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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 20 mai 1856

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1856-1857)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1515) M. de Perceval procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart ; il lit le procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est adoptée ; il présente ensuite l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

Pièces adressées à la chambre

« Des constructeurs de navires et des forgerons à Anvers, et le sieur Limelette, fabricant de clous, chaînes et câbles a Gosselies, demandent la libre entrée du fer, si elle est décrétée pour les chaînes de marine, ou bien que l'un èt l'autre article soient frappés du droit de 6 fr. par 100 kil. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi concernant le régime commercial.


« Les sieurs Corr-Vandermaeren, Couvreur, et autres membres du comité de l'association belge pour la réforme douanière présentent des observations en faveur de la libre entrée des fontes. »

- Même décision.


« Des habitants de Beveren présententdcs observations sur la nécessité d'exécuter des travaux pour les préserver des inondations de l’Yser. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi concernant un crédit de 500,000 fr. au département des travaux publics.

Ordre des travaux de la Chambre

M. de Man d'Attenrode (pour une motion d’ordre). - Pendant le cours de la discussion du budget des travaux publics, le gouvernement a été interpellé afin de faire connaître quels sont ceux qui ont profité des récoltes provenant des terres ou des prairies emprises par le gouvernement pour créer une partie du canal de Schipdonck sur une étendue de six lieues. M. le ministre des travaux publics s'est engagé, pendant la discussion, à procéder à une enquête administrative et à en présenter le résultat à la législature.

La Chambre ne tardera pas à s'ajourner. Il me semble qu'il serait convenable que le résultat de cette enquête fût rendu public avant notre séparation.

Si tout est régulier, il est indispensable que cela soit connu, dans l'intérêt des agents du département des travaux publics.

C'est le 2 mai que M. le ministre a été interpellé. Voilà donc dix-huit jours. L'administration a eu tout le temps nécessaire pour procéder à cette enquête importante.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Les dernières pièces relatives à l'enquête me sont arrivées hier, et j'espère pouvoir, dans la séance de demain, faire connaître à la Chambre les résultats qu'elle a produits.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Maintenant que le rapport de la section centrale sur le projet de loi relatif à l'emprunt et à la conversion est distribué, je demande que ce projet de loi soit mis à l'ordre du jour après la loi relative à la révision du régime commercial, mais en tout cas pas avant la séance de demain.

M. Delfosse. - On pourrait mettre ce projet à la suite des objets a l'ordre du jour.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Il y a des objets moins importants et moins urgents que celui-là, et il pourrait arriver que la Chambre ne fût plus en nombre. Il est très désirable que ce projet soit voté avant notre séparation.

- La proposition de M. le ministre des finances est adoptée.

Projet de loi augmentant le nombre des échevins de la ville de Bruxelles

Discussion générale

M. le président. - La discussion est ouverte.

M. David. - Messieurs la première section qui m'a fait l'honneur de m'envoyer au sein de la section centrale, a rejeté à l'unanimité ce projet de loi. Vous me permettrez de vous soumettre en quelques mois les considérations principales qui, dans la première section, ont été développées très longuement.

Les membres de la première section ont trouvé qu'il était toujours très dangereux de toucher à nos lois organiques. Lorsqu'il s'est agi d'y toucher dans d'autres circonstances, ce n'est qu'avec les plus grandes précautions qu'on l'a fait, et ce n'est jamais que lorsqu'un grand intérêt général était en cause.

Dans cette occasion, s'agit-il d'un intérêt public, d'un intérêt général ? Non ; la modification à la loi communale que l'on réclame ne vous est demandée que pour une seule localité de la Belgique, ne vous est demandée peut-être que pour la facilité de quelques personnes qui font partie de l'administration communale de Bruxelles.

Cette considération, messieurs, que l'on touche à une loi organique des plus importantes est déjà bien puissante ; mais à côté de cela, nous allons, ce me semble, faire une nouvelle infraction à notre régime politique. Notre régime politique repose essentiellement sur l'élection directe. Les administrations communales ont été produites pendant quelques années par les suffrages directs des électeurs. Jusqu'en 1836 les bourgmestres et les échevins étaient nommés par les électeurs. En 1836 nous avons déjà quelque peu restreint leurs droits. Les Chambres ont attribué la nomination des administrations communales au Roi. En 1842 on est allé beaucoup plus loin, le Roi a été autorisé à nommer le bourgmestre en dehors du conseil.

Nous allons faire un pas de plus et nous allons complètement déranger l'équilibre entre l'élément purement électif et l'élément gouvernemental ; nous allons accorder au gouvernement, pour la ville de Bruxelles, l'autorisation de nommer un cinquième échevin. Au lieu de renforcer l'action gouvernementale, il me semble que nous devrions nous abstenir complètement de toucher de près ou de loin au droit qu'ont les communes de s'administrer par elles-mêmes. Voilà la deuxième observation qui a été faite dans ma section.

Le rapport de la section centrale nous dit, messieurs, que lorsque la loi de 1836 a été votée, on ne s'attendait pas à ce que Bruxelles prît autant d'extension, à ce que la population augmentât à un tel point. Messieurs, quoique je n'aie pas revu la discussion de 1836, je puis dire qu'il est très probable qu'en 1836 on s'attendait à une augmentation considérable de la population dans tout le pays et à Bruxelles aussi, et que le législateur d'alors a bien su ce qu'il faisait.

Déjà à cette époque la population de la capitale dépassait le chiffre de 70,000 âmes. C'est le dernier chiffre de population fixé par la loi communale. Ce chiffre atteint ou dépassé comporte 31 conseillers communaux, 4 échevins et un bourgmestre d'après la loi de 1836. Je pense donc qu'à ce point de vue encore, il faut repousser le projet de loi.

Un troisième inconvénient très grave, c'est que si l'on augmente d'un le nombre des échevins, le collège va se composer de six membres, d'un nombre pair, par conséquent. Dans bien des circonstances et lorsque le bourgmestre aura fait déclarer l'urgence, comme la voix du bourgmestre est prépondérante, il arrivera qu'en cas de parité de suffrages, les questions seront emportées au détriment peut-être des intérêts de la commune.

Vous connaissez tous, messieurs, les attributions du collège des bourgmestre et échevins. Il y en a qui, à mon avis, sont très importantes et qui méritent d'être rappelées ici. C'est ainsi que le paragraphe premier de l'article 90 donne à ce collège l'exécution des arrêtés et ordonnances de l'administration générale ou provinciale.

Le paragraphe 5 lui donne la gestion des revenus, l'ordonnancement des dépenses de la commune et la surveillance de la comptabilité. Le paragraphe 8 lui attribue l'approbation des plans des bâtisses à exécuter par des particuliers, tant sur la petite que sur la grande voirie. Le paragraphe 10 lui donne l'administration des propriétés de la commune, ainsi que la conservation de ses droits.

Enfin, messieurs, il y a l'article 97 qui donne au collège la police des spectacles.

Vous le voyez, messieurs, les questions qui peuvent se traiter au sein du collège des bourgmestre et échevins sont très graves et il serait, dans bien des cas, dangereux de laisser à la prépondérance de la voix du bourgmestre la possibilité de trancher beaucoup de ces questions.

Il y a une autre circonstance qu'on ne doit pas perdre de vue : c'est que le Roi peut nommer les bourgmestres en dehors du conseil. Admettons pour un moment que le bourgmestre de la ville de Bruxelles soit nommé en dehors du conseil, et de pareilles nominations dans des localités plus ou moins importantes ne sont pas sans exemples. La position, dans ce cas, s'aggrave considérablement, à mon point de vue.

Si la mesure qu'on propose doit donner lieu à des inconvénients aussi sérieux, la nomination d'un cinquième échevin à Bruxelles est-elle au moins nécessaire ? Je ne le crois pas.

On ne peut pas dire qu'à Bruxelles, comme cela se voit dans beaucoup d'autres communes, les échevins soient obligés de tout faire par eux-mêmes. En voici la preuve. Je vais vous indiquer, messieurs, ce que coûte l'administration centrale de la capitale.

D'après le chiffre porté pour cet objet dans le budget de la capitale, l'administration centrale de Bruxelles est une administration complète, bien organisée, subdivisée en différents bureaux, à la tête desquels se trouvent des employés supérieurs ; dès lors, les échevins qui se répartissent la besogne, chacun selon sa spécialité, n'ont, pour ainsi dire, qu'à contrôler ce qui se fait dans les différents bureaux. Voici donc le coût de l'administration communale de Bruxelles :

Traitement des bourgmestre et échevins ; droit de présence : fr 29,500.

Traitement du secrétaire : fr. 6,500.

Traitement du personnel de l'administration centrale : fr. 131,200

Frais variables d'administration : fr. 27,000.

Total : fr. 194,200.

(page 1516) Vous voyez que l’a4ministration centrale de Bruxelles est bien partagée, qu'elle doit être bien complète, que le bourgmestre et les échevins, doivent recevoir la besogne toute préparée et qu'ils n'ont pour ainsi dire qu'à signer.

Cette dernière somme de 27,000 fr. sert probablement tout spécialement à couvrir les frais extraordinaires des commissions de toute sorte, qui sont nommés pour l'examen de questions spéciales, et qui ainsi facilitent la besogne du collège des bourgmestre et échevins.

Permettez-moi maintenant de vous faire connaître ce que coûte l'administration centrale du ministère de l'intérieur ; vous verrez que la dépense, comparée à celle de l'administration centrale de Bruxelles, ne présente qu'une différence de 28,000 à 29.000 francs : l'administration centrale de l’intérieur coûte 222,750 francs, et nous avons trouvé que le chiffre est de 194,200 francs, pour l'administration centrale de Bruxelles.

Ce qu'il y a de plus frappant, c'est que les frais d'administration d'aucune de nos provinces n'arrivent, même à beauoup près, à ce dernier chiffre, C'est ainsi que la province d'Anvers, y compris fr. 18,000. pour les frais, de route et de séjour du gouverneur et des six membres de la députation permanente coûte 97,000 fr., le Brabant 105,975 fr., la Flandre occidentale 101,250 fr., la Flandre orientale 104,550 fr., le Hainaut 107,470 fr., la province de Liège 100,190 fr., le Limbourg 85,690 fr., le Luxembourg 84,700 fr. et la province de Namur 88,400 fr.

Vous voyez que toutes les provinces arrivent à peu près à la moitié, de la somme que coûte l'administration centrale de la ville de Bruxelles.

A ce point de vue encore, je ne puis pas admettre la nomination d'un cinquième échevin pour la ville de Bruxelles.

Je crois que si nous procédons par exception, et c'est procéder par exception que d'attribuer un cinquième échevin à la ville de Bruxelles, d'autres conseils communaux qui n'auront peut-être pas à faire valoir le chiffre de la population de leurs localités, d'autres conseils communaux, dis-je, viendront se plaindre de ce que les affaires communales marchent avec lenteur, que la besogne est arriérée, que des intérêts importants restent en souffrance et qu'il est nécessaire de nommer un cinquième échevin.

Loin d'y avoir nécessité à faire une infraction à nos lois organiques, j'y trouve, moi, du danger. Je persiste donc à voter contre le projet de loi.

M. Dubus. - En parcourant dans le Moniteur le compte rendu des discussions parlementaires relatives à la loi communale, on peut se convaincre que jamais projet, avant d'être converti en loi, ne subit autant de modifications et de remaniements, que jamais discussion ne fut plus longue, plus laborieuse et plus approfondie. La loi présentée le 2 avril 1833 ne lut définitivement admise par la Chambre que le 9 mars 1836.

A cette époque l'examen de l'article 3 donna lieu à de longues discussions sur la question de savoir si les échevins seraient élus directement ou nommés par le Roi ; en d'autres termes, si l'on introduirait dans la loi communale le système admis déjà dans la loi provinciale pour les membres de la députation permanente. Mais la question du nombre des échevins proposés en raison du nombre des habitants ne fut l'objet d'aucune contestation ; et il est évident qu'elle fut considérée comme purement administrative, devant être résolue dans l'intérêt de l'expédition des affaires, d'autant plus nombreuses que la population est plus considérable.

Deux échevins furent attribués aux communes de 20,000 habitants et au-dessous, et quatre à celles dont la population excède ce nombre. A cette époque aucune ville ne réclama un plus grand nombre d'échevins, et si Bruxelles, à cause de ton importance, en avait demandé cinq ou six, il est probable qu'ils lui eussent été accordes sans difficultés.

La section centrale est donc fondée à dire, comme elle le fait dans son rapport, que le projet en discussion ne touche à aucun des principes essentiels de la loi communale, et qu'il ne s'agit que d'une simple modification administrative réclamée par les circonstances exceptionnelles dans lesquelles se trouve la ville de Bruxelles, par suite de l'accroissement considérable de la population.

Le projet de loi place le nouvel échevin dans la première série sortante du conseil communal et cette propostion a donné lieu à contestation. Cependant elle est très rationnelle et très facile à justifier. En vertu du paragraphe 3 de l'article 54 de la loi communale, deux des échevins de Bruxelles appartiennent à la première série et les 2 autres. à la seconde.

La loi communale ne s'occupant que du cas où le nombre des échevins est pair, le projet de loi en discussion doit nécessairement déterminer la place du cinquième échevin qu'il s'agit de créer.

Or, comme il y a dans la deuxième série sortante du conseil communal de Bruxelles deux échevins et le bourgmestre, tandis que dans la première série il n'y a que deux échevins, ie gouvernement a pensé avec raison, que, pour assurer l'équilibre, il convenait de placer le nouvel échevin dans cette dernière série. De cette manière chaque série renferme un nombre égal de membres du collège, et le gouvernement n'en reste pas moins libre de choisir le nouvel échevin parmi tous les conseillers comme le prescrit l'article 2 de la loi communale.

Il a encore été fait contre le projet de loi une objection sur les inconvénients que pourrait présenter la parité des suffrages dans les délibérations du collège, en donnant la prépondérance à la voix du bourgmestre. Dans la pratique, il est probable que cet inconvénient ne se présentera pas. Le rapport de la section centrale renferme à cet égard quelques observations auxquelles je crois pouvoir me référer ; et je me bornerai à ajouter que, même actuellement, il arrive quelquefois que les membres du collège se trouvent en nombre pair ; il suffit pour cela qu'un des échevins soit empêché, et, jusqu'à ce jour, cela n'a donné lieu à aucune réclamation.

M. Lelièvre. - En ce qui me concerne, je voterai le projet en discussion parce qu'il ne me semble pas présenter les inconvénients qu'a signalés l'honorable M. David.

Il est à remarquer que ce n'est pas spontanément que le gouvernement a proposé la mesure dont nous nous occupons. C'est l'administration communale de Bruxelles qui dans l'intérêt de l'expédition des affaires a reconnu la nécessité de l'augmentation du nombre des échevins de la ville. La députation du conseil provincial a aussi émis une opinion dans le même sens.

Il s'agit donc ici d'une mesure administrative réclamée par les besoins du service.

La ville de Bruxelles se trouve dans une position exceptionnelle au point de vue du nombre des affaires. Cela est reconnu par toutes les autorités, par tous ceux qui connaissent l'état réel des choses.

D'un autre côté il y a une augmentation considérable de la population et sous ce rapport accroissement notable de travaux. La position existante au moment du vote de la loi communale du 30 mars 1836 n'est donc plus la même et il est rationnel qu'on change un ordre de choses qui n'est plus en harmonie avec les nécessités nouvelles.

La première condition d'une bonne administration, c'est que les affaires marchent régulièrement et avec la célérité requise. Or, en présence de l'assentiment des autorités compétentes qui reconnaissent la nécessité d'augmenter le nombre des échevins à Bruxelles pour atteindre le but dont il s'agit, il me semble qu'il est impossible d'hésiter.

On conçoit les dispositions de la loi de 1836 au moment où elles ont été promulgées ; mais aujourd'hui que des circonstances nouvelles exigent une modification reconnue indispensable par tous les hommes compétents, c'est bien le cas d'adopter la mesure proposée, qui, remarquez-le bien, ne concerne que la capitale placée dans une position absolument différente de celle des autres villes du pays.

Pour moi, qui veut assurer avant tout la marche convenable de l'administration, je crois devoir appuyer le projet du gouvernement.

M. Osy. - Je voudrais pouvoir donner mon adhésion au projet qui nous est présenté ; dans une ville comme Bruxelles qui compte 150 mille âmes, qui, pour sa population, n'est comparable à aucune des autres villes du royaume, les occupations du collège sont beaucoup trop considérables pour les cinq membres qui le composent. Cependant je trouve un très grand inconvénient à ce qu'un conseil échevinal soit composé de six personnes ; en nombre pair, dans les circonstances graves, il peut y avoir partage ; alors c'est la voix du président, du bourgmestre qui décide. La loi communale avait prévu le cas en portant que le collège serait omposé de quatre échevins et du bourgmestre, ce qui fait cinq personnes.

Ensuite elle a dit, article 4,. que quelle que fût la population d'une commune, le collège ne serait composé que de 5 membres. Si vous en mettez 6, il n'y aura plus de proportion entre le pouvoir exécutif et le conseil communal.

Il aurait fallu augmenter aussi le nombre des conseillers, si l'on voulait augmenter le collège d un échevin. Je trouve que la loi existante présente plus d’harmonie ; de manière que si l'on voulait avoir un cinquième échevin, ce qui porte, avec le président, à 6 le nombre des membres du collège, il fallait rétablir l'équilibre avec le nombre des conseillers. 6 membres appartenant au pouvoir exécutif sur 31 dont se compose le conseil, c’est trop.

On me dira que pour les communes de 25,000 âmes qui ont 25 conseillers et où il y a 4 échevins et le bourgmestre, cinq membres pour le collège, la proportion est la même. Mais dans une grande ville comme Bruxelles et d'autres villes qui pourront se trouver dans le même cas que Bruxelles, de devoir demander un cinquième échevin, voyez où cela nous mènerait. Le gouvernement aurait mieux fait d'examiner la question de savoir si l’on augmenterait le nombre des conseillers. J'aurais désiré qu on le portât à 34 ou 35. Mais il me sera impossible de donner mon adhésion au projet tel qu'il est proposé.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Je vais avoir l'honneur de présenter quelques observations en réponse à celles qui ont été faites par quelques honorables préopinants.

La première objection faite contre le projet de loi par l'honorable députe de Verviers, c’est qu'il est dangereux de toucher à nos lois organiques.

Cette observation est sans doute très fondée ; le gouvernement et les Chambres ne sauraient se montrer trop sobres de modifications à nos lois organiques. Je ne pense pas qu'en présentant le projet de loi en discussion, le gouvernement se soit écarté de cette réserve. Remarquez (page 1517) que la modification proposée ne touche à aucune question de principe, à aucune des bases essentielles de notre régime communal.

C'est tout bonnement un changement introduit dans le personnel d'une administration, changement qui, ainsi que je le montrerai tout à l'heure, est provoqué par des nécessités d'une part ; et qui, d'autre part, ne peut pas avoir de danger au point de vue politique.

« Encore, dit l’honorable M. David, s'il s'agissait d'introduire cette modification dans un intérêt général ! Mais c'est pour une seule localité. »

En effet, messieurs, c'est pour une seule localité. Mais pourquoi'? Parce que cette localité se trouve dans une position tout exceptionnelle. La ville de Bruxelles a vu sa population, son importance s'accroître d'une façon très considérable depuis un certain nombre d'années. La population de Bruxelles compte à l'heure qu'il est 50,000 àmes de plus que toute autre ville du pays.

C'est donc une modification en faveur d'une localité, mais cette modification est nécessitée par la position exceptionnelle dans laquelle se trouve cette localité.

L'honorable membre est allé, messieurs, jusqu'à supposer que c'est pour la facilité des membres actuels de l'administration, que cette modification est introduite. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de répondre à cette objection. Ce n'est certainement pas pour les convenances de l'une ou de l'autre des personnes qui se trouvent à la tête de l'administration de la capitale que le projet de loi est présenté ; mais c'est parce que le gouvernement est convaincu, comme le conseil communal tout entier, comme la députation permanente tout entière, de la nécessité d'augmenter le personnel de l'administration de la ville de Bruxelles. Tout le monde sait que le collège des bourgmestre et échevins de la ville de la ville de Bruxelles se distingue entre tous par une activité que personne ne peut songer à contester.

La seconde objection faite par l'honorable M. David, c'est que par la nomination du cinquième échevin, on détruira, pour ainsi dire, l'économie de notre régime communal.

Messieurs, je ne puis nullement admettre ce fait.

Notre régime communal repose sur l'élection directe, dit l'honorable membre. Je ne vois pas en quoi la nomination d'un cinquième échevin change, en quoi que ce soit, la position politique du conseil communal.

Je ne vois pas que par cela seul qu'un membre du conseil communal est nommé échevin, il cesse d'être l'élu de la commune. Remarquons, messieurs, que la commune reste juge, reste appréciatrice de la conduite du conseiller communal nommé échevin. On a donc toujours cette grande garantie du verdict à prononcer périodiquement par les électeurs de la ville de Bruxelles relativement à la conduite que tiendrait le conseiller nommé échevin.

Il faut conserver aux communes, dit l'honorable membre, le droit de s'administrer elles-mêmes.

Ici encore que l'honorable membre me permette de le lui dire, je ne vois qu'une phrase, mais pas un fait qui vienne à l'appui de ces craintes. Je ne vois pus en quoi la commune s'administrera moins elle-même, parce qu'il y aura un échevin de plus, échevin qui, je le répète, est toujours soumis à réélection, par conséquent au verdict de ses concitoyens.

La troisième objection faite par l'honorable M. David et reproduite par l’honorable baron Osy, c'est que la nomination d'un cinquième échevin peut présenter avec l'adjonction du bourgmestre, dans certains cas de partage des voix, des difficultés administratives.

D'abord, messieurs, ces cas se présentent fort rarement. L'honorable bourgmestre de Bruxelles, dans la discussion à laquelle a donné lieu, au conseil communal, cette proposition d'un cinquième échevin, s'exprimait ainsi :

« Depuis 7 ans et 4 mois que j'ai l'honneur de présider le collège, nous n’avons jamais déclaré l'urgence au préalable. Rarement nous avons dù remettre une affaire à la séance suivante, soit parce que nous n'étions pas d'accord entre nous, soit parce que nous ne l'avions pas tous étudiée sous tous les rapports. Dans ce cas, avant la séance suivante, le dossier passait de main en main. Jamais en 7 ans et 4 mois il ne nous est arrivé de nous trouver deux contre deux, de manière à être arrêtes devant une question. Quand l'affaire est peu importante, l'un ou l'autre cède ; quand elle le mérite, on la creuse et on accorde une certaine autorité à celui qui est le plus compétent. S'il s'agit d'une proposition, son auteur la relire ; aucun de nous ne voudrait faire passer une proposition même par une voix de majorité ; quand il y avait deux dissidents, la proposition était retirée. Quand on travaille par continuité ensemble, on administre de commun accord et non à coup de majorités. »

Ainsi, messieurs, en réalité, ce cas se présente rarement et il faut bien espérer que l'administration de la ville de Bruxelles continuera à se montrer animée du même esprit d'union et d’harmonie et que les questions qui se présenteront à sa décision seront résolues, non pas par le partagé des voix, mais à une majorité moins incertaine et moins contestable.

Ensuite, messieurs, ou a tort de prétendre que la loi ne prévoit pas le cas de partage et que l’administration serait pour ainsi dire impuissante à sortir des embarras que peut présenter ce partage. L'article 89 de la loi communale indique trois moyens : la remise à la séance suivante ; l'adjonction du membre le plus ancien du conseil ; et enfin, lorsque la difficulté est prévue, on peut, avant toute discussion, déclarer l'urgence et alors la voix du bourgmestre est prépondérante.

La loi communale fournit donc les moyens nécessaires pour sortir des embarras que pourrait faire naître l’éventualité d’un partage des voix.

Je le sais, c'est pour des cas exceptionnels que cet article 89 a été fait. Mais, comme je le disais tout à l'heure, ce sera aussi un cas tout a fait exceptionnel que la difficulté que l’on peut redouter du partage des voix.

L’honorable député de Verviers conteste la nécessité de la mesure proposée.

Je commencerai par déclarer que la commune elle-même, que l'autorité communale me semble le meilleur juge en cette matière. C'est le conseil communal qui peut le mieux apprécier jusqu'à quel point une mesure de ce genre est nécessaire. Elle connaît tous les détails de l'administration ; elle sait mieux que nous ne le savons quelle est l'importance des travavux qui incombent à chacun des membres du collège. Elle est donc infiniment mieux placée que nous pour se prononcer dans cette question.

Or, vous le savez, la proposition faite au conseil communal, par le collège des bourgmestre et échevins a été votée par 18 voix contre 8.

Ensuite, la députation permanente s'est, de son côté, associée à l'adoption de cette proposition et en a conseillé l'adoption au gouvernement par la présentation d'un projet de loi dans ce sens.

L'honorable membre n'admet pas la nécessité d'un cinquième échevin,' parce que, dit-il, dans une ville comme Bruxelles, les bureaux de l'administration sont organisés d'une façon si complète que les échevins ont, en définitive, peu de besogne.

L'honorable membre s'est livré à ce sujet à des comparaisons dont je ne puis admettre l'exactitude. Il dit que l'administration ds la ville de Bruxelles coûte presque autant que celle du ministère de l'intérieur ; que cette administration coûte plus qu'aucune administration de nos provinces ; par conséquent, dit-il, il ne peut pas y avoir tant de besogne pour les échevins.

Quant à moi je tirerai de ces comparaisons l'argument tout contraire. Il me semble que les chiffres produits par l'honorable membre, les comparaisons faites par l'honorable M. David prouvent précisément l'importance exceptionnelle d'une pareille administration ; et l'on n'est pas admis à dire que, lorsqu'une administration acquiert cette importance, les personnes chargées de la responsabilité des actes du collège n'ont pas de besogne. Il y a d'ailleurs des faits qui répondent victorieusement à cette allégation. C'est-qu'il est de notoriété publique qu'à Bruxelles on éprouve aujourd'hui la plus grande difliculté à trouver des personnes qui veulent consentir à accepter les fonctions d'échevin, précisément parce que ces fonctions sont très difficiles à remplir, qu'elles exigent la présence presque continuelle des échevins à l'hôtel de ville et qu'en définitive elles ne donnent pas une position suffisante pour qu'en acceptant ces fonctions, on renonce à toute autre espèce de position.

D'ailleurs, on n'a sous ce rapport qu'à comparer la position de la ville de Bruxelles à la position de toutes les capitales. Voyez l'administration de Paris, voyez l'administration de Londres. Ce sont des administrations qui sont bien plus importantes que des administrations de province. Il est évident que plus le centre de population augmente, surtout lorsque cette ville est capitale, est le siège du gouvernement et de toutes les grandes affaires du pays, il surgit là uncemasse de questions à discuter, de travaux à exécuter, qui ne se présentent pas dans les villes ordinaires. La police est, à elle seule, un élément extrêmement important de l'administration d'une capitale.

L'honorable député d'Anvers, comme l'honorable M. David a peur de voir rompre l'équilibre entre le pouvoir exécutif de la commune et le pouvoir délibératif, entre le collège et le conseil. On vous l’a déjà dit, l'honorable rapporteur vient de le dire encore, si l'on avait un pareil inconvénient à redouter, il serait bien plus redoutable en vertu de la loi existante.

Ainsi pour les villes de 20 mille habitants, il faut 4 échevins. Or, les villes de 20,000 à 25,000 habitants ont 17 conseillers. Ce qui fait cinq membres du pouvoir exécutif communal sur 17 conseillers, Eviddemment un collège de six membres sur 31 conseillers n'offre pas un caractère si redoutable qu'en présente déjà, en vertu de la loi, l'administration des villes de 20,000 habitants.

Faut-il, pour que l'équilibre ne soit pas rompu entre le collège et le conseil, augmenter le nombre des conseillers communaux ? C’est une dernière question qui a été agitée par les honorables préopinants. Mais, pourr le moment du moins, il n'est pas nécessaire de la résoudre. Au sein du conseil communal où cette question a été soulevée également, elle n'a pas été formulée en proposition, parce qu'il n'y a aucune nécessité à augmenter le nombre des conseillers.

Les délibérations du conseil communal de Bruxelles sont très complètes, ne laissent aucune lacune ; mais la partie active de l'administration, le pouvoir exécutif de la commune laisse à désirer. C'est à cette nécessité seule qu'il faut pourvoir. Il ne faut pas aller au-delà.

Voyez combien sont inconséquents ceux qui s'élèvent contre la nomination d’un cinquième échevin par la raison qu'il est dangereux de toucher à nos lois organiques, et qui, pour rétablir l'équilibre entre le collège et le conseil, provoquent une deuxième modification à la loi communale .

(page 1518) Ils touchent deux fois à la loi communale, là où le gouvernement ne la modifie qu'une fois, et cela sous l'empire d'une absolue nécessité.

Je crois pouvoir me borner à ces observations. Elles prouvent à la Chambre que la nomination d'un cinquième échevin pour la ville de Bruxelles est une nécessité au point de vue administratif, et n'offre aucune espèce de danger au point de vue politique.

Je terminerai en vous faisant observer, avec l'honorable M. Lelièvre, que nous sommes devant un vœu exprimé par le conseil communal de Bruxelles. Ce conseil est composé d'hommes intelligents qui veulent sincèrement le bien de l'administration de la capitale. Comme je le disais tout à l'heure, ils sont les meilleurs juges des nécessités administratives auxquelles nous devons pourvoir.

L'article 75 de la loi communale dit que : « le conseil communal règle tout ce qui est d'intérêt communal. » Nous pouvons appliquer ici ce principe et dire que le conseil communal doit être, en vertu de ce même principe, reconnu le meilleur appréciateur de ce qu'il importe de faire dans la présente occurrence.

M. Rodenbach. - Je pense que l'augmentation d'un échevin à Bruxelles pour la prompte expédition des affaires est utile. Mais il me semble que pour être conséquent, le nombre des conseillers doit être également augmenté ; car tous les habitants ne sont pas représentés.

Je citerai d'abord l'augmentation de la population. Si j'ai bonne mémoire, la population de Bruxelles, au dernier recensement, était d'environ 167,000 habitants. Le Quartier-Léopold n'est pas représenté suffisamment, à ce qu'il paraît, au sein du conseil communal.

Je dis, messieurs, que si vous augmentez le nombre des échevins vous devez nécessairement augmenter le nombre des conseillers.

M. le ministre de l'intérieur dit : Mais alors vous toucherez deux fois à la loi communale. Selon moi, messieurs, autant vaut y toucher deux fois lorsqu'il s'agit d'une mesure rationnelle que d'y toucher une seule fois. Dans tous les cas, tout ce qu'a dit M. le ministre en faveur de l'augmentation d'un échevin, s'applique à l'augmentation des conseillers ; cela est logique.

M. David. - Je ferai d'abord observer, messieurs, que je n'ai pas moi-même demandé l'augmentation du nombre des conseillers.

M. le ministre a insisté sur ce qu'il y a de difficile à bien administrer la police dans une ville aussi importante que Bruxelles ; mais, comme on l'a déjà fait remarquer, la police est exclusivement dans les attributions du bourgmestre ; or. jusqu'à présent il n'est pas question de la nomination d'un deuxième bourgmestre.

M. le ministre a voulu rétorquer contre moi les chiffres de la dépense de l'administration centrale de Bruxelles que j'ai indiqués tantôt ; il a dit : Si une somme aussi considérable est nécessaire pour l'administration centrale, c'est la preuve qu'il y a beaucoup d'affaires à expédier à Bruxelles.

Messieurs, le chiffre que j'ai indiqué prouve une chose, c'est que les bureaux sont extrêmement bien garnis d'employés, que l'administration est très largement organisée. L'honorable ministre ne prétendra certainement pas que l'administration provinciale du Hainaut donne moins de besogne que l'administration communale de Bruxelles ; cependant la première ne coûte que 107,000 francs, y compris 18,000 ou 20,000 francs pour frais de déplacement et de séjour des membres de la députation permanente et du gouverneur.

M. le ministre a dit aussi que le cas de parité des suffrages dans les séances du collège est prévu par l'article 89, mais il n'a pas dit qu'au sein de ce collège, avant de discuter un objet, on peut réclamer l'urgence.

En général lorsqu'on réclame l'urgence, on n'est encore entré dans aucun détail sur l'objet à l'ordre du jour, et il arrive que l'on demande l'urgence pour des questions d'une très haute gravité qui peuvent ainsi se décider par la voix prépondérante du bourgmestre, en cas de parité de suffrages.

Cependant les échevins qui assistent à la séance n'ont pu prévoir à quoi ils s'engageaient ; ils ne connaissaient l'affaire que superficiellement par l'indication de l'ordre du jour.

L'honorable ministre a encore dit que la mesure serait sans influence politique et qu'en réclamant pour la commune le droit de s'administrer elle-même je n'avais fait qu'une phrase. Il est certain, messieurs, que le gouvernement ne choisit pas les bourgmestres et les échevins parmi ses adversaires, il les choisit parmi ses amis politiques ; que fait-il en nommant un cinquième échevin à Bruxelles ? Il réduit directement l'influence du conseil communal ; il en détache un membre, qu'il attache d'une manière particulière aux vues du gouvernement et qui sera assez souvent disposé à voter dans le sens des désirs du gouvernement, au sein du conseil.

Vous le voyez, messieurs, la loi aura une portée réellement politique, qu'elle augmentera dans uue certaine mesure l'influence du gouvernement dans les affaires communales.

- La discussion est close.

Vote de l’article unique

Il est procédé au vote par appel nominal sur l'article unique du projet, qui est ainsi conçu :

« Le nombre des échevins de la ville de Bruxelles est porté à cinq.

« Le cinquième échevin appartiendra à la première série sortante du conseil communal. »

59 membres sont présents.

55 adoptent.

4 rejettent.

En conséquence, le projet de loi est adopté.

Ont voté l'adoption : MM. Ansiau, Boulez, Coomans, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Decker, de Haerne, Delfosse, Deliége, Dellafaille, de Man d'Attenrode, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, de. Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, de Steenhault, Devaux, Dubus, Faignart, Goblet, Jacques, Jouret, Lambin, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lejeune, Lelièvre., Lesoinne, Loos, Magherman, Mascart, Matthieu, Mercier, Moncheur, Moreau, Rogier, Rousselle, Sinave, Tack, T'Kint de Naeyer, Van Cromphaut, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Hoorebeke. Van Iseghem, Vermeire, Vilain XIIII, Wasseige, Allard et Delehaye.

Ont voté le rejet : MM. Coppieters 't Wallant, David, de Bronckart et Osy.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des travaux publics

Rapport de la section centrale

M. Lambin dépose le rapport de la section centrale sur la demande d'un crédit de 405,000 francs pour le département des travaux publics.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite de l'ordre du jour.

La Chambre, sur la proposition de M. le président, met également à la suite de l'ordre du jour le projet de loi relatif à un crédit supplémentaire pour le département dès travaux publics, dont le rapport, fait par M. de Man d'Attenrode, a été distribué hier.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires et extraordinaires au budget du ministère de l’intérieur

Discussion des articles

Article premier

« Art. 1er. Le budget des dépenses du ministère de l'intérieur, pour l'exercice 1855, fixé par la loi du 8 mars 1855, est augmenté d'une somme de cent trois mille trois cent quatre-vingt-dix francs soixante et dix-huit centimes (fr. 103,390 18 c), répartie comme suit :

« 1°Industrie séricicole. Huit cent soixante et seize francs un centime, pour payer des primes restant dues pour production de cocons de vers à soie, pendant l'année 1855 : fr. 876 01.

« Cette somme sera ajoutée à l'article 58 du budget de 1855. »

- Adopté.


« 2° Enseignement agricole. Seize cent douze francs cinquante centimes, pour payer des traitements de disponibilité dus pour 1855 à des professeurs de l'enseignement agricole : fr. 1,612 5.

« Cette somme sera ajoutée à l'article 59 du budget de 1855. »

- Adopté.


« 3° Frais d'impression du rapport du jury belge de l'exposition universelle de Paris, et solde de fournitures se rattachant à cette exposition. Sept mille francs : fr ; 7,000.

« Cette somme sera ajoutée à l'article 73bis du budget de 1855. »

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Messieurs, depuis la présentation du projet de loi et le dépôt du rapport, il est arrivé au gouvernement un règlement de compte dont, jusqu'à présent il n'avait pas eu connaissance et qui nécessite une demande d'augmentation de mille francs, au n°3°.

Lorsqu'il s'est agi, à l'exposition universelle de Paris, d'arranger les étalages, un tapissier belge a été envoyé à Paris pour exécuter ce travail ; le commissaire belge avait fait des avances et on croyait, à l'administration centrale, qu'il y avait eu règlement de compte complet.

Or, il se trouve, par la présentation des comptes définitifs de ce tapissier de Bruxelles que ces comptes comportent une somme supérieure de 1,000 fr. aux avances faites par le commissaire belge à Paris. J'ai fait vérifier l'exactitude de ces comptes par les personnes qui sont intervenues au nom du gouvernement belge, dans l'organisation de la partie belge de l'exposition de Paris, et elles ont trouvé la dépense régulièrement faite, il s'agirait donc de porter à 8,000 fr. le chiffre de 7,000 fr. que j'ai eu l'honneur de demander aux Chambres pour les frais de l'exposition universelle de Paris. »

- Le numéro 3° ainsi modifié, est adopté.


« 4° Poids et mesures. Quatre mille huit cent cinquante francs quatre-vingt-cinq centimes, pour payer les frais d'impressions occasionnés par la mise à exécution de la loi du 1er octobre 1855, sur les poids et mesures (arrêtés, règlements, instructions, feuilles de registres, formules de procès-verbaux, bulletins d'avis, etc.) : fr. 4,850 85.

« Cette somme sera ajoutée à l'article 80 du budget de 1855.

- Adopté.


« 5° Ecole des arts et manufactures et des mines, annexée à l'université de Liège. Trois mille cinq cents francs, pour payer des frais de matériel de l'école des arts et manufactures et des mines, annexée à l'université de Liège : fr. 3,500.

« Cette somme sera ajoutée à l'article 83 du budget de 1855. »

- Adopté.


« 6° Ecoles normales de l'Etat à Lierre et à Nivelles. Dix-neuf mille six cent trente-neuf francs cinquante-huit centimes, pour suppléer à l'insuffisance de la pension des élèves instituteurs pendant les années 1855 et antérieures : fr. 19,639 58.

« Cette somme sera ajoutée à l’article 102 du budget de 1855. »

- Adopté.


« 7° Hôtel du gouvernement provincial de Namur. Trente-six mille huit cent soixante et onze francs trente-quatre centimes, pour rembourser à la province de Namur les frais d'entretien de l'hôtel du gouvernement provincial, depuis l'année 1836 : fr. 36,871 54.

« Cette somme formera l'article 449, chap. XXVI, du budget de 1855. »

- Adopté.


« 8° Frais d'administration dans les arrondissements. Quatre mille vingt francs, pour payer des frais de route et de séjour restant dus aux commissaires d'arrondissement de la province de Hainaut : fr. 4,020.

« Cette somme formera l'article 150, chapitre XXVI, du budget de 1855. »

- Adopté.


« 9° Dépenses faites, en 1830, par la ville de Liège, dans, l'intérêt de l'Etat. Onze mille quatre cent quatre-vingt-treize francs quatre-vingt-seize centimes, pour payer le montant d'une condamnation prononcée à la charge de l'Etat, au profit la ville de Liége, du chef de dépenses faites par ladite ville dans l'intérêt de l'Etat belge, en 1830 : fr. 11,493 96.

« Cette sommé formera l'article 151, chapitre XXVI, du budget de 1855. »

- Adopté.


« 10° Service vétérinaire. Quatre mille trois cent quatre-vingt-sept francs soixante centimes, pour payer eès frais de voyage dus à quatre médecins vétérinaires du gouvernement, pour les années 1852, 1853 et 1854 : fr. 4,387 60.

« Cette somme formera l'article 152, chapitre XXVI, du budget de 1855. »

- Adopté.


« 11° Académie royale d'Anvers. Mille six cent trois francs, pour payer la part due par l'Etat dans les frais d’installation du corps académique de l'Académie royale d'Anvers : fr. 1,603.

« Cette somme formera l'article 153, chapitre XXVI, du budget de 1855. »

- Adopté.


« 12° Exposition générale des beaux-arts en 1854. Sept mille cinq cent trente-cinq francs quatre-vingt-quatorze centimes, pour payer des dépenses restant dues pour l'exposition générale des beaux-arts, qui a eu lieu a Bruxelles en 1854 : fr. 7,535 94.

« Cette somme formera l'article 154, chapitre XXVI, du budget de 1855. »

- Adopté.


« Total : fr. 103,390 78. »

- L'ensemble de l'article premier est mis aux voix et adopté.

Article 2

« Art. 2. Le budget du ministère de l'intérieur, pour l'exercice 1856, fixé par la loi du 15 mars 1856, est augmenté de la somme de cinquante et un mille cinq cents francs (fr. 51,500), répartie comme suit :

« 1° Œuvres d'art commandées à différents artistes. Vingt-cinq mille francs, destinés à solder le prix d'œuvres d'art commandées à différents artistes, ou a payer des comptes à ces artistes : fr. 25,000.

« Cette somme formera l'article 143, chapitre XXV, du budget de 1856.

« 2° Tableau commandè à feu le peintre Odevaere. Trois mille cinq cents francs, destinés à payer, par accord, aux héritiers de feu le sieur Odevaere, le prix d'un tableau historique : fr. 3,500. »

« Cette somme formera l'article 144, chapitre XXV, du budget de 1856.

« 3° Relation.d'un voyage scientifique. Huit mille francs, pour aider à l'impression de la relation d'un voyage scientifique du sieur Linden : fr. 8,000.

« Cette somme formera l'article 145, chapitre XXV, du budget de 1856.

« 4° Enquête instituée pour l'examen des questions se rattachant à la fabrication des produits chimiques, au point de vue de l'agriculture et de l'hygiène. Quinze mille francs, destinés à payer les frais de route et de séjour des membres de la commission, ainsi que les frais occasionnés par les recherches et analyses chimiques, la confection de plans, les travaux d'impressions, etc. : fr. 15,000.

« Cette somme sera ajoutée à l'article 134 du budgel de l'exercice de 1856. »

- L’article 2 est mis aux voix et adopté.

Article 3

« Art. 3. Les crédits spécifiés aux articles 1 et 2 seront couverts au moyen des ressources des exercices auxquels ces crédits sont rattaches. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé, au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

59 membres sont présents.

57 membres répondent oui.

1 membre (M. dé Bronckart) répond non.

1 membre (M. Delfosse) s'abstient.

En conséquence, le projet de loi est adopté. Il sera transmis an, Sénat.

Ont répondu oui : MM. Ansiau, Boulez, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Decker, de Haerne, Deliége, Della Faille, F. de Mérode, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, Devaux, du Bus, Faignart, Jacques, Jouret, Landeloos, Lange, le Bailly de Tillegem, Lebeau, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Magherman, Mascart, Matthieu, Moncheur, Moreau, Osy, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Sinave, Tack, Tesch, T'Kint de Naeyer, Van Cromphault, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Remoortere, Vermeire, Wasseige, Allard et Delehaye,

M. le président. - M. Delfosse, qui s'est abstenu, est prière faire connaître les motifs de son abstention.

M. Delfosse. - Le projet de loi comprend des dépenses de nature diverse ; les unes doivent nécessairement être payées, par exemple, celles qui résultent de condamnations judiciaires ; les autres ne me paraissent pas suffisamment justifiées ; voilà pourquoi je me suis abstenu.

Projet de loi relatif au régime commercial

Discussion générale

M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il aux modifications qui ont été proposées par la section centrale ?

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, la plupart de ces, modifications ont été introduites dans le projet de loi, de commun accord avec le gouvernement ; je ne fais donc aucune opposition à ce que la discussion s'établisse sur le projet de la section centrale. Je fais cependant une exception en ce qui concerne le fer et la fonte, dont la section centrale propose l'importation aux droits respectifs de 4 et de 2 francs. Je ne puis admettre cette proposition comme amendement.

Cet objet n'a aucun rapport avec le projet qui a été présenté par ler gouvernement.

La Chambre comprendra que si on consacrait un pareil précédent, il en résulterait que le gouvernement ne pourrait plus présenter une modification quelconque au tarif de douanes, n'eût-elle pour objet qu'un seul article, sans s'exposer à voir surgir, à cette occasion, dans la Chambre, une foule de propositions nouvelles et même une réforme totale du tarif.

C'est, à mon avis, une de ces propositions.qui ne peuvent être considérées comme amendements, et dont les Chambres ne peuvent être saisies par l'initiative d'un ou de plusieurs membres qui doivent suives les formalités voulues par le règlement.

La marche que l'on veut suivre ira d'ailleurs en sens inverse du but que l'on désire atteindre.

Bien loin d'arriver à un résultat plus grand et plus prompt, on aboutira probablement a ne rien faire.

Je demande donc que cet article, qui ne fait pas partie du projet du gouvernement, soit écarté de celui de la section centrale. Le projet que j'ai présenté a en lui-même assez d'importance pour qu'on ne le complique pas de questions qui lui sont étrangères ; il se rattache à de grands intérêts, il ne rencontre pas d'opposition dans le pays. Son adoption réglerait définitivement notre système commercial. On va tout compromettre par trop d'exigence. La présentation de ce projet est un témoignage irrécusable de l'intention du gouvernement de poursuivre ce travail de révision du tarif des douanes, dans le sens d'une réduction et d'une simplification du tarif. Je renouvelle volontiers l'engagement que le gouvernement a déjà pris de présenter le complément de la révision de ce tarif au commencement de la session prochaine ; il n'y a dès lors grand intérêt pour personne à comprendre dans le projet actuel une disposition spéciale concernant le fer et la fonte. Je ne puis consentir à ce que cet article soit inséré dans le projet.

M. le président. - Quant aux autres modifications proposées, par la section centrale, le gouvernement s'y rallie-t-il ?

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Oui, M. le président.

M. de Renesse. - Messieurs, sous le ministère précédent, un projet de loi de révision partielle de notre tarif douanier, ayant spécialement rapport au dégrèvement de certaines matières nécessaires à nos différentes industries, avait été présenté à nos délibérations. Ce projet, après une longue instruction, reçut, non seulement un accueil favorable de la plupart des chambres de commerce et d'industrie, mais aussi des sections, et de la section centrale de la Chambre des représentants, et la discussion publique en commença à la séance du 27 février 1855 ; mais après que plusieurs orateurs avaient déjà pris la (page 1520) parole, la continuation de l'examen de ce projet si important fut malheureusement ajournée, par suite du changement de ministère, et surtout par la forte opposition que semblaient vouloir faire à certaines modifications proposées les représentants plus directs des intérêts houillers, et de l'industrie sidérurgique, aux privilèges douaniers desquels le cabinet d'alors avait cru devoir toucher, dans un véritable intérêt général.

Aussi, immédiatement après l'avènement du nouveau ministère, l'honorable ministre des finances, à la séance du 26 avril 1855, demanda formellement l'ajournement du projet de loi de révision du tarif des douanes ; d'après M. le ministre, cet ajournement était fondé « sur ce que le temps nécessairement assez court dont on pouvait disposer jusqu'à la clôture de la session, devait être consacré à l'examen de plusieurs projets de loi urgents, indispensables à la marche des services publics.

« Que la discussion du projet de loi sur le tarif des douanes, à en juger par son importance, pourrait occuper la Chambre jusqu'à la fin de la session.

« Que le ministère était d'accord sur le principe d'une prudente réduction des droits protecteurs, et de la simplification du tarif des douanes, mais qu'il voulait se livrer à une étude plus approfondie de la question, et, d'un autre côté, le cabinet croyait qu'il serait désirable que la révision du tarif fut générale et simultanée. »

Par suite de ces motifs, l'honorable ministre des finances demandait l'ajournement à la session prochaine, de 1855 à 1856. Plusieurs de nos honorables collègues, ainsi que moi, nous avions cru devoir nous opposer à cet ajournement, qui nous paraissait remettre à un temps indéfini l'examen de cet objet si important, sous le rapport de beaucoup de nos industries et surtout de l'agriculture, qui ne réclame que depuis trop longtemps le dégrèvement de certaines matières qui lui sont indispensables ; mais, encore cette fois-ci comme toujours, lorsqu'il s'agit de porter une main plus libérale à nos lois douanières, de réviser les droits protecteurs, parfois exagérés, dont le tarif, d'après le précédent ministère, présentait dans beaucoup de ses parties le caractère trop prononcé d'instrument de prohibition, puisqu'il accorde le monopole du marché intérieur à certaines industries au détriment de la masse des contribuables, les représentants directs de ces industries privilégiées ne manquèrent pas d'appuyer vivement la proposition d'ajournement ; ils s'accrochèrent à cette question, comme à une planche de salut, et le ministère était considéré par ces honorables membres comme le bouclier le plus sûr contre lequel les flèches du libre échange viendraient s'ébrécher, permettraient ainsi aux industries privilégiées de vivre sans souci, sous le régime suranné des hauts droits protecteurs, qui, dans un pays de sage liberté, auraient dû disparaître depuis longtemps, et être remplacé par des droits modérés, basés sur un intérêt purement fiscal, de manière à procurer de nouvelles ressources au trésor de l'Etat et à diminuer les chances de fraudes.

En effet, en obtenant l'ajournement du projet de la révision partielle de notre tarif, et en retardant la discussion jusqu'après la présentation et l'examen d'un système d'ensemble, comprenant en même temps la mention des droits sur les produits fabriqués, ces honorables représentants obtenaient, en faveur des industries privilégiées, un véritable ajournement indéfini de la réforme douanière ; ceci avait été si bien compris par le ministère précédent, qu'il avait mis tous ses efforts à séparer les deux intérêts opposés, en proposant aux Chambres législatives, en premier lieu, la révision partielle de notre tarif douanier, c'est-à-dire, des matières nécessaires à la plupart de nos industries.

Aussi, j'ai tout lieu de croire que les propositions de l'honorable M. Liedts eussent obtenu l'appui et l'assentiment de tous les véritables et indépendants représentants de la nation ; cette marche, d'ailleurs, était la plus logique, la situation des esprits dans le pays semblait l'indiquer et une fois cette révision partielle admise par la législature, l'on ne pouvait plus opposer une fin de non-recevoir à la révision successive et rapprochée de notre tarif actuel sur les produits fabriqués, parfois protecteur outre mesure ; l'opinion publique eût été assez forte pour réclamer avec instance la cessation de tous ces privilèges exorbitants, contraires aux véritables intérêts des consommateurs, par conséquent à la masse des contribuables.

Dans la session précédente, le cabinet actuel demandait formellement l'ajournement de toute discussion de la réforme douanière partielle jusqu'à la présentation et l'examen d'un projet d'ensemble, comprenant aussi les modifications à apporter au tarif des produits fabriqués ; telle était du moins l'intention publiquement manifestée par les honorables ministres des finances, de l'intérieur et des affaires étrangères, et l'on nous disait alors que l'ajournement ne serait que de 5 à 6 mois, que jusque-là l'on pourrait continuer le régime que l'on avait toléré depuis un quart de siècle, et cependant à la séance du 6 mars de cette année, au lieu de nous présenter ce projet d'ensemble, l'honorable ministre des finances, ayant changé probablement d'opinion depuis l'année dernière, vient soumettre à nos délibérations la révision des lois relatives au régime commercial (système différentiel). Mais au lieu de comprendre dans ce projet toute la révision partielle, proposée par le précédent ministère, il restreint ces modifications à la suppression des droits différentiels maintenus jusqu'ici sur le café, les fruits, le riz, les sucres bruts et les tabacs, et demande quelques autres changements à notre tarif douanier ; le projet d'examiner en même temps l'ensemble des modifications à faire au tarif général, semble être abandonné, l'on en revient à une révision partielle.

Je dois donc de nouveau témoigner mes regrets de ce que l'année dernière l'on n'ait pas continué la discussion commencée sur le projet présenté par l'honorable M. Liedts ; ce projet, qui avait subi une longue instruction, avait été favorablement accueilli ; il faisait, en partie, droit à de justes réclamations, surtout par rapport à l'abaissement des droits exagérés sur les houilles et les fers, matières indispensables pour la plupart de nos industries, et cependant il paraît qu'actuellement le gouvernement ne tient compte que de la volonté et des intérêts des propriétaires de houillères et de hauts fourneaux qui s'opposent comme toujours au principe de l'abaissement des droits à l'égard des produits de leurs industries, et l'on semble vouloir encore reculer l'examen de cette question si importante, quoique l'intérêt, non seulement de l'agriculture, mais aussi celui de la construction des navires et bateaux, réclament, sous ce rapport, des modifications à notre tarif douanier, et si, dans le but de provoquer le développement de notre marine marchande, le gouvernement a jugé utile de proposer des réductions ou suppressions de droits à l'entrée des agrès ou apparaux, bois de construction et sur les navires et bateaux ; pour leur nationalisation, il était de toute justice de décider en même temps le principe d'un abaissement de droits à l'entrée des houilles et des fers. J'appuierai donc la proposition faite par la section centrale sur les fers.

D'après le projet présenté, par le précédent ministère, des modifications essentielles étaient proposées, sur différents articles, considérés comme « produits divers nécessaires à l'industrie » ; le projet actuel n'en fait pas mention, et l'on ajourne indéfiniment de faire droit à de justes réclamations.

C'est une marche que je ne puis approuver, et si le cabinet actuel a jugé nécessaire de présenter un projet de révision partielle de notre tarif des douanes, contrairement à son opinion de l'année dernière, il aurait du moins dû adjoindre au projet actuel tous les articles considérés comme matières premières pour différentes de nos industries, et qui avaient obtenu un accueil favorable des sections et de la section centrale chargées d'examiner le projet de révision proposé par l'honorable M. Liedts, à la séance du 19 janvier 1853. Voilà donc plus de trois années que ce projet, si justement apprécié par la grande majorité du pays et accueilli avec faveur, a été soumis aux délibérations des Chambres, et néanmoins, jusqu'ici, l'on est n'est pas encore parvenu à faire droit à de justes réclamations ; d'ajournement en ajournement, on parviendra à maintenir les hauts droits protecteurs pour plusieurs de nos industries principales qui conserveront le marché intérieur aux dépens de la masse des consommateurs. Si cet état de choses continue, il faudra que l'on organise dans le pays une opposition légale contre les tendances du gouvernement, d'avoir plutôt égard à la position toute privilégiée de certaines industries qu'aux charges qui, par les hauts droits protecteurs, pèsent sur la généralité des contribuables. L'on devrait inscrire sur la bannière électorale : réforme douanière, droits modérés dans le seul but fiscal, plus de monopole, moins d'intervention de l'Etat, diminution dans les charges du trésor public, par conséquent, réduction dans celles des contribuables.

D'après ces considérations, je dois insister auprès du gouvernement, pour qu'au commencement de la session prochaine il présente à la Chambre le projet de loi de révision générale de notre tarif douanier, de manière que la législature puisse s'occuper immédiatement de cette grande question dès la rentrée des chambres, et faire le plus tôt possible droit à de justes réclamations en faveur de l'abaissement des droits sur tous les produits naturels et fabriqués.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Dans le peu de paroles que j'ai prononcées tout à l'heure, j'ai annoncé, conformément au vœu que vient d'exprimer l'honorable préopinant, qu'au commencement de la session prochaine, le complément de la révision du tarif serait soumis à vos délibérations ; ce n'est ni par opposition aux désirs manifestés par d'honorables membres l'année dernière, comme semble le supposer bien à tort l'honorable comte de Renesse, que ce projet n'a pas été présenté dans cette session ; on doit reconnaître que pendant l'année qui vient de s'écouler les circonstances n'étaient pas bien favorables à l'instruction et à la discussion d'un projet de révision générale.

M. Moreau. - Messieurs, lorsque, en 1844, on examina quel était le régime commercial le plus avantageux à la Belgique, on crut que le système de droits différentiels allait nous donner d'immenses résultats, protéger, de la manière la plus efficace, le commerce et l'industrie et les porter, quasi comme par enchantement, au plus haut degré de prospérité.

C'était là, disait-on alors, un moyen infaillible de maintenir, de conserver nos propres relations commerciales, de sauver notre commerce maritime du péril qui l'entourait, d'organiser enfin un système d'exportation de nos produits dans les contrées lointaines.

Mais grandes ont été les déceptions, les merveilles qu'on attendait de ce régime tant préconisé ne se sont point réalisées, bien des illusions qu'on s'était complaisamment créées se sont bientôt dissipées, on ne s'était pas aperçu qu'une nation pas plus qu'un individu ne peut guère vivre longtemps dans l'isolement, sans perdre son bien-être, sa force et sa vigueur.

Aussi ne tarda-t-on pas à entamer de toute manière le système nouveau qu'on venait à peine d'adopter, à lui faire brèche par de nombreux traités commerciaux, traités décorés du nom pompeux de réciprocité, (page 1521) avantageux, a-t-on dit, et que nous n'avons obtenus que parce que nous avions introduit des droits différentiels dans notre tarif douanier.

Quant à moi, messieurs, sans vouloir absolument nier que ces traites aient procuré quelques avantages momentanés à la Belgique, je ne les ai cependant jamais regardés comme ayant l'importance qu'on leur donnait. Je crois que ces traités, comme le disait Huskisson au parlement anglais, ne sont en général qu'un moyen et un moyen sûr d'entraver le développement de l'industrie et du commerce extérieur des pays qui les font, car alors les faveurs différentielles qu'une nation s'est données disparaissent pour le pays seul avec lequel on a traité, tandis qu'elles sont maintenues à l'égard des autres nations.

Dans mon opinion les traités commerciaux ont fait leur temps et chaque jour l'expérience nous a appris que le moment est venu de sortir de cette ornière vieille et routinière où nous avons marché si péniblement jusqu'à ce jour.

J'espère donc que nous tiendrons compte d'un enseignement qui nous a beaucoup coûté et que dorénavant nous suivrons l'Angleterre et d'autres pays voisins dans la voie nouvelle où ils sont entrés.

J'espère que comme eux, nous procéderons dans peu d'une manière générale à la réduction de notre tarif des douanes, afin d'obtenir des puissances étrangères en échange des compensations que nous leur offrirons, des concessions de même nature,

Cette manière d'agir vaudra mieux, selon moi, que toutes les conventions commerciales que nous pourrions faire, car celles-ci sont rarement, à proprement parler, librement consenties par les deux parties, et au lieu d'offrir de justes compensations et d'équitables concessions réciproques aux deux pays qui contractent, elles sont presque toujours imposées au faible par le fort.

Et encore est-il bien difficile de faire des traités de commerce sans favoriser une industrie au détriment d'une autre.

Qu'arrive-t-il le plus souvent en effet ? C'est que vous tuez une branche d'industrie vivace pour faire vivoter une autre qui n'est que factice ; c'est que celle qui est favorisée, au moyen de cette espèce de protection, se développe quelquefois pendant certain temps, attire à elle des capitaux considérables, et que sa prospérité, ne se reposant que sur une base chancelante, est sérieusement compromise à chaque renouvellement de traité.

Si alors on retire à cette industrie les faveurs dont elle jouissait, elle subit des crises funestes, et pour la soutenir, lorsqu'elle est ainsi menacée, on est forcé de s'imposer les sacrifices les plus durs afin d'obtenir le renouvellement des avantages qui la favorisaient et qu'on fait chèrement payer à d'autres industries.

En un mot, on escompte quelque chose de bon et de durable contre un avenir incertain et toujours chanceux.

Des exemples ne me feraient pas défaut, si j'avais besoin d'en citer à l'appui de ce que j'avance.

Parlerai-je aussi des complications que chaque traité fait naître dans le tarif douanier, des bigarrures les plus choquantes. qu'ils y occasionnent ?

Vous le savez, messieurs, tantôt ce sont des zones, tantôt des droits différents ; tantôt des faveurs spéciales pour telle catégorie de marchandises et toujours des entraves à notre liberté d'action dans la réforme et l'amélioration de nos lois fiscales.

Je donne donc mon approbation au nouveau régime commercial proposé par le projet de loi.

J'espère que nous saurons marcher ouvertement et avec fermeté dans la voie nouvelle qui nous est ouverte et que dorénavant des traités ne nous en ferons pas dévier.

Ce que j'ai dit tantôt des traités s'applique en partie aux surtaxes, aussi j'engage le gouvernement à ne faire usage des pouvoirs étendus que nous allons lui conférer, qu'avec une extrême modération et lorsqu'une impérieuse nécessité l'y contraindra.

Car il ne doit pas oublier que toute surtaxe établie comme représaiile est une arme à deux tranchants qui souvent blesse le plus grièvement celui qui en fait usage.

Je félicite, je le répète, le gouvernement d'avoir présenté le projet de loi maintenant en discussion et je le félicite d'autant plus que par là, il a, ce me semble, dérogé quelque peu à la manière de procéder qu'il se proposait de suivre pour parvenir à la révision de nos lois douanières.

En effet, vous n'avez pas oublié, messieurs, quel était le langage des amis politiques du ministère, lorsqu'on entama, l'année dernière, la discussion de la loi sur la réforme douanière, vous n'avez pas oublié quel était celui de l'honorable ministre des finances, lorsqu'il demanda l'ajournement de l'examen de ce projet de loi.

A entendre les uns, c'était faire chose mauvaise, détestable, nuisible aux intérêts du pays que de ne pas présenter en même temps un système d'ensemble, complet de réforme s'appliquant à tous les intérêts commerciaux et industriels, de séparer le sort de certaines industries du sort des autres.

C'était, disait-on, une faute bien grave, une faute capitale qu'avait commise le ministère du 12 août que celle d'avoir procédé isolément à la réforme agricole et à celle de notre système commercial.

En parlant des traités conclus en 1851 avec l'Angleterre et les Pays-Bas, qui consacraient en partie la réforme de notre régime commercial et de la législation de 1844, l'on rappelait qu'on s'était fortement élevé contre la manière de procéder du gouvernement, de diviser ainsi les projets, d'isoler les intérêts que la réforme n'atteint pas et qui conservent l'espérance et l'illusion d'y échapper.

C'est ainsi, messieurs, que naguère l'on blâmait le gouvernement d'avoir séparé la réforme commerciale de la réforme douanière et industrielle, et l'honorable ministre des finances nous semblait partager cette manière de voir, lorsqu'il déclarait que tous les intérêts engagés avaient entre eux une telle connexité, qu'il y aurait injustice à séparer la cause des différents industriels du pays, que toute mesure isolée serait injuste par cela même qu'elle serait partielle.

Et cependant que fait-on aujourd'hui, messieurs ? En donnant satisfaction aux armateurs et aux commerçants, ne sépare-t-on pas par hasard les intérêts de ces derniers des intérêts d'autres industriels qu'on laisse isolés ; ne fait-on pas une chose que, il y a un an, on qualifiait d'injuste, en tardant de redresser des griefs les plus fondés qu'on ne cesse d'articuler contre le tarif des douanes ?

Vous le voyez, toutes ces récriminations contre le mode de procéder du cabinet du 12 août et de celui qui lui a succédé n'étaient que des expédients mis en avant pour gagner du temps ; c'était, dirai-je, un faux fuyant pour échapper autaut que possible à la nécessité de prendre des mesures bonnes, avantageuses à la généralité des citoyens, mais qui froissaient peut-être les intérêts de quelques privilégiés.

Toutefois, je suis loin de me plaindre, comme vous le concevez, de ce revirement dans la conduite du cabinet, je suis loin de lui faire un grief de ce qu'il a présenté isolément un projet de loi destiné à réformer seulement notre régime commercial et à modifier une partie de notre tarif douanier.

Au contraire j'applaudirais à sa manière d'agir s'il avait fait un pas de plus dans cette voie ; c'est-à-dire s'il était venu demander en même temps d'abolir des droits qui depuis longtemps n'ont plus leur raison d'être, des droits dont le pays réclame vivement la suppression, parce qu'ils constituent une injustice criante envers le plus grand nombre, en consacrant des privilèges exorbitauts en faveur de quelques intérêts privés.

Je veux parler, messieurs, des droits d'entrée sur la houille, la fonte et le fer.

Car j'aurais voulu également la suppression définitive des droits sur la houille, parce que si même cette matière première peut entrer aujourd'hui provisoirement dans le payé en franchise de droit, je suis convaincu qu'il n'y a que la stabilité dans nos lois douanières qui puisse exercer une influence salutaire sur le prix de ce combustible et faire que nous l'obtenions à meilleur compte.

Mais la section centrale ayant décidé que pour le moment il n'y avait pas lieu de s'occuper de cette question, attendu que les charbons de terre seront encore pendant longtemps libres à l'entrée, je n'insisterai pas sur ce point.

Il est certain, d'ailleurs, qu'on ne rétablira jamais le droit ancien sur le charbon de terre, et que cette question ne tardera pas à être soumise à notre examen, qu'elle le sera avant l'expiration de la loi temporaire que nous avons dernièrement votée.

Je reproduirai donc seulement la proposition que j'ai faite en section centrale de déclarer libre à l'entrée la fonte et les fers.

Messieurs, je savais bien qu'on repousserait cet amendement, en. soutenant qu'il est inopportun, qu'on en demanderait l'ajournement.

N'est-ce pas là le rôle que joue le ministère quand il s'agit de donner une satisfaction légitime à des intérêts trop longtemps méconnus ? N'est-ce pas la conduite qu'il a tenue quand la question du minerai de fer s'est présentée devant vous ?

Ce rôle est, en effet, le plus commode, s'il n'est pas le plus glorieux. Pour étayer une demaude d'ajournement des prétextes plus ou moins futiles suffiront, on n'a pas besoin de faire preuve de grande énergie, ni de faire voir la faiblesse du système qu'on soutient, en entrant dans le cœur de la question.

L'on vient de vous dire que ce n'est pas dans ce projet de loi, qui ne concerne que notre régime commercial, que des objets qui figurent dans la loi du 19 janvier 1854, qu'il faut classer l'industrie si importante du fer, qu'on ne peut traiter celle-ci exceptionnellement, d'une autre manière que d'autres industries.

Car on a oublié, comme on dit, pour l'opportunité de la cause, que l'on a présenté un projet de loi isolé qui donne seulement satisfaction à quelques intérêts ; on a oublié qu'on réduit les droits d'entrée sur les matériaux servant à la construction des navires et sur ceux-ci même, quoiqu'ils ne soient pas compris dans la loi de 1854, et l'on ne se rappelle pas que le fer est entré pour beaucoup dans la construction des navires, et que nos lois fiscales sont cause que les grandes sociétés du pays trouvent du profit à les faire construire à l'étranger, eu Hollande par exemple.

Ce sont là, il faut l'avouer, des moyens bien petits qu'on oppose timidement à des mesures larges que réclame instamment l'opinion publique qui n'est ici que l'écho de ce que proclame le sens commun.

Il faut, messieurs, fermer les yeux à la lumière pour ne pas voir ce qui se passe autour de nous, pour ne pas voir cette tactique ; tous ces expédients ont fait leur temps et viennent infailliblement se briser contre la volonté générale légalement manifestée, contre cette volonté qui exige qu'on n'enrichisse pas les uns au détriment des autres.

Si vous voulez être juste, si vous voulez maintenir toutes nos industries à la hauteur où elles se sont placées, il est temps de leur donner (page 1522) la fonte et le fer, cette matière première qui leur est indispensable au meilleur marché possible.

Je ne désire certes pas que les hauts fourneaux s'éteignent, ce qui du reste n'est pas à craindre.

Je désire au contraire que ces établissements restent prospères, mais qu'ils restent tels avec la libre concurrence, alors et seulement alors les gains qu'ils feront seront légitimes et à l'abri de tout reproche, tandis que si c'est le régime protecteur qui assure les profits, ceux-ci sont illégitimes et deviennent, dirai-je même, odieux.

Demandons-nous d'ailleurs pour le fer une chose si extraordinaire ? Jetons un moment un regard én arrière et voyons en peu de mots ce qui s'est passé.

Sous le gouvernement des Pays-Bas la fonte ne payait à l'entrée que 25 cents par 100 kil., est-ce que ce droit si minime, ce droit de balance a empêche la construction de plusieurs hauts fourneaux, le maintien et le développement de l'industrie sidérurgique ?

En 1831, ce droit fut porté à un florin et ce n'est qu'en 1845 pendant une crise survenue dans l'industrie métallurgique qu'il fut augmenté et fixé au taux actuel de 5 fr. les 100 kil.

Les intéressés disaient alors que cette augmentation ne devait être que temporaire que le droit de 2 fr. (veuillez bien le remarquer) était suffisant dans les conditions ordinaires et normales, qu'il permettait aux maîtres de forge indigènes de soutenir la concurrence avec l'Angleterre.

En présence de ce langage ne doit-on pas s'étonner de ce que l'on vienne aujourd'hui vous demander de maintenir, par un ajournement, un état de choses exceptionnel établi dans un moment de crise ?

Ne doit-on pas s'étonner qu'on repousse même le droit de 2 francs, q"ue l'on a proclamé dans des temps moins prospères être suffisant pour garantir les intérêts engagés dans l'industrie sidérurgique ?

Le droit actuel était temporaire, les intéressés l'ont reconnu, il était commandé par des circonstances exceptionnelles, ils en conviennent, pourquoi donc lorsque ce qui y a donné lieu a cessé, lorsque ies conditions sont devenues meilleures, maintiendrions-nous l'aggravation de droit établie temporairement ? Pourquoi même n'irions-nous pas un peu plus loin ; c'est-à-dire ne supprimerions-nous pas tout droit sur la fonte et le fer ?

Veuillez, messieurs, relire le travail remarquable de l'honorable rapporteur de la section centrale et demandez-vous si ce document ne renferme pas les arguments les plus pressants, les chiffres les plus concluants en faveur de ma proposition.

Il constate, en effet, que les droits proposés par la section centrale présentent encore l'énorme protection de plus de 20 p. c, que la fonte d'affinage d'Ecosse et de l'Angleterre, (non compris les frais de déchargement et de transport de nos ports vers l'intérieur du pays) reviendrait rendue à bord du navire dans un de nos ports de mer, respectivement à 12 fr. 25 c. et 16 fr. 79 c les 100 kilog., tandis que le prix de la fonte belge n'est que de 11 fr. à 11 fr. 50 c.

En Belgique le prix des rails est de 22 fr. 80 c. les 100 kil. celui du fer en barres de 24, 20 et 28 fr. et des rails venant de l'Angleterre coûteraient au moins 24 fr. 10 c, le fer en barres 24 fr. s'il est de qualité inférieure et 28 fr. 74 s'il est meilleur. Il en est de même des prix du fer en verges.

Aussi, en présence de ces faits, l'honorable rapporteur de la section centrale avoue-t-il que, s'il nous arrive de la fonte de l'étranger, en établissant un droit de 2 fr., ce ne sera qu'exceptionnellement et guère d'autre qualité que de la fonte de moulage et en faible quantité, fonte, d'ailleurs, dont nous usons peu.

Or, est-ce là le résultat que la section centrale a voulu obtenir ?

A quoi bon réduire les droits existants, si, de l'aveu même du rapporteur de la section centrale, ceux qui les remplaceront doivent produire le même effet, s'ils sont un obstacle à ce que la fonte et les fers étrangers puissent soutenir la concurrence avec nos produits ?

Pourquoi accorder encore une protection de plus de 20 p. c. à une marchandise qui se vend à meilleur compte en Belgique que celle qu'on ferait venir des pays étrangers ? à une marchandise qui sur tous les marchés du monde fait concurrence avec succès aux produits de l'Angleterre et des autres pays ?

Car, messieurs, veuillez-le remarquer, pendant les trois dernières années, nous avons vendu dans le Zollverein, la France, les Pays-Bas et d'autres pays l'énorme quantité de 251,000 tonnes de fonte et plus de 50 millions de kilogrammes de fer en barres, rails, etc., etc.

Nous exportons nos fers non seulement pour les pays limitrophes, mais encore pour les pays d'outre-mer, nous en avons fourni aux Etats-Unis, dans les villes hanséatiques, en Turquie et même dans les possessions anglaises, et nous les exportons vers tous ces pays, sans qu'ils jouissent d'aucune faveur sur les fers anglais, ou autres, car il ne faut pas oublier que les avantages qu'on nous accordait sont supprimés et que notre industrie métallurgique doit payer des droits de douane qui en France, sont de 4 fr. 20 c, et dans le Zollverein, de 2 fr. 50 c. les 100 kil.

Pourquoi donc, je le répète, maintenir des droits protecteurs sur cette matière première ?

Mais, dira-t-on peut-être, si vos allégations sont exactes, la suppression de tout droit d'entrée sur la fonte et le fer n'exercera aucune influence sur le prix de ces marchandises en Belgique, puisque nos voisins ne pourront nous les fournir à meilleur compte.

Je répondrai d'abord, messieurs, à cette objection que cela fût-il même vrai, l'abolition de tout droit d'entrée aura pour résultat de faire disparaître des entraves toujours nuisibles à l'industrie et au commerce, de leur laisser une grande liberté d'action pour se procurer avec facilité ce qui leur est nécessaire.

Vous savez combien les qualités d'une même matière qu'emploie l'industrie sont différentes et nombreuses et certes nous ne les produisons pas toutes ni avec la même perfection, aussi devons-nous nous procurer à l'étranger des fontes, certaines qualités de fer, des tôles au bois par exemple, que nous ne faisons pas ; eh bien la suppression de tout droit de douanes donnera à nos industriels la faculté de choisir la matière première la plus propre, la mieux appropriée aux travaux auxquels ils la destinent et c'est ainsi qu'en donnant en même temps à nos industriels de quoi les faire prospérer, nous faciliterons l’échange de nos produits contre les produits étrangers.

D'ailleurs, est-il bien certain que le maintien de droits protecteurs ne sera pas cause que la fonte et le fer belges se vendront plus cher dans le pays qu'à l'étranger ?

La chambre de commerce de Verviers constate que la fonte belge se vend moins cher sur le marché de Rotterdam que sur ceux de Liège et de Charleroi et elle produit des chiffres et des calculs à l'appui de ce qu'elle avance.

Il est en outre consigné dans son rapport que les fontes belges de moulage se vendent à Paris pris en magasin les 100 kil. fr. 18 50

Or, pour calculer le prix auquel devrait se vendre en Belgique, cette même quantité de fer, il faut évidemment déduire de ces fr. 18 50 cent. 1° les droits d'entrée en France fr. 4 40, 2° les frais de transport de Charleroi à Paris fr. 1 50. En tout fr. 5 90.

Il reste donc pour prix de 100 kil.de fonte au maître de forge belge fr. 12 60.

Et cependant ce même maître de forge qui ne peut obtenir que 12 fr. 60 de 100 kil. de fonte qu'il vend à Paris, en exige en Belgique, 19 fr. Différence en plus fr. 3 40.

N'est-ce pas, s'écrie avec raison la chambre de commerce de Verviers, un scandale, n'est-ce pas le cas de dire qu'il faut plaindre la Belgique de ce qu'elle est riche en minerais de fer et en houilles, puisque nous, nation qui produisons de la fonte, nous la payons plus cher que la Hollande qui n'en produit pas.

Ainsi c'est afin que les hauts fourneaux belges, protégés par des droits que la section centrale regarde comme prohibitifs, ne soient plus les maîtres absolus du marché intérieur et ne nous vendent plus la fonte à un prix plus élevé qu'aux étrangers, que nous demandons aussi la libre entrée de la fonte et des fers.

En présence de ces faits, on aurait certes mauvaise grâce de soutenir que nous voulons compromettre bien des intérêts, jeter la perturbation dans l'industrie métallurgique, que celle-ci sera ruinée, parce que notre marché serait inondé des produits de l'étrauger.

C'est là, si je puis le dire, de l'histoire ancienne, ce sont des déclamations qui surgissent chaque fois qu'on touche à un article du tarif des douanes, des appréhensions au moyen desquelles on cherche à nous effrayer.

N'était-ce pas ce qu'on ne cessait de nous répéter, lorsque nous avons réduit les droits d'entrée sur les denrées alimentaires ? Ces fatales prédictions se sont-elles réalisées ?

Quant à moi, messieurs, je ne puis accepter pour nos maîtres de forge si actifs, si intelligents, l'espèce de brevet d'incapacité qu'on leur délivre gratuitement.

Je n'admets pas qu'on puisse proclamer avec vérité devant les consommateurs étrangers cet état d'infériorité, qu'on puisse leur dire que nous ne savons produire ni aussi bien ni à aussi bon compte que nos voisins la fonte et le fer dont ils ont besoin et qu'ils voudraient se procurer chez nous.

Vous parlerai-je maintenant, messieurs, du mal qu'on fait à toutes les autres industries en les condamnant sans nécessité aucune à payer le fer au-delà de ce qu'il vaut ?

Vous rappellerai-je que l'industrie manufacturière a le droit de prétendre qu'on n'apporte aucune réduction au tarif qui porte sur les produits fabriqués avant d'avoir affranchi les matières premières et les instruments du travail et qu'il y a en quelque sorte deni de justice à refuser plus longtemps de donner cette satisfaction à l'agriculture qui a vu abolir les droits qui la protégeaient, sans compensation.

Non, messieurs, ces considérations sont trop frappantes pour que j'aie besoin de les développer.

Loin donc d'ajourner la mesure que nous proposons, c'est par elle qu'il faut commencer la révision de notre régime commercial et douanier, sous peine de rester dans une immobilité absolue au milieu du mouvement qui se fait autour de nous, sous peine de dessécher les ressources du revenu public.

Vous ne voudrez pas, messieurs, encourir une telle responsabilité. En adoptant mon amendement, vous saurez vous mettre au-dessus des préjugés que propagent quelques industriels privilégiés, vous saurez combattre (comme on l'a déjà dit) un fantôme que leur imagination a créé et que votre raison doit aisément dissiper.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, les observations que j'ai tout à l'heure soumises à la Chambre avaient pour objet de (page 1523) démontrer que la proposition de la section centrale n'était pas recevable comme amendement, c'est-à-dire qu'elle constitue un projet de loi ; qu'ainsi elle ne peut être présentée que comme provenant de l'initiative d'un ou de plusieurs membres qui doivent remplir les formalités voulues par notre règlement.

Je ne vois d'ailleurs pas, je le répète, l'intérêt qu'on peut avoir à persister dans cette proposition après la déclaration que j'ai faite ; je ne veux pas apprécier la mesure en elle-même, je la combats, en ce moment, parce que je trouve que la marche régulière du gouvernement serait entravée.

Si on admettait des précédents semblables, si à propos d'articles du tarif des douanes que le gouvernement croirait devoir modifier, on avait la faculté de paralyser son action en le forçant d'en accepter d'autres dans le même projet...

- Plusieurs voix. - Cela s'est toujours fait.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Oui, lorsque le gouvernement ne s'y est pas opposé. Il est impossible de faire marcher convenablement les affaires, si l'on agit de la sorte ; le gouvernement rencontrera sans cesse des obstacles, et comme je le disais tout à l'heure, au lieu d'obtenir des résultats plus larges on ne fera que des efforts stériles. Je propose une loi importante, je suis convaincu que si l'on y introduit de nouvelles dispositions, le temps nous manquera pour les conduire à bonne fin, un amendement tel que celui qui nous est présenté ne sera admis ou rejeté qu'après de longues discussions ; il arrivera donc qu'une loi désirée par le pays sera de nouveau ajournée et que des grands intérêts resteront en souifrance.

Si l'honorable membre et la section centrale persistent dans leurs propositions, je demande la question préalable.

Je fais particulièrement appel aux hommes qui ont passé au pouvoir ; si on admet dans un projet de loi l'introduction d'articles aussi importants et qui ne rentrent même pas naturellement dans son cadre, je demande si ce n'est pas tomber dans une véritable confusion. Je ne vois pas où l'on s'arrêtera dans cette voie ; pourquoi n'y introduirait-on pas bien d'autres articles qui, au point de vue des idées qui ont été développées par les honorables préopinants, devraient aussi y trouver place ?

Si le gouvernement n'avait pas spontanément soumis ce projet à la Chambre, personne n'aurait, à la fin de la session, pris l'initiative d'une proposition spéciale relativement aux fers et aux fontes. C'est donc parce que je satisfais en partie aux désirs des honorables membres que l'on veut forcer le gouvernement à accepter des modifications à l'égard desquelles il ne croit pas devoir se prononcer quant à présent ! Cela n'est certes pas encourageant.

Je demande la question préalable sur les propositions relatives aux fers et aux fontes ; je le répète, c'est le seul moyen d'arriver à un vote sur les autres objets importants compris dans le projet de loi.

M. le président. - Je propose à la Chambre de continuer la discussion générale et d'attendre pour statuer sur la question préalable, que nous en soyons arrivés à l'article relatif aux fers.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Je demanderai en ce cas, par motion d'ordre, qu'on ne s'occupe pas de cet objet avant d'arriver à l'article qui le concerne.

M. le président. - La parole est à M. Sinave.

M. de Renesse. - Je demande la parole sur la question préalable, j'en ai le droit aux termes du règlement.

Messieurs, je ferai remarquer à la Chambre, que toujours, lorsqu'on a soumis aux délibérations de la législature des modifications au tarif douanier, les sections et les sections centrales ont eu le droit de proposer des amendements, et si, dorénavant, cela ne pouvait plus avoir lieu, les sections et les sections centrales n'auraient plus qu'à dire oui ou non sur les propositions faites par le gouvernement. On retirerait donc à la Chambre un droit formel qu'elle tient de la Constitution de proposer des amendements.

Je crois devoir m'opposer à la question préalable.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - L'honorable membre donne aux observations que j'ai faites une portée qu'elles n'ont pas. A mon avis, des sections ou des sections centrales ne peuvent pas introduire d'autres articles dans un projet de loi ayant pour but spécial de modifier certains articles de notre tarif, si ce n'est avec l'assentiment du gouvernement.

Ce n'est pas à dire que les sections n'aient plus rien à faire, comme le suppose l'honorable comte de Renesse, elles peuvent proposer de modifier les droits sur les articles compris dans le projet du gouvernement ; ainsi elles peuvent proposer la libre entrée, l'augmeatation ou l'abaissement du droit. C'est aussi le droit de chaque membre de cette Chambre pendant la discussion. Mais ce que je dénie, c'est le droit d'ajouter d'autres articles à ceux qui sont compris dans le projet du gouvernement.

Il y a un champ très vaste pour l'exercice du droit d'amendement, tout en se renfermant dans les limites des projets présentés.

M. Van Iseghem, rapporteur. - Je serais de l'avis de l'honorable ministre des finances si la question des fontes et des fers était une question tout à fait neuve, une question qui n'eût pas été depuis longtemps examinée, et je déclare que je m'opposerai aussi à ce qu'on introduise dans une loi un article qui n'a pas fait l'objet d'une enquête et d'une instruction complète ; mais pour la fonte et le fer la position est tout autre.

En 1853, le gouvernement est venu lui-même nous présenter un projet de loi comprenant la question des fers ; il a présenté ce projet après avoir consulté toutes les chambres de commerce du pays ; le projet a été examiné par les sections, et c'est même l'honorable M. Mercier, alors rapporteur de la section centrale, qui est venu présenter à la Chambre la même proposition que la section centrale présente aujourd'hui, proposition qui fut adoptée dans le temps par six voix contre une.

Je ne comprends donc pas comment l'honorable ministre des finances peut dire que c'est une question qu'on veut introduire à l'improviste devant la Chambre.

Il y a quelques jours, lorsqu'on est venu nous proposer diverses lignes de chemin de fer, j'ai voté pour la question préalable présentée par l'honorable M. Orts. Je l'ai fait parce qu'aucune ligne n'avait été étudiée et je combattrai toutes les propositions qui surgissent à l'improviste ; mais je vous répète que tel n'est pas le cas du fer.

Je m'oppose donc, au nom de la section centrale, à l'adoption de la proposition faite par M. le ministre des finances.

M. Moncheur. - Il me semble que le précédent qui s'est passé il y a quelques jours, à la Chambre, donne la solution de la question qui s'agite aujourd'hui devant vous.

En effet qu'a-t-on dit à l'occasion de la discussion de la loi sur les chemins de fer ? On a dit ceci : Lorsqu'un projet de loi est proposé par le gouvernement à la législature, il est certain qu'on peut faire à ce projet tous les amendements qu'il comporte.

Mais lorsque à propos de ce projet on introduit une proposition qui constitue un projet nouveau, il est évident qu'alors, le gouvernement ne s'y ralliant pas, il ne peut être discuté par la Chambre. Voilà la distinction importante, la distinction radicale que l'honorable M. Frère, si j'ai bonne mémoire, a fait prévaloir dans celle Chambre. Il a dit : De deux choses l'une ; ou le gouvernement se rallie à la proposition nouvelle faite par la section centrale ou par un des membres de la Chambre, ou il ne s'y rallie pas.

S'il s'y rallie, pas de difficulté. Mais s'il ne s'y rallie pas, il est évident qu'alors le règlement s'oppose à ce qu'il devienne l'objet d'une discussion immédiate.

Je crois donc, messieurs, que dans la forme il y a des motifs péremptoires pour ne pas admettre à la discussion la proposition de l'honorable M. Moreau et celle de la section centrale. Illfaut que ces propositions passent par la filière ordinaire qu'exige le règlement.

M. Loos. - Messieurs, si le gouvernement vient opposer à l'action des sections centrales les prérogatives du gouvernement en fait d'examen de tarif des douanes, je ne crois pas que nous arrivions jamais à examiner aucune modification importante à notre régime douanier.

Comment ! messieurs, le gouvernement propose d'affranchir de toute protection les constructions navales. Certainement le fer est un des éléments les plus importants de cette construction. La section centrale chargée d'examiner les propositions du gouvernement trouve qu'il y aurait injustice à affranchir de toute protection une industrie importante si en même temps on n'abaisse pas les droits sur certaines matières premières. La section centrale décide qu'il n'y aurait pas équité, qu'il n'y aurait pas justice à accepter les propositions du gouvernement sur un point si en même temps on n'en admet pas un autre.

Si tel n'est pas le droit de la section centrale, messieurs, je crois que la prérogative ministérielle nous empêchera d'examiner jamais un tarif des douanes.

Il est impossible qu'une question examinée comme celle du droit sur les fers ne doive pas se produire toutes les fois qu'il s'agira du tarif des douanes.

Dans toutes nos discussions, toutes les fois qu'on est venu nous parler d'abaissement des droits de douane sur les matières premières, on a immédiatement proposé les fers qui sont la matière première de toutes nos industries et la Chambre a suffisamment témoigné qu'elle ne voulait pas examiner un abaissement de tarif à moins que les fers n'y fussent compris. En effet, il y aurait injustice à voter l'abaissement de toute protection sur une quantité de matières qui figurent au projet du gouvernement, si en même temps on ne pouvait examiner la question de l'abaissement des droits sur le fer.

Quant à moi, quelque disposé que je sois à entrer dans le système le plus libéral possible, quel que soit mon désir d'y arriver le plus tôt possible, je voterai contre le projet de loi, si nous ne pouvons pas y comprendre la question des droits sur les fers.

M. Rodenbach. - Messieurs, je suis partisan de la libre entrée des fontes et des fers, et lorsque l'occasion s'en présentera, je la voterai. Mais est-ce bien à la fin d'une session que nous pouvons discuter une question de cette importance ?

Les élections ont lieu le 10 juin. J'entends dire que la proposition de l'honorable M. Moreau devra être renvoyée à la section centrale, mais dans ce cas, ce n'est pas avant trois ou quatre jours que cette questioa pourra être décidée.

D'autre part le ministère ne se rallie pas à la proposition. Vous aurez des représentants des districts miniers qui voudront aussi faire entendre leur opinion. Dans ces circonstances et bien que partageant l'opinion de l'honorable M. Moreau, je crois que la session est trop avancée pour discuter en ce moment la question des fers.

(page 1524) M. Lesoinne. - J'engage l'honorable ministre des finances à ne pas insister sur la question préalable. Nous avons voté dans une des séances précédentes une réduction de droits à l'entrée sur les machines et mécaniques. Ces droits sont réduits respectivement, si ma mémoire est fidèle, à 5 fr. et 7 fr. 50 c. Or, n'existe-t-il pas une espèce de contradiction à diminuer les droits sur les objets fabriqués et à laisser peser des droits prohibitifs sur les matières premières ? Les droits sur le fer, proposés par la section centrale, sont encore, comme vous l'a dit l'honorable M. Moreau, de 20 p. c, et à ce taux ils seront encore prohibitifs. Aussi ne les accepterais-je que d'une manière temporaire, si l'amendement de l'honorable M. Moreau n'était pas adopté.

Si la question préalable est écartée, je tâcherai de prouver que l'abolition complète de tous droits ne présente pas le moindre danger pour l'industrie sidérurgiqne.

M. Osy. - Messieurs, la section centrale a introduit dans le projet de loi l'article « fers », parce que, comme l'a très bien dit l'honorable M. Loos, c'est un corollaire de la réduction à 5 fr. du droit d'entrée sur les navires. Comment ! nous abaissons les droits d'entrée sur les navires étrangers de 15 à 5 fr., et nous ne donnerions pas à nos concitoyens les moyens de pouvoir lutter avec l'industrie étrangère en leur permettant de se procurer à meilleur compte les matières nécessaires à la construction des navires ? Je le répète, l'une des propositions est le corollaire de l'autre.

La question des fers, d'ailleurs, est complètement instruite. L'honorable M. Mercier lui-même l'a examinée dans le rapport qu'il nous a fait sur les propositions de l'honorable M. Liedts. La question est mûre ; il est plus que temps que nous nous en occupions.

Je voterai donc contre la question préalable et je m'expliquerai plus tard sur l'amendement de l'honorable M. Moreau.

Mats en attendant, je crois que nous devons insérer dans la loi l'article « fer » qui est tout à fait connexe avec la loi en discussion.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - La question que j'ai soulevée est une question gouvernementale, une véritable question du principe ; ce que la Chambre décidera, elle le décidera pour tous les cas analogues. Il sera dit que lorsque le gouvernement proposera des modifications au tarif des douanes, chacun aura le droit d'y introduire tous les articles nouveaux qu'il lui plaira, sans se donner la peine de déposer une proposition de loi dans la forme prescrite par le règlement ; ce sera en vain qu'on aura réglé le droit d'initiative parlementaire. A mon avis il y a abus et confusion lorsqu'on introduit dans un projet de loi de tarif des articles importants qui ne se rapportent pas directement à ce projet.

M. Prévinaire. - L'honorable ministre des finances vient de dire que c'est une question de principe que la Chambre va résoudre en se prononçant sur la question préalable.

C'est précisément parce que M. le ministre des finances a proposé la question préalable comme un principe, que je ne puis y adhérer.

Je crois que le tarif des douanes est un tout dont les parties sont liées les unes aux autres. Des observations présentées par les honorables MM. Loos et Osy sont péremploires.

Il est impossible, en présence d'une proposition de modification au tarif des douanes qui intéresse une industrie importante du pays, que vous n'admettiez pas que cette proposition ne puisse être amendée de manière à établir une compensation.

Le projet du gouvernement propose la libre entrée du lin brut ; par compensation, peut-on raisonnablement interdire à la Chambre le droit d'introduire dans la loi une réduction sur certains droits d'entrée qui grèvent les objets nécessaires à la production agricole.

Il en est de même pour les industries qui emploient le fer. Du moment que vous avez réduit les droits à l'entrée des machines, vous devez, pour être logiques, réduire les droits sur le fer.

La question préalable était parfaitement admissible dans la discussion du projet de loi relatif à la concession de plusieurs lignes de chemins de fer. Là il s'agissait de ne s'occuper que de questions complètement instruites. Mais ici la question du fer est complètement instruite En effet, l'honorable M. Mercier, comme rapporteur du projet de loi qui avait été présenté par l'honorable M. Liedts, a fait, au nom de la section centale, la même proposition qui vous est faite aujourd'hui.

Il dit qu'il présentera un projet de projet de loi à la prochaine session. Evidemment c'est une question de temps. L'honorable M. Mercier n'en a pas fait une question de prérogative. Mais il craint que la discussion du projet de loi ne soit entravée. Cette crainte ne me paraît nullement fondée. Je ne vois aucun inconvénient à ce que l'on discute la question du fer, la seule probablement qui sera discutée.

M. de Mérode. - Lorsque le gouvernement s'oppose à un amendement d'une portée aussi grande que celui qui est soumis à la Chambre, on ne peut le comprendre sans examen dans la discussion.

On vous dit que cette abolition des droits sur le fer est connexe à la protection accordée à la construction des navires. Mais la construction des navires est une industrie bien secondaire comparativement à celle de la métallurgie de tout le pays. Si l'on croit que la construction des navires ne peut s'accomoder de l'abaissement de droits proposé par M. le ministre des finances, qu'on laisse le droit qui protège maintenant cette industrie.

Avec un gouvernement constitutionnel, si l'on veut qu'il dure, il faut lui laisser la part qui lui revient. Si, quand le gouvernement propose des lois, vous les bouleversez de fond en comble, qu'arrivera-t-il ? Qu'il n'en proposera plus. Il fera mieux de n'en proposer aucune. Il abandonnera tout à l'initiative des membres de la Chambre, sur qui pèsera la responsabilité. Puis quand les propositions de lois auront été admises, par les sections, par la section centrale, et même par deux Chambres, il aura le droit de ne pas les sanctionner ; car c'est ainsi qu'est fait notre gouvernement.

Je ne puis admettre la proposition de la section centrale qui est dans un tout autre ordre d'idées que le projet du gouvernement.

J'ai entendu l'honorable M. Moreau, et je n'ai trouvé dans son discours que les lieux communs que l'on prêche constamment, quand il s'agit de libre échange. Ainsi l'on nous dit : l'Angleterre a supprimé toute protection. Nous devons être les singes de l'Angleterre. C'est ce que je n'admets pas.

Vous ferez comme la grenouille qui voulait imiter le bœuf. Chaque fois que vous avez voulu singer l'Angleterre, vous vous en êtes mal trouvés. Il en sera encore de même.

Vous avez dit que les maîtres de forges devaient être assez habiles pour lutter contre ceux des autres pays.

M. Moreau. - Je n'ai pas dit cela.

M. de Mérode. - Qu'avez vous dit ?

M. Moreau. - J'ai dit que les mailres de forges étaient assez adroits, assez intelligents, assez actifs pour produire le fer à aussi bon compte qu'en Angleterre, et qu'on ne devait pas leur délivrer un brevet d'incapacité en maintenant sur le fer des droits prohibitifs.

M. de Mérode. - Eh bien, c'est ce que je voulais dire. Si je n'ai pas reproduit textuellement les paroles de l'honorable membre, j'ai, au moins, traduit fidèlement sa pensée.

Je disais, messieurs, que les maîtres de forges français, par exemple, ne sont pas plus maladroits que d'autres, et cependant il leur serait impossible de lutter avec les maîtres de forges anglais ; si le gouvernement français ne protégeait pas leurs usines, il y en a beaucoup qui devraient se fermer ; en temps de guerre on refuserait à la France le fer anglais et elle pourrait se battre avec des bûches.

Je dis, messieurs, pour terminer que puisque le gouvernement n'admet pas l'amendement, qui est d'une importance si considérable, on ne doit pas l'introduire aujourd'hui dans la loi et qu'il est à propos de voter la question préalable comme on l'a votée pour tous ces chemins de fer qu'on nous proposait. Si l'honorable M. Orts n'était pas parvenu, à l'aide de la question préalable, à nous débarrasser d'une foule de projets, nous ne pouvions pas en sortir.

Nous serons dans la même position si on refuse la question préalable sur l'objet qui nous occupe : le projet ne passera pas.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, je dois réfuter une objection qui a été faite tout à l'heure. Un honorable membre a dit qu'il faut du fer dans la construction des navires, et a tiré de ce fait la conséquence que l'article relatif au fer pouvait être présenté comme amendement ; mais je demanderai d'abord quelle est celle des deux industries qui est la plus importante ? La métallurgie, en Belgique, a une tout autre importance que la construction des navires, au moins jusqu'à présent. Je désire que les constructions maritimes prennent un très grand développement, mais nous devons bien en convenir pour le moment, c'est une industrie assez secondaire à côté de celle de la métallurgie. D'un autre côté le fer entrant dans la construction des navires ne forme qu'une infime partie de ce produit. L'objection pêche donc sous ce point de vue.

Mais, messieurs, elle manque encore de fondement sous un autre rapport ; si elle était juste on ne devrait pas s'arrêter au fer ; il faudrait réduire immédiatement les droits sur tous les articles qui entrent dans la construction ou qui sont à l'usage des navires. Ainsi, par exemple, en ce qui concerne les voiles, je ne vois pas pourquoi l'on ne proposerait pas d'abaisser les droits sur les tissus de lin.

Si nous examinions la chose de près, nous trouverions une foule d'articles sur lesquels il faudrait abaisser les droits pour favoriser la construction des navires, si l'on suivait le principe qui a été invoqué par l'honorable membre pour comprendre le fer dans le projet de loi.

On a dit que, comme rapporteur d'une section centrale, j'ai appuyé le droit de 2 francs ; d'abord, messieurs, je n'avais pas appuyé ce droit dans la section centrale ; mes collègues de la section centrale le savent bien, je l'ai repoussé au contraire ; je ne veux toutefois rien préjuger sur les propositions que le gouvernement fera à cet égard dans la session prochaine je n'ai eu qu'un but c'est de repousser cette espèce d'argument ad hominem qu'on m'avait opposé.

M. Rogier. - Je regrette que M. le ministre des finances ait soulevé la question préalable, qu'il n'ait pas attendu pour le combattre directement la discussion de l'article ; maintenant il est difficile de combattre la question préalable sans entrer dans la discussion du fond même. Je dirai seulement que la proposition n'est pas faite à l'improviste par un membre, elle émane de la section centrale qui l'a parfaitement étudiée.

La proposition est si peu nouvelle que déjà l'année dernière elle a été faite par le gouvernement et par l'honorable M. Mercier lui-même ; au nom de la section centrale à la suite d'une enquête auprès des chambres de commerce. Il n'est pas de question qui ait été étudiée (page 125) d'une manière plus approfondie, ellaseciion centrale de l'année dernière avait adopté à la majorité par six voix contre une, la proposition qui est reproduite par la section centrale de cette année.

Je pense donc que la Chambre est parfaitement en mesure de discuter cette question.

Déjà, messieurs, nous avons supprimé les droits sur les céréales, sur le bétail et sur la houille. Il reste encore le fer, cette matière précieuse d'un grand nombre d'industries, et je ne vois pas pourquoi nous userions de tous ces atermoiements, de tous ces ménagements qui finiront par aboutir à un ajournement indéfini. Puisque la question se présente, j'engage la Chambre à l'aborder résolument et à la résoudre libéralement.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, j'ai eu soin, tout à l'heure, de faire remarquer à la Chambre que j'avais, comme rapporteur, présenté le droit de deux francs, mais j'ai ajouté que je ne l'avais pas adopté personnellement. J'ai, en effet, appuyé le droit proposé par le gouvernement, c'est-à-dire celui de 3 et de 6 francs ; mais, comme rapporteur, j'étais obligé de présenter les chiffres qui avaient été admis par la majorité de la section centrale.

Maintenant, messieurs, je soutiens simplement que cette question est étrangère au projet de loi et qu'on ne doit pas l'y introduire. La discussion a été assez longue sur ce point, que la Chambre se prononce, mais à chacun sa responsabilité. Quant à moi, j'ai fait connaître l'opinion du gouvernement ; je crois avoir rempli un devoir.

M. Vandenpeereboom (contre la clôture). - Je désire présenter une seule observation contre la question préalable. Je serai très court.

- - Plusieurs membres. - Parlez ! parlez !

M. le président. - Si on n'insiste pas sur la demande de clôture, je donnerai la parole à M. Vandenpeereboom.

M. Vandenpeereboom. - Messieurs, je dois m'opposer à la question préalable, d'abord pour les motifs qui ont été indiqués par un grand nombre d'orateurs ; je m'y oppose ensuite parce qu'on l'appuie sur une question de principe très grave. On conteste aux sections centrales le droit d'amender les projets qui leur sont soumis. (Interruption.)

Entendons-nous. Il s'agit de savoir si c'est un amendement. Il est évident que si une section centrale chargée d'examiner une question de tarif, venait proposer un chemin de fer, on pourrait lui en contester le droit, mais quand à propos d'une question de tarif la section centrale propose une modification du tarif, c'est bien là un amendement.

Qu'est-ce qu'amender ? Amender, c'est améliorer. Eh bien, la section centrale, en cherchant à introduire l'article « fer », cherche à améliorer le tarif.

Elle est donc parfaitement dans son droit.

Je dis, messieurs, que cette prérogative doit être striclemcut maintenue.

M. Coomans. - On l'a déniée l'autre jour.

M. Vandenpeereboom. - C'était une autre question : ou demandait un chemin de fer pour Mariembourg, et vous veniez unir à cela un chemin de fer à construire dans la Campine !

En quoi le chemin de fer campinois pouvait-il améliorer les recettes ou le trafic du chemin de fer de Mariembourg ? dans ce cas, il n'y avait pas amendement, mais proposition nouvelle.

La Chambre, jalouse de ses prérogatives, ne doit pas les laisser amoindrir, elle ne peut permettre qu'on lui dénie le droit d'amender ; tous les membres de la législature ont le droit d'amendement ; c'est une conquête de la révolution de 1830 ; c'est une précieuse prérogative que beaucoup d'autres peuples n'ont pas pu conquérir ou n'ont pu maintenir ; ne devons-nous pas veiller avec un soin religieux sur nos droits constitutionnels ?

Ce qui se passe en ce moment nous offre encore un exemple des résultats fâcheux que présentent les discussions sérieuses à la fin d'une session.

On nous saisit, vers la fin des sessions, de questions capitales qu'on ne peut approfondir, faute de temps ; à cette époque de nos travaux, nous votons plus de millions, nous décidons plus de graves questions en deux ou trois séances que nous ne le faisons dans trois mois, à une époque moins avancée de l'année.

Quant à moi, si la question préalable est adoptée, je respecterai nécessairement la décision de la majorité ; mais comme je ne veux pas coopérer aux travaux de la Chambre dans de pareilles conditions, comme je veux avoir le droit de discuter, d'examiner ou d'amender avant de voter, je déclare que, dans ce cas, je prendrai un congé pour le reste de la session, comme un grand nombre d'honorables collègues, qui ne veulent sans doute pas accepter la responsabilité de lois importantes votées avec précipitation.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Je prie la Chambre de croire que je ne fais ces observations qu'avec la conviction profonde que ce que je propose est juste et nécessaire à la marche régulière du gouvernement. Quelle sera la conséquence du système qui vient d'être préconisé par l'honorable préopinant ? C'est qu'à l'occasion d'une modification, quelque légère qu'elle soit, proposée par le gouvernement au tarif douanier, on pourrait supprimer tous les droits, déclarer le libre échange ? (Interruption.)

En vérité, cela va jusque-là. Il est impossible que le gouvernement admette un pareil système.

M. Sinave (pour une motion d'ordre). - Messieurs, à peine la discussion est-elle commencée que nous nous trouvons exactement dans la même position où nous étions il y a deux ?ns. On croit que ce projet n'est rien, mais à chaque instant, vous aurez des observations, et des amendements ; pour ma part j'en ai plusieurs à présenter. Qu'y a-t-îl dès lors à faire, à l'époque de la session où nous sommes arrivés ? Ea vertu de l'art. 4 du projet, la loi ne sera obligatoire que le Ie" janvier 1858 ; qui vous empêche d'ajourner le projet à la session prochaine ? J'en fais la proposition formelle. D'ici là M. le ministre des finances aura complété son projet. Nous ne risquons rien à ajourner.

M. le ministre des finances. — Messieurs, je regretterais vraiment que le projet de loi fût ajourné à la session prochaine ; j'avais lieu de croire qu'on était d'accord sur toutes les dispositions, à l'exception de celle qui concerne le fer ; le projet a été favorablement accueilli par toutes les sections et la section centrale ; nulle part aucune opposition ne s'est produite, je ne devais pas m'attendre à de très longues discussions sur les articles que le gouvernement y avait insérés.

M. Osy. - Je m'oppose à l'ajournement proposé par l'honorable M. Sinave ; la loi a été présentée au commencement de la session ; l'honorable M. Van Iseghem a déposé son rapport le 25 avril. Tout le monde est d'accord, sauf en ce qui concerne l'article « fer » ; pourquoi dès lors ne voterions-nous pas cette loi ? Je demande que la Chambre se prononce d'abord sur la question préalable proposée par l'honorable ministre des finances.

- La discussion sur la question préalable est close.

On demande l'appel nominal sur la question préalable. Il est procédé à cette opération.

60 membres répondent à l'appel.

23 répondent oui.

37 répondent non.

En conséquence, la Chambre n'adopte pas la question préalable.

Ont répondu oui : MM. Ansiau, Boulez, de Decker, de Haerne, Della Faille, F. de Mérode, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, du Bus, Dumon, Faignart, Jacques, Le Hon, Matthieu, Mercier, Moncheur, Rodenbach, Vander Donckt, Van Grootven, Van Overloop, Wasseige et Delehaye.

Ont répondu non : MM. Anspach, Coomans, Coppieters 't Wallant, David, de Bronckart, Delfosse, Deliége, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, de Renesse, de Steenhault, Devaux, Lambin, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lejeune, Lelièvre, Loos, Mascart, Moreau, Osy, Prévinaire, Rogier, Rousselle, Sinave, Tack, Van Cromphaut, Vandenpeereboom, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Vermeire et Vervoort.

- L'ajournement à la session prochaine, proposé par M. Sinave, est ensuite mis aux voix et n'est pas adopté.

M. le président. - La discussion générale reprend son cours. La parole est à M. Sinave.

M. Sinave. - Dans la dernière session, la Chambre a ajourné un projet de loi tendant à modifier partiellement quelques articles du tarif des douanes, et elle a exprimé l'intention formelle de ne plus procéder en cette matière par des mesures provisoires. Dernièrement encore elle a manifesté de nouveau la même résolution par un vote unanime.

L'honorable ministre des finances avait pris l'engagement formel de consulter le pays, et de soumettre à la législature dans la session actuelle un système commercial, industriel et douanier complet.

Pour satisfaire à cette obligation l'honorable ministre a déposé sur le bureau de la Chambre un travail qui dans son opinion constitue la révision des lois relatives au régime commercial.

J'ai l'honneur de faire observer à M. le ministre qu'il a fait nommer par arrêté royal du 29 septembre dernier une commission spéciale à l'effet de faire une étude approfondie de cette grave question, et d'émettre une opinion formelle sur le système définitif qu'il conviendrait d'appliquer utilement à la Belgique.

Le pays attend le résultat de cette enquête avec l'espoir fondé qu'un travail émané de ces hommes compétents sera de nature à résoudre le grand problème depuis si longtemps controversé dans tous les pays.

La première question à résoudre, c'est évidemment celle de doter le pays d'un bon système d'ensemble complet. Le tarif des douanes n'est qu'une question secondaire, celui-ci doit avoir pour base le système qu'on adoptera.

Après un quart de siècle d'attente, il doit être permis d'exprimer le voeu et de dire que le moment est venu d'en finir avec le provisoire, ou il faut désespérer de l'avenir.

Dans le projet de loi on n'aborde pas même les articles dont on réclame la libre entrée. On conserve, au contraire, en faveur de certaines industries le régime des hauts droits prohibitifs et les énormes primes sous toutes les formes, primes qui ont été abolies à d'autres industries auxquelles on refuse même avec obstination de remplir les engagements pris d'abolir les droits à l'entrée des matériaux indispensables pour soutenir la concurrence étrangère. N'en déplaise aux auteurs du (page 1526) projet de loi. C'est par de pareils procédés injustes qu'on détruit le travail national et'qu'on déplace les industries.

Eh bien, messieurs, qu'est-ce qui est arrivé ? On a supprimé les primes pour la construction des navires, il y a plus de 4 ans ; on avait pris la résolution d'abolir en même temps les droits sur tous les matériaux, qui entrent dans cette construction. On dit que ce qui est nécessaire pour la construction des navires est de peu de conséquence.

Or, je prétends, moi, qu'en proposant de réduire le droit sur l'entrée des navires de 15 à 5 francs, on prend une mesure bien plus importante qu'on ne pense.

Savez-vous, messieurs, à quelle somme se montent les droits sur tous les matériaux dont on a besoin pour la construction d'un navire de 400 tonneaux ? Ces droits s'élèvent à 10,000 francs.

Or dix mille francs de droit c'est autre cbose que vos 5 francs ; vous donnez une prime de plus de 30 fr. par tonneau à l'étranger pour introduire des navires dans le pays. Il faut donc commencer par réduire tous les droits au lieu de le faire partiellement ; personne ne contestera que 5 francs par tonneau sur un navire de 400 tonneaux ne fait pour ce navire qu'un droit de deux mille francs, et comme sur les matériaux nécessaires à la construction d'un navire de 400 tonneaux on paye dix mille francs, il en résulte que vous donnez à l'étranger une prime de huit mille francs.

Il est impossible de permettre l'introduction des navires étrangers au droit réduit de 5 fr. par tonneau.

Messieurs, nous sommes à la fin de la session, je ne veux pas prendre le projet article par article, je me bornerai à quelques observations. Que fait-on dans le projet ? On augmente un article, on en diminue un autre, c'est-à-dire qu'on reprend d'une main ce qu'on a donné de l'autre. Je vous demande si c'est ainsi qu'on procède quand on veut adopter un système commercial.

Il faut qu'à chaque article on sache pourquoi on le diminue, pourquoi on l'augmente.

M. le ministre, je vous demande si vous voulez prendre l'engagement de présenter un système complet nouveau, de ne pas vous en référer à vos bureaux, mais de nommer une commission, non pas une commission comme celle qui existe et qui paraît n'avoir pas travaillé, et que cette commission recherche le système qui convient le mieux au pays.

Si c'est le système du libre échange qu'elle adopte, qu'elle s'assure de l'influence que ce système aura sur le travail national ; si on nommait une commission pour ne rien faire, il vaut mieux n'en pas nommer du tout.

Dans le projet, on maintient des primes extraordinaires, de hauts droits pour une infinité d'articles. Aussi peut-on dire que le projet qui nous est soumis ne peut avoir aucun résultat. Puisque M. le ministre déclare qu'il présentera un projet de loi complet, je ne comprends pas qu'il persiste à vouloir faire voter le projet de loi actuel. Il est évident que de la manière dont on a procédé depuis vingt-cinq ou vingt-six ans on a causé la ruine complète de certaines industries.

Nous pouvons à cet égard en dire beaucoup dans la Flandre occidentale ; nos meilleurs ouvriers ont émigré en France où ils ont formé des centres de population considérables, nous laissant les familles qui son*tà charge des bureaux de bienfaisance.

Je demande au ministre s'il a l'intention de nommer une commission sérieuse pour préparer le projet complet qu'il nous a promis.

M. Osy. - Je renonce à la parole. Je me propose de combattre la proposition de M. Moreau et de soutenir celle de la section centrale.

On pourrait, ce me semble, clore la discussion générale et aborder la discussion des articles ; quand on en sera à l'article « Fers », je demanderai la parole.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Je désire donner une explication à l'honorable M. Sinave, qui a fait observer que la loi ne devant être mise à exécution dans son entier qu'au 1er janvier 1858, il n'y aurait pas d'inconvénient à l'ajourner à l'année prochaine.

Si l'honorable membre veut bien lire le dernier paragraphe de l'exposé des motifs, il verra pourquoi il importe de voter actuellement la loi, alors qu'elle pourrait n'être mise à exécution en totalité qu'au 1er janvier 1858.

M. Lesoinne. - Je me propose de soutenir l'amendement de M. Moreau, mais je me réserve de prendre la parole dans la discussion des articles.

- Tous les membres inscrits renoncent à la parole.

La discussion générale est close.

La séance est levée à 4 heures et demie.