(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1856-1857)
(Présidence de M. Delehaye.)
(page 351) M. Tack procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
M. Vermeire lit le procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est adoptée.
M. Tack présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Plusieurs habitants de Boom demandent le maintien de la législation actuelle sur les denrées alimentaires. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les denrées alimentaires.
« Plusieurs décorés de la croix de Fer prient la Chambre d'accorder indistinctement à tous les décorés de la croix de Fer la pension de 250 francs, dont quelques-uns d'entre eux sont en jouissance. »
M. Rodenbach. - Messieurs, je crois que cette demande est très fondée ; les pétitionnaires se bornent à réclamer en définitive ce qui est accordé aux légionnaires.
Je propose le renvoi de la pétition à la commission des pétitions avec prière de faire un rapport pour le premier vendredi qui suivra notre rentrée.
- Adopté.
« Les instituteurs communaux de Louette-Saint-Pierre, Rienne, Gedinne, Bourseigne Neuve. Bourseigne-Vieille, Malvoisin, Patignies, Sart-Custine, Willerzies et Vencimont demandent une augmentation de traitement. »
« Mêmes demandes des instituteurs communaux de Louette Saint-Denis, Houdremont, Bièvre, Naomé, Graide, Baillamont, Oisy, Bellefontaine, Monceau et Petit-Pays. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« La députation permanente du conseil provincial du Brabant présente des observations sur la répartition à faire du crédit demandé par le gouvernement pour améliorer la position des employés des administrations provinciales. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.
« Plusieurs habitants de Lichtervelde demandent le maintien de la loi en vigueur sur les denrées alimentaires et un droit de sortie sur le beurre et les œufs. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les denrées alimentaires.
« Des habitants de Tongerloo réclament l'intervention de la Chambre pour que la nomination d'un échevin de cette commune soit rapportée. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Gérard demande une enquête sur la conduite, tenue par le garde champêtre de Bertrix dans une affaire judiciaire et prie la Chambre de lui faire rembourser les frais qui lui ont été occasionnés à ce sujet. »
- Même renvoi.
« La dame Vandewoestyne réclame l'intervention de la Chambre, pour être mise en possession de biens qui sont revenus au domaine. »
- Même renvoi.
« Les sieurs Pollet et Dupret présentent des observations sur la situation que font à l'agriculture les droits qui pèsent sur les houilles et les fontes. »
« Mêmes observations des sieurs Maubach, Van Cazeel, Duprez, Belleroche, Pollet, Benoot, d'habitants de Turnhout, Saint-Symphorien, Postel, Roulers, Kerckom, Visé, Lombartzyde, Gavre, Dickelvenne, Semmersaeke, Piéton, Nieucappelle, Eyne, du conseil communal d'Eessen, et d'habitants de cette commune. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur le tarif des douanes.
M. le ministre de la justice transmet, avec les pièces de l'instruction, trois demandes de naturalisation. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
La cour des comptes adresse son cahier d'observations relatif au compte définitif et la situation provisoire de 1854.
- Impression et distribution aux membres de la Chambre.
M. Thiéfry. - M. le ministre de la guerre a sollicité dans son budget pour l'exercice de 1857 des crédits spéciaux pour le mettre à même d'accorder des rations de fourrage à tous les médecins de l'armée. La section centrale chargée de l'examen de ce budget avait demandé à M. le ministre de la guerre l'état nominatif des médecins qui devaient recevoir ces rations de fourrage, avec l'indication du nombre de jours pendant lesquels ils avaient voyagé avec la troupe en 1855 et en 1856. M. le ministre a remis l'état nominatif des médecins ; quant aux jours de voyage, il n'en a pas dit un seul mot.
Pour qu'on ne puisse pas m'accuser de vouloir retarder la discussion du budget de la guerre, je n'ai pas alors renouvelé ma demande. Mais aujourd'hui qu'il est décidé que ce budget ne pourra être discuté que dans le courant du mois de janvier, je prie M. le ministre de la guerre de vouloir bien fournir les renseignements qui ont été réclamés par la section centrale.
J'ai l'honneur de proposer à la Chambre d'autoriser le bureau à faire imprimer et distribuer la réponse du ministre.
M. le ministre de la gierre (M. Greindl). - Messieurs, je ne pense pas qu'il y ait utilité de fournir à la section centrale les renseignements indiqués par l'honorable M. Thiéfry. L'argumentation pour demander à mon budget une allocation pour rations de fourrage aux officiers de sauté n'est nullement basée sur le nombre des jours de marche auxquels ces officiers peuvent être astreints ; elle est basée sur les besoins réguliers et ordinaires du service, autant en garnison qu'en marche et en campagne.
Je pose en fait que la nécessité se fait sentir de donner des rations de fourrage aux officiers de santé dans toutes les positions, en campagne, en marche, au camp et en garnison.
Je prendrai pour exemple la ville de Bruxelles.
Bruxelles a un périmètre considérable. Les officiers de santé sont astreints au service des corps, au service des hôpitaux, au service des officiers en inactivité ou pensionnés ainsi qu'à leurs veuves dans toute l'enceinte de la localité et de ses faubourgs ; ils sont astreints de ce chef à des courses qui, quelquefois peuvent se monter de 30 à 40 kilom. par jour. Je crois que, dans l'intérêt bien entendu du service, il est nécessaire que ces officiers soient pourvus d'un cheval, afin de pouvoir faire face aux besoins de l'immense travail qui leur incombe.
Je dirai qu'il ne faut pas attendre l'entrée en campagne pour donner à ces officiers des rations de fourrage, car il serait impossible d'astreindre un homme à monter à cheval pour la première fois à l'âge de 40 ou 45 ans ; s'il n'y avait pas été habitué depuis longtemps, au lieu de lui faciliter son service, la possession d'un cheval serait un embarras, on l'annihilerait complètement.
M. Thiéfry. - J'aurai d'abord l'honneur de dire à M. le ministre de la guerre qu’il n'y a pas d'exemple qu'une section centrale ait demandé des renseignements et qu'un ministre se soit refusé à les donner.
Si l'honorable général considère ceux réclamés comme inutiles, je lui ferai remarquer que quand la proposition a été faite pour la première fois, c'est sur les jours de marche que son prédécesseur s'est appuyé pour solliciter un crédit, afin d'accorder un cheval aux médecins.
Aujourd'hui même, M. le ministre, quoi qu'il en dise, s'appuie sur les journées de marche pour demander des rations de fourrage pour les médecins, la preuve en est dans la réponse que le ministre a faite et qui se trouve dans le rapport de la section centrale.
Je ne veux pas, comme M. le ministre, entrer en ce moment dans la discussion, mais je me charge, quand le moment sera venu, de prouver combien tout ce que vient de dire l’honorable général est exagère. Je prendrai Bruxelles pour point de départ pour vous convaincre, messieurs, que la mesure n'est pas nécessaire. Je me borne à demander que M. le ministre veuille bien fournir les renseignements demandés par la section centrale.
M. le ministre de la gierre (M. Greindl). - Du moment qu'il ne s'agit que de faire acte de déférence envers la section centrale, j'enverrai l'état qui a été demandé.
M. Osy. - J'ai l'honneur de proposer à la Chambre, après le vote de la loi sur les denrées alimentaires, du contingent de l'armée et des quatre crédits demandés pour les départements de la guerre, des travaux publics et de l'intérieur, et pour la marine, de s'ajourner au mardi 13 janvier.
- Cette proposition est adoptée.
M. Maertens. - J'ai l'honneur de présenter le rapport de la section centrale chargée d'examiner le budget du département de l'intérieur sur la demande de crédit provisoire de 1,200,000 fr. pour ce département.
La section centrale en propose l'adoption.
- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.
M. de T'Serclaes. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale chargée d'examiner le budget des travaux publics sur la demande de crédit provisoire de 4,064,780 francs pour ce département.
La section centrale, à l'unanimité, conclut à l'adoption du projet.
- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.
M. Vander Donckt. - « Par pétitions datées le 2, le 3, le 13, le 14 et le 17 mai 1856, le conseil communal et des habitants d'Houttave, des cultivateurs de Zuyenkerke, de Stalhille, de Si-Pierre, de Lisseweghe et de Vlisseghem, et par pétition datée de Bruges, le 15 novembre 1856, les administrations des wateringues de Blankenberghe et d'Eyensluys, Groot Reigartsviiel, demandent l'approfondissement du canal de Blankenberghe et la reconstruction de l'écluse de Blankenberghe. »
Les pétitionnaires se plaignent des inondations désastreuses et annuelles dont souffrent plus de 6,000 hectares de terres et de l'aggravation surtout de ces calamités depuis l'élargissement des siphons au lieu-dit Paddegat à Stalhille et indiquent comme principal moyen le rétablissement de l'écluse de Blankenberghe.
Il résulte des termes des pétitions, qu'une correspondance a eu lieu entre l'administration du corps des ponts et chaussées et l'administration des wateringues à ce sujet, sur la question de savoir quelle serait la part contributive de cette dernière dans les dépenses à faire, et qu'elle s'y est refusée sous prétexte qu'avant 1753 une écluse existait à Blankenberghe, que le gouvernement a supprimée, et ils prétendent qu'il serait peu équitable de les faire contribuer aujourd'hui dans la construction d'une écluse dont l'Etat a jadis privé ces localités.
Votre commission considérant que les éléments d'appréciation lui manquent pour examiner en connaissance de cause le bien-fondé respectif dans cette affaire, a l'honneur de vous proposer le renvoi de ce dossier à M. le ministre des travaux publics.
M. de Muelenaere. - Messieurs, la pétition sur laquelle on vient de nous faire rapport vous est présentée par des administrations communales et par un grand nombre d'habitants notables de plusieurs communes de la Flandre occidentale. Elle est appuyée par les trois grandes wateringues dans le ressort desquelles ces communes sont situées.
Vous vous rappellerez, messieurs, qu'à l'époque où fut décrété le prolongement du canal de Schipdonck à la mer du Nord, nous avions demandé un changement au tracé. Cette demande n'avait d'autre but que de venir par là en aide aux pétitionnaires el de leur procurer le moyen d'évacuer par le même canal, à la mer du Nord, leurs eaux surabondantes.
Cette demande n'obtint pas alors un accueil favorable. Elle fut combattue, et vivement combattue, par M. le ministre des travaux publics et par la plupart de ses collègues de la Flandre orientale. On craignait que l'instruction du nouveau tracé qu'aurait exigée cette demande, ne retardât l'exécution du canal de Schipdonck.
Messieurs, l'expérience est venue confirmer nos prévision set elle doit avoir dissipé les craintes que l'on avait conçues. Car décrété depuis plusieurs années, le canal de Schipdonck ne fonctionne pas encore dans toute son étendue ; tandis que la modification au tracé que nous avions sollicitée aurait tout au plus exigé un délai de deux à trois mois.
Quoi qu'il en soit, messieurs, les communes pétitionnaires forment, au point de vue agricole, une des contrées les plus riches et les plus intéressantes de la Flandre. Cette contrée contribue largement à toutes les charges publiques, et cependant elle n'a reçu jusqu'ici aucune espèce de compensation. Ce pays a été jusqu'à présent complètement délaissé par le gouvernement.
La demande des pétitionnaires est d'autant plus juste, messieurs, que chaque année la difficulté d'écouler les eaux cause à ce pays des dommages considérables.
J’espère donc, messieurs, que cette pétition fera l'objet de l'attention la plus sérieuse et la plus bienveillante de M. le ministre des travaux publics. J'appuie le renvoi à son département et je demande en outre que M. le ministre veuille bien présenter à la Chambre un rapport sur ces pétitions, lorsqu'il aura eu le temps de les faire instruire et d'étudier mûrement la question.
M. Coppieters. - J'aurai fort peu de mots à ajouter à ce que vient de dire l'honorable comte de Muelenaere. Je sais que la Chambre est pressée de terminer la discussion importante qui l'occupe depuis plusieurs jours. Si je me permets d'émettre quelques brèves considérations à l'appui des pétitions, c'est qu'il s'y agit d'un objet qui est loin d'être étranger à nos préoccupations du moment ; il s'y agit également d'une question qui se rapporte à l'alimentation publique.
Comme vous l'a dit l'honorable comte de Muelenaere, il résulte de l'état actuel des choses qu'une étendue considérable de terres fertiles ne donne pas, à beaucoup près, tous les produits qu'elle pourrait rapporter, que même elle s'appauvrit graduellement par suite des inondations auxquelles elle est périodiquement exposée.
Je joins donc mes instances à celles de l'honorable comte de Muelenaere, pour que M. le ministre veuille de nouveau examiner cette question qui lui est soumise, si ma mémoire est fidèle, depuis près de trois ans, et dont la solution a été retardée par l'examen d'une autre réclamation, qui se lie à celle-ci, et qui touche également à une question de bien-être public. Je veux faire allusion à la construction d'un port de refuge à Blankenberghe.
Je demanderai donc que M. le ministre, dans le rapport qu'il voudra bien, j'espère, nous faire prochainement, envisage la question à ce double point de vue de l'écoulement des eaux et de la construction d'un port de refuge à Blankenberghe.
M. Sinave. - J'appuie de toutes mes forces les observations des honorables préopinants. Je ne vous rappellerai pas tout ce qui s'est passé depuis quelques années. On sait que nous avons fait tout ce qui était possible pour obtenir un changement de tracé du canal de Schipdonck vers Blankenberghe.
Nous avons été battus, mais je crois que nous l'avons été avec honneur, puisque la question n'a pas été résolue et que le mal subsiste. Je dirai seulement qu'il est à ma connaissance, et la pétition en fait mention, qu'une compagnie s'est présentée pour exécuter ces travaux. Je demanderai à M. le ministre de bien vouloir nous dire, sans grande explication, ce qui en est et si l'on peut espérer que cette demande aura un résultat.
M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Je ne m'oppose nullement à la proposition des honorables membres. Je fournirai volontiers le rapport demandé.
Quant à la question spéciale que vient de soulever l'honorable M. Sinave, je crois devoir lui dire que je n'espère pas que la demande en concession dont il a parlé aboutisse à un résultat utile. Les demandeurs en concession ont refusé de consigner les sommes nécessaires pour les études préliminaires.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. le président. - La discussion générale continue.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, je répondrai d'abord en peu de mots à deux observations qui ont été faîtes par l'honorable M. Vermeire et par l'honorable baron de Steenhault.
L'honorable député de Termonde a mal interprété la pensée qui nous dominait, lorsque dans une discussion qui a eu lieu en 1850, sur la question des denrées alimentaires, j'ai parlé de l'influence qu'exerçaient les droits de douane sur le prix des objets qui en sont frappés. L'honorable membre a supposé que j'avais voulu démontrer que cette influence était considérable. C'est un motif contraire qui m'a fait prendre la parole.
On avait, dans la discussion, exagéré excessivement l'influence des droits de douane. D'honorables membres avaient été jusqu'à prétendre que du moment qu'un droit de douane était imposé sur un objet, le prix des produits similaires dans le pays augmentait de tout le montant de ce droit.
J'ai nié que cette allégation fût vraie. J'ai dit que certainement les droits de douane exerçaient une influence quelconque, mais qu'on était tombé dans d'excessives exagérations ; ce sont mes paroles.
Je sois persuadé que l'honorable membre n'avait aucune intention de m'attribuer une opinion qui n'est pas la mienne ; mais il a mal compris ce que j'ai dit à cette occasion.
Quant à l'honorable baron de Steenhault, il nous a fait un exposé très lamentable de la situation des cultivateurs habitant le rayon des douanes. Je ferai remarquer que cet exposé est quelque peu posthume, et n'a pas le mérite de la vérité.
Depuis dix ans, la loi de 1835, dont il déplore tant l'existence et dont il redoute les effets, n'a plus reçu la moindre application. Une lot postérieure a autorisé le gouvernement à ne pas recourir aux formalités exigées par cette loi sous un régime de droits très élevés ; même ; en 1850, lorsque le droit sur le bétail a été fixé à 4 c. par kilogr., le gouvernement n'y a plus eu recours.
Il n'est donc plus question de cette loi, et si elle n'a pas été jugée utile, lorsqu'il s'agissait d'un droit de 4 centimes, à plus forte raison ne peut-on penser à la rétablir pour assurer la perception d'un droit de 1 centime par kil.
(page 353) Messieurs, un honorable membre, que je regrette de ne pas voir à sa place en ce moment, a critiqué, dans notre dernière séance, l'établissement d'un droit de 50 centimes par 100 kil. à l'entrée des céréales ; cette proposition lui paraît inexplicable.
« Je ne comprends pas, dit-il, que le gouvernement soit venu réclamer une loi temporaire et l'établissement d'un droit d'entrée sur toutes les denrées alimentaires ; une loi définitive dans ces conditions, cela se comprend, c'est le système de la section centrale. »
Je dois faire observer, messieurs, qu'en faisant cette proposition à la Chambre, nous avions devant nous un exemple posé par le ministère dont l'honorable. M. Frère faisait lui-même partie. En novembre 1848, le gouvernement a présenté une loi qui consacrait la libre entrée des céréales ; dans l'exposé des motifs de ce projet il se montrait disposé à accepter par la suite un droit fixe modéré, tel que celui qui était établi en Angleterre et qui devait prochainement être mis à exécution ; on le considérait uniquement comme un droit de balance, et s’il ne proposait pas la mesure immédiatement c'était principalement pour que l'on pût mieux apprécier les effets du système libéral en fait de denrées alimentaires.
Néanmoins, après avoir annoncé ces intentions pour l'avenir, dans l'exposé des motifs, il s'est rallié plus tard à la proposition de la section centrale, d'un droit immédiat de 50 centimes, le même qui se trouve compris dans notre projet. Il s'agissait bien cependant d'une loi temporaire, d'une loi qui ne devait avoir d'effet que pendant une seule année. Voilà précisément ce que l'honorable membre blâme aujourd'hui.
Or, messieurs, quelle était à cette époque l'état des choses ? Le gouvernement en traçait un tableau fort sombre. Je ferai remarquer d'abord que nous avions été longtemps sous l’empire d'une crise alimentaire aussi forte que celle que nous avons traversée récemment.
Nous sortions du régime de la libre entrée. Nous étions en présence d'une perturbation politique qui affligeait l'Europe tout entière. Le gouvernement exposait que la récolte des pommes de terre avait manqué, qu'il y avait un déficit d'au moins un tiers de la production moyenne, et comme cette production était supposée être de 22 1/2 millions d'hectolitres, il en résultait qu'il y avait un déficit de 7 1/3 millions d'hectolitres de pommes de terre.
C'était là un fait grave ; la situation est bien différente cette année ; la récolte des pommes de terre dépasse, au contraire, d'après les renseignements recueillis, d'un tiers environ une récolte ordinaire.
Il ajoutait qu'en Angleterre la récolte des céréales n'avait pas été bonne, de sorte que les besoins de ce pays, déjà si étendus en temps ordinaire, devaient attirer encore plus que d'habitude les arrivages de denrées alimentaires ; que les pays du Nord, ces greniers de l'Europe centrale, ne paraissaient pas en mesure de fournir cette année les mêmes quantités de produits qu'ils ont pu exporter les années précédentes ; enfin, que la situation dans laquelle se trouvait l'Europe était peu favorable au commerce, de telle sorte que nous ne devions pas nous attendre à une importation bien régulière de substances alimentaires.
Qu'en outre, dans ces circonstances le travail n'était pas aussi abondant qu'il l'est dans les temps ordinaires.
Il est vrai, messieurs, que le prix des céréales est aujourd'hui plus élevé qu'à l'époque dont je parle ; mais d'après le tableau de la situation que faisait le gouvernement, on devait nécessairement s'attendre à un renchérissement des denrées alimentaires.
C'est dans ces circonstances que le ministère de 1848 a accepté dans une loi temporaire un droit de 50 centimes, et a maintenu un droit sur l'entrée du bétail.
Le cabinet actuel avait ce précédent devant lui, lorsque dans une loi temporaire, comme celle du 31 décembre 1848, ayant égard à l'intérêt du trésor invoqué aussi par le ministère de cette époque il est venu demander à son tour un droit de 50 centimes.
En effet, le ministre de l'intérieur, en 1848, déclarait qu'il acceptait ce droit pour un double motif, d'abord, pour accorder une légère protection à l'industrie agricole, et eu second lieu, pour créer une ressource au trésor.
Je dois ajouter que plusieurs honorables membres qui combattent aujourd'hui le droit de 50 centimes défendaient et yotaient alors, ce droit. (Interruption.)
Oui, le prix du grain était plus élevé qu'aujourd'hui, je l'ai dit tout à l'heure ; mais la situation sous d'autres rapports était beaucoup moins favorable.
Ce qu'il importe surtout de considérer, c'est si l'ouvrier a du travail ; or, il lui faisait défaut en 1848 ; l'ouvrier n'en manque pas aujourd'hui. Voilà ce qu'il importe d'envisager dans la question qui nous occupe.
Les honorables MM. Frère et Prévinaire ont demandé si le gouvernement n'avait pas l'intention de demander plus lard de droit plus élevé que celui de 50 cent, et si ce n'était pas là le motif pour lequel il n'avait pas présenté une loi définitive en ce moment.
Non, messieurs, tel n'est pas le motif qui a déterminé le gouvernement à ne pas proposer une loi définitive ; il se serait facilement rallié tout d'abord à la proposition de la section centrale s'il lui avait paru qu'il fût possible qu'une loi définitive fût votée par les deux Chambres avant le 1er janvier prochain ; nous devons les mêmes égards aux deux assemblées législatives ; nous ne pouvons transmettre au Sénat, dans les derniers jours de l'année, une loi de cette importance, alors qu'il aurait à peine quelques jours à consacrer à son examen.
Le gouvernement n'a, du reste, aucune répugnance à accepter le caractère définitif donné à la loi par la section centrale ; il est évident que le temps nous manque pour que les deux Chambres puissent la voter ; nous désirons cependant que les discussions actuelles qui se prolongent depuis plusieurs jours ne restent pas sans fruit, et que nous ne soyons pas obligés de les recommencer dans peu de temps.
Quel serait le moyen d'arriver à ce résultat ? La première condition c'est que le Sénat ait un temps moral devant lui pour approfondir un objet d'une telle importance. D'ici au 1er janvier, la chose n'est pas possible, chacun le reconnaîtra.
Pour simplifier la situation, je dirai d'abord que le gouvernement ne peut adopter l'une ou l'autre des diverses propositions qui ont été soumises à la Chambre, à l'effet de proroger la prohibition jusqu'au mois d'avril, de mai ou au mois de juin ; afin de laisser au Sénat le temps indispensable pour examiner la loi. Je suis d'avis qu'une prorogation du régime actuel jusqu'au 15 février serait la mesure la plus convenable. La Chambre s'empressera de donner cette marque de juste déférence à l'autre assemblée. D'un autre côté, il est du devoir du gouvernement de ménager le temps de la Chambre et de faire en sorte que cette longue discussion ne reste pas infructueuse par son fait.
Par conséquent, de concert avec mes collègues, membres comme moi de la Chambre, j'ai l'honneur de proposer l'amendement suivant :
« La loi du 30 décembre 1855 sur les denrées alimentaires est prorogée jusqu'au 15 février 1857. »
Cet amendement serait disjoint du projet de loi de la section centrale et l'on continuerait, après son adoption, à discuter le projet définitif. Je me réserve de faire en temps utile des observations de détail à l'égard de l'article farines et sur le droit de 25 centimes proposé par la section centrale sur les moutons, agneaux, etc.
J'espère qu'on ne s'abusera pas sur les motifs de cette prorogation, qui n'a de durée que le temps rigoureusement nécessaire pour la discussion du Sénat.
Il est bien entendu que la discussion du projet de la section centrale, comme loi définitive, doit continuer.
M. le président. - Vous vous ralliez donc au projet de la section centrale ?
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Oui, M. le président. J'ai voulu justifier en peu de mots la prorogation qui est proposée par le gouvernement.
M. de Smedt. - Messieurs, si j'ai bien compris M. le ministre des finances, il me semble que nous allons voter la prorogation du régime actuel ; il paraît encore qu'avant de prendre une décision, nous devons attendre l'opinion du Sénat ; c'est donc après que le Sénat se sera prononcé, que nous pourrons discuter et voter une loi définitive.
- Plusieurs voix. - Ce n'est pas ainsi.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Nous continuons la discussion de la loi définitive, et la Chambre pourra se prononcer immédiatement sur la loi qu'on disjoindra de l'amendement.
M. de Smedt. - Je le comprends, mais pourquoi dire donc qu'il faille attendre jusqu'à ce que le Sénat ait prononcé sur cet objet important et que c'est pourquoi vous fixez le terme du 15 février. Quoi qu'il en soit, le gouvernement veut prendre une mesure définitive pour ce qui regarde les céréales.
D'abord, on ne pourra pas se prononcer dans ce moment sur la question de faire une loi définitive. La discussion a surtout roulé sur l'ajournement ou la prorogation de la mesure existante, et ensuite je ne puis comprendre que l'on puisse prendre une mesure définitive sur un objet qui peut varier tous les ans, même tous les instants ; on a senti cela en France et c'est pourquoi on y a établi l'échelle mobile ; il n'y a que ce régime qui peut présenter quelque stabilité, c'est-à-dire qu'il ne faille pas toujours recourir à de nouvelles lois, à de nouvelles mesures législatives. Je suis donc étonné que le gouvernement fasse une telle proposition, et qu'il entre ainsi dans les errements d'une opinion insoutenable.
M. le ministre des finances vient de dire que comparativement à l'année 1855, il y a aujourd'hui une grande amélioration sous le rapport des denrées alimentaires. Je ne suis pas de cet avis. M. le ministre a dit qu'il y a aujourd'hui de l'ouvrage et qu'alors il n’y en avait pas. Messieurs, ce n'est pas le travail, mais ce sont les ouvriers qui manquent en Belgique.
Ce qui est amélioré, c'est le salaire qui depuis un an ou deux est augmenté dans beaucoup de localités, tant dans les usines qu'à la campagne, de sorte qu'on ne peut pas dire que la situation alimentaire s'est améliorée, il n'en est rien.
(page 354) Messieurs, en peu de mots, je discuterai l'objet en question. Je suivrai le conseil donné hier par M. le ministre de l'intérieur, que, pour bien examiner le grand problème alimentaire, l'objet important est de donner aux classes nécessiteuses les aliments à bon marché ; il ne faut s'occuper que des faits.
Qu'a dit hier M. le ministre de l'intérieur ? Il a dit qu'il fallait examiner les faits, qu'il s'agissait non d'une loi de principe, mais d'une loi de circonstance ; d'une mesure de prudence, de nécessité, de police. Je vais donc examiner avec lui les faits, car ce qui doit faire la base de la loi que nous discutons, ce sont les faits.
Or le fait le plus important, c'est la réclamation universelle ; en effet dans aucune occasion, dans aucune circonstance le pays n'a réclamé autant qu'aujourd'hui ; toutes les classes, toutes les professions sont d'accord pour faire entendre la même réclamation. Vous avez deux villes dont l'opinion est importante dans cette question, ce sont les villes d'Anvers et d'Ostende. Or, ce sont ces villes qui vous ont envoyé les pétitions les plus fortes pour la conservation du régime actuel. Lisez la pétition d'Ostende, vous verrez quelles considérations on fait valoir pour conserver le régime actuel.
On nous dit ; La situation est meilleure que l'année dernière ; c'est une erreur ; car l'année dernière vous aviez l'espoir, que vous n'avez plus, de voir arriver des grains de la mer Noire et de la mer d'Azof ; vous n'avez aucun espoir d'en recevoir de la Baltique, vous n'aurez pas de navigation jusqu'aux mois de mai ou de juin.
De plus, cette année l'Espagne manque de grains, par conséquent elle ne peut pas vous en envoyer ; de sorte que, selon moi, la situation est plus mauvaise que l'année dernière, car alors vous aviez l'espoir d'avoir des arrivages que vous n'avez plus aujourd'hui.
On a dit : Quand on n'aura pas de pain, on mangera des pommes de terre. Il est impossible de remplacer le pain par la pomme de terre. J'ai été présent à une réunion d'ouvriers sur un chemin de fer qui se construit dans la Flandre orientale ; un ouvrier était sans pain, à côté de lui se trouvait un autre ouvrier qui en avait ; j'ai vu le lui arracher des mains. Il est impossible de remplacer le pain de l'ouvrier par des pommes de terre.
Je pense bien que le gouvernement français sait ce qu'il fait, eh bien, il conserve le régime de la prohibition de la sortie des grains ; il fait plus, il défend la distillation des grains dans l'intérieur ; il faut des motifs graves pour adopter une pareille mesure. Cependant la situation française est meilleure que la nôtre, car la France a des possessions en Algérie qui lui fournissent du grain ; malgré cela on prohibe la sortie et la distillation des grains.
Le ministre nous disait hier : Mais si la sortie est libre où exporterez-vous vos grains ? Mais cette question est toute résolue, car sur nos marchés on achète en ce moment pour l'Espagne et pour la France.
J'irai plus loin, je dirai qu'on exportera pour la Hollande. Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui les alcools sont tellement demandés, que les Hollandais font distiller des grains et ils savent que le seigle belge est meilleur pour la distillation que le seigle étranger.
M. le ministre nous disait encore hier : Nos grains sont de qualité très ordinaire. Je soutiens, moi, qu'il n'y a pas de pays où les grains soient meilleurs que chez nous, surtout le froment et le seigle ; dans les autres pays la récolte se fait mal, les grains sont mal séchés et quand ils nous arrivent ils sont avariés.
La question des grains est générale ; quand le prix d'une espèce s'élève, les autres s'élèvent en proportion. Quand le prix du froment augmente, celui du seigle augmente également. Jusqu'à présent, on n'a pas parlé du bétail gras ; eh bien, à aucune époque on n'a vu la viande aussi chère qu'aujourd'hui ; je ne parle pas du prix de la viande de boucherie, mais du prix de la viande sur pied ; elle n'a jamais été aussi chère, et cependant vous laissez sortir le bétail. Pourquoi le bétail gras est-il si cher ? Parce que le grain qui sert à l'engraisser est cher. Aussi je m'oppose fortement à la sortie du bétail.
Messieurs, ce que je dis du bétail, on peut l'appliquer à la bière ; elle est aujourd'hui chère et mauvaise à cause de l'élévation du prix du grain ; encore un motif de prohiber la sortie du grain pour en faire baisser le prix afin qu'on puisse en avoir pour fabriquer la boisson du peuple.
Je n'en dirai pas davantage pour le moment.
M. Lesoinne. - Je ne dirai que quelques mots.
On conçoit, en effet, que dans une discussion comme celle qui a lieu maintenant dans cette enceinte, qui s'est renouvelée plusieurs fois, tout a été dit aussi bien pour que contre le système à adopter pour procurer aux populations les denrées alimentaires aux meilleures conditions possibles.
En effet, il est à constater que nous avons dans la production des céréales un déficit qu'on estime à environ 800,000 à 900,000 hectolitres. Le moyen de combler ce déficit le plus avantageusement possible pour nos intérêts, c'est de donner au commerce qui doit faire venir les quantités de blés qui nous manquent, le plus de facilités possible. Le bon sens indique que c'est là le meilleur moyen et les faits viennent le prouver.
Ces preuves ont été fournies déjà plusieurs fois, et ce qui excite chez moi un sentiment pénible, c'est de voir quels efforts continuent à faire les partisans de la prohibition pour tâcher de dénaturer la signification des chiffres qui sont fournis par le gouvernement.
En effet, quels arguments font valoir les partisans de la prohibition ? Ils veulent nous prouver que nous sommes allés acheter du blé sur des marchés où il était plus cher que chez nous, pour le faire venir en Belgique et pour le vendre avec perte. Comme on sent l'extrême difficulté de prouver cela d'une manière satisfaisante, ils cherchent à se rabattre sur la différence de qualité des grains vendus sur les marchés étrangers et sur les nôtres.
D'abord, la Belgique n'a que des grains de toute première qualité. Les partisans de la prohibition de sortie sont tellement admirateurs du froment de Belgique, qu'ils sont tentés de s'écrier : Ah ! qu'on est fier d'être Belge, quand on regarde le froment de Belgique ! De pareils arguments, on devrait les laisser aux avocats chargés de défendre d'office le premier scélérat venu. Mais dans une assemblée composée d'hommes recherchant vraiment la vérité et ce qu'il est utile de faire dans l'intérêt du pays, on ne devrait pas venir émettre des raisons pareilles.
L'honorable ministre de l'intérieur vous a donné la liste des différentes qualités de blé qui se vendent sur les marchés étrangers aussi bien que sur les nôtres. Eh bien, j'ai assez d'expérience par mes relations de famille pour savoir que les renseignements donnés par M. le ministre de l'intérieur sont parfaitement exacts. Il y a à l'étranger des froments de qualité supérieure aux nôtres.
Je pense donc qu'il est inutile de perdre du temps à tâcher de démontrer à nos honorables collègues qu'ils sont dans l'erreur. S'ils avaient profité de l'expérience faite, au lieu de chercher à caresser les préjugés des populations qui empêchent la Belgique de se donner une législation stable et définitive, ils auraient cherché à ramener ceux qui sont dans l'erreur, ce qu'ils n'ont pas fait jusqu'ici.
L'honorable M. Dumortier, qui s'est glorifié d'avoir signé, en 1845, la proposition des 21, ne s'était pas bien rendu compte des effets que cette loi devait produire. L'honorable M. Frère les lui a indiqués dans la séance d'hier.
Je me bornerai à ajouter que cette loi combinée avec la loi des droits différentiels qui existait alors, aurait eu pour l'alimentation publique des effets désastreux.
Est-ce que les honorables membres qui ont signé la proposition n'auraient pas pu s'assurer par la statistique commerciale de 1844, année qui précédait celle où ils ont fait leur proposition qu'en 1844 :
On avait importé (commerce général 21,262,769 kil.
On avait mis en consommation. 14,518,664 kil.
Mais de ces quantités avaient été importés par terre, rivières et canaux 10,915,508 kil.
Idem, par navires étrangers 9,910,369 kil.
Idem, par navires belges 460,802 kil.
C'est-à-dire que sur ces quantités, il n'y avait que 460,802 kilog,, qui auraient joui du droit moindre. Pour toutes les quantités restantes, on aurait payé 1 fr. 25 cent, par hectolitre pour les grains, 1 fr. 60 c. pour les farines quel qu'eût été le prix sur nos marchés.
Je répéterai ce que j'ai eu l'occasion de dire l'année dernière, lorsque des discussions ont eu lieu sur le projet de loi relatif aux denrées alimentaires, c'est qu'il faudrait une loi définitive. J'ai donc vu avec plaisir que l'honorable ministre des finances s'était rallié au projet delà section centrale. Ce projet conserve un droit à l'entrée sur les denrées alimentaires.
J'aurais préféré pour mon compte la liberté absolue. Ce n'est pas que je craigne que ce droit exerce une influence notable sur les prix des grains à l'intérieur. Mais si nous avions adopté la liberté absolue aussi bien à l'entrée qu'à la sortie, nous nous serions mis dans une situation plus favorable encore que l'Angleterre et la Hollande.
Voilà pourquoi j'aurais préféré la liberté absolue.
Cependant pour éviter à l'avenir le renouvellement continuel de ces discussions qui malheureusement jettent une certaine émotion dans les pays, je consentirais à accepter la proposition que nous a faite M. le ministre des finances.
(page 361) M. Verhaegen. - Ma position dans ce débat est très nette, et si dans l'occurrence je me sépare de la plupart de mes amis politiques, c'est qu'une conviction profonde me guide.
Je n'avais sur la question qui s'agite aucun engagement dans le passé, je n'ai aucun engagement pour l'avenir. Pour moi la question est une question de fait et d'appréciation d'après les circonstances où nous nous trouvons.
Ce n'est pas surtout une question de parti. C'est une question de patriotisme et d'humanité, d'humanité au point de vue de mes adversaires, comme à mon propre point de vue ; car je rends justice à tout le monde. Je dis, comme l'honorable comte de Muelenaere, que je suis convaincu que, dans cette assemblée, il n'y a pas un seul membre qui ne soit guidé par l'intention de procurer aux classes nécessiteuses le pain au meilleur marché possible. Seulement nous pensons, nous, que pour atteindre ce but notre moyen est le meilleur. Nos adversaires au contraire poursuivent une voie diamétralement opposée. Eh bien, soyons tolérants ; nous respectons vos opinions que nous croyons consciencieuses ; veuillez respecter les nôtres, et nous donner un moment d'attention... sans murmurer !
Messieurs, les circonstances où nous nous trouvons sont des plus fâcheuses, et le moment n'est certes pas favorable pour s'engager dans une discussion sur les denrées alimentaires.
Nous sommes en hiver ; nous avons devant nous les plus mauvais mois, ceux de janvier, février, mars et avril, et c'est à une pareille époque que nous allons, d'après la proposition nouvelle du gouvernement, nous occuper, non plus d'une loi provisoire, mais d'une loi définitive.
M. Coomans. - Indéfinie.
M. Verhaegen. - C'est dans un moment où le travail va manquer aux classes nécessiteuses qu'on veut prendre une mesure qui, inévitablement, fera hausser le prix des denrées alimentaires. C'est pendant les quatre mois que nos brasseries et distilleries consomment le double et même le triple de ce qu'elles consomment dans le cours de l'année qu'on propose de faire l'expérience de la libre sortie des céréales et de plus d'un droit à l'entrée. Quelle imprudence !
Messieurs, prenez-y garde ; vous voulez éviter que ce que vous appelez un préjugé ne s'accrédite. Mais si vous acceptez la loi qu'on vous propose et si, comme dans mon opinion cela est inévitable, le lendemain de la promulgation, les prix allaient hausser, ne fût-ce que de 3 à 4 fr. par hectolitre, que diraient donc ceux qui nourrissent ce préjugé ? Ils diraient qu'ils étaient dans le vrai, et désormais toutes les tentatives que vous pourriez faire pour les détromper resteraient vaines.
Ce n'est pas de cette manière, messieurs, que vous qui voulez déraciner le préjugé, devez agir ; la prudence exige que vous mettiez à des temps plus favorables l'expérience que vous voulez tenter.
Messieurs,, encore une fois, avec la libre sortie la hausse des prix est inévitable et tous les honorables amis que j'ai à combattre me fournissent, dans leurs discours, des arguments irréfragables à l'appui de ma thèse. Je puis être d'accord avec eux sur les prémisses qu'ils ont posées ; mais les conséquences que j'en déduis sont tout à fait différentes.
Messieurs, à toutes les circonstances fâcheuses que j'ai déjà énumérées, il faut ajouter la difficulté des arrivages, dans la saison dans laquelle nous nous trouvons. Tout le monde parait être d'accord sur ce point.
En effet, jusqu'au mois de mai, nous n'avons rien à espérer de la Baltique. Car déjà la navigation est interrompue. Et qui nous a fait cette observation capitale ? C'est l'honorable M. Prévinaire. Il est inconcevable, qu'après avoir posé de pareilles prémisses, il en ait tiré des conséquences telles que celles auxquelles il est arrivé.
Voici ce que disait entre autres hier l'honorable M. Prévinaire.
« II existe aujourd'hui de nombreux approvisionnements qui se trouvent dans la Baltique et qui seraient arrivés si la navigation n'était pas suspendue. Si vous pouvez offrir au commerce la garantie d'une loi définitive, d'un régime stable, le commerce s'empressera de donner des ordres et il recevra vers le mois de mai des approvisionnements destinés à faire baisser les grains. »
Mais la conséquence de ces prémisses, c'est que vous ne pouvez pas lever la prohibition au moins avant le mois de mai. Il faut être logique.
Voilà pour la Baltique. Maintenant de quels autres pays espérez-vous encore des arrivages ? De l'Amérique ; mais la situation de l'Amérique nous a été dépeinte dans l'exposé des motifs de M. le ministre de l'intérieur. Si nous devons nous approvisionner en Amérique, nous devrons payer quatre à cinq francs plus cher que partout ailleurs, le fait est constant.
En aurons-nous de la mer Noire ou de la mer d'Azof ? L'impossibilité d'arrivages de ce côté est plus évidente encore.
Vous espérez des arrivages du Zollverein ? Mais si les gelées venaient interrompre la navigation du Rhin, où en seriez-vous avec cet espoir ? Nous nous occuperons ultérieurement du Zollverein pour répondre à une objection qui nous a été faite à cet égard par l'honorable M. Frère. Mais continuons.
Du Midi vous n'avez rien à espérer non plus dans la position où les pays méridionaux sont placés.
Ainsi nous voilà au milieu de l'hiver réduits, pendant quatre à cinq mois, à la seule ressource que nous offre la récolte de l'intérieur, n'ayant rien ou très peu à espérer de l'extérieur- (ce sont nos adversaires qui viennent constater cet état de choses). Et nous lèverions en ce moment la prohibition, lorsque les classes nécessiteuses se trouvent dans la position que je viens de vous exposer !
Messieurs, le danger serait des plus graves. Nous consentirions à laisser sortir nos céréales alors qu'un pays voisin s'oppose énergiquement à la sortie des siennes et accuse des besoins immenses ! Qu'il me soit permis de répéter ce que j'ai dit dans une autre occasion, nous ferions dans cette circonstance un véritable métier de dupes.
Vous n'avez rien à craindre de la concurrence commerciale du côté de la France, m'objecte-t-on ; il faudrait exporter par voitures, il faudrait des charriages qui augmenteraient considérablement les prix. Messieurs, ceux qui sont à la frontière en savent quelque chose, plusieurs de nos honorables collègues sont en possession de lettres d'où résultent des ordres d'achats dans toutes ces localités qui touchent à la France, et ces lettres sont accompagnées d'observations de certains négociants belge qui, sacrifiant leurs intérêts personnels à des idées de patriotisme, déclarent formellement qu'il y aurait le plus grand danger à lever la prohibition.
Mais encore ne serait-ce pas la concurrence commerciale proprement dite que nous aurions à craindre ?
En effet, n'a-t-on pas vu naguère une nation puissante se faire en quelque sorte marchand de grains ? N'a-t-on pas vu cette puissance, pour ménager ses propres marchés, faire le sacrifice de quelques millions en stipulant, dans les cahiers des charges avec ses entrepreneurs, que les grains seraient pris à l'étranger ? Ne sait-on pas que la France, il y a deux ans, a fait acheter en un seul jour â Londres, ni plus ni moins que deux millions d'hectolitres de céréales ? Si de semblables achats se faisaient en Belgique, lorsque vous aurez levé la prohibition, quelles en seraient les conséquences ? Qu'on le dise !
Messieurs, qu'on ne perde pas de vue que la question pourrait bien se compliquer d'une autre question que celle des denrées alimentaires.
Maintenant, la question qui nous divise est bien celle-ci d'abord : Aurons-nous assez d'approvisionnements de l'étranger, si nous maintenons la prohibition, car nous avons un déficit à combler ? En second lieu, les prix seront-ils plus élevés si nous maintenons la prohibition que si nous la levons ? C'est là une question d'appréciation, une question de fait.
Vous voulez, vous, mes honorables adversaires, en faire une question de principe ; vous prétendez que c'est la grande question de l'expropriation, d'une atteinte portée à la propriété. Eh bien, il en est de même pour les pommes de terre.
M. Coomans. - Certainement !
M. Verhaegen. — Je demanderai à ceux qui m'interrompent s'ils étaient bien convaincus que, dans une circonstance donnée, il y aurait famine en ne maintenant pas la prohibition des grains à la sortie ; je leur demanderai si, dans une pareille circonstance, quels que soient les principes qu'ils invoquent, ils n'admettraient pas, eux, la prohibition ?
M. Coomans. - Certainement, mais avec indemnité.
M. Orts. - Ou bien comme celui qui a faim va voler chez son voisin.
M. Verhaegen. - Eh bien, messieurs, savez-vous comment j’envisage la chose ? Si vous voulez poser un principe mon principe, le voici et je ne crains pas de le dire : lorsqu'un pays n'a pas assez de céréales pour subvenir à ses besoins, il faut que ce pays emploie tous les moyens possibles pour favoriser les importations et pour éviter, autant que faire se peut, les exportations ; car il faut commencer, dans ce cas, par conserver ce qu'on possède.
C'est une expropriation, dit-on. Mais si cela était vrai, les impôts fonciers et autres constitueraient aussi une expropriation, au détriment de celui qui les paye en proportion de ce qu'il possède.
Les impôts, messieurs, ne constituent, d'après moi, qu'une prime d'assurance que paye le propriétaire dans un intérêt de conservation ; le préjudice qui peut résulter, pour lui, de la prohibition des céréales à la sortie, dans des circonstances fâcheuses, n'est-elle pas la même chose, n'est-ce pas un sacrifice qui lui est imposé comme mesure d'ordre public et dans l'intérêt de sa propriété ?
D'ailleurs, messieurs, les propriétaires, que je sache, ne se plaignent pas ; au contraire ce sont surtout les propriétaires qui concourent avec nous pour obtenir le résultat que nous voulons.
Quand on veut vivre en société, quand on veut jouir des avantages qu'elle procure, il faut nécessairement contribuer à en supporter les charges, charges qui sont destinées à nous conserver ce que nous possédons et que par conséquent ne peuvent être répudiées sans donner lieu aux plus graves dangers.
Il ne reste donc plus que la question d'appréciation, la question de fait.
Quel est le fait ? Quelles sont les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons ? Les circonstances sont difficiles et, quoi qu'on en dise, elles sont à peu près aussi difficiles, du moins pour les quatre mois que nous allons traverser, que celles dans lesquelles nous nous trouvions l'année dernière ?
Si notre récolte a été bonne cette année, n'oublions pas que, d'après tous les économistes, il faut au moins deux bonnes récoltes pour réparer (page 362) les effets d'une récolte mauvaise. Il faudrait donc voir, avant tout, ce que nous produira la récolte prochaine, et à cet égard que d'incidents divers, résultats de l'intempérie des saisons, peuvent venir déranger tous les calculs ? Sous ce rapport nous n'en saurons pas plus au 15 février que nous n'en savons aujourd'hui.
Maintenant, messieurs, et quoi qu'il puisse en être de la récolte prochaine, aurons-nous moins d'importations avec la prohibition que nous en aurions avec la libre sortie ? Les prix seraient-ils moindres avec la levée de la prohibition qu'avec le maintien du la prohibition ?
Voilà la véritable question à examiner.
Messieurs, je crois que personne n'a contesté les chiffres qui ont été produits par l'honorable M. Vermeire. L'honorable membre a établi que sous le régime de la prohibition des grains à la sortie nous avions eu plus d'importations que nous n'en aurions eu alors que la sortie était libre. Il n'y a donc rien à craindre de ce côté-là.
Comme nous le disions l'année dernière, en conservant notre récolte nous recevrons toujours de l'étranger ce qui pourra nous manquer. La possibilité de représailles ayant pour base une simple animosité entre nations, abstraction de tout intérêt, ne me touche guère.
Si le Zollverein, dont on nous a tant parlé, avait un manquant de céréales, il n'exporterait certes pas, il prendrait des mesures analogues à celles que nous avons prises l'année dernière ; mais si au lieu d'un manquant il a un excédent, il faudra bien qu'il exporte quelque part, et il exportera nécessairement là où il trouvera le plus d'avantages. Ce n'est pas la passion, mais l'intérêt bien entendu qui guide le commerce.
La Belgique entrera en concurrence avec toutes les autres nations.
« Il faut, dit-on, donner au commerce une liberté plus grande. » Dites plutôt qu'il faut commencer par créer un commerce de grains en Belgique. Je m'en rapporte à cet égard à l'honorable M. Osy ; les véritables commerçants en grains sont les Anglais et les Hollandais ; quant à nous, nous n'avons pas de commerce de céréales, et c'est dans la position difficile où nous allons nous trouver pendant les quatre plus mauvais mois de l'année que nous tenterions une expérience aussi dangereuse, que nous ferions notre éducation commerciale au détriment des consommateurs. Cela n'est pas possible.
Messieurs, nous n'avons donc pas à craindre que les importations nous manquent ; les importations suffiront, comme elles ont suffi l'année dernière ; en payant ce que payeront nos voisins, nous comblerons facilement notre déficit.
Maintenant, les prix seront-ils plus élevés avec le régime de la prohibition à la sortie qu'ils ne le seraient avec la liberté ? Examinons.
L'honorable ministre de l'intérieur nous a dit hier que le prix des céréales à l'entrepôt d'Anvers était aujourd'hui de 27 à 32 francs. Or, tandis que les grains se vendent sur nos marchés de 21 à 26 francs, on objecte que les prix ont toujours été moindres dans les pays où il y avait liberté et notamment en Angleterre qu'ils ne l'ont été en Belgique.
Messieurs, pour ne pas perdre votre temps, je ne m'attacherai pas aux statistiques, car toutes les statistiques sont trompeuses, elles servent à toutes les opinions, je me rappelle fort bien que l'année dernière, ceux qui soutenaient la prohibition invoquaient les statistiques ; ceux qui soutenaient la liberté invoquaient à leur tour les statistiques ; enfin le gouvernement qui prétendait que la prohibition ou la liberté ne faisait aucun mal, invoquait aussi les statistiques.
Cherchons donc nos comparaisons dans l'intérieur même du pays, comparons les prix des céréales libres à la sottie, avec les prix des céréales prohibées à la sortie.
Tout le monde est d'accord que le prix de l'orge a été pendant toute l'année proportionnellement plus élevé que le prix du froment et du seigle ; or, l'orge est libre à la sortie ; d'où la conséquence que les céréales sortant librement ont été constamment à des prix plus élevés que les céréales dont la sortie était prohibée. En outre, il n'y a pas en ce moment un grain d'orge dans les entrepôts.
Ainsi, la liberté, quant aux céréales, a deux conséquences ; c'est que les céréales qui sont libres à la sortie ne nous laissent aucun approvisionnement en ce moment, et qu'elles se vendent à des prix proportionnellement plus élevés que les autres céréales dont la sortie est aujourd'hui prohibée.
Veut-on maintenant un argument péremptoire, et qui résulte des documents qui nous ont été communiqués ? C'est que du 1er janvier au 15 novembre de cette année, il a été importé et déclaré à l'entrepôt d'Anvers, des quantités considérables de froment et de seigle, lesquelles ont été ensuite exportées ; d'où je tire la conséquence que les entreposeurs ont trouvé à se défaire de leurs céréales plus avantageusement ailleurs qu'en Belgique, et ce nonobstant les frais d'entreposage et de réexpédition.
Les chiffres sont importants. Je vais vous les mettre sous les yeux. A la page 101 du rapport de la section centrale, se trouve une note fournie par le gouvernement dans, laquelle figurent d'abord les importations de froment et de seigle qui ont été mis en consommation, ensuite les importations en entrepôt suivies de réexportations ; il a été importé et mis en consommation 94 millions de kilog. de froment et 11 millions de kil. de seigle. Ila été importé en entrepôt et réexporté plus tard 22,448,372 kil. de froment et 20,302,612 kilog. de seigle.
Ainsi après avoir déclaré 22 millions et demi de kilogr. de froment et 20 millions de kilog. de seigle, les entreposeurs les ont retirés pour les exporter sur les marchés d'autres pays où les prix étaient plus élevés qu'en Belgique, et veuillez remarquer que ces entrepreneurs ont eu à supporter les frais d'entreposage et les frais de réexportation. (Interruption.)
Ce que j'avais prévu est arrivé. Vous ne voulez pas écouter quand on vous répond. Permettez-moi donc de vous dire pourquoi je continue à penser ce que je pensais l'année dernière sur la question qui nous occupe, alors que dans cette Chambre, 54 voix contre 7 et au Sénat, 31 voix contre une sont venues me prouver que j'avais raison.
Plusieurs de mes honorables amis qui sont d'un avis diamétralement opposé au mien ont fait de longs et beaux discours, entre autres l'honorable M. de Steenhault paraît avoir fait de laborieuses recherches, es je puis dire sans crainte d'être contredit que pas une des prémisses qu'il a posées, pas un des principes qu'il a invoqués ne sont de nature à confirmer l'opinion que je défends.
M. de Steenhault disait dans la séance du 16 décembre :
« Et au dehors croyez-vous, messieurs, que l'on comprendra ce brusque revirement qui de la prohibition à la sortie nous fait passer tout d'un trait aux droits à l'importation, et cela alors que nous sommes encore loin d'avoir oublié la crise qui a tant fait souffrir les classes moyennes et inférieures, alors qu'une crise monétaire est venue se joindre à la crise alimentaire, que tous les budgets économiques sont bouleversés, que tout équilibre entre les besoins el les salaires est rompu, alors que rien encore n'a repris son niveau et que des temps plus heureux n'ont encore pu dédommager un peu nos populations et cicatriser les blessures qui sont encore là vives et douloureuses. »
Et c'est aussi l'opinion du gouvernement : nous avons vu, en effet, M. le ministre de l'intérieur venir nous proposer un crédit d'un million deux cent mille francs pour alléger la fâcheuse position des petits employés par suite de la cherté des denrées alimentaires, et M. le ministre de la guerre obligé de venir solliciter par le même motif un crédit extraordinaire d'un million deux cent quarante-cinq mille quatre cent quatre-vingt-un mille francs, outre le crédit extraordinaire de huit cent mille francs accordé l'année dernière.
M. de Steenhault continuait ainsi :
« Veuillez bien remarquer, messieurs, que ce n'est pas, après tout, des grains seuls qu'il faut tenir compte, mais de l'ensemble des prix des denrées alimentaires. Or si les grains ont un peu baissé, presque toutes les autres denrées sont encore à des prix inaccessibles ; le beurre, les œufs, la viande ont des prix qui n'ont jamais été dépassés.
« Et pour les grains, croyez-vous qu'il soit prudent de compter sur les prix actuels, quand on sait que notre stock était nul, que dès le mois de septembre ou entamait déjà fortement la récolte de 1850 et quand nous connaissons la concurrence que nous trouverons pour nos importations dans l'Italie, le Portugal et l'Espagne où règne presque une véritable disette et où dès aujourd'hui le froment varie de 45 à 50 francs ? »
Le gouvernement avait dit la même chose dans son exposé de motifs tout en agrandissant le cercle de la concurrence que nous font les pays étrangers.
Puis M. de Steenhault disait :
« Le gouvernement motive son projet de loi sur la réduction des prix, mais comment se fait-il alors qu'il y comprenne le bétail et les viandes, qui se payent plus cher qu'il y a deux ans et aussi cher que l'année dernière quand on réclamait la libre entrée ?
« Vous devez convenir, messieurs, qu'il y a là quelque chose qui blesse la logique. »
Je suis parfaitement d'accord avec l'honorable M. de Steenhault sur, les considérations que je viens de transcrire ; mais s'il y a quelque chose qui blesse la logique, c'est la conséquence que l'honorable membre a tirée de ses prémisses.
M. de Steenhault a terminé son discours par les réflexions suivantes :
« M. le ministre des affaires étrangères nous disait dernièrement en parlant de la crise monétaire, et avec autant de sagesse que d'à-propos, qu'il était toujours dangereux de prendre une décision dans un moment de crise, et tant qu'on était pas rentré dans un état normal.
« C'est bien là notre situation.
« Attendons donc pour innover que les esprits soient plus calmes, et que l'on ne puisse accuser nos décisions d'être le résultat d'un parti-pris ou d'appréciations que la passion fera mal interpréter ou comprendre. »
Quelle aurait dû être la conséquence de réflexions si sages et si justes ? La conséquence, messieurs, devait être le maintien de la prohibition an moins pendant un temps plus ou moins long. Or, M. de Steenhault, après ses belles phrases, conclut à la libre sortie immédiate.
Messieurs, je crois en avoir dit assez pour justifier mon opinion, qui est celle de l'année dernière et qui s'est encore renforcée par les observations d'honorables amis qui arrivent à un résultat opposé à celui que je veux atteindre.
Je dois répéter, messieurs, ce que j'ai dit en commençant : il y aurait les plus graves inconvénients, les plus grands dangers, au point de vue même de ceux qui veulent déraciner ce qu'ils appellent un préjugé populaire, à voir se produire une élévation des prix après la publication de la loi, et cependant cette élévation est inévitable.
(page 354) L'honorable ministre de l'intérieur ne s'est pas fait illusion à cet égard. Il a dit, dans la séance d'hier, qu'il se pourrait bien que dans les premiers mois, il y eût hausse, mais qu'il y aurait compensation par la baisse qui se produirait les mois suivants. Eh bien, faites comprendre cela aux populations qui ne s'occupent que du présent et qui ne se lais sent pas bercer par des promesses dans l'avenir ; dans l'intérêt même de ceux qui veulent déraciner des préjugés, il ne faut pas se laisser aller à de pareilles considérations.
Ce qui me confirme dans cette idée, c'est que le gouvernement vient de faire un pas en arrière.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Ou en avant.
M. Verhaegen. - Effrayé des conséquences, il recule.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - C'est tout le contraire.
M. Verhaegen. - Le gouvernement avait d'abord présenté un projet provisoire. On lui a fait observer, comme de raison, qu'un pareil projet était un non-sens. Je me proposais, à mon tour, de lui dire qu'une loi temporaire supposait des mesures exceptionnelles, mais non l'adoption d'un principe.
Or la prohibition de sortie n'est pas un principe, c'est une exception. Le gouvernement a parfaitement compris cette position, aussi aurait-il échoué à une énorme majorité s'il n'avait pas viré de bord.
Le gouvernement propose aujourd'hui une loi définitive, et par cette loi définitive il veut frapper les denrées alimentaires de droits à l'entrée. Y a-t il bien songé ?
Le plus mauvais et le plus injuste des impôts est celui qui tombe sur l'alimentation publique et spécialement sur la substance qui fait la principale nourriture des classes infimes de la société. Que dirait-on aujourd'hui d'un droit de mouture ? Or le droit proposé par le gouvernement, qui nécessairement fera monter le prix du froment, par exemple, de 24 fr. à 24 fr. 50 c., équivaut à un droit de mouture, et dans quelles circonstances, grand Dieu ! demande-t-on ce droit ? A la sortie d'une crise épouvantable, qui est loin d'être oubliée, et alors que le peuple commençait à espérer de voir baisser le prix des objets de première nécessité.
Quand il s'agit de l'alimentation du peuple, je m'inquiète peu des intérêts du trésor. Quand le trésor a des besoins, qu'il s'adresse à ceux qui possèdent et qu'il ménage ceux qui ont faim.
Pour résumer à cet égard toute ma pensée, je ne puis mieux faire, messieurs, que de vous citer les paroles remarquables du ministre des affaires étrangères d'un pays voisin :
« Quand il s'agit de la subsistance publique, dit M. Wolowski dans ses études d'économie politique, tout doit fléchir et disparaître devant la nécessité d'y pourvoir. Malheur à ceux dont l'égoïste insouciance voudrait spéculer sur les angoisses de la disette, et les tortures de la faim ! »
Je voterai donc pour la défense de sortie et pour la libre entrée de toutes les denrées alimentaires.
(page 354) M. le président. - M. Vandenpeereboom vient de déposer l'amendement suivant : « La loi du 30 décembre 1855, sur les denrées alimentaires, est prorogée jusqu'au 30 avril 1857. »
M. Vandenpeereboom. - J'aurai très peu de mots à dire pour développer ma proposition, qui au fond a déjà été justifiée, par les orateurs qui ont présenté des amendements dans le même sens. Entre leurs propositions et la mienne, il n'y a pas de différence de principes, mais une question de date d'exécution.
En principe, je suis, comme beaucoup d'honorables collègues, partisan de la liberté commerciale, qui me semble d'autant plus devoir être appliquée, que l'on a retiré toute protection à l'agriculture. Nous devons être équitables et n'avoir pas deux poids et deux mesures.
Mais à la règle de la liberté, il y a deux exceptions. Il est des circonstances qui peuvent nous faire dévier de ce principe. C'est le cas où une crise alimentaire sévit. D'ailleurs nous sommes tous sous l'impression des faits qui se passent près de nous. Ainsi, j'ai l'honneur de représenter plus spécialement dans cette Chambre un arrondissement qui se trouve dans une position toute spéciale. Eloigné des ports de mer, il doit faire venir des grains étrangers à grands frais. Voisin de la frontière de France, ayant à sa porte un centre immense de (page 355) consommation, il peut exporter à bon marché des grains vers le département du Nord. Les frais de ces exportations sont de 70 c. par 100 kilog., tandis qu'il faut payer 2 à 5 francs pour faire venir un hectolitre de grain d'Anvers.
C'est eu égard à ces circonstances que je demande temporairement la prohibition de la sortie des grains.
Je me rallie à l'amendement proposé par M. le ministre des finances, au moins quant au fond, et je propose un sous amendement quant à la durée du statu quo.
L'honorable ministre des finances propose de proroger la loi jusqu'au 15 février. Ce terme me paraît trop court ; si le Sénat fait une modification à la loi que nous discutons en ce moment, à fortiori si nous ne pouvons pas voter la loi tout entière avant les vacances, c'est-à-dire dans les séances d'aujourd'hui et de demain, ce qui est très -possible, il est évident qu'à notre retour jusqu'au 15 février il nous restera bien peu de temps pour examiner avec maturité cette disposition législative importante.
Immédiatement après les vacances nous aurons à discuter la loi sur le jury d'examen ; c'est une discussion qu'on ne peut retarder et qui sera assez longue. Nous aurons les budgets qui nous prendront aussi assez de temps. J'insiste donc pour que la loi provisoire soit prorogée jusqu'au 30 avril ; à cette époque l'hiver sera passé. Car nous qui croyons que, dans certaines parties du pays, la prohibition fera baisser le prix des grains, nous pouvons invoquer cet argument, et dire que l'hiver sera passé et que le taux actuel des subsistances pourra être maintenu pendant les mois les plus rigoureux.
J'ajouterai, comme vient de le faire très bien observer l'honorable M. Verhaegen, qu'au commencement de mai, les arrivages de la Baltique seront possibles, de sorte que pour cette époque on pourra faire des commandes et que le pays pourra s'approvisionner de grains étrangers.
Messieurs, il est un autre fait qui m'inspire une certaine crainte, en ce qui concerne la libre sortie des seigles. C'est un argument qui, je pense, n'a pas été produit jusqu'ici.
Le seigle est prohibé à la sortie, il y a une loi qui prohibe même la sortie des eaux-de-vie et genièvres fabriqués avec les grains indigènes. Il faut justifier qu'on a importé une certaine quantité de seigle étranger pour pouvoir exporter les eaux-de-vie.
Or, il est évident que si nous autorisons immédiatement la sortie du seigle, la loi qui prohibe le genièvre fait avec du seigle indigène tombera également et qu'ainsi nous pouvons voir exporter des quantités considérables de seigle, soit pour la France, soit pour les Pays-Bas, et que l'on pourra distiller dans le pays des grains indigènes et exporter cet alcool.
Enfin en donnant quelque temps pour se reconnaître, on opérera une espèce de transition entre le régime exceptionnel de la prohibition et le régime définitif et normal de la liberté. En prévenant nos populations et le commerce quelque temps d'avance, nous obtiendrons les résultats que je viens d'indiquer.
J'aurais pu peut-être me rallier à l'amendement proposé par l'honorable comte de Muelenaere ; mais cet amendement fait durer les effets de la loi provisoire jusqu'au 31 mai.
Le 1er juin est une époque qui se rapproche beaucoup de la fin de nos sessions, et les membres qui ont siégé pendant quelque temps dans la Chambre savent qu'à la fin des sessions il est difficile de faire avec maturité et avec calme des lois définitives qui doivent avoir une longue durée. A la fin de la session on nous présente des projets urgents, des demandes de crédits nombreuses, et les lois en général ne sont pas examinées avec le calme qu'il importe de mettre à l'examen de questions de cette importance.
C'est pour ces divers motifs que j'ai eu l'honneur de proposer l'amendement que je viens de développer.
M. le président. - La parole est à M. Rodenbach.
M. Rodenbach. - Je renonce à la parole pour en finir aujourd'hui, si faire se peut.
- La clôture est demandée.
M. Devaux. - Je demande si l'on passera à une discussion des articles. Je veux pouvoir motiver mon vote. S'il y a une discussion des articles, je ne m'opposerai pas à la clôture de la discussion générale.
M. Frère-Orban. - Je désire répondre quelques mots à ce qu'a dit M. le ministre des finances au commencement de la séance. Je n'étais pas présent. Mes amis m'ont fait part des observations de M. le ministre. J'aurais le droit de demander la parole pour un fait personnel L'honorable ministre des finances a essayé de me mettre en contradiction avec moi-même ; je tiens à prouver que cette contradiction n'existe pas. Je serais d'ailleurs très court.
- La clôture de la discussion générale est mise aux voix et prononcée.
M. le président. - La Chambre se trouve en présence de plusieurs amendements. Celui qui s'écarte le plus de la proposition principale est celui de M. Frère. Je crois que c'est le premier à mettre aux voix.
M. Frère-Orban. - Mon amendement, comme vous l'avez remarqué, n'indique aucun terme.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Est-il définitif ?
M. Frère-Orban. - Non. Mon amendement n'indique aucun terme ; il peut s'appliquer à une loi provisoire de libre entrée. Je ne suis pas disposé à me payer de mots en ces matières. Evidemment on aura beau qualifier la loi de définitive ; ce sera une loi provisoire, comme nous l'avons eue successivement depuis dix années.
Ce qui est important, selon moi, c'est de faire, dans les circonstances actuelles, la loi que commandent les circonstances. Or, la loi que les circonstances commandent, c'est, à mon sens, une loi de libre entrée des denrées alimentaires. Aucun droit ne peut être établi immédiatement, selon moi.
Je n'ai pas été, et en cela M. le ministre des finances est tombé dans une grave erreur, je n'ai pas été opposé et ne me suis pas opposé quand même à un droit minime comme celui de 50 c. à l'entrée des céréales. Le gouvernement n'a pas proposé, il s'est rallié autrefois à la proposition d'établir un droit de 50 c, qu'il voulait proposer ultérieurement comme droit définitif. Et puis, quel était le prix des grains ? Voilà ce qu'il fallait dire. Voilà ce que M. le ministre des finances aurait dû faire connaître.
Du 20 au 25 novembre 1848, le froment était à 17 fr. 46 c. ; du 27 novembre au 2 décembre, le froment était à 17 fr. 28 c. ; du 2 décembre au 16 décembre à 16 fr. 85 c. On conçoit qu'on ait pu se rallier à un droit de 50 c. sur les céréales, à une époque où le froment se vendait aux prix que je viens d'indiquer. Mais quels sont aujourd'hui les prix ? Ils sont de 50 p. c. plus élevés. Or, que vous ai-je dit hier et que viens-je vous répéter aujourd'hui ? C'est qu'en pareille circonstance il était souverainement inique, il était impolitique au plus haut point d'établir un droit d'entrée sur les céréales.
Maintenant M. le ministre des finances dit : J'ai demandé un droit d'entrée à dater du 1er janvier et par transaction je demande à ne le percevoir qu'à dater du 15 février. Voilà donc la proposition que fait le gouvernement. Mais ce que nous avons trouvé inadmissible pour être pratiqué à dater du 1er janvier, est évidemment inadmissible pour être pratiqué à partir du 15 février. Les circonstances ne changeront pas de telle sorte, dans un espace de six semaines, que le droit qui est injustifiable au 1er janvier devienne un droit convenable au 15 février.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, je ferai observer que l'honorable M. Frère a dit, dans la séance d'hier, qu'il concevait bien un droit à l'entrée dans une loi définitive, telle que le proposait la section centrale. J'ajouterai qu'en 1848 le gouvernement envisageait la situation sous un aspect fort sombre ; il faisait allusion à la situation générale de cette époque : et, en ce qui concerne les denrées alimentaires, il constatait un déficit considérable dans le pays, ce qui n'avait pas de sens ou signifiait qu'il prévoyait une forte hausse dans.les prix des denrées alimentaires.
M. Frère-Orban. - Je viens de dire : pour une année.
M. Vandenpeereboom. - Je crois, messieurs, que l'amendement de l'honorable M. Frère ne doit pas être d'abord mis aux voix ; et que les propositions d'ajournement et de prohibition doivent avoir la priorité. Il est de principe que l'on vote d'abord sur les questions d'ajournement ; mais, en admettant même que la question telle qu'elle est posée ne serait pas un ajournement réel, il est encore de principe que l'on vote d'abord sur les propositions qui s'éloignent le plus de celles du gouvernement. Or, l'amendement de M. Frère se rapproche beaucoup plus de la proposition de la section centrale, admise par le cabinet, que les propositions qui ont pour but de prohiber les grains à la sortie.
En effet, entre la proposition de M. Frère et celle du gouvernement, il n'y a qu'une différence de 25 centimes pour les droits d'entrée, tandis qu'entre la proposition de la section centrale et les propositions de prohibition, il y a toute la différence qu'il y a entre deux principes opposés.
Je crois donc qu'il faudrait voter d'abord sur la proposition de M. Dumortier, et ensuite sur celles qui fixent un délai plus court, c'est-à-dire pour celle de M. Thibaut, puis pour celle de M. de Muelenaere, enfin pour celle que j'ai eu l'honneur de déposer.
M. Devaux. - Il me semble qu'il ne s'agit pas en ce moment de voter. Nous venons de clore la discussion générale, il s'agit maintenant de discuter les dispositions spéciales. Aucune proposition n'a été examinée jusqu'ici dans ses détails.
M. Coomans. - Messieurs, je voudrais faire observer doux choses : D'abord l'honorable M. Frère peut très bien voter le chiffre de 50 centimes, attendu qu'il a non seulement voté ce même chiffre, mais promulgué le droit d'un franc, par une loi qui devait être définitive. Quand l'honorable M. Frère a promulgué le droit d'un franc, il n'a pas déclaré que la loi serait changée lorsque le froment serait à 25 francs. On a donc eu raison de faire observer à l'honorable membre qu'on se rapprochait de Sa manière de voir.
La seconde observation que j'ai à présenter, c'est que dans le cas où l'amendement de M. Frère serait mis aux voix le premier, il faudrait le diviser.
J’ajouterai, messieurs, que, selon moi, c'est l'amendement de l'honorable M. Dumortier qui doit être mis aux voix le premier, car je reconnais qu’il (page 356) s'éloigne le plus du projet du gouvernement et de celui de la section centrale.
M. Frère-Orban. - Je n'attache pas infiniment d'importance aux tentatives que l’on fait pour me mettre en contradiction ; mais avant de le faire il faudrait avoir le soin de bien vérifier les faits. Voici, messieurs, ce que je disais dans la discussion à laquelle l'honorable membre a fait allusion ; j'annonçais précisément que les circonstances pouvaient être telles que le droit devrait disparaître :
« Au point de vue du trésor, disais-je, je repousse les droits que l'on réclame (…) c'est le droit le plus minime auquel il convient de s'arrêter ; c'est celui-là qui présente le moins d'inconvénients, et encore, quelque minime qu'il soit, les circonstances peuvent être telles que vous fléchirez devant l'impossibilité de le maintenir. »
L'honorable M. Coomans sera donc peu satisfait. Sans réclamer le don de prophétie, je puis dire que j'avais dès ce moment annoncé que le droit proposé et voté devrait disparaître. Je suis donc parfaitement conséquent lorsque je soutiens, en présence des circonstances actuelles, que, pour le moment, il n'y a pas lieu d'établir un droit sur les céréales.
Depuis deux ans, messieurs, les populations sont tourmentées par la cherté excessive des denrées alimentaires et à peine voit-on fléchir les prix que l'on propose rétablissement d'un droit et sur les grains et sur le bétail. Eh bien, je demande que provisoirement jusqu'au 1er janvier 1858, on puisse, autant que cela est humainement possible, obtenir les denrées à bon marché.
Je demande donc qu'il n'y ait pas de taxe et je dis qu'il serait souverainement impolitique d'en établir, quelles que soient les opinions sur les autres questions. Ce qui doit nous préoccuper avant tout c'est l'intérêt des classes nécessiteuses. Toutes les autres questions sont réservées, elles se produiront, mais quant à présent point de droit d'entrée.
Maintenant, dans quel ordre faut-il voter ? Il est évident que ma proposition, qui demande la libre entrée et la libre sortie pour une année, est la plus large de toutes. Cela ne peut pas être contesté.
Eh bien, cette proposition doit être préalablement mise aux voix.
Ma proposition comprend la libre entrée et la libre sortie. On divisera ; on mettra aux voix séparément, la libre entrée et la libre sortie. L'honorable M. Dumortier propose à la fois la libre entrée et la prohibition à la sortie jusqu'au 31 décembre 1857. On divisera donc également la proposition de l'honorable M. Dumortier. Eh bien, elle se confond avec la mienne pour la libre entrée, et lorsqu'il s'agira de la libre sortie, il y aura encore confusion entre les deux propositions, en ce sens que ceux qui repoussent l'une admettent l'autre.
M. Dumortier. - Messieurs, je viens confirmer les paroles que l'honorable préopinant vient de prononcer sur la manière de poser la question. Un fait incontestable, c'est que la proposition de l'honorable M. Frère, celle que j'ai eu l'honneur de déposer sur le bureau avec d'honorables collègues, et celle de mon honorable ami, M. de Muelenaere, sont toutes trois les mêmes quant à l'entrée ; tous, nous voulons l'entrée libre ; nous voulons qu'il n'y ait en 1857 aucun droit d'entrée ; nous sommes d'accord sur ce point, mais nous différons sur la libre sortie.
L'honorable M. Frère demande la sortie libre des céréales ; nous demandons, nous, la prohibition des céréales à la sortie ; voilà la différence. Maintenant, l'honorable M. Vandenpeereboom, auteur d'un amendement qui est le même que celui de l'honorable M. de Muelenaere, sauf le terme ; l'honorable M. Vandenpeereboom demande la priorité pour son amendement ; pourquoi ? parce que, dit-il, il y a là une question d'ajournement. Je crois que l'honorable membre ne comprend pas bien le règlement.
Il est vrai que le règlement porte que la question d'ajournement doit avoir la priorité ; mais, qu'est-ce que l'ajournement ? C'est celui de la loi qu'on discute. Si donc un membre venait proposer d'ajourner le vote de la loi, cette proposition devrait évidemment avoir la priorité. Mais il ne s'agit pas ici d'ajourner le vote de la loi, il s'agit de la discuter et de la voter ; il s'agit de termes différents pour la mise à exécution de la loi. Il n'est pas du tout question d'ajournement ; l'article du règlement qu'on invoque n'est nullement applicable à l'ordre du jour actuel.
Ce que nous avons à faire, c'est d'appliquer un autre article du règlement qui porte que l'amendement qui s'éloigne le plus de la question principale doit être mis aux voix d'abord. Or, quelle est la question principale ? C'est le projet de la section centrale, auquel s'est rallié M. le ministre des finances.
Maintenant, quel est l'amendement qui s'écarte le plus de la proposition principale ? C'est évidemment l'amendement de l'honorable M. Frère.
Il faut donc mettre d'abord aux voix cet amendement ; on mettra ensuite successivement aux voix notre amendement, celui de l'honorable M. de Muelenaere, celui de l'honorable M. Vandenpeereboom, et finalement, s'il y a lieu, la nouvelle proposition de M. le ministre des finances.
M. Rousselle. - Messieurs, si j'ai bien compris, le discours que M. le ministre des finances a prononcé au commencement de la séance, la Chambre se trouve devant deux lois à faire : une première loi pour proroger, jusqu'à un terme à déterminer, la loi qui nous régit actuellement ; ensuite la loi générale sur les denrées alimentaires. Or, il me paraît que l'amendement de l'honorable M. Frère et celui de l'honorable M. Dumortier se rattachent, non à la loi de prorogation, mais à la loi générale.
Je pense donc que pour laisser toute liberté à la discussion et au vote (il n'y a eu jusqu'ici qu'une discussion générale), il reste à ouvrir la discussion spéciale, d'abord sur la loi de prorogation, ensuite sur les articles de la loi générale.
Je demande donc que l'on passe au vote sur la question de savoir si la loi actuelle sera prorogée, comme le demande le gouvernement, et ensuite nous nous occuperons de la loi générale et des amendements qui s'y rapportent. De cette manière nous serons parfaitement libres dans nos votes.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Le gouvernement propose la prorogation jusqu'au 15 février prochain de la loi du 31 décembre 1855. Quel est l'amendement qui s'écarte le plus de cette proposition ? C'est l'amendement des honorables membres qui ont proposé le maintien de la prohibition pour toute l'année 1857 ; viennent ensuite les amendements qui ne demandent cette prorogation que jusqu'au 30 juin ou jusqu'au 30 avril.
Il faudrait donc d'abord mettre aux voix le délai le plus long demandé pour la prohibition des céréales.
M. de Theux. - Messieurs, il y a une autre question qui me semble dominer le débat. La loi sera-t-elle définitive, suivant la proposition de la section centrale, proposition à laquelle le gouvernement adhère, ou bien sera-t-elle temporaire ? Il est évident que si vous adoptez soit l'amendement de l'honorable M. Dumortier, qui maintient la prohibition à la sortie pour une année, soit l'amendement de l'honorable M. Frère-Orban qui propose la levée de la prohibition et la libre entrée pendant une année, vous faites une loi provisoire.
Il y a encore une autre question dans le débat : M. le ministre des finances a proposé la disjonction.
Il y a dès lors deux projets de loi bien distincts en discussion ; l'un qui proroge la prohibition à la sortie pendant un temps plus ou moins long ; l'autre qui propose un droit définitif pour le commerce des céréales pendant un terme illimité. Ce sont là les questions que me semblent dominer le débat.
Je me réserve de prendre la parole sur l'article premier.
M. Verhaegen. - Messieurs, il me semble que nous n'avons pas d'autre moyen de sortir de l'impasse où nous nous trouvons qu'en posant des questions de principes. Par exemple : Y aura-t-il libre entrée ? Y aura-t-il libre sortie ? Ces questions une fois résolues, on s'occupera du temps.
Dans des circonstances pareilles, la Chambre a toujours procédé par questions de principes.
M. Malou. - Messieurs, nous voulons tous conserver la liberté de notre vote. Quel est le moyen ? Il faudrait, selon moi, se prononcer sur des questions de principes, en se réservant l'application de ces principes.
Ainsi, il me semble que, d'après les observations qui ont été présentées tout à l'heure par l'honorable M. Frère, il faudrait commencer par se prononcer sur l'établissement ou le non-établissement d'un droit d'entrée ; il faudrait ensuite se prononcer sur la prohibition à la sortie, et ces votes seraient émis sous la réserve des propositions qui tendent à donner, soit un caractère indéfini, soit un caractère limité à la loi, soit à ne pas l'appliquer immédiatement, c'est à-dire sous la réserva des propositions de MM. Thibaut, de Muelenaere, Vandenpeereboom et de M. le ministre des finances qui toutes ont ce caractère commun de maintenir la loi en vigueur pendant un certain temps plus ou moins long. De cette manière chacun aurait la liberté de son vote : nous déterminerons le régime que nous voulons établir et ensuite nous fixerons l'époque à laquelle il prendra cours.
M. de Theux. - Il me semble, d'après la fatigue de la Chambre, que ce sont les propositions relatives à la libre sortie qui doivent avoir la priorité. En effet, c'est facile à comprendre ; avec la prohibition à la sortie, tout le monde est d'accord sur la libre entrée. C'est la continuation du régime actuel pendant un temps plus ou moins long. Si la proposition de M. Dumortier est adoptée, M. Frère-Orban n'a plus rien à réclamer, car c'est le maintien de la loi actuelle.
Nous n'avons pas à voter sur la proposition de M. Frère, avant d'avoir voté sur la prohibition de sortie et sa durée. Viendra ensuite cette autre question. Y aura-t-il une loi définitive ou une loi temporaire ?
C'est la seule manière logique de procéder.
M. Coomans. - Nous devons savoir avant tout, si la loi sera indéfinie ou non ; car de la solution de cette question dépendra mon vote sur le droit d'entrée. Je ne voterai pas de droit d'entrée si la loi est provisoire, tandis que je consentirai à admettre un droit si la loi est indéfinie.
Nous devons, comme le propose M. de Theux, voter sur la question de savoir si la loi sera indéfinie ou non ; ensuite on procédera comme le demande M. Malou par question de principe.
M. Frère-Orban. - Le gouvernement fait deux propositions, l'une est une loi provisoire avec un droit à l'entrée et la liberté quant à. la sortie.
Le gouvernement amende sa proposition primitive et propose la prohibition jusqu'au 15 février prochain.
Pour un projet définitif il se rallie ensuite au projet de la section centrale. Il fait donc deux projets distincts, séparés ; un projet (page 357) temporaire et un projet définitif. A la proposition temporaire faite par le gouvernement viennent les amendements, vous ne pouvez pas les placer ailleurs.
Ma proposition est temporaire également ; celle de M. Dumortier l'est aussi ; le gouvernement propose un terme, M. Dumortier en propose un autre, j'en propose également un. Il faut mettre aux voix la question de savoir si la libre entrée sera admise.
M. Devaux. - Je pense qu'il faut commencer par voter sur la question de la libre sortie ; la première question qu'on posera ensuite sera : Quand cette mesure commencera-t-elle à recevoir son exécution ?
Il faut commencer par décider s'il y aura liberté ou prohibition de sortie.
Si l'on proroge la législation actuelle au mois de mai ou de juin, les droits qu'on propose d'établir à l'entrée ne commenceront à être perçus que plus tard. C'est ainsi qu'on l'entend. La question du droit d'entrée est subordonnée à celle de savoir si on ne maintiendra pas pendant quelque temps la loi actuelle. Cette question décidera la date où les nouveaux droits d'entrée seront perçus, si on en établit.
- Un grand nombre de membres. - Aux voix ! aux voix !
M. de Renesse. - Avant de voter il faut s'entendre. Si je consens à admettre la prohibition de sortie dans une loi temporaire, je ne pourrais l'admettre dans une loi sans terme.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - L'honorable M. Devaux propose de voter d'abord sur la question de libre sortie ; cette question est elle-même complexe.
L'honorable M. Frère propose la libre sortie pour toutes les denrées alimentaires, y compris les pommes de terre. La première question à poser est celle-ci : Y aura-t-il libre sortie ? ensuite viendra la question de savoir à quelle époque elle commencera à avoir lieu.
M. le président. - La première question à mettre aux voix, est celle de savoir si la sortie des céréales sera prohibée...
- Plusieurs voix. - Non, si l'entrée sera libre.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Tout le monde est d'accord, il n'y a pas un seul membre qui ne soit d'avis que s'il y a prohibition à la sortie, l'entrée sera libre.
Par conséquent la liberté d'entrée ou un droit d'entrée doit être la conséquence du vote qui sera émis sur la prohibition de sortie. C'est donc la libre sortie qu'il faut mettre aux voix.
M. le président. - La Chambre veut-elle statuer, d'abord, sur la libre entrée ? (Non ! non !)
M. Dumortier. - Il est impossible de voter sur la proposition de l'honorable M. Frère-Orban relative à la sortie ; car elle est complexe.
M. Frère-Orban. - Il faut alors voter par division.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - On a déjà expliqué que le vote sur la libre entrée doit-être la conséquence du vote sur la libre sortie. Il faudrait donc voter d'abord sur la libre sortie.
Mais l’honorable M. Frère-Orban demande la libre sortie de toutes les denrées alimentaires.
M. Frère-Orban. - La division est de droit.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Que l'on vote alors par division. Mais il est logique de commencer par voter sur la libre sortie.
M. le président. - On semble d'accord pour voter d'abord sur la libre sortie des céréales.
M. de Theux. - Est-ce la libre sortie jusqu'au 15 février, terme fixé par la proposition de M. le ministre des finances.
M. le président. - C'est le principe qu'on met aux voix. On s'occupera du terme ensuite.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Il est entendu que l'époque est réservée.
M. Frère-Orban. - C'est mon amendement qui est mis aux voix.
La libre sortie serait donc mise aux voix avec le terme d'un an.
M. le président. - Il s'agit de savoir s'il y aura libre sortie des céréales pour une année à partir du 1er janvier prochain.
M. de Naeyer, rapporteur. - C'est cela.
- Plusieurs membres. - On n'est pas d'accord.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - On n'est pas encore parfaitement éclairé sur le vote. Il est certain que si l'on vote sur cette question de principe : Admettra-t-on la libre sortie à dater du 1er janvier prochain ?, sans fixer l'époque où cesseront les effets de la loi, il y aura des membres embarrassés. La conséquence sera que la loi sera temporaire, qu'elle aura une durée qui ne pourra être de plus d'une année, car il est impossible de forcer le Sénat à voter une loi définitive, c'est-à-dire avec terme indéfini, une loi aussi importante en huit jours ; il faut respecter la liberté, l'indépendance, la dignité du Sénat.
Ainsi la question, telle qu'elle vous est posée implique la solution de la question de savoir si la loi sera temporaire ou définitive.
Il serait plus sage de mettre aux voix la dernière proposition de l'honorable M. Frère, la libre sortie pour un an. L'honorable M. de Naeyer avait dit que la libre sortie devait être votée sans terme. Je demande qu'on mette aux voix la dernière proposition de l'honorable M. Frère, la libre sortie pour un an.
M. Dumortier. - Je crois que nous sommes dans une voie qui ne peut amener que la confusion que nous voyons régner en ce moment. Il me semble que la marche indiquée par mon honorable ami M. le ministre des affaires étrangères ne peut être suivie. En effet ceux qui veulent l'amendement de l'honorable M. dd Muelenaere seraient dans l'impossibilité de voter.
Dans toutes ces manières de poser les questions, nous arrivons à ne pas nous entendre et à créer une foule de difficultés. Ou aurait beaucoup mieux fait de suivre le système que l'honorable M. Frère et moi avions proposé et de mettre aux voix les amendements. En procédant ainsi, vous n'avez plus de difficultés. Vous voterez d'abord sur l'amendement de l'honorable M. Frère parce que c'est celui qui s'éloigne le plus de la question principale, attendu qu'il s'applique non seulement à l'entrée et à la sortie des céréales, mais qu'il s'occupe aussi du bétail et de toutes les denrées quelconques. Si cet amendement n'est pas admis, mettez aux voix l'amendement que j'ai eu l'honneur de vous proposer ; et en cas de rejet, votez successivement sur les amendements de l'honorable comte de Muelenaere et de l'honorable M. Vandenpeereboom. Mais si vous allez vous jeter dans les questions de principes, vous mettrez certains membres dans l'impossibilité d'émettre un vote consciencieux. Mieux vaut exécuter purement et simplement le règlement et voter sur les amendements.
M. Frère-Orban. - Nous allons nous mettre d'accord : Que l'on mette d'abord aux voix la question de savoir s'il y aura prohibition à la sortie pour un an.
M. Dumortier. - Je ne puis dans ce cas voter librement et plusieurs de mes honorables amis sont dans la même situation. On votera sur le point de savoir s'il y aura prohibition pour un an. Je veux bien de la prohibition pour un an. Mais si cette proposition n'est pas admise, je déclare que je voterai pour l'amendement de mon honorable ami M. le comte de Muelenaere. Je répète qu'il n'y a qu'un seul moyen, c'est d'exécuter le règlement, et au lieu de poser des questions de principes qui embarrassent tout le monde, de mettre les amendements aux voix.
M. Frère-Orban. - Je prie M. le président de consulter la Chambre sur le point de savoir si la première question à mettre aux voix n'est pas celle-ci : « La prohibition sera-t-elle continuée pour un an ? »
M. de Naeyer, rapporteur. - Je pense qu'on simplifierait beaucoup ce débat si l'on formulait la question de cette manière : « La prohibition à la sortie des céréales à partir du 1er janvier sera-t-elle maintenue ? », en réservant l'époque de la durée. Je crois que de cette manière tout le monde serait libre d'émettre son vote.
M. de Theux. - Je reviens à la proposition que j'ai eu l'honneur de faire en premier lieu et que l'honorable M. Devaux a appuyée. Nous pensons qu'il faut commencer par voter sur la question de prohibition à la sortie, mais cette question de prohibition à la sortie est complexe. Elle comprend la prohibition de la sortie des pommes de terre ; elle comprend la prohibition de la sortie des céréales. L'honorable M. Dumortier est d'accord avec le gouvernement en ce qui concerne la prohibition à la sortie des pommes de terre. Mais il est en désaccord avec le gouvernement en ce qui concerne la prohibition à la sortie des céréales. Le gouvernement l'admet jusqu'au 15 février. L'honorable M. Dumortier veut la maintenir jusqu'au 31 décembre.
Votons donc d'abord sur la proposition de l'honorable M. Dumortier ; si elle n'est pas adoptée, viendra celle de l'honorable comte de Muelenaere ; si elle n'est pas adoptée, celle de l'honorable M. Vandenpeereboom ; et finalement la proposition de M. le ministre. Nous voterons ensuite sur la question spéciale des pommes de terre, soulevée par l'amendement de l'honorable M. Frère.
M. le président. - La première question à émettre aux voix serait donc celle-ci : « Les céréales seront-elles prohibées à la sortie pendant un an ? »
M. Verhaegen. - Je ne crois pas que la question puisse être posée en ces termes. Si vous demandez : les céréales seront-elles prohibées à la sortie pendant un an ? tous ceux qui ne veulent pas de la prohibition devront dire : Non, tous ceux qui veulent un amendement quant à la durée devront aussi dire non ; mais leur vote ne sera pas sincère. Je crois qu'il vaut mieux poser la première question ainsi : y aura-t-il prohibition à la sortie ?
M. Coomans. - Simplifions la question et posons-la ainsi : « Y aura-t-il une prohibition maintenue ? » Nous faciliterons ainsi l'émission.de tous les votes et nous ne gênerons personne. Car si nous avions voté sur l'amendement de l'honorable M. Frère en ce qui concerne la prohibition, nous aurions été grandement embarrassés, attendu que l'amendement, expliqué par l'honorable membre lui-même, signifie que la prohibition serait levée pendant un an à partir du 1er janvier prochain. Or, les honorables membres qui ne veulent la lever, conformément à la demande du ministère, qu'à partir du 15 février, ne pouvaient voter pour la proposition de l'honorable M. Frère.
D'autre part je ne comprends pas pourquoi l'honorable M. Frère-Orban restreint la durée de sa proposition à un an, puisque 1 honorable membre veut qu'il n'y ait pas de prohibition du tout.
Messieurs, la question la plus simple est celle-ci : « les prohibitions seront-elles levées ? » Sauf à discuter ensuite la question des pommes de terre et celle du terme.
M. le président. - On paraissait d'accord de mettre d'abord aux voix la question de savoir si les céréales seront prohibées à la sortie pendant un an.
(page 358) M. Dumortier. - Ceux qui ne veulent de droits prohibitifs que pendant six mois comme l'honorable comte de Muelenaere ou qui n'en veulent que pendant quatre mois comme l'honorable M. Vandenpeereboom, ne pourront pas voter, si vous mettez aux voix une question complexe, tandis qu'en mettant aux voix la liberté de sortie dont parle l'honorable M. Frère-Orban, on mettra aux voix une question claire sur laquelle tout le monde pourra voter.
M. Pierre. - La proposition de M. de Theux est la plus logique. Elle permettrait à chacun de voter librement.
M. Tesch. - Il est évident que la proposition de M. de Theux donne satisfaction à tout le monde. Ainsi ceux qui ne veulent pas de la prohibition pendant un an, diront : Non ; et quand on en viendra à l'amendement de M. de Muelenaere, ils diront : Oui, s'ils veulent de la prohibition pendant six mois.
M. le président. - La question serait donc celle-ci : « Les céréales seront-elles prohibées à la sortie, à partir du 1er janvier 1857, pour un an ? »
M. de Muelenaere. - La question me semble devoir être formulée ainsi : « Y aura-t-il prohibition provisoire à dater du 1er janvier ?» sauf à voter ensuite sur le terme. De cette manière chacun pourra émettre un vote consciencieux ; mais si vous fixez un terme, il y a une foule de membres qui seront dans l'impossibilité de se prononcer.
- La Chambre décide qu'elle votera sur la question telle qu'elle a été posée par M. le président.
Il est procédé au vote par appel nominal sur cette question.
94 membres sont présents.
29 répondent oui.
65 répondent non.
En conséquence la question est résolue négativement.
Ont répondu oui : MM. de Haerne, de Kerchove, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Muelenaere, de Perceval, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smet, Dumortier, Larnbiu, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Maertens, Malou, Matthieu, Rodenbach, Sinave, Tack, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Van Goethem, Van Renynghe, Van Tieghem, Verhaegen, Vermeire, Wasseige et Delehaye.
Ont répondu non : MM. Allard, Ansiau, Anspach, Boulez, Brixhe, Calmeyn, Coomans, Crombez, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Breyne, de Brouckere, Dedecker, de Lexhy, Delfosse, de Liedekerke, Della Faille, de Moor, de Naeyer, de Paul, de Pitteurs-Hiegaerts, de Rasse, de Renesse, de Sécus, de Steenhault, de Theux, de T’Serclaes, Devaux, Dumon, Faignart, Frère-Orban, Goblet, Grosfils, Jacques, Janssens, Jouret, Julliot, Lange, Laubry, Lesoinne, Licot de Nismes, Magherman, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Orts, Osy, Pierre, Prévinaire, Rousselle, Tesch, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Van Cromphaut, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Iseghem, Van Overloop, Vervoort, Vilain XIIII et Wautelet.
M. le président. - Nous avons maintenant la proposition de M. de Muelenaere.
- Un membre. - La proposition de M. Thibaut.
M. Thibaut. - J'ai déclaré hier que je me ralliais à la proposition de M. de Muelenaere.
M. Frère-Orban. - Il faut diviser la proposition de M. de Muelenaere. Il ne s'agit en ce moment que des céréales.
M. le président. - La question qui résulte do l'amendement de M. de Muelenaere en ce qui concerne les céréales, est celle-ci : « La sortie des céréales sera-t-elle prohibée jusqu'au 31 mai prochain ? »
Cette question est mise aux voix par appel nominal et résolue négativement, par 56 voix contre 37. Un membre (M. Sinave) s'est abstenu.
Ont répondu oui : MM. Boulez, de Breyne, de Haerne, de Kerchove, de Man d'Attenrode F. de Mérode, de Muelenaere, de Paul, de Perceval, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren ; Desmaisières, Desmet, Devaux, Dumortier, Lambin, Landeloos, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Maertens, Magherman, Malou, Matthieu, Rodenbach, Tack, Thibaut, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Vanden Branden de Reeth, Van Goethem, Van Renynghe, Van Tieghem, Verhaegen, Vermeire, Wasseige, Wautelet et Delehaye.
Ont répondu non : MM. Allard, Ansiau, Anspach, Brixhe, Calmeyn, Coomans, Crombez, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Brouckere, Dedecker, de Lexhy, Delfosse, de Liedekerke, Della Faille, de Moor, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Rasse, de Renesse, de Sécus, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, Dumon, Faignart, Frère-Orban, Goblet, Grosfils, Jacques, Janssens, Jouret, Julliot, Lange, Lesoinne, Licot de Nismes, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Orts, Osy, Pierre, Prévinaire, Rousselle, Tesch, Thiéfry, Van Cromphaut, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Iseghem, Van Overloop, Vervoort et Vilain XIIII.
M. Sinave. - J'ai voté la continuation de la prohibition jusqu'au 31 décembre 1857 ; je n'ai pas voté la proposition parce que je ne suis pas partisan d'une loi sur les denrées alimentaires pour un terme de quelques mois. Ce serait renouveler la pénible discussion d'aujourd'hui et jeter la perturbation dans le pays.
M. le président. - Je mets maintenant aux voix l'amendement de M. Vandenpeereboom, qui demande que les céréales restent prohibées à la sortie jusqu'au 30 avril 1857.
- On demande l'appel nominal. Il est procédé à cette opération.
94 membres y prennent part.
47 membres répondent oui.
47 répondent non.
En conséquence, l'amendement de M. Vandenpeereboom n'est pas adopté.
Ont répondu oui : MM. de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Muelenaere, de Paul, de Perceval, de Portemont, de Rasse, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, Desmet, de T'Serclaes, Devaux, Dumortier, Janssens, Lambin, Landeloos, Laubry, Le Bailly de Tilleghem, Maertens, Magherman, Malou, Matthieu, Moncheur, Rodenbach, Tack, Thibaut, Thienpont. T'Kint de Naeyer, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Van Goethem, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Van Tieghem, Verhaegen, Vermeire, Wasseige, Wautelet. Ansiau, Boulez, Coppieters 't Wallant, de Breyne, de Haerne, de Kerchove et Delehaye.
On répondu non : MM. de Lexhy, Delfossse, de Liedekerkc, Della Faille, de Moor, de Naeyer, de Pitteurs-Hiegaerts, de Renesse, de Sécus, de Steenhault, de Theux, Dumon, Faignart, Frère-Orban, Gobliet, Grosfils, Jacques, Jouret, Julliot, Lange, Lesoinne, Licot de Nismes, Mascart, Mercier, Moreau, Orts, 0»y, Pierre, Prévinaire, Rousselle, Sinave, Tesch, Thiéfry, Vander Donckt, Vervoort, Vilain XHII, Allard, Anspach» Brixhe, Calmeyn, Coomans, Crombez, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Brouckere et Dedecker.
M. le président. - Je mets maintenant aux voix la proposition du gouvernement qui demande le maintien de la prohibition à la sortie jusqu'au 15 février 1857.
M. Dumortier. - Mais les amendements doivent être mis aux voix avant la proposition principale. Il faut donc mettre en premier lieu aux voix l'amendement de l'honorable M. Frère.
M. Coomans. - Messieurs, l'amendement de M. le ministre des finances doit être mis sur la même ligne que celui de l'honorable M. Frère ; cet amendement n'est pas une proposition principale. J'en appelle à notre honorable président et à la Chambre entière : M. le ministre des finances a déclaré qu'il venait vous soumettre un amendement, non pas comme ministre, mais comme représentant du district de Nivelles.
M. Frère-Orban. - C'est perdre inutilement du temps ; la question de la priorité est ici absolument indifférente.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Il faut nécessairement que l'amendement du gouvernement sur la prohibition soit maintenant mis aux voix, après ceux sur lesquels la Chambre vient de voter.
M. Dumortier. - Je demande que la proposition de l'honorable M. Frère soit d'abord mise aux voix. (Interruption.)
Est-ce que l'honorable M. Frère a, oui ou non, présenté un amendement ? Evidemment, il a présenté un amendement ; donc cet amendement doit être mis aux voix avant le projet du gouvernement. La proposition du gouvernement est la question principale. Ouvrez tous vos procès-verbaux depuis vingt-cinq ans, et vous ne pourrez pas y trouver que la proposition d'un ministre ait jamais été autre chose qu'une.question principale.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Messieurs, je suis tout à fait d'accord avec l'honorable M. Dumortier, que la proposition du gouvernement ne doit être mise aux voix qu'après que les amendements ont été mis aux voix et rejetés. Mais qu'est-ce qui a été mis aux voix jusqu'à présent ?
C'est l'interdiction de sortie pendant un an, pendant six mois, pendant quatre mois ; maintenant arrive le projet du gouvernement, qui interdit la libre sortie pendant six semaines.
M. Frère-Orban. - L'honorable M. Dumortier peut avoir raison, mais au fond il est absolument indifférent qu'on vote d'abord sur le terme de six semaines, et ensuite sur la proposition de libre entrée.
M. Verhaegen. - Entendons-nous bien. La proposition du gouvernement n'est qu'un amendement, dit-on ; si cet amendement est adopté, tout est fini. (Non ! non !) La proposition du gouvernement constitue donc un projet provisoire ; ce n'est donc pas un amendement. (Aux voix.)
M. le président. - Si personne ne demande plus la parole, je mets aux voix la proposition du gouvernement qui demande le maintien de la prohibition des céréales à la sortie jusqu'au 15 février 1857.
- On demande l'appel nominal.
Il est procédé à cette opération.
92 membres y prennent part.
(page 359) 50 répondent oui.
41 répondent non.
1 membre (M. de Mérode) s'abstient.
En conséquence, la proposition du gouvernement est adoptée.
Ont répondu oui : MM. de Liedekerke, Della Faille, de Paul, de Perceval, de Pitteurs-Hiegaerts, de Porteront, de Rasse, de Sécus, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, Dumon, Faignart, Jacques, Janssens, Jouret, Julliot, Lambin, Laubry, Licot de Nismes, Magherman, Mascart, Matthieu, Mercier, Moncheur, Osy, Rousselle, Tack, Thibaut, T'Kint de Naeyer, Van Cromphaut, Vander Donckt, Van Goethem, Van Iseghem, Van Overloop, Van Tieghem, Verhaegen, Vermeire, Vilain XIIII, Wasseige, Wautelet, Allard, Ansiau, Brixhe, Coppieters, 't Wallant, de Baillet-Latour, de Breyne, Dedecker, de Haerne, de Kerchove et Delehaye.
Ont répondu non : MM. de Lexhy, Delfosse, de Man d'Attenrode, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Smet, de Steenhault, Dumortier, Frère-Orban, Goblet, Grosfils, Landeloos, Lange, Le Bailly de Tilleghem, Lesoinne, Maertens, Malou, Moreau, Orts, Pierre, Prévinaire, Rodenbach, Sinave, Tesch, Thiéfry, Thienpont, Van den Branden de Reeth, Van Renynghe, Vervoort, Anspach, Boulez, Calmeyn, Coomans, Crombez, Dautrebande, David et de Brouckere.
M. de Mérode, qui s'est abstenu, est invité à faire connaître les motifs de son abstention.
M. F. de Mérode. - Je regarde la libre sortie actuelle comme un malheur, et n'y voyant plus clair, je me suis abstenu.
M. le président. - Vient maintenant la question des pommes de terre. Je mets aux voix la proposition à laquelle le gouvernement s'est rallié.
M. Julliot. - Jusqu'à quelle époque propose-t-on de prohiber la sortie des pommes de terre ?
M. le président. - Jusqu'au 30 avril.
- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.
- Plusieurs voix. - A demain !
D’autres voix. - Non ! non ! Continuons.
M. de Theux. - M. Devaux a demandé la permission de s'expliquer sur l'article premier, je demande de mon côté à m'expliquer sur le droit.
M. Frère-Orban. - Il s'agit de la loi temporaire.
M. de Theux. - Il est impossible de résoudre sans discussion si la loi sera temporaire ou définitive, si on établira un droit ou si on n'en établira pas. Il est impossible d'emporter des décisions semblables à la fin d'une longue séance.
Il est cinq heures.
M. Frère-Orban. - On a proposé la libre entrée pour une année, c'est donc une résolution temporaire que l'on propose.
- Un grand nombre de voix. - A demain ! à demain !
- La Chambre consultée renvoie la discussion à demain à midi.
M. le président. - M. Rogier m'a informé qu'une indisposition l'a empêché d'assister à la séance.
- La séance est levée à 5 heures 10 minutes.