(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)
(Présidence de M. Delehaye.)
(page 1021) M. Ansiau procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.
M. Maertens donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Ansiau présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.
« L'administration communale des Deux-Acren demande que le chemin de fer projeté de Braine-le-Comte vers Courtrai passe par Enghien, lesAcren, Flobecq, Ellezelles et Renais. »
- Renvoi à la section centrale chargée examiner le projet de loi relatif à la concession de plusieurs lignes de chemin de fer.
« Le conseil communal de Lierre demande qu'il soit stipulé dans la convention relative à la concession du chemin de fer de Lierre à Contich quïl y aura trois convois du matin et deux du soir et que la double taxe sera supprimée sur cette ligne. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la concession du chemin de fer de Lierre à Contich.
« Le sieur de Bauque demande que l'examen de pharmacien ait lieu devant un jury central ; que le stage officinal soit de quatre années ; que l'épreuve préparatoire pour la candidature en pharmacie porte sur le latin, le français, les éléments de physique, la logique et l'anthropologie, et que l'examen pour la candidature en pharmacie comprenne les éléments de géologie et les matières exigées pour la candidature en sciences naturelles. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif aux jurys d'examen pour la collation des grades académiques.
« Les sieurs Parent, Janssens et autres combattants de septembre prient la Chambre d'adopter le projet de loi relatif à la pension d'officiers volontaires qui a été amendé par le Sénat. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Les membres du conseil communal et des industriels et négociants de Morlanwelz prient la Chambre d'accorder à la compagnie Dehaussy-Rasquin la concession d'un chemin de fer de Marchienne à Jurbise. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession de plusieurs lignes de chemin de fer.
« Le sieur Dewitte demande que le projet de loi relatif à la pension d'officiers de volontaires contienne une disposition en faveur des combattants de 1830 qui, après cette époque, sont rentrés dans la vie privée et qui n'ont pas obtenu la croix de Fer. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Le sieur Remy demande qu'on appelle au service les miliciens de la classe de 1855 avant de recourir à ceux de la classe de 1856. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Simon Schreuders, tailleur d'habits à Tongres, né à Maestricht, demande la naturalisation ordinaire. ».
- Renvoi au ministre de la justice.
Composition des bureau de section pour le mois d’avril
Première section
Président : M. le Bailly de Tilleghem
Vice-président : M. Loos
Secrétaire : M. Veydt
Rapporteur : M. Tienpont
Deuxième section
Président : M. Deliége
Vice-président : M. Lesoinne
Secrétaire : M. de Steenault
Rapporteur : M. Vander Donckt
Troisième section
Président : M. de T’Serclaes
Vice-président : M. Tremouroux
Secrétaire : M. Magherman
Rapporteur : M. Lambin
Quatrième section
Président : M. Delfosse
Vice-président : M. Pirmez
Secrétaire : M. Van Iseghem
Rapporteur : M. Thibaut
Cinquième section
Président : M. Osy
Vice-président : M. de Renesse
Secrétaire : M. de Mérode-Westerloo
Rapporteur : M. Dubus
Sixième section
Président : M. Matthieu
Vice-président : M. Dellafaille
Secrétaire : M. Van Overloop
Rapporteur : M. Lange
M. Lelièvre. - Il est aujourd'hui reconnu que la pêche à la ligne en temps de frai ne peut avoir le moindre inconvénient. Pendant nombre d'années, elle a été tolérée sans opposition aucune de qui que se fût.
Je prie le gouvernement de vouloir donner les instructions nécessaires pour qu'on ne dresse pas de procès-verbaux à raison d'un fait qui bien certainement ne sera pas réprimé par la nouvelle loi sur la pêche.
Dans les pays voisins où la législation en cette matière a été révisée, il n'est pas question de prohiber, en quelque temps que ce soit, la pêche à la ligne. En pareille occurrence, la mesure que je sollicite paraît de toute équité et j'espère que M. le ministre des finances voudra bien l'accueillir.
M. Janssens. - J’ai l'honneur de déposer, au nom de la commission permanente d'industrie, un rapport sur des pétitions qui nous ont été adressées par plusieurs conseils communaux de l'arrondissement de St-Nicolas, et qui sont relatives au droit d'entrée sur le lin brut.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite des objets à l'ordre du jour.
M. le président. - M. Julliot a déposé un amendement à la loi sur la récusation des magistrats. Il a été décidé hier que la section centrale se réunirait pour prendre communication des mémoires adressés à la Chambre et émanant de la cour de cassation et des cours d'appel. On m'annonce l'envoi prochain d'un mémoire en réponse à ces avis. Je propose de renvoyer l'amendement de M. Julliot à la section centrale qui sera convoquée pour prendre une résolution définitive.
- Cette proposition est adoptée.
M. de Perceval. - Messieurs, la position prise par l'honorable ministre des travaux publics dans la discussion qui nous occupe me paraît insolite, tout à fait extraordinaire. D’honorables orateurs ont prouvé à toute évidence que la cession du chemin de fer de Contich à Lierre à la compagnie de Lierre à Turnhout n'est ni utile, ni nécessaire, que l'Etat n'a aucun intérêt à faire cette cession ; au contraire, qu'il est de son intérêt d'exploiter pour son propre compte le railway de Contich à Lierre.
L'honorable ministre des travaux publics, dans sa réponse, a déclaré que les objections principales ont beaucoup plus porté sur les détails et sur les conditions secondaires de la convention que sur le fond. C'est là une pure allégation. Car il me semble que l'honorable M. Loos, que l'honorable M. Frère, que l'honorable rapporteur de la section centrale, ont démontré que cette cession était ruineuse pour le trésor, contraire aux intérêts sainement entendus du pays, et qu'elle ne pouvait, en définitive, qu'être considérée comme un acte de complaisance posé très gratuitement à l'égard d'une compagnie.
Les considérations que je viens d'émettre sommairement, vous disent d'avance que j'appuie les conclusions de la section centrale et que je voterai le rejet du projet de loi déposé par le gouvernement.
Je voudrais, messieurs, que l’honorable ministre rencontrât les arguments sérieux qu'ont fait valoir ies orateurs qui ont critiqué la convention. Je voudrais le voir entrer dans des détails justificatifs de sa conduite, au lieu de se renfermer dans de banales généralités.
Dans mon opinion, la cession du chemin de fer de Contich à Lierre à la compagnie de Lierre à Turnhout, sera une entrave au perfectionnement futur de nos relations directes vers l'Allemagne, et par conséquent elle portera un préjudice considérable au commerce. Pour s'en convaincre, il suffit de jeter les yeux sur la carte et d'examiner la distance qui sépare Anvers de Hasselt.
Tôt ou tard vous serez amenés à rapprocher ces deux villes, si vous voulez garder en Belgique le transit vers l'Allemagne ; il faudra tôt ou tard, dans un avenir prochain peut-être, créer une ligne directe d'Anvers à Hasselt.
Je comprends très bien que la compagnie de chemin de fer de Lierre à Turnhout demande la reprise du chemin de fer de Contich à Lierre, car la voie ferrée de Lierre à Turnhout est peu productive, et il lui importe d'y amener des recettes ; il n'y a pour le moment aucun mouvement commercial sur la ligne de Lierre à Turnhout. Mais il suffit de réfléchir quelques instants pour se convaincre que cette modeste demande de cession renferme une autre demande de concession, grosse en conséquences désastreuses pour le chemin de fer de l'Etat ; elle apparaîtra bientôt, j'en ai le pressentiment, et ce qui me donne ce pressentiment, c'est que déjà les jalons ont été posés ; on prépare l'opinion publique pour cette concession. Je veux parler du projet de chemin de fer qui, partant de Herenthals, se dirigerait sur Hasselt par Gheel et Beverloo.
Eh bien, messieurs, si l'on veut amener entre les mains de la compagnie et sur le chemin de fer de Lierre à Turnhout tout le transit vers l'Allemagne, que l'on cède le chemin de fer de Contich à Lierre ; ce sera le premier pas fait vers un privilège exorbitant, et que l'on donne ce privilège inouï à une compagnie ! Quant à moi, je ne le sanctionnerai jamais.
Nous assisterons donc à ce spectacle étrange, que l'Etat, négligeant ses intérêts, se suicidera bénévolement, de gaieté de cœur, pour donner des recettes à une compagnie privée ! Voilà le résultat le plus clair et le plus net de la position prise par le gouvernement dans ce débat.
Il est très important pour le pays que le gouvernement maintienne (page 1022) l'exploitation du chemin de fer de Contich à Lierre par l'Etat, en vue surtout des demandes de concession qui seront faites à la législature dans un avenir prochain, et, si je suis bien instruit, plusieurs de ces demandes se trouvent déjà entre les mains de M. le ministre des travaux publics ; toutes, elles tendent à établir une ligne plus ou moins directe entre Anvers et Hasselt. La question qui nous occupe doit être posée en ces termes : voulez-vous garder pour l'Etat le transit vers l'Allemagne, ou voulez-vous livrer ce transit à une compagnie privée ?
Si la législature était intentionnée de céder l'exploitation de tous les chemins de fer de l'Etat aux compagnies, je concevrais qu'on voulût aujourd'hui décréter l'abandon du chemin de fer de Contich à Lierre au profit de la compagnie du chemin de fer de Lierre à Turnhout ; mais, dans une discussion récente, la Chambre a exprimé la ferme volonté de voir continuer par l'Etat l'exploitation de notre railway. Eh bien, quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, la cession du chemin de fer de Contich à Lierre aux mains de la compagnie de Lierre à Turnhout, c'est, dans mon opinion, un achèvement à l'abandon du transit vers l'Allemagne entre les mains de la compagnie du chemin de fer de Lierre à Turnhout.
Messieurs, je ne reviendrai pas sur les considérations qu'ont fait valoir les honorables orateurs qui ont combattu cette demande de cession ; ces considérations n'ont pas été rencontrées : elles restent debout avec leur logique écrasante et M. le ministre des travaux publics ne les a pas jusqu'ici détruites.
Je passe maintenant à un autre ordre d'idées, et je vais prouver que la convention ne sauvegarde nullement les droits ni les intérêts de la ville de Lierre.
Au rapport de la section centrale se trouve jointe, sous l'annexe B, la convention relative à la reprise du chemin de fer de Contich à Lierre par la compagnie de Lierre à Turnhout. L'article 12 littera d, stipule que le nombre des convois sera réglé, de commun accord, entre l'administration des chemins de fer de l'Etat et la compagnie.
Mais cet article ne fixe pas un chiffre minimum pour le nombre de convois à établir en faveur de la ville de Lierre. C'est là une lacune fâcheuse ; il importe de la combler pour avoir une base sur laquelle des négociations doivent s'ouvrir entre le gouvernement et la compagnie. Il existe maintenant trois convois par jour de Turnhout à Contich. Si ce nombre est suffisant pour Turnhout, il est loin de l'être pour Lierre, car cette cité renferme des éléments féconds d'activité, et elle constitue un centre industriel et commercial très important.
M. le ministre des travaux publics doit insérer dans la convention au moins un minimum de cinq convois par jour.
L'article 14 porte, que la compagnie ne pourra, dans aucun cas, percevoir pour prix du transport des marchandises sur la ligne d'Anvers à Turnhout qu'une taxe fixe. Donc, il ne parle de la suppression de la double taxe que pour le parcours de la ligne de Turnout à Anvers. La double taxe est, par conséquent, maintenue, ou pour mieux dire, conservée pour les autres lignes du pays.
Je repousse ce système. Les convois venant de ou se dirigeant vers Malines, Bruxelles, Liège et Gand, etc., les bassins houillers, les carrières et les produits métallurgiques ne doivent également avoir à supporter qu'une seule taxe fixe. Je demande à M. le ministre des travaux publics qu'il veuille bien s'expliquer sur ce point, car il est des plus graves, il intéresse au plus haut degré les habitants de Lierre ei les communes populeuses environnantes.
La perception de la double taxe sur d'autres lignes que celle de Turnhout à Anvers serait une injustice et contraire aux idées qui ont prévalu dans cette Chambre quand nous avons décidé par la loi de 1851, que la ville de Lierre devait être reliée au railway de l'Etat. La justice distributive exige que le bénéfice de cette loi reste acquis à la ville de Lierre.
Je bornerai ici mes observations. J'appuie, en terminant, les opinions qui ont été émises, dans la séance d'hier, par mes honorables collègues, MM. Frère, Loos et Prévinaire.
Je dis aussi que la cession du chemin de fer de Contich à Lierre serait contraire à l'intérêt général, qu'elle compromettrait gravement la prospérité de notre raiiway national, parce quelle livrerait bientôt à une compagnie privée le transit vers l'Allemagne, transit que le gouvernement doit s’efforcer de garder sur les lignes appartenant à l'Etat.
Je repousse la convention et je vote les conclusions de la section centrale qui tendent au rejet du projet de loi ; c'est surtout en vue des concessions futures que la cession du chemin de fer de Contich à Lierre me paraît dangereuse.
M. Osy. - J'ai toujouis partagé l'opinion de mon honorable collègue M. Loos, qu'il eût été à désirer qu'Anvers eût son chemin direct vers l'Allemagne. Mais nous avous dit, lorsqu'on en a demandé la concession, que la ligne n’était plus vierge, que depuis qu'on avait accoirdé la construction du chemin de fer de Contich à Lierre, il fallait faire passer la ligne d’Anveis vers l’Allemagne par Lierre et Turnhout.
Il faut convenir qu'après avoir concédé le chemin de fer de Contich à Lierre en vertu de la loi de 1851, vous ne pouvez pas le condamner à être une impasse et lui refuser de se mettre en communication avec le reste de la Campine.
Voilà pourquoi nous avons voté le projet de loi, nous qui voulons donner un chemin de fer à la Campine. Je n'ai accepté le point de départ de Lierre que par suite du vote de 1851.
Lors des discussions qui eurent lieu à la fin de l'année dernière, les honorables membres qui appuyaient la construction d'un chemin de fer direct de Lierre sur Hasselt étaient d'avis que le gouvernement devait rester libre de disposer du tronçon de chemin de Contich à Lierre. Le gouvernement a bien fait de faire une stipulation qui rentre dans les intentions que nous avions exprimées, et qui donne toute garantie au gouvernement pour le cas où il voudrait construire ou construire ou concéder une ligne directe d'Anvers ou de Lierre sur Hasselt.
Eh bien, messieurs, selon moi l'article 21 est formel et sauvegarde complètement les intérêts de l'Etat et ceux de la société. Je ne connais donc pas qu'après avoir demandé l'ajournement on ne trouve pas aujourd'hui l'article 21 suffisant.
La société, messieurs, demande la concession d'une ligne de Lierre à Hasselt ; vous aurez ainsi la route directe entre l'Allemagne et Anvers, la société aura une route directe de Hasselt comme de Turnhout sur Anvers.
L'honorable M. de Perceval dit que la ville de Lierre sera lésée par cette convention ; il me semble que l'article 12 est assez formel et qu'on aura à Lierre toute garantie quant à l'arrivée et au départ des convois ; mais, messieurs, il y a un grand avantage à avoir une ligne directe sur Anvers : s'il y avait deux administrations vous payeriez double taxe, vous payeriez l'enregistrement d'Anvers à Lierre et l'enregistrement de Lierre à Turnhout. Je sais fort bien que, le gouvernement allant jusqu'à Lierre, cela n'intéresse pas cette ville, mais il faut songer à Herenthals, à Turnhout et à toutes les localités intermédiaires ; or toutes ces localités payeront double taxe.
Messieurs, nous avons été obligés de concéder la ligne de Lierre à Turnhout au lieu de faire une ligne directe d'Anvers à Turnhout, et vous avez garanti à la société un minimum d'intérêt ; si la société fait de mauvaises affaires, vous serez obligés de payer le minimum d'intérêt, tandis que vous pourrez l'éviter en favorisant la société.
Quant à moi, je ne tiens aucun compte de l'intérêt des actionnaires, mais je me préoccupe beaucoup de l'intérêt des localités dont il s'agit et de l'intérêt du trésor. Eh bien, messieurs, le gouvernement aura à dépenser 700,000 fr. pour construire le chemin de fer de Contich à Lierre ; vous ne pourrez pas faire l'exploitation sans consacrer au moins 300,000 fr. à l'achat de matériel ; voilà un million dont vous aurez à servir l'intérêt.
Jetez maintenant un coup d'oeil sur le rapport de l'honorable M. Prévinaire et voyez quels sont les revenus de ce chemin de fer : dans les mois de novembre et de décembre il y a eu perte et dans les mois suivants il y a eu un excédant de
120 fr. en juin.
770 fr. en juillet.
1,600 fr. en août.
1,900 fr. en septembre.
1,100 fr. en octobre.
Il est certain que l'exploitation d'une ligne aussi courte ne peut se faire qu'à perte et sous ce rapport j'ai examiné ce matin une brochure qui vous a été distribuée et qui émane d'un de nos anciens collègues. Cet honorable membre, qui s'est beaucoup occupé de chemins de fer à la Chambee et qui s'en occupe encore aujourd'hui, puisqu'il est directeur d'une compagnie, cet honorable membre dit ce qui suit, dans une note de sa brochure :
« L'exploitation séparée d'une section de Hasselt à Maestrieht eût été onéreuse tandis que l'exploitation unique d'Aix-la-Chapelle à Landen se fera, au contraire, dans des conditions beaucoup plus favorables. Le même fait se représente pour la section de Contich à Lierre ; si le gouvernement devait exploiter cette section, il n'y ferait sans doute pas ses frais, tandis que la compagnie de Turnhout peut le faire sans grande augmentation de ses frais particuliers. »
Il est très naturel, messieurs, qu'un convoi qui se rend directement de Turnhout à Anvers, coût relativement beaucoup moins qu'un convoi n'allant que de Contich à Lierre.
Le gouvernement, messieurs, perdrait donc, non seulement l'intérêt du million dont j'ai parlé tout à l'heure, mais il perdrait encore sur l'exploitation.
Maintenant pour l'usage des rails depuis Contich jusqu'à Anvers, la société payera à l'Etat un revenu de 40,000 fr. par an.
Eh bien, messieurs, si vous additionnez l'intérêt d'un million, que vous n'aurez pas à payer, le montant de la perte que vous n'éprouverez pas sur l'exploitation, et, enfin, les 40,000 fr. que payera la compagnie pour l'usage des rails entre Contich et Anvers, vous reconnaîtrez sans peine qu'il est utile que nous votions ia convention actuelle, puisque, d'un autre côté, il est évident que l'article 21 donne toute garantie à l'Etat.
En effet, messieurs, si le gouvernement donne la concession d'une ligne de Lierre ou d'Anvers sur Hasselt, ligne que nous désirons beaucoup voir établir, eh bien, dans ce cas le gouvernement est libre de reprendre au prix coûtant la route de Contich à Lierre.
Comme l’a très bien dit hier l'honorable ministre des travaux publics, dans toutes les concessions qui ont été faites, le gouvernement s'est réservé le droit de reprendre les routes données en concession, mais à quel prix ? A des prix de 15 à 20 p. c. de bénéfice pour les sociétés, tandis qu'ici la société est obligée de restituer la route au prix coûtant, (page 1023) c'est-à-dire au prix que la société elle-même payera au gouvernement. Je puis donc dire qu'en faisant ce qu'on vous propose, vous vous procurez de l'argent sans intérêt. Car le chemin de fer que vous avez voulu voir établir, vous l'avez donné aux localités et il ne vous coûtera rien.
Il est certain que d'après la convention on vous donne une garantie pour les voyageurs. Il est dit dans la convention que les convois doivent être réglés de telle manière que les arrivées à Contich coïncident avec les départs d'Anvers à Malines ; de manière que les voyageurs qui viendront de Lierre, qui viendront de la Campine, n'auront pas à attendre un instant à Contich. Ils partiront immédiatement par les convois d'Anvers pour Malines, pour Gand, pour Bruxelles, tandis qu'aujourd'hui cela est de toute impossibilité. Il faut perdre trois quarts d'heure de temps ; or, si pour faire le trajet de Lierre à Anvers qui demande une heure et demie, vous obligez les voyageurs à perdre trois quarts d'heure, comment voulez-vous que ce chemin de fer prospère ? Les voitures ordinaires, les diligences continueront à circuler sur la route ordinaire et l'on ne fréquentera pas le chemin de fer.
Ainsi il y a ici un intérêt pour le trésor qui rentrera dans les fonds qu'il a dépensés et qui sera dispensé de faire de nouvelles dépenses ; il y a la garantie pour l'Etat que s'il accorde une concession nouvelle d'Anvers sur Hasselt, il pourra reprendre la ligne de Contich à Lierre au prix coûtant. Pour le public il faut convenir qu'alors qu'on pourra aller directement de Turnhout à Anvers, sans devoir attendre les convois correspondants venant d'une autre localité, c'est un très grand avantage qui sera en même temps utile à l'Etat, parce qu'il y aura plus de voyageurs et de marchandises et que ce qui sera au profit de la compagnie tournera indirectement au profit de l'Etat.
Je vous avouerai qu'après avoir obtenu l'article 21, et j'avais trouvé très justes les observations qui avaient été faites dans ce but, je ne puis comprendre l'opposition que l'on continue à faire au projet. Je n'ai aucune inquiétude pour l'avenir et je vois dans l'adoption de la loi, un grand intérêt pour l'Etat, pour les localités et pour le public.
Je voterai donc le projet de loi et j'espère que cette affaire, qui traîne depuis trop longtemps, pourra enfin se terminer. Car il ne faut pas se dissimuler que la route de Lierre à Contich est dans un tel état, qu'il est plus que temps de la consolider. Aujourd'hui la société exploite en vertu d'une convention provisoire ; aussi longtemps qu'il y a incertitude sur le point de savoir qui exploitera, ni l'Etat ni la compagnie ne peuvent se procurer le matériel suffisant. Il est donc temps d'en finir, et je crois que la nouvelle convention donne tous les apaisements.
M. Vandenpeereboom. - Messieurs, la question en discussion, quand elle s'est présentée pour la première fois à la Chambre, nous a été soumise dans des termes très simples et comme présentant extrêmement peu d'importance. Et cependant, cette petite question occupe le parlement depuis plus de trois mois ; elle a donné lieu à un ajournement, à deux grands rapports et nous devons tout au moins en conclure que cette question est un peu plus importante qu'on n'aurait pu le croire dans le principe et que n'aurait pu le faire soupçonner la manière dont elle a été soumise à la législature.
En effet, que nous disait-on ? On disait : L'Etat a construit un petit tronçon de chemin de fer de Lierre à Contich. L'exploitation des lignes à courtes distances est onéreuse. Une compagnie particulière à laquelle on a accordé une concession, a bien voulu accepter l'embranchement si onéreux pour l'Etat ; nous demandons à pouvoir le lui accorder à certaines conditions peu importantes.
Or, d'après moi, ce qu'il y a de plus important dans le projet de loi, ce n'est pas le principal, c'est l'accessoire ; ce n'est pas la cession, mais ce sont les certaines concessions.
Introduit devant la Chambre, le projet de loi a été défendu en quelque sorte par les mêmes motifs.
Que nous dit-on aujourd'hui ? Que disent au moins deux des orateurs qui ont parlé dans la séance d hier, l’honorable comte de Mérode et l'honorable baron Osy ? Deux intérêts, disent-ils, sont engagés dans la question : l'intérêt du trésor et les intérêts de habitants de la Campine.
L'intérêt du trésor, l'honorable baron Osy l'a calculé en bon financier avec beaucoup de précision. Il a calculé le capital, les accessoires, les intérêts et il a établi dans la séance d'hier qu'en ne cédant pas cette ligne, il y aurait pour l'Etat une nouvelle dépense de 180,000 francs à faire.
M. de Perceval. - C'est exagéré.
M. Vandenpeereboom. - C'est exagéré, dit l'honorable M. de Perceval. Exagéré ou non, je veux bien admettre ce chiffre, je n'ai pas pu suivre les calculs faits aujourd'hui par notre honorable collègue d'Anvers.
J'admets donc que le chiffre ne soit pas exagéré ; 180,000 fr. est une somme d'une certaine importance sans doute, mais il faut prendre garde, pour gagner 180,000 francs, de ne pas s'exposer à en perdre dans l'avenir dix fois autant. Or une question d'argent, quand il ne s'agit que de 180,000 francs, n'est pas d'une importance telle, qu'il faille sauter à pieds joints sur des principes dont l'application peut être extrêmement dangereuse.
L'honorable comte de Mérode-Westerloo a invoqué les intérêts des habitants de la Campine qui se trouvent dans la pénible nécessité de haoger de convoi qumd ils font un voyagea Anvers.
C'est un inconvénient, et plus que d'autres, les habitants des localités qui sont exploitées par certains chemins de fer, tels, par exemple, que le chemin de fer de la Flandre occidentale, comprennent ces inconvénients. Ainsi les voyageurs de Poperinghe ou d'Ypres, arrivés à Courtrai, doivent changer de voiture et prendre un autre convoi ; et cela est d'autant plus désagréable qu'à Courtrai il n'y a pas de bâtiment de station, pas même de salle d'attente.
Mais quand nous tous, nous nous rendons à Bruxelles, quel est celui de nous qui n'entend pas dire le long de la route : Les voyageurs pour Bruxelles changent de convoi ?
Eh bien, que faisons-nous ? Nous changeons de convoi. Je me demande pourquoi les habitants de la Campine ne pourraient pas suivre la règle commune de changer de convoi comme nous.
M. Coomans. - Si c'est nécessaire.
M. Vandenpeereboom. - C'est nécessaire pour tout le monde. Il ne faut pas se récrier contre des inconvénients qui sont inhérents à l'institution de nos chemins de fer. Dans un petit pays comme le nôtre, tout coupé de chemins de fer, il est impossible d'avoir toujours des convois directs.
Du reste si vous voulez, dans l'intérêt des habitants de la Campine, pousser plus loin les conséquences de votre raisonnement, je ne vois pas pourquoi, lorsqu'on trouve si désagréable de changer de convoi lorsqu'on va à Anvers, on ne trouve pas aussi détestable de changer de convoi lorsqu'on se rend à Malines et à Bruxelles.
Ainsi les motifs que l'on a allégués en faveur de la cession ne sont pas déterminanis, c'est le petit côté de la question, et je vois en dehors de ces motifs des principes beaucoup plus graves.
Il en est un qui a pour moi une importance très grande : c'est le droit de parcours par les compagnies sur les lignes de l'Etat. Qu'est-ce en fait que ce droit de parcours ? C'est la cession d'une part de propriété. C'est l'Etat qui consent à une servitude réelle de passage permanent. Or, cette servitude, comme toutes les servitudes de passage, a des inconvénients certains dans l'avenir. Il est impossible de prévoir quels en seront les résultats.
Chaque jour l'Etat et la compagnie pourront avoir des conflits. Il s'agira de fixer les heures de passage ; les heures auxquelles il faudra prendre tel ou tel convoi. Eh bien, je dis que dans ces négociations qui auront lieu entre la compagnie et le gouvernement, ce ne sera jamais le gouvernement qui aura le bon côté. Il sera toujours dupe. Car, messieurs de la droite qui combattez l'intervention de l'Etat, vous qui défendez le projet, vous ne pouvez nier que l'industrie privée est toujours plus ingénieuse et plus adroite pour traiter que le gouvernement et que le gouvernement traite toujours avec son maître quand il traite avec des particuliers.
Aujourd'hui, dit-on, dans d'autres circonstances le passage par les lignes de l'Etat est autorisé. Eh bien, je demanderai si, dans ce cas-ci, on demande la même chose ou autre chose ? Si on demande la même chose, pourquoi la convention ? Si l'on demande autre chose, pourquoi la compagnie doit-elle avoir un privilège ?
- Un membre. - Elle doit payer.
M. Vandenpeereboom. - Accorderait-on à d'autres compagnies le droit de parcours moyennant payement ? (Interruption.)
Messieurs, il y a une grande différence entre le droit de passage tel qu'on l'accorde à d'autres compagnies, et le droit de parcours dont il s'agit en ce moment.
Sans vouloir rappeler ici des souvenirs de parti, je me servirai cependant d'une expression politique qui a été souvent employée dans nos discussions, je dirai que la compagnie veut parcourir le chemin de fer de Contich à Lierre à titre d'autorité, et je veux moi pour les chemins de fer comme pour toute autre chose, l'indépendance du pouvoir civil et administratif ; je ne veux pas l'intervention du pouvoir occulte des sociétés anonymes dans les affaires de l'Etat. Le précédent qu'on veut posera donc, à mes yeux, des inconvénients très graves.
Hier, messieurs, on a discuté assez longtemps le point de savoir si, oui ou non, le principe qu'il s'agit de poser constitue une innovation, ou s'il est consacré par d'autres cahiers des charges ; je ne reviendrai pas sur cette discussion, mais je constate qu'il a été reconnu par M. le ministre des travaux publics, d'abord que si ce droit existe c'est dans des cas extrêmement rares, et en second lieu, qu'il serait dangereux d'en faire des applications fréquentes. Je demande donc pourquoi l’on veut aujourd'hui étendre une exception reconnue dangereuse puar l'exploitation générale des lignes de l’Etat, pourquoi l'on veut accorder à une compagnie un privilège qu'on refuse à d'autres ? A cette occasion, je demanderai à M. le ministre s'il est décidé à accorder à toutes les compagnies qui existent aujourd'hui en Belgique et à inscrire dans tous les cahiers des charges des compagnies à autoriser d'ici à quelque temps, le droit de parcourir le chemin de fer de l'Etat aux mêmes conditions auxquelles il veut l'accorder à la compagnie de Lierre à Tumhout ? S'il répond affirmativement, je lui prédis que plusieurs compagnies feront immédiatement des demandes dans ce sens.
Si par exemple la compagnie de ia Flandre occidentale venait demander le droit de parcourir le chemin de fer de l'Etat entre Bruges et Ostende et entre Courtrai et Mouscron, M. le ministre lui ferait-il cette concession, permettrait-il à cette compagnie de parcourir une ligne qui aurait pour point de départ et pour point d'arrivée d’une part un port de (page 1024) de mer et de l'autre un département français où le commerce et l'industrie sont aujourd'hui dans une situation extrêmement prospère ?
C'est, messieurs, parce que je comprends ces inconvénients que je m'oppose à la convention ; elle est dangereuse, et si l'on entre dans cette voie on sera entraîné très loin.
Je pense, messieurs, ou'il est grand temps d'adopter dans notre pays un système uniforme pour les concessions et pour l'exploitation des compagnies : nous allons réellement à la dérive, sans savoir ni dans quelle direction nous marchons ni où nous allons aboutir.
Dans d'autres pays, on a été plus sage : en France on a tracé de grandes lignes dont on n'a pas dévié. Des moyens de concession et d'exploitation sonl déterminés, et l'on s'y arrête.
Nous avons eu longtemps un pareil système. On s'était dit, ce qui était fort sage : L'Eiat construira un grand réseau de chemins de fer, l'exploitera lui-même à ses risques et périls.
Il concédera des lignes accessoires qui formeront affluent à notre grand réseau, et qui seront exploitées par l'industrie privée, à ses risques et périls. Ce système était bon et sage ; j’jouterai qu'il était très productif et de nature à procurer à l'Etat des ressources qu'il n'aurait pu obtenir par d'autres moyens.
Je lis dans le compte rendu des opérations du chemin de fer de l'exercice 1854 un paragraphe qui vient parfaitement à l'appui de mon allégation.
Je demanderai la permission de le communiquer à la Chambre. « Les lignes concédées en ouvrant un débouché aux localités qu'elles desservent contribuent efficacement au développement du trafic et réagissent ainsi d'une manière avantageuse sur les recettes du chemin de fer de l'Etat.
Le produit des expéditions effectuées de ces lignes, s'est élevé pour la part de l'Etat :
Savoin
Pour la ligne de Mons à Manage, 1,050,027 fr. 11 c.
La Flandre occidentale, 115,699 fr. 18 c.
Entre-Sambrc et Meuse, 63,921 fr. 45 c.
Charleroi à Erquelines, 46,006 fr. 11 c.
Total en 1854, 1,275,653 fr. 85 c.
En 1853 la recette correspondante s'élevait à 1,095,694 fr. 39 c.
Augmentation : 179,959 fr. 46 c.
Et il est évident que cette augmentation n'est pas la dernière, elle ira en croissant, d'abord parce que le mouvement croit sur les lignes concédées, ensuite parce que toutes les lignes concédées n'étaient pas terminées à la fin de 1851.
Ainsi, le système primitivement adopté était bon, et nous en avons dévié. A quoi arrivons-nous ? A un système bigarré, mosaïque, un système qui n'en est pas un. Ou plutôt notre système est de n'en pas avoir.
En effet, depuis quelque temps, nous avons concède des lignes parfaitement concurrentes avec la ligne de l'Etat : telles que la ligne d'Erquelinnes, la ligne de Namur à Liège. Nous avons pour l'exploitation par les compagnies quatre ou cinq systèmes : d'abord le système pur et simple de l'exploitation de la compagnie par elle-même ; ensuite le système du minimum d'intérêt ; le système du chemin de fer de Tournai à Jurbise ; enfin le système du chemin de fer de Dendre-et-Waes.
On nous propose en ce moment le système du parcours ou des servitudes.
Nous aurons bientôt le système du chemin de fer de Luttre à Denderleeuw.
Enfin, on nous a soumis un antre système anonyme, c'est-à-dire jusqu'à présent inconnu ; c'est le système du chemin de fer de Bruxelles à Louvain, chemin de fer qui sera exploité d'après un système que l'on aura, j'espère, la bonté de nous indiquer plus tard.
Je dis que c'est là une espèce de mosaïque, il y a une diversité tellement grande, qu'il est impossible de persister dans une pareille voie.
Si l'on continue il sera impossible de s'y reconnaître, il faudra, comme pour la douane, faire un gros volume de tarif ; chaque chemin de fer sera dans des conditions toutes différentes. Il n'y aura rien de commun entre eux, nous aurons un nouveau Code très volumineux, le Code des chemins de fer concédés.
Je crois donc qu'il est temps et grand temps d'adopter des règles fixes. Il faut savoir ce que nous faisons. Nous devons accorder aux compagnies les mêmes conditions parce que toutes sont égales devant l'Etat et la loi comme les particuliers et qu'il n'y a de privilège pour aucune d'elles.
Je l'avoue, j'ai été longtemps, je suis encore partisan de l'exploitation du grand réseau de chemin de fer par l'Etat. Mais si nous persistons dans la voie où nous sommes, je commencerai à hésiter, à me demander si le moment n'est pas venu de livrer le chemin de fer de l'Etat à l'industrie.
Je crois que le moment est venu d'examiner sérieusement cette question ; si nous amoindrissons en effet peu à peu la valeur du chemin de fer de l'Etat, il arrivera un moment où il ne vaudra presque plus rien. Il est préférable d'examiner la question dès à présent et de vendre le chemin de fer quand il vaut encore quelque chose que quand il n'aura pour ainsi dire plus de valeur.
Je vote donc contre le projet de loi, parce que je m'oppose à cette tendance qui diversifie sous toutes les formes les concessions de chemin de fer ; je ne veux pas qu'on vienne chaque jour ôter une pierre à cet édifice que le pays a construit à si grands frais ; et quand on vendra on ne pourra vendre qu'une ruine et des matériaux sans valeur ; c'est pour cela que je voterai pour les conclusions de la section centrale.
Je déclare, du reste, en terminant que je ne serai pas éloigné d'adopter un projet de loi qui aurait pour objet d'autoriser, sous certaines conditions, et moyennant indemnité la compagnie de Lierre à Turnhout à exploiter la ligne jusqu'à Contich ; tout le monde y gagnerait, les exploitants, les exploités et même l'Etat.
M. Loos. - Mon honorable collègue, M. Osy, a exprimé tout à l'heure le regret d'être en dissentiment avec moi sur la question du chemin de fer d'Anvers à Turnhout ; ce regret, je l'éprouve comme lui ; l'honorable membre a expliqué ce qui l'avait déterminé à voter ce projet de loi en 1851 ; il a trouvé le tronçon de Contich à Lierre construit ; il a voulu que Lierre ne fût pas dans une impasse, et cette seule considération l'a décidé à voter pour le chemin de fer de Turnhout, quelles que fussenl les imperfections de cette entreprise.
Messieurs, s'il ne s'agissait encore que de la localité d'Anvers, dans ses rapports avec Turnhout, je trouverais toujours que cette concession est une mauvaise affaire ; mais enfin je me résignerais ; mais si j'ai considéré cette mesure comme une faute, c'est non seulement pour le présent, mais encore pour l'avenir ; j'ai voulu, en ce moment, éviter que les conséquences de cette faute ne viennent porter une atteinte trop grave aux intérêts du pays, aux intérêts du commerce d'Anvers.
Je crois que sur ce point, quoi qu'en ait dit mon honorable collègue, nous finirons par être d'accord.
Ainsi, j'ai dit hier que la convention qui nous était soumise constituait un obstacle absolu à ce que par la suite Anvers pût avoir une ligne puis directe vers l'Allemagne.
Je m'explique : le gouvernement dès à présent prévoit ce que tout le monde a parfaitement aperçu, c'est que si nous voulons conserver le transit vers l'Allemagne, il nous faudra absolument avec le temps une ligne plus directe vers le Rhin.
Cela devient surtout évident quand on sait que dans fort peu de temps la Hollande va posséder une ligne directe vers Düsseldorf, ligne qui lui permettra d'arriver plus vite que nous sur le marché de l'Allemagne et même à Cologne. Pouvons-nous rester spectateurs impassibles d'un pareil état de choses qui doit enlever au pays ses plus nombreux transports ? Evidemment non. Si nous pouvions méconnaître ce grand intérêt, nous ne tarderions pas à nous convaincre que nous avons commis une faute, et nous chercherions à la réparer à tout prix ; cette faute, moi, je veux la prévenir.
Je demanderai à M. le ministre des travaux publics si, en présence des embranchements qu'on sollicite de Herenthals sur Hasselt, il serait disposé à concéder ensuite un chemin de fer direct d'Anvers vers le Rhin par Hasselt ? Quoi qu'il en soit, on devra le faire tôt ou tard ; je demanderai à mon honorable collègue si alors il donnerait la préférence à la ligne de Turnhout vers Herenthals et Hasselt ; Evidemment non.
Or, parmi les demandes de concession faites au gouvernement, il y en a une pour un chemin de fer direct d'Anvers à Hasselt ; cette direction abrége de 40 kilomètres la distance d'Anvers vers Cologne.
D'un autre côté, il s'est présenté un demandeur pour obtenir la concession d'un chemin de fer de Bruxelles à Louvain et à Beverloo : Ce demandeur ne sollicitait nullement les embranchements de Diest sur Hasselt et Herenthals. (Interruption.) Messieurs, on nous a distribué deux brochures à propos de ce chemin de fer ; dans l'une, ces embranchements se trouvent indiqués, et ils ne figurent pas dans l'autre. Le département des travaux publics a demande au demandeur en concession s'il ne consentirait pas à faire ces embranchements, qui mettraient sa ligne en rapport avec Cologne ; comme c'est, en définitive, une bonne affaire, on n'a pas demandé mieux que de se charger de ces deux embranchements que d'abord on n'avait pas sollicités.
Cela prouve que le gouvernement veut opérer le transit vers l'Allemagne par la ligne de Turnhout vers Herenthals et de Herenthals vers Hasselt ; ce qui évidemment n'est pas la ligne la plus courte. L'honorable M. Osy serait donc dans le cas de devoir, au détriment des intérêts du pays, des intérêts d'Anvers, soutenir la ligne la plus longue par Herenthals et Hasselt contre un projet établissant une ligne directe d'Anvers à Cologne, et abrégeant la distance de 40 kilomètres.
Messieurs, la ligne d’Herenthals vers Hasselt deviendrait donc la ligne de transit vers l'Allemagne. Le gouvernement peut-il consentir à ce qu'une compagnie particulière vienne, non pas à Contich, mais dans la station d'Anvers, preudre des transports pour l'Allemagne qui sont aujourd hui dans les mains de l'Etat. « Mais, dit M. le ministre des travaux publics, dans ce cas nous résilierons. »
Si la réalisation d'une ligne nouvelle vers l'Allemagne était fort éloignée de nous, je concevrais qu'on pût faire une semblable concession, quoique, à mon avis, ce serait toujours une faute ; mais on nous a communiqué une demande en concession qui a été déposée au département des travaux publics, et si le gouvernement adopte les propositions qui lui sont faites, dès notre retour nous serons dans le cas de voter sur ces projets de loi, et à peine la compagnie de Contich serait-elle installée, ses stations construites, nous devrons résilier le contrat. Comme je l'ai dit hier, on ne le fera pas, on laissera la compagnie en jouissance des transports vers l'Allemagne. Le gouvernement, ne peut pas abdiquer ainsi les intérêts du pays. Je voterai contre le projet de loi.
M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - (page 1025) Messieurs, les nouvelles considérations présentées contre la nouvelle convention conclue en quelque sorte en exécution des décisions de ia Chambre, me forcent à prendre de nouveau la parole.
La cession du chemin de fer de Lierre à Contich n'est pas une innovation due à mon arrivée aux affaires. Dans la première convention conclue avec la compagnie concessionnaire, cette hypothèse est prévue et dans des circonstances plus défavorables pour l'Etat que celles auxquelles on est arrivé dans les deux conventions négociées en dernier lieu.
Dans l'hypothèse qui avait été prévue, si le gouvernement usait du droit qu'il s'était réservé d'imposer le rachat du chemin de Lierre à Contich, le minimum d'intérêt affecté à la section de Lierre à Turnhout, c'est-à-dire à une partie relativement peu productive de la ligne totale, était augmentée de 28,000 francs. J'ai obtenu gratuitement ce qu'on ne devait avoir que moyennant une rente annuelle de 28,000 fr. plus élevée.
Les conditions défavorables de l'exploitation du petit tronçon de 6 kilomètres de Lierre à Contich avaient donc frappé a priori les auteurs de cette première convention. Les événements et un examen plus attentif de la question n'ont fait que confirmer le préjudice qu'éprouverait le trésor si l'Etat exploitait par lui-même le tronçon en question.
Ce n'est pas de mon autorité privée que j'affirme le préjudice qui résulterait pour l'Etat de l'exploitation d'un tronçon si court ; quand je suis arrivé au département, les fonctionnaires du chemin de fer en étaient tellement convaincus, ils m'ont présenté des arguments si concluants pour justifier le projet que j'ai déposé, ils m'en ont démontré la nécessité d'une manière si claire, que je n'ai pas hésité à saisir la Chambre du projet de loi en question.
Maintenant les conditions les plus favorables dans une négociation de cette espèce ont-elles été obtenues par le gouvernement ? C'est ce qu'il faut examiner.
L'honorable M. de Perceval signale deux lacunes dans la convention :
1° Le nombre minimum des convois ne serait pas déterminé ; il trouve exorbitant que pour une ville de l'importance industrielle et commerciale de Lierre, le nombre des convois soit maintenu à 3 comme il est à présent.
Je prie l'honorable membre d'examiner les tableaux de service, et il verra que pendant longtemps, sur les lignes les plus importantes, il n'y a pas eu plus de trois passages de convois par jour. Ainsi la ligne de Namur, malgré sa coïncidence avec Erqueilnnes et Saint-Quentin et l'Entre-Sambre-et-Meuse, n'ont eu pendant longtemps que trois convois par jour. Beaucoup d'autres lignes, telles que la ligne de Landen à Hasselt et rencontrant des localités très importantes, n'ont eu que trois convois par jour.
Je ne dis cela que pour montrer que trois convois peuvent suffire à un grand mouvement, mais non pour en conclure que le statu quo doive être maintenu, car les compagnies doivent soumettre le tableau de leur service au gouvernement qui en vertu du cahier des charges d'abord et à raison du minimum d'intérêt qu'il garantit, a le droit de veiller à ce que le nombre des convois soit suffisant pour que le service public et les intérêts de l'Etat, garant du minimum d'intérêt, ne soient pas compromis,
A cet effet il fixe le nombre des convois et les fait partir aux heures les plus convenables pour satisfaire aux justes intérêts que le chemin est appelé à desservir.
2° L'honorable membre se plaint en outre que de Turnhout à Anvers on perçoive une seule taxe fixe et qu'il n'en soit pas de même pour les marchandises dirigées vers un autre point de la Belgique.
L'honorable membre est dans l'erreur ; je crois pouvoir lui donner l'assurance que le transport fait d'un point quelconque de la Belgique n'est soumis qu'une seule fois à la taxe fixe. La Chambre reconnaîtra, comme moi, qu'il y a droit acquis pour Lierre de faire partie du réseau de l'Etat ; or, d'après le livret réglementaire, tout envoi d'un point de la ligne de l'Etat ne paye qu'une fois le droit fixe ; or, ce qui est stipulé ligne de l'Etat à un autre point pour les transports d'Anvers à Turnhout s'applique aux autres destinations.
Ma déclaration doit suffire ; les ordres de service seront donnés aux chefs de station du point de transbordement.
Cette déclaration, du reste, est en tout conforme aux principes qui régissent ia matière.
M. de Perceval. - Je vous remercie de cette déclaration ; elle me satisfait.
M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - M. Vandenpeereboom combat le projet au point de vue des conditions auxquelles la cession est accordée ; il voit un droit exorbitant dans le parcours accordé ; il y voit, de plus, la source de difficultés inextricables pour l'Etat et une occasion nouvelle d'être dupe, car, selon l'honorable M. Vandenpeereboom, l'Etat est toujours dupe.
Selon lui, c'est là un privilège qui ne serait accordé à aucune compagnie. Le passé et le discours même de l'honorable rapporteur répondent assez à l'honorable membre ; non seulement ce n'est pas une innovation, mais parmi les compagnies auxquelles le droit de parcours a été accordé par les actes de concession, il n'en est pas que l'on ait soumises aux conditions imposées à ia compagnie de Turnhout ; ainsi ce droit est accordé à la compagnie de Morialmé à Châtelineau, à celle de Charleroi à Louvain, à celle d'Audenarde à Gand, et il n'est pas susceptible de résiliation, tandis qu'ici il est résiliable moyennant de prévenir six mois d'avance.
Ainsi, non seulement il n'y a pas de privilège en faveur de la compagnie du chemin de fer de Lierre à Turnhout ; mais cette compagnie n'a même pas obtenu l'avantage entier assuré à d'autres compagnies.
Maintenant, dit l'honorable M. Vandenpeereboom, si c'est juste, pourquoi ne pas l'accorder à d'autres compagnies ? Pourquoi ne pas accorder à la compagnie de la Flandre occidentale le droit de parcours jusqu'à Ostende ? J'ai eu l'occasion de le dire hier à la Chambre, il n'y a pas deux conventions semblables en Belgique. Pourquoi ? Parce que les compagnies étant dans des conditions de trafic et d'exploitation toutes différentes, il est impossible qu'il soit satisfait à tous les besoins par des conventions identiques ou semblables.
Ce n'est pas par plaisir qu'on accorde à une compagnie la faveur du parcours, si faveur il y a. Mais c'est pour satisfaire à des nécessités bien reconnues. Si la compagnie de l'Entre-Sambre-et-Meuse va jusqu'à Charleroi, si la compagnie d'Audenarde va jusqu'à Gand, c'est qu'il était impossible de faire autrement.
Si l'on n'a pas accordé le parcours à d'autres compagnies, c'est qu'on a reconnu que le parcours sur la ligne de l'Etat donnerait lieu à des inconvénients sérieux, ou que cela n'était pas nécessaire pour satisfaire aux exigences industrielles et commerciales en vue desquelles le chemin de fer a été établi.
Ainsi, je ne puis admettre avec l'honorable M. Vandenpeereboom que ce droit de parcours soit un privilège accordé exclusivement à cette compagnie, et que cette faveur, parce qu'elle a été accordée à une compagnie, doive être ipso facto accordée à toutes les compagnies. C'est une question d'appréciation. C'est d'après les circonstances particulières à chaque compagnie que le droit de parcours est accordé ou refusé.
L'honorable M. Loos est particulièrement frappé d'une considération qui a déjà été émise dans la séance d'hier. Elle est tirée de la probabilité plus ou moins prochaine de la construction d'une ligne directe vers le Rhin. Il me demande quelle est l'intention du gouvernement à cet égard. Je pense que, dans une discussion sur une pétition de la chambre de commerce d'Anvers, le gouvernement a eu l'occasion de s'expliquer. Il a dit qu'il ne consentirait pas à la construction d'une ligne de ce genre qui ferait au réseau de l'Etat une concurrence nuisible aux intérêts du trésor. Voilà l'opinion que j'ai émise. L'étude subsidiaire que j'ai faite de la question n'a pas été de nature à me faire changer d'opinion.
Mais, dit l'honorable M. Loos, on a fait auprès des demandeurs en concession du chemin de fer de Bruxelles à Venloo des démarches activer pour obtenir la construction de deux embranchements, l'un vers Herenthals, l'autre vers Hasselt, dans le but d'obtenir indirectement la construction d'nne nouvelle ligne vers l'Allemagne.
Je dois déclarer à l'honorable représentant d'Anvers qu'il est très mal renseigné et que lors de l'examen des différents projets de chemin de fer qui m'ont été soumis, jamais je n'ai insisté auprès des demandeurs en concession pour que l'on ajoutât à leurs demandes une ligne quelconque destinée à relier directement on indirectemenl la Campine à la ligne de Hasselt vers Maestricht. L'honorable membre peut s'en assurer par le projet de loi déposé par mes soins sur le bureau de la Chambre ; la jonction à laquelle on fait allusion n'y est nullement indiquée.
Ainsi cette tendance que l'honorable M. Loos suppose au gouvernement de vouloir arriver dans un avenir prochain à la jonction de Hasselt à Herenthals n'est pas du tout dans mes intentions. Cependant je veux bien reconnaître avec lui qu'à l'occasion du projet de loi en discussion, il y a lieu d'examiner quelle serait l'influence probable de la cession de la ligne de Lierre, sur le prolongement éventuel de ce chemin de fer vers l'Allemagne. Bien que je déclare la question entière, je pense qu'il y a lieu de l'examiner.
Deux hypothèses peuvent se présenter dans la réalisation de ce prolongement. Il peut ou partir d'un poinl quelconque de la ligne de Lierre à Turnhout ou il peut partir directement d'Anvers. Or dans ces deux cas la résiliation est possible, soit que la dénonciation vienne du fait de l'Etat, soit qu'elle vienne du fait de la compagnie. J'ai déclaré hier à la Chambre que sous ce rapport la situation était entière et que quels que fussent les moyens employés pour prolonger la ligne, l'article 21 de la convention existait dans toute sa plénitude et que la convention ne pouvait faire aucun obstacle à ce prolongement.
Mais, dit-on, en pareil cas la question ne sera plus aussi simple, parce qu'il y aura, au préjudice de tout prolongement, un remboursement de 600 à 700 mille francs à faire à la compagnie de Lierre à Turnhout. L'Etat devra rembourser à cette compagnie une somme de 650,000 francs.
Mais je prie les honorables membres de me dire ce qui arriverait si la convention actuelle n'était pas approuvée. Est-ce que l'Etat qui a dépensé 360,000 fr. ne devra pas faire la dépense nécessaire pour compléter la ligne ? Dès lors, ne se trouverait il pas dans la même situation que dans l’hypothèse de la résiliation de ia convention ?
Je ne pense donc pas qu'on puisse, de cette clause de remboursement, tirer un argument contre le prolongement éventuel de la ligne vers l'Allemagne. Alors comme aujourd'hui, la ligne appartiendra à l'Etat ; (page 1026) l'Etat pourra le reprendre au prix qu'elle lui coûterait s'il l'achevait lui-même.
Ainsi, en résumé, la convention a ce but : d'empêcher l'Etat de se trouver dans une éventualité fâcheuse, de se trouver devant une nécessité onéreuse, celle d'exploiter un bout de chemin de fer de six kilomètres. Le gouvernement nous propose un moyen pour y échapper, et la circonstance la plus défavorable qui puisse se présenter, c'est que l'Etat se trouve, en fin de compte, dans la même situation qu'aujourd'hui. Ainsi pour peu que cette convention dure, l'Etat aura pu se sublever pendant plusieurs années de l'obligation de compléter la ligne, de compléter le matériel, d'exploiter à perte, et il n'aura compromis en rien l'intérêt majeur que la ville d'Anvers peut avoir à se relier plus directement au Rhin et à l'Allemagne.
M. Prévinaire, rapporteur. - Messieurs, la question, ainsi qu'on vous l’a fait remarquer, a plus d'importance qu'on ne pourrait le croire. Nous venons précisément d'obtenir aujourd'hui de M. le ministre des travaux publics des explications qui ont une grande portée. Les intérêts engagés dans nos voies ferrées peuvent mieux, aujourd'hui, se rendre compte de ce qu'ils peuvent attendre du gouvernement, en ce qui concerne le chemin de fer à créer pour relier plus directement la Belgique à l'Allemagne.
Vous venez d'entendre l'honorable ministre des travaux publics vous dire que dans une entrevue avec les membres de la chambre de commerce d'Anvers, il n'avait pas caché sa pensée qu'il ne pourrait être question d'ouvrir une voie nouvelle vers l'Allemagne. Sans doute, le gouvernement peut avoir cette opinion ; mais je suis intimement convaincu qu'une force plus puissante que ses intentions, que son désir de sauvegarder les intérêts du trésor, l'entraînera. Je dirai à tous les membres du gouvernement, sans crainte d'être démenti par l'avenir, qu'il n'y aura que deux partis à prendre : ou l'abaissement des tarifs en vue des exportations vers l'Allemagne ; ou la construction d'une ligne nouvelle.
Il est évident que la concurrence que nous fait la Hollande et qu'elle nous fera d'une manière plus développée chaque jour, déterminera le gouvernement à prendre l'un de ces deux partis. Ou le gouvernement construira une route nouvelle plus directe, présentant une économie de parcours, ou l'Etat abaissera dans la même proportion son tarif. Pour moi, à première vue, je serais assez partisan du dernier moyen, parce que pour les marchandises, un parcours de 40 kilomètres en plus est assez peu important ; la grande affaire, c'est le coût du parcours.
Les explications que vient de donner M. le ministre ont aussi une grande importance, en ce qu'elles sont de nature à faire renoncer à quelques-uns des membres de l'assemblée à l'idée de voir le chemin de fer relié à Hasselt. Je connais le désir de ces membres de voir rattacher Herenthals à Hasselt. Eh bien, je crois que M. le ministre, sans exclure pour l'avenir la possibilité de cette combinaison, y est, en ce qui le concerne, formellement contraire.
Je ne sais pas si en présence des inconvénients que nous avons signalés comme devant découler de l'adoption du projet qui nous est soumis, les nécessités de la discussion ont amené M. le ministre à faire cette concession. Mais enfin elle a été faite. Aussi longtemps donc que M. le ministre maintiendra son opinion, la cession demandée n'aura pas pour conséquence de relier Anvers à l'Allemagne par un nouveau chemin de fer aboutissant à Hasselt.
Eh bien, je dis que ce serait un mal, un grand mal, parce que vous auriez créé des routes nouvelles qui seraient frappées de stérilité ; et si j'avais à opter entre deux maux, je préférerais voir le trésor public perdre quelque chose que de voir construire des routes nouvelles qui seraient frappées de stérilité. De sorte que dans les deux positions que prend M. le ministre je ne puis l'appuyer.
M. le ministre dit : Je ne ferai pas de chemin de fer direct vers l'Allemagne. C'est un mal, suivant moi.
M. le ministre dit : « Je ne permettrai pas que la voie nouvelle à créer se raccorde à Hasselt. » C'est un mal selon moi : si l'on accorde cette voie, il faut permettre qu'elle soit fructueuse et productive.
Je conçois que la position qui résulte de cette discussion soit peu agréable pour M. le ministre : la discussion semble prendre une teinte qui est tout à fait étrangère à ma pensée ; c'est de nos bancs que part l'opposition, mais je déclare, quant à moi, que je ne vois dans cette affaire qu'une question exclusivement matérielle, l'intérêt du trésor.
Il est loin de ma pensée de vouloir faire une opposition systématique à M. le ministre ; je me hâte de reconnaître qu'il a hérité cette affaire de son prédécesseur et il me semble qu'il ne doit point considérer le rejet de la convention comme un échec personnel.
Quant à moi, si je m'étais trouvé dans sa position j'aurais volontiers abandonné ce projet parce que je n'aurais envisagé que l'intérêt du pays.
On a parlé de la chambre de commerce d'Anvers. La chambre de commerce d'Anvers a eu à s'occuper de deux projets de voies nouvelles vers l’Allemagne, l'une était celle que nous entrevoyons comme devant nécessairement s'exécuter, c'est-à-dire le chemin de fer passant par Lierre, Herenthals, Hasselt ; la chambre de commerce a émis un avis favorable à ce projet, mais quand elle a été saisie du tracé direct de M. Riche, elle y a immédiatement donné la préférence et il est facile de voir, en effet, combien ce tracé présente d'avantages sur l'autre.
M. le ministre nous a dit que quand le gouvernement voudra exécuter ou concéder la ligne vers 1’Allemagne, il pourra résilier le contrat et reprendre la section de Contich à Lierre. Mais alors, messieurs, je demande pourquoi l'on veut aujourd'hui, à toute force, céder à la compagnie de Lierre à Turnhout ce petit tronçon de Contich à Lierre.
J'examinerai tout à l'heure les calculs de l'honorable M. Osy et nous verrons ce qui en résulte, mais je dis que lorsque vous aurez cédé ce tronçon, notre position sera moins bonne qu'aujourd'hui, parce que vous aurez créé un intérêt qui n'existe pas maintenant, parce que vous aurez alors à arracher à une compagnie une chose qu'elle ne possède pas aujourd'hui.
M. le ministre nous dit aussi : « Le gouvernement fait une magnifique affaire, il stipule le droit de reprise sans indemnité. »
Eh bien, messieurs, je retourne l'argument et je dis : La compagnie fait une magnifique affaire ; elle stipule le droit de rétrocession au prix d'achat. Si, au bout de dix années elle trouve que l'un des cas déterminés se présente (la construction ou la concession d'une voie nouvelle reliant Anvers à l'un des points de la voie de Turnhout) elle dira au gouvernement : « Reprenez ma ligne pour la somme que je vous ai payée », et le gouvernement devra rembourser le prix d'achat. Mais, messieurs, reprendre une chose au prix d'achat après dix années de jouissance, cela n'est-il pas contraire au système d'amortissement adopté pour toutes les concessions, puisque au bout de 90 ans la voie concédée doit faire retour à l'Etat ?
Supposant que le cas de reprise par l'Etat se présente à la 89ème année, admettrait-on que l'Etat puisse, d'après cela, devoir rembourser le prix intégral ? Cela serait absurde à la 10ème comme à la 89ème année de jouissance.
Messieurs, rentrons dans la vérité. Il faut bien le dire, la route de Turnhout à Lierre a été faite avec précipitation ; on espérait alors que le gouvernement hollandais permettrait la continuation de la route sur son territoire, et le gouvernement disait : « Il faut que la route aille de Lierre à Turnhout pour se diriger vers la Hollande ; nous sommes en négociations et nous avons beaucoup d'espoir d'aboutir. » Eh bien, messieurs, je crois qu'on aurait aujourd'hui beaucoup de peine à dire ce qu'est devenu cet espoir.
S'il faut aujourd'hui renoncer à prolonger la ligne de Turnhout vers le Rhin, il faut le reconnaître, la route de Turnhout est sans avenir. Eh bien, cette affaire est déjà assez onéreuse pour le trésor ; la garantie d'intérêt qui a été accordée est déjà une charge très lourde.
M. Coomans. - Il y a 4 p. c.
M. Prévinaire. - Il y a 4 p. c. sur un capital qui n'a pas été dépensé.
Faut-il que l'Etat s'impose de nouveaux sacrifices parce que les actionnaires de la ligne de Turnhout voient leur combinaison première avortée ? Je ne pense pas que ce soit au trésor public à subir les conséquences de leur erreur.
On conteste au gouvernement la possibilité d'exploiter la ligne d'Anvers à Lierre par trains directs ? Il y a 25 kilomètres.
M. Coomans. - Il n'y a que 17 kilomètres.
M. Prévinaire. - N'y eût-il que 17 kilomètres, je ne vois pas pourquoi le gouvernement n'exploiterait pas 17 kilomètres. Il n'avait pas besoin de chercher à se défaire de cette route.
Mais, messieurs, si réellement ce tronçon est onéreux pour l'Etat, que n'a-t-il usé du pouvoir qu'il avait en vertu d'une convention qu'on a laissée périmer, de faire reprendre ce tronçon par la compagnie de Turnhout, moyennant une augmentation de 28,000 fr. ? Il n'a pas usé de ce droit, nous dit M. le ministre, parce que c'était une condition onéreuse ; la compagnie consentirait-elle encore aujourd'hui à ce marché ? Non, messieurs, parce qu'elle n'est plus liée.
La compagnie est bonne gardienne de ses intérêts, elle sait parfaitement pourquoi elle refuserait 28,000 francs d'augmentation de revenu tandis qu'elle accepte le droit de parcours. C'est qu'il ne s'agit pas ici d'un simple droit de passage, c'est un droit de parcours avec faculté d'exploiter votre ligne, c'est le droit d'arriver à nos stations et d'en partir, c'est le droit d'y prendre des marchandises en entrepôt.
On a parlé du prolongement du chemin de fer de Louvain sur Venloo ; mais, messieurs, le jour où il serait sérieusement question de cette ligne, j'espère qu'il y aura assez de bons esprits dans le pays pour en signaler les inconvénients. Ce serait la perte du transit vers l'Allemagne, et l'abandon de ce transit au commerce français.
Messieurs, le projet sur lequel vous êtes appelés à statuer est d'une gravité excessive, l'honorable M. Vandenpeereboom a démontré tantôt quelles en seraient les conséquences.
J'ajouterai que la loi votée, il serait impossible au gouvernement de refuser à la compagnie du Nord le libre parcours sur le chemin de fer de Charleroi à Namur, aux mêmes conditions accordées à la compagnie de Lierre à Turnhout.
Or, messieurs, on l'a fait remarquer, vous abdiquez votre souveraineté lorsque vous concédez ce libre parcours ; vous n’êtes plus maîtres chez vous, vous constituez sur votre territoire une servitude qui paat entraîner les conséquences les plus graves.
Je dois un mot de réponse à l'honorable M. Osy. L'honorable député d'Anvers voit la chose du plus petit côté : c'est une excellente affaire, que cet arrangement avec la compagnie de Turnhout ; le gouvernement récupérera 600 et autant de mille francs qui ne lui rapportent qu'un très petit intérêt.
(page 1027) Remarquez d'abord, messieurs, qu'il ne s'agit pas de 600,000 francs mais bien de 350,000 francs que le tronçon dont il est question a coûté. L'honorable M. Osy base ses calculs sur les résultats actuels de l'exploitation, mais il est beaucoup trop éclairé pour ne pas savoir que le chemin de fer de Contich à Lierre ne peut pas donner aujourd'hui les produits qu'il donnera à l'avenir. Lorsqu'il s'est agi de voter la construction de ce chemin de fer, l'organe du gouvernement faisait précisément ressortir les avantages qui devaient en résulter pour la ligne de Contich à Anvers. Aujourd'hui ces avantages paraissent être complètement perdus de vue ; vous comprenez tous, messieurs, qu'un chemin de fer quelconque ne donne jamais dans le principe les produits qu'il donne plus tard.
On parle de la redevance d'une quarantaine de mille francs qui sera payée à l'Etat. Mais, messieurs, voyez seulement ce que produisent les stations de Vieux-Dieu et de Contich, qni sont exploitées aujourd'hui par l'Eiat et au profit de l'Etat et qui, à l'avenir, seront en grande partie exploitées par la compagnie. Ainsi les cinq convois de la compagnie qui parcourront tous les jours la route de Lierre à Anvers prendront des voyageurs à nos stations et cela moyennant une redevance par voiture.
Il en résultera pour l'Etat une perte de produits qui absorbera presque entièrement la redevance de 40,000 fr. qui nous est présentée comme un brillant mirage.
Veuillez, messieurs, le remarquer ; sous le régime du droit de parcours, la compagnie ne payera à l'Etat qu'une redevance calculée sur les voitures circulant sur la ligne de l'Etat ; ainsi que je l'ai déjà dit c'est là la négation du tarif par rapport à l'Etat. La compagnie aura la jouissance du trafic des marchandises et des voyageurs ; l'Etat ne percevra qu'une sorte de droit de barrière.
Je veux qu'on fasse aux compagnies toutes les concessions légitimes, mais je ne veux pas qu'on aille jusqu'à leur faire de véritables cadeaux. On n"a pas démontré qu'il n'en fût pas ainsi ; on ne s'est jamais placé au point de vue de l'intérêt du trésor public ; on a été jusqu'à exagérer la dépense nécessaire pour achever la route et les stations. D'après M. le ministre des travaux publics, il ne lui faut plus pour cela que 125,000 fr. et l'honorable M. Osy parle de 180,000 fr.
C'est là une erreur involontaire sans doute, mais ce n'en est pas moins une erreur.
J'espère que la Chambre fera justice de ce projet de loi. Il est à désirer sous tous les rapports qu'un semblable précédent ne soit pas posé.
(page 1029) M. Coomans. - Messieurs, on a mêlé à ce débat une foule de choses qui n'y ont aucun rapport. Si l’on était resté dans la réalité des faits, il n'eût pas été aussi long, et le vote eût peut-être été obtenu à l'unanimité.
Messieurs, tout le monde le sait, pour se rendre de Turnhout à Anvers, il faut changer de voitures ; cette nécessité existe tant pour les voyageurs que pour les marchandises.
Quant aux voyageurs, chacun de nous a pu apprécier les inconvénients de l'état actuel des choses ; quant aux marchandises, il en résulte un surcroît de frais de déchargement, de rechargement et de taxes supplémentaires.
Or, que demande-t-on ? On demande de simplifier cet état de choses ; on demande d'appliquer au chemin de fer campinois an principe qui a déjà été appliqué cinq ou six fois en Belgique ; on demande de laisser parcourir la voie de l'Etat par le matériel d'une compagnie privée, qui offre aussi de reprendre un tronçon de chemin de fer qui a été construit par l'Etat. Voilà les deux propositions qui ont été faites à la Chambre.
Pour la première, le gouvernement n'avait pas besoin de notre autorisation. A moins de frapper définitivement d'interdit le chemin de fer de la Campine, on permettra bien, je l'espère, au gouvernement, de faire en faveur de ce chemin de fer ce qu'on a fait pour une foule d'autres.
Ainsi, pour le premier des deux points dont se compose le projet de loi, pas de difficulté. Le gouvernement n'a pas à nous demander la permission d'accorder le parcours qu'on appelle une faveur énorme pour la compagnie de la Campine. On a donc eu tort de faire à ce sujet des discours interminables ; ou bien, on aurait dû demander qu'on décidât dès aujourd'hui que le parcours ne serait plus accordé sur aucun chemin de fer de l'Etat. Mais ces conclusions n'auraient pas pu être adoptées ; car, ainsi que l'honorable ministre des travaux publics l'a démontré, l'Etat est lié avec diverses compagnies, quant au parcours, non pas pour six mois, comme on le propose pour le chemin de fer de la Campine, mais pour l'éternité.
Or, quand cette faveur, si faveur il y a, a été accordée à certaines compagnies, personne n'a dit un seul mot pour s'y opposer ; pas un mot de blâme n'est alors sorti de la bouche des honorables membres qui s'émerveillent aujourd'hui des grands sacrifices faits par l'Etat sous ce rapport.,
Voilà pour le premier point, il aurait dû rester en dehors du débat.
Reste la cession du chemin de fer de Contich à Lierre, cession au sujet de laquelle un honorable député a été jusqu'à dire que le gouvernement se suicidait. Ce mot est de l'honorable M. de Perceval qui en ce moment semble étonne lui-même de l'avoir prononcé.
M. de Perceval. - Je le maintiens.
M. Coomans. - Je ne vous en fais pas mon compliment.
Eh bien, veuillez remarquer que ce tronçon de chemin de fer a été proposé à la Chambre pour être exécuté par l'Etat, parce qu'il ne se présentait aucune compagnie pour le construire ; on l'a voté, comme on en a voté beaucoup d'autres dans la même circonstance, alors qu'il fallait faire quelque chose pour presque tous les arrondissements. Il n'y a eu, en 1851, qu'une seule contrée exceptée de cette large distribution de chemins de fer, à savoir ia Campine. La province d'Anvers était assez mal partagée.
L'Etat a donc construit à tout hasard le tronçon de Contich à Lierre, sans s'imaginer à cette époque que les destinées de la Belgique en dépendaient.
Si, à cette époque, la compagnie de la Campine qui n'existait pas encore et envers laquelle on agit de manière à la faire se repentir d'être née ; si, à cette époque, la compagnie de la Campine avait proposé de construire le chemin de fer de Lierre à Contich qui est aujourd'hui si cher à quelques honorables membres, on eût considéré comme une faveur immense faite à l'Etat, la construction de ce chemin de fer par une compagnie.
Cela est si vrai que le ministre des travaux publics de 1853, approuvé par tous les membres de ce cabinet qui certes ne répugnait pas énormément à l'honorable député de Malines ; cela est si vrai, dis-je, que le ministre des travaux publics imposait à la compagnie de la Campine l'obligation de racheter le chemin de fer de Contich à Lierre, le jour où cela paraîtrait utile au gouvernement. Ce chemin de fer n'était donc pas alors considéré comme une chose si précieuse pour l'Etat qu'y renoncer, c'était se suicider. Au contraire, le gouvernement sentait si bien que l'exploitation du chemin de fer de Contich à Lierre était une mauvaise affaire, qu'il promit une prime de 28,000 fr. à la compagnie, pour le cas où elle serait forcée de racheter le chemin de fer.
Maintenant, la compagnie de la Campine se déclare prête à racheter ce tronçon de chemin de fer, pour arrondir et faciliter ses opérations ; mais elle vous dit en même temps : Lorsque j'aurai ce petit tronçon, je serai encore à une certaine distance d'Anvers ; permettez-moi d'aller jusqu'à Anvers, et je vous payerai de ce chef la somme que vous fixerez. Traitez-moi comme vous avez tratlé d'autres compagnies. Voilà toute la question.
D'honorables membres ont fait observer l'an dernier que vendre à tout jamais, se lier à tout jamais, était une chose assez grave, que mieux vaudrait ne conclure que temporairement.
Le gouvernement d'accord avec les membres qui préconisaient ce système, se rendant à ces observations, eut de nouvelles conférences avec la compagnie, et proposa le projet actuel d'après lequel la résiliation peut avoir lieu chaque jour en provenant six mois d'avance. S'il y a suicide, c'est un suicide très doux et très anodin, puisqu'on renaît tous les six mois.
Mais, dit-on, prenons-y garde, deux éventualités peuvent se présenter dans lesquelles le marché que nous venons de faire pourrait avoir de graves inconvénients.
D'une part, le gouvernement peut être amené à étendre le chemin de fer de la Campine et à accorder ainsi, à d'autres localités, des avantages que nous voulons restreindre à la Campine. A cela je réponds : Le jour où le gouvernement voudra étendre le chemin de fer de la Campine, il n'a qu'à dénoncer le marché.
D'autre part, il peut arriver, objecte-t-on, que le gouvernement accorde la concession d'une ligne directe d'Anvers sur Lierre et Hasselt. Dans ce cas, la compagnie dit au gouvernement qu'il n'a qu'à reprendre un objet dont lui-même a diminué la valeur ; le marché est de nouveau résilié.
Cette clause de résiliation en faveur de la compagnie étonne, scandalise l'honorable M. Prévinaire ; il y voit de grands, d'énormes inconvénients. Quoi, s'écrie-t-il, le gouvernement reprendrait le chemin au prix que la compagnie y aurait consacré elle-même !
Mais, messieurs, veuillez-le remarquer, le fait de la dépréciation aura été posé par l'Etat ; n'est-il pas juste que l'Etat en supporte les conséquences ? Du reste on vous l'a déjà fait observer, si vous construisez une ligne directe d'Anvers vers l'Allemagne, vous stérilisez aussi la ligne de Contich à Lierre. De quoi, dès lors, peut-on se plaindre ?
Puisque l'honorable M. Prévinaire a pris si souvent la parole dans ce débat et a fait de si longs rapports, nous avions quelque raison de croire qu'il avait étudié la question à fond ; je suis désolé d'avoir à lui dire qu'il n'en connaît pas le premier mot, car l'honorable membre s'est trompé de 25 p. c. quant à la longueur du chemin de fer d'Anvers à Lierre ; il a prétendu (circonstance aggravante, la carte sous les yeux) que l'Etat aurait à exploiter 25 kilomètres d'Anvers à Lierre. Il a bien tort ; j'affirme qu'il y a 17 kilomètres.
M. Prévinaire. - Vous êtes heureux d'avoir cet argument.
M. Coomans. - Vous en avez développé bien d'autres delà même force ; d'ailleurs, celui-ci n'est pas à dédaigner de la part d'un financier, j'aime à croire que l'honorable membre ne fait pas souvent des erreurs de cette importance dans les affaires qu'il traite. 25 p. c. c'est beaucoup, et je comprends qu'une telle erreur lui en ait fait commettre d'autres.
Il s'est trompé aussi dans son essai de réfutation du discours de l'honorable M. Osy.
Les appréciations de M. Osy sont exactes en ce qui concerne les sacrifices nouveaux que l'Etat aurait à s'imposer dans l'hypothèse du rejet de la loi. (Interruption.) Je dis que l'honorable M. Osy a énoncé exactement, quoique en termes généraux, les sacrifices imposés à l'Etat, si le projet est rejeté, c'est-à-dire qu'il y aura pour l'Etat une dépense considérable à faire, non pas la première année seulement, mais pour les années suivantes ; l'exploitation d'un railway de 17 kilomètres (si M. Prévinaire me permet d'indiquer ce chiffre) est mauvaise, le corps des ponts et chaussées, si je suis bien informé, l’a déclaré à l'unanimité ; l'Etat perdrait chaque année une certaine somme dans l'exploitation ; je ne parle pas du coût de l'achèvement, ni du matériel nécessaire pour ce chemin de fer.
Or que vous propose-ton aujourd'hui ? On propose au gouvernement de se débarrasser des mauvaises chances de l'exploitation et de se réserver les bonnes dans l'avenir. Quand l'exploitation des 17 kilomètres lui paraîtra avantageuse, il pourra toujours la reprendre. Détestable pour lui, elle ne le serait pas pour une compagnie qui peut y ajouter encore 42 kilomètres.
- Un membre. - Que l'Etat exploite le tout.
M. Coomans. - Voulez-vous que l'Etat exploite la ligne entière directement jusqu'à Turnhout ? Je serais enchanté de cette offre, si le gouvernement nous la faisait. A ce propos, je ferai une déclaration, qu'on me fera sans doute l'honneur de juger inutile, c'est que je ne parle pas dans l'intérêt de la compagnie, mais dans l'intérêt du public, des voyageurs et de l'Etat. J'ajouterai que je n'ai pas été l'objet d'une seule demande, d'une seule insinuation, de la part d'un seul directeur de la compagnie, tant il est vrai qu'au fond, étant garantie par le gouvernement la compagnie n'a pas grand intérêt à améliorer ses recettes qui ne donneront jamais un grand dividende, il y a plutôt de sa part uue question d'amour-propre et de simplification du service ; l'intérêt direct n'est pas considérable. Pour moi il n'y a que l'intérêt de l'Etat et du public qui suit engage ici et c'est le seul que je veuille défendre.
L'honorable M. Prévinaire s'est montré fort surpris de ce qu'au bout de dix ans d'exploitation de la ligne de Lierre à Contich, l'Etat puisse être obligé, dans certaines éventualités, de rembourser à la compagnie ce qu'elle aurait payé pour la route. C'est là, d'après cet honorable membre, un principe grave, une innovation fâcheuse devant lesquels la Chambre devrait reculer. Mais on l'a dit hier, à M. Prévinaire et il y a longtemps ; je le lui répète aujourd'hui. Il se passe des choses beaucoup (page 1030) plus graves, c'est-à-dire que des chemins de fer repris par le gouvernement jouissent de primes considérables, tandis qu'ici l'Etat se bornera à rembourser purement et simplement la valeur du chemin, telle que l'Etat l'aura déterminée lui-même. Il me semble donc que cet argument de l'honorable M. Prévinaire n'est pas sérieux ; s'il y insiste, j'y reviendrai.
M. Prévinaire. - Oui, j'insiste.
M. Coomans. - Vous êtes courageux. J'insisterai aussi. L'argument de l'honorable membre est celui-ci : Au bout de deux ans l'Etat résilie. La compagnie sera remboursée de tout ce qu'elle aura dépensé pour le chemin de fer ; c'est plutôt la compagnie qui devrait fournir à l’Etat une certaine somme puisqu'elle aurait recueilli les bénéfices de l'exploitation.
Je ferai remarquer à l'honorable membre que c'est au contraire en pareil cas l'Etat qui paye une prime et non la compagnie, et je pourrais en citer maint exemple, si j'en avais besoin devant l'immense majorité de la Chambre. L'argument est donc fautif, ou, pour mieux dire, il appuie le projet de loi, puisque la compagnie de Turnhout est moins bien traitée que d'autres compagnies.
Messieurs, la fatigue que j'éprouve me force d'en rester là pour aujourd'hui.
(page 1027) - Plusieurs membres. - Aux voix.
M. Verhaegen. - Si l'on veut voter, je renoncerai à la parole.
M. de Theux. - Je demande la parole.
M. Verhaegen. - Je ne renonce à la parole que si l'on prononce la clôture.
- Plusieurs membres. - La clôture !
M. de Theux. - J'ai entendu émettre par l'honorable ministre des travaux publics et par l'honorable M. Prévinaire l'opinion qu'il faut, dans l'intérêt du trésor de l'Etat, empêcher la construction de lignes en concurrence avec celles de l'Etat. Cette question est extrêmement grave.
Je ne puis partager cette opinion d'une manière absolue. Je voudrais notamment rencontrer quelques observations de l'honorable M. Prévinaire, que j'ai été étonné de voir émaner de lui que dans d'autres circonstances nous avons entendu soutenir des principes plus vrais et plus larges.
Je démontrerai que ces théories sont tout à fait contraires à l'intérêt de l'Etat.
La question est d'une haute importance. Il s'agit de savoir si par la crainte de diminuer quelque peu les ressources du trésor on condamnera la campine à rester en dehors de la ligne du chemin de fer. Je veux démontrer que, dans l'intérêt de l'Etat, ces doctrines doivent être combattue.
J'insiste donc pour que la clôture ne soit pas prononcée.
M. Verhaegen. - J'étais inscrit ie premier. J'ai bien voulu renoncer à la parole, parce qu'on désirait en finir. S'il n'y a pas clôture, je conserve mon tour de parole.
M. le président. - La Chambre n'est plus en nombre. On statuera demain sur la demande de clôture.
M. Prévinaire. - Votons.
M. le président. - On ne peut voter. Le bureau a constaté que la Chambre n'est plus en nombre.
- La séance est levée à 4 heures trois quarts.