, l'objet qui nous occupe est trop peu important pour attirer longtemps l'attention de la Chambre ; mais ce qui me paraît plus important, c'est de voir une grande opinion, arrivée récemment au pouvoir, y signaler sa présence par une mesure aussi mesquine. Je comprendrais, de la part de la nouvelle majorité, quelque grand acte, quelque mesure destinée à doter le pays d'une de ces améliorations qu'on nous a si pompeusement annoncées lorsque l'opinion libérale est arrivée au pouvoir, mais ce qui, à mes yeux, ne serait ni grand ni digne, ce serait une guerre à coups d'épingle.

M. Lelièvre. - Si la section centrale s'est occupée de l'objet de la discussion actuelle, c'est bien certainement en acquit d'un devoir impérieux et non par esprit d'hostilité envers qui que ce soit. La 5ème section avait formellement proposé de réduire de 3,400 francs l'indemnité accordée au cardinal-archevêque de Malines. La section centrale a dû dès lors délibérer sur le même objet et les motifs les plus sérieux l'ont engagée à adopter la résolution de la cinquième section.

N'oublions pas, messieurs, que l'indemnité supplémentaire dont il s'agit ne figurait pas aux budgets antérieurs à celui de 1857. Ce fut seulement en décembre 1856 qu'elle fut demandée pour la première fois par M. Nothomb, alors ministre de la justice, et l'honorable ministre, en la proposant, déclara en termes formels qu'elle n'avait pas été sollicitée par le cardinal, que c'était le gouvernement qui spontanément avait cru devoir la produire.

L'opposition combattit alors l'allocation comme non justifiée, et effectivement nos contradicteurs restèrent alors en défaut complet de vérifier leurs allégations.

Cet état de choses n'a pas changé. Aujourd'hui encore on ne nous donne aucun motif plausible à l'appui d'une allocation dont le chiffre avait été arrêté il y a plusieurs années, de concert entre le gouvernement et le cardinal, chiffre qui n'a jamais cessé, pendant nombre d'années, d'être reconnu suffisant.

Eh bien, existe-t-il de nouvelles causes justifiant un supplément d'indemnité ? Non, messieurs, puisqu'il est certain qu'aujourd'hui les voies de communication sont plus nombreuses et plus faciles qu'elles ne l'étaient autrefois et, par conséquent, les frais de déplacement ne sont certes pas devenus plus considérables.

Aussi en ce moment même nos contradicteurs ne se mettent-ils pas en mesure d'établir l'accroissement des dépenses que suppose l'augmentation admise l'année dernière. En l'absence de toute justification sous ce rapport, nous sommes bien autorisé à dire qu'en réalité il s'agissait d'augmenter indirectement le traitement du cardinal-archevêque, fixé à 21,000 francs en février 1849. Or le rapport de la section centrale déduit les motifs qui démontrent la véritable portée du principe qu'on cherche à faire prévaloir. Sous ce rapport l'élévation du traitement est le signe d'une suprématie dans l’État, et nous ne pouvons pas permettre que l'on puisse attribuer au prélat le plus éminent un rang qui l'élève au-dessus des ministres du Roi.

On reproche à l'opinion libérale d'avoir soulevé semblable question, alors qu'elle se trouve au pouvoir. Mais en cela nous prouvons que nous sommes des hommes de principe et que, parvenus au pouvoir, nous ne méconnaissons pas la conduite que nous avons tenue dans l'opposition.

Si nous avions admis l'allocation supplémentaire dont il s'agit, nos adversaires n'auraient pas manqué de nous opposer notre conduite antérieure et ils en auraient conclu, non sans motifs fondés, que notre opposition de 1856 était une pure tactique et n'avait pas le moindre caractère sérieux.

Il ne pouvait en être ainsi ; nous avions la conscience d'être dans le vrai, lorsque nous combattions, sur la fin de 1856, la proposition de M. Nothomb.

Nous sommes convaincus d'avoir pour nous la vérité et la justice lorsque nous persistons aujourd'hui dans le même système. La voie dès lors était nettement tracée, la section centrale a dû prendre la résolution consignée dans le rapport soumis à vos délibérations.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, quand je suis entré au département de la justice, j'ai trouvé le budget préparé. Le temps qui s'est passé, depuis notre arrivée au pouvoir jusqu'au moment de la présentation du budget, était trop court pour pouvoir examiner toutes les questions qui s'y rattachent.

J'ai donc présenté le budget tel qu'il existait, sans aucune espèce de modification, me réservant d'exaucer toutes les questions pour le jour (page 149) où il serait porté devant vous. C'est ce que j'ai fait et voici, en ce qui concerne le chiffre que nous discutons en ce moment, le résultat de mon examen.

Ainsi que vient de le dire l'honorable M. Lelièvre, le chiffre, tel qu'il était porté aux budgets antérieurs à l'année dernière, avait été arrêté en 1834 d'un commun accord entre M. l'archevêque de Malines et M. le ministre de l'intérieur, à cette époque mon honorable collègue d'aujourd'hui, M. Rogier.

Voici quelle était la situation avant 1834 :

L'archevêché de Malines avait pour frais de tournée et de secrétariat une somme de 2,000 florins (4,200 fr.).

L'évêché de Gand qui comprenait, à cette époque, la province de Flandre occidentale, avait également 4,200 francs.

M. de Mérode-Westerloo. - Le premier diocèse est double de l'autre.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Liège avait 1,200 florins (2,420 francs). Namur avait la même somme. Tournai avait 500 florins (1,055 francs).

Voilà quelle était la situation en 1834. En tout, pour les frais de bureau et de tournée des différents évêchés 14,290 francs.

M. le ministre de l'intérieur de cette époque proposa, par une lettre du 21 mars 1833, à M. l'archevêque de Malines, de faire disparaître les inégalités qui existaient entre les différents évêchés ; l'honorable M. Rogier proposa de répartir la somme de 14,290 fr. entre les cinq évêchés et de distribuer à chacun une somme de 3,000 fr.

M. l'archevêque de Malines, consulté, trouva qu'il y avait effectivement lieu de faire disparaître les inégalités, mais de partir d'un autre principe ; non pas de prendre à ceux qui avaient 4,200 fr. pour donner à ceux qui n'avaient que 1,200 florins, comme Liège et Namur, ou 500 florins, comme Tournai, mais de faire payer par le trésor à Liège, à Namur et à Tournai, une somme de 4,200 fr., et à donner à Malines une somme un peu supérieure.

C'est ce qui fut fait. Gand obtint 4,200 fr., Liège 4,200 fr., Namur 4,200 fr. et Tournai 4,200 fr. Bruges fut érigé quelque temps après et obtint également 4,200 fr. L'archevêché de Malines obtint 4,600 fr. Voilà ce qui fut fait par un arrêté de 1834.

Cet arrêté fut communiqué à M. l'archevêque de Malines qui fut bien loin de se plaindre. Au contraire, il remercia l'honorable M. Rogier de l'empressement qu'il avait mis à lui communiquer ces dispositions.

Cet état de choses a duré jusqu'à l'année dernière et les réclamations dont on a parlé n'ont jamais surgi, au moins d'après les pièces qui se trouvent au département de la justice. Il n'y a eu de réclamation d'aucune espèce. Je demande donc pourquoi cette augmentation a dû être portée au budget. L'honorable M. Vanden Branden a parlé de réclamation. Je nie le fait, et s'il y a quelqu'un ici qui prétende qu'il y a eu des réclamations, je le prie de faire connaître de quel prélat elles émanent.

M. Vanden Branden de Reeth. - C'est le ministre qui a dit qu'il proposait l'augmentation par suite des réclamations qu il avait reçues.

- Plusieurs membres : Il a dit le contraire.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Veuillez me permettre. M. le ministre a dit l'année dernière que Mgr l'archevêque de Malines ne lui avait pas adressé de réclamation ; mais il a dit aussi : Lorsque je me suis occupé de l'allocation dont il s'agit, j'ai naturellement examiné le dossier, et j'ai trouvé que les évêques avaient constamment signalé au gouvernement l'insuffisance des frais de tournée et de bureau.

Messieurs, j'ai dû naturellement me préoccuper des réclamations qui devraient avoir été faites. Je devrais les examiner. J'ai fait demander le dossier dans les bureaux et d'après la réponse des bureaux, ces réclamations n'y existent pas.

Je dis donc qu'il n'y avait aucune raison d'élever de 3,400 fr. les frais de tournée et de secrétariat pour le diocèse de Malines, et s'il y a eu une mesquinerie, ce n'est pas la gauche qui l'a commise. Ou bien l'on a voulu accorder indirectement un supplément de traitement à M. l'archevêque de Malines et alors c'est un tout autre principe qui est engagé, et ce principe n'est plus une mesquinerie. Si, au contraire, on n'a voulu que faire une chose agréable à M. l'archevêque et qui n'exigeait pas l'insuffisance de l'allocation, c'est une mesquine flatterie et c'est la droite qui en est coupable.

Je me rallie donc, messieurs, à la proposition faite par la section centrale en ce qui concerne la réduction du chiffre. Mais d'un autre côté il y a au même chapitre un article tout à fait insuffisant, c'est l'article 37 : Secours aux ministres du culte, secours à d'anciens religieux et religieuses ; je demanderai que la somme qui sera retranchée de l'article en discussion soit ajoutée à l'article 37.

Tous les jours, des demandes de secours arrivent au département de la justice et l'insuffisance de l'allocation me met dans l'impossibilité de venir en aide à des misères d'autant plus grandes et plus déplorables qu'elles atteignent des hommes qui ont rendu des services et connu l'aisance.

M. J. Lebeau. - Messieurs, j'ai hâte de déclarer, pour ceux d'entre vous dont je ne suis pas connu, que s'il ne s'agissait que d'une mesquine réduction de quelques milliers de francs sur le traitement d'un homme dont la haute position doit inspirer le respect de tout le monde ; s'il ne s'agissait que de cela, soyez persuadés que ni moi ni aucun de mes honorables collègues ne prendrions part au débat. Il est, messieurs, de ces représailles qui seraient déshonorantes pour ceux qui s'y livreraient et dont tout l'avantage serait pour ceux vers lesquels elles seraient dirigées. Si au-dessus de cette question il n'y avait pas, dans l'esprit de tout le monde. une question de principe, il n'est pas un homme sérieux, dans cette Chambre, dans l'opinion à laquelle j'ai l'honneur d'appartenir, il n'est pas un homme qui ne rougît d'apporter sa part d'efforts à une réduction du traitement de Mgr le cardinal-archevêque de Malines.

Abordons, messieurs, sans diplomatie et franchement, le véritable point de la question.

Vous savez déjà, messieurs, sans que personne en ait encore parlé, qu'il s'agit ici d'une question de suprématie, ou plutôt de dignité.

Tout le monde a été d'accord l'année dernière, au moins dans l'opposition, pour déclarer qu'il y avait ici une question de dignité pour le pouvoir civil, pour le pouvoir politique. S'il en avait été autrement, l'allocation demandée, pour peu qu'elle eût été justifiée, eût passé sans discussion.

Et ne croyez pas, messieurs, que cette question de dignité pour le pouvoir civil, en face d'un autre pouvoir, ait été indifférente à des hommes qui appartiennent à l'opinion même que nous combattons.

Il en est qui, sur ce point, partageaient la manière de voir de l'opposition. Ainsi, l'allocation n'a été votée que par 32 voix contre 32 ; de telle façon que si l'augmentation avait été proposée sous forme d'amendement et en séance publique, elle eût été rejetée. Et parmi ceux qui l'ont repoussée, savez-vous qui l'on compte ? On compte l'honorable M. de Naeyer, que certes vous n'accuserez pas de faire une guerre mesquine et déloyale à un prince de l'Eglise. A nous on n'épargne point de semblables accusations ; mais vous n'aurez certes pas le courage de les diriger contre l'un de vos plus honorables et de vos plus honorés amis.

M. Jacques, qui n'était pas un opposant bien énergique, a également voté contre cette allocation. Et l'honorable M. Thienpont, qui n'est pas suspect non plus d'hostilité contre le clergé, l'honorable M. Thienpont s'est associé à l'opposition dans cette circonstance.

Messieurs, j'ai voté, moi, une première fois, pour le traitement de 30,000 fr. accordé au cardinal archevêque ; et je suis si peu disposé à prendre part à une guerre mesquine, indigne de tout homme qui se respecte, que je déclare être prêt à élever le traitement de monseigneur l'archevêque de Malines, le jour où on placera dans une position qui ne soit pas inférieure à celle de ce dignitaire, les ministres du Roi, c'est-à-dire les représentants d'un pouvoir qui doit dominer tous les autres, bien entendu dans l'ordre purement administratif, les représentants du pouvoir politique. Ce jour-là je serai prêt à faire pour l'archevêque de Malines, comme je le fais aujourd'hui, tout ce que les convenances, tout ce que l'équité exigent.

Voilà, messieurs, ce que je tenais à dire pour repousser certaines suppositions. Nous ne nous complaisons pas dans de mesquines lésineries, dans de misérables réductions. Ce n'est pas ainsi que nous faisions de l'opposition ; ce n'est pas ainsi que nous nous conduirons, alors que nous sommes devenus majorité. Ce serait chose compromettante, peu honorable, propre à exciter une réaction dans tout ce qu'il y a d'honorable et de sensé en Belgique.

M. le président. - La section centrale a proposé une réduction de 3,400 fr. M. le ministre de la justice s'est rallié à cette réduction, mais il propose en même temps d'ajouter les 3,400 fr. à l'article 37 dont nous nous occuperons tout à l'heure.

- Des membres demandent l'appel nominal sur le chiffre le plus élevés.

M. de Theux (sur la position de la question). - Je ferai remarquer qu'il n'y a pas deux chiffres en présence, M. le ministre de la justice s'étant rallié, avant la discussion, au chiffre proposé par la section centrale.

M. le président. - D'après cette observation, il n'y aurait plus qu'un seul chiffre, celui de 311,700 fr. proposé par la section centrale.

M. Devaux (sur la position de la question). - Personne ne reproduit-il le chiffre le plus élevé ?

M. le président. - Aucune proposition n'est faite.

M. de Theux. - Il est clair qu'il ne peut pas y avoir d'opposition ; ainsi, le vote n'aura aucune signification ; car si on votait contre le chiffre de 311,700 francs, on voterait le rejet du traitement de l'archevêque et des autres membres de l'épiscopat.

M. le président. - Le chiffre sur lequel le vote doit porter est donc 311,700 fr.

On a demandé l'appel nominal.

- De toutes parts : C'est inutile.

- Le chiffre de 311,700 fr. est mis aux voix par assis et levé.

Il est adopté.

Articles 28 à 36

« Art. 28. Bourse set demi-bourses affectées aux grands séminaires, à l'exception de celui de Liège : fr. 62,011. »

-Adopté.


« Art. 29. Clergé inférieur du culte catholique, déduction faite de 8,914 fr., pour revenus de cures, : 3,383,852. »

- Adopté.


(page 150) « Art 30. Subsides aux provinces, aux communes et aux fabriques d'églises pour les édifices servant au culte catholique, y compris les tours mixtes et les frais du culte dans l'église du camp de Beverloo : fr. 394,600.

« Charge extraordinaire : fr. 50,000. »

- Adopté.


« Art. 31. Monument à ériger eu commémoration de la Reine Louise-Marie (dernier cinquième du crédit de 450,000 fr., alloué par la loi du 21 juin 1853), charge extraordinaire : fr. 90,000. »

- Adopté.


« Art. 32. Culte protestant et anglican (personnel) : fr. 52,446. »

- Adopté.


« Art. 33. Subsides pour frais du culte et dépenses diverses : fr. 7,524. »

- Adopté.


« Art. 34. Culte israélite (personnel) : fr. 9,200. »

- Adopté.


« Art. 35. Frais de bureau du consistoire central et dépenses imprévues : fr. 300. »

- Adopté.


« Art. 36. Pensions ecclésiastiques (payement des termes échus avant l'inscription au grand-livre) : fr. 8,000. »

- Adopté.

Article 37

« Art. 37. Secours pour les ministres des cultes ; secours aux anciens religieux et religieuses : fr. 18,000 . »

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - M. le ministre de la justice a proposé de transférer de l'article 27 à l'article 37 la somme de 3,400 fr. : ce qui porte le chiffré de l'article 37 à 21,400 francs.

- Le chiffre de 21,400 fr. est mis aux voix et adopté,

La suite de la discussion est remise à demain à 3 heures.

La séance est levée à 5 heures.