(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1856-1857)
(Présidence de M. Delehaye.)
(page 1085) M. Tack procède à l'appel nominal à 2 heures et quart.
M. Calmeyn donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
- La rédaction en est approuvée.
M. Tack présente l'analyse des pétitions suivantes.
« La veuve du sieur Grevisse, sous-brigadier des douanes, réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir la réversion de la pension dont jouissait son mari ou du moins une pension qui la mette à l'abri de la misère. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le conseil communal de Jalhay demande que les tourbes soient assimilées au bois d'affouage quant à l'exemption du droit de barrière. »
M. David. -L'exploitation des tourbes devant bientôt commencer sur les hautes fanges, je prierai la commission de faire un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
« Des membres du comice agricole de Beauraing prient la Chambre d'accorder au sieur Lonhienne la concession d'un chemin de fer de Liège à Givet. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Hollman demande d'être indemnisé des pertes et des tribulations qu'il a subies à la suite d'une mesure de police prise à son égard. »
- Même renvoi.
« Le sieur Pirard, ancien officier en retraite, blessé de septembre, demande qu'on lui accorde la pension dont jouissent les décorés de la croix de Fer. »
- Même renvoi.
« Plusieurs habitants de Cappellen déclarent approuver la conduite des membres du conseil communal dans l'affaire relative à l'établissement d'une école de filles dans cette commune et réclament l'intervention de la Chambre pour qu'on lève la défense d'admettre les filles dans l'école de l'instituteur communal. »
M. Lelièvre. - Quoique je ne partage pas l'avis énoncé à la pétition, je demande que celle-ci soit renvoyée à la commission spéciale qui est chargée d'examiner la question concernant l'affaire de Cappellen.
- Adopté.
« Des propriétaires, industriels, exploitants de minerais et commerçants a Châtelet prient la Chambre de donner une application temporaire aux nouveaux droits sur la fonte et le fer, d'autoriser le gouvernement à augmenter ces droits dans certaines limites et de permettre la sortie de tous les minerais de fer moyennant certains droits de douanes. »
M. de Baillet-Latour. - Quoique je ne représente pas l'arrondissement de Charleroi, je prie la Chambre de renvoyer la pétition datée de Châtelet, concernant la libre sortie des minerais de fer, à la commission permanente de l'industrie, et de la joindre à celles adressées de mon arrondissement, pour lesquelles j'ai réclamé dernièrement un prompt rapport. Elles méritent toute l'attention du gouvernement pour engager la Chambre à ce renvoi.
« Les membres du tribunal de première instance de Dinant demandent une augmentation de traitement. »
- Renvoi à la commission du projet de loi sur l'organisation judiciaire.
M. Lelièvre. - La réclamation des membres du tribunal de Dinant est fondée, et je crois devoir l'appuyer.
« Des habitants de Verviers présentent des observations sur la situation que font à l'agriculture les droits sur les houilles et sur les fontes. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi portant révision du tarif des douanes.
Il est fait hommage à la Chambre, par M. Pirson, directeur de la Banque de Belgique, de 120 exemplaires du compte rendu des opérations de la Banque de Belgique pendant l'exercice 1856.
- Distribution aux membres de la Chambre et dépôt à la bibliothèque.
M. Della Faille, obligé de s'absenter pour affaires de famille, demande un congé de quelques jours.
- Ce congé est accordé.
M. de T'Serclaes. - Les Annales parlementaires d'hier rendent inexactement compte du vote émis par la Chambre sur le budget du département des travaux publics.
Voici comment les choses se sont passées :
Au vote de l'ensemble, nous avons d'abord adopté l'article unique du projet de loi, contenant les chiffres tels qu'ils ont été modifiés par la discussion.
Puis, la Chambre a adopté le paragraphe ci-après dont la rédaction avait été concertée entre le gouvernement et la section centrale.
« § 2. Des traitements ou indemnités pour le personnel ne peuvent être prélevés sur les allocations destinées aux salaires ou à des travaux extraordinaires spéciaux. »
Je me suis rallié, au nom de mes collègues de la section centrale, à un paragraphe 3, rédigé comme suit par M. le ministre des travaux publics :
« § 3. Les dépenses pour le matériel, les fournitures de bureau, les papiers, les impressions, les achats et les réparations de meubles, le chauffage, l'éclairage, le loyer de locaux et les menues dépenses des divers services, ne peuvent être prélevées qu'à charge des allocations spécialement affectées aux dépenses de l'espèce à faire par chacun de ces services. »
Ce paragraphe 3 a été voté par la Chambre.
Enfin d'accord avec le gouvernement, nous avons unanimement admis un paragraphe 4, ainsi conçu :
« § 4. Le gouvernement publiera, avant le 1er juillet 1857, des arrêtés royaux portant organisation de l'administration des chemins de fer, postes, télégraphes. »
Des trois amendements que je viens de reproduire sous les paragraphes 2, 3 et 4 ci-dessus, les Annales parlementaires ne mentionnent que le paragraphe 3 : les deux autres ayant été également votés, je demande que le bureau fasse opérer une rectification au compte-rendu de la séance d'hier.
M. le président. - Vous savez que la Chambre a été appelée à statuer sur les deux propositions de M. le ministre et sur la proposition de la section centrale. Ces trois propositions ont été adoptées.
Les Annales parlementaires ne font mention que d'une de ces propositions.
Je crois que, comme le demande M. de T'Serclaes, il y a lieu de rectifier cette erreur, qui d'ailleurs ne se trouve pas au procès-verbal. (Adhésion,)
M. Moncheur. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le projet de loi autorisant le désistement de la concession du chemin de fer de Tamines à Landen et de Groenendael à Nivelles.
M. Lesoinne. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le budget des non valeurs et remboursements pour l'exercice 1858.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ces rapports et les met à la suite des objets à l'ordre du jour.
M. le ministre des affairss étrangères (M. Vilain XIIII). - J'ai l'honneur de déposer un projet de loi portant approbation de deux traités conclus à Copenhague le 14 de ce mois.
Le premier de ces traités a été conclu entre le Danemark d'une part, et la Belgique, l'Autriche, la France, la Grande-Bretagne, le Hanovre, le Mecklembourg-Schwerin, les Pays-Bas, la Russie, la Prusse, la Suède, la Norvège et les villes hanséatiques d'autre part.
Ce premier traité porte de la part du Danemark abrogation des péages du Sund et des Belts et de la part des autres puissances contractantes l'engagement de verser dans le trésor danois une somme en rapport avec l'importance de leur navigation et de leur commerce. La Belgique a accepté de ce chef l'obligation de verser une somme de 904,365 fr.
Par le second traité, conclu entre le Danemark et la Belgique, la Belgique, d'une part, se met en lieu et place du Danemark vis-à-vis des Pays-Bas pour rembourser le péage de l'Escaut, qui serait dû par le pavillon danois, et le Danemark, d'autre part, donne quittance de la somme mise à notre charge par le traité général.
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi, la Chambre en ordonne l'impression et la distribution.
M. Osy. - Je demanderai à M. le ministre l'époque des ratifications.
M. le ministre des affairss étrangères (M. Vilain XIIII). - Messieurs, il serait à désirer que la discussion de ces traités pût avoir lieu le plus tôt possible, je vais en dire la raison.
A dater du 1er avril, qu'il y ait ratification ou pas ratification, le Danemark ne percevra plus les péages du Sund. Mais comme ce gouvernement n'est pas assuré de la ratification des différents pays avec lesquels il a contracté, les navires des puissances qui n'auront pas (page 1086) ratïfié seront encore arrêtés, afin que, s'il n'arrive pas de ratification, le Danemark puisse réclamer plus tard le droit sur ces navires.
Or, il est très important pour la navigation et le commerce que les navires ne soient pas arrêtés au passage du Sund, de sorte que la ratification la plus prompte est désirable.
M. Osy. - D'après les explications que vient de donner M. le ministre des affaires étrangères, je crois qu'il est à désirer que les traités puissent être votés avant notre séparation de Pâques. Je demande donc qu'ils soient renvoyés à l'examen d'une commission à nommer par Je bureau. (Adhésion.)
M. Sinave. - Je remarque qu'il y a deux traités. Si le second traité n'est pas adopté, je suppose que l'état actuel des choses serait maintenu.
M. le ministre des affairss étrangères (M. Vilain XIIII). - Certainement. Nous payerions les 900,000 fr. et tout serait dit. Mais il ne s'agit pas d'examiner en ce moment le fond de la question.
M. le président. - Il ne s'agit que du renvoi à une commission.
M. le ministre des affairss étrangères (M. Vilain XIIII). - Les deux traités sont tout à fait distincts.
M. Sinave. - C'est ce que je désirais savoir.
- La Chambre renvoie les traités à l'examen d'une commission à nommer par le bureau.
M. Malou (pour une motion d’ordre). - Je demande à la Chambre de m'autoriser à faire imprimer comme annexe au rapport sur le projet de loi relatif aux établissements de bienfaisance, l'arrêt rendu récemment par la cour de cassation, sur l'interprétation de l'article 84 de la loi communale, et le réquisitoire de M. l'avocat général Delebecque. Je crois que ces documents peuvent être utiles pour la discussion.
- Cette proposition est adoptée.
M. Sinave. - Je désirerais savoir si le gouvernement est déterminé à créer une marine militaire ou s'il y renonce.
M. le ministre des affairss étrangères (M. Vilain XIIII). - Messieurs, je ne sais pas encore quelles sont les conclusions de la commission nommée par le ministre de la guerre pour examiner la question des fortifications d'Anvers. Le sort de la marine militaire se lie intimement à la question de la défense d'Anvers ; elle ne pourra donc être résolue qu'après que la Chambre aura donné son assentiment aux propositions qui seront faites par le gouvernement pour la défense de cette grande place.
Je saisis cette occasion pour dire à la Chambre que c'est cette circonstance qui a retardé la présentation de mon budget ; le budget des affaires étrangères est prêt depuis le mois de janvier, mais je ne puis rien préjuger quant à la marine et tant que le sort de la marine restera incertain, tant que la question delà défense d'Anvers ne sera pas décidée il me sera impossible de présenter mon budget.
M. Sinave. - J'ai fait cette demande, messieurs, parce que nous avons certaines constructions à faire et que tout ce qui a été fait jusqu'à présent est déplorable.
Il n'existe pas au département des affaires étrangères une organisation suffisamment capable pour faire de bonnes constructions importantes. Le projet en discussion se rapporte à une nouvelle construction et je n'hésite pas à dire que cette construction ne répondra pas parfaitement à son but. Il n'existe pas, je pense, dans le monde entier, un bateau à vapeur mixte construit sur des pareilles dimensions. Il faut faite remarquer en outre que le bâtiment à vapeur qui a été construit excède de beaucoup les premières estimations : ce bâtiment a coûté 80,000 francs et on vient nous demander un nouveau crédit supplémentaire de 22,000 francs.
Si nous continuons les autres constructions sur te même pied, nous aurons une marine qui ne répondra pas à son but. Un bâtiment ordinaire mixte doit avoir en longueur au moins 5 ou 6 fois sa largeur ; eh bien, celui-ci n'a que 3 3,4 fois sa largeur. Evidemment une pareille construction ne peut pas être admise à l'avenir pour les nouveaux bâtiments destinés au pilotage que le gouvernement se propose d’établir.
J'ai d'autres objections à faire, niais nous avons à l'ordre du jour un autre crédit extraordinaire concernant la marine. Si la discussion ne peut pas suivre immédiatement celle qui nous occupe en ce moment, je me réserve de demander la parole ultérieurement.
- La discussion générale est close. La Chambre passe aux articles.
« Art. 1er. L'article 47 du budget du département des affaires étrangères, pour l'exercice 1856, est augmenté de vingt-deux mille francs (fr. 22,000). »
M. David. - Je lis, dans le rapport de la section centrale in fine, cette phrase-ci :
« La section centrale recommande au gouvernement, quand il s'agit de grosses réparations à la coque des navires et des bateaux, d'examiner s'il ne serait pas plus favorable de mettre ces réparations en adjudication publique et à forfait. »
Je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères s'il a accepté cette proposition ou s'il trouve qu'il y ait des inconvénients à procéder de cette manière.
M. Van Iseghem, rapporteur. - La section centrale a inséré cette clause dans le rapport comme une précaution pour recommander au gouvernement de ne jamais négliger de mettre les grosses réparations à faire à la coque des bateaux en adjudication publique et à forfait, du moment que ces réparations se montent à 80 p. c.
Bien que je croie que c'est la marche que le gouvernement suit ordinairement, la section centrale a cru qu'une nouvelle recommandation n'était jamais inutile, surtout qu'il y avait un moment d'actualité, que l'intention du gouvernement était, il y a quinze jours, de faire subir des réparations majeures au bateau pilote n°2 de la station d'Ostende.
M. le ministre des affairss étrangères (M. Vilain XIIII). - Messieurs, dès qu'il s'agit d'une réparation qui vaut 50 p. c. de la valeur du bâtiment, elle est toujours mise en adjudication publique ; tous les matériaux, sans exception, sont toujours achetés de cette manière. Il n'y a que les ouvriers qui sont pris quelquefois en régie ; mais dès que la réparation en vaut la peine, le travail manuel est aussi mis en adjudication.
- Personne ne demandant plus la parole,, l'article premier est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. Cette dépense sera couverte au moyen des ressources ordinaires de l'exercice 1856. »
- Adopté.
« Art. 3. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication ».
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 71 membres qui ont répondu à l'appel. Il sera transmis au Sénat.
Ont adopté : MM. de Pitteurs-Hiegaerts, de Portemont, de Rasse, de Renesse, Desmet, de T’Serclaes, de Wouters, Dumon, Dumortier, Goblet, Grosfils, Jacques, Janssens, Julliot, Lambin, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Licot de Nismes, Loos, Maertens, Malou, Mascart, Matthieu, Mercier, Moncheur, Moreau, Osy, Rodenbach, Rousselle, Sinave, Snoy, Tack, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Iseghem, Van Overloop, Van Tieghem, Vermeire, Vilain XIIII, Wasseige, Wautelet, Allard, Ansiau, Anspach, Boulez, Brixhe, Coomans, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Breyne, de Brouckere, de Haerne, de Kerchove, de La Coste, de Lexhy, Delfosse, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval et Delehaye.
M. Wasseige. - J'ai l'honneur de déposer des rapports de la commission des naturalisations sur plusieurs demandes en naturalisation ordinaire.
M. de Kerchove. - Je suis chargé de déposer plusieurs rapports semblables à ceux qui viennent d'être présentés.
- Ces rapports seront imprimés, distribués et mis à la suite de l'ordre du jour.
M. Coomans, rapporteur. - Messieurs, malgré tout le zèle qu'elle a déployé dans l'accomplissement de sa tâche, la section centrale chargée de l'examen du crédit supplémentaire de 770,736 fr. pour la célébration des fêtes de juillet 1856 n'a pas pu terminer son travail aujourd'hui. Il lui faudra quelques jours encore pour achever le dépouillement et l'examen des pièces qui lui ont été remises, pour se procurer d'autres éclaircissements et pour réviser certains comptes qui sont évidemment exagérés.
Cependant ayant égard aux besoins réels d'un certain nombre de fournisseurs et de travailleurs, elle m'a chargé de vous soumettre le projet de loi suivant :
« Art. 1er. Le crédit ouvert au département de l'intérieur par la loi du 23 mai 1856, pour la célébration du 25ème anniversaire de l'inauguration du Roi est augmenté d'une somme de 200,000 francs. »
« Art. 2. Cette somme sera employée au payement des créances les plus urgentes sans dépasser toutefois 50 p. c. du montant.
« Elle sera ajoutée au crédit voté à l'article 47bis du budget du ministère de l'intérieur pour l'exercice 1856 et couverte par les ressources du budget des voies et moyens.
« La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. de Perceval. - Je demande que la Chambre s'occupe immédiatement de ce projet.
M. Lelièvre. - Je demande que la discussion soit fixée à demain. L'urgence n'est pas telle, qu'on ne puisse différer d'un jour un débat assez important.
(page 1087) M. de Perceval. - Il y a urgence.
M. Coomans, rapporteur. - Je crois pouvoir déclarer à la Chambre qu'il entre dans les intentions de la section centrale que la proposition qu'elle m'a chargée de présenter à la Chambre soit votée sans retard.
M. Anspach. - Messieurs, il y a urgence et très grande urgence de voter le crédit qui vous est proposé, car il s'agit de payer des artistes et des travailleurs qui ont été mis dans une telle gêne par le retard qu'a éprouvé le payement de leurs créances que plusieurs ont été obligés de les vendre avec une très-grande perte, de 50 p. c. quelquefois.
Je répète donc qu'il est urgent et très urgent de voter des fonds pour payer des petits créanciers qui ne peuvent pas attendre.
M. de Perceval. - Je viens confirmer les renseignements qui vous ont été donnés par l'honorable M. Anspach, et j'ajouterai que plusieurs petits fournisseurs sont, à ma connaissance personnelle, en faillite, parce que le département de l'intérieur n'a pas encore soldé leurs mémoires.
Il est inconcevable qu'on ne paye pas des travaux faits et des objets livrés depuis bientôt huit mois. Pourquoi veut-on maintenant renvoyer à demain le vote sur la proposition de la section centrale ? Pour l'examiner, me dit-on. Mais cette proposition n'est accompagnée d'aucun rapport. Dès lors, l'ajournement ne s'explique point et n'offre aucune utilité.
Qu'on présente un motif quelconque qui soit de nature à militer en faveur de la remise du vote à demain, et je suis prêt à me rallier à ceux qui demandent cet ajournement.
Tout le monde est d'accord pour reconnaître qu'il y a urgence à solder le plus promptement possible les mémoires d'une catégorie déterminée de fournisseurs.
Le non-paiement de leurs créances a déjà amené de très fàcheux résultats pour plusieurs d'entre eux.
Ainsi que vous l'a dit l'honorable M. Anspach, il s'en trouve qui ont été obligés de vendre ces créances avec une perte de 50 p. c. pour pouvoir continuer leurs affaires, et d'autres sont en état de faillite.
M. Dumortier. - La proposition qui vous est faite, au nom de la section centrale, ne concerne qu'une chose : le vote jusqu'à concurrence de 50 p. c. d'un crédit aux plus nécessiteux.
Le crédit demandé par M. le ministre de l'intérieur et celui que vous avez déjà voté s'élèvent réunis à un million de francs. Les 200,000 francs que la section centrale propose en ce moment et les 300,000 francs déjà votés forment le chiffre de 500,000 francs, c'est-à-dire la moitié. C'est donc un crédit provisoire, et non une liquidation.
Veuillez remarquer que, quelque activité que la section centrale ait mise à son travail, il ne lui a pas été possible de vous présenter encore le rapport sur ces dépenses.
Il y a en effet beaucoup à dire sur ces dépenses. Il s'est passé dos choses que j'appellerai nettement scandaleuses. Je crois que des choses semblables méritent un sérieux examen.
Pour ne citer qu'un fait sans nommer les personnes, je rappellerai que pour la peinture à la colle d'un arc de triomphe, on a demandé une somme de 26,000 francs, alors que le plus beau tableau qu'il y ait en Belgique « l'Abdication de Charles-Quint » par Gallait a été acheté par l'Etat, sur la proposition de M. Rogier, au prix de 25,000 francs. Il y a beaucoup de choses semblables.
Ceci mérite un examen sérieux. Nous avons voulu mettre le gouvernement à même de payer les petites créances. Comme ce n'est qu'un crédit provisoire, le crédit pourra faire l'objet d'un examen plus sérieux et approfondi.
Quant à la remise à demain, je n'y vois aucun profil, puisqu'il nous faudra alors interrompre la discussion sur le projet de révision du tarif des douanes. Il vaudrait mieux, ce me semble, discuter immédiatement ce crédit provisoire.
Il n'y a à cela aucune difficulté, puisqu'il est entendu (c'est l'intention formelle de la section centrale) que M. le ministre de l'intérieur dans les payements qu'il fera au moyen de ce crédit provisoire laissera de côte les gros comptes, ceux qui présenteraient des exagérations telles que celle que je viens de signaler.
M. de Baillet-Latour. - Il me semble que d'après les explications données par mon honorable collègue M. Dumortier, nous avons déjà abordé le fond de la proposition de la section centrale de voter une somme de 200,000 fr. pour payer des à-compte sur différentes notes dues à divers fournisseurs.
Il me reste un doute, c'est que cette somme me parait insuffisante, et si la proposition de l'honorable M. de Perceval n'était pas adoptée de voter séance tenante, je suis convaincu que la Chambre demain proposera un chiffre plus élevé ; les petits fournisseurs ne peuvent souffrir pour les gros. Auront-ils 50 p. c. sur leur créance ? J'en doute fort, bien que 300,000 fr. aient déjà dû être soldés.
M. Lelièvre. - Je ne vois pas que l'urgence soit telle qu'on ne puisse remettre la discussion à demain. Le crédit demandé soulève une question qui n'est pas sans importance. Il s'agit de savoir s'il ne serait pas préférable de payer dès maintenant et intégralement certaines créances dont la légitimité est incontestable.
D'un autre côté, remarquez que la proposition de la section centrale tend à faire adjuger une somme de 200,000 francs imputable sur toutes les créances.
Or, c'est là une décision qui reconnaît implicitement la réalité de toutes les réclamations sans distinction, puisqu'un paiement quelconque renferme approbation de la dette.
A mon avis, il est impossible de voter sans examen un crédit qui peut avoir des conséquences légales de nature à compromettre les intérêts de l'Etat.
C'est pour ce motif que je pense qu'il est préférable de ne traiter la question que dans la séance de demain afin qu'on puisse prendre une résolution en connaissance de cause.
- La proposition d'urgence, faite par M. de Perceval, est mise aux voix. Elle n'est pas adoptée.
La Chambre fixe la discussion à l'ouverture de la séance de demain.
M. le président. - M. le ministre des finances se rallie-t-il au projet de la section centrale ?
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Non, M. le président, je désire que la discussion s'établisse sur le projet du gouvernement.
Cette réponse demande une explication.
Les amendements qui ont été introduits par la section centrale aux articles du projet de loi du 19 janvier 1851 qui existent encore à l'état de proposition, l'ont été avec l'assentiment du gouvernement, sauf un seul, celui qui concerne le charbon de terre. Mon honorable prédécesseur n'a pas accepté la modification proposée à cet égard par la section centrale qui réduit le droit à 83 centimes les 1,000 kil.
Je me rallie de même, au nom du gouvernement, à tous les amendements introduits par la section centrale sur les autres articles du projet. Mais je m'oppose à toute réduction plus forte que celle qui est proposée par le projet de loi relativement au droit d'entrée sur le charbon de terre.
Il me semble, M. le président, que la discussion pourrait s'établir parfaitement sur le document n°123. Pour qu'il puisse être considéré comme proposition du gouvernement, il suffira de substituer le chiffre de 1 fr. 40 c. au chiffre de 83 c. qui a été voté par la section centrale comme droit d'importation sur le charbon de terre.
Moyennant cette seule modification, le document n°123 deviendra véritablement la proposition du gouvernement.
M. de Renesse. - Messieurs, l'on ne pourra, certes, reprocher à la Belgique de marcher avec trop d'activité et de précipitation dans la révision de son tarif douanier, el quoique cette grande question d'économie sociale ait été à l'étude depuis de longues années, ce n'est que sous le précédent ministère que, véritablement, la reforme partielle de ce tarif a été présentée à la séance du 19 janvier 1853, aux délibérations de la Chambre des représentants, par l'honorable M. Liedts, alors ministre, des finances.
Il a fallu à la Chambre une attente de plus de deux années, avant que le rapport sur ce projet fût déposé à la séance du 13 février 1855 ; cependant, il n'avait pour objet principal que la réduction ou la suppression des droits sur les matières premières nécessaires à l'industrie, à leur importation dans le royaume ; il tendait, en outre, à la simplification du tarif et renfermait une disposition transitoire, destinée à fournir au trésor un revenu à peu près égal à celui dont il aurait été privé par les dégrèvements proposés.
La discussion de ce projet important commença à la séance du 27 février 1855, et après que déjà plusieurs orateurs avaient pris la parole, elle fut ajournée par la crise ministérielle.
A la rentrée de la Chambre, après la formation du nouveau ministère, l'honorable ministre des finances, M. Mercier, demanda, à la séance du 26 avril suivant, l'ajournement de la discussion de ce projet de loi ; plusieurs de nos honorables collègues et moi, nous croyions devoir d'autant plus nous opposer à cet ajournement, que le projet de révision de l'honorable M. Liedts avait été non seulement favorablement accueillie par presque toutes les chambres de commerce, les autorités consultées, mais surtout par les sections et la section centrale de la Chambre des représentants.
D'après les déclarations formelles de plusieurs honorables ministres actuels, cet ajournement ne devait reculer la discussion de la révision générale du tarif des douanes que de quelques mois, jusqu'à fa session suivante, époque à laquelle le complément du tarif aurait été étudié ; cependant ce temps déterminé est déjà passé depuis la session dernière, et il n'y a nulle apparence qu'un projet d'ensemble nous soit présenté dans un délai assez rapproché pour que nous puissions encore nous en occuper sérieusement pendant la session actuelle.
Voilà donc plus de cinq aunées que le premier projet a été présenté sans que jusqu'ici il ait encore pu être discuté dans son ensemble, et, malgré les justes réclamations de la masse des consommateurs, c'est-à-dire du plus grand nombre des contribuables, les intérêts de quelques-uns, de quelques industriels et de certaines industries puissantes, semblent devoir prévaloir sur ceux de la généralité du pays : la révision générale du tarif douanier paraît être remise indéfiniment, el Dieu sait quand cette discussion pourra être entamée, car de la manière dont marchent les choses, les Chambres n'auront peut-être pas encore réglé cette question si importante avant l'année 1860 !
(page 1088) En attendant, il faudra que la masse des consommateurs, la plus grande partie des habitants du pays subissent le monopole des différentes industries privilégiées, protégées par de hauts droits protecteurs ; il faut, comme contribuables, qu'ils payent leur part dans les nombreuses charges publiques, sans compensation aucune ; et le gouvernement semble plutôt favoriser les intérêts de ces sociétés et industries privilégiées, en retardant de jour en jour la révision générale du tarif douanier, au détriment surtout de l'agriculture, la première industrie du pays, et de nos nombreuses populations agricoles qui, à la fin, lassées d'attendre inutilement un dégrèvement des objets fabriqués et autres de première nécessité, formeront un pétitionnement général, afin que l'on fasse droit à leurs justes réclamations. Déjà, en effet, grand nombre de pétitions nous sont adressées journellement de différentes parties du royaume. Pourquoi l'agriculture doit elle seule faire tous les sacrifices à la liberté commerciale, lorsque d'autres industries puissantes demandent le maintien du statu quo ?
L'honorable ministre des finances nous a présenté, à la vérité, un projet de révision des lois relatives au régime commercial qui a été discuté et adopté à la séance du 20 mai de la dernière session ; ce projet, d'une certaine valeur sous le rapport du règlement de notre système commercial, puisqu'il détermine les principes à suivre à l'avenir pour fixer nos rapports internationaux au point de vue industriel, commercial et maritime, n'a apporté, du reste, que quelques suppressions de droits sur certaines matières premières et modifié quelques autres droits sur un certain nombre de marchandises ; cependant, sous ce dernier rapport, il n'avait pas la même importance que le projet de révision partiel, présenté par l'honorable M. Liedts, qui dormait satisfaction à beaucoup plus d'intérêts.
J'ai donc été charmé d'apprendre, par la réponse à l'interpellation de notre honorable collègue et ami, M. Vandenpeereboom, que M. le ministre des finances ne s'opposait plus à la mise à l'ordre du jour de la partie restante du projet de révision présenté par le ministère précèdent, et qu'il consentait à la discussion de ce projet avant la présentation du projet de la réforme générale de notre tarif douanier. L'utilité de la plus prompte discussion du projet de révision partielle ne pourra guère être contestée ; ce serait, d'ailleurs, porter un véritable préjudice à diverses de nos industries qui réclament un abaissement du tarif pour certaines matières considérées comme premières. Si l'on voulait encore l'ajourner, ce serait maintenir de forts droits inutilement, sans grandes ressources pour le trésor public.
L'honorable ministre des finances, comme rapporteur du projet de M. Liedts, reconnaissait lui-même, qu'il ne pouvait y avoir justice qu'avec l'uniformité du tarif ; que le projet soumis à l'appréciation de la Chambre était un premier pas vers ce but. Mais il n'y aura justice entière, disait-il, que lorsque l'harmonie régnera dans toutes les parties de notre législation commerciale.
J'ose espérer que l'honorable ministre des finances professe encore la même opinion, et qu'il mettra toute son activité pour parvenir le plus tôt possible à la révision générale de notre tarif de douanes, et portant encore une main plus libérale el plus hardie à la réforme du système si usé des hauts droits protecteurs, pour les remplacer par des droits plus modérés, purement fiscaux, et qu'il ne fera pas droit à la demande du comité centrale de l'association pour la défense, soi-disant, du travail national, qui désire le maintien du statu quo, c'est-à-dire la conservation des privilèges et du monopole douanier, pour pouvoir continuer d'exploiter et de rançonner la masse des consommateurs du pays.
Si cependant, d'ajournement en ajournement, l'on parvenait encore à retarder l'examen devant les Chambres législatives de cette question si importante de l'économie sociale, pour maintenir, autant que possible, les hauts droits protecteur en faveur de certaines de nos grandes industries, l'on pourrait suppose, que cette tiédeur du gouvernement pour une plus hâtive solution de cette grande modification douanière, intéressant au plus haut point la généralité du pays, doit être attribuée à ce que les grandes industries privilégiées ne sont que trop bien représentées dans notre parlement, composé, en effet, d'une partie de leurs gros états-majors.
Ces honorables membres ne pèseraient-ils pas, parfois, par leur influence parlementaire sur l'irrésolution ministérielle, quant à la plus prompte révision de notre tarif générai des douanes ?
Je n'ai fait qu'indiquer ce que l'on dit assez ouvertement dans le pays ; s'il en était réellement ainsi, il faudrait examiner s'il n'y aurait pas lieu de modifier la loi du 20 mai 1848 sur les incompatibilités parlementaires et de faire opter ces hauts fonctionnaires des différentes sociétés industrielles, financières et commerciales, membres des Chambres législatives, entre leur mandat parlementaire et leurs fonctions près de ces sociétés, en partie anonymes, dont ils retirent de très grands avantages financiers.
Si, autrefois, l'on a pu avec un certain droit critiquer et demander la suppression des privilèges accordés à la noblesse et au clergé, à plus forte raison, nous devons insister aujourd'hui sous notre libérale Constitution, qui ne permet plus aucun privilège, que successivement et dans un délai assez rapproché, l'on établisse l'égalité de toutes les industries devant la loi douanière.
Il ne faut pas que l'on puisse dire qu'en Belgique, où toutes les libertés les plus larges sont consacrées par notre pacte fondamental, il soit encore permis à certaines industries privilégiées jusqu'ici par de hauts droits protecteurs et par des primes, c'est-à-dire à une véritable aristocratie industrielle, d'exploiter le consommateur, surtout peu favorisé de la fortune, comme s'il était encore corvéable et taillable et soumis au régime du bon plaisir.
En terminant mes observations générales sur le projet de révision partielle du tarif des douanes, je crois de nouveau, dans l'intérêt de la masse des consommateurs, par conséquent, des contribuables, devoir insister avec force auprès du gouvernement, et en particulier auprès de l'honorable ministre des finances, pour que le projet de loi de la réforme générale de notre tarif des douanes soit encore présenté, pendant la session actuelle, aux délibérations des Chambres. S'il en était autrement, l'on pourrait supposer que l'on désire encore ajourner cette révision générale ; car, nécessairement la session prochaine ne pourra être prolongée au-delà de la mi-mai, par suite des élections pour le renouvellement de la moitié de la Chambre des représentants.
M. Brixhe. - Messieurs, dans cette discussion générale, je n'entends rencontrer que celui des articles du projet de loi qui intéresse à la fois trois de nos provinces et plus particulièrement l'arrondissement que je représente : je veux parler de l'entrée des houilles étrangères.
Dans les conditions où nous sommes depuis quelques années, la libre entrée des houilles étrangères est à mes yeux un fait rationnel. Aussi en 1855, avec mon honorable collègue et ami, M. Vandenpeereboom, j'ai contribué à la prorogation de ce fait jusqu'au 31 décembre 1857.
Que la mesure soit successivement renouvelée et pour des termes plus ou moins étendus, je n'y ferais peut-être point obstacle, si le bon ordre dans le pays el les intérêts accumulés dans nos bassins houillers étaient prudemment prévus et sauvegardés. Mais ce que je crois indispensable à cet effet, c'est qu'une disposition préventive expresse de la loi, fixant un droit d'entrée convenable, laisse le gouvernement suffisamment armé pour empêcher la perturbation de nos houillères et le trouble parmi nos populations, contre les éventualités d'une importation considérable des houilles étrangères.
Moyennant cette réserve, beaucoup se rallieront sans doute à cette continuation de la libre entrée des houilles. Mais parmi nous, devant l'inconnu, quelques esprits sont ombrageux, et je suis de ce nombre ; d'autres ne sont pas ombrageux du tout, et n'ayant peut-être rien à gagner, quoique rien à perdre dans les hasards d'une entreprise aventureuse, ils nous diront : Que craignez-vous ? Vous savez parfaitement que les houilles anglaises ne sont pas à craindre pour la production belge et que la condition de celle-ci ne peut être mise en péril. Dès lors ils s'opposent aux garanties que nous souhaitons.
Je ne sais pas jusqu'où pourrait aller la bienveillance douteuse de quelques personnes à l'endroit de notre industrie charbonnière, mais je reprends l'argument et, le retournant, je demande : Puisque les houilles étrangères ne doivent jamais inonder, comme on dit, notre pays, pourquoi nous refuser une garantie illusoire, si vous voulez, mais qui nous fait, à nous, une sécurité, qu'il vous est certes libre de dire imaginaire, mais dont vous ne pouvez pas raisonnablement nous refuser la satisfaction innocente et peu coûteuse ? Je ne sais pas ce que produira la discussion, ni quelles propositions pourront surgir, mais je voterais contre la loi, si la libre entrée des charbons étrangers était adoptée comme règle permanente, sans garantie éventuelle pour l'industrie charbonnière belge.
De tout temps les prix de la houille ont eu à subir des alternatives diverses. Ils étaient élevés en 1837 et 1838. Ensuite ils ont fléchi et pendant quatre années, de 1848 à 1851, ils sont devenus ruineux pour notre industrie houillère. Pareille dépréciation peut aussi se produire en Angleterre. Qui nous rassurera contre les conséquences possibles, et quelle serait alors l'influence de l'entrée des charbons étrangers ? On dira que dans aucun cas une importation sérieuse n'aura lieu. Je n'en suis pas absolument certain, mais en fût-il même ainsi, pourquoi nous refuser une précaution qui ne peut nuire à personne ?
Messieurs, dans une moyenne de vingt aunées, le capital charbonnier, chez nous comme en Angleterre, ne rapporte que 5 p. c, et cependant ce capital est énorme, car il distribue eu salaires groupés, pressés ensemble annuellement 25 millions de francs à plus de soixante mille ouvriers. Or, il faut y prendre garde, devant ces chiffres, devant ces populations, on doit bien plus se préoccuper de ce qu'on appelle la raison d'Etat, que des harmonies économiques, que des abstractions de la théorie pure. Devant ces chiffres encore, répondre que nos soixante mille ouvriers congédiés des houillères, en tout et en partie, se mettront paisiblement, et du jour au lendemain, à faire autre chose, ce n'est plus parler la langue d'une noble et belle science, et si ce n'est pas de l'indifférence envers nos ouvriers, il y a du moins légèreté à produire si mal à propos des formules banales qui ne peuvent ici être prises au sérieux.
Il est évident que dans un cas donné, vous n'auriez à compter qu'avec les faits et qu'aucune considération d'école ne pouvant résister à la force des choses, vous seriez obliges de rétablir des droits suffisants à l'entrée, pour un terme plus ou moins long. Mais, grâce aux formes parlementaires, la promulgation de votre loi n'arriverait qu'après bien des maux accomplis. Pour ma part, j'aime donc mieux que la loi soit faite d'avance et nous donne ainsi l'assurance d'une intervention opportune.
Je le dirai encore une fois, continuez provisoirement à laisser entrer en liberté les charbons étrangers, je le veux bien encore, mais que par la (page 1089) loi le gouvernement puisse éventuellement percevoir à la frontière les droits nécessaires pour sauvegarder l'industrie charbonnière, suivant le besoin, le tout sous sa responsabilité.
Nous préciserons ultérieurement notre moyen préventif ; mais si la loi passait sans prendre nul souci des intérêts ni même des inquiétudes de l'industrie houillère, ni des salaires de nos populations, je lui refuserais mon vote. Et je le ferais, messieurs, en toute sécurité de conscience, car chez nous l'industrie charbonnière n'est un obstacle pour personne ; car le travail est fécond et la prospérité grande en Belgique dans toutes les industries, filage et tissage, mines, métallurgie, construction de machines, sans oublier l'agriculture qui vivant, justement d'ailleurs, de l'activité de toutes ces autres industries, suffit à peine aux trois quarts de la consommation du pays.
Pourquoi donc, dès lors, ne pas se montrer bienveillant, sympathique pour l'industrie charbonnière, et que gagnerait-on à la laisser sans défense contre des éventualités dont nul ne peut absolument nier le retour possible, ni mesurer d'avance la portée ?
Croyez bien, messieurs, qu'on serait mal venu auprès de nos populations ouvrières, à les vouloir persuader, sous couleur d'intérêt, de pitié, que la fermeté de leurs salaires n'importe guère et qu'elle n'est point liée du tout à la prospérité de nos exploitations. Jamais nos travailleurs ne comprendront que la réduction, d'ailleurs problématique, de quelques centimes sur tels ou tels objets de consommation puisse compenser pour eux la suppression immédiate ou l'amoindrissement de leur paye, ni justifier l'altération ou le malaise de notre industrie houillère el métallurgique.
A ce point de vue, je crois que nos ouvriers ont bien quelque raison de s'émouvoir et point ne s'en font-ils faute, en effet, dans nos houillères, usines, hauts fourneaux el dans nos pays de minières, comme le prouvent du reste, les nombreuses pétitions qui arrivent à la Chambre. Pétitions de commande, dira-t-on, car que ne dit-on pas ? Mais alors qu'est-ce donc que ce pétitionnement creux dont on a si vivement suscité la fièvre inexplicable dans quelques arrondissements ruraux, celui de Nivelles, par exemple, où l'on devrait pourtant bien comprendre que le développement de notre industrie minérale est pour la plus grande part dans l'incontestable prospérité de l'agriculture ?
Voilà donc, messieurs, quelles sont les impressions de nos populations, et si nous ne faisons ici que de l'économie politique médiocrement transcendante, c'est qu'il s'agit beaucoup plus de faire, avant tout, de l'économie vraiment sociale, je veux dire de la sécurité, de l'ordre public qu'il faut bien payer de quelque chose.
Du reste je n'exagère pas et l'on récriminerait en vain, car ainsi pensent les ouvriers qui vivent avec nous, de notre activité, de nos capitaux. S'ils se trompent ou, l'aime-t-on mieux ?, si on les trompe, eh bien, allez à Liège même, à Namur et à Mons, à Mariemont, à Charleroi, dans les usines, dans les minières de l'Entre-Sambre-et-Meuse ; allez et catéchisez, mais en même temps vous vous instruirez et vous connaîtrez enfin les dispositions vraies de nos provinces minérales, dont nos impatients réformateurs semblent faire beaucoup trop bon marché.
J'ai dit que je suis disposé, s'il le faut, à prolonger, sous condition, la liberté d'entrée des houilles étrangères ; mais libre entrée, messieurs, et primes à l'entrée, ce sont deux choses à la fois et l'une est de trop : je m'en plaignais déjà dans cette enceinte en février 1855. Je fais allusion au remboursement de droit que nous servons à la Hollande pour la navigation de l'Escaut.
Enfin, je ne terminerai pas cependant sans rappeler tout ce que nous avons dit si souvent sur ces péages exagérés, exorbitants qui séparent la production de Charleroi des consommateurs des Flandres, d'Anvers et du Brabant. Permettez-nous donc d'abord d'arriver jusqu'à eux avant les Anglais et nous parlerons ensuite du régime douanier. Alors, l'ordre public toujours sauf, vous égaliserez graduellement, insensiblement les conditions de tout le monde, je répète de tout le monde, et non pièce à pièce en s'attaquant à telle et telle industrie isolément, car à mon sens, comme je le disais il y a deux ans, les lois douanières se feront certainement alors sous la pression des coalitions d'intérêts ; ce que du reste je commence à croire inévitable, de toute façon.
Les intempérances de la propagande, les exagérations blessantes de la polémique ont produit un temps d'arrêt dans l'opinion, une réaction réelle, qu'on ne peut pas plus braver maintenant chez nous, que n'a pu le faire un gouvernement particulièrement fort chez nos voisins du midi. C'est peut-être plus que jamais le temps des prudentes compositions.
Je viens de dire l'ordre public sauf. En effet, maltraitons les cotons, les houilles et les fers ; essayons-le, mais est-il vrai du moins que nous verrons à ce prix, notre industrie agricole et manufacturière rivaliser aussitôt avec l'industrie anglaise sur tous les marchés du monde ? Aurons-nous réellement de plus vastes débouchés ; puis qu'exporterons-nous alors pour solder ces importations qui doivent mettre tout le monde dans l'aisance ; et, je voudrais qu'on nous le révélât, quelles industries inconnues, armées de pied en cap, vont donc subitement sortir du crâne olympien de nos jupins modernes ?
Que le prix de toutes choses baisse, je le veux bien, car ce sera au mieux pour les consommateurs, mais que feront les producteurs mis à la réforme ? Toujours autre chose sans doute : c'est la réponse à tout. Enfin comment cela fera-t-il véritablement, à l'instant même, la fortune de chacun ? Et si pourtant les fortunes futures ne doivent aussi, comme les anciennes, s'élever que graduellement, pourquoi ne pas ménager de même les déplacements ? Que peut-on faire avec des ruines ?
Et puis, il restera toujours à compter d'abord avec les intérêts maltraités, mais ensuite avec les populations, car on les aura sans doute quelque temps sur les bras, et, je le répète, on reconnaîtra bien qu'il y a là quelque péril.
Messieurs, la véritable économie politique redoute les impatients et répugne aux mesures violentes. En effet, rarement en pratique elle a l'occasion de constituer d'emblée et de toute pièce, comme le seigneur Idoménée, des Salentes quelconques, et, soit dit en passant, la république démocratique des Etats-Unis elle-même, par exemple, a médiocrement profité des enseignements du sage Mentor. Mais devant nos sociétés vieillies, la vraie science a fort affaire et prend pour point de départ le ménagement des intérêts de tous par de prudentes et longues transitions.
Les pères de la science, les économistes sérieux et dignes de ce nom, sont unanimes là-dessus ; pour le faire voir par les textes mêmes, je n'aurais que l'embarras du choix des citations, depuis le temps du vieux Adam Smith jusqu'à nos récentes années. Toujours dans leurs leçons les transitions lentes, uniformes pour tous, sont exprimées ou supposées.
Je termine, en me réservant pour le cas surtout que l'on vienne à combattre le chiffre du gouvernement.
M. T'Kint de Naeyer. - L'honorable comte de Renesse, qui a ouvert ce débat, a insisté pour que le gouvernement poursuive le plus activement possible la révision générale de nos tarifs. Il a proclamé l'urgence de la réforme au nom de la justice, au nom des consommateurs.
Messieurs, la justice demande, avant tout, qu'on tienne compte des droits acquis, de la nature des productions, de la situation des industrie, sous le régime d'un tarif qui jusqu'à présent a été pour plusieurs d'entre elles une condition d'existence. La justice demande impérieusement que des milliers d'ouvriers ne soient pas exposés aux conséquences de la ruine des industries qui leur donnent du pain.
Ce n'est pas avec les axiomes de la théorie que l'on arrive à prouver que telle industrie a ou n'a pas besoin de protection. Il y a un compte à ouvrir à chaque branche du travail national, la conclusion est dans la balance.
C'est ainsi, messieurs, que l'on a procédé en Angleterre, dont on invoque si souvent l'exemple dans cette enceinte. Vous savez à combien d'enquêtes minutieuses on s'y est livré avant que sir Robert Peel n'ait apporté devant le parlement son projet de réforme. L'enquête n'a pas été faite alors contre l'industrie, comme on semblerait vouloir l'indiquer aujourd'hui ; elle a été faite avec le concours de l'industrie elle-même.
Tous les intérêts ont été entendus, la plupart des industriels ont été interrogés et la première question qui leur était invariablement posée était celle-ci. Votre industrie a-t-elle quelque chose à redouter de la concurrence étrangère ?
L'Angleterre, qui avait recueilli les fruits d'une protection séculaire, jetait une arme inutile ; elle offrait comme amorce quelques produits d'une consommation restreinte et comptait sur l'exemple qu'elle allait donner pour entraîner les autres nations à sa suite.
C'était avec une entière confiance et sans crainte d'être démenti que sir Robert Peel, dès 1842, pouvait dire au parlement :
« Considérez, messieurs, vos avantages matériels, toutes les ressources de vos manufactures, les mines de fer et de charbon qui abondent sur votre territoire. Voyez vos avantages acquis. Vous avez un capital décuple de celui de toutes les nations du monde. Est-ce qu'un pays si riche d'avantages naturels, si riche de savoir et d'énergie, est-ce qu'un tel pays peut redouter la concurrence de l'étranger ? Qu'avez-vous à craindre ? »
Et pour enlever les dernières appréhensions, pour démontrer toute la profondeur de ses vues, il ajoutait :
« J'ai mis l'industriel en état de réduire les prix de revient dans une proportion plus forte que la réduction des droits d'entrée. J'ai fait bien au-delà. J'ai mis tous les producteurs en position d'augmenter immensément leur fabrication : d'abord parce que le bien-être matériel fera plus consommer dans l'intérieur du pays, en second lieu surtout, parce que nul ne pourra désormais leur faire concurrence sur les marchés étrangers. »
Je me demande, messieurs, si la réforme que l'on réclame ici au nom des principes du libre-échange, doit avoir pour effet d'augmenter la consommation des produits nationaux à l'intérieur, en même temps que de nouveaux débouchés s'ouvriront sur des marchés où, sans cela, nous n'eussions jamais pénétré.
Vous venez de voir, messieurs, comment la réforme a été présentée en Angleterre.
Malgré la confiance si complète du gouvernement, malgré la perspective brillante que l'on entrevoyait, la protection fut maintenue pour toutes les industries qui en avaient encore besoin. Dans cette catégorie se rangeaient les soieries, les papiers, la ganterie, les ouvrages en terre et d'autres articles encore qui m'échappent en ce moment. En général, les droits à la valeur furent préférés, droits en apparence peu élevés, il est vrai, mais qui ont une importance réelle, lorsqu'on les met en rapport avec la loi anglaise.
(page 1090) En Angleterre, la préemption n'est pas un vain mot. Elle est efficace, car elle se fait au nom du gouvernement. Dans notre pays, vous savez combien les saisies sont rares. Peu de douaniers oseraient s'exposer à en faire pour leur compte particulier.
M. Baring qui était chef du bureau de commerce résumait parfaitement les mesures du gouvernement en disant : « Il s'agit de l'entrée pour l'étranger là où l'industrie anglaise n'a rien à craindre. » Eh bien, je souhaite que M. le ministre des finances, chaque fois qu'il viendra proposer une modification au tarif, puisse s'exprimer avec la même assurance et déclarer : Il s'agit de l'entrée de marchandises pour lesquelles l'industrie nationale n'a rien à craindre. Il faut que le pays sache bien ce qu'il a à perdre ou à gagner.
On a fait sonner bien haut l'intérêt des consommateurs.
L'honorable comte de Renesse s'est particulièrement apitoyé sur leur sort. Mais je lui demanderai qui se plaint en Belgique du prix trop élevé des articles manufacturés, par exemple. Pour un franc on peut se procurer le coton écru, nécessaire pour une chemise ; avec trois francs on achète une robe.
Dans quel pays les vêlements du peuple sont-ils à meilleur marché ?
En supposant qu'il y ait sur ces objets de première nécessité et de grande consommation quelques centimes d'économie à réaliser, à quoi cela servira-t-il, si vous devez diminuer le salaire de l'ouvrier et enlever au pays le bénéfice de plus de 50 millions que lui vaut la transformation du colon brut en tissus !
Nous n'avons pas, comme en Angleterre, une taxe des pauvres pour suppléer à l'insuffisance des salaires. Acheter là où on le trouve à meilleur marché n'est pas toujours bénéfice : mais ce qui est bénéfice, c'est le travail qui assure l'existence de tant de milliers d'ouvriers.
Il n'y a pas d'expérimentation à faire en pareille matière.
Dans un pays comme le nôtre, il y a peu de consommateurs qui ne soient en même temps producteurs, et il y a une considération qui domine toutes les autres. C'est que pour être consommateur, il faut être à même de payer sa consommation.
C'est en vain que l'honorable comte de Renesse cherche à séparer les intérêts agricoles des intérêts industriels, il y a solidarité entre eux.
Viennent les crises que le libre-échange nous ménage et vous verrez si l'agriculture sera la dernière à en souffrir. J'ai établi que sous le rapport des prix, nous nous trouvons, en général, dans une condition aussi favorable que dans d'autres pays. On pourra me faire une objection et me dire : S'il en est ainsi, à quoi bon la protection ? Elle est dans tous les cas exagérée.
Messieurs, en temps normal, certaines réductions du tarif pourraient être inoffensives, mais ce que nous devons craindre, ce que la plupart des grandes industries craignent, l'honorable M. Brixhe vient encore de le faire ressortir, ce sont les mouvements désordonnés de la production qui amènent des crises périodiques, surtout en Angleterre. (Interruption.)
Messieurs, qu'on ne nie pas l'intensité de ces crises, les calamités qui en sont la conséquence. Je laisserai encore à l'auteur de la réforme anglaise le soin de vous expliquer de quelle manière elles se produisent.
Voici ce que disait sir Robert Peel dans la séance du 31 mars 1844 :
« Cette grande richesse, cette grande expansion de l'Angleterre, éprouvent plus ou moins fréquemment des moments d'encombrement, d'arrêt ; il suffit pour cela que la force productive ne sache pas se modérer, et elle ne le sait guère ; il suffit qu'un débouché se ferme, même momentanément ; alors, pas une secousse, pas un trouble ne se manifeste sur un point quelconque, qu'elle ne le ressent. Eu grande communication avec tous les peuples, l'Angleterre souffre de tous les événements qui frappent chacun d'eux. Alors viennent les crises ; alors le travail s'arrête chez elles ; les classes ouvrières souffrent et tombent bientôt dans le besoin. Alors le commerce anglais cherche à se défaire, partout et à tout prix, de son encombrement. »
Messieurs, cet aveu est précieux et il est bon à enregistrer.
Ce n'est pas sur le marché intérieur, c'est sur les marchés étrangers, et, de préférence sans doute, sur le marché le plus voisin que l'on cherchera à se défaire partout il a tout prix de son encombrement.
Et ces sacrifices il est d'autant plus facile de les faire que la fabrication est montée sur une plus grande échelle, que le marché intérieur ou celui des colonies est plus étendu.
Lorsque l'on vend 80 p. c. de sa production avec un bénéfice considérable et incontesté, on ne recule pas devant la perte que la réalisation des 20 p. c. restants doit faire éprouver.
C'est ce que nous avons vu en 1848. A cette époque l'Angleterre, la France même, malgré nos tarifs, nous inondaient de soldes, qui aggravaient encore la position déjà si précaire de nos manufactures. Vous n'avez pas oublié, messieurs, que le gouvernement fui obligé de leur venir en aide.
Avant de porter une main imprudente sur nos tarifs, M. le ministre des finances ne se bornera sans doute pas à constater la situation intérieure, il se montrera attentif à la politique de la plupart des nations continentales.
Il faut convenir, messieurs, que ce qui se passe dans d'autres pays n'est pas de nature à nous engager à prendre les devants. Qu'avons-nous vu en France ? Il y a quelques années, il semblait qu'une réforme douanière était imminente. Eh bien, vous le savez, le gouvernement impérial est venu proposer non pas des droits protecteurs de 20 ou 25 p. c, mais des droits protecteurs de 50 et 60 p. c. pour remplacer la prohibition ; des intérêts considérables se sont alarmés, et le projet de réforme douanière a été relégué dans les cartons. (Interruption.)
Le projet a été abandonné et je ne pense pas, comme on le dit à côté de moi, que ce. résultat soit dû à la crainte des révolutions.
On a reculé devant des considérations beaucoup plus avouables, devant la lumière des faits, devant l'intérêt national.
Les défenseurs des prohibitions et des droits élevés en ont demandé le maintien, non en vue d'une concurrence normale, mais comme une digue aux débordements de la production étrangère en temps de crise.
Voilà donc, messieurs, pour ce qui concerne la France.
Le Zollverein a renforcé son tarif protecteur chaque fois que l'on a songé à le modifier.
Aux Etats-Unis, il y a quelques semaines à peine, le congrès a voté le maintien de la protection.
Y a-t-il un seul pays jusqu'à présent sur le continent qui ait pris l'iniative du libre-échange ? La Sardaigne a, la première, répondu à l'appel de l'Angleterre, mais en opérant ces réformes, elle a exigé la réciprocité.
Or, ce que les partisans du libre-échange en Belgique demandent, ce n'est pas le libre-échange avec réciprocité, c'est le libre-échange sans souci de ce que nos voisins pourront faire. On nous propose de faire du libre-échange uniquement avec l'Angleterre, c'est à-dire que nous échangions les houilles de Mons et de Charleroi contre les houilles de Newcastle, les cotons de Gand contre les cotons de Manchester, les étoffes de laine de Bruxelles contre celles de Bradford, la coutellerie de Namur contre celle de Sheffield.
Voilà, messieurs, en quels termes la question se trouve posée devant vous. Où sont les compensations pour les pertes auxquelles on veut que nous nous exposions pour l'honneur des théories ? Où est l'intérêt national ?
Lorsque vous aurez modifié vos, tarifs, quelle sera notre position vis-à-vis de ces pays qui ont conservé la protection comme base de leur système commercial ?
Ainsi, quand d'autres nations négocient, préparent des traités, vous voudriez que la Belgique seule soit désarmée, qu'elle n'ait plus de concessions à faire ! Nous recevrions les produits étrangers avec l'interdiction formelle de leur envoyer les nôtres. Si une pareille politique pouvait prévaloir, nous serions bientôt sur cette pente rapide qui appauvrit les nations et qui les entraîne au sort du Portugal, après le traité de Méthuen.
Attendons au moins que le libre-échange soit devenu le Code international du monde civilisé ! Notre exemple serait-il plus puissant que celui de l'Angleterre ?
L'honorable comte de Renesse a dit en terminant son discours qu'il était temps qu'il y eût égalité devant la loi douanière, que l'exploitation des consommateurs au profit de quelques grandes industries devait cesser.
Eh bien, messieurs, je n'hésite pas à dire que si le système, très radical d'ailleurs, de l'honorable membre pouvait prévaloir, la Belgique cesserait bientôt d'être une nation productrice au plus haut degré ; au lieu d'être exploitants, nous serions exploités.
M. de Smedt. - Messieurs, nous rentrons dans la campagne du libre-échange, ou pour parler plus exactement, nous allons entrer dans la voie de la libre entrée des produits fabriqués et de la libre sortie des matières premières.
Nous étions bien portants et nous allons prendre de la médecine pour nous rendre malades.
Nos industries florissaient, il faut employer des mesures pour les incommoder et leur préparer un malaise et des crises.
Le pays était satisfait, personne ne faisait des plaintes, il faut le mécontenter et faire élever des cris.
Nous étions tranquilles et en paix, il faut porter le trouble dans nos esprits et émeuter toutes les industries !
Le travail national était en progrès, il marchait trop bien, il, faut s'arrêter, il faut lui porter en concurrence le travail étranger.
Enfin personne ne se plaignait, tout le monde, tout le pays se trouvait content ; il fallait que la législature, pas assez satisfaite de cette bonne situation et du contentement général, vient mécontenter ceux qui étaient contents et inquiéter ceux qui étaient heureux !
Mais qui demande cette révolution ?
Sont-ce des fabricants, des manufacturiers ?
Sont-ce des maîtres de forges, des sociétés charbonnières ?
Sont-ce des cultivateurs, des fermiers, des propriétaires ?
Sont-ce des distillateurs, des fabricants de sucre ?
Sont-ce des tanneurs, des fabricants de produits chimiques ?
Enfin, où sont les branches industrielles, où cet intérêt national qui demandent la réforme douanière en Belgique ?
Je n'en trouve nulle part.
Je vois des agents, des commissionnaires anglais, qui parcourent le pays, qui dotent le pays des fameux meetings britanniques. Je vois ces gens inconnus et sans position, qui vont de bourgade en bourgade prêcher la doctrine de la secte libre échangiste, et qui (page 1091) débitent des sermons où le vocabulaire contient très souvent des phrases assez sonores mais un peu dures pour ceux qui n'ont pas reçu leur éducation au rivage.
On nous prêche : faites comme l'Angleterre, suivez le bon exemple de ce peuple de prédilection, de ce peuple en progrès, de ce peuple connaisseur au suprême degré, de ce peuple généreux, de ce peuple ami par excellence de l'humanité, de ce peuple qui pousse les autres peuples au libre-échange, pour le bien-être de l'humanité, pour le bien-être du monde entier.
Ce sont là les sermons que prêchent les agitateurs qui parcourent le pays.
On parviendra difficilement à persuader ceux qui voient de leurs deux yeux que l'Angleterre pousse les différents peuples à la doctrine du libre-échange dans l'unique but de servir l'humanité.
Celle philanthropie britannique serait un peu tardive.
La prétention du peuple anglais est assez suspecte, tout le monde le dira avec nous. Ce n'est pas d'aujourd'hui, que les manœuvres industrielles et commerciales des Anglais sont connues.
La tactique d'outre-Manche est de date ancienne. Le Belge n'est pas assez aveugle pour se laisser prendre dans ce filet.
Non, nous ne sommes pas encore si imbéciles pour être bernés par les anglomanes.
Mais que vont-ils dire ? Vous êtes des poltrons, vous êtes faibles, vous n'êtes pas en progrès, vous avez peur de la concurrence.
Vous vous trompez, nous n'avons pas peur de faire des échanges, mais ce n'est pas ainsi que les libre-échangistes entendent la question, ils ne veulent pas faire des échanges de peuple à peuple, ils veulent que nous recevions et que nous ne vendions jamais.
Non, nous n'avons pas peur du libre-échange en général, nous accepterons volontiers et sans inquiétude la fraternité générale et industrielle et commerciale ; qu'un seul peuple soit exclu de cette fraternité universelle, et nous entrons en lice avec le monde entier.
Mais que diront donc les libres-échangistes qui portent ce mouvement dans le pays ?
Ils repousseront notre offre, ils sont des agents anglaises sont à leur service, ils doivent servir l'Angleterre.
C'est son intérêt, elle se trouve dans une crise, elle veut en sortir coûte qui coûte, aucun sacrifice ne doit être épargné, il faut mettre tout en œuvre pour sortir de la situation inquiétante où elle se trouve actuellement.
Elle s'y trouve condamnée par la force même des choses.
Quand une nation se trouve avec surexcitation entraînées vers la production manufacturière, il arrive un temps où il faut en venir à tout sacrifice.
Cette production est d'une extension indéfinie.
Avec la disposition d'immenses capitaux et d'un crédit pour ainsi dire illimité, avec un marché de populations par centaines et où elle a des preneurs obligés.
Une boutade d'un Anglais va vous rendre cette pensée. Qu'on découvre autant de mondes nouveaux qu'on voudra, nous nous chargeons de les pourvoir de houille, de fer et de tissus.
Mais quelle en est la conséquence ? Et ici j'invite les bons Beiges, dupes de l'intrigue anglaise, à ouvrir les yeux.
Les profits étant plus considérables que la production ne s'accroît, la production ne peut que tendre toujours à excéder les besoins de la consommation.
Et cet état de choses ne peut se présenter sans être l'immédiat précurseur des crises commerciales, de réduction de prix des journées de travail, de chômages, de catastrophes.
Pour sauver de cette crise désastreuse la classe ouvrière, l'on est forcé de recourir aux remèdes héroïques, il faut de tous côtés créer de nouveaux débouchés, il faut s'étendre sur tous les point du globe, il faut faire jouer toutes les intrigues, diplomatiques et autres, il faut faire jouer la ruse et la malice, la colère et la menace, pour conquérir des marchés.
Et comme on commence à s'habituer à toutes les menées machiavéliques de ce peuple accapareur, il doit chercher d'autres subterfuges.
Profitant d'un élan théorique d'une certaine école et au milieu des abstractions de la jeune et incertaine science de l'économie politique, il a découvert la doctrine du libre-échange.
Et il pense qu'il pourra réussir à faire jouer utilement cette nouvelle intrigue et tendre ce piège pour envahir des marchés étrangers.
Au lieu donc d'entrer dans la voie de réduction du tarif, et de faire des concessions, sans compensation équivalente, il me semble, dans la conjoncture actuelle, de l'encombrement anglais, nous devrions modifier notre tarif dans un sens contraire à celui que l'on propose. Nous devons tendre nos efforts à préserver nos marchés de la concurrence de fabricants étrangers et nous ne pouvons, dans la situation actuelle de la société, avoir pour point de vue que le travail national.
Et c'est ici que je rencontre une phrase du rapport du 13 février 1855, de l'honorable M. Mercier, aujourd'hui ministre des finances, qui dit :
« Que les modifications d'abaissement peuvent d'autant plus facilement être introduites dans notre législation, que la Belgique, en général, n'a pas exagéré le système protecteur, et qu'elle est restée, sous ce rapport, bien en deçà des autres nations. »
Ainsi, parce que nos différentes branches industrielles sont peu protégées, il faut encore affaiblir leur protection.
Et cela quand un dangereux voisin est dans la nécessité d'envahir notre marché.
Je ne puis comprendre ce raisonnement. C'est dire. Vous avez laissé vos remparts assez faibles aux attaques de l'ennemi qui vous assiège, et c'est une raison pour ouvrir entièrement les portes de votre ville, pour qu'il puisse y entrer librement !
Mais l'on se trompe fort quand on croit que les droits d'entrée sont entièrement abolis en Angleterre.
Les douanes figurent encore pour plus de cinq cents millions dans le budget de recette.
Il y a encore des articles qui, en Angleterre, sont grevés de droits d'entrée.
Les soieries, les vins, et d'autres produits payent encore de forts droits d'entrée.
Si la navigation anglaise n'est pas protégée par des droits différentiels, envers d'autres pavillons, c'est parce que la concurrence n'y est pas à craindre.
Là où on la craint, ils existent toujours, il y a toujours des droits différentiels à l'égard des Etats-Unis d'Amérique.
Et pour ce qui regarde le marché des immenses populations indiennes, là il est réservé à la nation-mère, et les nations étrangères n'y ont pas le libre placement,
Et n'a-t-on pas vu que la politique anglaise, sous le rapport commercial, a eu, dans tous les pays, qu'elle a envahis de ses produits manufacturés, une influence politique ; qu'elle s'est faite maîtresse, pour ainsi dire, du gouvernement de ces pays ?
Et cela se comprend facilement.
En effet, le libre-échange accorde aux pays qui accaparent la production une influence décisive, un empire véritable sur les pays qui tirent de l'étranger les choses nécessaires à leur subsistance.
Et je ne crains pas de poser le système protecteur du travail national, comme une des bases de l'indépendance des Etats.
Nous trouvons dans le Mémorial da Sainte-Hélène, que l'empereur Napoléon écrivait le 8 août 1814 au prince royal de Suède :
« L'avenir nous prouvera que, quelles que soient les révolutions que le temps doit produire, les souverains de l'Europe donneront des lois protectrices qui les laisseront maîtres chez eux. »
Je pense que cette pensée n'est pas à dédaigner ; comme toutes celles, qui sont sorties de la bouche de ce grand homme, d'ailleurs, elle est à la portée de toutes les intelligences, car comme nous venons de le dire, quand ou laisse modifier son indépendance économique, on commence à perdre son indépendance politique.
Tout pays doit se suffire à lui-même au point de vue économique, pour conserver, à tous les autres points de vue, sa liberté d'action.
M. Moreau. - Messieurs, depuis longtemps le besoin de réviser notre législation douanière se fait vivement sentir, depuis longtemps on a reconnu et constaté que notre tarif des douanes, extrêmement compliqué et renfermant des droits quasi-prohibitifs, devait être simplifié et modifié dans un sens plus libéral.
Nous ne pouvons certes rester dans un statu quo qui serait en définitive mortel pour noire industrie et notre commerce, lorsque nous voyons les nations, dont la position présente le plus d'analogie avec la nôtre, abaisser les barrières, abolir les privilèges et marcher à grands pas dans la voie de la liberté commerciale.
L'Angleterre, elle qui jadis avait cru trouver son salut dans le système protecteur, à tel point qu'elle défendait, même sous les peines les plus sévères, l'exportation des machines, n'a pas tardé à s'apercevoir qu'elle faisait fausse roule ; aussi, imposant silence à des intérêts privés qui, comme cela a lieu maintenant ici, se sont agités et ont jeté les hauts cris lorsqu'on y a touché, elle est entrée résolument dans le régime de liberté.
La Hollande l'a suivie bientôt, et je ne crois pas que ces nations soient aujourd'hui tentées de revenir aux vieux systèmes restrictifs qui ont fait leur temps chez elle.
L'honorable M. T Kint de Naeyer a demandé tantôt si la réforme nous donnerait des débouchés à l'extérieur.
Eh bien, messieurs, voyez quel a été l'effet des sages réformes opérées en Angleterre.
En 1856 les exportations représentent une valeur de 2 milliards 897 millions 250,000 fr., chiffre qui est exactement le double du montant des exportations qui ont eu lieu en 1849, c'est-à-dire que malgré la guerre et les crises alimentaires, l'Angleterre, en sept années, a vu doubler ses exportations, tandis qu'antérieurement il lui a fallu 33 ans de paix pour obtenir le même résultat, car c'est en 1849 seulement que les exportations ont été le double de ce qu'elles étaient en 1816 ;aujourd'hui elles sont parvenues au quadruple.
L'ouverture des ports anglais à la navigation étrangère aux mêmes conditions que celles qui sont faites au pavillon national, mesure qui avait fait naître tant de craintes, a également augmenté le mouvement des ports anglais.
Celui-ci a représenté, en 1856, non compris les navires sur lest, un total de 17,904,000 tonnes et, dans ce chiffre énorme, l'augmentation relative au pavillon national est proportionnellement plus considérable que celle des pavillons concurrents.
(page 1092) Pourquoi donc, messieurs, n'imiterions-nous pas ces nations pour lâcher d'obtenir les mêmes résultats ? Notre situation topographique, celle que les traités politiques ont faite à notre pays, les liens d'amitié et de bons rapports qu'il importe de maintenir et de resserrer avec les autres nations, ne nous commandent-ils pas de profiter de l'expérience et des leçons qui nous sont données, en adoptant un tarif douanier plus libérale ?
D'ailleurs, les documents statistiques qu'on nous distribue à chaque instant, les palmes que nos industriels recueillent dans toutes les expositions internationales prouvent, ce me semble, qu'en Belgique l'industrie en général est assez solidement établie pour lutter avec succès contre les produits étrangers, qu'elle est assez puissante, elle qui envoie des produits sur tous les marchés du monde, pour n'avoir rien à craindre d'une réforme douanière opérée dans un sens libéral.
Si même la population de notre pays n'est pas bien considérable, si les limites de son territoire sont assez restreintes, nous occupons cependant une place des plus honorables parmi les peuples qui produisent le plus, le mieux et à bon marché.
On ne soutiendra pas sans doute que nos besoins excèdent nos produits et que nous n'avons pas le plus grand intérêt à nous procurer des débouchés à l'étranger.
Or, dans cette occurrence, pouvons-nous raisonnablement maintenir le système restrictif comme moyen efficace pour étendre nos relations commerciales, pour créer des débouchés sur les marchés extérieurs ?
Et croit-on que c'est en continuant à apporter des entraves à nos transactions commerciales que nous parviendrons à les augmenter et à multiplier les échanges que nous recherchons avec tant d'empressement ?
Il est donc temps, messieurs, d'adopter un régime libéral en matière de douanes.
Je ne me fais pas, toutefois, illusion ; je sais que de vives et nombreuses réclamations surgiront, je sais qu'on viendra nous dire que nous allons compromettre bien des intérêts et jeter la perturbation dans une foule d'industries qui seront dorénavant incapables de soutenir la concurrence étrangère, que celles-ci vont être certainement ruinées, parce que notre marché sera inondé de produits étrangers.
C'est là, messieurs, un langage auquel nous sommes habitués depuis longtemps, chaque fois qu'il s'agit, non pas de léser des intérêts privés, mais de toucher à ce qui concerne, si je puis le dire, leur quiétude.
La susceptibilité de ces intérêts privés est telle, qu'ils s'insurgent même contre des mesures qui leur seraient favorables et qu'ils font des prédictions sinistres qui jamais cependant ne se réalisent.
Mais, messieurs, les partisans du système protecteur, ceux qui se posent comme les défenseurs du travail national auront beau dire et beau faire, la force des choses l'emportera nécessairement sur leur résistance, car le système qu'ils veulent faire prévaloir est déjà tellement ébréché qu'il n'existe plus en réalité.
Du moment où vous avez placé en dehors du régime restrictif l'industrie agricole, le commerce maritime, du moment où vous avez réduit les droits sur l'importation des machines, vous ne pouvez plus, sans commettre la plus criante injustice, avoir deux poids et deux mesures, vous êtes fatalement entraînés à placer toutes les industries sous le même régime.
Pour mon compte, je suis heureux de voir qu'aujourd'hui nous soyons appelés à reformer la première partie de notre tarif douanier et j'espère que nous ne tarderons pas à compléter la grande œuvre que nous commençons.
Je donnerai donc mon assentiment à presque toutes les dispositions du gouvernement. J'aurais cependant désiré que l'on abolît maintenant le droit d'entrée sur la fonte et les fers et je proposerai le libre entrée permanente des houilles.
Il a été, messieurs, démontré à la satiété que les fabricants de fonte et de fer n'ont pas besoin d'un droit protecteur de 15 à 20 p. c. pour conserver le marché intérieur, et il est en quelque sorte dérisoire de maintenir ce droit dans notre tarif, lorsque nous voyons qu'en 1855, les exportations de fonte ont été de 55,159 tonnes et celles des fers de 14 425 258 kilogrammes. C'est donc lorsque nos producteurs de fer et de fonte tiennent avantageusement la concurrence sur tous les marchés du monde avec les produits étrangers, qu'ils craignent que, si nous abolissons le droit d'entrée, notre pays ne soit inondé de fonte et de fer anglais, comme si nos voisins étaient assez généreux pour venir vendre chez nous leurs marchandises avec perte.
Aussi, messieurs, les importations de fonte et de fer restent, comme par le passé, insignifiantes. En janvier dernier, il est seulement entré en Belgique 251,813 kilogrammes de fonte et 77,092 de fer de toute espèce.
Quant au charbon de terre, voilà, messieurs, plusieurs années qu'il est libre à l'entrée, et je ne vois pas non plus que notre marché ait été encombré de cette denrée, qu'on a nommée avec raison le pain de l'industrie.
Les prix n'ont pas sensiblement baissé, et en janvier, il n'en a été importé que 10,109 tonneaux, dont la moitié seulement nous est arrivée de l'Angleterre, tandis qu'en 1855 notre production de houille s'est élevée à 8,410,469 tonneaux, et que nos exportations ont été, pendant la même année, de 2,808,341 tonneaux.
Cette industrie, messieurs, ne cesse de se développer rapidement ; la consommation de la houille a augmenté dans une telle proportion que de 1841 à 1845, la moyenne de l'extraction n'était que de 5,327,000 tonneaux, tandis qu'elle a atteint, en 1855, la quantité énorme d'environ 8 millions et demi de tonneaux, et si, en 1851, nous exportions déjà de la houille pour 30,800,000 fr., nous en vendons aujourd'hui à l'étranger pour près de 48 millions de francs.
En présence de ces faits rassurants est-il, je vous le demande, besoin de maintenir en faveur des exploitants de houille un droit d'entrée quelconque et devons-nous avoir la moindre crainte que nos producteurs ne puissent se maintenir sur le marché intérieur lorsqu'ils ont ici en leur faveur l'avantage des lieux et des frais de transport bien moins considérables ?
Au contraire, messieurs, je crois que nos préoccupations doivent être autres. Il n'y a pas bien longtemps que nos industriels se plaignaient vivement de la pénurie des charbons de terre et si aujourd'hui après la cessation de la guerre et de la crise alimentaire, les affaires, comme on doit s'y attendre, prennent un nouvel essor, ne devons-nous pas faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que l'industrie puisse se procurer en quantité suffisante le charbon qui lui est indispensable, pour que nos populations obtiennent aux conditions les plus avantageuses le combustible dont elles ont besoin ?
Il me paraît, messieurs, que pour le moment il est inutile d'entrer dans de plus longs développements pour établir que nous ne pouvons maintenir des droits protecteurs sur le fer et sur la houille et que nous devons accueillir favorablement la demande que font plus de 8,000 pétitionnaires qui s'adressent à nous afin de voir toutes les industries soumises à un régime libéral, afin que toutes elles soient placées sur un pied d'égalité, car nous ne pouvons leur refuser cette satisfaction sans nous montrer injustes à leur égard.
M. Vandenpeereboom. - Messieurs, l'article de la loi qui donnera probablement lieu aux discussions les plus vives est celui qui concerne les charbons. Je demanderai à l'honorable ministre des finances s'il ne lui serait pas possible de déposer demain sur le bureau un tableau indiquant les quantités importées et les quantités exportées pendant les mois de janvier et de février.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Si les renseignements indiqués par l'honorable membre se trouvent au département des finances je les communiquerai demain à la Chambre.
M. le président. - Le bureau a nommé la commission qui est chargée d'examiner les deux projets de traité avec le Danemark. Cette commission est composée de : M\l. Delehaye, Van Iseghem, Osy, Vermeire, de Brouckere, Lebeau et Dumortier.
- La séance est levée à 4 1/2 heures.