(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)
(Présidence de M. Delehaye.)
(page 467) M. Ansiau procède à l'appel nominal à une heure et un quart.
M. Calmeyn donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
- La rédaction en est approuvée.
M. Ansiau communique l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Lebrun prie la Chambre de supprimer l'incompatibilité prononcée par les articles 48 et 55 de la loi communale et par l'article 40 de la loi provinciale contre les employés des commissariats d'arrondissement. »
M. Lelièvre. - J'appuie la pétition, et comme elle se rattache à divers articles du budget de l'intérieur, je demande qu'elle soit déposée sur le bureau pendant la discussion de ce budget.
- Cette proposition est adoptée.
« Le sieur Stevens présente des observations sur les péages perçus par la compagnie du chemin de fer de Luxembourg. »
- Même renvoi.
« Des secrétaires communaux de l'arrondissement d'Arlon déclarent adhérer à la pétition de plusieurs secrétaires communaux en date du 21 décembre. »
« Même déclaration des secrétaires communaux de l'arrondissement de Bruxelles. »
- Même renvoi.
« Le sieur Barrois, brigadier des douanes, demande que le projet de loi concernant la pension d'officiers de volontaires soit rendu applicable à ceux de ces officiers qui ont quitté le service militaire pour occuper des emplois civils. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Le sieur Bolline présente des observations sur le projet de loi relatif à la falsification des substances alimentaires et propose d'y introduire des dispositions préventives. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet.
« Province d'Anvers.
« Art. 10. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »
- Adopté.
« Art. 11. Traitement des employés et gens de service : fr. 41,000. »
- Adopté.
« Art. 12. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,300. »
- Adopté.
« Province de Brabant.
« Art. 13. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »
- Adopté.
« Art. 14. Traitement des employés et gens de service : fr. 49,575 »
- Adopté.
« Art. 15. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,700. »
- Adopté.
« Province de la Flandre occidentale.
« Art. 16. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »
- Adopté.
« Art. 17. Traitement des employés et gens de service : fr. 41,300.
« Charge extraordinaire : fr. 3,000. »
- Adopté.
« Art. 18. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 19,250 »
- Adopté.
« Province de la Flandre orientale.
« Art. 19. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »
- Adopté.
« Art. 20. Traitement des employés et gens de service : fr. 45,000.
« Charge extraordinaire : fr. 3,150. »
- Adopté.
« Art. 21. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,500. »
- Adopté.
« Province de Hainaut.
« Art. 22. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »
- Adopté.
« Art. 23. Traitement des employés et gens de service : fr. 52,840. »
— Adopté.
« Art. 24. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,930. »
- Adopté.
« Province de Liège.
« Art. 25. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »
- Adopté.
« Art. 26. Traitement des employés et gens de service : fr. 43,800. »
- Adopté.
« Art. 27. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 18,690. »
- Adopté.
« Province de Limbourg,
« Art. 28. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »
- Adopté.
« Art. 29. Traitement des employés et gens de service : fr. 35,500. »
- Adopté.
Article 30
« Art. 30. Frais de route, matériel et dépenses imprévues, ordinaires : fr. 12,497. »
« Province de Luxembourg.
« Art. 31. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700. »
« Art. 32. Traitement des employés et gens de service : fr. 31,800. »
« Art. 33. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 15,200. »
« Province de Namur.
« Art. 34. Traitement du gouverneur, des députés du conseil provincial et du greffier provincial : fr. 37,700.
« Art. 35. Traitement des employés et gens de service : fr. 36,000. »
« Art. 36. Frais de route, matériel et dépenses imprévues : fr. 14,700. »
Article 36bis
« Art. 36bis (proposé par la section centrale). Supplément des crédits affectés au traitement des employés et gens de service, à répartir entre les provinces, suivant les besoins les plus urgents : fr. 32,000. »
M. Thibaut. - Messieurs, nous sommes arrivés à l'amendement de la section centrale sur lequel a roulé la discussion générale du chapitre IV. Vous vous rappellerez que dans la séance d'hier quelques membres ont engagé M. le ministre de l'intérieur, pour le cas où la somme de 32,000 francs serait votée, à répartir cette somme au marc le franc des traitements actuels. D'autres membres ont critiqué ce mode de répartition. Pour moi, j'ai présenté quelques considérations pour engager la Chambre à ne pas accorder, cette année-ci, une augmentation de crédit et à attendre la réorganisation des administrations provinciales promise par M. le ministre de l'intérieur.
Je n'ai donc pas à me prononcer entre les deux modes de répartition. Je dois cependant faire remarquer que s'il entre dans les intentions du gouvernement de répartir la somme de 32,000 francs au marc le franc des traitements actuels, le libellé de l'article, tel qu'il est proposé par la section centrale, devrait être modifié.
Il est évident que, dans cette hypothèse, on n'aurait plus pour but de satisfaire aux besoins les plus urgents, car les employés provinciaux les mieux rétribués ne peuvent pas être censés avoir des besoins urgents On peut dire que les services qu'ils rendent ne sont pas assez rétribués. Je conçois qu'on présente les choses sous ce point de vue, mais dire que ces employés ont des besoins urgents, c'est ce qu'on ne peut pas admettre.
Les employés qui ont des besoins urgents, ce sont les employés d’un ordre inférieur ; pour ceux-là, comme j’ai déjà eul’honneur de le dire, la Chambre a voté un crédit de 800,000 francs, dans lequel les fonctionnaires provinciaux auront une part.
Il y aurait donc à modifier le libellé de l'article proposé par la section centrale, si toutefois la Chambre croit devoir adopter la proposition de la section centrale.
(page 468) M. Maertens, rapporteur. - Messieurs, je crois que le libellé, tel qu'il a été formulé par la section centrale, doit être maintenu. Il est entré dans ses intentions de laisser au gouvernement une liberté pleine et entière pour la répartition des 32,000 fr. selon les besoins des différentes provinces. Ces besoins ne sont pas les mêmes partout, il y a telles provinces où, d'après la réorganisation, il ne sera peut-être pas nécessaire d'augmenter le crédit affecté au traitement des employés ; il en est d'autres où une augmentation sera indispensable ; dans la pensée de la section centrale, le gouvernement doit conserver toute sa liberté d'appréciation à cet égard.
Si l'on supprimait, dans le libellé les mots « suivant les besoins les plus urgents », vous arriveriez au système d'après lequel on devrait faire la répartition au marc le franc, qui aurait le grand désavantage de ne satisfaire qu'aux besoins individuels des employés, sans aucun égard pour les nécessités administratives. Comme c'est l'intérêt de l'administration que la section a eu surtout en vue, je pense qu'il convient de maintenir la rédaction du libellé.
M. Delfosse. - M. le ministre de l'intérieur a fait connaître hier, et je croyais que c'était une chose convenue, qu'en attendant la réorganisation définitive, on ne changerait rien à la situation respective des provinces. Si vous changez, à l'occasion d'uu crédit temporaire, la position respective des provinces, vous pouvez ouvrir la porte à de graves abus, il faut maintenir provisoirement ce qui existe, il faut que chaque province ait dans le crédit proposé par la section centrale une part proportionnelle à celle qu'elle a dans le crédit général.
Vous ne pouvez pas savoir actuellemcnt quels sont les besoins réels des provinces ; le gouvernement ne pourra le savoir que quand il aura arrêté une organisation définitive, ce n'est qu'alors qu'il aura tous les éléments d'appréciation. En attendant, le crédit de 32 mille francs doit être reparti au marc le franc. C'est ainsi que cela avait été entendu hier, c'est ainsi que M. le ministre avait déclaré vouloir faire la répartition.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - En effet, j'ai été quelque peu étonné de voir l'honorable rapporteur donner aux observations que j'ai présentées hier, une portée qu'elles ne paraissaient pas avoir. Au nom du gouvernement et pour éviter de grandes difficultés dans la répartition, je ne demande pas mieux que de répartir le crédit dont il s'agit un marc le franc entre les provinces Mais il avait été entendu que tout en prenant cette base de répartition, une certaine latitude serait laissée à MM. les gouverneurs pour que le subside vînt surtout en aide aux employés inférieurs. Ainsi le gouvernement répartira le crédit au marc le franc entre les provinces, mais les gouverneurs de chacune de nos provinces seront libres de voir ce qu’il y aura à faire dans l’intérêt des employés de leurs bureaux, et surtout des employés inférieurs.
M. Thibaut. - Vous voyez, messieurs, qu'on n'est pas d'accord. M. le rapporteur recommande un mode de répartition du crédit de 32.000 fr., l'houotablc ministre de l'intérieur et l'honorable M. Delfosse en indiquent un autre. Dans cet état des opinions, ce qu'il y a de mieux à faire, à mon sens, c'est d'attendre la réorganisation que le gouvernement nous promet ; on saura alors au juste la somme qu'il faudra accorder et l'on fera à chacun un traitement équitable. Quand cette réorganisation définitive aura été arrêtée, le gouvernement pourra très bien demander un crédit supplémentaire si elle nécessite une dépense plus forte que celle qui est prévue au budget.
Messieurs, si on suivait le système soutenu par M. le rapporteur, les provinces dont les besoins paraîtraient les plus grands pourraient absorber les 32,000 francs à l'exclusion des autres. Voilà l'inconvénient.
M. le ministre de l'intérieur serait d'avis de répartir les 32,000 fr. au marc le franc du crédit global de chaque province et de laisser aux gouverneurs le soin de la sous-répartition de la somme mise à leur disposition. Toutefois les gouverneurs seraient engagés à faire surtout la part large aux petits fonctionnaires. Ce système a aussi son mauvais côté.
Les petits employés recevront déjà une part dans les 800 mille francs que la législature a alloués ; ils recevront ainsi des deux côtés. C'est un cumul d'une nouvelle espèce ; je ne dis pas pour cela qu'ils recevront trop, mais pour le savoir et pour décider à quel taux leurs traitements doivent être équitablement fixés, il convient d'attendre la réorganisation des administrations provinciales. Nous avons satisfait aux besoins temporaires et urgents par le crédit de 800,000 fr. Aujourd'hui on fera de la générosité sans cause et au hasard.
M. Rousselle. - Si l'intention est d'opérer la répartition au marc le franc, à raison de la somme totale allouée à chaque province dans le budget actuel, et qu'il ne s'agisse pas de faire une répartition proportionnelle aux traitements individuels de tous les fonctionnaires et employés des différentes provinces, je puis me rallier à cette proposition, parce que le gouverneur pourra répartir la somme qui lui sera allouée dans les 32,000 fr., de manière à réparer certaines injustices et ramener les petits traitements à un taux proportionnel plus équitable qu'il ne l'est aujourd'hui. Ainsi entendue, j'admets la répartition au marc le franc.
M. de Naeyer, rapporteur. - Je dois d'abord faire observer de nouveau que, quant à la répartition à faire entre les employés de chaque province, il est impossible d'adopter pour base la répartition au marc le franc. Car ce seraient alors ceux qui sont aujourd'hui le mieux rétribués qui recevraient l'augmentation la plus importante. Ainsi, l'employé qui aurait 3,000 ou 4,000 fr. recevrait, je suppose, une augmentation de 300 à 400 fr., et l’employé qui aurait un traitement de 1,000 fr. ne recevrait qu'une augmentation de 100 fr. Or, d'après ce qui est à ma connaissance, c'est surtout en faveur des employés qui n'ont que de petits traitements, tout en rendant de grands services, qu'il y a lieu d'accorder une augmentation assez considérable de traitement.
On a indiqué, comme seconde base, la répartition suivant les besoins des employés. Je n'admets pas encore, cette idée. Les mots : « besoins urgents », qui se trouvent dans le libellé de la section centrale, ne s'appliquent pas particulièrement aux besoins des employés en vue des circonstances exceptionnelles dans lesquelles nous nous trouvons. Il a été pourvu à cela par un autre crédit, par le crédit de 800,000 fr., dont la répartition peut se faire dans cet ordre d'idées. Mais quand nous parlons des besoins urgents, nous entendons surtout les besoins de l'administration, nous voulons qu'on vienne en aide aux employés provinciaux surtout pour rémunérer convenablement les services qu'ils rendent, c'est-à-dire dans l'intérêt de l'administration.
Voici ce qui se présente notamment dans les provinces qui me sont particulièrement connues.
Il y a des employés qui ont un traitement évidemment insuffisant, et qui cependant rendent de grands services, et qu'on n'a retenus dans l'administration que parce que depuis nombre d'années on leur a dit : Travaillez bien, continuez à montrer du courage et du zèle et vous obtiendrez une amélioration de position. C'est sur la foi de cette promesse que ces employés ont continué de consacrer leur temps et leurs connaissances à l'administration, et c'est à ceux-là surtout qu'il faut venir en aide et accorder des augmentations de traitements.
Car si l'on ne fait rien pour eux, ils quitteront la carrière administrative, et l'administration des provinces se trouvera en grande partie entravée.
Je croîs donc, pour résumer ce que je viens de dire, que si l'on admet la répartition au marc le franc entre les provinces, et il sera peut-être difficile de faire autrement, cette base ne pourra plus être admise lorsqu'il s'agira de répartir la somme entre les employés. Comme je le disais hier, il faudra suivre autant que possible les propositions qui seront faites par les gouverneurs, ceux-ci étant le mieux à même de connaître les vrais besoins du service.
Je crois doue qu'on ne peut arrêter aucune base de répartition définitive, que la répartition devra nécessairement varier d'après les circonstances et les besoins différents qui existent dans les provinces.
M. Vander Donckt. - Je ne puis admettre la proposition d'ajournement que nous fait l'honorablcM. Thibaut. Hier j'ai eu l’honneur de vous démontrer qu'il y avait réellement urgence de faire quelque chose en faveur des employés dans les provinces.
Messieurs, on vous a déjà dit qu'il y avait de ces employés de province qui travaillaient gratuitement, et il en est ainsi dans les provinces que je connais le mieux. Il est d'autres employés qui travaillent moyennant un salaire de 200 à 300 fr. Je vous le demande, est-il possible d'exiger de ces employés un travail assidu de 8 à 10 heures par jour pour une faible rémunération de 200 à 300 fr. par an ?
Non seulement, messieurs, ce point doit être pris en considération ; mais l'encombrement de travail dans les provinces (et j'indique ici surtout la Flandre orientale), est tel que depuis six ans, des dossiers de plans de cours d'eau sont adressés à la députation permanente, et qu'une partie de ces dossiers se trouve encore dans les cartons, à défaut d'employés capables pour faire le travail. Les affaires courantes se font régulièrement, mais d'autres affaires qui ont aussi leur degré d'utilité et d'urgence restent en souffrance.
Messieurs, lorsque l’honorable ministre aura la somme de 32,000 fr. à sa disposition, il jugera des besoins des provinces respectives, de l'encombrement du travail qu'on y remarque, de ce qu'il y a à faire. Il pourra autoriser les gouverneurs a admettre temporairement des employés nouveaux pour expédier les affaires qui, comme j'ai l'honneur de le dire, restent en souffrance depuis cinq et six années.
Je vous le demande, messieurs, est-ce là une organisation régulière ? Ne faut-il pas faire quelque chose pour les provinces où l'encombrement de travail est tel, que des affaires importantes restent en souffrance. Il ne peut être admis que des employés travaillent huit à dix heures par jour pour une rétribution de 200 à 300 francs et même gratuitement, dans l'espoir d'obtenir un jour un traitement équitable et en rapport avec le travail qu'ils font. L'encombrement du travail est tel que des chefs de bureau sont forcés parfois de faire des expéditions, ce qui n'est pas convenable.
C'est dans ce sens que j'insiste spécialement pour l'allocation de l'augmentation proposée par la section centrale, avec la faculté pour l'honorable ministre de la répartir d'après les besoins et les nécessités, tout en laissant aux gouverneurs le soin de voir ce qu'il y a réellement à faire pour l'avancement des travaux qui restent en souffrance dans les provinces.
M. de Steenhault. - Messieurs, j'ai été étonné comme M. le ministre de l'intérieur et comme l'honorable M. Delfosse de voir qu'on revenait (page 469) aujourd'hui sur une décision qui paraissait définitivement arrêtée hier, Je croyais qu'il était convenu hier et, comme l'a fort bien expliqué l'honorable M. Rousselle, que la répartition du crédit de 32,000 fr. se ferait, entre les provinces proportionnellement aux sommes allouées par le budget à chacune d'elles.
Je persiste à croire, messieurs, que c'est là le meilleur mode et celui qui offre le moins d'inconvénients. Il fait disparaître ceux-que vient de signaler l'honorable M. de Naeyer. Donnons à chaque gouverneur une somme globale et laissons ce fonctionnaire libre de la répartir comme il l'entend. Il est naturel qu'il tiendra compte de la position des petits employés et qu'il viendra à leur aide avant d'augmenter la rémunération des employés qui reçoivent déjà des traitements élevés et suffisants.
Quant à l'ajournement proposé par l'honorable M. Thibaut, il ne faut pas perdre de vue notre point de départ. Tout le monde reconnaît que les traitements des employés provinciaux sont insuffisants ; il en est parmi eux qui ne reçoivent aucun traitement, et travaillent peut-on dire, pro Deo. Il y a donc urgence de faire quelque chose.
Faut-il accorder au gouvernement la faculté de faire une répartition arbitraire de la somme de 32,000 francs ? Malgré toute la confiance que je puis avoir en lui, je vous avoue que cela me répugne, le mode serait d’ailleurs dangereux parce que ces allocations pourraient servir de précédent et nous aurions beaucoup plus de peine plus tard, s’il y avait des inconvénients signalés, à en revenir.
Je pense donc que le meilleur mode à adopter est celui qui a été indiqué hier : c'est d'engager le gouvernement a répartir la somme entre les provinces au marc le franc du chiffre total que chacune d'elles reçoit.
M. Coomans. - Il me semble que nous concilierions quelques opinions si nous tracions, dans ce projet de loi, les limites qui ont été marquées dans la loi votée en faveur des employés inférieurs de l'Etat, Je veux dire une limite d'appointements. Je suis très disposé à émettre, en cette circonstance, le vote le plus favorable aux employés provinciaux ; mais je ne pense pas qu'il faille faire pour eux plus que nous n'avons fait pour les fonctionnaires de l'Etat. Or, nous avons voulu qu'il y eût une limite au-delà de laquelle un employé, même inférieur, ne participerait point au subside.
Je pense que mille francs, limite indiquée dans la loi relative aux 400,000 francs, est un chiffre un peu faible ; mais pourquoi ne pas dire, par exemple, que la somme de 32,000 francs sera partagée entre les employés provinciaux, dont les appointements ne dépassent pas la somme de 2,000 fr. ? Remarquez, messieurs, que quelles que soient nos sympathies pour les employés provinciaux, il ne serait pas juste de faire, pour eux plus que nous n'avons fail pour des milliers d'employés de l'Etat, qui se trouvent dans une situation tout aussi fâcheuse, et qui rendent des services non moins considérables.
Nous avons, pour ainsi dire, voté d'avance l'amendement que je suis assez disposé à soumettre à la Chambre.
M. Delfosse. - Messieurs, on paraît d'accord que la répartition doit se faire entre les provinces au marc le franc ; c'est-à-dire que chaque province recevrait, dans la répartition des 32,000 fr., une part proportionnelle à celle qu'elle reçoit dans le crédit général. On est d'accord sur ce point, mais le dissentiment commence lorsqu'il s'agit de la répartition à faire par chaque gouverneur. Quelques honorables collègues pensent qu'on doit laisser les gouverneurs entièrement libres de répartir, comme ils l'entendront, la somme affectée à leur province. Je ne suis pas tout à fait de cet avis ; je crois que M. le ministre de l'intérieur fera bien de donner quelques instructions à MM. les gouverneurs, de leur indiquer comment il entend que le crédit soit réparti.
Le crédit doit surtout profiter aux petits employés, à ceux qui, comme le disait hier l'honorable M. de Naeyer, n'ont pas de traitement ou n'ont qu'un traitement très faible.
Lorsque j'ai parlé d'une répartition au marc le franc, à faire entre les employés de chaque province, mon but était de venir en aide surtout aux petits employés, d'empêcher qu'on ne donnât une part trop forte aux employés qui déjà ont les meilleurs traitements. Je suis convaincu que si M. le ministre de l'intérieur donnait à MM. les gouverneurs des instructions en ce sens, nous y applaudirions tous.
Messieurs, nous ne pouvons pas entrer dans l'ordre d'idées indiqué pat l'honorable M. Coomans. Les employés qui ont plus de deux mille fr. de traitement ne recevront rien sur le fonds de 800,000 fr., il serait trop dur de les priver aussi de toute participation au crédit que nous allons voter.
Un employé qui a au moins 2,000 francs de traitement peut avoir une famille nombreuse et se trouver dans une situation extrêmement pénible. Il faut que l'on puisse faire participer cette catégorie d'employés à la répartition, mais il ne faut pas qu'ils obtiennent une part trop forte, aux dépens d'employés qui ont un traitement presque nul.
En résumé, messieurs, je crois que les gouverneurs doivent avoir une certaine liberté, mais que, cependant, cette liberté doit être, jusqu'à un certain point, réglementée par des instructions que M. le ministre de l'intérieur leur adressera conformément aux idées exprimées dans cette discussion.
M. Moncheur. - Messieurs, je n'ai à ajouter aux observations qui viennent d'être présentées par l'honorable M. Delfosse, qu'une chose, c'est que nous ne faisons rien de neuf, rien d'insolite, en laissant aux gouverneurs le soin de répartir entre les employés de l'administration provinciale la somme qui sera mise à leur disposition,
Déjà, MM. les gouverneurs ont la mission de répartir entre ces employés, qui sont du reste à sa nomination, les fonds que nous votons pour l’administration dans les provinces. D’ailleurs, messieurs, il est évident que c’est le gouverneur qui connaît le mieux la situation de chacun de ses employés.
Je pense, messieurs, qu'il ne faut pas exclure de la répartition des employés qui auraient 2,000 ou plus de 2,000 fr. d'appointements ; au reste, il en est peu, je pense, qui soient, dans cette catégorie.
Comme l'honorable M. Delfosse vient de le dire, M. le ministre de l'intérieur pourra donner des instructions à MM. les gouverneurs ; qui pourront d'ailleurs s'inspirer de la discussion qui a eu lieu dans cett enceinte.
Il est évident, messieurs, que ce sont, en général ceux qui ont les traitements les plus faibles, qui doivent aussi obtenir les secours les plus efficaces, mais il me semble qu'il est inutile d'entrer dans des détails à cet égard, d'autant plus, je le répète, que nous ne faisons rien de neuf en autorisant MM. les gouverneurs à répartir entre leurs employés la somme qui sera mise à leur disposition.
M. Delfosse. - Je dois ajouter, messieurs, à ce que j'ai dit tout à l'heure, qu'on ne doit pas, à l'occasion d'un crédit purement temporaire, modifier la position des employés d'une manière définitive. Il faut attendre, pour modifier définitivement cette position, l'adoption du règlement auquel on travaille en ce moment.
M. de Naeyer, rapporteur. - Je crois, messieurs, qu'on est d'accord maintenant, qu'il est impossible à la Chambre de prescrire un mode de répartition entre les employés de chaque province.
En effet, c'est là un détail administratif qui sort de nos attributions. Je crois, messieurs, que le plus sage serait ce que je vais avoir l'honneur d’indiquer.
Je ne suis pas tout à fait de l'avis de l'honorable M. Delfosse, que le gouvernement commencerait par donner des instructions aux gouverneurs ; je crois qu'il vaudrait mieux demander aux gouverneurs quel est l'usage le plus utile qu'on puisse faire de la somme attribuée à leur province et d'attendre leurs propositions, que le gouvernement pourrait se réserver jusqu'à un certain point d'approuver ; cela vaudrait mieux, ce me semble, que de prescrire d'avance une règle de conduite aux gouverneurs, qui, en général, sont le mieux à même d'apprécier les véritables besoins du service.
Je crois, messieurs, que c'est à tort que l'honorable M. Coomans a confondu le crédit actuel avec le fonds de 800,000 francs. Le fonds de 800,000 francs a été voté principalement dans une pensée d'humanité, ici ce n'est pas le même ordre d'idées, ici il s'agit avant tout des besoins du service, car si vous conservez aux administrations provinciales la besogne qu'elles ont aujourd'hui, si vous ne la réduisez pas, en simplifiant les rouages dans les départements ministériels, il arrivera, comme il arrive déjà, que certaines de ces administrations seront incapables de faire face aux besoins du service.
Il faut remédier à cet état de choses en mettant une certaine somme à la disposition des gouverneurs.
M. Coomans. - Messieurs, je n'admets pas du tout avec l'honorable M. de Naeyer que le crédit, de 800,000 fr. ait été accordé par la Chambre, exclusivement dans un but d'humanité. Le vote n'a pas été entendu ainsi et il ne pouvait pas l'être, car l'Etat ne peut pas faire l'aumône, surtout à ses employés. On a accordé le crédit de 800,000 fr. dans l'intérêt du service, dans ce même intérêt qui est invoqué par l'honorable représentant d'Alost à l'égard des employés provinciaux. (Interruption.)
Je me souviens parfaitement qu'il a été entendu par les différents orateurs qui ont pris part à la discussion, et par les organes du gouvernement lui-même, qu'il y avait lieu d'étudier d'une manière définitive la situation de tous les employés inférieurs de l'Etat, et qu'il serait fail bientôt des propositions en ce sens à la Chambre. Ce n'étais pas un don provisoire, une aumône exceptionnelle que nous avions à faire à ces employés.
Nous avons voté successivcmenl les deux sommes de 400,000 et de 800,000 francs pour secourir les fonctionnaires qui étaient dans une situation malheureuse, à cause des circonstances. Mais il a été reconnu au même temps que cette situation laissait beaucoup à désirer, était défectueuse, même dans l'état normal.
Ainsi donc, tout en approuvant les observations que fait l’honorable, membre, en ce qui concerne les employés provinciaux, tout en engageant avec lui le gouvernement à simplifier les rouages de l'administration provinciale, rouages beaucoup trop compliqués, comme dans toutes les autres administrations, je maintiens que ses remarques s'appliquent au même degré à tous les fonctionnaires de l'Etat.
L'honorable M. Delfosse a fait observer avec raison qu'il serait très fâcheux pour les employés au traitement de 2,000 francs ou au-delà, qui n'ont rien reçu du crédit de 800,000 francs de ne recevoir rien de celui de 32,000 francs que nous allons voter. Cela est vrai ; mais l'observation est applicable à tous les fonctionnaires de l'Etat. Tous les fonctionnaires de l'Etat au traitement de 2,000 francs et même de 1,400 francs ont été exclus de la répartition des deux subsides que nous avons votés. En entrain dans l'ordre d'idées que je viens d'exposer sommairement à la Chambre, nous ferions donc pour les uns ce que nous avons fait pour les autres. Il me semble qu'il sied à la législature d'être logique et surtout juste. Cependant, si cette idée ne reçoit pas un bon accueil, je m'abstiendrai de la formuler.
(page 470) M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Maintenant que la plupart des orateurs ont été entendus, je crois qu'il est essentiel de résumer le débat.
Il est donc bien entendu par la Chambre que le crédit de 32,000 fr. sera distribuép ar le gouvernement au marc le franc par province, c'est-à-dire que chaque province obtiendra sur ce crédit extraordinaire une somme proportionnée au chiffre global qui figure en faveur de cette province au budget.
Quant à la répartition par province, l'honorable M. de Naeyer voudrait que MM. les gouverneurs préparassent un projet de distribution et le soumissent au gouvernement. Il me semble que l'administration centrale serait dans l'impossibilité de juger quels sont les besoins réels auxquels il s'agit de satisfaire dans chacune des administrations provinciales. Cette espèce de contrôle que l'honorable M. de Naeyer voudrait accorder au gouvernement est donc inadmissible. Il est beaucoup plus simple de laisser une certaine latitude à MM. les gouverneurs pour la distribution de la part de leurs provinces respectives dans le crédit. On pourra leur adresser des instructions dans le sens des discussions qui ont eu lieu.
Quant à l'idée émise par mon honorable ami, M. Coomans, il doit comprendre lui-même que l'on ne peut pas songer à la réaliser. Il peut se présenter en effet tel cas où un fonctionnaire qui reçoit un traitement de 2,000 francs ou au-delà se trouve avoir des droits tout particuliers à une part dans la distribution du crédit de 32,000 francs. Nous ne pouvons pas exclure ces fonctionnaires d'une manière absolue.
Quoi qu'en dise mon honorable ami, il est évident que le crédit de 800,000 fr. n'a pas le même caractère que le crédit dont il s'agit en ce moment. Le crédit de 800,000 fr. a été considéré comme un crédit tout à fait exceptionnel, une fois donné, en vue des circonstances exceptionnelles dans lesquelles le pays se trouvait à cause de la cherté des vivres ; c'est une espèce de subside alimentaire motivé par des circonstances toutes particulières.
Depuis longlemps on a réclamé, avec raison, une amélioration de position pour les employés provinciaux, non pas en vue de la crise alimentaire que nous traversons, mais en vue de l'augmentation considérable du travail de ces employés et de la nécessité de mettre leurs traitements en rapport avec les exigences normales de la vie actuelle.
Ainsi, les principes que nous avons appliqués à la répartition des 800,000 fr. ne peuvent pas raisonnablement trouver d'application dans le cas actuel.
Je demande que dans l'article proposé par la section centrale, on supprime les mots : « suivant les besoins les plus urgents ».
- L'article, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.
M. le président. - La Chambre passe au Chapitre V (frais de l'administration dans les provinces).
La discussion générale est ouverte.
La parole est à M. Vandenbranden de Reeth.
M. Vanden Branden de Reeth. - Messieurs, tous les ans, à l'occasion de la discussion du budget de l'intérieur, le chapitre V, qui traite des frais de l'administration dans les arrondissements, donne lieu à des observations qui tendent à mettre en doute l'utilité et l'importance des fonctions exercées par le commissaire d'arrondissement. Tantôt l'on propose la suppression de tous ces fonctionnaires, tantôt l'on se borne à demander seulement la suppression des commissaires d'arrondissement dans les chefs-lieux de province. Cette fois le rapport de la section ne fait aucune proposition, mais cependant les observations qui accompagnent le chapitre en discussion démontrent clairement qu'elle partage, en grande partie, l'opinion qui a été plusieurs fois émise sur l'utilité des fonctions exercées par le commissaire d'arrondissement.
Je pense, messieurs, que c'est là une erreur, et une erreur qu'il importe de combattre. Je pense que la présence d'un fonctionnaire, chargé tout spécialement de ce qui concerne l'administration des communes, est indispensable dans chaque arrondissement.
J'ai remarqué que toutes les fois que cette question a été agitée, l'on s'est attaché surtout à signaler des abus ; mais, messieurs, lorsque des abus existent, il faut les combattre et les réprimer, mais non pas supprimer, à cause de ces mêmes abus, une institution qui est appelée à rendre des services. A l'égard des attributions et des devoirs des commissaires d'arrondissement, voici comment s'exprimait un honorable membre de cette Chambre, dont j'aime à invoquer l'autorité en pareille matière. Dans la séance du 6 février 1845 l'honorable comte de Renesse disait :
« Le commissaire est l'intermédiaire obligé des administrés avec l'autorité provinciale, il doit être constamment en relation avec les communes de son arrondissement, il doit s'y rendre chaque année à plusieuis reprises ; par sa présence il peut souvent aplanir des difficultés et des contestations entre différentes communes ; il est le conseiller, le conciliateur administratif, si je puis m'exprimer ainsi, des communes qui aurait des intérêts opposés ; il doit chercher, par son influence personnelle, à ramener la concorde entre les administrations communales et leurs administrés, s'il y a des divisions. En outre, par sa position, par la connaissance exacte des besoins de son arrondissement, il peut appuyer auprès du gouvernement les intérêts de ses administrés, il peut démontrer à l'administration supérieure la nécessité d'accorder les subsides réclamés pour l'amélioration morale et matérielle de son district ; l'on ne peut donc contester l'importance et l'utilité de ces fonctions. »
Messieurs, Je cite avec plaisir ces paroles parce qu'elles indiquent d'une manière complète quelles sont les attributions des commissaires d'arrondissement et quelle doit être leur action toute paternelle à l'égard des communes qu'ils administrent.
S'ils s'écartentent de leurs devoirs, s'ils les négligent ; si, dans certaines conditions ils oublient que la nature des fonctions qu'ils exercent est purement administrative, et qu'ils sont des administrateurs et non des agents politiques, c'est aux gouverneurs de province, leurs chefs immédiats, c'est au gouvernement, qu'il appartient de rendre à l'institution son véritable caractère.
Je ne crains pas de le dire, si des fonctionnaires ne s'étaient pas écartés des attributions si bien définies par l'honorable comte de Renesse, nous n'aurions pas eu ici les récriminations que nous avons entendues à diverses reprises.
L'on s'est plaint souvent de ce que l'on a appelé la « bureaucratie », et bien, supprimer les commissaires d'arrondissement, même dans les chefs-lieux de province, c'est, à mes yeux, renforcer encore le système de la bureaucratie.
Voici ce que j'entends par cette dénomination. Par bureaucratie, j'entends le système qui consiste à tout diriger, et à tout décider en fait d'administration, d'industrie, d'art, d'agriculture, du fond d'un cabinet de travail, entouré de quelques chefs de bureau et d'un certain nombre de commis, sans avoir l'occasion d'examiner le côté pratique des choses si souvent différent du côlé théorique.
Si vous supprimez le commissaire d'arrondissement, agent essentiellement actif, qui doit être en contact avec toutes les administrations de son ressort, qui doit connaître le personnel de ces administrations, qui doit s'enquérir de leurs besoins, prendre dans beaucoup de cas l'initiative des améliorations à introduire dans les communes, vous devrez le remplacer par un fonctionnaire quelconque résidant au chef-lieu de la province. Ce nouveau fonctionnaire sera probablement le chef d'une nouvelle division installée au gouvernement central de la province.
Ce nouveau chef de division sera escorté de chefs de bureau et de commis : car enfin, si vous veniez à supprimer les commissaires d'arrondissement, vous ne pouvez pas imposer au gouvernement central de la province ce surcroît de besogne sans augmenter son personnel.
Maintenant, messieurs, je vous le demande, quel avantage auriez-vous obtenu au point de vue administratif, en remplaçant le commissaire d'arrondissement, agent essentiellement actif, par le chef de division, agent essentiellement sédentaire ? Vous auriez renforcé ce système que vous avez si souvent condamné. Quel avantage auriez-vous même obtenu au point de vue financier ? Cet avantage serait presque nul. Car enfin le chef de division, les chefs de bureau, les commis, ne peuvent pas travailler sans que leurs services soient convenablement rétribués.
Je conclus donc, messieurs, en disant que je pense que le plus sage est de conserver ce que nous avons, mais en priant la gouvernement de tenir la main à ce que les commissaires d'arrondissement remplissent utilement les obligations que la loi leur impose et n'oublient, en aucune circonstance, qu'ils sont des agents purement administratifs.
Je dirai quelques mots maintenant sur une question qui a été soulevée tous les ans dans cette enceinte, lors de la discussion du chapitre V, je veux parler de quelques réclamations qui ont été adressées au gouvernement relativement à la classification de quelques commissariats d'arrondissement.
Depuis l'organisation qui a prévalu en 1849, je n'ai cessé, ainsi que l'honorable M. de Decker, qui siège aujourd'hui au banc des ministres, de réclamer vivement contre le rang qui avait été assigné, dans la dernière classification, aux arrondissements de Malines et de Termonde. Les Annales parlementaires font foi que nous n'avons pas laissé passer une occasion sans renouveler nos réclamations.
Je dois ajouter qu'elles ont été trouvées fondées ; notamment l'honorable M. Piercot prédécesseur de l'honorable ministre actuel, nous avait promis formellement d'y faire droit ; seulement le moyen qu'il est venu proposer à la Chambre était impraticable ; cet honorable ministre proposait de supprimer toute la quatrième classe des commissariats d'arrondissement, tandis qu'en définitive il ne s'agissait que de donner satisfaction aux justes réclamations de deux arrondissements pour lesquels, seuls, des réclamations s'étaient produites à chaque budget. Il eût suffi de proposer une légère modification au crédit porté au chapitre V, c'est-à-dire d'y porter la somme nécessaire pour payer la différence eutre le traitement et les frais de bureau de deux commissaires d'arrondissement de la quatrième classe, passant à la troisième, soit une majoration de 2,400 fr.
Je m'attendais, messieurs, à ce que M. le ministre de l'intérieur eût pris cette initiative, lors de la présentation de son budget, et j'attribue son abstention dans cette circonstance à un sentiment excessif de délicatesse, M. le ministre ayant vivement réclamé contre la position faite à l'arrondissement de Termonde lorsqu'il était simple représentant, a cru qu'il serait indélicat de sa part, étant maintenant ministre, de faire droit à sa propre réclamation, il y aura vu une espèce de question personnelle ; mais quant à moi je n'ai pas les mêmes raisons de m’abstenir. Je viens donc rappeler à M. le ministre de l'intérieur nos fréquentes réclamations ; quelle que soit sa position, une fois la question soulevée, il doit trouver juste et fondé encore aujourd'hui ce qu'il réclamait autrefois avec une entière conviction.
(page 471) Je pense donc qu'il voudra bien accepter et appuyer l'amendement que je vais avoir l'honneur de proposer et qui consiste à majorer de 2,400 fr. le crédit porté au chapitre V, afin de le mettre à même de placer dans la troisième classe deux commissariats d'arrondissement qui occupent aujourd'hui le quatrième rang.
Je dois encore appeler un instant l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur une question qui a un rapport assez intime avec l'administration des arrondissements, je veux parler de la position des secrétaires communaux dans les communes rurales.
L'on a beaucoup parlé des employés des administrations provinciales ; je pense qu'un mot en faveur des secrétaires communaux ne sera pas déplacé dans la discussion, car ces fonctionnaires sont les auxiliaires indispensables des administrations provinciales.
Personne ne mettra en doute les nombreux services rendus par les secrétaires communaux, dans le cercle des intérêts des communes et cependant aucune position n'est plus précaire que celle des fonctionnaires dont je viens de parler. Déjà, dans diverses circonstances, des réclamations se sont fait entendre, mais je pense qu'aujourd'hui la question a fait un pas de plus.
Le 5 novembre de l'année dernière, les délégués des secrétaires communaux du royaume se sont réunis à Bruxelles, pour s'entendre sur les moyens propres à faire valoir utilement leurs justes réclamations.
A la suite de cette réunion, dans laquelle les intérêts de la nombreuse et intéressante classe de fonctionnaires dont je parle, furent débattus avec calme et convenance, il fut décidé qu'une pétition serait adressée à la Chambre.
Je voudrais, messieurs, pouvoir vous donner lecture entière de cette pétition, conçue dans d'excellents termes et qui expose avec calme et modération que le régime établi par l'article 111 de la loi communale qui confie exclusivement aux conseils communaux le droit d'initiative pour les modifications à apporter aux traitements des secrétaires, n'offre pas à ces employés les garanties qu'ils croient pouvoir, en toute justice, réclamer de la législature.
Toutefois, messieurs, pour ne pas abuser des moments de la Chambre, je me bornerai à en citer quelques paragraphes, pour vous faire comprendre toute l'étendue de la besogne du secrétaire communal et l'exiguïté des ressources dont il dispose.
Voici comment s'expriment les pétitionnaires :
« Vous savez tous, messieurs, qu'à la campagne le secrétaire supporte seul, pour ainsi dire, tout le poids des affaires communales : indépendamment des obligations qui lui sont imposées par la loi, il se trouve par la force des choses obligé de concourir à tous les actes des administrations publiques existant dans la commune. C'est ce qui a fait dire avec raison, dans votre enceinte, que le secrétaire est l'âme de l'administration du plat pays.
« Il serait sans doute inutile d'entrer dans le détail des services que le secrétaire est appelé à rendre dans le cercle des intérêts de la commune et des établissements communaux ; mais nous croyons devoir faire ressortir, que là ne se borne point le labeur de cet employé. La province et l'Etat viennent à leur tour réclamer sa coopération pour une foule de choses, parmi lesquelles nous nous bornerons à citer la milice, les élections aux différents degrés, les patentes, et particulièrement la statistique.
« Le secrétaire n'est donc pas seulement l'agent de la commune ; il est en même temps l'employé de l'Etat et de la province ; et sa besogne, aussi multiple qu'étendue, exige incontestablement des capacités plus grandes qu'elle n'en requiert de la plupart des fonctionnaires du gouvernement.
« Or, peut-on s'expliquer que des fonctions d'une si grande importance, qui exigent des études sérieuses et une application constante, soient si mal rétribuées ? Conçoit-on surtout que, malgré les réclamations les plus pressantes, rien n'ait été fait jusqu'à présent, pour remédier à un état de choses qui constitue en réalité l'exclusion d'une seule classe de fonctionnaires de tous les avantages accordés si généreusement aux autres ? Lorsque le gouvernement et les Chambres se préoccupent avec tant de sollicitude du sort des employés inférieurs de toutes les administrations ; lorsque en raison des circonstances calamiteuses du temps, l'Etat s'impose en faveur de ceux-ci des sacrifices extraordinaires, l'infortuné secrétaire communal, véritable paria de la famille administrative, reste seul voué à l'oubli !
« Cependant, messieurs, il est de notoriété publique que le faible traitement de cet employé ne suffit pas en général pour subvenir aux besoins les plus impérieux de la vie. Alors que, dévoué entièrement à la chose publique, il est dans sa commune le promoteur de toutes les mesures qui tendent à alléger les souffrances du pauvre, il arrive la plupart du temps qu'il se trouve lui-même dans la situation fâcheuse de ne pas pouvoir satisfaire aux convenances de sa position, si même - comme c'est malheureusement le cas pour un très grand nombre - il n'est point, avec sa famille, exposé aux privations les plus cruelles. Et comment en pourrait-il être autrement eu présence de l'incroyable parcimonie que l'on met à rémunérer ses services. Les tableaux des traitements des secrétaires, que nous avons sous les yeux, attestent que dans plusieurs provinces la moyenne des appointements de ces agents n'est que du 100 à 150 francs, traitement évidemment dérisoire quand on le compare à celui des employés inférieurs de l'Etat, aujourd'hui l'objet de la juste sollicitude de la législature, et qui, d'après les documents récemment communiqués aux Chambres, jouissent en moyenne d'une rémunération de 775 francs.
« Ainsi que nous l'avons dit en commençant, l'unique cause de cette situation anouale et choquante se trouve dans l'article 111 de la loil communale. Aussi longtemps que les traitements ne pourront être modifiés que sur la proposition des conseils communaux, les secrétaires n'auront aucune amélioration à espérer dans leur sort. »
Ainsi, messieurs, comme vous venez de l'entendre, la position fâcheuse qui vous est signalée provient surtout de la disposition de l'article 111 de la loi du 30 mars 1856, qui confère aux conseils communaux le droit d'initiative pour les modifications à apporter aux traitements des secrétaires communaux.
Une seule considération vous fera comprendre l'anomalie qui doit résulter d'un pareil état de choses.
Ce sont, en général, les communes populeuses qui ont le plus de charges à supporter, c'est là aussi que la besogne est la plus considérable. Eh bien, messieurs, les faits démontrent que ce sont souvent les secrétaires de ces communes qui sont le moins bien rétribués. Cela s'explique jusqu'à un certain point ; lorsque les finances d'une commune se trouvent dans un état précaire, les magistrats communaux se sentent peu disposés à se montrer généreux envers les employés. Le secrétaire communal est le premier qui pâtit de cet état de choses ; cela est-il équitable ? Evidemment non !
Un remède pourrait être apporté à cette situation, en modifiant l'article 111 de la loi de 1836, et en fixant certaines bases, d'après lesquelles le traitement des secrétaires devrait être établi ; de la sorte tout arbitraire viendrait à disparaître.
C'est en partie ce que réclament les secrétaires communaux ; je n'examine point, quant à présent, quelles pourraient être ces bases, ce serait entamer une discussion assez longue et qui ne serait peut-être pas opportune en ce moment, mais je me bornerait à appeler l'attention toute spéciale de M. le ministre de l'intérieur sur cette importante question, et je me permettrai de lui demander si le vœu exprimé par les délégués des secrétaires communaux, qui tend à réclamer des modifications à l'article 111 de la loi communale, est de nature à être favorablement accueilli par le ministre. Dans le cas affirmatif, je prierai M. le ministre de vouloir présenter le plus tôt possible un projet de loi donnant satisfaction aux justes réclamations des fonctionnaires dont je viens de m'occuper en dernier lieu.
M. Lelièvre. - Je dois appeler l'attention du gouvernement sur une pétition adressée à la Chambre par le sieur Lebrun, chef de bureau du commissariat d'arrondissement de Tournai.
Cet employé signale avec fondement la position anomale qui est faite aux employés des commissaires d'arrondissements. L'article 53 de la loi du 30 mars 1836 leur défend d'exercer les fonctions de secrétaire et de receveur communal. L'article 48 de la même loi leur interdit de faire partie des conseils communaux.
L'article 40 de la loi provinciale les exclut également des conseils provinciaux.
On les considère donc bien comme fonctionnaires publics et on les frappe d'incapacité de remplir certaines fonctions.
Cependant, lorsqu'il s'agit de traitement, de droit à la pension et de participation à la caisse de retraite, on ne voit en eux que de simples commis des commissaires d'arrondissement. Cet état de choses n'est pas équitable. A mon avis, puisque les lois organiques prononcent contre les employés dont il s'agit certaines interdictions, c'est évidemment parce qu'elles les considèrent comme fonctionnaires publics. Dès lors il est juste de ne pas leur dénier les avantages attachés à cette qualité. Quant aux secrétaires communaux, je pense avec l'honorable M. Vanden Branden de Reeth qu'il y a lieu d'améliorer leur position et je ne puis, sous ce rapport, qu'approuver les observations qui ont été soumises à la Chambre. Il est évident que l'état de choses actuel ne peut être maintenu vis-à-vis de fonctionnaires qui rendent des services signalés à la chose publique, services qui aujourd'hui ne sont pas rémunérés comme ils devraient l'être.
A l'occasion du chapitre en discussion, je dois encore prier M. le ministre de l'intérieur d'appeler l'attention des commissaires d'arondissement sur certains abus qui se commettent dans plusieurs communes rurales à l'occasion des listes électorales. C'est ainsi que plusieurs individus se font inscrire comme électeurs sans posséder les bases du cens électoral. C'est là une fraude qui doit être réprimée et qui a pour conséquence d'introduire dans le corps électoral des individus qui, en réalité, n'ont pas le droit de voter.
Il est décidé aujourd'hui irrévocablement, qu'il ne suffit pas, pour être électeur, de payer le cens électoral, mais qu'il faut en posséder lesr bases.
Il est essentiel que les administrations locales soient invitées à veiller à ce que de semblables abus ne se commettent pas.
Je pense qu'il serait important d'appeler sur ce point l'attention des commissaires d'arrondissement qui pourront donner les instructions convenables aux chefs des administrations communales.
M. Rodenbach. - Depuis plusieurs années nous recevons des réclamations de la part des secrétaires des commissaires d'arrondissement et des secrétaires des communes ; ces diverses pétitions me paraissent fondées. La requête des secrétaires d'arrondissements me paraît assez juste. Je crois que le gouvernement doit examiner cette question, (page 472) car comme on ne peut nier que ces secrétaires soient en partie employés du gouvernement et en partie employés de la province, si leurs travaux sont extraordinaires ils devraient être rétribués d'une manière convenable.
Ce sont les commissaires d'arrondissement qui les payent, et vous pouvez savoir que les traitements que donne un commissaire d'arrondissement à ses commis se bornent à peu de chose. Je désire, messieurs, que le gouvernement veuille bien examiner cette question. Je sais qu'elle n'est pas facile à résoudre, d'autant plus que nous devons faire des économies.
Quant aux secrétaires des communes, il est généralement reconnu que dans plusieurs communes rurales, ils sont l'âme de l'administration, ce sont eux qui en grande partie font la besogne ; souvent les bourgmestres des villages ruraux sont des hommes qui se bornent à apposer leur signature, ayant confiance en leur secrétaire.
Presque tout le travail doit être fait par le secrétaire. Ce secrétaire est à vrai dire l'employé de la commune puisque c'est elle seule qui le paye ; mais il est en même temps employé par la province et par le gouvernement, car il lui arrête des demandes de renseignements statistiques sur une foule d'objets tantôt de la province tantôt du gouvernement, qui compte autant de bureaux de statistique que de ministères.
J'ai été à même de voir les montagnes de paperasses et de tableaux qu'on envoie aux secrétaires communaux pour avoir des renseignements statistiques et autres. C'est encore là un travail extraordinaire qu'ils font pour le pays, et, à ce titre, ils méritent, certes, d'obtenir des gratifications de la part du gouvernement ainsi que de la province.
De plus, les secrétaires des commissaires d'arrondissement non plus que les secrétaires communaux ne participent point à la caisse de retraite gouvernementale, parce qu'ils n'ont pas reçu de nomination du gouvernement, mais ils n'en contribuent pas moins à l'administration du pays, ils rendent d'éminents services à l'Etat et à la province. Il faut être juste envers eux. Pardonnez-moi une métaphore, c'est le rouage de cuivre qui fait marcher l'aiguille d'or, ce sont ces hommes modestes qui rendent le plus de service.
Je sais qu'on ne peut pas improviser une solution sur cette question qui est neuve, mais elle a été l’objet d'une foule de réclamations qui nous ont été adressées. Je n'en dirai pas davantage sur ce sujet et je me borne à le recommander d'une manière toute spéciale à l'attention sérieuse de M. le ministre.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Messieurs, l'honorable député de Malines a eu raison de rappeler les réclamations que de concert nous avons fait entendre contre la dernière classification des commissariats d'arrondissement. Chaque année nous avons réclamé ensemble contre cette classitication, surtout au nom de nos deux arrondissements plus spécialement lésés par cette classification. Cependant, nos réclamations s'étendaient aussi à d'autres commissariats, car les bases d'après lesquelles la classification avait eu lieu étaient incomplètes et le résultat de ce travail avait consacré certaines injustices relatives à des commissariats autres que ceux de Malines et de Termonde.
Ce n'est donc pas seulement à ces deux commissariats qu'il fallait appliquer la réforme ; elle devait s'appliquer aussi à d'autres commissariats.
Je le sais, le système présenté en dernier lieu, par mon honorable prédécesseur, était très simple. C'était la suppression de la quatrième classe. Mais je crois, comme l'honorable membre, que, tout en faisant disparaître un grief de la part de quelques commissaires d'arrondissement, il ne détruisait pas ce qu'il pouvait y avoir d'injuste au fond de la classification même.
Je m'étais proposé, dans le courant de l'année dernière, d'examiner cette question qui est très importante et fort compliquée. Mais l'honorable membre sait, comme tous les membres de cette Chambre, que cette division des commissariats d'arrondissement en différentes classes a déjà été faite plusieurs fois. Elle a été remaniée à diverses reprises. Chaque fois ce remaniement a donné lieu à de longues discussions et à de longs travaux administratifs. L'honorable membre nous propose, en attendant probablement une réforme plus complète, d'augmenter le chiffre alloué au budget pour les commissaires d'arrondissement d'une certaine somme destinée à faire disparaître l'injustice dont deux commissaires d'arrondissement, ceux de Malines et de Termonde, ont été victimes par la nouvelle classification.
J'avoue qu'en ma qualité de député de Termonde, j'éprouve quelque embarras à soutenir cette proposition.
Certainement, je ne l'aurais pas produite dans cette enceinte, parce que je ne voudrais pas encourir le soupçon de faire quelque chose d'exceptionnel pour un arrondissement que j'ai l'honneur de représenter dans cette enceinte. D'autre part, cependant, j'aurais parfaitement le droit de réaliser comme ministre une mesure que j'avais constamment préconisée comme député.
En attendant donc cette réforme, et pour le cas où l'amendement de l'honorable préopinant ce serait pas admis, je crois qu'il y aurait cependant quelque chose à faire à l’égard d'un seul commissaire d'arrondissement, qui est réellement et injustement victime de la classification. Je veux parier du commissaire de l'arrondissement de Malines. C'est un des plus anciens et des plus houorablts fonctionnaires du pays.
Il est passé de la deuxième classe dans la quatrième. Il y a quatre commissaires d'arrondissement qui, par la dernière classification, ont moins de traitement qu'ils n'avaient, auparavant. Mais les trois autres sont de jeunes fonctionnaires, à peine entrés dans la carrière administrative.
L'honorable commissaire de l'arrondissement de Malines, que nous avons vu longtemps siéger dans cette enceinte, est le seul ancien fonctionnaire qui ait été ainsi traité, Il a aujourd'hui moins qu'il n'avait il y a quinze ans.
Messieurs, c'est, un principe constant, lorsqu'on introduit des réformes administratives, que ces réformes ne produisent pas d'effets rétroactifs, c'est-à-dire qu'on respecte les positions des fonctionnaires atteints par ces réformes.
Je le répète, c'est un principe qui a été constamment suivi. Je désire qu'on ne s'en écarte pas pour cet ancien fonctionnaire, d'autant plus que d'ici à quelque temps il devra naturellement songer à demander sa pension.
Comme la pension est basée sur le traitement des dernières années, c'est encore au point de vue de sa pension qu'il est de notre devoir de ne pas tolérer une injustice à son égard.
M. de Perceval. - Il faut la réparer.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Depuis la réorganisation il reçoit 765 fr. de moins qu'il y a quinze ans.
Je propose donc d'ajouter 765 fr. au traitement que reçoit M. le commissaire de l'arrondissement de Malines.
Je formule cette, proposition, persuadé que je suis qu'elle trouvera un accueil favorable sur tous les bancs de la Chambre.
Messieurs, on a parlé de la position des employés des commissariats d'arrondissement. Cette position en effet est difficilement explicable et justifiable. Tantôt pour imposer à ces fonctionnaires des incompatibilités, comme aux autres fonctionnaires de l'Etat, on les considère comme des fonctionnaires de l'Etat ; tantôt lorsqu'il s'est agi notamment de les admettre à la pension on ne veut pas les reconnaître comme fonctionnaires de l'Etat. De sorte qu'ils ont tous les inconvénients de la position des fonctionnaires, sans en recueillir les avantages.
C'est une position dont l'anomalie a été signalée à diverses reprises.
Jusqu'à présent personne dans cette Chambre, ni aucun de mes honorables prédécesseurs, n'a trouvé le moyen de résoudre le problème soulevé par ces réclamations. Lorsqu'on a discuté la loi sur les pensions civiles, les réclamations des employés des commissariats ont été examinées.
Cependant, on n'a pas cru pouvoir les admettre à la pension, parce qu'ils ne sont pus fonctionnaires à la nomination du gouvernement. Peut-être y aurait-il moyen d'affilier ces fonctionnaires à une caisse de retraite dont je vais avoir l'honneur de vous entretenir, la caisse de retraite à créer en faveur des secrétaires communaux.
Peut-être pourrait-on rattacher le sort de leurs veuves et de leurs enfants à celui des familles des secrétaires communaux.
En effet, vous savez, messieurs, qu'il existe un certain nombre de caisses spéciales de prévoyance qui sont fort utiles.
Ainsi il y a des caisses de pensions des veuves et orphelins des employés ressortissant au département de l'intérieur ; il y a des caisses pour les fonctionnaires appartenant aux trois degrés de l’enseignement,, fonctionnaires de l'enseignement supérieur, professeurs urbains et instituteurs primaires.
Ainsi de suite ; il existe un très grand nombre de caisses particulières.
J'arrive à une autre question qui a été soulevée par l'honorable député de Malines, la question des secrétaires communaux.
Je n'ai pas attendu les observations de quelques membres de la Chambre pour m'occuper de cet objet important. Des centaines de pétitions ont été renvoyées par la Chambre au département de l'intérieur, afin d'engager le gouvernement à apporter une amélioration à la position des secrétaires communaux et surtout, afin de leur fournir les moyens de se créer des ressources pour leur vieillesse, et en faveur des veuves et des orphelins qu'ils pourraient laisser après eux.
Au mois de juillet, au moment où les conseils provinciaux devaient se réunir, j'ai adressé une circulaire aux gouverneurs de province, pour les prier d'appeler l'attention des conseils provinciaux sur les moyens de venir en aide aux secrétaires communaux.
J'ai en même temps soumis aux conseils provinciaux, par l'intermédiaire des gouverneurs, un avant-projet de caisse de retraite pour ces fonctionnaires communaux.
On avait autrefois fait appel aux secrétaires communaux pour les engager à s'affilier à la caisse générale de retraite créée pour tous les fonctionnaires et pour tous les citoyens belges sous le patronage de l'Etat.
Cet appel n'a malheureusement pas été entendu. On a donc cru qu'il était encore utile d'essayer la création d'une caisse spéciale pour ces fonctionnaires qui sont assez nombreux. Ce qui engageait le gouvernement à entrer dans cette voie, c'était la vue des bienfaits que répandait sur ces fonctionnaires la caisse qui existe dans une de nos provinces.
Dans la Flandre occidentale, en effet, il existe depuis un certain nombre d'années une caisse de retraite à l'usage des secrétaires communaux. Cette caisse se trouve dans un état très prospère.
(page 473) Partant de cette idée, je m'étais dil qu'il y aurait probablement moyen de généraliser pour tous les fonctionnaires de cette même catégorie l'existence d'une caisse de ce genre, et j'avais proposé comme base celles qui sont appliquée pour la caisse centrale des fonctionnaires de l'intérieur qui est en pleine voie de prospérité.
D'après les vues que j'avais exposées dans cette circulaire, les ressources ordinaires de la caisse consisteraient en une somme égale à 5 p.c. des traitements des secrétaires communaux.
Elles se décomposeraient comme suit :
2 p. c. seraient fournis par les retenues obligatoires sur les traitements de tous les secrétaires communaux ;
1 p. c. serait fourni au moyen d'un subside de la province ;
2 p. c. seraient fournis par le trésor public.
Les ressources extraordinaires comprendraient le premier mois de traitement des secrétaires communaux entrant en fonctions, et d’autres branches de recettes à déterminer par les statuts.
Le sacrifice que l'Etat serait appelé à faire pour le soutien de cette caisse serait d'environ 16,000 fr., 20,000 fr. au plus.
Ce projet fut soumis par MM. les gouverneurs aux conseils provinciaux dans leur session du mois de juillet dernier.
Le conseil provincial d'Anvers ne s'est pas occupé de l'objet. Sa session a été très courte cette année et ce projet de caisse sera arrivé tardivement.
Le conseil provincial du Brabant approuve à l'unanimité le projet mis en avant dans la circulaire du gouvernement.
Le conseil provincial de la Flandre occidentale dit qu'une caisse provinciale existe dans cette province et qu'il ne voit pas, quant à elle, la nécessité d'une caisse centrale pour les secrétaires de toutes les provinces.
Le conseil provincial de la Flandre orientale ne se prononce pas sur le fond de la question, mais il autorise sa députation permanente à promettre éventuellement à l'institution le concours de la province dans les limites posées par la circulaire ministérielle.
Le conseil provincial du Hainaut promet son concours dans les mêmes conditions.
Le conseil provincial de Liège adopte l'institution comme ayant un véritable caractère d'utilité et promet le concours de la province.
Le conseil provincial du Limbourg adopte le principe de la caisse et promet le concours de la province.
Le conseil provincial du Luxembourg adopte avec reconnaissance le principe de la caisse et promet aussi l'intervention de la province.
Le conseil provincial de Namur n'a pas traité la question, s'étant aussi séparé prématurément.
Ainsi on peut dire que l'ensemble des provinces se montre favorable à la création d'une caisse centrale en faveur des secrétaires communaux.
Voyant cette quasi-unanimité d'approbation, j'ai fait faire immédiatement des recherches statistiques indispensables pour jeter les bases de l'organisation d'une pareille caisse.
J'aurai l'honneur de communiquer à la Chambre quelques résumés des travaux auxquels on s'est livré dans les provinces et à l'administration centrale pour constater le nombre, l'âge et la position des secrétaires communaux.
A la fin du mois d'août 1855, il y avait 1,883 secréatires en fonctions. Dans 66 communes, la place était vacante et 10 titulaires ont cru pouvoir se dispenser de fournir les renseignements demandés.
Dans le nombre des 1,883 titulaires en fondions, il y avait 525 célibataires, 1,241 mariés et 117 veufs.
L'âge moyen des secrétaires communaux est de 44 ans 11 mois. Ils comptent en moyenne 35 ans et 5 mois de service.
Les femmes des secrétaires, au nombre de 1,241, ont en moyenne atteint l'âge de 43 ans et 4 mois.
Les secrétaires mariés et veufs avaient, à cette même époque, 3,232 enfants âgés de moins de 18 ans. L'âge moyen de chaque enfant était de 8 ans 5 mois.
Les sommes allouées aux budgets communaux de l'exercice 1855, pour les traitements des secrétaires, s'élevait à 773,446 fr.
Le traitement moyen de chaque secrétaire est de 400 fr., et, par commune, il est de 300 fr. environ.
On a réparti en divers cadres, et en diverses classifications les traitements qui varient considérablement, comme vous le verrez.
Dans 13 communes le traitement est de 25 francs et moins ; dans 120 communes il varie de 26 à 50 francs, dans 534 de 51 à 100 francs, dans 377 de 101 à 150 francs, dans 331 de 151 à 200 francs, dans 154 de 201 à 250 francs et dans 230 de 251 à 300 fr.
Le nombre des communes qui allouent à leurs secrétaires un traitement de 1,000 francs et plus, est de 112.
Enfin, sur les 2,531 commmunes du royaume, il y en a 1,789 où. le traitement est limité entre 25 et 300 francs.
A coté de ces traitements, les secrétaires communaux ont quelques autres ressources. A l'exception des secrétaires des villes de premier et de second ordre et de quelques autres de ces agents qui remplissent la charge dans plusieurs communes à la fois, il n'y a qu'un nombre restreint de secrétaires communaux qui trouvent dans ces fonctions administratives, leur seule occupation.
La plupart d'entre eux revêtent d'autres fonctions.
Ils sont agents d'affaires, receveurs communaux, receveurs des bureaux de bienfaisance ou de fabriques, commis de l'état civil, instituteurs primaires, quelquefois notaires, etc. D'autres sont marchands, boutiquiers, cabaretiers ou artisans.
Voilà, messieurs, le résumé des documents qui ont été réunis par suite de l'enquête administrative à laquelle j'ai cru nécessaire de me livrer pour arriver à pouvoir fixer plus tard les bases d'organisation d'une caisse centrale en faveur des secrétaires communaux.
Je compte, d'ici à quelque temps, nommer une commission d'hommes qui se sont spécialement occupés de cette question, et, entre autres, de secrétaires communaux, pour examiner ultérieurement les bases de l'organisation de cette caisse centrale.
De cette manière, messieurs, j'espère pouvoir faire, en faveur de ces fonctionnaires modestes mais dont les fonctions sont très importantes, quelque chose qui leur soit réellement utile.
Quant à la question soulevée par l'honorable député de Malines, la question de savoir s'il y a lieu de modifier l'article de la loi communale relatif à la nomination et à la position des secrétaires communaux, je n'ai pas d'opinion arrêtée à cet égard.
Le fait est qu'en général il faut se montrer très sobre de réformes dans nos lois organiques, car souvent on est entraîné au-delà des bornes que l'on s'était prescrites d'abord.
Je tiendrai compte des observations de l'honorable M. Lelièvre en ce qui concerne l'intervention des commissaires d'arrondissement dans la confection des listes électorales.
M. Vanden Branden de Reeth. -Je remercie l'honorable ministre de l'intérieur de la bienveillance avec laquelle il a accueilli mes observations. Si je l'ai bien compris, il propose de modifier mon amendement et de ne majorer le crédit que d'une somme de 765 francs, pour réparer ce que j'appellerai une injustice, mais une injustice involontaire, je m'empresse de le reconnaître, commise à l'égard du commissaire d'arrondissement de Malines. Si la Chambre veut bien accueillir favorablement cette proposition, je n'ai plus de motif pour maintenir mon amendement et je le retire.
M. Delfosse. - S'il est bien entendu que l'adoption de cet amendement ne changera rien à la classification actuelle des commissaires d'arrondissement, je ne m'y opposerai pas.
- Un membre. - C'est à titre personnel..
M. Delfosse. - Il est donc entendu que l'allocation sera votée à titre personnel, comme réparation de ce que M. le ministre considère comme une injustice.
S'il s'agissait d'un changement à la classification des commissaires d'arrondissement, la mesure ne devrait pas être isolée, elle devrait faire l'objet d'un rapport spécial.
M. de Naeyer, rapporteur. - L'honorable député de Malines a émis une opinion contraire à celle qui est exprimée dans le rapport de la section centrale concernant l'utilité des commissaires d'arrondissement. Je pense, malgré tout ce qu'a dit l'honorable membre, que les arguments de la section centrale sont restés debout. Je ne me propose pas de discuter maintenant cette question d'une manière approfondie ; je sais, comme j'ai eu l'honneur de le dire dans d'autres circonstances, que la majorité de la Chambre est encore favorable au maintien des commissaires d'arrondissement et dès lors je crois que toute discussion serait en quelque sorte prématurée. Quant à moi, je conserve ma conviction que les commissaires d'arrondissement sont devenus un rouage à peu près inutile et je puis constater que cette opinion fait chaque année des progrès à la Chambre comme dans le pays.
Sans examiner en détail toutes les considérations présentées par l'honorable député de Malines, je me bornerai à présenter quelques observations.
D'abord, la Constitution, qui parle des administrations communales et provinciales, base de notre régime administratif, ne fait aucune mention des commissaires d'arrondissement, il s'agit donc ici d'un rouage d'administration secondaire qui n'a aucunement le caractère d'un institution nationale.
L'honorable membre pense qu'il n'y aurait aucune économie à supprimer les commissaires d'arrondissement parce que, dit-il, ces fonctionnaires devraient être immédiatement remplacés par d'autres ; si cela était vrai, si les commissaires d'arrondissement devaient être remplacés par d'autres fonctionnaires, leur suppression ne serait plus qu'un changement de dénomination et alors elle servirait à bien peu de chose, mais je ne suis nullement de cet avis, je pense que la suppression des commissaires d'arrondissement entraînerait tout an moins la suppression d'un double emploi dans une partie de la besogne administrative. Ainsi le travail qui se fait maintenant dans les bureaux des commissaires d'arrondissement, doit être examiné et revisé dans les bureaux de l'administration provinciale ; si les documents venant des administrations communales étaient transmis directement aux gouverneurs, il y aurait évidemment un travail de moins, et la même observation s'applique évidemment à une foule d'écritures qui ont lieu dans les commissariats d'arrondissement.
On se plaît à dire que l'intermédiaire des commissaires d'arrondissement (page 474) est indispensable pour transmettre la pensée du gouvernement aux administrations communales ; mais cette pensée se transmet directement à une foule d'administrations urbaines et il me semble qu'il pourrait en être de même pour les administrations rurales. On dira, je le sais bien, que dans les villes il se rencontre plus d'hommes éclairés et capables, pour gérer les intérêts communaux, que dans les communes rurales ; mais je ferai remarquer que dans les villes ces intérêts sont aussi beaucoup plus importants que dans les communes du plat pays.
Il n'est pas difficile de placer sous un jour favorable une institution quelconque ; l'honorable M. Vanden Branden a cité un discours de l'honorable comte de Renesse qui faisait un portrait très brillant de l'institution des commissaires d'arrondissement ; mais c'est là en quelque sorte le côté théorique, et il faut bien reconnaître que dans la pratique on rencontre aussi de très graves inconvénients : une foule d'affaires sont entravées parce qu'elles doivent passer par cet intermédiaire. Il y a des affaires qui se termineraient peut-être en huit jours si les administrations communales pouvaient correspondre directement avec le gouverneur et qui maintenant traînent pendant des mois.
En règle gérérale, l'intervention des commissaires d'arrondissement est une entrave à la prompte expédition des affaires. Exceptionnellement elle peut être utile ; mais alors l'utilité qu'elle présente peut être obtenue au moyen d'un agent de l'administration qui existe déjà aujourd'hui. Si, par exemple, il s'agit de renseignements à prendre sur une affaire un peu importante, quel inconvénient y aurait-il à envoyer sur les lieux, soit un membre de la députalion, soit un employé du gouvernement provincial ? Evidemment aucun, alors surtout que les moyens de communication sont devenus si faciles dans toutes les directions.
Je le répète, messieurs, la question de la suppression des commissariats d'arrondissement ne me paraît pas arrivée encore à maturité. Je ne veux pas m'étendre davantage, afin de ne pas abuser des moments de la Chambre, mais je demeure convaincu, par les raisons exposées sommairement par la section centrale et qui n'ont pas été réfutées, que l'institution dont il s'agit a fait à peu près son temps, et cette opinion, je suis souvent à même de le constater, fait tous les jours des progrès incontestables.
Quant à la classification des commissariats d'arrondissement, je crois qu'il n'est pas entré dans les intentions de M. le ministre d'annoncer comme une chose définitive une révision de cette classification ; il s'est réservé d'étudier plus amplement la question, et doit être convaincu dès maintenant qu'une mesure de ce genre soulèverait de nombreuses réclamations.
En ce qui concerne le titulaire du commissariat d'arrondissement de Malines, il est bien entendu que l'augmentation de traitement n'est accordée qu'à titre personnel et pour réparer une injustice résultant de ce que ce fonctionnaire très honorable avait, il y a quinze ans, un traitement plus élevé qu'aujourd'hui. En ce sens je suis disposé à voter l'augmentation.
M. Dubus. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour répondre quelques mots à ce qu'il vient d'être dit par l'honorable M. de Naeyer relativement à l'institution des commissaires d'arrondissements.
Je regrette d'abord un passage du rapport de la section centrale qui demande au gouvernement : « Quels sont ses moyens de contrôle, afin de s'assurer que les tournées indiquées dans les états qui lui parviennent ont réellement eu lieu. » Ce passage me paraît peu obligeant pour les commissaires d'arrondissements. Si un de ces fonctionnaires se permettait d'envoyer au gouverneur un état de frais pour une tournée administrative qu'il n'aurait pas faite, ce fonctionnaire ne mériterait pas la confiance du gouvernement.
Mais, je me hâte de le dire, je suis convaincu que pas un commissaire d'arrondissement ne poserait un pareil acte. Plus loin, la section centrale pense qu'il conviendrait « de prescrire que la date des visites, inspections et vérifications, faites dans chaque commune, soit relatée dans le rapport que les administrations communales doivent adresser annuellement à l'autorité provinciale. » Si pareille mesure devait être prise, elle serait contraire à l'hiérarchie administrative.
Il appartient aux commissaires d'arrondissement de surveiller les administrations communales et non à ces administrations de contrôler les commissaires d'arrondissement.
L'honorable M. de Naeyer dit que les commissariats d'arrondissement sont un rouage inutile pour l'administration du pays. Je pense tout le contraire. De tous les fonctionnaires du département de l'intérieur, les commissaires d'arrondissement sont peut-être ceux qui peuvent rendre le plus de services à l'administration. Loin d'être un rouage inutile, ils diminuent de moitié la besogne des employés des gouvernements provinciaux et leur suppression sous prétexte d’économie entraînerait une augmentation considérable de frais pour l'Etat. Lorsque des renseignements généraux sont demandés aux communes, le gouverneur prend la voie du mémorial administratif.
Lorsque les communes répondent, elles s'adressent au commissaire d'arrondissement, et pourquoi ? Parce que ce fonctionnaire fait un relevé des réponses des administrations, y joint son avis, et envoie ainsi un travail complet au gouverneur de la province. Si le gouverneur demande un renseignement spécial à telle ou telle commune, c'est au commissaire qu'il s'adresse, parce que ce fonctionnaire est le plus à même de connaître l'état de la commune.
C'est sur la présentation des commissaires d'arrondissement qu'ont presque toujours lieu les nominations de bourgmestres et échevins. Les commissaires par la nature de leurs fonctions, par leurs rapports continuels avec les conseillers communaux, sont les seuls fonctionnaires propres à donner de bons renseignements à ce sujet. Supprimez-les et il est impossible au gouverneur de connaître le personnel des conseils communaux de sa province. Ce fonctionnaire devra prendre des renseignements soit auprès des conseillers provinciaux, soit auprès des membres de la députation ; mais d'abord, ces membres ont peu de rapports avec les conseillers communaux, et ensuite, fonctionnaires élus et indépendants du pouvoir, ils ne sont pas responsables de leurs renseignements vis-à-vis du gouverneur. Du reste, d'après nos lois organiques, au pouvoir exécutif appartient le choix des bourgmestres et échevins ; c'est, me semble-t-il, un agent responsable du gouvernement qui doit aider au choix du pouvoir.
Les commissaires d'arrondissement des chefs-lieux de province sont aussi nécessaires que les autres et peut-être même plus indispensables encore. On trouve dans les chefs-lieux de province des personnes qui ne pouvant obtenir des fonctions de l'Etat, cherchent et parviennent quelquefois à se faire nommer dans les communes rurales à des fonctions communales. C'est ainsi qu'il y a des secrétaires de deux, quatre et jusqu'à 8 communes. Ces agents exercent souvent de l'influence, quelquefois même une certaine pression sur les conseillers communaux et le commissaire de l'arrondissement doit surveiller particulièrement la marche administrative de ces communes.
C'est encore dans les chefs-lieux de province qu'on trouve le plus de riches particuliers qui pendant la belle saison habitent la campagne et souvent sont bourgmestre de leur commune. Ces bourgmestres habitent la ville pendant six ou huit mois de l'année et pendant ce temps la commune est sans bourgmestre. Dans ces communes la surveillance du commissaire d'arrondissement doit être continuelle. Cela ne se passe pas ainsi en France où pour être maire il faut habiter la commune toute l'année.
En supprimant les commissaires d'arrondissement des chefs-lieux on imiterait le système français pour les sous-préfets mais il n'y a aucune analogie entre les lois municipale ou départementale françaises et les lois communale et provinciale belges. En France il ne faut pas de sous-préfet là où se trouve un préfet ; il y aurait double emploi, car le sous-préfet remplit en quelque sorte dans sa sous-préfecture les mêmes fonctions que le préfet ; il nomme à certains emplois civils et à certains grades dans la garde nationale ; il suspend, il révoque, sauf à en donner dans les 24 heures connaissance au préfet, qui peut maintenir ou annuler l'arrêté du sous-préfet. Il approuve de certains comptes et budgets et en un mot il a plus de pouvoirs qu'un gouverneur de province en Belgique.
Ici chaque commune a une véritable indépendance ; le commissaire d'arrondissement la surveille, afin qu'elle ne s'écarte pas des règles que la loi lui prescrit. Ce fonctionnaire n'a pas d'action administrative proprement dite, mais il résulte de cette indépendance si étendue des communes, la nécessité d'une surveillance active et incessante afin que les administrations communales ne dépassent pas les limites que la loi leur a tracées et que le bienfait de la décentralisation ne devienne pas un abus.
Les commissaires d'arrondissement sont aussi tous commissaires de milice, par conséquent leur suppression amènerait la nomination de nouveaux commissaires de milice et de nouveaux secrétaires des conseils de milice, emploi rempli aujourd'hui par un employé du commissariat. Sous ce rapport, il y aurait une nouvelle dépense à la charge de l'Etat. Les fonctions de commissaire de milice sont des plus importantes, des plus délicates.
Le tirage au sort doit être exécuté par un fonctionnaire qui jouisse de toute la confiance des administrations communales et des habitants. Les opérations de milice occupent pendant six mois de l'année les commissaires d'arrondissement. Supprimez les commissaires d'arrondissement, qui remplira les fonctions de commissaire de milice ? Les lois organiques de la commune et de la province ont déclaré ces fonctions incompatibles avec celles de membre du conseil communal et de la députation permanente.
En 1824, sous le gouvernement des Pays-Bas, les fonctions de commissaire de milice étaient tout à fait distinctes des fonctions de commissaire d'arrondissement. A cette époque, on a reconnu les inconvénients de ce système. Après chaque tirage il s'élevait des réclamations de toutes parts et le gouvernement était fréquemment dans la nécessité d'autoriser des tirages supplémentaires. Aussi, depuis 1825, chaque fois qu'une place de commissaire de milice est devenue vacante, on a réuni ces fonctions à celle de commissaire d'arrondissement.
Messieurs, je terminerai ici mes observations. Je pourrais cependant m'oceuper encore de différentes branches d'administrations, telles que l'inspection des registres de l'état-civil, la vérification des caisses communales, mais ce serait abuser des moments de celle assemblée.
M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, l'honorable M. Dubus a soutenu l'utilité des commissariats d'arrondissement, en parlant des services administratifs qui leur sont imposés dans le régime actuel ; il prétend que les services qu'ils rendent resteraient en souffrance, si cette institution venait à être supprimée. Ainsi, par exemple, dit-il, comment voulez-vous que les gouverneurs puissent savoir ce qui se passe dans les communes, (page 475) s'ils n'avaient pas à leur disposition les commissaires d'arrondissement pour les mettre au courant ?
Messieurs, si les gouverneurs ont besoin d'être éclairés sur la situation des communes,il y a un moyen bien simple, c'est de demander des renseignements aux administrations communales, qui doivent inspirer en général une grande et légitime confiance par cela même qu'elles sont la véritable représentation des communes.
C'est l'administration communale qui est la véritable base de notre édifice administratif. Cet ordre de choses est enraciné dans nos moeurs et dans nos traditions, et il n'en est pas de même de l'institution des commissaires d’arrondissement. L’honorable M. Dubus trouve que nos communes ont plus de liberté qu’en France, et c’est pour cela qu’il proclame la nécessité des commissaires d’arrondissement comme moyen de surveillance et même de répression.
La mission qui leur est confiée serait donc une mission de défiance à l’égard des administrations communales ; eh bien, c'est justement pour ce motif que l'institution dont il s'agit devient insupportable au fur et à mesure que l'esprit public se développe dans les communes rurales.
On vante l'utilité, la nécessité des commissaires d'arrondissement pour la nomination des bourgmestres et des échevins. Il serait, dit-on, impossible de connaître les hommes propres à remplir ces fonctions si les commissaires d'arrondissement n'étaient pas là pour donner des renseignements.
Mais en admettant que les intermédiaires dont il s'agit soient supprimés, les gouverneurs n'auraient plus pour se guider et le choix des électeurs, et la manifestation de la volonté des communes, et puis, par cela même qu'ils auraient des relations plus fréquentes et directes avec les administrations communales, ne seraient-ils pas mieux a même de connaître les hommes réellement capables, et de présenter de bons candidats au gouvernement ?
Les fonctionnaires, placés à la tête de l'administration des provinces, trouvent d'ailleurs dans l'exercice de leurs fonctions bien d'autres moyens pour avoir des renseignements exacts sur le mérite des membres des administrations communales qui sont les plus aptes pour remplir les fonctions de bourgmestres et d'échevins.
Il est à remarquer en outre que, par suite de l’intervention des commissaires d'arrondissement, les nominations de bourgmestres et d'échevins ont trop souvent un caractère exclusivement politique, c'est là un grave inconvénient qui me paraît en opposition formelle avec l'esprit de nos institutions ; il ne faut pas que la politique se mêle a l'administration, et que celle-ci devienne, en quelque sorte, dans les mains du pouvoir un moyen d'entraver la libre manifestation de la volonté du pays.
On trouve encore les commissaires d'arrondissement indispensables pour la milice ; la levée de la milice ne pourrait pas se faire sans eux. Mais c'est là une bien faible partie de leur besogne, et qui est loin de les occuper pendant toute l'année. Ces fonctions pourraient être facilement confiées soit à un membre de la députation, soit à des employés supérieurs de l'administration provinciale.
Il est vrai que sous le gouvernement hollandais, on a pu supprimer les commissaires de milice, et investir les commissaires d'arrondissement des fonctions dont il s'agit ; mais, s'il n'y avait eu ni commissaire d'arrondissement, ni commissaire de milice, évidemment on n'aurait pas cru devoir créer le commissaire d'arrondissement pour les affaires de la milice ; ce qui s'est pratiqué sous le gouvernement hollandais ne prouve donc absolument rien.
Je me bornerai à ces observations, il me serait d'ailleurs facile de réfuter toutes les autres considérations qui ont été présentées, mais je craindrais d'abuser des moments de la Chambre.
M. Dubus. - Contrairement à ce que vient de dire l'houorable M. de Naeyer je maintiens que les fonctions de commissaire d'arrondissement sont indispensables à la bonne administration du pays. Il est possible que les connaissances administratives, se généralisent, mais il faut avouer que dans les communes rurales la surveillance des commissaires d'arrondissement est nécessaire. Tantôt le Moniteur contient des arrêtés royaux qui autorisent le cumul des fonctions de bourgmestre avec celles de receveur ou de secrétaire communal ; ce qui prouve que dans ces communes, il n'y a personne de capable ou qui veuille accepter ces fonctions ; tantôt des arrêtés royaux qui annulent des délibérations des conseils communaux.
Depuis plusieurs années on adresse à la Chambre des différents points du pays des pétitions contre le cumul des fonctions de notaire avec celle de bourgmestre, ce qui prouve que les notaires ne sont pas toujours les meilleurs, bourgmestres ; et l'année dernière, à l'occasion de la discussion du budget de l'intérieur, l'honorable M. Dumortier appelait l'attention du gouvernement sur des administrations qui vendaient au poids à des boutiquiers les archives communales parmi lesquelles pouvaient se trouver de curieux documents pour l'histoire du pays.
« Art. 37. Traitement des commissaires d'arrondissement : fr. 166,800. »
M. le président. - M. le ministre de l'intérieur a proposé une augmentation de 765 francs.
M. Delfosse. - Cette somme doit figurer à la colonne des charge extraordinaires, c'est à titre personnel qu'elle est proposée.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - C'est ainsi entendu.
- L'article 37 avec l'amendement proposé est mis aux voix et adopté.
« Art. 38. Emoluments pour frais de bureau : fr. 81,200. »
- Adopté.
« Art 39. Frais de route, et de tournée : fr. 26,000. »
- Adopté.
« Art 40. Frais d’exploits relatif aux appels interjetés d'office en vertu de l'article 7 de loi du 1er avril 1845 : fr. 500.
- Adopté.
M. le président. - La discussion générale est ouverte sur ce chapitre.
M. Moncheur. - L'honorable prédécesseur de M. le ministre de l'intérieur a proposé à la Chambre, le 19 février 1855, un projet de loi. sur le recrutement de l'armée.
Je déclare, quant à moi, qu'il ne me satisfait nullement parce qu'il n'est que le maintien, avec aggravation, des vices du système actuel. Or, il y a longtemps que j'ai demandé dans cette enceinte, que ce système, qui n'est que celui de la conscription, fût changé.
C'est en vain qu'on me dirait peut-être que les lois actuelles sur la milice fonctionnent, qu'elles fonctionnent même bien, selon l’expression voulue, qu'on y est habitué, etc.
Je ne me payerais pas de semblables raisons.
Car, que les lois sur la milice « fonctionnent », comme on dit, rien de plus simple, c'est que l'ordre règne en Belgique et que l'ordre c'est l'exécution de toutes les lois !
Mais je conteste que l'on se soit accoutumé au régime en vigueur, sur le recrutement de l'armée, parce que je nie qu'on s'habitue jamais aux souffrances et aux douleurs ; or, il suffit d'avoir suivi de près ou d'avoir participé à l'application du mode actuel de recrutement pour savoir quelles souffrances et quelles douleurs il entraîne à sa suite.
J'ai donc été heureux de voir l'an dernier, un grand pays voisin entrer résolument dans un système dont, il y a bientôt huit ans, j'ai préconisé ici la base, à savoir celui de l'exonération.
Permettez-moi, messieurs, devous redire aujourd'hui quelques-unes des paroles que j'ai prononcées à cette époque parce qu'elles ont encore toute leur actualité.
« Je sais, messieurs, que pour avoir une armée toute prête pour le temps de guerre, il faut l’organiser pendant la paix, la réunir, l’instruire et la bien préparer. Il est donc nécessaire d’avoir une loi sur le recrutement de l'armée. Mais je pense qu'au moyen d'un bon système, système que je conçois sans l'avoir bien mûri encore, on pourrait arriver à la suppression de la conscription.
« Je voudrais qu'un fonds spécial considérable fût formé pour être consacré à des primes d'engagements à long terme, et, en outre, à offrir des ressources aux militaires qui seraient devenus incapables, par l'âge ou des infirmités, de continuer leur service. »
Ainsi, messieurs, le service militaire deviendrait une carrière, non seulement pour les officiers mais même pour les soldats. Ils sauraient que leur sort serait assuré lorsqu'ils ne seraient plus en état de suivre la profession de leur choix. Ce fonds spécial devrait être considérable, mais, dans ma pensée, il ne serait point à charge du trésor ; il serait alimenté par une imposition à charge des jeunes gens qui ne voudraient pas servir personnellement.
C'est à peu près ce principe, dont je n'ai pas du reste le mérite de l'invention, qui a été développé, organisé et mis en pratique en France ; il fonctionne, lui aussi, dans ce pays. Eh bien, nous avons lieu d'être d'autant plus satisfaits de le voir fonctionner, que nous pourrons profiter ainsi de l'expérience faite par nos voisins, et que nous pourrons suivre leur exemple en perfectionnant ce qui devrait être perfectionné.
J'attire donc l'attention la plus sérieuse de M. le ministre de l'intérieur sur cette matière importante, et je l'engage à examiner s'il n'y aurait pas lieu de retirer le projet, d'autant plus que ce projet, si je suis bien informé, subirait, en tous cas, en section centrale, de profondes modifications, sinon une véritable remaniement.
« Art. 41. Indemnités des membres des conseils de milice (qu'ils résident ou non au lieu où siège le conseil) et des secrétaires de ces conseils. - Frais d'impression et de voyage pour la levée de la milice. - Vacations des officiers de sauté en matière de milice. - Primes pour arrestation de réfractaires : fr. 65,000. »
- Adopté.
« Art 42. Frais d'impression des listes alphabétiques et des registres d'inscription ; frais de recours en cassation en matière de milice : fr. 2,100. »
- Adopté.
M. le président. - La Chambre passe à la discussion sur le chapitre VII - Garde civique.
M. Manilius. - C'est la première fois que nous voyons figurer au chapitre VII, à l’article 43, une somme pour les commandants de la garde civique, une autre somme pour l'armement, une troisième somme pour le magasin central. Ces trois sommes formaient précédemment un article global. Je suis charmé de voir ces sommes allouées au budget. Mais je regrette de les voir ainsi divisées. Cette division entraînerait, (page 476) quant à l'article 43, un cas d'incompatibilité pour les personnes appartenant à la Chambre qui accepteraient de pareilles attributions.
Ensuite l'esprit et le texte de la loi sur la garde civique ont toujours été opposés à ce que l'on accordât des indemnités aux commandants supérieurs de la garde civique. L'article 75 de la loi porte : « Les officiers rapporteurs, adjudants-majors, quartiers-maîtres, adjudants sous-officiers peuvent jouir d'une indemnité. » Ainsi voilà la nomenclature des officiers qui peuvent jouir d'une indemnité.
Il ne peut en être accordé à d'autres officiers. C'est une institution qui doit faire le service gratuitement.
Je pense donc que cette division est malencontreuse.
Je dois en conséquence prier la Chambre de remplacer le crédit demandé à l'article 43 par un subside en faveur des communes qui sont obligées d'avoir une garde civique active.
Vous n'ignorez pas que, d'après la première loi de 1848 la garde civique devait être active dans toutes les communes de plus de 3,000 âmes. Aujourd'hui, l'on a modifié cet article. Il n'y a de garde civique que dans les communes désignées par le gouvernement. Cette désignation les entraîne à des dépenses qu'elles doivent faire.
A cet égard, je dois appeler votre attention sur le motif sérieux pour lequel j'ai présenté mon amendement, c'est que ces communes qui doivent supporter ces frais sont toutes obérées depuis qu'on a retiré les voies et moyens à ces communes.
Dans la première loi, la loi de 1848, vous avez imposé au profit des communes une taxe à ceux qui ne remplissaient pas l'obligation du service.
Vous les contraigniez à une contribution dont le maximum était de 50 fr. On s'est récrié contre cette contribution, on a enlevé ce revenu au communes et on ne l'a remplacé par rien. Eh bien, qu'arrive-t-il ? C'est que ce sont précisément ces communes, auxquelles on a enlevé ce revenu, qui ont inventé toute espèce de droits d'octrois nouveaux devant lesquels le gouvernement lui-même recule ; et qui frappent toute espèce de denrées, toute espèce de matières premières et fabriquées.
Il y a une longue nomenclature de droits nouveaux qui ont surgi a l'occasion du budget de 1856, et auxquels, je le répète, le gouvernement a éprouvé de la répugnance à donner son assentiment.
Eu présence de ces raisons, je pense que vous ne trouverez pas étrange que je demande qu'au lieu de faire figurer au budget un libellé qui lui permette de donner des avantages aux commandants des gardes civiques, on donne au gouvernement la possibilité, et je fixe pour cela la somme, d'alléger les charges des communes que l'on oblige à avoir une garde civique active, ce qui a pour conséquence très claire d'entrainer à de grandes dépenses.
Le gouvernement, ayant cette somme a sa disposition, pourra donner une partie de ce subside aux communes les plus obérées et où les moyens de créer des ressources en frappant des octrois, sont épuisés.
J'attendrai l'opinion de M. le ministre de l'intérieur pour insister davantage s'il persiste à demander la division qui figure au projet de budget et qui est à mes yeux très malencontreuse.
Dans tons les cas, si l'intention du gouvernement était de persister dans cette voie, je préférerais l'ancien préjugé qui ne préjugeait rien. Nous savons ce qui s'est passé ; mais de là à sanctionner ces faits par un article du budget, qui à mes yeux serait contraire à la loi, il y a une grande distance.
M. Osy. - J'appuie la proposition de l'honorable M. Manilius en ce qui concerne le libellé. Je crois, en effet, qu'il est contraire à la loi d'institution de la garde civique de donner un traitement aux commandants supérieurs.
Mais je viens en même temps combattre l'amendement de l'honorable M. Manilius qui demande un subside pour les communes ayant une garde civique. Je trouverais l'allocation d'un pareil subside aussi injuste que possible. Comment ! de grandes villes ont une garde civique, les petites communes n'en ont pas, et ce seraient les petites communes qui devraient payer pour les grandes.
Il est vrai que dans la dernière loi nous' avous retranché le revenu -que les villes percevaient pour couvrir' les dépenses de la garde civique. Il y a eu de longues discussions sur cet objet et la Chambre a décidé. Mais ce n'est pas un motif pour porter au budget une somme de 50,000 francs, dont rien ne justifierait l'allocation.
Maintenant que j’ai la parole sur le chapitre relatif à la garde civique, je dois présenter quelques observations sur des faits qui se sont passés dans deux communes.
Vous avez vu que, dans une commune à Alost, le colonel de la garde civique, qui est en même temps commissaire d'arrondissement, s'est attribué le droit de condamner un garde, pour un délit de presse, à cinq jours de prison et à l'amende ; je suis persuadé que la cour de cassation réformera ce jugement. Mais je demande si ce n'est pas assez des charges que la garde civique impose aux citoyens, s'il faut encore les obliger de soutenir des procès pour des questions qui n'ont aucun trait avec la garde civique.
Je suis aussi obligé de vous parler d'un autre fait.
La loi définit les services obligatoires de la garde civique.
A Anvers, comme dans beaucoup d'autres villes, je pense, il est d'usage d'aller, le jour de l'an, complimenter le colonel de la garde civique. Lorsque feu M. Van Havre était colonel, on passait, pour aller chez lui, devant la maison du lieutenant-colonel et on allait également féliciter ce dernier. Depuis le décès de cet honorable colonel, on en a nommé un autre. Mais le lieutenant-colonel demeure très loin de la maison du nouveau colonel ; on né passe plus devant sa porte pour se rendre chez celui-ci.
Cette année après que le corps des officiers était allé faire sa visite au colonel, on a dit : Il faut aussi aller, comme les autres années, chez le lieutenant-colonel. Un capitaine répondit : Ce n'est pas un service obligatoire et je crois qu'il est inutile de faire cette corvée. Cependant la majorité décida que l'on ferait comme les autres années, et le capitaine qui avait fait l'observation alla lui-même avec les autres officiers, complimenter le lieutenant-colonel. Mais l'observation que ce capitaine avait faite qu'il ne s'agissait pas d'un service obligatoire, fut rapportée au colonel et celui-ci a donné au capitaine une réprimande et l'a mis à l'ordre du jour.
Ainsi à Alost on punit un garde civique pour un délit de presse ; à Anrers on réprimande un capitaine et on le met à l'ordre du jour parce qu'il fait observer qu'une visite au lieutenant-colonel n'est pas obligatoire.
J'attire l'attention de M. le ministre sur ces faits.
Le service de la garde civique est déjà une charge assez lourde pour qu'on ne l'aggrave pas par de pareils abus. J'espère que par une circulaire M. le ministre de l'intérieur rappellera à tous les chefs de corps leurs obligations et les invitera à ne pas donner des corvées inutiles tant aux gardes qu'aux officiers.
Messieurs, cette affaire d'Anvers est plus grave qu'on ne pourrait le penser. Car vous le comprenez, le résultat sera que soit le colonel soit le capitaine devra donner sa démission. Vous comprenez que le capitaine ne peut rester sous le coup de cette réprimande et de cette mise à l'ordre dont il a été frappe. Si M. le ministre donne raison au capitaine, comme je suis persuadé qu'il doit le faire, le colonel donnera sa démission.
Messieurs, il faut que la loi sur la garde civique soit exécutée, mais rien de plus. Il ne faut pas qu'on aggrave, pas plus pour les gardes que pour les officiers, les obligations qu'elle impose.
M. Verhaegen. - Messieurs, je ne dirai qu'un mot des dernières observations de l'honorable M. Osy. Je m'étonne qu'on vienne nous occuper d'objets qui ne sont en quelque sorte que des affaires de ménage de la garde civique.
M. Coomans. - Non ! non ! je demande la parole.
M. Verhaegen. - ... Et qu'on vienne demander à M. le ministre une circulaire pour empêcher de semblables abus.
Messieurs, s'il faut une circulaire, je demande qu'on y ajoute quelque chose : c'est qu'il ne sera plus obligatoire pourla garde civique de suivre les processions. Il est arrivé dans quelques communes, et si je ne me trompe, dans un des faubourgs de Bruxelles, que l'on a convoqué la garde civique pour suivre la procession le jour de la kermesse et l'on a menacé plusieurs gardes de les poursuivre, s'ils n'obéissaient pas à l'injonction. Eh bien, je trouve que cette injonction est contraire à la Constitution ; elle est contraire à la liberté des cultes,et s'il s'agit d'une circulaire, je demande qu'on y fasse connaître aux chefs de garde civique que ce n'est pas un service obligatoire que de suivre les processions. (Adhésion.)
M. Coomans. - Nous sommes d'accord.
M. Verhaegen. - Je vois qu'il suffit de faire une observation pour se mettre d'accord. Je suis heureux qu'en s'occupant d'un objet insignifiant on en soit arrivé à une question sérieuse et j'espère que dorénavant il ne sera plus fait violence à aucun garde civique du chef de l'objet dont je viens de parler.
J'avais demandé la parole, messieurs, sur la proposition de l'honorable M. Manilius, que je regrette de ne pouvoir accepter.
Je vois dans le libellé de l'articté que l'on porte une somme de 2,500 francs, pour les commandants supérieurs de la garde civique.
Il est évident que si c'étaient des appointements ou des indemnités équivalentes à des appointements, cette proposition serait en opposition avec la loi, et mon honorable ami aurait parfaitement raison de la combattre ; je la combattrais avec lui s'il fallait l'entendre dans ce sens ; maïs je ne pense pas qu'il puisse être question ni d'appointements ni de rien qui y ressemble, je pense qu'il s'agit tout bonnement de frais de bureau.
Or, il est évident que l'on ne peut pas forcer les commandants supérieurs de la garde civique à payer de leur poche les frais de bureau.
Je pense que l'honorable M. Manilius ne persistera pas à s'opposer à ce qu'on leur rembourse les dépenses qu'ils doivent faire de et chef.
M. Rodenbach. - Messieurs, je crois devoir combattre l'amendement de l'honorable député de Gand. Je ne comprends pas comment on voudrait faire payer aux communes rurales les frais des gardes civiques des villes. Ce serait une exploitation dont on n'aurait jamais vu d'exemple, ce serait une injustice criante, et je dois combattre de toutes mes forces une proposition qui aurait ce résultat.
J'ai aussi un mot à dire sur un attentat à la liberté de la presse, qui a été commis dans la ville d'Alost. Certes, un colonel de la garde civique, lorsqu'il est dans l'exercice de ses fonctions, a le droit de faire des remontrances à un garde, par exemple, sur l'état de sa tenue, et si le garde lui manquait gravement, pendant qu'il serait sous les armes, pourrait le traduire devant un conseil de discipline.
(page 477) Mais ce n'est pas ici le cas : il s'agit d'un garde qui est publiciste et qui a été traduit devant un conseil de discipline pour un article de journal.
Or je vous demande, messieurs, si on a le droit de traduire un journaliste devant un conseil de discipline du chef d'un article qu'il a publié !
N'oublions pas, messieurs, que la liberté de la presse est le palladium de toutes nos libertés. Je ne comprends pas qu'on puisse violer d'une manière si flagrante la Constitution, et je suis étonné qu'il y ait un seul Belge qui ose se permettre un acte semblable.
Messieurs, le premier venu peut, d'emblée, devenir sous-lieutenant, lieutenant et même major, car il ne faut pas avoir fait preuve d'aptitude militaire comme dans l'armée et vous savez tous comment on obtient dans bien des cas, ces épaulettes. Certes il y a beaucoup d'honorables exceptions, mais je sais distinguer l'épaulette militaire de l'épaulette obtenue par des moyens qui, souvent ne sont pas très réguliers.
Je le répète, messieurs, c'est une violation de la Constitution, que de traduire devant un conseil de discipline de la garde civique un publiciste qui émet franchement et courageusement son opinion. Or, il faut que la Constitution soit respectée par les colonels de la garde civique, comme par les ministres, par les membres de la Chambre et par tous les Belges.
M. Coomans. - Je m'étonne que l'honorable M. Verhaegen appelle une affaire de ménage une violation bien manifeste de la Constitution. Je m'en étonne parce que l'honorable M. Verhaegen a rempli plusieurs de nos séances en signalant des violations plus au moins problématiques non pas de la Constitution mais de toutes nos lois organiques. Or puisque l'honorable M. Verhaegen signale avec tant de plaisir des violations de nos loi organiques, il a perdu, ce me semble, une magnifique occasion de faire des discours très constitutionnels, sur sa thèse favorite, car il eût été assuré de l'unanimité de nos suffrages en cette circonstance, bonheur qui lui arrive rarement.
Non, messieurs, ce n'est pas ici une petite « affaire de ménage », puisque l'article de la Constitution, qui déclare que le jury connaît seul des délits de presse, a été manifestement violé par le conseil de discipline de la garde civique d'Alost. J'aime à croire que le silence de l'honorable M. Verhaegen et de la gauche entière ne doit pas être attribué à cette circonstance, que le chef de la garde civique d'Alost est l'ami de l'honorable M. Verhaegen.
Voici les faits tels qu'ils sont parvenus à ma connaissance par des actes authentiques.
Un journaliste dont je n'ai, du reste, pas à apprécier ici le mérite ni les opinions, ni le style, mais dont le commandant de la garde civique croyait avoir à se plaindre, un journaliste garde civique à Alost se présente un jour dans les rangs avec des gants dont la nuance déplaît au commandant.
Le commandant lui ordonne de déposer ses gants ; le journaliste garde civique dit : Pourquoi ? Le commandant répond : Parce que. Le garde civique réplique, monosyllabiquement : Soit ! et ôte respectueusement ses gants. Rentré chez lui, il dépouille l'enveloppe de garde civique ; en reprenant le frac bourgeois il croit rentrer dans tous ses droits de citoyen belge et échange son fusil contre sa plume qu'il manie, du reste, beaucoup mieux. Je ne pense pas qu'il soit très mécontent de cette observation. Il saisit donc sa plume, et écrit un article spirituel plus ou moins déplaisant pour le commissaire-commandant, plus ou moins vif, je le veux bien, au sujet de l'incident que je viens d'avoir l'honneur de raconter sommairement à la Chambre.
Sur ce (interruption), je me trompe, trois mois après, le susdit journaliste reçoit la visite d’un huissier sous la forme d'un labour-major, avec sommation de comparoir devant le conseil de discipline d'Alost pour s'entendre juger et condamner pour insubordination dans sa feuille. (Interruption.)
Les termes sont dans l'exploit ; ils figurent même dans le jugement ; preuve que le conseil de discipline y tient.
Le journaliste n'en croyant pas ses oreilles, ni même ses yeux, après la lecture de l'exploit, répond que c'est une plaisanterie, qu'il ne se rendra pas à l'invitation du tambour-major, Cependant un des officiers qui composaient le conseil de discipline lui assure que la chose est très sérieuse, que la majorité du conseil, d'accord avec le commissaire-commandant, est très décidée à donner suite à la citation.
Le journaliste, rendu plus sérieux par cette déclaration, va consulter un habile avocat qui lui dit que dans sa pensée c'est réellement une plaisanterie, mais que cependant il juge prudent d'accompagner son client devant le conseil de discipline, ne fut-ce que pour voir. Il ne s'attendait pas à devoir prendre la parole.
Au jour dit, le capitaine-rapporteur, très sérieusement, je vous prie de le croire, requiert, après la lecture de l'article du journal et sans avoir fait mention aucune de l'historiette des gants, requiert, dis-je, l'application d'une peine de trois jours d'emprisonnement et du maximum de l'amende.
La majorité du conseil trouva que le capitaine-rapporteur s'était montré beaucoup trop indulgent, et appliqua le maximum de la peine, c'est-à-dire cinq jours de prison, plus l'amende et les frais de ce drôle de procès.
Cependant le conseil a eu l'indulgence, j'aime à lui rendre cette justice, de ne pas emprisonner immédiatement le journaliste, de ne pas l'envoyer aux galères et de ne pas le fusiller sur place. (Interruption')
Car enfin lorsqu'on sort de la Constitution, il n'y a pas de motif pour qu'on s'arrête en route ; le conseil a donc consenti à ce que le journaliste se pourvût en cassation ; à l'heure qu'il est, la cour de cassation est saisie du pourvoi ; je suis très tranquille sur l'issue de l'affaire, et ce n'est certes pas pour influencer la haute cour que j'ai pris la parole.
Je remercie l'honorable M. Osy de m'avoir fourni l'occasion d'entretenir la Chambre de ce fait.
J'aime à croire que M. le ministre de l'intérieur ou M. le ministre de la justice s'en sera occupé, et aura examiné s'il ne convient pas d'adresser une circulaire aux conseils de discipline pour leur expliquer le sens de la loi constitutionnelle et leur indiquer les limites dans lesquelles ils doivent se renfermer ; car enfin, messieurs, une violation de la Constitution est une chose grave, même quand elle prend les proportions ridicules que nous voyons, et il n'est jamais inopportun d'en parler.
En second lieu, il faudrait peut-être examiner le point de savoir s'il est bon de laisser aux chefs de la garde civique le soin de composer le conseil de discipline à leur guise. En effet, d'après l'article 96 de la loi, la majorité du conseil de discipline est tirée au sort sur une liste de trente noms, formée à cette fin par les chefs de garde.
Il saute aux yeux que tout chef de garde peut choisir ces trente noms de manière à obtenir du conseil de discipline à peu près tout ce qu'il veut, même malgré la précaution du tirage au sort qui, dans cette hypothèse, devient une très mauvaise plaisanterie. Je vous assure que si on me laissait choisir trente noms, non seulement dans la ville d'Alost, mais dans beaucoup d'autres villes, j'obtiendrais des décisions non moins singulières que celle qu'a prise le conseil de discipline d'Alost.
En troisième lieu, n'y a-t-il pas quelque inconvénient à ce qu'un commissaire d'arrondissement soit aussi le chef de la garde civique, à ce qu'un fonctionnaire civil, ou qui du moins devrait l'être, devienne un fonctionnaire militaire ; à ce que le fonctionnaire militaire puisse se trouver dans le cas de devoir appliquer lui-même la décision qu'il aurait prise comme fonctionnaire civil ? Pour ma part, je ne saurais approuver l'amalgame de ces fonctions : je ne dis pas cela parce que le commissaire de l'arrondissement d'Alost est l'ami de l'honorable M. Verhaegen ; je le dirais encore, alors même qu'on voudrait nommer commandants de la garde civique les amis très peu nombreux que je puis compter parmi les commissaires d'arrondissement de Belgique.
M. Verhaegen. - Messieurs, lorsque j'ai dît qu'il fallait laisser à la garde civique le soin de régler son ménage, j'avoue que je ne faisais nullement allusion à l'affaire dont l'honorable M. Coomans vient d'entretenir la Chambre. (Interruption.) Nous nous en expliquerons ; je ne suis pas fâché que l'honorable membre ait levé ce lièvre.
J'avais voulu faire allusion aux visites qu'on aurait ou qu'on n'aurait pas faites à la nouvelle année ; c'est à cette occasion que j'ai dit qu'il ne fallait pas occuper la Chambre de semblables détails ; qu'il fallait laisser régler ces petites affaires-là par la garde civique elle-même.
L'honorable M. Coomans, en m'attribuant une intention que je n'avais pas, a pensé qu'il s'agit ici d'une question constitutionnelle et que j'aurais dû faire un long discours sur la violation de la Constitution et des lois organiques, que j'aurais, dans cette circonstance exceptionnelle, obtenu ses applaudissements et ceux de ses amis. L'honorable M. Coomans a voul -me faire une leçon.
Mais je me permettrai de lui en donner une. Dans ce qu'il vient de dire, il fait preuve de son peu de respect pour la Constitution, pour nos institutions et pour nos lois organiques.
Savcz-vous ce que vous venez de faire, mon cher collègue ? Vous venez d'établir une confusion de pouvoirs, vous venez de faire fi de nos institutions, vous venez d'attaquer une de nos institutions les plus importantes, celle de la garde civique, vous la sapez par sa base.
M. Coomans. - Bah !
M. Verhaegen. - Oui c'est ainsi ! Vous tournez en ridicule et les conseils de discipline, et la forme de procéder devant les conseils de discipline, et le tambour-major chargé par la loi de donner les assignations et ainsi de suite.
Tout ce que vous critiquez se trouve établi dans la loi sur la garde civique, les conseils de discipline sont établis conformément à la loi et jusqu'à ce que la loi soit changée, il faudra respecter les conseils de discipline, peu importe la manière dont ces conseils se forment. S'il y a des abus tâchez de les faire réparer d'une manière régulière, mais n'attaquez pas l'institution. Il y a de ces corps dont la composition peut à première vue prêter à des critiques, mais qui, vus de près, n'en méritent aucune. Par la même raison que vous avez attaqué la composition des conseils de discipline, vous attaqueriez aussi l'institution du jury, car de tous les ayants droit de ceux qui peuvent faire partie du jury le président du tribunal de première instance raye un tiers, le président de la cour d'appel raye un autre tiers et le jury se compose du tiers restant.
Voila comment s'épurent les listes. Voila pour la constitution du jury, institution fort importante. Les conseils de guerre comment se composent-ils ? Il y a bien moins de garanties dans la composition des conseils de guerre et leurs attributions sont des plus importantes. J'aurais d'autres observations à faire à cet égard, je m'en abstiens, il ne s'agit pas de savoir si les conseils sont bien ou mal composés ; ils sont composés d'après la loi ; la loi est là, il faut obéir à la loi ; l'institution existe, il faut la respecter.
Que sont les conseils de discipline ? Des tribunaux de répression. Un (page 478) conseil de discipline est dans la garde civique ce qu'un conseil de guerre est dans l'ordre militaire, ce qu'un tribunal correctionnel et une cour d'assises sont dans l'ordre civil.
A tort ou à raison le conseil de discipline a été saisi d'une question au sujet de laquelle l'honorable M. Coomans vous a donné des détails pittoresques. Il est parvenu à exciter les rires. Je ne l'en félicite pas, parce que c'est tourner en ridicule l'institution de la garde civique ; il a même parlé de l’enveloppe dans laquelle se trouvait le garde et d'autres choses de même acabit.
Les conseils de discipline existent comme les conseils de guerre, les tribunaux de première instance et les cours d'assises. Le conseil de discipline d'Alost a été saisi d'une affaire dont l'honorable M. Coomans vous a fait connaître les détails ; le prévenu dûment cité, quoique l'huissier chargé de lui remettre l'assignation fût un tambour-major, a fait ce que l'honorable M. Coomans, d'après ses paroles, n'aurait probablement pas fait ; il a obéi à la loi.
Il a été assisté d'un avocat, il a été défendu ; le capitaine rapporteur a mis ses conclusions, il a été plus modéré que le conseil, car le conseil a dépassé ses conclusions Jusque-là, tout le monde a rempli son devoir. (Interruption )
Je ne m'étonne pas que vous ne parliez pas mon avis, il y a un abîme entre vous et moi, quant à la division des pouvoirs. Vous avez, à cet égard, une opinion arrêtée, vous l'avez exprimée à propos des toelagen ; moi j'en ai une autre ; là aussi il s'agit de la division des pouvoirs. Jusque-là, tout est très bien. (Interruption ).
Attendez donc ! Il y a des autorités qui doivent décider de cette question. Il s’agit de savoir si la Constitution a été violée.
Cela ne vous regarde pas. (Interruption.) Non, cela ne vous regarde pas. Nous ne sommes pas d'accord là-dessus, je le sais depuis longtemps. Nous sommes divisés ; vous avez une opinion consciencieuse, je le veux bien, mais permettez-moi de développer la mienne.
Voilà, dis-je, le conseil saisi, le rapporteur prend ses conclusions ; il remplit son devoir, le prévenu a obéi, il ne considère pas cela comme une plaisanterie, ainsi que le dit M. Coomans, il a obéi à la loi ; il se fait assister d'un avocat ; la question lui paraît assez importante pour ne pas s'en rapporter à ses propres lumières : il plaide devant le conseil, il use de son droit ; le conseil le condamne, il a usé de son droit. A-t-il bien juge ? C'est une autre question. Il a usé de son droit dans les limites de son pouvoir. Le prévenu n'est pas satisfait du jugement, il se pourvoit en cassation ; et la cour est saisie du pourvoi.
Eh bien, si le conseil de discipline était incompétent, la cour de cassation cassera pour cause d'incompétence. Si, au contraire, la cour pense que le conseil était compétent.. (Interruption.)
Je ne soutiens pas que le conseil était ou n'était pas compétent, je n'entre pas dans cette question, ce n'est pas notre tâche ; nous ne sommes pas des juges, nous sommes des législateurs. Une question qui se présente sous un point de vue très simple se complique et devient très importante par les interruptions qu'on jette dans la discussion.
Remarquez, je le répète, que je ne veux pas examiner cette question.
Je ne soutiens pas que le conseil de discipline a eu raison. La cour de cassation saisie de cette question appréciera. Il ne nous appartient pas de nous immiscer dans les actes du pouvoir judiciaire, ce serait une confusion de pouvoirs. Si la législature se permettait d'empiéter sur les attributions du pouvoir judiciaire, le pouvoir judiciaire empièterait sur les attributions de la législature, et nous serions en plein dans la confusion des pouvoirs.
Ainsi je suis sur le véritable terrain, c'est moi qui suis sur le terrain constitutionnel. Je veux qu'on respecte les lois, la Constitution, et qu'on laisse chaque pouvoir indépendant.
L'attaque est d'autant plus inopportune que, dans ce moment, la justice et la justice la plus haute, la cour de cassation, est saisie de la question ; et j'espère bien qu'elle vous inspire toute confiance.
Si le conseil de discipline est incompétent, je suis bien sûr que la cour de cassation ne respectera pas sa décision, qu'elle l'annulera. Mais si l'opinion de la cour de cassation est conforme à celle du conseil de discipline, vous ne pourrez vous empêcher de croire que cette opinion est fondée ; car tout jugement en dernier ressort doit passer pour la vérité. Si vous n'admettez pas cet axiome, il n'y a plus de société.
Je sais bien que l'honorable M. Dumortier n'est pas de cet avis.
M. Dumortier. - Pardon !
M. Verhaegen. - Il soutient, dans l'affaire des toelagen, que quand il y a décision en dernier ressort, condamnant l'Etat à payer, il appartient à la législature de refuser l'allocation nécessaire.
M. Dumortier. - C'est ce qu'elle a fait.
M. Verhaegen. - C'est ce que nous examinerons.
Il est donc évident que je ne mérite pas le reproche que m'a adressé l'honorable M. Coomans. Si quelqu'un n'a tenu aucun compte de la Constitution, de nos lois organiques, de nos institutions, ce n'est pas nous, mais l'honorable M. Coomans.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Je m'occuperai d'abord de l'amendement qui a été présenté par l'honorable député de Gand au chapitre de la garde civique que nous discutons.
L'honorable membre s'élève d'abord contre le changement de libellé proposé par le Gouvernement, principalement à l'article 43 qui comprenait non seulement les commandants supérieurs de la garde civique, mais l'inspecteur général et les frais de tournée. L’ensemble de l'allocation est de 6,885 francs.
Maintenant, le gouvernement a proposé, pour l'année 1856, de ne plus comprendre dans l'article 43 que ce libellé : « commandants supérieurs de la garde civique », et de porter les frais de tournée et d'inspection à l'article 44, par conséquent de défalquer 4,185 fr. du premier article pour les reporter au second.
Le gouvernement a expliqué le but de ce changement de rédaction. Il n'y a pas chaque année d'inspection et de frais de tournée, de manière que très souvent le chiffre alloué à l'article 43 n'est pas dépensé.
D'un autre côté, à l'article 44 se trouvent allouées des sommes qui doivent servir à la réparation et à l'entretien des armes. Ce crédit, est très souvent insuffisant pour sa destination. Afin de ne pas être obligé de demander un crédit supplémentaire pour l'ensemble du chapitre de la garde civique, le gouvernement a proposé de changer le libellé des deux articles 43 et 44 et de porter à ce dernier les 4,185 francs pour frais de tournée, confondus avec les 10,000 francs pour réparation et entretien des armes. Ce deuxième article comprendra donc 14,185 fr. Or, il y a encore environ 6,000 fusils de la garde civique dont la transformation est indispensable. Lorsqu'il arrivera qu'il n'y aura pas d'inspection et par conséquent pas de frais de tournée pour l'inspecteur général, on pourra consacrer la somme destinée à cette dépense, à l'achèvement de toutes les réparations et des transformations de l'armement de la garde civique.
L'honorable membre s'est élevé contre les 2,700 fr. que le gouvernement porte au budget pour les commandants supérieurs de la garde civique. Vous le savez, ce chiffre était detliné aux commandants supérieurs des gardes civiques de Bruxelles et de Gand, deux anciens militaires qui ont été chargés de ce commandement dans les deux principales villes du royaume.
Ainsi que l'a dit l'honorable M. Verhaegen, ce sont plutôt des frais de bureau qui sont particulièrement à la charge de ces commandants supérieurs qu'on a eu en vue en allouant ce crédit. J'espère que la Chambre comprendra qu'il ne serait pas juste qu'ils eussent à supporter ces frais dont le remboursement ne constitue à proprement parler ni traitement ni indemnité.
La proposition principale faite par l'honorable M. Manilius, c'est d'allouer un subside en faveur des villes obligées d'avoir une garde civique active, et de porter ce subside à 50,000 francs.
L'honorable membre qui, dans son discours, s'est posé le défenseur de la loi sur la garde civique, a oublié la principale disposition de la loi, l'article 67 qui porte :
« Les dépenses résultant de l'organisation de la garde civique sont à la charge des communes. »
Il ne s'agit donc pas, si l'on veut rester fidèle à la loi, de mettre à la charge de l'Etat des dépenses qui, par la loi même, incombent à la commune. D'ailleurs, comme quelques orateurs l'ont fait remarquer, ce serait consacrer une injustice que de forcer la Belgique, composée pour la majeure partie de communes rurales, qui n'ont pas de garde civique, à concourir aux frais de la garde civique de quelques grandes villes. Cela n'est pas admissible.
L'honorable membre, au fond, a voulu remplacer, par une disposition nouvelle ou un subside nouveau, le revenu que créait aux villes à garde civique l'article 75 de la loi de 1848, qui a été supprimé en 1853.
Cet article porte « les familles aisées n'ayant point dans leur sein d'hommes en activité de service dans la garde civique, sont tenues de payer une indemnité annuelle à fixer par le conseil communal, sur la proposition du conseil de recensement, sauf recours à la députation permanente. »
Cet article a été supprimé par la législature, en 1853, parce que dans l'application il donnait lieu à beaucoup de difficultés, prêtait à beaucoup d'arbitraire. Mais au moins cette disposition était basée sur une pensée de justice distributive. Il y a quelque chose de vrai à dire que, puisque la garde civique est instituée pour assurer le maintien de l'ordre et le respect des propriétés, il est juste que les familles aisées qui ne comptent pas dans leur sein des personnes faisant le service de la garde civique, contribuent pécuniairement au maintien d'une institution dont le but est d'assurer la conservation de l'ordre et le respect des propriétées dans la ville.
Il y avait donc là au moins une pensée de justice, tandis que dans la proposition que fait l'honorable préopinant, cette pensée de justice disparaît complètement.
D'ailleurs, messieurs, d'après les calculs qui avaient été faits en 1853, les revenus de cette imposition particulière sur les familles aisées pour l'entretien de la garde civique, produisaient annuellement environ 100,000 fr.
L'honorable membre propose seulement 50,000 fr.
M. Manilius. - C'est un allégement.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Je ne sais pas où il espère arriver au moyen de ce subside évidemment insuffisant. Ce serait en définitive, comme il l'avoue lui-même, un allégement aux charges des villes. Mais c'est à chaque ville à pourvoir à ses besoins. Je sais que la plupart des villes sont dans une position financière assez embarrassée, (page 479) elles ont beaucoup de peine à trouver des ressources. Mais l'Etat ne doit pas venir ainsi, sans obligation aucune, mettre un subside de 50,000 fr. à la disposition de quelques villes.
Du reste, l'affaire n'est pas instruite. Je pourrais même ajouter qu'aucune plainte ne s'est élevée de la part de nos villes. L'honorable M. Manilius fait cette proposition de son propre mouvement, dans l'intérêt de la garde civique dont il est colonel dans la ville de Gand. Je conçois sa proposition ; elle prouve l'intérêt que l'honorable membre porte à l'institution ; mais, je le répète, le gouvernement n'est saisi d'aucune demande et je crois qu'une question pareille mériterait au moins les honneurs d'une instruction administrative.
Le gouvernement ne peut donc se rallier à la proposition de l'honorable représentant de Gand.
Messieurs, à propos de la garde civique, d'honorables membres ont cru devoir entretenir la Chambre de deux faits qui viennent de se passer dans deux de nos villes.
L'honorable M. Coomans vous a raconté en détails les faits qui se sont passés dans la ville d'Alost. L'honorable membre a raconté ces faits avec son esprit habituel et je n'ai pas vu dans ses expressions, et moins encore dans sa pensée, l'intention de jeter du blâme ou du ridicule sur l'institution de la garde civique.
M. Coomans. - Certainement, non.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Si telle avait été sa pensée, je serais le premier, au nom du gouvernement, à protester contre un pareil langage tenu au sein de cette Chambre. Mais c'est évidemment exagérer la portée du récit pittoresque de l'honorable membre que d'y voir une atteinte portée à l'institution de la garde civique.
Quant au fait même, messieurs, il a naturellement ému le gouvernement comme il a dû vous émouvoir tous, parce qu'au fond de ce fait il s'agit de l'application d'un de nos principes constitutionnels les plus importants.
Mais le gouvernement a pensé que jusqu'à présent il n'avait pas de mesure à prendre. Il a attendu, comme, je crois, nous pourrions bien attendre tous, les décisions de la cour suprême à laquelle l'affaire se trouve déférée ; c'est du moins ce que j'ai cru devoir faire par respect pour les décisions de la cour suprême.
L'affaire d'Anvers, messieurs, présente une difficulté que je ne veux pas dissimuler ; je regrette sincèrement que l'honorable baron Osy ait soulevé cette question dans cette enceinte et ait donné de la publicité à la collision qui vient d'éclater entre deux officiers supérieurs de la garde civique d'Anvers.
Messieurs, j'ai entendu les deux officiers. Cette affaire s'instruit dans ce moment encore et j'espère bien que nous n'en sommes pas à nous attendre à l'une des deux extrémités dont parle l'honorable baron Osy. J'espère que ces deux officiers également honorables, également zélés pour la garde civique, parviendront encore à s'entendre.
Le gouvernement ne désespère pas de rétablir la concorde entre eux, et, je le répète, je ne puis que regretter qu'une publicité parlementaire ait été donnée à ces faits.
M. Manilius. - Je suis charmé d'apprendre que M. le ministre de l'intérieur a compris mes intentions et j'espère que la proposition que j'ai faite conduira à un examen scrupuleux de la question relative aux dépenses que doivent faire les communes pour le service de la garde civique. J'ajouterai seulement deux mots en réponse aux objections qui ont été faites contre ma proposition par M. le ministre de l'intérieur et d'autres orateurs. Ils vous ont dit qu'il serait peu raisonnable de faire contribuer les communes qui n'ont pas de garde civique aux frais de celles qui en ont une. Messieurs, vous n'avez qu'à ouvrir la loi, vous y verrez que la garde civique qui est active dans une commune doit au besoin venir en aide aux communes voisines qui n'en ont pas. Il est dit dans la loi que ces communes peuvent requérir la garde civique. C'est donc à tort que l'on prétend que les communes qui n'ont pas de garde civique n'ont rien à voir dans les dépenses que doivent fairat celles qui en ont une.
Une seconde considération qui explique mon amendement, c'est que les commissaires de district peuvent toujours requérir la garde civique active dans tout leur arrondissement. Ils ont le droit de l'appeler en tel et tel endroit pour l'aider à maintenir l'ordre public.
En troisième lieu le gouvernement qui établit une garde civique active dans le royaume, se réserve le droit de faire faire le service de garnison, de la mettre sous les ordres du commandant de place. C'est la loi qui le veut ainsi.
Voilà divers motifs qui expliqueraient l'intervention du gouvernement dans les dépenses qu'occasionne aux villes cette institution, et ces dépenses, quoi qu'on en dise, sont assez importantes. Elles sont sont d'ailleurs indispensables ; car on peut avoir une garde civique active sans quelques dépenses et je ne crois pas qu'il soit juste de faire payer la totalité de ces dépenses par les villes qui ont une garde civique.
L'honorable ministre de l'intérieur a dit une chose très vraie, c'est qu'il est regrettable qu'on ait supprimé les revenus qui étaient destinés à couvrir les dépenses de la garde civique. S'il y a eu de l'arbitraire dans l'application, si l'on trouvait la contribution de 50 fr. trop élevée, on pouvait prendre un chiffre moindre ; il ne fallait pas supprimer pour cela une ressource indispensable.
Quant à l'article 43, s'il est entendu qu'il s'agit non d'une sorte de traitement mais de simples frais de bureau à allouer aux commandants de la garde civique, je n'insisterai pas. Il y a des commandants supérieurs non seulement à Bruxelles et à Gand, mais dans plusieurs autres localités.
Partout où il y a différentes armes, partout où il y a de la cavalerie et de l'artillerie, le colonel devient commandant supérieur.
J'adopterai donc l'article 43 moyennant l'adjonction des mots : « pour frais de bureau ».
J'espère que mon amendement, que je retire, sera examiné, et que d'ici à la session prochaine on voudra bien voir s'il n'est pas possible de soulager les charges des communes qui ont une garde civique active, pour que cette institution reste ce qu'elle doit être, une institution sérieuse, qu'on ne vienne pas ridiculiser.
Du reste, si l'on veut ridiculiser la garde civique et l'institution des conseils de discipline, je dirai qu'il n'y pas de procès qui n'ait un côté ridicule.
Ouvrez la « Gazette des Tribunaux », vous y trouverez des comptes rendus ridicules d'affaires de simple police et mêmes d'affaires plaidées devant les tribunaux correctionnels. Mais je ne pense pas qu'il soit très agréable pour ceux qui font partie de ces institutions et qui peuvent se trouver dans cette enceinte, soit sur nos bancs, soit dans les tribunes, d'entendre des plaisanteries comme celles que s'est permises l'honorable membre.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker) donne lecture d'un arrêté royal qui retire le projet de loi sur le jury d'examen pour les grades académiques présenté l'année dernière.
Il dépose un nouveau projet de loi sur la même matière.
- Ce projet est renvoyé à l'examen des sections.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker) présente ensuite le projet de loi qui a pour objet de maintenir le mode actuel de formation des jurys d'examen pour la session de Pâques de l'année 1856.
M. Orts. - Messieurs, ce projet ne renferme qu'une mesure transitoire, mais c'est une mesure urgente. Je proposerai de le renvoyer à la section centrale qui avait été formée pour l'examen du premier projet de loi sur le jury d'examen.
- Cette proposition est adoptée.
La séance est levée à 4 heures et trois quarts.