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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 24 décembre 1857

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1857-1858)

(page 43) (Présidence de M. Orts, premier vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Crombez procède à l'appel nominal à une heure et un quart.

M. Vander Stichelen lit le procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Crombez présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Le sieur Sandrin réclame l'intervention de la Chambre pour être indemnisé des pertes qu'il a essuyées par suite de la révolution. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des habitants d'Hekelghem demandent la révision des lois sur la milice. »

- Même renvoi.

« Le sieur Samyn, ancien préposé des douanes, demande la révision de sa pension. »

- Même renvoi.

« Des meuniers dans le canton de Santhoven demandent la révision de la loi sur les poids et mesures. »

- Même renvoi.

Ordre des travaux de la chambre

M. Rodenbach. - Messieurs, à l'occasion des fêtes de la Noël et de la nouvelle année, la Chambre est dans l'usage de se donner quelques jours de vacances. Si je suis bien informé, le ministère doit nous soumettre quelques projets qui ne sont pas encore terminés. Je demande que la Chambre s'ajourne, après la séance de ce jour, jusqu'à mardi 12 janvier prochain.

M. Vander Donckt. - Messieurs, je viens proposer à la Chambre de s'ajourner au 19 janvier ; permettez-moi de justifier en peu de mots cette proposition.

Dans les temps ordinaires, les élections ont lieu au mois de juin et nous ne nous réunissons qu'au mois de novembre. Cette année, les élections ont eu lieu le 10 décembre et le 15 nous avons dû être réunis à Bruxelles ; qui de nous a donc pu mettre la dernière main à sas affaires privées ? Devant l'éventualité du scrutin, qui de nous a pu prendre ses mesures ?

Voilà un premier motif ; il y en a un autre.

Pour ma part, je ne redoute pas le travail ; j'aime, au contraire, à m'occuper quand je suis ici ; mais ce que je n'aime pas, c'est de venir assister à des séances blanches. Quelque éminents que soient les membres du cabinet actuel, ils doivent avoir le temps d'examiner, de revoir et de préparer les projets de loi, avant qu'ils puissent être soumis à nos délibérations. Ce sont ces motifs, messieurs, qui m'engagent à proposer à la Chambre de s'ajourner au mardi 19 janvier 1858, à 2 heures de relevée.

M. Rodenbach.— Je ne m'oppose pas à la proposition de l'honorable M. Vander Donckt.

- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.

Motion d’ordre

M. Coppieters 't Wallant. - Messieurs, dans une séance précédente, j'ai eu l'honneur d'interpeller M. le ministre des finances sur la question de savoir si le gouvernement était dans l’intention de proroger pour un certain terme la loi de 1853 relative à la libre entrée du charbon de terre. M. le ministre m'a répondu que le gouvernement délibérait et qu'il lui était impossible de s'engager à donner une réponse définitive, le lendemain du jour où j'ai fait mon interpellation.

Toutefois, M. le ministre a déclaré de la manière la plus formelle que pour le cas où le gouvernement ne jugerait pas utile de proposer la prorogation de la libre entrée du charbon de terre, il donnerait sa réponse assez à temps pour que d'honorables collègues et moi nous pussions user de notre droit d'initiative, si nous le jugions convenable.

Maintenant que la Chambre vient de décider qu'elle s'ajournerait après la séance de ce jour, je pense que le ministère viendra, conformément à sa déclaration, proposer à la Chambre la prorogation de la loi de 1853 au moins pour un temps limité.

Si le ministère ne le fait pas, j'aurai droit de me plaindre, ainsi que les intéressés, de l'espèce de déni de justice qui nous sera fait, par suite de l'hésitation du gouvernement à nous donner la réponse qu'il nous avait promise.

Il est évident, messieurs, que les intéressés ont dû compter sur la prolongation de la libre entrée.

D'un autre côté, les intéressés n'ont pas perdu de vue que la loi qui modifiait le tarif des douanes n'avait aucune chance d'être mise à exécution au commencement de l'année prochaine. C'est par des circonstances inattendues, c'est par suite de la grande rapidité avec laquelle le projet a été adopté par le Sénat, que cette loi a pu être publiée le 20 de ce mois. C'est d'ailleurs une question de savoir si par suite du renouvellement de la Chambre des représentants, cette loi ne devait pas être de nouveau soumise aux délibérations de la Chambre nouvelle.

J'indique la difficulté, je ne la discute pas ; je tiens seulement à établir que les intéressés ont pu, de très bonne foi, croire que la loi ne serait pas promulguée et que des ministres qui professent des principes assez larges en matière commerciale, ne prendraient pas sur eux de rétablir le droit de 14 fr. qui existait sous l'ancien régime ; la conclusion naturelle de ces considérations était une nouvelle prorogation de la loi de 1853. De là des opérations entamées, des engagements contractés dont les résultats seront très fâcheux, si aujourd'hui les intéressés pris au dépourvu se voient refuser la prorogation de la libre entrée des houilles.

Je crois que le gouvernement ne peut pas se refuser à proposer à la Chambre une prorogation, ne fût-ce que de quelques mois, pour permettre aux intéressés d'arranger leurs affaires et à la Chambre de se livrer à une discussion approfondie.

Pour ce qui me regarde, je ne veux prendre personne au dépourvu ; je regretterais qu'une question de cette importance fût discutée en quelque sorte ex abrupto. Mais je pense que tout le monde devait s'attendre à ce que la question fût soulevée.

Je demande qu'eu égard aux considérations que je viens de faire valoir, le cabinet prenne l'initiative d'une proposition de prorogation, ne fût-ce que d'un mois, pour permettre d'examiner la question et de prendre une résolution en connaissance de cause. Personne ne peut être lésé dans ses intérêts par cette prorogation ; les producteurs de houille ne peuvent se plaindre de la prolongation pendant un mois d'un régime auquel ils ont été soumis pendant quatre ans sans en éprouver de préjudice. On ne peut donc faire d'objection sérieuse à une proposition de cette nature qui nous donnerait au moins la latitude nécessaire pour user de notre initiative. Si les délais utiles n'existent plus pour nous, c'est un peu la faute du ministère.

M. Dolez. - Messieurs, mon honorable collègue et ami, M. de Brouckere, devait répondre à l'interpellation de l'honorable préopinant, comme il l'avait fait déjà à une précédente séance. Cet honorable collègue vient de m'écrire qu'il est retenu chez lui par une indisposition ; force m'est donc de le remplacer.

La question que vous soumet l'honorable représentant de Bruges est très simple.

Une loi a été votée à la session dernière par la Chambre, et il y a quelques jours par le Sénat ; cette loi a été promulguée immédiatement.

Il est dans l'ordre naturel et légal des choses qu'elle soit exécutée ; or on demande au gouvernement de prendre une mesure exceptionnelle qui viendrait déclarer qu'une loi votée récemment et promulguée d'hier, n'est pas en harmonie avec les nécessités du moment qui l'a vue naître ! Ce serait accuser d'une étrange inconséquence et le gouvernement et les Chambres. Je comprendrais que si une situation nouvelle s'était produite depuis la promulgation de la loi, on vînt demander d'entraver momentanément son exécution.

Mais, messieurs, pareille situation ne s'est pas produite, les circonstances sont ce qu'elles étaient quand la loi a été votée.

Il existait avant 1853 un droit protecteur pour la production des houilles, de 14 fr. par tonne.

M. de Naeyer, rapporteur. - C'était un droit prohibitif.

M. Dolez. - Ce droit était prohibitif, je l'admets et je n'entends pas. défendre le retour à de pareilles idées. Car en principe je suis libre-échangiste, et n'ai nulle envie, même dans l'intérêt de la province que j'ai l'honneur de représenter plus particulièrement dans cette enceinte, de défendre les idées de prohibition.

Le droit protecteur de 14 francs a donc été aboli en 1853, et je le considère comme bien et définitivement aboli. Jamais je n'en demanderai le rétablissement. Mais on a pensé que pour des raisons que je n'ai pas à rappeler ici et qui tiennent tout à la fois à la situation de notre industrie minière à l'intérieur et en France, en regard de la concurrence anglaise, il importait, au lieu de ce droit protecteur de 14 fr., d'établir un droit excessivement modique d'un franc 40 centimes par tonne. C'est ce droit qui a été décrété par la loi qui a été votée et promulguée il y a quelques jours.

On invoquait tout à l'heure l'engagement pris par un des membres du précédent cabinet de suspendre l'exécution de cette loi. Eh bien, voici ce qu'a été cet engagement dont j'ai eu connaissance il y a quelques jours seulement, parce qu'à l'époque où il a été pris je n'avais pas l'honneur de faire partie de la Chambre. L'honorable M. Mercier a déclara (page 44) que si la situation qui existait en 1853, au moment où l’on a décrété la libre entrée des houilles étrangères, venait à se reproduire, on suspendrait l'exécution de la loi douanière sous laquelle les houilles étrangères sont frappées d'un droit de 1 fr. 40 c. par tonne. Mais cette éventualité prévue par l'honorable ministre des finances ne s'est pas réalisée.

Quelle était la position de 1853 ? A l'intérieur la production de nos houillères était insuffisante pour répondre aux besoins de la consommation. Tous les jours des demandes de charbon de terre étaient faites à nos producteurs et ne pouvaient être couvertes par ceux-ci. On se plaignait du manque de ce précieux combustible. Il était donc naturel qu'en présence d'une telle situation l'on ouvrît largement nos frontières aux produits étrangers.

D'autre part, quelle était la situation des producteurs étrangers eux-mêmes ? Ils étaient entravés dans la concurrence qu'ils pouvaient faire à nos houilles indigènes par des conditions de fret exclusivement onéreuses.

Aujourd'hui, ni l’une ni l'autre de ces conditions ne se rencontrent. La production indigène excède les nécessités de la consommation, je défie que l'on me cite un seul consommateur qui se soit adressé à nos producteurs de houille sans voir immédiatement sa demande remplie.

M. Rodenbach. - A quel prix ? Très cher !

M. Dolez. - A des prix inférieurs a ceux de 1851. Ainsi, sous ce rapport encore, si vous m'appelez sur ce terrain, j'aurai un argument de plus à vous opposer.

Le fret n'est plus aujourd'hui la moitié de ce qu'il était en 1853.

J'entends parler du fret de mer. Car pour le charbon anglais, c'est du fret de mer que nous devons nous préoccuper.

Dès lors, quelle est la situation ? Mais elle est toute différente de celle qu'avait en vue l'honorable M. Mercier, lorsqu'il prenait devant la Chambre l'engagement auquel fait appel l'honorable député de Bruges.

En résumé, une loi vient d'être promulguée après avoir été votée par les Chambres, à la suite d'un examen attentif ; cette loi, par conséquent, doit être exécutée.

Je croirais abuser des moments de la Chambre si ma voix, que la grippe a d'ailleurs singulièrement fatiguée, répondait plus longuement à l'honorable député de Bruges. Je crois que ce qu'il importe à tous les intérêts, c'est de voir fonctionner la loi promulguée récemment. On verra les effets de cette loi. Aujourd'hui, sous le régime de la libre entrée absolue, les houilles anglaises ont été importées en Belgique à concurrence de 60,000 tonnes. J'ai la ferme conviction qu'avec le droit de 1 fr. 40 c, l'introduction sera exactement la même.

M. Coppieters. - La houille coûtera 2 fr. de plus.

M. Dolez. - C'est une erreur, sous l'influence de la concurrence, vous aurez la houille au même prix, ou à peu près.

Il restera seulement pour notre industrie belge, vis-à-vis de la France, l'argument que j'ai rappelé tout à l'heure, c'est-à-dire que la France qui indirectement nous protège vis-à-vis des houilles anglaises par un droit de 1 fr. 40 cent., ne pourra venir nous dire que nous n'avons pas le droit de demander le maintien de cette situation quand chez nous nous ne voulons pas même appliquer un droit de 1 fr. 40 cent.

Voilà la position ; elle est très simple. Elle ne doit alarmer aucun genre d'intérêt, pas plus l'intérêt de Bruges et des ports avoisinants que l’intérêt de l'industrie du Hainaut.

J'aime à répéter en terminant que la doctrine que j'émets n'est nullement une doctrine protectionniste. Je ne suis pas protectionniste ; je ne l'étais pas il y a vingt ans. Je ne le suis pas devenu depuis que les doctrines que je professe ont fait tant de progrès dans notre pays et sont appelées, j'espère, à en faire encore beaucoup, et dans cette Chambre particulièrement.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne crois pas devoir entrer dans l'examen de la question qui vient d'être soulevée. Je me bornerai seulement à répondre à l'interpellation qui m'a été adressée par l'honorable M. Coppieters.

L'honorable membre reproche au cabinet une certaine hésitation à s'expliquer sur la question qui fait l'objet de son interpellation et il l'accuse, en quelque sorte, d'avoir mis l'honorable membre dans l'impossibilité d'user de son droit d'initiative. Ce reproche ne me paraît pas mérité. C'est avant-hier que l'honorable membre pour la première fois, a adressé une question au gouvernement. Il renouvelle son interpellation aujourd'hui, lorsque la Chambre vient de prononcer qu'elle s'ajournait jusqu'au 19 janvier. Evidemment, ce n'est pas au gouvernement qu'on peut imputer quelque grief en cette circonstance.

Sur le fond même, je crois, messieurs, que le gouvernement ne peut pas en ce moment faire la proposition que réclame l'honorable membre. D'abord, la Chambre n'aurait pas le temps de s'en occuper.

M. Coppieters. - Elle peut s'en occuper d'urgence.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne pense pas que la Chambre pourrait s'en occuper d'urgence. L'honorable membre ne peut le contester, cette question donnerait lieu à de très grands débats....

M. Devaux. - Non pas dans les limites que l'honorable M. Coppieters propose.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Elle donnerait lieu aux mêmes discussions. Il parle de proroger pour trois mois la libre entrée. Mais c'est le principe lui-même qui est en question. Les honorables membres qui combattraient la proposition si l'on devait proroger pour une année la libre entrée, la combattront également et de la même manière si l'on voulait proroger pour trois mois.

L'honorable membre prétend que les intéressés seront pris au dépourvu, qu'ils n'avaient pu croire que la loi serait votée et mise à exécution pour le 5 janvier.

Je crois que les intéressés ont dû penser, au contraire, que la loi serait promulguée. La loi a été votée par la Chambre dans les premiers mois de cette année ; c'est par des circonstances tout à fait fortuites que le Sénat n'a pas pu s'en occuper. On a dû penser que dès que le Sénat serait réuni, il discuterait un projet de loi qui était réclamé, que personne ne combattait, qui devait être nécessairement voté, et autant que possible, avant le 1er janvier. C'est, en effet, ce qui est arrivé.

N'est-il pas préférable, même dans l'intérêt au nom duquel parle l'honorable M. Coppieters, et que je ne veux nullement méconnaître ; n'est-il pas préférable qu'on fasse l'essai du droit d'un franc 40 c. ? Si on proroge la loi de 1853 pour un terme, quelque court qu'il soit, qu'arrivera-t-il ? Que des intérêts vont se créer à la faveur de cette législation exceptionnelle ; et qu'ils se développeront de plus en plus.

Et pourtant tout le monde reconnaîtra que cette législation, quant à la libre entrée, ne pourra jamais être qu'une mesure temporaire ; le jour viendra certainement où l'on fera l'application de la loi que le Sénat vient de voter ; or, le jour où l'on mettrait à exécution la loi, il y aurait, si on avait laissé se créer des intérêts considérables h la faveur d'une législation provisoire, il y aurait nécessairement beaucoup de réclamations, d'embarras et de pertes.

Si, au contraire, on fait l'essai du droit de 1 fr. 40 c, si l'expérience prouve que cette mesure n'exerce pas une influence sérieuse sur l'importation du charbon anglais, nécessaire au littoral, alors nous aurons ce grand avantage d'avoir permis d'établir un commerce régulier, permanent, sous l'influence d'une législation qui ne sera pas exposée à être tout à coup révisée ou révoquée.

Mais si, après une expérience suffisante, l'on venait à constater que les importations de charbon anglais ont diminué d'une manière notable, alors on aurait à examiner s'il ne convient pas de prendre des mesures pour que le littoral ne manque point du combustible dont il a besoin.

Il me paraît donc prudent, sage, utile, dans les circonstances actuelles, de faire l'essai du droit d'un franc 40 c. Ce droit représente environ 10 p. c. de la marchandise. Il est vraisemblable que sous l'influence de ce droit, l'importation ne sera pas sensiblement comprimée. (Interruption.) On le payera, dit-on, le charbon un peu plus cher, à raison du droit. Cela n'est pas nécessairement vrai. Il se peut que, selon les circonstances, le taux du fret, les fluctuations dans le prix de la marchandise, le droit de 10 p. c. exerce son influence d'une manière complète ; mais il se peut aussi que, par l'effet de la concurrence ce droit disparaisse presque entièrement. Il n'est pas possible d'établir d'une manière absolue dans quelle proportion un droit de cette nature accroît le prix de la marchandise.

Le littoral aura donc les avantages qui sont réclamés en son nom, et les autres intérêts qui sont importants aussi et qui ne peuvent pas être méconnus, seront également sauvegardés, si l'effet du droit répond aux prévisions du législateur.

M. Rodenbach. - Messieurs, si j'ai bien compris l'honorable député de Mons, il est libre-échangiste. Mais il paraît qu'il ne l'est guère quand il s'agit de charbon. Eh bien, moi je suis partisan du libre échange, pour ce qui concerne la houille, comme je le suis chaque fois qu'il s'agit de l'introduction de toute matière ou de toute substance qui doit améliorer le sort des classes bourgeoises, et infimes de la société, qui doit, en un mot, être utile aux consommateurs.

Quand le prix d'une denrée quelconque sera trop élevé, je me proclamerai hautement libre-échangiste dans cette enceinte. Mais quand il y aura à craindre une catastrophe pour notre commerce, pour nos fabriques, quand nos 20,000 ouvriers du Hainaut seront sans ouvrage, alors je serai partisan du système protecteur, alors je demanderai un droit sur les houilles anglaises.

Je ne pense pas que, dans un pays comme le nôtre, dans un pays entouré de puissants voisins, on puisse admettre d'une manière absolue le libre échange. En Angleterre même, l'admet-on d'une manière absolue ? Non, messieurs ; les céréales qui, à ce qu'on a toujours dit, pouvaient entrer librement en Angleterre, ont encore rapporté, l'année dernière, une somme de douze millions au trésor britannique. Donc le libre échange, dont on parle tant, n'est pas aussi généralement admis en Angleterre qu'on le pense.

Je le répète, dans un pays comme le nôtre, nous ne devons pas suivre un système fixe ; nous ne devons pas être libre-échangistes ou protectionnistes quand même ; nous devons modifier nos tarifs suivant les besoins et les intérêts des consommateurs et surtout des classes bourgeoises et infimes delà société.

Or, dans ce moment, le prix du charbon continue d'être élevé ; les fabricants, dans les Flandres et sur le littoral, ont besoin de ce combustible qui est, ainsi qu'on l'a dit, le pain de l'industrie.

Si le gouvernement ne veut pas donner à notre littoral et à une partie de la Flandre orientale le charbon à bon compte, qu'il propose alors de réduire le péage sur les canaux ; il facilitera ainsi l'arrivée du charbon dans les Flandres et il mettra nos industriels à même de soutenir la concurrence avec nos voisins. Je dois dire qu'aujourd'hui le charbon du Hainaut est moins cher à (page 45) Lille que dans la Flandre occidentale ; or, nous ne pouvons soutenir la concurrence qu'avec le charbon anglais, charbon sur lequel on veut imposer un droit d'un franc 62 centimes, y compris les additionnels.

Si j'ai bien compris M. le ministre des finances, il a fait en quelque sorte des promesses en faveur de la population et des fabriques du littoral.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'ai pas parlé de cela.

M. Rodenbach. - Mais vous ne pouvez pas mettre obstacle, M. le ministre, à ce que nous puissions soutenir la concurrence avec Lille, Tourcoing, Roubaix et le département du Nord. Peut-être le moment n'est-il pas opportun pour obtenir une mesure définitive, mais du moins on ne peut pas refuser une prorogation d'un mois ou deux pour permettre d'examiner la question et d'user de notre droit d'initiative si le cabinet ne saisit pas la Chambre d'une proposition, comme nous devons avoir le droit de l'espérer.

M. Coppieters 't Wallant. - Je n'avais pas touché au fond de la question ; mais je comprends que l'honorable M. Dolez ait préféré aborder des considérations que la Chambre n'est pas disposée à examiner à fond, plutôt que de répondre à mes observations. Ces observations étaient toutes tirées de raisons d'équité. Je disais : Voilà le résultat de la position dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui et dans laquelle nous nous trouvons un peu par la faute du cabinet actuel. Je regrette de devoir le dire, il me faut une conviction bien grande pour lancer une espèce d'accusation à un cabinet où siègent mes amis politiques. Mais le cabinet, actuel connaissait les engagements pris par ses prédécesseurs ; il savait que les industriels se préoccupaient de la position qui leur était faite et adressaient des pétitions au gouvernement ; j'ai eu moi-même l'honneur d'en remettre une à M. le ministre des finances par laquelle on le priait d'examiner avec soin la question et de faire en sorte de sauvegarder les intérêts engagés.

J'ai fait tout ce qui m'était possible pour obtenir que le gouvernement se prononçât en temps opportun ; mais le cabinet a longuement délibéré et le résultat de ses délibérations a été qu'il ne se prononcerait pas.

Il ne veut pas prendre sur lui de proposer la prorogation de la libre entrée.

La Chambre devant s'ajourner après la séance de ce jour, il nous devient impossible d'user de notre droit d'initiative, mais le gouvernement pourrait proposer le prorogation de la libre entrée des houilles, pour un très temps limité, afin de nous laisser le temps d'examiner et d'adopter une mesure d'une plus longue durée.

Je comprends parfaitement les avantages d'une législation définitive ; cependant la loi qui établissait le droit de 14 fr. 40 c. était aussi une loi définitive, et cependant personne ne voudrait en demander le retour.

Messieurs, dans la position qui m'est faite, je suis obligé de renoncer, au moins pour le moment, à l'exercice de mon droit d'initiative ; je me trouve dans l'impossibilité de faire triompher les intérêts qui ne sont confiés, intérêts très graves qui sont communs à plusieurs arrondissements et qui ne peuvent pas être mis en balance avec l'intérêt, relativement minime, que les producteurs de houille peuvent faire valoir en cette circonstance.

Dans cette, situation je me borne à prendre acte de la déclaration de M. le ministre des finances. J'espère qu'il voudra bien se le rappeler en temps opportun et faire droit à nos réclamations, si le charbon étranger venait à être introduit en moins grande quantité, et si le prix subissait une augmentation sensible : dans ce cas, le gouvernement voudra bien, je pense, faire une proposition à la Chambre.

M. de Haerne. - Messieurs, puisque l'honorable auteur de la proposition y renonce, il est superflu de prolonger le débat ; cependant comme il est engagé, je crois pouvoir me permettre de présenter quelques observations succinctes sur la position que j'ai prise dans la dernière session, et sur la position que je voulais prendre dans la circonstance actuelle. Je n'examinerai pas jusqu'à quel point on peut imputer à faute au cabinet la situation où nous nous trouvons. Je crois que pour être impartial on doit dire que la situation ne dépend pas du cabinet actuel, car le droit de fr. 1-40, proposé à la fin de la dernière session, avait été le résultat d'une enquête dans laquelle toutes les chambres de commerce du pays avaient eu l'occasion de se prononcer ; et le ministère actuel s'appuie sur cette autorité. C'est la même autorité qui m'a servi de guide pour adopter ce droit, non au point de vue du libre échange, car je ne suis pas libre-échangiste, mais au point de vue de la protection modérée. J'ai dit, à cette occasion, que lorsque dans cette enceinte on parlait libre échange ou protection, j'attachais peu d'importance à ces diverses dénominations parce que l'expérience m'a appris que les libre-échangistes faisaient, à l'occasion, de la protection et que les protectionnistes se contentaient souvent d'une protection modérée, que les uns et les autres dérogeaient très bien aux principes absolus, et se rencontraient très souvent dans la pratique. Le libre échange ne vient donc pas à propos en cette circonstance. C'est une question pratique que nous avons à résoudre, non au point de vue des théories, mais au point de vue des intérêts généraux du pays.

C'est en me plaçant à ce point de vue que j'ai voté le droit de 1 fr. 40 c. à la fin de la dernière session, mais en le considérant comme droit normal, résultant des études consciencieuses ordonnées par le ministère et auxquelles toutes les autorités avaient concouru. Je n'ai pas voulu décider la question en vue de la situation qui existait alors et qui paraît exister aujourd'hui, c'est-à-dire que je n'entendais pas faire une application immédiate de ce droit protecteur ; au reste, je me suis exprimé dans ce sens.

Je ne dis pas que le ministère précédent, en faisant la déclaration qui vient d'être rappelée, en disant qu'il proposerait une prorogation de la libre entrée, si les circonstances étaient les mêmes qu'en 1853, a voulu décider que les circonstances du mois de mai dernier et telles que nous les voyons encore aujourd'hui, suffisent pour renoncer à la libre entrée.

Je pense plutôt qu'il a voulu parler d'une différence notable qui aurait dû se produire dans la situation pour renoncer au statu quo et appliquer le droit de 1 fr. 40 c. Quoi qu'il en soit, dans mon opinion à moi, cette situation devait être considérablement modifiée, avant que j'eusse renoncé au statu quo qui existait à la fin de la dernière session.

En d'autres termes, j'appuierais, dans les circonstances actuelles, le maintien de la libre entrée, si la proposition en était faite, sous réserve de demander l'application du principe de la protection eu temps opportun, c'est à-dire, lorsque la situation serait suffisamment changée ; ce qui n'est pas aujourd'hui, à mon avis. Je vais plus loin, à cet égard, que le ministère actuel.

Ainsi, tout protectionniste que je me déclare, je suis plus favorable à la liberté commerciale que l'honorable M. Dolez, qui se dit libre-échangiste. Cette manière de voir, que je crois très rationnelle, m'a été reprochée. On m'a traité, à ce propos, de prohibitionniste, de rétrograde et que sais-je encore ! Une célèbre association a même organisé un meeting où elle a protesté à ce sujet contre moi, au nom du libre-échange, ne se doutant pas que je dusse être justifié ici par des libre-échangistes et par la mesure même que nous propose aujourd'hui le ministère ; ce droit de 1 fr. 40 c. n'est pas ce que demandaient, à la fin de la dernière session, les libre-échangistes.

Un grand nombre de membres de cette Chambre et la section centrale demandaient 85 centimes. D'autres ne voyaient dans le droit de 85 centimes qu'une transition pour arriver plus tard au libre échange.

Les libre-échangistes se mettent fort à l'aise : lorsqu’il s'agit de simples théories, ils proclament la liberté du commerce ; mais quand il s'agit des intérêts de leurs localité respectives, ils apprécient la protection, tout en continuant à faire profession de libre échange.

Pour ma part, je préfère appeler les choses par leur nom, et me déclarer franchement protectionniste modéré.

Je le répète, messieurs, je regrette beaucoup que le ministère ne soit pas à même de résoudre maintenant cette question au point de vue pratique, dans le sens de la proposition faite par l'honorable M. Coppieters, proposition, que j'aurais appuyée, si elle n'avait pas été retirée, tout en me réservant de demander ultérieurement l'application des principes de la protection.

M. Ch. Lebeau. - J'avais l'intention de combattre la proposition de M. Coppieters ; puisqu'elle est abandonnée, je renonce à la parole.

M. Laubry. - Je renonce à la parole pour le même motif que M. Lebeau.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de l’intérieur, pour solder les frais liés aux fêtes du 25ème anniversaire de l’inauguration du roi

Discussion générale

M. de Decker. - Comme je porte principalement la responsabilité des dépenses auxquelles il doit être pourvu par le crédit qui vous est demandé, je crois de mon devoir de donner quelques explications sur ce crédit relatif aux fêtes qui ont été célébrées à l'occasion du 25e anniversaire de l'avènement du roi.

Vous le savez, lorsqu'il y a un an, le gouvernement demanda, pour la liquidation de ces dépenses, un crédit de 770,000 fr., la section centrale, chargée d'examiner cette demande, voulant acquérir une conviction absolue et définitive sur la légitimité de quelques-unes des dépenses qui avaient été faites, jugea convenable de les soumettre à un examen rigoureux. En attendant, elle proposa un crédit partiel de 200,000 fr. qui, à la demande du gouvernement, fut porté à 385,000 fr., destinés à payer un à-compte proportionnel sur les créances dont la liquidation ne soulevait pas de difficultés.

Le gouvernement pensa que cette manière de procéder aurait d'abord un effet moral très heureux, en ce qu'elle prouverait aux personnes appelées à faire des fournitures ou des travaux en pareille occasion que le gouvernement et les Chambres y regardent à deux fois, avant de liquider ces dépenses soumises ainsi à un contrôle sévère. Ensuite, le gouvernement se considérait comme le premier intéressé à ce que l'examen de tous les comptes se fît avec un soin consciencieux.

Il ne fit donc aucune objection contre cette demande d'ajournement, d'une partie de la liquidation de ces dépenses.

Cet ajournement porta ses fruits.

L'effet moral fut produit. Les comptes furent examines avec soin.

Quelques comptes donnèrent lieu à des observations critiques de la part de la section centrale. A sa demande, je chargeai un homme de l'art d'examiner spécialement le compte de la construction de la tribune royale à la place de la Société Civile. Il ne voulut point, ce que j'avais prévu, du reste, accepter officiellement cette mission ; officieusement, il déclara, après examen, que la dépense était élevée, mais qu'elle s'expliquait par les circonstances extraordinaires dans lesquelles elle avait eu lieu. Je communiquai ce résultat à la section centrale qui voulait essayer d'autres moyens de vérifier les comptes. Il fut donc convenu que la (page 46) grande commission qui avait été nommée pour l'organisation des fêtes,•serait priée de voir si ces comptes étaient loyaux et raisonnables. Cette commission avait été, on le sait, divisée en sous-comités chargés, soit de la partie artistique, soit de la partie musicale, soit de la partie littéraire, soit enfin de la comptabilité.

Les membres de cette commission voulurent bien répondre à l'appel du gouvernement. Chacun de ces sous-comités, ayant examiné les dépenses qui concernaient sa spécialité, déclara qu'elles avaient été loyalement faites et qu'elles ne présentaient rien d'exorbitant.

Après cela, je ne sais vraiment pas ce que l'on pourrait gagner à un nouvel ajournement de l'intégralité de cette liquidation. Quelles lumières nouvelles espère-t-on faire jaillir de nouveaux débats ? Quel mode de contrôle pourra-t-on encore appliquer pour la vérification de ces comptes ?

Il y a une seule dépense pour la liquidation de laquelle je n'insiste pas, c'est celle relative à une relation illustrée des fêtes. J'en veux dire deux mots.

On avait conçu le projet de faire, avec un certain luxe, une reproduction eu grand format des fêtes nationales, indépendamment des deux albums populaires qui ont été imprimés Ce projet se justifiait en quelque sorte par nos traditions nationales. En effet, à une époque où nous n'étions pas encore nation, où nous n'étions que des provinces, le soutenir des fêtes données à l'occasion de l'inauguration des souverains, a été consacré par une série de gravures confiées au burin d'artistes du premier ordre, et constituant de véritables monuments de l'art. Après le magnifique spectacle des fêtes de juillet, il était permis sans doute de désirer qu'il en restât un monument, digue de ces fêtes.

J'eus d'abord l'idée d'en confier l'exécution aux professeurs de notre école de gravure et aux principaux élèves de cette école. Mais je fus arrêté par deux considération : la première, l'énormité de la dépense, la seconde c'est qu'il n'aurait pas fallu moins de dix ou douze ans pour faire achever convenablement une pareille œuvre.

Bien que ce fût un excellent moyen d'encourager nos artistes, je fus obligé d'y renoncer. D'autre part, je ne pouvais recourir à la lithographie qui n'a pas un caractère assez sérieux au point de vue de l'art, car en général la lithographie n'est pas, du moins dans le domaine de l'art, considérée comme offrant le même caractère de solennité que la gravure. Il y avait un moyen terme. Depuis quelque temps, en Allemagne surtout, ou applique avec succès une méthode nouvelle de gravure, mais de gravure sur pierre. Cela coûte beaucoup moins et produit à peu près les mêmes résultats, quand cela est bien fait, Je m'arrêtai, après avoir consulté les personnes compétentes, à ce dernier mode et je convins avec un artiste de faire les dessins. Cet artiste fit venir de l'étude de Düsseldorf deux ou trois graveurs sur pierre, spécialement renommés pour ce genre de gravure et il alla en avant. Une dizaine ou une douzaine de planches étaient faites, lorsque j'appris que la commission spéciale se montrait fort peu favorable à cette dépense spéciale. A l'instant même je donnai ordre de stater les travaux et de suspendre l'exécution de cette œuvre.

La question se présente aujourd'hui dans ces termes.

L'ensemble de l'œuvre devait comprendre 50 à 60 planches, y compris les planches doubles. Dix ou douze sont achevées. Un exemplaire en a été envoyé à la commission spéciale. La question est donc de savoir, relativement à cette dépense, si la Chambre veut laisser cette œuvre interrompue, ou si elle veut la voir terminer par l'achèvement complet des planches. Le gouvernement était convenu, avec l'artiste directeur, de payer 30,000 francs. Si la Chambre juge convenable de ne pas achever, il faudra bien dans tous les cas payer la dépense de 10,000 francs qui a été faite loyalement par les artistes. Si la Chambre croit, au contraire, qu'il y a lieu d'achever ce monument, car je crois pouvoir donner à cette publication ce caractère, quoi qu'on en ait dit à la commission, je prie la Chambre de bien vouloir allouer intégralement le chiffre de 30,000 francs.

Comme je voyais que cette œuvre n'obtenait pas les sympathies de la commission spéciale, j'ai consulté la classe des beaux-arts de l'Académie. J'ai envoyé à la classe des beaux-arts, composée, comme vous le savez, de peintres, de dessinateurs et de graveurs, un exemplaire des planches achevées, avec prière de vouloir les examiner et de me faire un rapport sur leur mérite. Eh bien, à l'unanimité, la commission chargée par la classe des beaux-arts de cet examen, déclara que c'était une œuvre qui certainement n'était pas parfaite, parce qu'il n'y a rien de parfait, mais qui constitue un essai très heureux pour la Belgique en ce genre de gravure ; qu'elle est convenablement exécutée. Ce rapport de la classe des beaux-arts a été communiqué à la commission spéciale et doit figurer dans les archives.

Voilà donc l'état actuel de cette question spéciale. C'est celle-là surtout qui me paraît encore de nature à pouvoir être contestée, car le rapport parle de créances contestées. Je ne pense pas que jusqu'à présent il y ait eu de dépenses officiellement contestées. On a parlé à la commission de certaines dépenses que l'on a trouvées fort élevées et j'en conviens. Mais il faut tenir compte des circonstances dans lesquelles tout cela s'est fait. Les travaux ont dû être faits avec infiniment de précipitation. Les matériaux et la main d'œuvre ont subi une hausse considérable par suite du grand nombre de travaux qu'il fallait exécuter à la fois et dans un délai très court. De cet ensemble de circonstances est résultée, je l'avoue, une élévation extraordinaire de dépenses.

Un autre point qui fut critiqué, c'est l'indemnité accordée aux architectes. Elle a été calculée, comme elle doit, je pense, l'être et comme elle l'a toujours été, sur le pied de 5 p. c. des dépenses faites. Si je me trompe, c'est un taux qui a été fixé même légalement. Il comprend à la fois la rédaction des plans, la surveillance et la direction des travaux et en même temps la rédaction des mémoires.

J'ai donc tout lieu de croire, messieurs, et je suis autorisé à vous dire que l'examen des comptes a été fait d'une manière sérieuse ; je ne crois pas qu'on puisse en ordonner un qui fût plus approfondi.

Dans cet état de choses, il me semble que la Chambre poserait un acte de justice en terminant une fois, pour toutes, cette affaire, dont l'ajournement n'a déjà causé que trop de pertes aux nombreux intéressés. Je suis convaincu d'être ici l'interprète de la Chambre et du pays, en exprimant le vœu que cette question puisse être terminée d'une manière complète sans que l'opinion doive encore s'en préoccuper. Je le demande même au nom de la dignité de la Chambre, plus intéressée qu'on ne le croit à ce que de pareilles questions ne se traitent pas souvent sous les yeux du pays et de l'étranger.

M. le président. - M. le ministre de l'intérieur se rallie-t-il à la proposition de la commission qui réduit le crédit de 90,000 fr. ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'ai demandé un crédit de 390,188 fr. ; c'est celui-là que je soutiens. Il me serait impossible d'ailleurs de me rendre à l'observation de la section centrale en ce qui concerne les créances contestées. M. le ministre de l'intérieur, mon prédécesseur, vient de déclarer qu'il ne connaissait pas de créances contestées, que toutes les créances avaient été reconnues bonnes, valides, loyales et que dès lors aucune n'était contestée ou du moins qu'aucune de celles qui étaient présentées à la liquidation n'était susceptible de contestation.

On parle d'une créance de 30,000 fr. concernant la relation illustrée des fêtes. Eh bien, celle-là n'existe plus. Seulement il a été accordé à l'auteur une somme de 10,000 fr. sur ses premiers travaux. Il s'agirait donc ici d'une réduction de 20,000 fr., mais cette réduction, je pense, a été comprise dans les crédits proposés. S'il y a 20,000 fr. à défalquer, ils seront défalqués des crédits proposés.

Messieurs, voilà dix-huit mois bientôt que le pays est occupé de cette loi de dépenses. Nous n'avons pas de rapport. La section centrale n'en a pas fait. Nous discutons dans le vague. S'il y avait des articles distincts, des motifs à l'appui du rejet d'un crédit ou de l'autre, je concevrais que la discussion pût durer. Mais nous n'avons pas même de rapport de la section centrale. Il faut, je pense, agir ici de confiance. C'est une dépense toute spéciale qui n'est pas de nature à se renouveler.

En général on a rendu justice à la manière dont les fêtes avaient été célébrées. Il y a quelque chose de pénible à voir le pays, représenté par la Chambre, reculer devant le payement des dettes qu'il a contractées à cette occasion. Il y a des intérêts matériels sérieux engagés. Mais il y a aussi un grand intérêt moral, et celui-ci ne doit pas moins toucher la Chambre.

Quant à moi, je prie la Chambre de passer outre et de voter le crédit demandé en exécution des engagements pris par mon prédécesseur.

M. Dumortier. - M. le ministre de l'intérieur qui vient de se rasseoir nous dit, messieurs, qu'il n'y a pas de rapport de la section centrale, cela est vrai. Il y a un rapport, mais c'est un rapport sur lequel on ne peut pas établir la discussion. D'où cela provient-il ? L'explication en est toute simple ; aucun membre de l'ancienne commission n'a voulu se charger de faire un rapport sur cette affaire, que presque tous nous regardions comme fort déplorable. Dans l'embarras où nous étions. nous avons prié l'honorable M. Pirson de vouloir bien faire un rapport sommaire.

C'est sur nos instances pressantes qu'il a bien voulu se charger de cette mission, mais vous devez comprendre que l'honorable membre qui faisait cet acte de complaisance vis-à-vis de la Chambre et de la commission n'était certainement pas à même de faire un rapport circonstancié et détaillé dans l'intervalle de 24 heures. Le travail dont il s'agit eût nécessité plusieurs mois, et le ministère désirait un prompt rapport, li fallait donc un rapport sommaire, et c'est ce qui a été fait.

Mais, messieurs, dans ce rapport sommaire, la commission, dont je ne partage pas ici l'avis, s'est bornée à proposer un chiffre de 300,000fr. sur les 390,000 qui sont demandés. La commission a pensé que la somme de 300,000 fr. suffisait pour faire face aux exigences réelles, que d'ailleurs la commission précédente était parvenue à opérer une économie d'environ 60,000 francs et qu'il fallait mettre la Chambre à même d'examiner ultérieurement cette affaire.

Maintenant, messieurs, la position où la commission s'est trouvée est très facile à expliquer : les membres qui composaient l'ancienne commission et qui avaient travaillé considérablement, n'avaient plus les pièces sous les yeux.

La Chambre nous avait délégués pour examiner la grave question du crédit de plus d'un million pour les fêtes de juillet ; depuis lors, des événements de toute nature se sont passés, la Chambre a été congédiée par l'émeute...(interruption) et chacun de nous a emballé ses papiers et les a emportés à son domicile. Il en est résulté que lorsque nous sommes revenus nous n'avions pas les éléments qui avaient servi de base à nos recherches.

Recommencer ces recherches lorsque les matériaux nous manquaient,, c'était impossible. Veuillez remarquer, messieurs, que votre (page 47 commission a travaillé des mois et des mois sur cette affaire. Elle s'est livrée à un examen excessivement sérieux ; elle a vu la profondeur du mal, elle a vu les dilapidations, je dirai le mot, elle a vu les vols qui ont été commis dans cette affaire. Cette affaire est une des plus déplorables qui aient eu lieu en Belgique. Elle est d'autant plus déplorable, qu'on a spéculé sur l'enthousiasme public pour exploiter le pays.

On s'est couvert du manteau sacré des honneurs rendus à la Couronne dans ces fêtes à jamais mémorables, on s'est couvert de ce manteau sacré pour faire payer au pays des sommes qu'il ne devait pas.

La Chambre avait voté 300,000 fr. pour ces fêtes, et elles ont coûté plus d'un million. Dans cette affaire, il y a eu un abandon extrême, et si nous devions entrer ici dans tous les détails, il faudrait plusieurs séances pour signaler les faits que ceux qui se sont appliqués à faire les recherches ont pu découvrir.

Ne nous accusez donc pas de ne point être munis des éléments de la discussion ; les pièces, je le répète, nous les avons emportées chez nous au mois de mai dernier, alors que nous ne savions pas si nous serions revenus. Et quand la Chambre s'est réunie cinq jours après les élections, nous ne pouvions pas apporter ces pièces immédiatement, alors surtout que nous ne pouvions pas prévoir que la question se présenterait dès les premiers jours de la session.

Maintenant, messieurs, dans les chiffres qui sont indiqués se trouve entre autres, si ma mémoire n'est pas infidèle, une dépense de 30,000 fr. pour des images représentant les chars, etc. La commission, à l'unanimité, a exprimé, dès le premier jour, le désir que cette dépense ne se fît pas, et ce désir est d'autant plus fondé qu'il n'y avait aucune espèce d'engagement de la part du gouvernement. (Interruption.) Il a été démontré et l'honorable M. Coomans pourra nous le dire, il a été démontré qu'il n'y avait aucune espèce d'engagement.

M. Coppieters 't Wallant. - C'est ainsi que le gouvernement nous l'a déclaré.

M. Dumortier. - Dans cet état de choses et le crédit ayant été considérablement dépassé, la commission a été unanimement d’avis qu'il fallait supprimer cette dépense de 30,000 francs.

L'honorable M. de Decker vient nous dire qu'il a consulté l'académie des beaux-arts et qu'elle a émis un avis approbatif. Je conçois fort bien, messieurs, que chaque fois que vous consulterez une académie des beaux-arts sur une question de cette nature, vous obteniez un avis approbatif ; mais nous ne sommes pas une académie des beaux-arts, nous sommes les représentants de la nation et nous devons défendre chaque écu qu'on veut prendre indûment dans la poche des contribuables.

Nous avons donc, à l'unanimité, refusé ces 30,000 fr. et je vous avoue, messieurs, que je suis singulièrement surpris d'apprendre qu'on a dépensé 10,000 fr., c'est-à-dire le tiers de la somme. Cela est vraiment inconcevable. Il fallait, dans tous les cas, attendre la décision de la Chambre.

Ensuite l'entrepreneur n'avait qu'à agir comme d'autres entrepreneurs, agir à son corps défendant et ne pas faire payer par la nation les frais de son entreprise.

On appelle cela un monument ! Singulier monument !

C'est, dit-on, un nouveau genre de gravure Mais pas du tout, la gravure à la plume est la première qui ait été tentée, c'est l'enfance de l'art. Voilà à quoi l'on veut employer les deniers de l’Etat !

Maintenant, messieurs, on parle de la nécessité de faire cette dépense à cause de la solennité des fêtes.

J'entends souvent dire qu'il faut passer l'éponge sur les dépenses, parce que les fêtes ont été extrêmement belles. Certes les fêtes ont été belles, essentiellement nationales ; on a rendu un hommage mérité à la couronne. Nous qui combattons le projet de loi, nous n'avions pas moins d'enthousiasme que ceux qui l'appuient. Mais est-ce un motif pour laisser prendre ce qui n'est pas dû ?

Comme le disait fort bien un de mes honorables amis : voilà des jeunes gens qui donnent un festin, qui s'amusent fort bien ; après le dîner, l'hôte vient leur dire : « Messieurs, vous avez à payer autant. » Les convives se récrient sur le chiffre de la dépense et disent : « Comptons les bouteilles. » C'est ce que nous avons fait.

Nous sommes pleins de sympathie pour les fêtes ; elles excitent notre reconnaissance ; mais ce n'est pas un motif, quand arrive le quart d'heure de Rabelais, de payer le double ou le triple de ce qui est dû.

Il n'y a là rien qui tienne à la dignité nationale, la dignité nationale a été satisfaite par l'éclat des fêtes, par l'hommage rendu à la couronne, par cette grande manifestation qui a eu tant de retentissement en Europe.

Messieurs, il y a ici une question d'argent. Cette question ne doit pas passer sous le manteau de la dignité nationale, de l'enthousiasme qu'ont produit les fêtes !

Que portaient les contrais faits du chef de ces dépenses ? Entre l'architecte un tel, agissant au nom du gouvernement, et l'entrepreneur un tel, est intervenu un contrat ; l'entrepreneur un tel fera tel travail moyennant telle somme. Mais il y avait ensuite un article qui portait : « Le présent contrat sera soumis à la ratification du ministre de l'intérieur. »

Eh bien, croyez-vous que cet article si important ait été exécuté ? Quand nous avons eu cet immense dossier sous les yeux, pas un seul contrat n'avait reçu la ratification du gouvernement. C'étaient donc des contrats passés par des architectes avec des entrepreneurs, contrats dans lesquels on livrait le trésor public à tous les abus que nous avons à déplorer.

Une seule pièce était en règle ; c'était une pièce signée par les questeurs de la Chambre, MM. de Sécus et de Baillet, par les questeurs du Sénat et par le ministre de l'intérieur. Il s'agit des dépenses faites dans le palais de la Nation.

On a payé à tous les autres entrepreneurs une part qui doit aller certainement aux deux tiers de leur devis ; mais à celui qui avait fait les seuls travaux vérifiés par les questeurs des deux Chambres et approuves par le ministre de l'intérieur, à celui-là, si je suis bien informé, on n'a rien payé, quoiqu'il fût le seul en règle.

Pourquoi ? Je vous l'expliquerai. C'est parce que ce compte était précisément celui sur lequel la commission pouvait établir des termes de comparaison. Ce compte n'avait pas d'exagération ; il était en règle ; le devis était détaillé ; en un mot, il n'y manquait rien.

Ce compte nous servait beaucoup dans notre examen. Nous disions : « Si tant de mètres de construction n'ont coûté que telle somme, pourquoi tant de mètres d'autres constructions ont-ils coûté le double ou le triple ?

Comme le compte dont il s'agit était notre terme de comparaison, on a sans doute voulu punir ces entrepreneurs et ils n'ont pas reçu un centime 1

Messieurs, faut-il maintenant allouer la somme intégrale qui est demandée par le gouvernement ? Si vous allouez la somme intégrale, vous arrivez à payer des sommes qui ne sont pas dues. Je n'ai plus les détails dans la tête ; je n'ai pas les documents sous les yeux ; ils sont à Tournai ; mais ce que je me rappelle fort bien, et ce que l'honorable M. Coomans pourrait certifier, c'est qu'une somme de 60,000 francs au minimum avait été reconnue comme n'étant pas due. Il y avait des dépense pour lesquelles la commission refusait le payement, et malgré ce refus de payement, on les a portée en compte. L'honorable M. Coppieters pourrait vous en dire quelque chose.

Nous étions donc arrivés, et en désespoir de cause (je dis ces mots avec intention, parce que tous les moyens de vérification nous étaient successivement enlevés), nous étions arrivés à une réduction de 60,000 fr. Que propose aujourd'hui la commission ? Elle vous propose de laisser 90,000 fr. en arrière. Si sur ces 90,000 fr., la Chambre peut en économiser 60,000 fr., c'est son devoir de faire cette économie. Nous avons tous, à quelque opinion que nous appartenions, les mêmes intérêts à la bonne gestion des deniers publics.

La commission a été excessivement loin, en proposant une somme de 300,000 fr. ; je ne voterai pas cette somme, parce que j'ai la conviction que de nombreuses dilapidations ont eu lieu dans cette affaire. Quant à ceux qui ne partagent pas mon opinion, ils doivent, selon moi, se borner à voter le crédit proposé par la commission. Uns somme du 60,000 fr. au moins devant être écartée, il restera 10,000 à 15,000 fr. à demander ultérieurement à la législature ; la commission aura alors le temps d'examiner de nouveau les pièces et de faire des propositions définitives à la Chambre.

Voilà le seul but qu'a eu en vue la majorité de la commission, majorité à laquelle je n'appartenais pas ; mais je tiens à honneur d'être ici son organe pour expliquer ce qui s'est passé.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je fais un appel à mon honorable prédécesseur : Je m'étais rallié très volontiers à la proposition qu'il avait faite à la Chambre, d'allouer la totalité du crédit ; mais en présence des accusations que vous venez d'entendre, je dois nécessairement revenir sur ma détermination.

L'honorable M. Dumortier a dit que dans ces dépenses il n'y avait pas en seulement des dilapidations, mais qu’il y avait eu même des vols. Nous ne pouvons pas faire liquider des dépenses dans lesquelles il y aurait eu des vols.

Comme l'honorable M. Dumortier ne lance pas, sans doute, de telles accusations à la légère, je le prierai de vouloir bien signaler les faits qui seraient venus à sa connaissance. Dans l'état actuel des choses, pour l'honneur de l'administration, il ne faut pas opérer la liquidation intégrale des dépenses, il faut laisser à la Chambre l’occasion de s'expliquer sur la parfaite loyauté qui a dû présider à toutes les opérations.

Je suis convaincu que le précédent ministre de l'intérieur se joindra à moi pour demander que la Chambre se réserve d'examiner toutes les dépenses et ne vote, pour le moment que le crédit de trois cent mille francs proposé par la section centrale.

L'honorable M. Dumortier a prononcé un autre mot très grave : je ne veux pas soulever en en moment une discussion qui se présentera en temps opportun, mais je dois relever le mot qu’il a jeté dans ce débat ; il a dit que la Chambre précédente avait été congédiée par l’émeute.

C’est là une accusation qu’il faudrait abandonner à cette presse qui semble avoir pris pour système, non la discussion calme, énergique, des actes du gouvernement et de la majorité, mais la diffamation des personnes et la falsification des faits.

Dire que la Chambre précédente a été congédiée par l’émeute, qu’est-ce donc ? N’est pas faire outrage à la Chambre, faire outrage au gouvernement et au pays ?

(page 48) Il n'est pas vrai que la Chambre, dont votre parti formait la majorité, ait cédé devant l’émeute ! Il n'est pas vrai que le gouvernement qui était venu vous dire : Délibérez en paix, l’ordre public sera maintenu, ait reculé devant l'émeute ; c'est une injure gratuite que vous lui jetez à la face! Il n'est pas vrai que le pays ait été livré à l'émeute ; c'est une calomnie que je repousse au nom du pays, il n'y a rien de comparable entre les faits qui se sont passés à Bruxelles, en mai dernier, et ceux qui s'étaient passés à Tournai, quelques mois auparavant ; là il y a eu véritablement émeute, provocation, menaces contre les personnes, voies de fait même ; rien de semblable n'a eu lieu dans la capitale. Il y a eu émotion, agitation dans les rues, mais il n'y a pas eu d'émeute a Bruxelles.

Voilà, messieurs, la protestation que je devais opposer à cette accusation, qu'il serait temps d'abandonner pour l'honneur de la Chambre, pour l'honneur du gouvernement et pour l'honneur du pays

Nous aurons occasion, et nous attendons ce moment avec impatience, de nous expliquer complètement ; c'est alors que nous répondrons, si elles venaient à se reproduire dans cette enceinte aux accusations indignes dont le gouvernement actuel et la majorité de cette Chambre sont l'objet de la part d'une presse que je n'hésite pas à qualifier de factieuse.

M. Dumortier. - Je dois quelques mots de réponse à ce que vient de dire l'honorable ministre de l'intérieur, d'autant plus qu'il s'est servi d'une expression que je repousse de toutes les forces de mon âme, la qualification de factieux ne peut s'adresser à moi ni à la droite de la Chambre.

M. le président. - Ce n'est pas à vous que cette expression s'adressait.

M. Dumortier. - Quand je crois que c'est contre moi que cette expression est dirigée, j'ai le droit de répondre. Le moment de nous expliquer d'une manière complète viendra.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Nous sommes prêts.

M. Dumortier. - Nous aussi.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Tout de suite, si vous voulez.

M. Dumortier. - Pour le moment je me bornerai à demander : Qui est-ce donc qui dans cette enceinte est venu nous huer de la manière la plus scandaleuse, renouvelant les scènes des tricoteuse des 93 ? Qui est-ce donc qui est venu insulter le nonce du pape, à la sortie de la Chambre ? Qui donc est venu outrager les députés pendant trois jours successivement ? Qui est venu semer le désordre dans les rues de Bruxelles ? L'honorable membre aura beau dire : Il y a une grande différence entre ce qui s'est passé à Tournai et ce que nous avons vu à Bruxelles ; à Tournai il n'y a eu atteinte ni aux personnes ni aux propriétés ; à Bruxelles, au contraire, il y a eu atteinte à la propriété, atteinte au droit d'association ; la liberté de la presse n'a pas été respectée.

J'ai dû, je le répète, prendre la parole pour repousser la qualification de factieux que le ministre a eu l'air de nous adresser ; c'est tout ce que je voulais faire pour le présent ; pour le surplus, nous aurons à nous en expliquer plus tard.

M. Lebeau. - Nous vous attendons.

M. de Decker. - Mon intention n'est pas d'entrer, en ce moment, dans un débat politique qui doit nécessairement être ajourné, mais que les membres de l'ancien cabinet seront heureux de voir surgir en temps opportun, afin de pouvoir donner les explications qu’ils tiennent à fournir à la Chambre et au pays.

Revenant à l'ordre du jour, je ne me propose pas de suivre l'honorable M. Dumortier dans les diverses considérations qu'il a fait valoir à l'appui de l'opinion qu'il a manifestée à plusieurs reprises sur les dépenses effectuées pour la célébration des fêtes de Juillet. Je n'avais pas même demandé la parole pour lui répondre, l'honorable membre nous a tellement habitués à l'exagération dans l'expression de sa pensée, que je n'avais pas attaché d'importance à ce qu'il avait dit. Cependant, tout bien considéré, les phrases que M. le ministre de l'intérieur vient de relever dans le discours de l'honorable membre, me font désirer, comme à l'honorable M. Rogier, que la liquidation de certaines créances puisse subir un examen nouveau.

Il importe que justice soit faite d'une accusation aussi formelle que celle que vient de lancer M. Dumortier. Je n'insiste plus pour que le crédit demandé soit voté intégralement ; je demande au contraire qu'une réserve soit faite, afin que la Chambre puisse se livrer à un nouvel examen et que tout le monde sache jusqu'à quel point sont fondées les accusations graves qui viennent d'être formulées par M. Dumortier.

M. de Theux. - C'est uniquement pour faire une réserve relativement à la discussion politique que je demande la parole.

L'honorable M. Dumortier y est entré incidemment. M. le ministre de l'intérieur lui a répondu longuement. Nous nous abstenons, parce que ce n'est pas le moment ; une discussion actuelle ne pourrait aboutir ; elle serait coupée,

Les faits qui se sont passés doivent, dans l'intérêt du gouvernement et de la représentation nationale, faire l'objet d'une discussion solennelle.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Nous le désirons.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Nous l'appelons. Nous répondrons à vos manifestes électoraux.

Discussion et vote de l’article unique

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je propose de rédiger le projet de loi comme suit :

« Article unique. Il est ouvert au département de l'intérieur un nouveau crédit provisoire de 300,000 fr. destiné à pourvoir aux dépenses des fêtes du 25ème anniversaire de l'inauguration du Roi.

« Cette somme sera couverte par les ressources du budget des voies et moyens de l'exercice 1857. »

- Le projet de loi ainsi rédigé est mis aux voix par appel nominal.

Voici le résultat du vote.

69 membres sont présents.

3 (MM. Henri Dumortier, Coomans et Magherman) s'abstiennent.

66 membres prennent part au vote.

63 votent pour.

3 (MM. Barthélémy Dumortier, Thienpont et Vander Donckt) votent contre.

La Chambre adopte.

Ont voté pour : MM. de Pitteurs-Hiegaerts, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Vrière, Dolez, d'Ursel, Frère-Orban, Frison, Goblet, Godin, Jacquemyns, J. Jouret, M. Jouret, Lange, Laubry, C. Lebeau, J. Lebeau, Lesoinne, Manilius, Moreau, Orban, Pierre, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Sabatier, Savart, Tack, Tesch, Thiéfry, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom. Vander Stichelen, Van Iseghem, Verhaegen, Vermeire, Verwilghen, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Anspach, Coppieters ’t Wallant, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Boe, Dechentinnes, de Decker, de Haerne, Deliége, de Luesemans, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Naeyer et Orts.

M. le président invite les membres qui se sont abstenus à motiver leur abstention.

M. H. Dumortier. - Je ne veux émettre de vote dans cette enceinte qu'en parfaite connaissance de cause ; or, il ne m'a pas été donné depuis l'ouverture de la session.de pouvoir faire une étude complète de cette affaire qui est fort compliquée.

M. Lebeau. - C'est un discours.

M. Dumortier. - Si l'on peut regarder mon observation comme trop longue, c'est à M. le président à en faire la remarque et pas à vous, monsieur. Je continue.

S'il est désirable que cette question soit vidée, il est évident, d'autre part, qu'il y a eu exagération dans certains comptes. Et j'ajouterai que ce n'est pas seulement, à Bruxelles que de pareils faits se sont produits. J'ai donc cru devoir m'abstenir.

M. Coomans. - Je me suis abstenu, parce qu'il y a dans ce crédit certaines dépenses que je n'approuve point.

M. Magherman. - En présence des accusations formulées contre les dépenses des fêtes de juillet, j'aurais désiré un nouvel examen approfondi de tous les crédits ; cependant, comme certains payements sont urgents, je n'ai pas voté contre le projet de loi.

Projets de loi portant le budget de la dette publique, des dotations, de la justice, de l’intérieur, des affaires étrangères, des finances, des travaux publics et de la guerre, de l’exercice 1858

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban) présente les budgets ci-après, pour l'exercice 1858 : Dette publique. Dotations. Justice. Intérieur. Affaires étrangères. Finances. Travaux publics. Guerre.

Projets de loi portant des crédits supplémentaires

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban) présente cinq projets de loi de crédit dont avait été saisie la précédente législature.

Il dépose le rapport sur les opérations de la caisse de retraite pendant l'année 1856.

La Chambre donne acte à M. le ministre des finances de la présentation de ces projets de loi et du dépôt de ce document. Elle en ordonne l'impression, et décide qu'ils seront distribués à domicile pendant les vacances.

Projet de loi approuvant les articles additionnels au traité de commerce et de navigation conclu avec la république orientale de l’Uruguay

Vote de l’article unique

L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :

« Article unique. Les articles additionnels au traité de commerce et de navigation conclu le 16 septembre 1853, entre la Belgique et la République orientale de l'Uruguay, articles arrêtés le 21 février 1857, sortiront leur plein et entier effet. »

- Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal sur ce projet de loi qui est adopté à l'unanimité des 59 membres présents.

Ce sont : MM. de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Vrière, Dolez, H. Dumortier, d'Ursel, Frère-Orban, Goblet, Godin, Jacquemyns, J, Jouret, M. Jouret, Laubry, J. Lebeau, Lesoinne, (page 49) Magherman, Manilius, Moreau, Orban, Orts, Pierre, Pirson, Rodenbach, Rogier, Sabatier, Savart, Tack, Tesch, Thiéfry, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Stichelen, Van Iseghem, Verwilghen, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Anspach, Coomans, Coppieters 't Wallant, Crombez, David, de Baillet-Latour, de Boe, Dechentinnes, de Decker, de Haerne, Deliége, de Luesemans, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Naeyer et Verhaegen.

Projet de loi relatif au maintien provisoire de quelques dispositions du traité du 20 septembre 1851 entre la Belgique et les Pays-Bas

Discussion générale

La discussion générale est ouverte.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Vrière). - Par suite de l'ajournement de la seconde chambre des Pays-Bas, il est devenu nécessaire de reculer encore la date de l'échange des ratifications du traité nouveau. On m'a proposé pour cet échange la date du 30 mars. J'ai l'honneur de proposer de reporter à cette date le terme du régime provisoire qui est proposé par le projet de loi.

M. le président. - En conséquence, l’article premier serait ainsi conçu :

« Art. 1er. Les dispositions du traité du 20 septembre 1851, entre la Belgique et les Pays-Bas, relatives au transit, aux péages sur les canaux de Gand à Terneuzen et de Maestricht à Bois-le-Duc, et aux droits d'entrée sur le poisson de mer frais et la morue de pèche néerlandaise, continueront à sortir leurs effets jusqu'au 30 mars 1858. »

- La discussion générale est close.

Discussion des articles et vote sur l’ensemble

L'article premier, modifié comme le propose M. le ministre, est adopté.


« Art. 2. La présente loi entrera en vigueur au 1er janvier 1858. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi, qui est adopté à l'unanimité des 58 membres présents. Il sera transmis au Sénat.

Ces membres sont : MM. de Pitteurs-Hiegaerts, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Terbecq, Devaux, de Vrière, Dolez, H. Dumortier, d'Ursel, Frère-Orban, Frison, Goblet, Godin, Jacquemyns, J. Jouret, M. Jouret, Laubry, J. Lebeau, Lesoinne, Magherman, Manilius, Moreau, Orban, Orts, Pierre, Pirson, Rodenbach, Rogier, Sabatier, Savart, Tack, Tesch, Thiéfry, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Vander Stichelen, Van Iseghem, Verwilghen, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Anspach, Coppieters 't Wallant, Crombez, David, de Boe, Dechentinnes, de Decker, de Haerne, Deliége, de Luesemans, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Naeyer et Verhaegen.

Députation chargée de féliciter le roi

Tirage au sort de la députation chargée de féliciter Sa Majesté à l’occasion du renouvellement de l’année

Le sort désigne, pour faire partie de cette députation : MM. De Ruddere, de Haerne, Allard, Anspach, Sabatier, J. Lebeau, Pirmez, Malou, du Bus, de la Coste et de Van d'Attenrode.

- La séance est levée à 5 heures et demie.