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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 16 mai 1856

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1461) M. Maertens procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.

- La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la Chambre

M. Maertens présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.

« Le sieur Louis Poirot à Châtillon, né à Junglestre (grand-duehé de Luxembourg) demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le sieur Hiroux, préposé des douanes à Rance, demande qu'il lui soit compté dix années de service comme aux officiers de volontaires. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Par huit pétitions, des habitants de Bruxelles demandent qu'il y ait dans cette ville une station centrale des chemins de fer de l'Etat et que la ligne directe de Bruxelles à Louvain passe par Cortenberg. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la concession de plusieurs lignes de chemin de fer.


« Par 8 pétitions, des habitants de Bruxelles et de sa banlieue demandent que le chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain passe par Cortenberg. »

« Même demande des habitants de Saventhem, signataires de 2 pétitions. »

- Même décision.


« Des habitants de Forchies-la-Marche prient la Chambre d'autoriser la concession d'un chemin de fer partant de Marchienncs pour se raccorder aux embranchements prévus dans le cahier des charges de la concessîon des chemins de fer du Centre. »

« Même demande d'habitants de Piéton, propriétaires et employés des usines et charbonnages situés sur les communes de Piéton et Forchies-la-Marche. »

- Même décision.


« Le sieur Lehardy de Beaulieu présente des observations concernant le projet de loi sur le recensement général de la population. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« M. le ministre des travaux publics transmet à la Chambre les explications demandées sur les pétitions :

« 1° Des sieurs Lonhienne, demandant qu'un chemin de fer de Liège à Givet par la vallée de l'Ourthe soit concédé ;

« 2° De différents industriels et négociants de la vallée de la Sambre demandant l'exécution du chemin de fer de Tamines à Landen. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi de concession de plusieurs lignes de chemins de fer.

Projet de loi augmentant le nombre des échevins de la ville de Bruxelles

Rapport de la section centrale

M. Dubus. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'augmentation du nombre des échevins de la ville de Bruxelles.

- Ce rapport sera imprimé, distribué, et mis à la suite de l'ordre du jour.

Ordre des travaux de la chambre

M. le ministre des finances (M. Mercier) (pour une motion d’ordre). - Messieurs, la loi relative au droit d'importation sur les machines et mécaoiques expire le 24 de ce mois. Je me proposais de demander à la Chambre de discuter dans la séance d'aujourd'hui le projet de loi relatif à cet objet ; mais en y réfléchissant, dans la crainte que mes honorables collègues ne soient pas préparés à la discussion, j'ai préféré faire la motion de le placer en tête de l'ordre du jour de demain. Si on ne procédait pas ainsi, il serait impossible que la loi fût votée par le Sénat assez à temps pour être publiée avant le 24 mai. Je propose donc de mettre en tête de l'ordre du jour de demain le projet de loi relatif au droit d'entrée sur les machines et mécaniques.

- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.

Projet de loi autorisant le gouvernement à concéder plusieurs lignes ferroviaires

Discussion générale

M. le président. - Plusieurs modifications ont été introduites par la section centrale d'accord avec le gouvernement.

M. le ministre se rallie-t-il au projet de la section centrale ?

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Je ne vois pas de difficulté à ce que la discussion s'ouvre sur le projet de la section centrale, mais je dois déclarer que je ne regarderai pas comme une obligation pour le gouvernement de concéder immédiatement les lignes que la section centrale a ajoutées au projet du gouvernement.

(page 1462) M. Prévinaire (pour une motion d’ordre). - Je demande la parole pour une motion d'ordre.

Messieurs, il y a quelques jours M. le ministre a bien voulu promettre de faire connaître, au début de la discussion, quel est le tracé qu'il se propose d'adopter pour le chemin de fer de Bruxelles à Louvain. Je fais cette demande parce que nous allons aborder une discussion d'ensemble sur tous les projets de chemin de fer proposés. Voilà pourquoi je n'attends pas que nous soyons à l'article 3, pour faire mon interpellation.

Si la Chambre voulait isoler ce projet, je suis prêt à renvoyer mon interpellation à l'article 3. Mais maintenant qu'elle est commencée, mieux vaut la continuer.

Indépendamment du tracé de Bruxelles à Louvain, je demande, ce chemin étant décrété, quels sont les moyens financiers qu'il compte employer pour l'exécuter ; l'exposé de motifs et le rapport de la section centrale sont silencieux à cet égard. Je demanderai encore si le projet de chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain n'est pas en relation avec les projets de changement dans les stations de Bruxelles, et notamment si le gouvernement n'a pas de projet arrêté à cet égard.

- - Plusieurs voix. - Ce n'est pas là une motion d'ordre.

M. Prévinaire. - Ma motion a pour but de faciliter la discussion ; si je ne l’avais faite qu'à propos de l'article 3, le gouvernement aurait pu se trouver hors d'état de répondre à l'interpellation en pleine connaissance de cause.

M. le président. - M. Prévinaire fera son interpellation, quand nous serons à l'article que la chose concerne.

M. de Perceval. - Messieurs, il serait désirable et utile pour la chose publique que le gouvernement eût la faculté de concéder, sous des conditions qu'il déterminera, un chemin de fer direct d'Anvers à Hasselt par Lierre, Aerschot et Diest et un chemin de fer de Malines à Heyst-op-den-Berg.

La nécessité d'une ligne directe d'Anvers à Hasselt par Lierre, Heyst-op-den-Berg, etc., est aussi impérieuse qu'évidente si l'on veut conserver en Belgique le transit vers l'Allemagne. La chambre de commerce d'Anvers, dans un mémoire qu'elle a adressé à la législature pour réclamer des mesures efficaces dans l'intérêt de nos relations avec l'Allemagne, a démontré cette nécessité par des chiffres d'une éloquence irrésistible. Elle signale à l'attention du gouvernement la conduite de la Hollande qui a réduit de moitié les frais de transport de Rotterdam à Cologne, soit 8 fr. par tonneau, tandis que les frais de transport en Belgique s'élèvent à 17 fr. 20 cent.

Quelles ont été les conséquences de cet état de choses ? Evidemment d'accroître dans une proportion considérable le chiffre du transit par la Hollande, et de réduire de la même manière le mouvement commercial qui s'effectuait par la Belgique.

Une ligne directe d'Anvers au Rhin sera de 40 kilomètres plus courte et de 25 p. c. plus économique que la ligne actuelle ; il importe de la décréter.

En passant par Lierre, Heyst-op den-Berg, etc., elle desservira des centres de population très importants, où la vie industrielle et agricole est des plus actives. Et, en ce qui concerne Heyst-op-den-Berg, elle reliera cette populeuse commune au réseau de nos chemins de fer.

Les communes qui profiteront, toutes, dans une certaine mesure, de cette annexion de Heyst-op-den-Berg au chemin de fer d'Anvers à Hasselt, et de l'embranchement de Malines à Heyst-op-den-Berg, ces communes, dis-je, sont nombreuses et dignes également de la sollicitude des pouvoirs publics ; ce sont Berlaer avec une population de 3,348 habitants, de Iteghem 1,434 habitants, de Wavre-Notre-Dame 2,271habitants, de Putte 2,961 habitants, de Beersel de 1,394 habitants, de Rymenam de 2,040 habitants, de Schrieck de 1,852 habitants et de Boisschot de 2,208 habitants.

Il est plus que temps que toutes ces communes, abandonnées jusqu'à ce jour, voient enfin arriver pour elles le jour de la justice et qu'elles jouissent des bienfaits que procure le voisinage d'une route ferrée.

L'embranchement de Malines à Heyst-op-den-Berg, par Putte, est indispensable, parce qu'une partie des Flandres sera mise, ainsi, en communication directe avec la Campine et la Hollande d'une part, et l'Allemagne, d'autre part. La ville deTermoude, surtout, est intéressée à la construction de cet embranchement qui est destiné à alimenter puissamment son commerce.

Par l'embranchement de Malines à Heyst-op-den-Berg et la construction d'une voie ferrée de Lierre à Hasselt, l'on aura donc une ligne directe d'Ostende à Cologne, et, de plus, une économie de parcours d'environ 38 kilomètres.

Je me place donc au point de vue de l'intérêt général en demandant la construction de ces lignes, et je repousse, dans le cas spécial, cette considération que l'intérêt de l'Etat fait obstacle à la création des voies concurrentes à la sienne.

La véritable question n'est pas de savoir si l'Etat pourra oui ou non éviter la concurrence, mais bien s'il vaut mieux pour le pays et pour l'Etat que cette concurrence se fasse sur le territoire belge au profit d'Anvers, ou sur le territoire hollandais au profit de Rotterdam. Car on sait que le gouvernement hollandais est sollicité depuis longtemps pour accorder la concession d'une ligne à travers le Brabant septentrional, par Venloo vers Düsseldorf et le système des chemins de fer du nord de l'Allemagne. Cette ligne, qui raccourcirait considérablement le trajet entre Londres et l'Angleterre et la Prusse et le Hanovre, porterait aux lignes de l'Etat et au port d'Anvers en particulier, un préjudice des plus graves.

Les villes d'Anvers, de Malines et de Lierre, les communes si importantes de Heyst op-den-Berg, Aerschot, etc., sont vivement intéressées à la construction de ces lignes. J'appuie les réclamations qu'elles nous ont adressées dans ce but, et j'aime à croire que le gouvernement, convaincu que l'intérêt général est, ici, d'accord avec l'intérêt de mes commettants, n'hésitera pas à concéder une ligne directe d'Anvers à Hasselt par Lierre et Heyst-op-den-Berg avec embranchement de Malines à Heyst-op-den-Berg pour relier plus directement les Flandres à l'Allemagne, à l'aide de cet embranchement.

Avant de m'asseoir, je demande que la législature pose un acte de justice envers la ville de Tongres, si cruellement délaissée jusqu'à ce jour.

Des principes d'équité militent en faveur de l’adoption d'un chemin de fer de Bilsen par Tongres, aboutissant à la station des Guillemins, à Liège. J'ai dit.

M. Devaux (pour une motion d’ordre). - Je demande la parole pour une motion d'ordre.

Je croyais qu'il avait été à peu près convenu que chaque chemin, de fer ferait l'objet d'une loi séparée.

Je demanderai au gouvernement s'il s'oppose à la disjonction des divers chemins de fer. Quant à moi, je désire que chaque chose soit examinée en elle-même.

Je ne m'oppose pas à ce que des chemins de fer dépendants l'un de l'autre soient joints dans le même projet. Mais évidemment nous avons dans ce projet de loi quatre ou cinq groupes de travaux tout à fait distincts et qui doivent faire l'objet de lois différentes. Sans cela, il n'y a plus de liberté pour notre vote.Il est tout à fait inutile, après avoir émis un vote spécial sur chaque chemin de fer, d'être obligé d'émettre un vote général sur tous, c'est-à-dire de les approuver tous ou de les rejeter tous.

Evidemment il y a là une entrave à la liberté des votes, et de plus quelque chose qui est contraire à leur moralité.

Quant à moi, je m'opposerai désormais à toute jonction semblable ; et si le gouvernement ne veut pas disjoindre, s'il ne veut pas se contenter de la faculté qu'il a de présenter en même temps autant de projets séparés qu'il juge convenable, je voterai contre la loi entière, dût mon arrondissement y être intéressé.

Je veux sauver le parlement d'une pareille oppression, et de la séduction qu'on veut exercer sur lui par ces projets où on amalgame ce qui n'a rien de commun. En matière de travaux publics le danger d'entraînement est déjà assez grand pour les Chambres, la pente est déjà assez rapide, sans qu'on l'accélère encore.

Je demande donc qu'on disjoigne les projets qui ne sont nullement dépendants les uns des autres, que les chemins de fer qui forment un groupe restent réunis, mais que les autres soient disjoints et que nous soyons libres d'admettre les uns et de repousser les autres.

Le parlement belge, depuis qu'il existe, a fait preuve d'assez de justice pour qu'on soit sûr qu'il ne favorisera pas les intérêts locaux les uns aux dépens des autres, pourvu qu'on lui laisse sa liberté ; une réclamation juste, de quelque part qu'elle vienne, sera accueillie quoique isolée, si elle mérite de l'être, comme elle sera repoussée si les avantages n'en compensent pas les inconvénients.

Je demande donc que le gouvernement s'explique ; s'il ne veut pas nous laisser la liberté de nos votes, il nous oblige à rejeter tout le projet, ce qui serait une extrémité fâcheuse ; cela ne prouverait de la part du gouvernement ni des égards pour nos prérogatives, ni du respect pour la liberté et la dignité du premier corps politique de l'Etat.

M. de La Coste. - Je ferai remarquer d'abord qu'à l'occasion du premier projet de loi, on a touché une foule de questions, on a posé des principes et que beaucoup de membres n'ont pas voulu prendre part à cette discussion, parce qu'ils se réservaient pour celle à laquelle nous sommes parvenus. Ces principes s'appliquent ou peuvent s'appliquer à tous les chemins de fer en discussion. Il devrait donc être en premier lieu permis de débattre les principes et en même temps d'en faire l'application.

Je pense de plus qu'en restreignant la discussion, comme le demande l'honorable M. Devaux, au lieu de la rendre plus libre on l'étranglerait ; je vois ici une sorte d'oppression et non pas une liberté de discussion.

L'honorable M. Devaux est plein de l'idée qu'il n'y a à craindre pour la liberté de notre jugement que l'influence qu'exerce sur les membres l'idée que le sort d'un projet est lié au sort d'autres projets. Mais il y a une foule d'autres influences à l'œuvre et le système de l'honorable M. Devaux tend à créer, ou pour le moins, à favoriser ces influences.

En effet qu'arrivera-t-il ? Il arrivera que le sort des projets dépendra de l'ordre dans lequel ils seront mis en discussion. Il arrivera que quand on aura voté sur certains projets, ceux qui seront satisfaits trouveront qu'il n'y aura plus rien à faire.

Si vous nous supposez parfaitement impartiaux, si vous faites (page 1463) abstraction de toutes les considérations qui peuvent peser sur notre jugement, laissez procéder de la manière la plus simple. Si au contraire vous nous croyez susceptibles de préoccupations étrangères à l'intérêt public qui devrait seul nous animer, vous n'atteindrez pas mieux votre but par le moyen que vous proposez. Car au lieu des influences favorables au projet, il y aura des influences contraires, et c'est ce dont nous avons fait souvent la triste expérience.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Il m'est impossible de me rallier à la proposition de l'honorable M. Devaux. Le gouvernement, en vous présentant dans un même projet de loi diverses concessions de chemins de fer, n'a fait que se conformer aux précédents de la Chambre, et je pense que jamais, dans les discussions précédentes, la motion de l'honorable M. Devaux n'a été faite ni acceptée par la Chambre.

Le gouvernement a présenté un projet de loi unique, et je pense qu'il l'a fait dans des conditions très convenables, puisqu'il a pris lui-même soin de débarrasser le projet de loi dont il s'agit d'un autre qui devait donner lieu à des discussions peut-être plus vives et plus approfondies.

Le projet de loi a été présenté, je le répète, dans des conditions que la Chambre doit trouver acceptables et qui rentrent tout à fait dans les précédents.

Diviser aujourd'hui le projet de loi en autant de projets qu'il y a d'articles ou même peut-être de litteras dans les articles, ce serait mettre la Chambre en suspicion, ce serait la soupçonner de sacrifier à des intérêts locaux dans cette session, alors que dans les sessions précédentes elle aurait été à l'abri de toute espèce de reproche à cet égard.

Je pense que la Chambre peut admettre le projet du gouvernement et je désire, autant que mon désir peut avoir quelque influence sur vos esprits, que la discussion suive sa marche ordinaire, qu'il y ait une discussion générale et ensuite un examen article par article. Je pense que le vote d'ensemble qui doit couronner la loi, lorsque les articles auront été convenablement discutés, ne peut engager la résolution de la Chambre ni imposer aux membres un vote favorable ou un vote défavorable.

M. Visart. - Je partage, messieurs, l'opinion de l'honorable M. Devaux ; il est certain que si nous admettons une discussion sur l'ensemble des articles, pour en revenir ensuite à de nouveaux débats, article par article, le temps nous manquera.

Nous avons pour un exemple, regrettable assurément, la discussion, terminée hier, qui a roulé sur un seul projet lequel a absorbé une grosse part d'un temps précieux ; quelles complications, bien plus diffuses, ne vont-elles pas naître d'une discussion embrassant à la fois et sans ordre, une foule de projets différents ? Si l'on mêle ainsi l'examen de questions si peu identiques, nous aurons mal compris ou oublié ce qui se sera dit ; quand viendra le vote, alors les intéressés qui sauront comprendre ce danger pour leur cause, recommenceront de plus belle leurs explications et leurs plaidoyers.

Je le répète, messieurs, le temps nous presse ; nous avons des crédits et des budgets que nous ne pouvons nous abstenir de voter avant notre séparation ; or si nous suivons la marche indiquée par l'honorable rapporteur et approuvée par M. le ministre, nous allons probablement consacrer une quinzaine de jours à des explications, à des débats qui ne vaudront point ce temps précieux, parce qu'il est compté, les élections étant prochaines.

Si, au contraire, on aborde avec ordre et clarté chacun des projets séparément, selon l'indication numérique, au moins quelques-uns seront octroyés, et nous aurons en moins de temps utilisé nos séances.

M. Coomans. - Messieurs, la section centrale, à l'unanimité, s'est prononcée pour un vole d'ensemble ; elle a trouvé tout simple qu'on donnât satisfaction en même temps aux besoins les plus urgents qui se manifestent en matière de chemins de fer, et, certes, je ne m'attendais pas à voir aujourd'hui l'honorable M. Devaux venir soutenir qu'il y a atteinte à la moralité publique, oppression de la Chambre à voter un ensemble de chemins de fer, car l'honorable membre ne nous a pas fait des sermons de ce genre en 1851...

M. Devaux. - C'est ce qui vous trompe.

M. Coomans. - Je puis me tromper en ce qui concerne l'honorable M. Devaux, je n'ai pas couservé un souvenir très précis de ce qu'il peut avoir dit en 1851 ; mais je sais que si de semblables critiques ont été faites, elles n'ont pas eu le moindre écho ; car la majorité de cette époque a trouvé très naturel, très moral, très conforme à la liberté des votes que l'on réunît dans un même projet, non seulement beaucoup plus de chemins de fer qu'on n'en propose aujourd'hui, mais beaucoup d'autres travaux encore.

C'est alors qu'il fallait protester au nom de la moralité publique et de la liberté parlementaire.

Je le répète, messieurs, la section centrale a cru qu'il n'y a d'inconvénient, sous aucun rapport, à émettre un vote d'ensemble sur différents chemins de fer. Les coalitions, puisqu'il faut prononcer ce mot, n'ont rien d'immoral quand il s'agit d'intérêts matériels dont la légitimité est reconnue. Tous les citoyens payent l'impôt ; il est tout naturel que l'Etat leur procure à tous les mêmes avantages.

J'espère que l'honorable membre n'insistera pas ou qu'il nous donnera des raisons meilleures que celles que nous venons d'entendre.

M. Devaux. - Pour répondre à l'honorable préopinant, je me borne à lui demander comment i| faut que je vote sur l'ensemble du projet de loi, si j'approuve le chemin de fer de Saint-Ghislain et que je désapprouve celui de Chimay ?

- Un membre. - Vous vous abstiendrez.

M. Devaux. - J'ai le droit de demander qu'on me soumette des questions sur lesquelles je puisse me prononcer.

Je ne suis pas ici pour m'abstenir, je suis envoyé ici pour émettre mon vote et si vous me mettez dans une position où je doive forcément m'abstenir, vous faites violence à ma liberté, vous m'enlevez ma prérogative constitutionnelle de représentant et de défendeur des intérêts du pays.

L'honorable M. Coomans dit qu'il ne voit rien d'immoral dans les coalitions des intérêts locaux.

Voilà donc la doctrine des coalitions avouée ; il est impossible, en effet, de nier qu'elle ne soit dans de pareils projets de loi. Eh bien, je dis que cette doctrine, c'est la déconsidération des Chambres et du gouvernement.

Notre devoir le plus impérieux, celui des amis de nos institutions, de tous les hommes qui veulent l'honneur et la dignité des grands pouvoirs de l'Etat, est de la combattre.

Quant à moi, je proteste de toutes mes forces contre la marche qu'on veut suivre, précisément parce que je me suis déjà trouvé dans la nécessité de m'abstenir faute de pouvoir faire dans un pareil amalgame la part du bon et du mauvais.

Je ne suis pas ici pour remplir un pareil rôle ; j'ai été appelé dans cette enceinte pour émettre des votes francs et consciencieux, pour contrôler l'emploi des deniers de l'Etat, et non pour abandonner la fortune publique aux intrigues des coalitions.

Aussi je suis bien décidé à faire tout ce qui dépendra de moi, pour secouer un pareil joug, et à revendiquer hautement la liberté de mon vote chaque fois qu'on essayera de la gêner.

Dans le système que je combats, on met au pillage le trésor public ; il doit évidemment finir par nous amener à des contributions exagérées, à un véritable désastre financier. Aujourd'hui, on coalisera tels intérêts locaux et demain tels autres et toujours aux dépens du trésor. Car qu'aurait-on besoin de coalilion si ce n'était pour entraîner les Chambres à des dépenses que sans cela elles trouveraient trop onéreuses pour le pays ? Il est déplorable que de pareilles tentatives soient secondées par le gouvernement qui devrait être le premier à les combattre et à nous aider à les repousser.

J'ai été aflligé de voir hier les membres du cabinet voter pour l'ajournement général de leurs propres projets, et cela évidemment dans le dessein de faire réussir l'année prochaine, par une coalition plus vaste, ceux que la Chambre ne se montre pas disposée à adopter aujourd'hui, parce qu'elle les trouve trop onéreux.

Que le gouvernement fasse discuter et voter un à un ces divers projets, dans des lois séparées, tout sera régulier, les députés des localités intéressées pourront, s'ils le veulent, plaider la cause de ces localités ; mais le reste de la Chambre qui prononcera sera désintéressé.

On veut renverser les rôles ; c'est précisément la majorité qu'on veut intéresser contre une minorité impuissante, qui resterait seule en dehors de cette fatale influence.

C'est là l'immoralité, c'est là le danger pour nos finances ; je dis plus, c'est là le danger pour nos institutions parlementaires.

Je supplie la Chambre de voir où ce système doit nous conduire.

Il y a, dit-on, des précédents. Mais les précédents nous enchaînent-ils ? Quand les dangers de la voie où l'on est entré sont certains, ne devons-nous pas nous arrêter ?

M. Osy. - Messieurs, je viens combattre la proposition de l'honorable M. Devaux ; je concevrais qu'on demandât la disjonction, si le projet de loi contenait le chemin de fer de Luttre à Denderleeuw ; mais ici il s'agit de concessions pures et simples, sans charges directes pour l'Etat.

En 1851, nous avons demandé la disjonction, en ce qui concerne la grande loi des travaux publics qui contenait une foule d'objets différents ; cependant alors nous avons été obligés de voter sur un ensemble.

Messieurs, si les divers articles du projet de loi étaient adoptés à une très faible majorité, cela devrait nous préoccuper, quant au vote sur l'ensemble ; mais si les articles sont adoptés à une grande majorité, et s'il n'y en a qu'un, par exemple, qui ne me convienne pas, certainement je me rallierai à la majorité de la Chambre.

Je répète que le projet de loi ne concerne qu'un seul genre de travaux, sauf peut-être en ce qui concerne le chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain, à l'égard duquel on demande que le gouvernement ait la faculté de le construire ; tous les autres projets sont des concessions pures et simples ; il n'y a pas de charges directes pour l'Etat... (Interruption.) On me dira que telle ou telle route fera du tort à l'Etat, c'est possible.

Mais ici il s'agit de concessions pures et simples sans la moindre charge pour le trésor. Le plus sage est de continuer la discussion sur l'ensemble de la loi. Nous l'avons fait quand des lois comprenaieut des objets tout à fait différents les uns des autres, je ne vois pas pourquoi nous ne le ferions pas encore.

M. de Haerne. - Dans ces matières comme dans beaucoup d'autres, il y a coalition et coalition. Il faut distinguer.

(page 1464) S'il s'agissait d'amener un résultat fâcheux pour le pays, onéreux pour le trésor, je repousserais la coalition. Mais il ne s'agit nullement de cela, il s'agit de concessions pures et simples, qui ne doivent en aucune façon grever le pays, mais qui doivent amener indirectement des produits nouveaux au railway de l'Etat ; par conséquent s'il y avait ici une coalition, ce serait à l'avantage du trésor public.

Il a été dit, il est vrai, dans des discussions incidentes, que certaines rectifications de chemins de fer proposées pouvaient amener des pertes ; c'est une question qu'on peut soutenir ; des opinions diverses à cet égard se sont produites en sections et en section centrale, nous les avons examinées mûrement et nous nous sommes arrêté à cette conclusion que le projet, au lieu d'être préjudiciable au trésor, lui était plutôt favorable dans son ensemble ; si donc il y a, dans le cas dont il s'agit, coalition ou entente entre les divers membres de la Chambre pour arriver à un résultat favorable au trésor de l'Etat, je ne vois pas le grand mal qu'on pourrait y trouver.

Dans ce sens, il y a presque toujours coalition parmi les membres de la législature, cela se voit dans la plupart des projets de loi ; il y a presque toujours des articles qui plaisent à certains membres et qui ne plaisent pas à d'autres, on vote contre les articles qu'on n'approuve pas et cela n'empêche pas de voter pour l'ensemble de la loi, parce qu’on trouve cet ensemble acceptable. Donc si dans le projet de loi qui nous est soumis, certaines parties paraissent préjudiciables, lorsqu'on se place au point de vue de quelques membres, et que malgré cela ces membres adoptent l'ensemble, je n'y vois pas d'autre inconvénient que celui que je viens de signaler, par rapport à la plupart des projets de lois.

Si en pareil cas on soutient qu'il existe une coalition entre les différentes fractions de cette Chambre pour arriver à un résultat, je dis que la coalition est inévitable. Je suppose qu'on accepte la proposition de M. Devaux, qu'on fasse des projets distincts, c'est-à-dire autant de projets de loi qu'il y a d'articles, savez-vous ce qui arrivera ? La coalition que vous supposez possible, et que je regretterais, va s'établir dans les sections avant la discussion et ceux qui s'intéressent à tel projet de loi particulier iront voir ceux qui s'intéressent à d'autres et l'on s'entendra. La forme de la coalition différera ; mais il y aura toujours coalition. Vous ne l'éviterez pas.

Quand on aura donné sa parole de voter pour tel projet qui déplaît à condition d'obtenir un vote favorable à tel autre projet qu’on patronne, on tiendra cet engagement, ne fût-ce que dans la crainte de provoquer des hostilités dans d'autres cas. Je dis que la coalition, quand elle reste dans les bornes de la justice, ne présente pas grand mal, et qu'elle est dans la nature des choses

Si elle devait amener une perte considérable pour le trésor, je la repousserais.

Après tout il s'agit de voir quels sont les antécédents de la Chambre. On a toujours procédé comme on vous propose de le faire dans cette occurrence.

Il n'y a pas lieu de s'écarter de la marche tracée par le gouvernement, par toutes les sections et par la section cenliale à l'unanimité de ses membres.

M. Coomans. - L'honorable M. Devaux prétend que nous mettrons le trésor au pillage si nous procédons comme le proposent le gouvernement et la section centrale ; je ne vois pas ce que le trésor fait ici, il ne s'agit pas d'imposer la moindre dépense ou charge à l'Etat, car ce sont toutes concessions ordinaires qui seront exécutées aux risques et périls des sociétés concessionnaires. En 1851 il s'agissait, en effet, de mettre le trésor au pillage, je le rappelle à M. Tesch qui m'interrompt pour me dire que je n'ai pas émis la même opinion en 1851, je réponds à M. Tesch qu'il se trompe ; il s'agissait alors d’imposer à l'Etat des dépenses énormes pour de longues années et différentes espèces de dépenses ; on n'a pas manifesté en 1851 la vertueuse indignation qui éclate aujourd'hui.

Ce n'est pas moi qui suis le plus surpris de la proposition qui est faite, car en 1851, j'ai demandé moi-même la disjonction, et je n'ai pas voté le projet, parce que la disjonction n'a pas été admise. Il n'en est pas de même aujourd'hui, je constate que dans le projet actuel, il n'y a pas de charge pour l'Etat, tandis qu'il yen avait d'énormes en 1851.

Je concevais alors la difficulté pour certains membres de voter le chemin de fer du Luxembourg avec des charges énormes, la dérivation de la Meuse, le chemin de fer de Dendre-et-Waes, etc. Là il y avait lieu à s'entendre par voie de coalition. Mais ici quelle grande difficulté peut-il y avoir, même pour le membre le plus scrupuleux, de voter à la fois le chemin de fer de St-Ghislain et celui de Marienbourg, puisque l'intérêt du trésor public est sauf ? Je ne comprends pas qu'on révoque sans cesse en doute la moralité de la Chambre, ce n'est pas ainsi que nous défendions le mieux les intérêts qui nous sont confiés.

M. de Theux. - Je pose en doute que la Chambre ait le droit de disjoindre les parties du projet qui nous est soumis ; le gouvernement a le droit d'initiative, il exerce le droit comme il le juge convenable, la Chambre n'a pas d'autre droit que d'amender, d'adopter ou de rejeter ; mais le droit de disjoindre les parties d'un projet à priori, la Chambre ne l’a pas.

M. Tesch. - Je disais à l'honorable M. Coomans qui m'a interpellé, qu'en 1851, il avait soutenu une opinion contraire à celle qu'il soutient aujourd'hui. Pour expliquer cette différence, il dit que les circonstances n'étaient pas les mêmes qu'aujourd'hui, qu'alors il s'agissait d'imposer des charges immenses au trésor, tandis qu'aujourd'hui il s'agit de travaux à exécuter par l'industrie privée, et que le trésor est sauf. C'est de la part de M. Coomans une très grande erreur et tant soit peu volontaire.

Il y a un chemin de fer qui va se faire de Bruxelles à Louvain, soit directement par le gouvernement, soit par concession imposant des charges au trésor. Ainsi, le ministre et l'honorable M. Coomans doivent savoir que cette combinaison ne laisse pas le trésor tout à fait indemne.

Mais il y a autre chose, il y a un petit projet qui, je pense, est dû à l'initiative de l'honorable M. Coomans, et qui, je pense, est bien loin de laisser le trésor intact.

M. de La Coste. - C'est la question.

M. Tesch. - On nous disait tantôt qu'on imposait des charges énormes en faveur du Luxembourg. Il s'agissait de 800,000 fr.

On savait qu'il ne s'agissait que de cette somme.

Aujourd'hui, il s'agit de créer une ligne concurrente à la principale ligne de l'Etat, d'enlever à la ligne d'Anvers à Aix-la-Chapelle une grande partie de son trafic. Or, si au lieu de faire sortir de l'argent des caisses de l'Etat, vous l'empêchez d'y entrer, en créant des lignes concurrentes, c'est la même chose que si vous accordiez la garantie d'un minimum d'intérêt.

M. Devaux. - On n'a rien répondu à la question que j'ai faite. J'ai demandé comment il faudrait voter sur l'ensemble, alors qu'on serait favorable au n°1 et contraire au n°6. Dire qu'il faudrait s'abstenir, c'est confirmer que nous ne sommes pas libres, qu'on nous met dans l'impuissance d'émettre un vote consciencieux, qu'on nous empêche de nous opposer au pillage du domaine public. Remarquez que nous sommes obligés de comprendre dans notre vote final non seulement tous les projets du gouvernement, mais encore tous ceux qu'il a plu à la section centrale d'y ajouter et qu'il pourra plaire aux coalitions d'improviser. Je dis que de tels moyens doivent donner la plus mauvaise idée des projets qu'on veut faire adopter sous leur influence.

Déjà la confiance de la Chambre est peu raffermie par ce qui s'est passé dans les séances précédentes pour le chemin de fer de Lettre à Denderleeuw.

Si M. le ministre des travaux publics persiste dans ce système de coalition avouée, il me forcera à être l'adversaire de ces tristes combinaisons.

On dit que nous n'avons pas le droil de disjoindre un projet du gouvernement sans son assentiment. On a raison. C'est pour cela que j'avais demandé à M. le ministre des travaux publics si le gouvernement consentait à cette disjonction. Il n'y consent pas. Ce n'est pas moi qui engagerai la Chambre à un vote sur la question, je suis trop ami de la régularité de nos débats pour demander même contre les coalitions un vote que je regarderais comme peu régulier et empiétant sur la prérogative du gouvernement.

Je laisse au gouvernement la responsabilité de son opposition, responsabilité qui peut devenir fort grave dans l'avenir.

Et quand viendront les propositions de la section centrale, pour celles-là il n'y a point de prérogative du gouvernement à opposer ; je demanderai que la Chambre les disjoigne et qu'elle les examine en elles-mêmes sans se préoccuper de ce qui n'en fait pas partie.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Si l'on suppose des sentiments injustes et égoïstes, il me semble qu'ils peuvent se produire dans les deux systèmes. Ainsi, dans le système préconisé par l'honorable membre, il arrivera que le chemin de fer qui traversera un grandi nombre de localités importantes réunira plus facilement une majorité, tandis que ceux qui ne seront pas dans les mêmes conditions n'obtiendront pas une majorité.

M. Devaux. - Ce n'est pas juste.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Non, ce n'est pas juste. Mais vous basez sur l'existence de sentiments injustes la motion de ne pas voter sur un projet d'ensemble.

J'ajouterai que dans tous les projets autres que ceux de chemins de fer il y a des dispositions qui répugnent à certains membres et d'autres qu'ils acceptent : la balance qne l'on fait de ce que l'on juge bon et de ce qu'on desapprouve détermine le vote affirmatif ou négatif sur l'ensemble.

Il ne faut pas que les faibles soient écrasés par les forts. Voilà pourquoi le gouvernement a présenté un projet de loi qui intéresse plusieurs lignes, satisfaisant divers intérêts qui à ses yeux ont tous des titres légitimes à ne pas être exclus.

MpD1SB. - Je crois que M. Devaux a retiré sa motion.

M. Devaux. - Non, M. le président. J'ai demandé si le ministre des travaux publics consentait à la disjonction.

Il a répondu négativement.

(page 1465) M. le président. - M. Devaux a fait une interpellation, à laquelle il a été répondu.

M. Devaux. - Mais on peut la discuter.

M. le président. - Soit ! La parole est à M. de La Coste.

M. de La Coste. - Je vous avoue que l'honorable M. Devaux fait une position très humble aux personnes qui désirent prendre part à la discussion. Nous ne serions plus que des avocats chargés de venir défendre les intérêts des localités. J’avoue que je n’ai pas considéré mon mandat à ce point de vue. Je veux traiter une question générale, c’est-à-dire une de celles qu'a traitées l'honorable M. Tesch, à la différence que j'entends traiter la question à mon tour de parole, et que l'honorable M. Tesch a trouvé le moyen de le faire sans qu'on puisse lui répondre.

Je crois qu'il serait préférable de maintenir l'ordre de la discussion et de laisser parler chacun à son tour de parole.

Quant aux coalitions, je n'en suis pas. Je ne sais pas qui en est. Je ne me suis entendu avec personne. Il y a des projets de lignes que j'approuverai, Voilà les coalitions qui existent pour moi.

Je n'en dirai pas davantage.

M. de Mérode. - Je ne suis pas entièrement, je ne suis même pas du tout de l'avis de M. le ministre des finances. Je crois, comme l'honorable M. Devaux, qu'on doit voter chaque chemin de fer en raison de lui-même et des circonstances qui lui sont spéciales. Il y a une telle disposition pour les chemins de fer que je suis persuadé que lorsqu'on aura adopté les chemins de fer les plus pressés, les plus utiles, on finira par adopter les autres. Mais au moins on aura examiné avec attention et successivement, et ce ne sera pas un ensemble de travaux très difficiles à voter en connaissance de cause et qui risquent de causer, au grand préjudice soit à la voie de l'Etat, soit aux compagnies mêmes.

On dit qu'il y a eu précédemment des coalitions ; mais parce qu'on a agi de telle ou telle manière précédemment, il n'est pas nécessaire de continuer sur le même pied. Il faut savoir si la marche que l'on a suivie était la bonne, et quant à moi je ne le crois pas.

Je suis persuadé que la disposition à créer des chemins de fer est telle aujourd hui, que chacun en aura par la suite, mais avec des tracés meilleurs que si l'on fait un imbroglio de plusieurs chemins de fer à la fois.

M. Frère-Orban (pour une motion d’ordre). - Je demande la parole pour une autre motion d'ordre.

Messieurs, le projet du gouvernement a été surchargé outre mesure, d'une foule de propositions dues exclusivement à l'initiative de la section centrale. Grâce à cette complication, nous courons le risque de ne pouvoir rien discuter, obligés que nous serions de tout discuter. Les projets qui ont été examinés et étudiés, qui ont été soumis aux formalités exigées par le règlement sont exposés à ne pas être admis par la Chambre à défaut de temps pour examiner l'ensemble des propositions qui sont déférées maintenant à la Chambre.

Je viens proposer, messieurs, la question préalable sur toutes les propositions dues à l'initiative de la section centrale.

La Constitution donne le droit d'initiative à chacun des membres de la Chambre. Mais je n'ai lu nulle part, ni dans la Constitution, ni dans le règlement, que l'initiative appartienne à une section centrale. Elle peut modifier, amender un projet de loi d'après le résultat de l'examen fait par les sections ; mais elle ne peut formuler des propositions de loi qui seraient ainsi soustraites aux règles prescrites pour leur examen par les dispositions du règlement.

Les propositions nées dans le sein de la section centrale ne peuvent pas valoir plus que les propositions dues à l'initiative d'un ou de plusieurs membres de la Chambre. Si elles étaient dues à l'initiative d'un membre, elles seraient soumises aux formalités voulues par le règlement, c'est-à-dire qu'elles seraient préalablement examinées en sections.

Si l'on admettait que les propositions nouvelles inscrites dans le projet de loi de la section centrale, sont un légitime usage du droit d'initiative, il faudrait les renvoyer à l'examen des sections.

Ajouter à cela que le rapport qui nous a été distribué est le plus laconique, le plus sommaire, qui ait été soumis à la Chambre à propos de chemins de fer. Il ne donne aucune raison en faveur d'aucune proposition, et surtout il n'en donne pas en faveur des propositions dues à la section centrale.

On y lit :

« Toutes les pétitions transmises à la section centrale ont été analysées et classées et seront déposées sur le bureau pendant la discussion du projet de loi. Nous y avons joint diverses explications que le gouvernement nous a fournies. Ceux de nos honorables collègues qui trouveront ce rapport trop sommaire, puiseront dans ces divers documents, trop volumineux pour être imprimés, des éléments d’appréciation plus complets. »

Eh bien, j'ai voulu consulter ces documents, trop volumineux pour être imprimés, et qui doivent suppléer à un rapport trop sommaire, mais je n'ai pas réussi à les trouver. Ils n'ont pas été déposés au greffe et je viens de les demander, sans succès, du bureau de la Chambre. Et ce sont ces documents volumineux qui pourraient suppléer au rapport de la section centrale !

Ainsi, au moment même où nous ouvrons la discussion, il n'y a pas un seul document qui ait pu être consulté par un membre de la Chambre.

Est-il donc possible que la Chambre délibère sur les propositions de la section centrale ? Si l'on disait que ces propositions ont été sérieusement discutées, qu'il y a un rapport approfondi, que toutes les raisons ont été données, que chaque membre a été mis à même de les apprécier, à la rigueur je concevrais qu'on soutînt qu'il y a lieu à discuter. Mais, en présence des faits que je constate, il est impossible que la Chambre consente à ouvrir une discussion sur les propositions émanées de l'initiative de la section centrale.

Veuillez remarquer qu'il s'agit de propositions de la plus haute importance. On propose de substituer à la ligne de l'Etat une ligne directe allant d'Anvers à Hasselt, sans plus de façon, sans enquête, sans examen. On ne se demande même pas : La route sera-t-elle utile ? N'est-il pas possible par une diminution de taxe sur la ligne actuelle de suppléer à cette ligne nouvelle qui ferait perdre au trésor des sommes considérables ? Est-ce que le canal qui s'ouvrira demain, qui va d'Anvers à Maestricht, point commun avec la ligne projetée, ne rendra pas un nouveau chemin de fer inutile ?

Toutes ces questions n'ont pas été examinées. La section centrale ne paraît pas en être préoccupée. Il lui suffit de décréter un chemin de fer an profit de futurs concessionnaires et la Chambre ne peut trop se hâter, dût le chemin de fer de l'Etat subir de ce chef le plus grand préjudice.

Je propose donc, pour simplifier la discussion, la question préalable sur toutes les propositions constituant de nouveaux projets de loi et qui émanent de l'initiative de la section centrale.

M. de Renesse. - Messieurs, je viens m'opposer à la question préalable que l'honorable M. Frère a proposée, sur les amendements faits par la section centrale. A la séance d'hier, l'on a formellement rejeté la proposition d'ajournement, l'on a décidé alors qu'aujourd'hui commencerait la discussion sur les divers projets de chemins de fer ; l'on ne peut donc vouloir empêcher l'examen de ce projet de loi ; il fant donc admettre la discussion, pour que chacun puisse développer les moyens en faveur de l'un ou de l'autre projet proposé par la section centrale.

Il serait injuste de repousser ces amendements qui doivent accorder des voies ferrées à des parties de nos provinces qui, jusqu'ici, sont restées dans un isolement complet, ne sont pas encore reliées au réseau national.

Sous ce rapport, l'arrondissement de Tongres qui a été morcelé en 1839, a perdu alors une grande partie de son ressort judiciaire, et plus de 80,000 habitants de sa population, a certes le droit de réclamer le chemin de fer qui a été proposé par la section centrale, et qui satisferait à la plupart de ses intérêts.

Il faut être équitable envers toutes les parties du royaume, et si le gouvernement avait témoigné plus d'intérêt à cette partie du Limbourg, il y aurait probablement longtemps que l'un des nombreux chemins de fer, destinés à relier Liège par Tongres à Bilsen, aurait pu recevoir son exécution ; mais si le gouvernement semble toujours vouloir avantager une seule localité de cette province, aux dépens de la partie qui à été sacrifiée en 1839, alors il est tout naturel que des projets utiles, repousses par le gouvernement, ne peuvent réussir ou sont ajournés indéfiniment.

Les parties de nos provinces qui sont reliées depuis longtemps au réseau national ont en outre obtenu de grands travaux publics, ne peuvent s'opposer, avec une certaine raison, à ce que d’autres localités obtiennent aussi, à leur tour, un railway utile à tous leurs intérêts.

Je ne crois pas que la ville de Liège puisse s'opposer à ce que d'autres parties du pays soient reliées le plus tôt possible à notre système de voies ferrées, elle qui a pris une large part aux grands travaux publics, qui est reliée à plusieurs chemins de fer, et qui a obtenu la dérivation de la Meuse.

Je crois donc devoir m'opposer de toutes mes forces à la question préalable.

M. Coomans, rapporteur. - L'honorable M. Frère trouve le rapport de la section centrale trop court. Je suis entièrement de son avis. Mais je dois faire remarquer à l'honorable membre que ce rapport est court parce que la Chambre l'a voulu ainsi que la section centrale ; veuillez vous rappeler que la section centrale a été priée à diverses reprises, au nom de la Chambre, de hâter son travail et que j'ai répondu que je le présenterais immédiatement à la Chambre, mais que je ne serais pas long ; l’assemblée a adhéré à l'unanimité à cette manière de voir. Les observations de M. Frère ne peuvent donc m'atteindre.

Les pièces manquent, dit l'honorable M. Frère. Ici, messieurs, ma justification, si justification, il y a, est très facile : j'ai entre les mains les seules pièces que le gouvernement a bien voulu transmettre à la section centrale, et les autres documents, trop volumineux pour être imprimés, mais parmi lesquels il en est de très intéressants, sont (page 1466) déposés sur le bureau ; l'honorable M. Frère peut les distinguer à l'œil nu.

L'honorable membre propose d'effacer du projet de loi rédigé par la section centrale les divers projets de chemins de fer que le gouvernement n'a point proposés et qui n'ont point été présentés par des membres ou par des sections. (Interruption.)

Si j'ai bien compris l'honorable M. Frère, il veut bien reconnaître que les membres de la Chambre ont le droit d'initiative et que les sections peuvent prier la section centrale d'ajouter certains articles à un projet de loi qu'elle est chargée d'examiner. Eh bien, messieurs, c'est exactement ce qui a été fait. L'article du projet auquel M. Frère fait le plus particulièrement allusion, l'article qui concerne la nouvelle ligne du chemin de fer d'Anvers à Hasselt, n'est pas de l'invention de la section centrale ; cet article a été proposé par un membre de la première section, qui l'a adopté.

M. Frère-Orban. - C'est la même chose.

M. Coomans. - Ainsi, l'honorable M. Frère-Orban ne veut pas qu'un membre puisse proposer en sections des mesures complémentaires d'un projet de loi ! Il n'admet pas que la section centrale puisse étendre un projet présenté par le gouvernement ! J'avoue que c'est là une doctrine complètement nouvelle. Ainsi, messieurs, vous n'accorderiez pas à une section centrale, qui est le résumé de la Chambre, vous ne lui accorderiez pas le droit que vous accordez à chaque membre, individuellement, de déposer un amendement ? (Interruption.)

Quoi qu'il en soit, si la doctrine de l'honorable membre prévalait, je ne crois pas que cela puisse abréger les débats ni produire le résultat qu'il entrevoit, car plusieurs membres sont disposés à reproduire immédiatement comme amendements les propositions de la section centrale et nous aurons ainsi joué sur les mots. La Chambre décidera.

Quant aux attaques dont certain article du projet a été l'objet, nous nous réservons d'y répondre dans le cours de la discussion. J'espère prouver que les allégations produites par les honorables MM. Tesch et Frère sont entièrement dénuées de fondement.

M. Julliot. - Hier, la Chambre a passé toute la séance à discuter le point de savoir si elle discuterait les projets de chemins de fer et elle a fini par se prononcer pour l'affirmative. Aujourd'hui nous discutons pour savoir comment nous discuterons. Il est probable que demain nous passerons la séance à discuter si nous avons discuté hier et aujourd'hui.

Dans tout cela, messieurs, je vois une tentative de défaire ce que la Chambre a fait hier, rien de plus.

L'honorable M. Frère-Orban met en avant une doctrine nouvelle, et cependant l'honorable membre a fait autrefois, comme ministre, ce que fait aujourd'hui la section centrale. Je fais allusion à la loi de 1851. Alors la section centrale a introduit un petit chemin de fer de Tongres à Liège avec une garantie d'intérêt d'un million.

Entre le travail de la section centrale et la discussion en séance publique, le gouvernement s'est rallié au projet, le projet a été discuté et le gouvernement l'a appuyé. Maintenant, messieurs, qu'est-ce qu'il y a de changé ? Avons-nous d'autres règlements qu'en 1851 ? (Interruption.) Autres temps, autres mœurs, dit-on ; s'il en est ainsi, je dois retirer mon observation.

En 1851, messieurs, on n'a pas seulement reconnu à la section centrale le droit de faire des propositions nouvelles, mais des projets nouveaux ont été présentés dans la discussion et ont été discutés.

Aujourd'hui, parce que nous sommes appuyés par la section centrale, on nous repousse.

Je dois le dire, je ne croyais pas que l'honorable M. Frère nous aurait opposé tant de persévérance dans la fin de non-recevoir qu'il nous oppose ; notre cause est ancienne, elle n'est pas nouvelle, elle est au rôle de la Chambre depuis longtemps.

M. Frère-Orban. - Les honorables membres sont dans une grande erreur, M. Coomans dit que les projets ne sont pas dus à l'initiative de la section centrale, que le principal, celui qui est relatif au chemin de fer d'Anvers à Hasselt, a été proposé par un membre dans une section. Il ajoute que je conteste le droit d'initiative des membres de la Chambre. L'erreur est manifeste. Je conteste à la section centrale, non le droit de faire des modifications, des amendements aux propositions qu'elle a mission d'examiner, mais le droit de formuler de nouveaux projets de loi et je conteste à chaque membre le droit de faire des propositions de lois de même nature à propos de l'examen des projets qui sont dus soit à l'initiative du gouvernement, soit à l'initiative des membres de la Chambre.

M. Coomans. - Ce sont des amendements.,

M. Frère-Orban. - Chaque membre de la Chambre a le droit de faire une proposition de loi, mais alors cette proposition doit être renvoyée aux sections pour qu’elles décident s’il fait en autoriser la lecture ; elle doit ensuite être renvoyée aux sections pour être examinée au fond, enfin elle doit être l’objet d’un rapport de la section centrale. Voilà la marche tracée par le règlement.

Maintenant l'honorable membre parle d'amendements ; mais pour les amendements il n'y a pas de difficulté. Ce qui constitue réellement un amendement sera admis, mais je ne puis pas concevoir comment le chemin de fer direct d'Anvers à Hasselt constitue un amendement au chemin de fer de Saint-Ghislain à Gand.

M. Cooomans. - C'est un amendement au chemin de fer de Bruxelles au camp de Beverloo, par Aerschot et Diest.

M. Frère-Orban. - Ceci n'est pas sérieux. C'est une proposition de loi tout à fait séparée, qui aurait dû être soumise à un examen préalable ; cet examen n'a pas eu lieu et dès lors il est impossible d'admettre qu'on puisse délibérer sur la proposition.

L'honorable M. Julliot invoqué ce qui se serait passé en 1851 ; je ne sais pas au juste de quel fait il entend parler ; mais je fais remarquer que du moment où personne n'invoque le règlement contre une proposition, dès qu'il y a assentiment unanime de la Chambre, tout est dit ; mais dès qu'on invoque le règlement il doit être respecté.

Or, je l'invoque aujourd'hui et j'oppose formellement la question préalable aux propositions de la section centrale ; ce sont des propositions entièrement nouvelles ; elles ne constituent point, leur nature et leur importance le dit assez, de véritables amendements, et par conséquent, il n'y a pas lieu de s'en occuper, à moins qu'on ne les soumette aux formalités exigées par le règlement.

Le gouvernement ne se rallie pas aux propositions qui ont été faites ; il ne s'oppose pas à ce qu'on lui donne des pouvoirs dont il n'usera pas. Il n'accepte donc pas les propositions. En pareille circonstance, il est impossible de délibérer.

M. Dellafaille. - Messieurs, l'honorable M. Frère vient de dire que la section centrale avait le droit de proposer des amendements, je ne comprends pas comment, avec l'intelligence qui le caractérise, il n'a pas reconnu que la section centrale a proposé un amendement formel, rien qu'un amendement à l'article 4 du projet du gouvernement en demandant la création d'un chemin de fer d'Anvers à Hasselt ; mais non comme le réclame le commerce d'Anvers.

Que résulterait-il de l'adoption de l'article 4 du projet du gouvernement ? C'est qu'on émousserait à pure perte la seule arme qui reste à la Belgique pour lutter victorieusement et contre les eaux intérieures et contre le railway de la Hollande.

Si ce projet était adopté, nous ne pourrions plus arriver, en ligne directe, de l'Escaut à la frontière d'Allemagne.

Si vous voulez bien apprécier le projet du gouvernement, vous verrez que d'une part il vous propose une ligne allant de Diest à Herenthals (et aujourd'hui il existe déjà un chemin de fer d’Anvers à Herenthals), et d autre part de pouvoir prolonger la ligne de Diest jusqu'à la frontière allemande.

Que résulterait-il de ce projet ? Une ligne détournée d'Anvers à la frontière d'Allemagne, qui ne permettrait plus aux capitaux de s'engager pour la ligne directe ; elle allongerait le parcours de 28 kilomètres ; tandis qu'en accordant la ligne directe d'Anvers à la frontière d'Allemagne, vous accordez le parcours le plus court que la Belgique puisse avoir pour son commerce de transit, c'est-à-dire un bénéfice de 40 kilomètres sur la ligne actuelle de Malines, Liège et Verviers.

Le commerce de transit nous est journellement ravi par la Hollande. Le rapport de notre chambre de commerce est là pour vous en fournir des preuves irrécusables. La lutte est donc entre la Belgique et la Hollande, non entre le chemin demandé et celui de l’Etat. Ce n'est point à cause de l'abaissement de tarif que vous pouvez lutter contre votre rivale, cette arme est à son service comme au vôtre ; la victoire définitive restera toujours à celui qui offrira au commerce les voies les plus plus économiques, les voies les directes.

Veuillez bien l'apprécier, messieurs, le|commerce de transit est la base des relations les plus vastes, les plus multipliées ; il n'intéresse pas seulement Anvers, il intéresse au plus haut point la prospérité de toute la Belgique.

J'appuierai donc le projet de la section centrale qui constitue un véritable amendement au projet du gouvernement.

M. Julliot. - L'honorable M. Frère me disait qu'il ignorait à quel projet je faisais allusion et que dès lors il ne pouvait savoir si ce projet était ou n'était pas un amendement.

Ce n'était pas un amendement ; c'était un projet de chemin de fer de Tongres à Liège avec la garantie d'un minimum d'intérêt ; la chose ne se présentait donc pas alors, à ce dernier point de vue, comme elle se présente aujourd'hui ; ce projet était à peu près le même que celui que la section centrale propose, et qui doit aller de Bilsen par Tongres en aboutissant à Liège.

L'honorable M. Frère dit que si on a enfreint alors le règlement, on a eu tort ; mais si alors on a enfreint le règlement, on l'a enfreint dix fois, vingt fois ; à l'époque dont il s'agit, l'honorable M. Dechamps a présenté un chemin de fer de Charleroi à Louvain avec une garantie de minimum d'intérêt considérable ; l'honorable membre a présenté encore le chemin de fer d'Erquelinnes et le gouvernement de l'époque s'y est rallié ; le cabinet d'alors a donc laissé enfreindre le règlement de gaieté de cœur et au besoin de la cause.

Or, ce qu'a fait la section centrale de 1851,la section centrale de 1856 le fait aujourd'hui ; ce qui était vrai et permis alors doit être vrai et permis aujourd’hui.

Je puis donner quelques détails rétrospectifs assez curieux. On a parlé tantôt de coalition. Eh bien, quand on a examiné la grande loi de 1851 dans les sections, je présidais l'une de ces sections ; beaucoup de membres n'avaient pas un amour bien vif pour ce vaste projet de loi ; après deux jours de discussion, aucun des articles n'avait été accepté.

(page 1467) Alors on est venu me déclarer, je ne dis pas d'où, ni de la part de qui, je me tais à cet égard...

- Des membres. - Pourquoi ? Parlez !

M. Julliot. - Vous n’avez pas besoin de m’encouragez ; laissez-moi faire.

On est venu me dire : « Vous pourriez mieux servir les intérêts de votre arrondissement, que vous ne le faites ; vous combattez le projet dans votre section ; pourquoi n'y proposez-vous pas pour votre arrondissement ce que le gouvernement n'a pas demandé en sa faveur ? On vous secondera... »

M. Frère-Orban. - Qui est-ce qui vous a dit cela ?

M. Julliot. - Je ne veux pas le dire ; mais ce n'est pas vous.

M. Frère-Orban. - Ce n'est pas moi, je le sais bien ; car je vous ai dit alors que ce chemin de fer ne se ferait pas.

M. Julliot. - Je déclarerai dix fois, si l’honorable M. Frère le veut, que ce n'est pas lui qui m'a dit cela.

M. Tesch. - Est-ce un autre membre du cabinet d'alors ?

M. Julliot. - Non !

- Un membre. - A quoi concluez-vous ?

M. Julliot. - Je conclus à dire que ce qui était vrai, bon et utile, en 1851 doit encore être vrai, bon et utile en 1856.

M. Frère-Orban. - Mais le gouvernement s'est rallié alors et il ne se rallie pas aujourd'hui.

- La question préalable, proposée par M. Frère-Orban, est mise aux voix et adoptée.

En conséquence la discussion s'ouvre sur le projet du gouvernement.

M. Vanden Branden de Reeth (pour une motion d’ordre). - Messieurs, il me semble qu'il faut maintenant déterminer ce qui est amendement et ce qui est projet nouveau : car on n'est pas d'accord sur ce point. Tout à l'heure l'honorable M. Della Faille a trouvé que ce que l'honorable M. Frère croyait être un projet de loi nouveau était un amendement à un des articles du projet du gouvernement. Je suis de l'opinion de l'honorable M. Della Faille ; il faut donc qu'on prenne une décision à cet égard.

M. le président. - La question préalable qui a été adoptée par la Chambre sur la motion de M. Frère, s'applique à tous les projets de la section centrale qui ne se trouvent pas dans la loi proposée par le gouvernement ; maintenant rien ne s'oppose à ce que les membres de la Chambre présentent des amendements qui se rattacheraient à l'un ou à l'autre des articles du projet du gouvernement. Il ne peut pas y avoir de doute à cet égard.

M. Coomans. - Il faut que nous sachions bien où sont les amendements. Je le demande à l'honorable M. Frère. Le gouvernement propose un chemin de fer de Bruxelles à Louvain et un chemin de fer partant de Louvain, passant par Diest et aboutissant au camp de Beverloo, avec prolongement éventuel jusqu'à la frontière néerlandaise et embranchement sur Hérenthals ; voilà le projet du gouvernement.

La section centrale a ajouté à ce chemin de fer trois embranchements qui s'y rapportent directement, sont-ce là des amendements ou des propositions de loi nouvelles ?

M. Frère-Orban. - Il suffit de comparer le texte du projet de loi avec le texte de la section centrale. La section centrale a caractérisé elle-même sa proposition ; il eût été trop ridicule vraiment de dire : Le gouvernement proposant un chemin de fer de Louvain au camp de Beverloo et passant par Diest, nous proposons, sous le titre d'un embranchement, une ligne partant d'Anvers et passant par Diest pour aller à Hasselt. La section centrale n'est pas tombée dans un pareil écart. Elle a proposé formellement un projet de chemin de fer partant d'Anvers et allant à Hasselt. La proposition de la section centrale est ainsi caractérisée par elle-même et l'on ne peut être admis à la dénaturer en la qualifiant d'amendement.

Si l'on veut proposer des amendements, on le pourrait ; mais il faut qu'il s'agise de véritables amendements ; le droit d'amender n'est donc pas compromis. On proposera tel amendement qu'on voudra, la Chambre appréciera si la proposition est ou non un amendement au projet du gouvernement ; c'est une question de bonne foi, le droit d'amendement n'est pas contesté ; mais il ne faut pas le dénaturer. La question préalable écarte la discussion sur le projet de la section centrale.

M. Coomans. - L'honorable préopinant a prétendu que la section centrale n'avait pas le droit de rédiger un projet de loi. Je réserve mon opinion sur ce point, mais il a reconnu que la section centrale avait le droit de rédiger ce qu'il appelle un amendement. Eh bien, il me semble que l'honorable membre, trop flatté du succès qu'il vient de remporter, pousse les choses plus loin que tout à l'heure. Il repousse non seulement les propositions nouvelles mais aussi les amendements, c'est-à-dire que l'honorable membre exige de la section centrale purement et simplement un vote sur les projets proposés par le cabinet sans qu'elle puisse les modifier.

C'est là une prétention exorbitante, c'est réduire à rien le rôle des sections centrales. Il faut qu'elles conservent le droit d'amender.

- Une voix. - C'est voté.

M. Coomans. - Vous ne pouvez pas voter la suppression du règlement. La Chambre d'ailleurs a voté sur ce point que les propositions nouvelles, c'est-à-dire celles qui ne se rattachent pas aux propositions du gouvernement, seraient écartées.

- Un membre. - La Chambre a voté.

M. Coomans. - Sachons au moins sur quoi la Chambre a voté.

M. Rogier. - La question se présentera sur chaque article

M. le président. - Le seul moyeu de ne pas perdre de temps, c'est d'aborder la discussion. Ceux qui croiront devoir faire des propositions les présenteront, la Chambre décidera si ce sont des amendements ou des projets nouveaux.

M. Coomans. - Je demande que la discussion porte sur le projet de la section centrale, comme cela a été décidé au début, le ministre s'y étant rallié complètement, car la distinction que fait M. Frère est imaginaire, il dit que le gouvernement ne s'est pas rallié parce qu'il ne s'engage pas à exécuter immédiatement les lignes proposées ; la section centrale n'en exige pas l'exécution immédiate, elle se borne à donner des pouvoirs que le gouvernement accepte.

Si vous effacez, comme vous le voulez, tout le travail de votre section centrale, si vous ne laissez debout que les projets qui figurent dans la rédaction du gouvernement, ce n'est plus le projet de la section centrale qui est en délibération. Comme rapporteur, je maintiens le droit qu'elle a de rédiger des amendements, et pour rentrer dans la pensée de M. Vanden Branden de Reeth, je dis que les sections de Lierre à Aerschot et de Diest à Hasselt, sont de vrais amendements ; elles n'ont que sept lieues ; on a exagéré considérablement l'importance de cette proposition quand on a prétendu qu'il en résulterait de grandes charges pour le trésor. Ces deux sections sont évidemment des amendements, je pense qu'il faut les maintenir dans le projet de la section centrale.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Messieurs, au commencement de la discussion j'ai eu l'honneur de déclarer que je ne faisait pas de difficulté à ce qu'on ouvrît la discussion sur le projet de la section centrale, mais j'ai ajouté que je ne pouvais pas prendre l'engagement de construire tous les chemins que proposait la section centrale, si son projet était entièrement voté par la Chambre.

J'étais guidé par le désir de ne pas entraver la discussion, de lui donner toute l'étendue qu'elle pouvait avoir, spécialement sur le point de savoir si d'une part il y a dommage pour l'Etat à relier Anvers à Hasselt pour avoir une ligne directe vers l'Allemagne et si d'autre part l'intérêt de notre métropole commerciale n'exige pas qu'on fasse ce sacrifice.

N'ayant pas pris d'engagement de construire, je n'ai pas vu de difficulté à laisser ouvrir la discussion sur le projet de la section centrale, mais depuis la discussion a marché ; la Chambre a pris une décision qui doit changer l'ordre de la discussion.

La Chambre ayant pris la résolution d'écarter les propositions de la section centrale, il me semble que la première résolution est annulée par la seconde, que dans le moment présent la discussion ne doit porter que sur le projet du gouvernement.

Voilà la situation vraie qui permettrait à la Chambre de gagner du temps si elle s'y rallie.

Les membres qui voudront user de leur initiative resteront libres ; ils pourront produire tous les amendements auxquels on a fait allusion. A chaque discussion la Chambre décidera si ce sont réellement des amendements ou s'ils forment des propositions de lois spéciales exigeant, conformément au règlement 1° l'autorisation de lecture par les sections ; 2° examen spécial en sections et eu section centrale.

De cette manière les débats pourront continuer sans aucun embarras grave.

M. Dechamps. - Je n'insiste pas contre la déclaration de M. le ministre. Seulement, il est bien entendu que les membres ont le droit de présenter des amendements et de faire des propositions auxquelles le gouvernement se rallierait.

M. le président. - Evidemment.

M. Frère-Orban. - C'est une question.

M. Lebeau. - Sauf examen.

M. le président. - La discussion est ouverte sur le projet da gouvernement.

M. Osy. - La discussion s'ouvre sur le projet du gouvernement. Mais il est bien entendu que nous sommes libres de présenter des amendements au projet de loi.

Maintenant, je demanderai s'il est bien entendu qne nous pouvons développer dans la discussion générale les amendements que nous présentons. Si cela est entendu, je déclare que je reprends la proposition relative à la concession d'un chemin de fer direct d'Anvers à Hasselt, et j'en dirai les motifs.

Je trouve la proposition de la section centrale très avantageuse aux intérêts du pays, et je ne puis me rallier à la proposition du gouvernement pour ce qui concerne la ligne directe de Bruxelles à Louvain. Je suis convaincu que depuis que nous avons les chemins de fer de Namur à Liège et de Charleroi à Erquelinnes, il n'y a pas urgence à ce que le gouvernement raccourcisse la route de Bruxelles vers l'Allemagne. Mais de la manière dont le gouvernement veut concéder cette ligne, il serait possible qu'il l'exploitât comme il se proposait d'exploiter le chemin de fer de Luttre à Denderleeuw.

(page 1468) Pour moi, je trouve que c'est, comme ou l'a fort bien, dit, un emprunt déguisé avec des intérêts usuraires. Comme, heureusement, la Belgique n'en est pas à payer des intérêts usuraires, je crois qu'il faudrait plutôt construire cette ligne aux frais de l'Etat. C'est seulement à cette condition que je voterais le chemin de fer de Bruxeles à Louvain. Comme j'ai eu l'honneur de le dire, si vous ne conservez pas la route de la capitale vers l'Allemagne, vous ferez un très grand tort au réseau de l'Etat. Je ne voterai donc cette ligne qu'à la condition qu'elle soit exploitée par l'Etat. Certainement vous pourriez vous procurer de l'argent sans en demander à des sociétés qui vous feraient payer des intérêts énormes.

Je donnerai mon appui au projet, même si l'on rejette l'amendement que j'ai l'honneur de proposer. C'est vous dire que si, comme on l'a prétendu, il y a des coalitions, j'y suis complètement étranger.

Il est bien certain que si l'on fait la route directe d'Anvers à Hasselt, une grande partie du mouvement passera sur cette ligne. Mais ce n'est pas la question. La question est de savoir si, en ne faisant pas cette route, vous consentiez le transit. Nous avons des voisins qui font tout ce qu'ils peuvent pour attirer le commerce de transit. Dans ce but, la Hollande a construit plusieurs lignes de chemins de fer qui se relient aux chemins de fer allemands, a aboli les droits de pilotage et de tonnage, et a, par un traité avec les puissances riveraines du Rhin, obtenu une diminution de moitié sur les péages pour la navigation fluviale de la Hollande vers l'Allemagne.

Brême, qui n'a pas les mêmes avantages que la Belgique, a fait un arrangement avec le Zollverein pour avoir un entrepôt.

Déjà aujoujdkui le coût du transit d'Anvers à Cologne comparativement au transit de Hollande à Cologne est dans la proportion de 17 à 8. De Rotterdam à Cologne il en coûte 8 fr., d’Anvers à Cologne 17 fr. 20.

En outre la Hollande fait remarquer à toutes les puissances commerciales que, comme elle a aboli les droits de tonnage et de pilotage on a beaucoup moins de frais en Hollande qu'à Anvers. La Belgique qui, depuis l'ouverture du chemin de fer rhénan, avait le transit allemand, l'a vu réduit, depuis que la Hollande a proclamé ces principes libéraux, avantageux au commerce.

Permettez-mioi de le prouver par quelques chiffres.

Le commerce de la Hollande vers le Rhin s'est élevé en 1854 et 295,000 tonneaux, et du Rhin vers la Hollande à 568,000 tonneaux, ce qui constitue sur 1853 une augmentation de 172,000 tonneaux.

C'est plus que tout le mouvement commercial de la Belgique vers le Rhin, qui, d'après des tableaux authentiques, ne s'est élevé en 1854, qu'à 161,000 tonneaux, aller et retour.

Je vous traduirai en peu de chiffres le mouvement commercial de la Hollande et de la Belgique vers l'Allemagne.

La Hollande a transporté vers l'Allemagne en 1854 : (le tableau qui suit n’est pas repris dans la présente version numérisée).

Vous le voyez donc, depuis les avantages que la Hollande a accordés au commerce de transit, ce commerce a considérablement augmenté en Hollande, il a diminué en Belgique.

On me dira que si l'on concède le chemin de fer d'Anvers à Hasselt, la société concessionnaire viendra partager avec le gouvernement les recettes que celui-ci fait aujourd'hui sur son chemin de fer. Sans doute, le chemin de fer de l'Etat transportera peut-être moins de narchandises : mais la question doit être envisagée, non pas à ce point de vue, mais au point de vue de l'intérêt général. Or, si vous ne faites pas un chemin de fer qui diminue de 25 p. c. les frais de transport et qui réduise de 40 kilomètres le parcours vers l’Allemagne, votre transit diminuera, les revenus du trésor diminueront, et le commerce, que vous désirez voir prospérer, diminuera également.

Et ne croyez pas que le commerce de transit ne consiste que dans le passage de marchandises à travers le pays. Le commerce de transit amène des importations, et celles-ci amènent des exportations. Si donc les importations diminuent, les exportations diminueront également.

Nous avions un très grand commerce avec la Suisse. Nous avions des relations d'affaires jusqu'en Saxe et en Westphalie. Aujourd'hui ceia devient impossible. En effet, Brême expédie à Dresde à raison de 5 fr. 12 c. par 100 kil. et pour Leipzig, à 3 fr. 65 c. tandis que d'Anvers le fret est 8 fr. 39 c. et 7 fr. 39.

Pour les exportations, la difference est encore plus forte, elle est de 4 fr. 64 c. à 11 fr. 70.

Pour la Suisse, d'ailleurs, nous rencontrons la concurrence non seulement de la Hollande, mais aussi de la France.

La France a fait pour son commerce avec le Midi de l'Europe, c'est-à-dire avec la Suisse et l'Italie, de très grands progrès. Elle transporte aujourd'hui les cotons de Boulogne à Bâle, à 6 fr. 97 c. les 100 kilog (économie de 25 p. c. depuis les nouveaux arrangements avec les bateaux à vapeur), tandis que d'Anvers à Bâle les frais sont de 11 fr. 69 c. par 100 kil.)

Vous voyez donc que si nous ne voulons rien faire pour faciliter nos relations commerciales, nous sommes exposés à voir ces relations diminuer de jour en jour.

D'autre part, messieurs, n'oublions pas que le chemin de fer de l'Etat ne peut transporter avec la célérité convenable toutes les marchandises venant non seulement d'Anvers, mais aussi de l'intérieur. Il serait avantageux, sous ce rapport, qu'il y eût partage de ces transports entre deux lignes. Ceux qui objectent que ce qui passera par Hasselt ne suivra pas la ligne de l'Etat, font d'ailleurs un faux calcul, puisque, je le répète, si vous n'avez pas des moyens de transport plus courts et plus accélérés, la Hollande et la France vous enlèveront tous ces transports.

N'oublions pas non plus ce que l'on a fait pour les marchandises de France, passant par la Belgique en transit pour l'Allemagne. Ces transports se font aujourd'hui presque sans profit pour l'Etat ; car l'Etat ne perçoit de péages sur ces marchandises, que pour le parcours de Charleroi à Namur et de Liège à la frontière. N'est-il pas juste, lorsque vous avez accordé ces avantages à une partie du pays, de les accorder, aussi à une autre partie dont les affaires vous échappent ?

Il faut donc considérer, dans cette question, non pas les intérêts du trésor, mais le bien-être du pays. J'espère qu'après un examen attentif, le gouvernement se ralliera à ma proposition de concéder un chemin de fer d'Anvers à Hasselt. La ligne de Hasselt à Aix-la-Chapelle est déjà concédée.

Quant aux autres concessions que nous propose le gouvernement, je les voterai, d'autant plus que tout sera au risque et péril des entrepreneurs. Je voterai seulement contre la proposition qu'il nous fait relativement au chemin de fer de Bruxelles à Louvain, s'il ne consent pas à le construire lui-même. Je crois que c'est une dépense utile, une dépense nécessaire : et nous savons à quel chiffre elle se montera, tandis qu'avec des combinaisons telles que celles qui nous étaient proposées pour le chemin de fer de Luttre à Denderleeuw, nous ne savons à quoi l'Etat s'engage. Or j'ai entendu dire que l'intention du gouvernement était d'adopter la même combinaison pour la ligne de Bruxelles à Louvain.

Il me reste quelques mois à dire d'une proposition qui se trouve écartée par le vote de la Chambre ; c'est l'article 5. Je pense que l'article 5 sera reproduit par les honorables députés du Limbourg. Eh bien, je trouve qu'il est très juste de donner à cette province une route qui relie Tongres à Liège et le Limbourg à l'Allemagne. Si donc on reproduit la proposition relative au chemin de fer de Bilsen à Liège par Tongres, je voterai pour cette proposition.

M. Orts (pour un rappel au règlement). - Je n'ai pas voulu interrompre l'honorable M. Osy, mais il me semble que son discours tend à nous faire entrer dans une fausse voie. L'honorable membre a appuyé des amendements qui seront présentés, il a examiné des projets de chemins de fer qui jusqu'à présent ne sont pas en discussion. Je demande qu'avant de discuter des amendements on attende qu'ils aient été présentés, développés et appuyés.

M. le président. - M. Wasseige vient de déposer une proposition qui se rattache à la motion de M. Orts.

M. Wasseige. - La Chambre vient de prononcer la question préalable sur toutes les nouvelles lignes de chemin de fer introduites par la section centrale. Moi aussi j'ai voté cette question préalable parce que, d'après mon opinion, ces propositions ne sont pas des amendements et qu'il n'appartient pas plus à la section centrale qu'à aucun membre de la Chambre d'introduire des lois nouvelles sous prétexte d'amendement. Et cela afin d'éviter des formes protectrices tracées par le règlement. Mais, messieurs, par le vote de la question préalable, la Chambre a annulé implicitement le rapport de la section centrale. Nous allons maintenant discuter le projet de loi du gouvernement purement et simplement, et je crois pouvoir dire que nous n'avons plus de rapport sur ce projet.

La section centrale a examiné le projet du gouvernement avec l'idée qu'elle pouvait y introduire tel et tel chemin de fer nouveau ; si elle avait su que la Chambre lui aurait refusé ce droit, il est possible qu'elle eût fait un rapport tout autre que celui qu'elle nous a soumis. D’autre part à la suite de la décision de la Chambre, qui fait disparaître les nouvelles lignes, je vois les amendements s'amonceler sur le bureau, et je pense que dans cet état de choses il est impossible de continuer la discussion ; le discours de l'honorable M. Osy en est une nouvelle preuve, car l’honorable membre a discuté aussi bien le projet de la section centrale sur lequel la question préalable a été prononcée, que le projet du gouvernement.

Je pense donc, messieurs, que ce qu'il y a de mieux à faire c'est d'ordonner le renvoi à la section centrale du projet du gouvernement et de tous les amendements qui s'y rattachent.

La section centrale pourra peut-être nous présenter un tout autre rapport, maintenant quelle sait qu'elle ne peut plus s'occuper que du projet du gouvernement et qu'elle ne peut pas y introduire de nouvelles lignes sous prétexte d'amendements.

Je demande donc le renvoi à la section centrale du projet qui nous occupe et de tous les amendements qui auront été déposés, déreloppés et appuyés dans cette séance, pour qu'elle présente un nouveau rapport après examen ultérieur.

- La clôture est demandée.

M. Coomans (contre la clôture). - Messieurs, je désire donner une explication sur les dispositions de la section centrale. Je crois ne pas me tromper en disant que la section centrale, ayant été unanime dans ses propositions, désire délibérer de nouveau sur une situation nouvelle. Sous ce rapport-là, je reconnais que la motion de l'honorable M. Wasseige offre de l'opportunité. Il est certain que tous les membres de la section centrale se croyaient investis de pouvoirs plus étendus que ceux que la Chambre vient de lui reconnaître, en adoptant la proposition de l'honorable M. Frère.

M. Prévinaire. - Messieurs, je m'oppose à la clôture, parce que je désire faire comprendre à la Chambre qu'il lui importe, après les discussions auxquelles elle s'est livrée, de ne pas aboutir au résultat où la conduirait la proposition de l'honorable M. Wasseige. Il est complètement inutile que nous ayons un nouveau rapport de la section centrale, le rapport qu'elle nous a soumis est complet en ce qui concerne les propositions du gouvernement, les seules dont nous ayons à nous occuper.

M. de Haerne. - Je m'oppose à la clôture, messieurs, parce qu'il faut bien que nous sachions ce que nous allons voter. (Interruption.) On ne le sait pas. On demande le renvoi des amendements et tous les amendements ne sont pas encore présentés. J'en propose un à l'article 2, concernant le chemin de fer de Braine-le-Comte à Courtrai.

Je concevrais le renvoi à la section centrale des amendements connus ou des articles nouveaux ; mais je ne concevrais pas qu'on renvoyât à la section centrale les articles du projet primitif. Continuons donc à discuter le projet du gouvernement.

- La clôture est prononcée.

La proposition de M. Wasseige est mise aux voix par appel nominal.

87 membres sont présents.

25 membres répondent oui.

62 répondent non.

En conséquence, la proposition de M. Wasseige n'est pas adoptée.

Ont répondu oui : MM. Brixhe, Coomans, de Brouwer de Hogendorp, de La Coste, de Liedekerke, Della Faille, de Man d'Atlenrode, F. de Mérode, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, de Theux, de Wouters, Jacques, Lambin, Landeloos, Mascart, Moncheur, Orts, Thibaut. Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Van Iseghem, Verhaegen, Vermeire, Wasseige et Delehaye.

Ont répondu non : MM. Ansiau, Anspach, Boulez, Closset, Coppieters 't Wallant, David, de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckart, de Decker, de Haerne, Delfosse, Deliége, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Muelenacre, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Renesse, de Sécus, de Steenhault, Devaux, du Bus, Dumon, Faignart, Frère-Orban, Goblet, Jouret, Julliot, Lange, Laubry, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Maertens, Magherman, Manilius, Matthieu, Mercier, Moreau, Osy, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Sinave, Tack, Tesch, Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Van Cromphaut, Vandenpeereboom,Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Overloop, Van Renynghe, Vervoort, Visart et Allard.

M. le président. - Par suite du vote de la Chambre, la discussion reprend son cours ; l'honorable M. Osy a développé tout à l'heure un amendement. Cet amendement est-il appuyé ?... Il est appuyé et il fera partie de la discussion.

L'amendement développé au début de la discussion, par M. de Perceval, est également appuyé.

M. Lebeau. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Messieurs, si je comprends bien la portée des amendements proposés, il me semble que leurs honorables auteurs ne tiennent aucun compte de la résolution que la Chambre a prise tout à l'heure sur la motion de l'honorable M. Frère ; il y a une analogie frappante, identité même entre ces amendements et ceux que la Chambre à tout à l'heure frappés, par un vote collectif, d'une fin de non-recevoir ; la Chambre a déclaré que la question préalable était prononcée contre ces amendements.

M. Coomans. - La Chambre ne peut jamais décider qu'il ne pourra pas être présenté d'amendements.

M. Lebeau. - Il y a ici une question de dignité pour la Chambre ; on ne peut pas se jouer (je ne dis pas que ce soit l'intention des honorables membres, mais dans le fait c'est ainsi), on ne peut pas se jouer de la dignité de la Chambre en lui faisant dire oui, après qu'elle a dit formellement non.

Certes la voie est ouverte aux amendements dans cette discussion comme dans toute autre ; mais il me semble qu'avant de déclarer que des amendements font partie de la discussion, M. le président doit consulter la Chambre sur la question de savoir si les amendements sont bien des amendements ; et si, étant des amendements, ils n'ont pas déjà été frappés d'une fin de non-recevoir, de la question préalable.

Agir autrement, ce serait se jouer de la Chambre, rendre la Chambre l'objet de la risée de tous. Nous ne pouvons pas, sans nous déconsidérer, entamer la discussion sur des propositions qui ont été écartées, il n'y a qu'un instant, par la question préalable.

Il n'y aura pas moyen de sortir de ce dédale, si l'on ne maintient pas la question préalable sur chacun des amendements que, par son vote sur la motion de l'honorable M. Frère, la Chambre a declares inadmissibles.

Je renouvelle formellement cette question préalable, en ce qui concerne l'amendement de l'honorable M. Osy.

M. le président. - A chaque membre appartient le droit de demander la question préalable sur un amendement.

M. Osy. - On nous a dit tantôt que nous pourrions reproduire comme amendements les propositions de la section centrale ; j'ai usé de cette faculté ; j'ai reproduit comme amendement une proposition de la section centrale, j'ai été admis à développer mon amendement qui a été développé et appuyé.

M. Lesoinne. - Messieurs, le projet présenté par le gouvernement est un projet collectif ; chacune des concessions dont se couple le projet forme un article séparé ! Je pense que les membres de la Chambre ont le droit de proposer, par vote d'amendement, d'autres concessions comme articles supplémentaires. Toute la question est là. (Interruption.) Pardon, on n'a pas décidé le contraire.

Il reste à savoir ce qu'on entend par un amendement. Que la Chambre se prononce à cel égard. La Chambre entend-elle que chaque article du projet du gouvernement forme un projet de loi séparé ? Ou bien entend-elle que chaque projet forme un article ? Si chaque projet forme un article, les membres de la Chambre ont le droit, à mon avis, de proposer, par voie d’amendement, des corcessions nouvelles comme articles supplémentaires.

M. Manilius. - Messieurs, nous devons cependant être justes ; nous venons de prononcer la question préalable, non pas sur les amendements de la section centra'e, mais sur les propositions nouvelles de la section centrale ; car c'est cette qualification qu'a employée l'honorable M. Frère ; l'honorable membre s'en est expliqué très clairement et a obtenu une très grande majorité pour l'adoption de sa motion. Mais, messieurs, avons-nous par là infirmé le droit de chaque membre de présenter des amendements ? Ce droit, nous l'avons toujours eu, et nous l'avons encore, malgré la question préalable qui a été prononcée. Si des amendements rentrent dans la nature de ceux qui ont été écartés par la question préalable, on ne les appuiera pas ; mais quelque originaux qu'ils soient, ils doivent faire partie de la discussion, s'ils sont appuyés par cinq membres. Le règlement, calqué sur la Constitution, est formel à cet égard ; on peut donc présenter des amendements ; il n'est dit, ni dans la Constitution, ni dans le règlement, que les amendements doivent être renfermés rigoureusement dans telles ou telles limites.

Il ne doit pas prévoir ou préjuger votre goût, pour cela vous avez à les voter. Il est étonnant qu'on puisse revenir là-dessus, car la Chambre a la connaissance de la plénitude de son droit ; il est regrettable qu'on perde trois jours à discuter la question de savoir si on discutera. Tout cela provient de ce qu'on a tant tardé à mettre ces objets en discussion et qu'on ne s'en est occupé qu à la veille du départ. Nous avons eu beaucoup de mal déjà et nous n'avons discuté qu'un seul projet ; il nous en reste sept à examiner ; nous ne pouvons laisser restreindre les droits de la Chambre de présenter des amendements. Je veux en proposer un ; c'est pour cela que je défends ce droit, que je crois légitime.

M. Frère-Orban. - La Chambre a pris une résolution, elle a voté la question préalable ; sur quoi portait principalement cette question préalable ? Sur le chemin de fer direct d'Anvers à Hasselt ; j'ai montré, par le texte même du rapport de la section centrale, que celle-ci avait formulé une proposition nouvelle étrangère aux dispositions du projet de loi ; je l'ai prouvé en citant la formule que la section centrale nous soumet, et qui, sans parler d'amendements, porte littéralement que le gouvernement est autorisé à concéder un chemin de fer direct d'Anvers à Hasselt.

M. Coomans. - Le gouvernement en propose la moitié.

M. Frère-Orban. - Vous n'avez pas proposé d'amendement à la proposition du gouvernement. (Interruption.)

Il est inouï qu'en présence d'un acte écrit on ose discuter ! C'est cette proposition contre laquelle je me suis élevé qui a été écartée par la question préalable. C'est une question de bonne foi, de savoir si, sous prétexte du droit d'amendement qui n'est pas contesté, vous pouver écarter la question préalable qui a été adoptée par la Chambre.

Il y a dans le projet du gouvernement des dispositions qui sont susceptibles d'amendement ; mais on ne peut pas violer la résolution de la Chambre, et, sous prétexte d'amendement, essayer de faire rétracter le vote qui vient d'être émis et qui avait précisément pour objet le chemin de fer direct d'Anvers à Hasselt.

M. Lesoinne. - Parmi les concessions proposées par le gouvernement, il y a des projets qui ne doivent donner lieu à aucune discussion. On établira une discussion générale sur chacun de ces articles ; si on renonçait à la discussion sur l'ensemble des projets et si on procédait article par article, on abrogerait de beaucoup la discussion. Je propose de commencer par discuter l'article premier ; quand il sera voté, on passera à l'article 2.

M. le président. - Il faudrait clore la discussion générale sur tous les projets, sauf à ouvrir une discussion générale sur chacun des projets de chemin de fer indiqués au projet de loi.

(page 1470) M. Lesoinne. - Je propose de clore la discussion générale sur l'ensemble du projet de loi.

(page 1488) M. Coomans, rapporteur. - Il me semble que nous marchons d'innovation en innovation. On a d'abord supprimé les résolutions de la section centrale ainsi que son rapport ; on a prétendu ensuite par un seul vote supprimer une de nos prérogatives les plus chères qui est le droit de présenter des amendements ; en troisième lieu, on vient proposer de supprimer la discussion générale... (interruption), car on avouera qu’il n’y a pas eu de discussion générale. J’ai donc raison de dire que nous innovons coup sur coup. J’ai surtout pris la parole pour faire remarquer à M. Frère qu’il se trompe énormément au sujet du chemin de fer d’Anvers à Hasselt ; la proposition de la section centrale n’est pas une proposition nouvelle, c’est un amendement, un changement de rédaction ; c’est si bien vrai que la section centrale dit dans son rapport : « Nous avons adopté à l’unanimité des voix la rédaction suivante de l’article 4. »

Cette rédaction à quoi se réduit-elle ?

Est-ce un chemin de fer direct d'Anvers à Hasselt auquel le gouvernement n'aurait jamais songé ? Messieurs, ce sont deux bouts de chemin de fer de 3 lieues 1/2 chacun, à savoir de Lierre à Aerschot et de Diest à Hasselt. Voilà la proposition de la section centrale. Elle a proposé sept lieues de chemin de fer de plus que le gouvernement. Je supplie la Chambre de s'en tenir à l'observation de son règlement, chaque membre a le droit de présenter, de la manière déterminée par le règlement, non seulement des amendements, mais des propositions sur chacune desquelles la Chambre doit se prononcer. On ne peut pas décider d'avance qu'il n'y aura pas d'amendements, la meilleure manière de respecter la Chambre, c'est de respecter son règlement.

(page 1470) M. de Theux. - La proposition de M. Lesoinne est une proposition nouvelle qui n'a pas été discutée ; la Chambre a le droit de la discuter.

Une discussion générale sur chacun des articles n'est pas une discussion sur l'ensemble d'un projet, telle que le veut l'article 40 du règlement.

Les intérêts en jeu dans ce débat sont assez graves pour qu'on ne s'écarte pas des formes prolectrices que le règlement prescrit. L'article 40 dit qu'outre la discussion générale sur l'ensemble du projet, la Chambre pourra ordonner une discussion générale sur les articles.

La discussion générale ne peut donc pas être évitée, elle est de droit.

Dans la discussion générale, chacun est admis à faire ses observations sur l’ensemble du projet. Il ne suffit pas de dire : Ce projet satisfait à certains intérêts ; moi qui désire qu'il soit satisfait à d'autres intérêts, j'ai le droit d'examiner l'ensemble des intérêts du pays, et l'ensemble des intérêts des provinces et des arrondissements.

Vous ne pouvez me fermer la bouche en disant que vous discutez les articles, parce qu'un seul article vous intéresse, et que vous ne vous inquiétez pas des autres.

- Plusieurs membres. - L'appel nominal !

M. Frère-Orban. - Qu'on renonce à la demande de clôture, et qu'on ne parle plus. Ce sera plus simple.

- La clôture de la discussion générale mise aux voix par appel nominal est rejetée par 50 voix contre 38, un membre (M. F. de Mérode) s'étant abstenu.

Ont voté pour : MM. Anspach, Boulez, Closset, Coppieters 't Wallant, David, de Breyne, de Bronckart, de Haerne, de Moor, de Pitteurs, de Renesse, de Steenhault, Devaux, du Bus, Goblet, Jouret, Lange, Laubry, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Magherman, Orts, Prévinaire, Rogier, Rousselle, Tesch, Thiéfry, Thienpont, Vander Donckt, Vervoort, Visart et Allard.

Ont voté contre : MM. Ansiau, Brixhe, Coomans, de Decker, de La Coste, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, Della Faille, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, de Muddere de Te Lokeren, de Sécus, de Theux, de Wouters, Dumon, Faignart, Frère-Orban, Jacques, Julliot, Lambin, Landeloos, Maertens, Manilius, Mascart, Matthieu, Mercier, Moncheur, Moreau, Osy, Rodenbach, Sinave, Tack, Thibaut, Tremouroux, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Van Hoorebeke, Van lseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Verhaegen, Vermeire, Wasseige et Delehaye.

M. le président. - La parole est à M. F. de Mérode pour moliver son abstention.

M. de Mérode. - JJe me suis abstenu parce que je suis saturé d'appels nominaux et que mon désir est d'obtenir un résultat quelconque affirmatif ou négatif.

M. David. - Alors il fallait voter la clôture.

M. de Renesse. - J'ai l'honneur de proposer, avec mon honorable collègue M. Julliot, l'amendement suivant :

« Le gouvernement est autorisé à concéder, aux conditions ordinaires qu'il déterminera, un chemin de fer de Bilsen par Tongres à Liège.

« L'article 2 de la loi du 24 juin 1853 est abrogé. »

Je demande à développer cet amendement.

M. Orts. - Je demande la question préalable sur cet amendement.

Il faut absolument que la Chambre se prononce sur la portée du vote qu'elle vient d'émettre. Il s'agit de savoir si la Chambre, en adoptant la proposition de l'honorable M. Frère, n'a pas écarté par la question préalable les propositions émanées de l'initiative de la section centrale. Qu'on veuille décider cela une bonne fois.

Je saisis l'occasion aussitôt qu'elle se présente. Comme l'amendement de l’honorable M. de Renesse est un amendement de la section centrale, je demande que la Chambre décide s'il peut ou non être mis en discussion.

Si la Chambre dit oui, la position sera nette. Si elle dit non, la discussion sera énormément abrégée.

M. Delfosse. - M. Lebeau a demandé la question préalable sur la proposition de M. Osy, relative au chemin de fer direct d'Anvers à Cologne.

La demande de M. Lebeau devra être mise aux voix avant celle de M. Orts.

M. de Renesse. - Je ferai remarquer que la proposition que j'ai eu l'honneur de faire n'est pas une proposition nouvelle ; car, en 1851 la Chambrer a voté un projet de loi qui autorise la concession d'un chemin de fer d'Ans vers Tongres. La question a été discutée alors. On peut donc très bien voter sur la proposition que j'ai l'honneur de faire.

M. le président. - Il s'agit de savoir si les propositions de MM. Osy et de Renesse seront mises en discussion.

(page 1488) M. Coomans, rapporteur. - C'est-à-dire qu'il s'agit de savoir si nous discuterons antre chose que les propositions du gouvernement. (Non ! non !)

Je voudrais bien expliquer moi-même ma pensée. (Parlez ! parlez !)

Dans ma pensée, la proposition que vous fait l'honorable membre est de se borner à la proposition faite par le gouvernement, et de rejeter d'avance toutes les propositions faites par la section centrale.

M. Orts. - Oui.

M. Coomans, rapporteur. - Eh bien, remarquez que la section centrale, après de longs travaux par lesquels elle a examiné une soixantaine de projets de chemins de fer, a fini par en accepter deux ou trois et par les proposer aux suffrages de la Chambre. Or, je vous prie de remarquer où l'on veut en venir. On exclut le projet de la section centrale, c'est-à-dire ce que la section centrale a jugé bon. Mais il sera permis de faire discuter par la Chambre des propositions qui n'ont pas été admises par la section centrale, et qu'elle n'a pas jugé dignes d'être adoptés par la Chambre. Tout ce que la section centrale vous a proposé, vous l'écartez d'avance par un seul vote. Mais vous êtes prêts à discuter d'autres projets. J'en suis fâché, ceci me paraît complètement déraisonnable.

Je voudrais que chaque membre restât investi du droit que la Constitution lui assure d'introduire dans le débat toutes les propositions qu'il juge bonnes, et qui doivent être discutées par la Chambre, lorsqu'elles sont appuyées par cinq membres.

Mais si vous allez écarter d'avance de nos débats toutes les propositions que vous avez provisoirement adoptées par l'organe des sections et de la section centrale, et si vous n'admettez les débats que sur les propositions que la section centrale a rejetées, je dis que nous arrivons à la suppression de nos libertés parlementaires et du bon sens.

M. le président. - Je crois devoir faire remarquer que la Chambre n'a décidé qu'une seule chose : c'est de ne pas admettre comme amendements ce qui n'en était réellement pas.

(page 1470) M. Orts. - Je ne crois pas avoir soumis à la Chambre une proposition injuste ou déraisonnable. J’ai voulu seulement lui donner l’occasion d'expliquer un vote dont la portée est contestée, et la solution de cette question abrégera nos débats.

La Chambre a voté la question préalable sur les propositions nouvelles de la section centrale et a voté par conséquent en employant, pour traduire sa pensée, les termes de l'article 24 du règlement, qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur toutes les propositions émanées de l'initiative de la section centrale.

La Chambre a pris cette décision par les raisons qui ont été données par l'auteur de la proposition qu'elle a adoptée. L'auteur de la proposition a fait observer qu'il demandait la question préalable, c'est-à-dire-la déclaration qu'il n'y à pas lieu à délibérer sur les propositions de la section centrale, parce que ces propositions sont graves et ne sont pas suffisamment instruites. La Chambre n'est pas éclairée et il est de sa dignité de ne pas aborder un débat, à l'époque où nous nous trouvons lorsqu'elle manque de lumières.

Si maintenant en dehors des propositions que la section centrale avait demandé d'examiner simultanément avec le projet du gouvernement, des propositions nouvelles se présentent, et si elles constituent non pas des amendements, mais des propositions complètement indépendantes, comme l'étaient celles de la section centrale qui sont écartées, on proposera de nouveau la question préalable et cette question, préalable sera admise par la Chambre avec autant de justice et de raison qu'elle en a eu à voter la disposition qu'elle a prise tantôt. Mais il ne s'ensuit pas que, dans les limites de la discussion du projet du gouvernement, des amendements ne puissent être introduits. Ainsi pour ma part j'en ai déposé un et il rentrera directement dans la discussion.

J'ai proposé que Je chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain soit fait par l'Etat et non par une compagnie et que ce chemin de fer soit fait d'après un tracé que j'ai indiqué et non d'après un tracé vague. Voilà un amendement. La Chambre l'admettra ou le rejettera ; mais elle le discutera.

Si au contraire j'étais venu proposer un chemin de fer direct de Bruxelles à Maubeuge, je tomberais sous le coup d'une question préalable comme celle qui a été votée tout à l'heure.

M. Thibaut. - Il me paraît que l’honorable M. Frère et l'honorable M. Orts ne sont pas parfaitement d'accord. Je pense que l'honorable M. Frère, dans le discours qu'il a prononcé à l'appui de la question préalable, a dit que si les propositions nouvelles avaient été acceptées par le gouvernement, la question préalable ne devrait pas être prononcée.

M. Frère-Orban. - Du tout ; je n'ai pas dit cela.

M. Thibaut. - Je crois que celle distinction résulte du discours de l'honorable membre. Il a appuyé sa motion surtout sur ce que le gouvernement ne s'est pas rallié aux propositions nouvelles de la section centrale. Si, a-t-il dit, le gouvernement avait accepté ces propositions nouvelles, la question se présenterait sous une autre face, la question serait autre. Donc la question préalable qui a été adoptée par la Chambre n'implique que la distraction des projets qui n'ont pas été admis par le gouvernement.

Je fais cette observation, parce que dans la discussion, il pourra se produire telle proposition nouvelle que le gouvernement accepterait, et je crois qu'alors la Chambre ne pourrait pas l'écarter par la question préalable.

Le discours de l’honorable M. Orts tend, au contraire, à faire écarter toutes les propositions nouvelles qui pourraient être introduites pendant la discussion.

M. Orts. - Pour les propositions faites, il y a chose jugée ; pour celles qui seront faites, il y aura chose à juger.

M. Thibaut. - Je constate le droit de présenter des amendements ou des articles nouveaux, et je demande qu'il soit entendu qu'on les discutera lorsque le gouvernement n'y fera point opposition.

- La question préalable demandée sur la proposition de M. Osy relative à la concession d'un chemin de fer d'Anvers à Hasselt, est mise aux voix et adoptée.

M. le président. - Je mets aux voix la question préalable sur la proposition de MM. Julliot et de Renesse relative à la concession d'un chemin de fer de Bilsen par Tongres à Liège.

M. de Renesse. - Je demande si le gouvernement se rallie à ma proposition.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Elle n'a pas été développée.

M. le président. - Si la Chambre ne s'y oppose pas, je donnerai la parole à M. de Renesse pour développer sa proposition.

M. de Renesse. - Messieurs, lorsque depuis l'établissement des voies ferrées, divers parties de notre pays, dans presque toutes les provinces, ont obtenu, non seulement plusieurs chemins de fer, mais aussi d'autres grands travaux publics aux frais du trésor de l'Etat, il doit être permis aux représentants des localités moins favorisées sons ce rapport de présenter quelques considérations pour réclamer de la Chambre et du gouvernement leur bienveillant concours pour qu'à leur tour ces parties de notre territoire ne restent pas plus longtemps en dehors de toute communication directe avec le réseau national.

Si, depuis plusieurs années, le gouvernement s'est efforcé de doter, surtout, les parties industrielles du royaume, de plusieurs chemins de fer, et qu’actuellement il trouve le moyen de proposer plusieurs (page 1471) concessions nouvelles, il aurait dû chercher, dans un intérêt de justice distribuée, à procurer pareillement des voies ferrées à certains districts purement agricoles de nos provinces qui, jusqu'ici, sont restés dans un isolement complet, ne sont pas encore reliés au railway de l'Etat, et n'ont cessé depuis longtemps de réclamer une juste part dans ces moyens de communication faciles et économiques.

Si ces parties de nos provinces ont contribué depuis notre régénération politique à toutes les charges extraordinaires résultant, pour le trésor public, des grands travaux décrétés et des garanties d'intérêt accordées à certaines concessions, il est aussi équitable que le gouvernement cherche, par tous les moyens en son pouvoir, à faciliter les concessions demandées, pour tirer ces parties de notre pays de leur isolement, et leur procurer, dans un avenir rapproché, une voie ferrée qui puisse leur être utile pour le transport économique de leurs nombreux produits agricoles, et leur permettre, en même temps, (erratum, page 1507) que la bonne direction à donner à cette voie de communication, de pouvoir conserver leurs anciennes relations commerciales avec leurs principaux marchés et leurs chefs-lieux judiciaires.

L'industrie agricole étant la première du pays, étant celle qui procure au trésor la plus grande partie de ses ressources, a droit de demander que les parties de notre territoire où elle s'exerce plus particulièment, soient reliées le plus tôt possible au système général de nos voies ferrées.

Cet état d'isolement où l'on a laissé jusqu'ici l'arrondissement agricole que j'ai l'honneur de représenter à la Chambre ne doit plus être continué, il n'est plus tolérable ; il froisse tous ses intérêts, lorsque surtout l'on cherche à doter d'autres parties du pays de différentes voies ferrées, tandis qu'elles sont déjà reliées au réseau national ; c'est an véritable déni de justice, dont l'arrondissement judiciaire de Tongres a droit de se plaindre ; si le gouvernement, et principalement ses agents de la haute administration des ponts et chaussées, avaient montré plus de bienveillance pour le bien-être matériel de cette partie du Limbourg, pour ses justes réclamations, il est plus que probable que l'un ou l'autre des nombreux projets qui ont surgi, depuis quelques années, serait parvenu à bonne fin, et depuis longtemps une société sérieuse aurait pu se former pour son exécution ; mais lorsque de prime abord les demandeurs en concession sont repoussés par MM. les ingénieurs, parce que ceux-ci patronnent un autre projet dont ils ne veulent pas démordre, que leurs rapports contre les autres demandes en concession paraissent parfois pouvoir être taxés d'exagération, s'il y a parti pris de contrecarrer des projets réellement utiles à de grands intérêts froissés, alors il est tout naturel que de pareilles demandes en concession ne peuvent guère se consolider.

Le gouvernement, étant la sauvegarde de tous les intérêts du pays, doit chercher à concilier ceux qui seraient en opposition ; il ne faut pas qu'il décrète des directions de chemins de fer qui puissent occasionner des préjudices notables à ces parties de notre territoire qui jusqu'ici n'ont obtenu ni railways, ni de grands travaux publics. Sous ce rapport l'arrondissement de Tongres peut réclamer avec droit et instance que ses nombreux intérêts ne soient plus méconnus, et qu'on lui accorde le plus tôt possible un chemin de fer qui, par sa bonne direction, puisse lui procurer des relations faciles et économiques tant avec la province de Liège qu'avec les villes de Hasselt et de Maestricht.

Si le gouvernement ne tenait aucun compte des justes réclamations que je crois devoir appuyer dans un véritable intérêt de justice, si certaines localités doivent constamment obtenir tous les grands avantages dont il peut disposer, et si d'autres parties de notre pays ne doivent connaître que les nombreuses charges du trésor public, sans recevoir aussi une certaine compensation pour l'amélioration de leurs intérêts matériels, pour leur procurer des moyens de communication faciles et économiques avec le railway national, et qui leur permettent de conserver leurs anciennes relations commerciales, il ne resterait aux représentants de ces districts délaissés, déshérités des faveurs du gouvernement, qu'à former une opposition parlementaire, ferme et continue contre tout ministère qui refuserait de faire droit à de justes et très légitimes réclamations, trop longtemps restées en suspens.

C'est la position que je compte prendre, si le gouvernement repoussait formellement la voie ferrée de Bilsen par Tongres à Liège, que la section centrale, dans un intérêt de justice distnbutive, a cru devoir proposer à la sanction de la Chambre.

En 1853 un projet de chemin de fer réellement utile à tous les intérêts limbourgeois, avait été présenté par M. l'ingénieur civil Delaveleye. Ce projet avait obtenu un assentiment général dans la province de Limbourg ; aussi les députations des villes de Hasselt, Tongres, Bilsen et d’autres localités de cette province, réunies à celles de Louvain et de Diest, avaient fait des démarches officielles auprès du gouvernement pour appuyer de tous leurs moyens un projet de voie ferrée aussi utile à tous leurs intérèts ; ce railway devait se diriger soit de Wespelaer ou de Louvain par Diest vers Hasselt et Maestricht, avec un embranchement de Bilsen par Tongres à Liège.

Ce projet rencontra une certaine opposition de la part du gouvernement, et surtout le conseil supérieur des ponts et chaussées lui objectait : « qu’il faisait une concurrence au chemin de fer de l'Etat, que le génie militaire s'opposait à la construction d'une voie ferrée de Louvain vers la forteresse de Diest, et que, d'ailleurs, la société Mackensie avait un droit de préférence pour le prolongement du chemin de fer de Hasselt vers Maestricht ». Il faut bien le dire tout haut : toutes les objections plus ou moins spécieuses sont faites pour s'en servir à l'occasion ; mais ordinairement elles ne résistent pas devant un examen plus sérieux, lorsqu'il s'agit de faire droit à de grands intérêts, ce qui probablement a engagé l'honorable ministre des travaux publics à repousser la seconde objection formée par le conseil supérieur des ponts et chaussées, qui interdisait toute construction de chemin de fer vers la forteresse de Diest, le gouvernement venant lui-même soumettre à nos délibérations le premier jalon du projet de M. Delaveleye, celui de Louvain à Diest, et la section centrale, par la proposition formelle qu'elle vient de faire, complète et améliore le projet primitif de cet ingénieur, en ce sens que dans l'intérêt de la conservation de nos relations commerciales et de transit vers certaines parties de l'Allemagne, elle croit devoir formellement engager la législature d'accorder au gouvernement la faculté de concéder un système complet de voies ferrées qui établirait des communications plus directes et plus économiques entre Anvers et le nord de l'Allemagne ; relations que nous avons le plus grand intérêt de faciliter, par une voie plus courte, moins coûteuse, pour pouvoir soutenir avec avantage la grande concurrence de nos voisins du nord, qui, chaque année, prend un plus grand développement, au détriment du commerce de la Belgique. Nos tatistiques commerciales sont là pour témoigner de la vérité des assertions de la section centrale.

Il est donc de l'intérêt bien entendu du pays de rechercher par tous les moyens en notre pouvoir, de raccourcir la distance d'Anvers vers l'Allemagne ; aussi, dans les mesures à prendre, pour maintenir nos relations commerciales avec l'Allemagne, la chambre de commerce de la ville d'Anvers indique formellement qu'il faut rendre le transit rapide et économique, et à cet effet, il y aurait nécessité de décréter un second railway pour unir Anvers au Rhin.

La proposition de la section centrale tend aussi à faire droit à de justes réclamations de différentes parties de notre territoire, non encore avantagées de chemins de fer, et qui depuis longtemps demandent avec instance de n'être pas déshéritées de ces moyens de communication faciles et économiques.

Par la seconde disposition de la section centrale d'autoriser pareillement le gouvernement à concéder un chemin de fer de Bilsen par Tongres, aboutissant à la station des Guillemins à Liège, l'on comble une lacune dans notre système général de voies ferrées, et l'on complète réellement le railway proposé d'Anvers par Lierre, Aerschot et Diest à Hasselt, en reliant par cet embranchement la ville et la province de Liège, non seulement à la partie nord-est de la province de Limbourg, mais aussi à toute la Campine anversoise et brabançonne.

Par cet embranchement, l'on donne satisfaction aux justes réclamations de la partie de l'arrondissement judiciaire de Tongres, restée dans un isolement complet depuis 1830, qui, jusqu'ici, n'a pas reçu sa part dans les grands travaux décrétés par le gouvernement et a néanmoins largement contribué aux charges extraordinaires qui en résultent.

Aussi j'espère que la ville de Hasselt n'aura plus aucune objection sérieuse à nous faire, puisque par le projet d'Anvers à Hasselt, elle obtient une nouvelle ligne ferrée, par laquelle elle sera reliée directement à notre métropole commerciale, et, comme au commencement de 1853, elle était d'accord avec nous et toute la province de Limbourg, ainsi qu'avec les députations des villes de Louvain et Diest, pour appuyer le même embranchement proposé par MM. Delaveleye, de Bilsen par Tongres à Liège, et appuyé actuellement par la section centrale, nous pourrions encore dire, avec la commissioa du conseil communal de la ville de Hasselt : « que ce tracé (par Bilsen) était sans contredit celui qui satisfaisait le mieux aux intérêts de cette partie de la province (l'arrondissement de Tongres), et ferait cesser l'isolement dans lequel elle s'est trouvée depuis 1830, etc. »

La ville de Hasselt, par le projet de jonction de Louvain à Diest par Aerschot, va encore obtenir une communication par voie ferrée très utile à tous ses intérêts commerciaux ; elle ne peut donc, avec quelque fondement, s'opposer à ce que d'autres localités de la province de Limbourg soient aussi à leur tour reliées au réseau national et au chemin de fer concédé de Maestricht à Hasselt, par la direction la plus utile à tous leurs besoins, et qui leur permette de conserver leurs anciennes relations commerciales avec leurs principaux marchés et avec leur chef-lieu judiciaire.

Il est à observer que la ville de Hasselt et son arrondissement ont obtenu depuis 1830 plusieurs routes importantes ; déjà depuis longtemps la ville de Hasselt est reliée au railway de l'Etat, par l'embranchement de Landen, actuellement prolongé vers Maestricht et l'Allemagne ; elle sera bientôt rattachée par un canal à celui de la Campine ; il est donc équitable que la ville de Tongres, chef-lieu judiciaire de la province de Limbourg, restée dans un isolement complet depuis 1830, et n'ayant eu aucune part aux grands travaux décrétés depuis notre régénération politique, puisse, après une longue attente, être reliée par une voie ferrée à plusieurs de ces cantons, à la ville de Maestricht, au duché de Limbourg et à la ville et à la province de Liège.

Par le tracé par Bilsen la ville de Liège se trouvera plus directement en relation avec la partie nord-est du Limbourg dont plusieurs cantons ont leurs principaux marchés à Tongres et à Liège ; il serait à craindre pour le commerce de ces deux villes, que ces cantons, reliés plus intimement à la ville de Hasselt par la voie ferrée internationale vers Maestricht, qu'avec leurs marchés actuels, chercheraient, par la facilité et par l'économie de cette nouvelle communication, à (page 1472) se former d'autres relations commerciales au grand désavantage des villes de Tongres et de Liège ; ce qu'il faut éviter surtout, en décrétant de nouveaux chemins de fer, c'est de jeter le trouble dans les relations établies depuis longtemps ; ce que l'on doit se proposer pour but, c'est de satisfaire le plus grand nombre d'intérêts possible.

Déjà, en 1851, la section centrale chargée d'examiner le grand projet de travaux publics, avait formellement reconnu les titres de la ville de Tongres et de son arrondissement, restés en dehors de notre système général de railway, d'être reliés à leur tour à notre réseau national, soit à Fexhe ou à Ans près de Liège, et à cet effet, elle avait proposé à la Chambre la garantie d'un minimum d'intérêt sur un capital d'un million ; mais le capital sur lequel la garantie avait été accordée, ne paraissait pas suffisant pour l'exécution d'une voie ferrée entre Tongres et la ville de Liège, cette disposition de la loi du 20 décembre 1851 est donc restée une lettre morte pour cette partie du Limbourg ; maintenant la section centrale, reconnaissant pareillement la juste réclamation de Tongres et d'une grande partie de son arrondissement judiciaire, propose à la Chambre d'autoriser le gouvernement de concéder, sous des conditions à déterminer, un chemin de fer de Bilsen par Tongres aboutissant à la station des Guillemins à Liège ; cette nouvelle voie ferrée serait réellement le complément naturel de la ligne de Hasselt à Anvers.

J'ose espérer que la Chambre accueillera avec faveur la proposition de la section centrale, de rattacher l'arrondissement et la ville de Tongres, par l'embranchement de Bilsen, tant aux villes d'Hasselt et de Maestricht qu'à la ville et à la province de Liège, où convergent la grande majorité de leurs relations commerciales, la Chambre aura ainsi fait droit à de justes réclamations de cette partie du Limbourg qui, par suite du traité de 1839, a dû se soumettre à de grands sacrifices, dans l'intérêt de la généralité du pays ; car alors cet arrondissement judiciaire a perdu la plus belle partie de son territoire, et plus de 80,000 habitants, il faut donc lui tenir compte de sa position tout exceptionnelle, et profiter de l'occasion qui se présente de doter cette partie du Limbourg d'une voie ferrée qui puisse satisfaire à presque tous ses intérêts, améliorer sa situation actuelle et la tirer de l'isolement où elle n'est restée que trop longtemps, car avant notre régénération politique, et avant l'établissement des chemins de fer, la ville de Tongres et son arrondissement possédaient le grand passage d'un commerce de transit très considérable des provinces d'Anvers, de Brabant et des Flandres vers l'Allemagne par Maestricht et Aix-la-Chapelle, et en outre un commerce de roulage de Liège vers la Hollande.

Ce grand commerce de transit est actuellement entièrement perdu pour cette partie de notre pays, depuis l'exécution du traité de 1839, par l'établissement du canal latéral à la Meuse et des voies ferrées.

Repousser la juste demande de la ville de Tongres et d'une forte partie de son arrondissement judiciaire, ce serait porter un nouveau préjudice à cette partie du Limbourg déjà morcelée par un fatal traité, et qui n'a jusqu'ici obtenu aucune compensation pour la perte de ses nombreuses et anciennes relations commerciales avec la partie délaissée à la Hollande, malgré les promesses faites en 1839 par le gouvernement.

Toutes les parties du royaume doivent trouver, tant auprès des Chambres législatives qu'auprès du gouvernement, la même impartialité, la même bienveillance, il faut une égale répartition dans les charges comme dans les faveurs, il ne faut pas que certaines localités soient toujours sacrifiées aux exigences d'autres déjà privilégiées, sous le rapport de travaux publics, tels que chemins de fer, routes et canaux. Dans un pays de liberté et d'égalité il faut aussi la fraternité pour toutes les parties du territoire. Il faut enfin une justice distributive, il ne faut pas que l'on froisse toujours les intérêts de certaines localités à l'avantage d'autres.

Nous demandons donc à la Chambre de poser un acte de justice en faveur de la ville et de l'arrondissement de Tongres, de les retirer de l'isolement où ils se trouvent depuis 1830, en leur accordant le chemin de fer de Bilsen par Tongres à Liège qui, d'après la proposition formelle de la section centrale, serait le complément naturel de la ligne d'Anvers à Hasselt, et pourrait par la suite être dirigé vers la Hollande, ou se raccorder à la voie ferrée à décréter vers la ville de Maeseyck.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Messieurs, la proposition de l'honorable M. de Renesse comprend deux parties. L'article 2 qui est, selon moi, le plus important, propose de retirer au gouvernement la faculté qui lui a été accordée par une loi antérieure. A cette partie je ne puis me rallier.

L'article premier est uniquement relatif au tracé. Je m'y rallie pour avoir l'occasion d'entendre discuter par les honorables membres qui prennent intérêt à la question du tracé, les motifs qu'ils peuvent avoir à faire valoir pour ou contre la proposition de l'honurable M. de Renesse.

M. de Theux. - L'honorable M. Orts a proposé la question préalable et il avait parfaitement raison. C'est d'autant plus fondé que la question préalable vient d'être adoptée pour la ligne d'Anvers à Hasselt. Mais il y a ici un double motif, car voici ce que demande l'honorable comte de Renesse. La loi de 1853 a été votée dans cette Chambre et au Sénat, à une très grande majorité, après une longue discussion et après avoir subi toutes les formes régulières. Dès que la proposition de la section centrale, que reproduit l'honorable comte de Renesse, a été connue, (erratum, page 1499) la commission nommée par le conseil communal de Hasselt permanente a adressé une requête à la Chambre pour la supplier de ne pas admettre cette proposition,

(Erratum, page 1499) L’article 2 de la loi du 24 juin 1853 orte : Le gouvernement est autorisé à concéder, après enquête, les embranchements de chemin de fer de Hasselt à Liége par Tongres, de Bilsen à Liége ou de Tongres à Maestricht par la vallée du Jaer ; la Chambre en 1853 n"a pas voulu se prononcer sur la préférence à accorder à l'une de ces lignes ; elle s'est bornée à décréter un chemin de fer de Liège à Hasselt en abandonnant le choix du tracé au gouvernement dans la province de Limbourg, une grande majorité s'est prononcée pour la ligne directe.

Eh bien, l'honorable comte de Renesse demande aujourd'hui l'abrogation de la loi de 1853, ce serait là une chose inouïe.

Quand il s'est agi de la ligne de Hasselt à Maestricht, on a eu soin de dire qu'on n'excluait pas de ligne concurrente ; ici, au contraire, l'honorable comte de Renesse demande l'exclusion de toute concurrence.

Certes, messieurs, si une question préalable peut être fondée à tous égards, c'est certainement celle-ci et je ne concevrais pas que la Chambre la rejetât et se déjugeât ainsi à cinq minutes de distance.

M. Julliot. - L'honorable comte de Theux parle à son aise au nom d'une localité qui est pourvue de 3 ou 4 chemins de fer, et il veut que le cinquième soit encore exécuté à son point de vue exclusif. Messieurs, pour que l'arrondissement de Tongres puisse au moins une fois avoir le gouvernement de son côté, je fais, en ce qui me concerne, le sacrifice du deuxième paragraphe de l'amendement de l'honorable comte de Renesse.

Cet amendement devient ainsi ce qu'il était dans le rapport de la section centrale et j'espère bien que la Chambre l'adoptera.

M. Orts. - Messieurs, je regrette beaucoup de ne pouvoir adhérer à ce que demandent les honorables MM. Julliot et de Renesse. J'ai les plus vives sympathies pour le Limbourg comme pour le Luxembourg, et cela au même titre ; je crois l'avoir prouvé en toute circonstance, mais si je faisais aujourd'hui ce que demandent les honorables membres, en retirant ma proposition, je commettrais une injustice et j'aurais à me reprocher un véritable acte de camaraderie.

M. de Perceval. - Je demande que la Chambre ne statue pas aujourd'hui sur la proposition de l'honorable M. de Renesse. Il nous a été impossible de peser à leur juste valeur les motifs que l'honorable M. de Renesse a fait valoir en sa faveur ; c'est à peine si nous avons pu les entendre, car l'honorable membre a la voix très faible, ce qui n'ôte rien, du reste, à la force de ses arguments. Demain, nous aurons pu lire le discours de l'honorable membre dans les Annales parlementaires, et nous pourrons alors voter sérieusement sur son amendement.

Du reste, en ce qui me concerne personnellement, je suis favorable en tous points à la cause qu'il défend. Je l'ai déjà déclaré à la fin du discours que j'ai prononcé à l'ouverture de la discussion du projet de loi dont nous nous occupons ; cette cause est juste et a droit à une issue conforme aux désirs exprimés par les honorables MM. de Renesse et Julliot.

M. de Renesse. - Je ne veux pas discuter pour le moment avec l'honorable comte de Theux, la question de la ligne directe ou de la ligne par Bilsen. Lorsque nous arriverons à examiner l'amendement, que mon honorable collègue et ami, M. Julliot et moi, nous avons présenté, alors l'on pourra discuter cette question ; mais je dois faire observer en attendant, que quand le conseil provincial a donné son adhésion à la ligne directe, ce n'a été que sous certaines conditions ; or, ces conditions n'existent plus aujourd'hui puisqu'il paraît que les embranchements proposés ne sont plus compris dans le projet de la ligne directe, ainsi qu'ils avaient été soumis à l'appréciation du conseil provincial. Je crois avoir prouvé dans mes développements que nous sommes fondés à réclamer la ligne par Bilsen.

M. Julliot. - Plusieurs honorables membres ont des doutes sur le point de savoir si, en cas d'adoption de notre proposition le gouvernement pourrait faire toute espèce de contrat pour la ligne que nous demandons. Il ne s'agit de rien de semblable, car nous avons en ce moment-ci deux concessionnaires qui veulent faire cette ligne aux conditions ordinaires.

M. Wasseige. - Messieurs, nous avons décidé tout à l'heure que les propositions relatives à des chemins de fer nouveaux ne sont pas des amendements et qu'elles doivent être écartées par la question préalable. La grande majorité de la Chambre s'est prononcée dans ce sens. Maintenant je demande, messieurs, si le gouvernement en se ralliant à une proposition peut changer la nature des choses. Quant à moi, je ne le pense pas ; je pense qu'une proposition à laquelle le gouvernement se rallie et qu'il fait ainsi, en quelque sorte sienne, doit néanmoins être examinée par les sections et par la section centrale. Il me semble donc que la question préalable atteint tout aussi bien les propositions nouvelles auxquelles le gouvernement se rallie, que celles auxquelles il ne se rallie pas.

M. Visart. - La proposition a été modifiée ; on renonce à l'article 2 ; la question n'est donc plus la même et je désirerais connaître l'opinion du gouvernement avant de devoir me prononcer sur la question préalable.

M. le président. - Les auteurs de la proposition substituent aux mots : « conditions à déterminer » : ceux-ci : « conditions ordinaires. »

- La question préalable est mise aux voix ; elle n'est pas adoptée.

La séance est levée à 4 heures 3/4.