(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)
(Présidence de M. de Naeyer, premier vice-président.)
(page 140) M. Ansiau procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Calmeyn donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
M. Loos. - Messieurs, si j'avais assisté à la séance de samedi, loisqu'on a passe au vote sur le budget de la guerre, j'aurais voté pour ; mon nom figurant au Moniteur parmi les membres qui ont émis un vote négatif, je demande que cette erreur soit rectifiée.
M. Lesoinne. - Je demande une rectification dans le sens contraire. J'avais répondu trois fois non, et mon nom figure parmi les membres qui onl répondu oui.
M. le président. - Rectification sera faite au Moniteur.
- Le procès-verbal est adopté.
M. Ansiau communique l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Chumont demande que le projet de loi concernant la pension d'une catégorie d'officiers soit étendu aux fonctionnaires des administrations civiles qui, après avoir combattu en 1830, sont entrés dans l'armée en qualité d'officiers et puis sont passés dans une administration civile. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la pension des officiers qui, en qualité de volontaires, ont pris part aux combats de la révolution en 1830.
« Le conseil communal et des habitants de Genck prient la Chambre d'accorder au sieur de Bruyne la concession d'un chemin de fer de Bois-le-Duc à Liège par Tongres, Bilsen et Peer. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur de Lamack, ancien receveur de l'enregistrement, à Neufchâteau, demande la revision de sa pension et le payement de la réduction qu'il a subie depuis le 1er avril 1843. »
- Renvoi à la commission des pétillons.
« L'officier de l'état civil de Cuesmes demande des modifications à l'arrêté royal du 29 janvier 1818 quant au modèle des états de décès à transmettre aux receveurs des droits de succession. »
- Même renvoi.
« Plusieurs cultivateurs à Eenaeme demandent que les vétérinaires non diplômés puissent continuer l'exercice de leur profession. »
- Même renvoi.
« Les employés du commissariat d'arrondissement de Dinant, Namur et Philippeville demandent leur assimilation aux employés des gouvernements provinciaux. »
- Même renvoi.
« Des électeurs d'Ogy demandeut l'établissement d'un bureau électoral dans chaque commune au chef-lieu de canton. »
- Même renvoi.
« Les membres du conseil communal de Michelbeke prient la Chambre d'accorder aux sieurs Moucheron et Delaveleye la concession d'un chemin de fer de St-Ghislain à Gand et Terneuzen. »
« Mêmes demandes du conseil communal d'Evergem et de l'administration communale de Steenhuyse-Wynhuyse. »
- Même renvoi.
« M. le ministre de la justice transmet deux tableaux indiquant le mouvement de la population des prisons et des écoles de réforme pendant l'année 1854 et les neuf premiers mois de l'année courante et une note contenant les renseignements demandés sur la conduite des jeunes délinquants de la maison pénitentiaire de Saint-Hubert. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif au crédit de 412,000 fr.
« M. Vandenpeereboom, appelé à Ypres pour les affaires de l'administration communale, demande un congé de quelques jours. »
- Accordé.
Première section
Président : M. Osy
Vice-président : M. Matthieu
Secrétaire : M. de Perceval
Rapporteur : M. Allard
Deuxième section
Président : M. Lesoinne
Vice-président : M. Sinave
Secrétaire : M. Thibaut
Rapporteur : M. Thienpont
Troisième section
Président : M. David
Vice-président : M. Deliége
Secrétaire : M. Van Iseghem
Rapporteur : M. Moreau
Quatrième section
Président : M. le Bailly de Tilleghem
Vice-président : M. Jouret
Secrétaire : M. de Portemont
Rapporteur : M. Jacques
Cinquième section
Président : M. Lange
Vice-président : M. Mascart
Secrétaire : M. Tack
Rapporteur : M. Vander Donckt
Sixième section
Président : M. Laubry
Vice-président : M. de Ruddere de Te Lokeren
Secrétaire : M. Pierre
Rapporteur : M. de Moor
M. le président. - L'ordre du jour appelle le vote par appel nominal sur le budget de la guerre, la Chambre ne s'étant pas trouvée en nombre suffisant à la séance de samedi.
Il est procédé à cette opération.
En voici le résultat :
57 membres ont répondu à l'appel.
47 membres ont répondu oui.
3 membres ont répondu non.
7 membres se sont abstenus.
En conséquence, la Chambre adopte le projet de budget qui sera transmis au Sénat.
Ont répondu non : MM. Lesoinne, Tremouroux et David.
Ont répondu oui : MM. Della Faille, de Man d'Altenrode, de Moor, de Muelenaere, de Perceval, de Royer, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, Devaux, de Wouters, Dumon, Frère-Orban, Jacques, Lambin, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Loos, Mascart, Matthieu, Mercier, Moncheur, Osy, Rodenbaeh, Rousselle, Tack, Thibaut, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Van Iseghem, Van Overloop, Vervoort, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Anspach, Boulez, Calmeyn, Coppieters 't Wallant, de Baillet-Latour, de Breyne, de Decker, de Haerne et de Naeyer.
Se sont abstenus : MM. Goblet, Moreau, Pierre, Thiéfry, Vander Donckt, Coomans et Delfosse.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Goblet. - Je me suis abstenu par les motifs que j'ai développés dans la discussion générale.
M. Moreau. - N'ayant pas donné mon assentiment à la loi sur l'organisation de l'armée, je n'ai pu voter pour le budget ; d'un autre côté, je n'ai pas voulu voter contre, afin de ne pas entraver la marche du gouvernement.
M. Pierre. - J'ai plusieurs fois fait connaître les motifs de mon abstention, je crois inutile de les reproduire.
M. Thiéfry. - Je n'ai pas pu voter pour le budget parce que je n'ai aucune confiance dans l'organisation de la réserve, et qu'il y a absence complète de soldats volontaires dans l'infanterie ; on n'en obtient que quatre par compagnie en donnant à 4 miliciens le grade de caporal ; il est impossible de faire de bons choix pour les cadres de sous-officiers. Je n'ai pas voté contre le budget, parce qu'il faut que le ministre ait les fonds nécessaires pour le service de l'armée.
M. Vander Donckt. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que MM. Moreau et Pierre.
M. Coomans. - Ainsi que j'ai déjà eu occasion de le déclarer plusieurs fois à la Chambre, je ne voterai pour aucun budget de la guerre, aussi longtemps que les lois sur le recrutement ne seront pas réformées.
M. Delfosse. - Je n'ai point voté contre le budget de la guerre parce qu'il est en général conforme à la loi d'organisation adoptée il y a quelques années ; je n'ai point voté pour parce que j'ai refusé, comme je refuse encore, mon adhésion à cette loi.
Je dois ajouter que M. le ministre de la guerre a pris en matière de pensions et d'avancement diverses mesures que je ne saurais approuver ; il en est une surtout qui a justement froissé des officiers d'un mérite hors ligne et fait le plus grand tort à M. le ministre de la guerre dans l'esprit de l'armée.
M. le président. - Il nous reste à statuer sur une pétition du 24 février dernier par laquelle la députation permanente du conseil provincial du Limbourg demande un subside de 7,000 francs pour aider la province à construire une caserne de gendarmerie à Bourg-Léopold, et prie la Chambre de faire éventuellement de l'allocation de ce subside l'objet d'une loi spéciale.
La section centrale propose le renvoi de cette requête à M. le ministre de la guerre.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. le président. - La discussion générale est ouverte.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, je crois utile d’ajouter quelques explications à celles que j’ai eu l’honneur de donner à la Chambre sur l’équilibre des budgets ordinaires des recettes et dépenses et sur la situation du trésor en général.
D'après le budget des recettes tel qu'il a été présenté à la Chambre, ainsi que les budgets des dépenses votés ou présentés, il y aurait pour l'exercice 1856 un excédant de ressources de 4,391,279 fr. Ce serait une situation dont nous devrions nous applaudir. Malheureusement, par suite des circonstances extraordinaires dans lesquelles nous nous trouvons à cause de la cherté des subsistances, le gouvernement a été obligé de vous proposer différents crédits qui ne sont pas compris dans (page 141) la somme de 128,307,000 fr., montant des budgets présentés ou votés. Ceux des crédits qui ont été réclamés et qui me paraissent de nature à devoir être compris parmi les dépenses ordinaires sont : l'augmentation nécessaire au budget de la guerre pour élever la solde du soldat ; elle est de 1,850,000 fr. ; une autre allocation destinée à liquider des dépenses d'un exercice antérieur du même département, montant à 150,000 fr. ; une dépense de 400,000 fr. pour le département de la justice, nécessitée par l'accroissement des frais d'entretien des détenus.
Enfin, j'ai considéré comme ayant également ce caractère, bien que d'après le projet de loi cette dépense soit imputable sur l'exercice 1855, le crédit de 800,000 fr. pétitionné pour venir en aide aux employés inférieurs.
L'excédant des recettes sur les dépenses ne serait plus ainsi que de 1,191,000 fr. Mais déjà le gouvernement a annoncé à la Chambre que, des modifications qui seront proposées à la loi d'accise sur le sucre sont destinées à produire un million. Ce projet sera présenté prochainement ; il resterait donc encore un excédant de 2,200,000 fr. qui se réduisent à 18 ou 19 cent mille francs, par la raison que cette loi ne pourra produire tous ses effets la première année.
Il reste encore un crédit supplémentaire à demander pour les dépenses ordinaires du département des travaux publics. Mais comme chaque année, il y a des crédits qui ne sont pas absorbés, et qui laissent disponible une somme globale d'un million à un million et demi, il y aura de ce chef une compensation qui balancera probablement le crédit dont il s'agit.
J'espère donc, messieurs, que nous atteindrons la fin de l'exercice 1856 sans que d'autres ressources soient nécessaires pour prévenir un déficit sur les budgets ordinaires de l'exercice prochain, malgré le surcroît de charges que les circonstances font peser sur lui.
J'aborderai maintenant la situation financière en général et la question de la dette flottante.
Selon l'exposé qui a été fait à la Chambre de cette situation à la date du 1er septembre, le découvert était à cette époque de 16,850,000 fr. Par suite de nouvelles dépenses qui sont renseignées dans le rapport que j'ai présenté à la Chambre, j'ai annoncé que le découvert s'élèvera à 22 millions à la fin de 1856.
J'ajouterai que quelques crédits extraordinaires seront encore demandés pour l'exécution des travaux publics, déjà décrétés, ainsi que pour l'exécution du système de défense du pays, ce qui portera les engagements du trésor à un chiffre beaucoup plus élevé.
Mais, messieurs, de ce que le découvert déjà indiqué est de 22 millions et deviendra plus considérable encore, il ne faut pas en conclure que les besoins du trésor approchent de cette somme ; à moins de circonstances tout à fait imprévues, le maximum du découvert en écus ne dépassera pas, n'atteindra même probablement pas 22 millions à la fin de l'année dans laquelle nous allons entrer. Plusieurs crédits alloués pour différents services et notamment pour les travaux publics sont loin d'être en ce moment absorbés.
Il se trouve disponible de ce chef environ 11 millions dans l'encaisse du trésor ; de telle sorte que l'émission de la dette flottante n'atteint pas actuellement 10 millions. Quels que soient les crédits que le gouvernement soit obligé à demander encore d'ici à la fin de 1856, on peut, en se basant sur l'expérience du passé, avoir la certitude qu'il ne sera pas dépensé plus de 14 millions dans le cours de l'année en travaux publics, autres que ceux auxquels il est pourvu par les budgets ordinaires.
Il est donc à présumer que le chiffre de l'émission de bons du trésor ne dépassera pas 22 millions à la fin de l'exercice 1856.
Messieurs, il est à votre connaissance que la convention approuvée par arrêté royal du 20 décembre 1850, pour régler le service du caissier de l'Etat, est sur le point d'expirer. Le gouvernement a entamé une négociation avec la Banque nationale à l'effet de réduire à 100,000 fr. la somme de 200,000 fr. qui est payée aujourd'hui pour ce service. Il m'est agréable d'annoncer à la Chambre que le conseil général de la Banque nationale, après quelques débats, a accepté cette condition ; la Chambre sans doute saura gré au conseil d'avoir agi avec un esprit de conciliation dans cette circonstance.
D'un autre côté l'administration de la banque m'a exposé tout récemment que l'accroissement du fonds de réserve a dépassé toute attente, que ce fonds s'élèvera à la fin de cette année à environ 2 millions, et qu'il serait désirable que la retenue faite à son profit sur les bénéfices fût réduite.
Si j'ai bien compris l'intention de l'auteur du projet de loi, il n'a pas jugé qu'une réserve très considérable fût nécessaire, c'est ce qui me paraît résulter de l'exposé des motifs du projet de loi, relatif à l’institution de la Banque nationale.
La Banque demande qu'au lieu de retenir 1/3 au-delà de 6 p. c. de bénéfice on n'attribue plus, à l'avenir, au fonds de réserve, qu'un sixième. Je n'ai pas pris de résolution à cet égard ; la concession relative à la rémunération du service du caissier de l'Etat a été faite sans condition aucune ; mais, sauf examen ultérieur, je pense que la demande de la Banque est de nature à pouvoir être admise sans inconvénient.
Une trop forte réserve est souvent un embarras plutôt qu'un avantage ; peut-être même y aurait-il lieu de fixer un maximum pour le fonds de réserve et cesser de faire une retenue quelconque sur les bénéfices lorsque le maximum serait atteint. Je me borne à énoncer cette opinion, à l'occasion du renouvellement de la convention, sans prendre, à cet égard, le moindre engagement et me proposant d'examiner cette question d'une manière plus approfondie avant de prendre une détermination.
M. Osy. - Messieurs, à l'occasion de la discussion de l'adresse, nous avons, quelques honorables collègues et moi, interpellé le gouvernement sur le point de savoir quelle était son opinion quant à la réforme douanière. L'honorable M. de Renesse voudrait que, dans la session actuelle, on s'occupât de la réforme douanière ainsi que de la réforme industrielle. L'honorable M. Manilius croit que si l'on ajourne la réforme industrielle il faut également ajourner la réforme commerciale.
Pour moi, messieurs, j'ai manifesté l'opinion que les réformes que le gouvernement se propose d'introduire en ce qui concerne l'industrie ne peuvent pas être examinées dans la session actuelle parce qu'elles n'ont pas encore été soumises aux chambres de commerce. Mais, messieurs, il n'en est pas de même de la question des droits différentiels et de la question de la nationalisation des navires : ces deux questions ont été examinées depuis deux ans par toutes les chambres de commerce et par la commission que l'honorable ministre des finances a nommée dans l'intervalle des deux sessions. Je crois que pour satisfaire le commerce sans nuire à l'industrie, M. le ministre des finances devrait nous présenter dans la session actuelle un projet de loi basé sur celui qui nous avait été soumis par l'honorable M. Liedts et sur lequel l'honorable M. Mercier a fait rapport. Il devrait nous faire des propositions pour tout ce qui concerne le commerce et la nationalisation des navires sans toucher à l'industrie sans exception.
Vous savez, messieurs, que depuis nombre d'années on accordait des primes pour la construction des navires ; la Chambre a trouvé convenable de ne plus continuer ces primes, mais nous avons eu alors la promesse qu'on aurait abaissé les droits sur toutes les matières premières qui servent à la construction des navires ; maintenant que ces droits ne pourront pas être abaissés avant qu'on ait examiné la question de la réforme industrielle, il serait juste que M. le ministre des finances nous présentât un projet de loi pour la nationalisation des navires étrangers.
Il faut également que le gouvernement s'occupe, dans la session actuelle, de ce qui concerne la question commerciale. Nous avons appris que le gouvernement hollandais a dénoncé le traité qui expire à la fin de 1855. Un objet qui se trouve dans le traité avec la Hollande, c'est le café.
Eh bien, grâce au traité fait avec la Belgique, la Hollande ne paye pour le café que fr. 9 90 c. au lieu que lesnavires étrangers, qui venaient des pays de production, payaient fr. 10 50 c. Ce privilège ne pourra plus être continué à la Hollande ; il faudra mettre sur le même pied le café venant de la Hollande et le café importé directement des lieux de production.
Il est donc nécessaire que le gouvernement prenne une résolution, quant au système commercial, sans toucher à la question industrielle. Je prierai M. le ministre des finances de vouloir bien nous dire quelle est l'intention du gouvernement.
Le commerce désire savoir à quoi s'en tenir. Je suis convaincu, avec l'honorable M. Manilius, qu'il sera impossible de s'occuper de la question industrielle dans cette session ; mais pour ce qui est des droits différentiels et de la nationalisation des navires étrangers, rien ne s'oppose à ce qu'un projet soit présenté et voté avant la clôture de la ses^-sion.
Après la conclusion du traité avec la Hollande, en 1842, il a été nommé une commission de navigation à Anvers qui a fait des conventions avec la Hollande pour le pilotage. Alors il a été décidé que lorsqu'on abaisserait le droit de pilotage sur la Meuse, en Hollande, on l'abaisserait également sur l'Escaut, en Belgique. Or, la Hollande vient d'abaisser le droit de pilotage sur l'Escaut ; il est donc nécessaire, d'après le traité, qu'on le fasse sur l'Escaut en Belgique.
Messieurs, avant que le gouvernement prît à sa charge les frais du pilotage et en perçût les bénéfices, le pilotage était administré par les villes ; il ne devait produire que la somme nécessaire pour pourvoir aux dépenses et pour faire le service des pensions.
Le gouvernement, il y a un certain nombre d'années, jugea à propos d'en faire un objet de recette pour l'Etat, et de se charger des dépenses ; ; il reprit également les sommes qui étaient dans les caisses des villes, pour le payement des pensions.
Je prie M. le ministre des finances d'examiner si, par suite des conventions faites, le gouvernement ne doit pas réduire le droit de pilotage sur l'Escaut.
Nous avons appris avec satisfaction que le gouvernement nous présenterait dans le cours de la session un projet de loi sur les timbres de commerce. Eh bien, il y a encore là une difficulté : il s'agit du timbre des connaissements. Cet objet ne pourra pas être réglé dans cette ssesion, parce qu'il se rattache à la révision du Code de commerce dont est chargée une commission nommée récemment. Le gouvernement devrait également saisir cette commission de la question des connaissements.
Messieurs, à propos du timbre, je dirai quelques mots du timbre des journaux ; je ne reviendrai pas sur la proposition de rétablir ce timbre ; mais vous vous rappellerez qu'il y a deux ans l’honorable M. Liedts, ministre des finances, est venu vous parler des journaux qui ne contenaient que des annonces. Alors on éludait le timbre en insérant dans la feuille un feuilleton ou un bout d'article politique. Aujourd'hui, comme le gouvernement ne s'occupe pas de faire payer les (page 142) feuilles d'annonces, ces journaux ne prennent plus la peine de parler politique ou d'insérer des feuilletons, ils ne contiennent plus que des annonces. Il est certain, puisque nous devons faire timbrer les annonces séparées, que c'est éluder la loi que de permettre aux journaux qui ne contiennent que des annonces de se publier sans rien payer.
J'ai constaté ce fait dans la province d'Anvers ; il doit en être de même dans tout le pays. On élude ainsi la loi pour les ventes de bois, d'herbages et de propriétés ; c'est une perte pour l'Etat. Les journaux qui ne contiennent que des annonces devraient payer comme les annonces séparées. J'appelle sur ce point l'attention de M. le ministre des finances.
M. Verhaegen. - Depuis longtemps je proteste contre le budget des voies et moyens ; et toujours, pour justifier ma protestation, je suis entré dans de longs détails. Cette année encore je renouvelle ma protestation, mais je ferai grâce à la Chambre des détails, en me référant à mes discours des années précédentes.
Des protestations, je le sais, ne produisent aucun effet sur le gouvernement, et il continue de se traîner dans la même ornière, quoique les circonstances difficiles où nous nous trouvons, et en première ligne la crise alimentaire que nous traversons, dussent le convier à une initiative de réforme.
Messieurs, jusqu'à présent nonobstant nos incessantes réclamations, nous ne pouvons pas espérer la réforme de l'assiette des impôts. Les impôts qui grèvent les classes nécessiteuses en ce qu'ils frappent les objets de première nécessité sont maintenus, et l'aisance et le luxe sont épargnés.
C'est ainsi que ic projet de loi sur la contribution persontielle est renvoyé aux calendes grecques. Cependant tout le monde est d'accord que la loi actuellement en vigueur fourmille d'injustices ; car comme beaucoup d'autres elle frappe les artisans et la bourgeoisie à la décharge de ceux qui possèdent. Il n'y a pas bien longtemps, j'ai saisi l'occasion qui m'était offerte pour tâcher de faire réparer au moins, à certains points de vue, les injustices auxquelles je fais allusion.
J'avais présenté plusieurs amendements qui avaient pour but d'alléger le fardeau qui pèse sur les classes nécessiteuses et de frapper le luxe et l'aisance. Qu'est-il arrivé ? L'honorable M. de Mérode a attaqué ces amendements au moyen de sarcasmes et de mauvaises plaisanteries. Il s'est apitoyé sur le sort des peintres d'armoiries, des fabricants de galons et des carrossiers ; et l'honorable M. Osy, venant à son aide, est parvenu à faire ajourner l'examen du projet et les amendements qui s'y rattachent.
Maintenant le ministère actuel, qui a promis beaucoup aux classes pauvres et qui devrait faire quelque chose, ne fait rien : la contribution personnelle sera réformée on ne sait quand. Il y a des prétextes pour toute chose et on en trouve aisément ici pour retarder l'examen de ce projet de loi.
En attendant, le conseil communal de la capitale nous a donné un bien bon exemple. Il vient de décréter en principe que l'aisance et le luxe payeront à la décharge de la classe nécessiteuse.
Je félicite hautement le conseil communal de Bruxelles d'être entré dans cette voie et je regrette que le gouvernement n'ait pas pris l'initiative d'une mesure qui, au lieu de s'appliquer exceptionnellement à certaines localités, aurait pu embrasser le pays tout entier. Le gouvernement, comme toujours, va sans doute me répondre qu'il examinera plus tard.
Maintenant, messieurs, avant de terminer, qu'il me soit permis de dire un mot sur la situation financière. Nous avons un déficit à couvrir et ce déficit sera couvert au moyen de bons du trésor. En effet rien de plus facile : le gouvernement émettra pour 22 millions de bons du trésor et tout sera dit.
Le gouvernement se garde donc soigneusement de prendre aucune initiative, sauf si les circonstances l'y obligent, à proposer des centimes additionnels sur les impôts existants. Ce n'est pas ainsi qu'agissaient nos amis quand ils étaient au pouvoir. Ils avaient, eux, le courage de l'initiative et de proposer des impôts nouveaux en harmonie avec les principes auxquels je viens de faire allusion. Ainsi, ils ont doté le pays d'une bonne loi sur le droit de succession (Interruption.)
Je défie le gouvernement de toucher à celle loi. Je prie même M. le ministre des finances de nous dire, par oui ou non, s'il est disposé à en proposer la révision ou le retrait.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Certainement non.
M. Verhaegen. - Le ministre dit : Certainement non ; et le ministre a raison ; et ceux-là mêmes qui m'interrompent, s'ils étaient appelés à voter, voteraient à coup sûr contre le retrait.
M. Thibaut. - Certainement oui !
M. Verhaegen. - Moi, je dis qu'on ne le voterait pas.
Cette loi, messieurs, est d'accord avec les principes que je défends, et le ministère, il vient de le dire, n'en proposera pas le retrait.
Voilà un aveu précieux et qui justifie l'initiative prise naguère par nos amis à l'égard d'une loi que l'on signalait comme odieuse, qu'on ose encore, sur quelques bancs, faire considérer comme telle, qu'on a déclarée attentatoire aux droits de la famille, au droit de propriété ; je ne sais pas même si l'on ne parlait pas de communisme et de socialisme.
M. Frère-Orban. - On ne s'en est pas fait faute.
M. Verhaegen. - Voilà où nous en sommes.
En attendant, comme on n'a pas songé à prendre des mesures complémentaires de même nature, on couvre le déficit de 22 millions par des bons du trésor.
J'ai dit.
M. Osy. - L'honorable M. Verhaegen vient de parler de la loi sur la contribution personnelle, des octrois, et de la loi sur les successions.
Pour la loi sur la contribution personnelle nous attendons la loi que le gouvernement nous a promise. Nous l'examinerons ensuite. Certainement tout le monde est d'accord que cette loi doit être révisée. Mais je ne sais si nous devrons admettre tous les amendements de l'honorable M. Verhaegen. Certainement s'il les représente, nous devrons les combattre.
Pour les octrois, je comptais ne pas en parler dans la discussion sur le budget des voies et moyens ; je réservais mes observations pour la discussion de la loi sur les denrées alimentaires, parce que le rapport de la section centrale touche à cet objet. Mais puisque l'honorable M. Verhaegen en a parlé, je répondrai quelques mots.
Oui, certainement, cette année-ci, beaucoup de villes ont augmenté leurs octrois. Mais avant qu'on augmente les octrois, je voudrais que le gouvernement fît tout ce qui dépendra de lui pour restreindre les dépenses des villes ; car à la manière dont elles vont, je ne sais où s'arrêteront les contributions. Vous avez des villes où l'on a établi des impôts proportionnels sur la fortune présumée. Je ne pense pas que le gouvernement sanctionne de pareilles décisions. Si je suis bien informé, on est allé, dans une ville du pays, jusqu'à rétablir le droit d'abattage, c'est-à-dire qu'on fait payer 6 francs pour abattre un cochon.
Voilà où va le pays avec toutes les dépenses que font les villes.
Je pense qu'avant de sanctionner des augmentations d'octroi, il est absolument nécessaire que le gouvernement restreigne, autant que possible, les dépenses.
Certainement, nous n'avons pas à nous mêler des dépenses que fait la ville de Bruxelles. Cependant elle est sous la tutelle du gouvernement depuis que nous avons voté la rente de 300,000 francs. Voyez comme ses dettes augmentent. Si l'on continue ainsi, il faudra augmenter les contributions, et s'il survient des événements, peut-être l'Etat devra-t il intervenir, comme il l'a déjà fait pour la rente de 300,000 francs.
L'honorable membre a parlé de la loi sur les successions. Je suppose qu'il veut parler du droit sur les successions en ligne directe.
M. Verhaegen. - Oui.
M. Osy. - Ce droit de succession n'a pas été consacré par la loi, qui n'a admis qu'un simple droit de mutation. (Interruption.)
Vous pouvez rire, M. Frère, et comme il s'agit de votre enfant, vous pouvez mieux que personne vous rendre compte de la transformation qu'on lui a fait subir.
L'honorable M. Frère avait proposé un droit de succession sur toutes les fortunes. Comme ministre, il a accepté l'amendement du Sénat qui n'admet plus qu'un droit de mutation sur le foncier. Il n'y a plus que cela de la loi de M. Frère. Le reste, qui était odieux, nous l'avons écarté, et il n'a pas passé dans la loi qui a été définitivement votée.
Je ne pense pas qu'il y ait dans l'une on l'autre Chambre des membres disposés à revenir sur cette loi.
M. Verhaegen. - On vient de se livrer à un jeu de mots et rien de plus.
D'abord l'honorable M. Osy veut, comme moi, de la révision de la loi sur la contribution personnelle. Il convient qu'il y a dans cette loi des injustices flagrantes qu'il veut faire cesser. Mais il annonce qu'il combattra tous les amendements que dans le temps j'ai eu l'honneur de proposer, ces amendements ayant pour objet de frapper le luxe et l'aisance et de dégrever les classes nécessiteuses. Ainsi M. Osy veut bien la révision de la loi sur la contribution personnelle, mais pas sur les bases que j'ai indiquées, c'est-à-dire qu'il veut le maintien d'abus capitaux.
J'engage le gouvernement à nous présenter son travail le plus tôt possible et pendant celtt session. La promesse en avait été faite. C'est un objet de la plus haute importance. Mais il ne suffit pas de mots ; ii faut des faits.
L'honorable M. Osy a fait une recommandation au gouvernement, Il y a des administrations communales qui se sont avisées de frapper les fortunes présumées, et il engage le gouvernement à opposer son veto à de pareilles mesures.
Je ne veux pas examiner cette question à fond pour le moment. Mais je demande dès à présent s'il y a une si grande injustice à frapper les fortunes présumées, lorsqu'on frappe le travail présumé de l'artisan les travaux présumés de l'industriel, car les patentes ne sont que cela.
C'est encore une fois vouloir ménager les uns et frapper les autres. Mais M. Osy engage le gouvernement à ne pas approuver les mesures proposées par certains conseils communaux, et, si je ne me trompe, un de ces mesures a été approuvée, c'est celle proposée par le conseil communal de Verviers, et ce que l'honorable membre critique, c'est la mesure prise par le conseil communal de Courtrai.
Le gouvernement a devant lui un précédent : un conseil communal a fait ce que l'honorable M. Osy condamne, et lui gouvernement a arpprouvé : le conseil communal de Courtrai veut faire ce qu'a fait le (page 143) conseil communal de Verviers. L'honorable M. Osy engage le gouvernement à ne pas continuer ce système. Le gouvernement examinera, et nous aurons ensuite notre contrôle.
Maintenant pour la loi des successions, il se passe vraiment quelque chose de singulier. La grande majorité est d'accord que le ministère qui a présenté la loi sur les successions en ligne directe a rendu un grand service au pays parce qu'il a eu le courage de combler le déficit que d'autres n'osaient pas combler. Je dis qu'il a eu le courage, et il fallait en avoir une certaine dose. Car quand on met en jeu sa popularité, aux yeux de quelques-uns, c'est avoir du courage que de remplir son devoir. Je voudrais que le gouvernement actuel en fît autant. Mais il s'en gardera bien, il couvre le déficit avec des bons du trésor.
L'honorable M. Osy, contrairement à l'opinion d'un de ses honorables amis qui m'avait interrompu quelques instants auparavant, me dit que tout le monde a accepté la loi parce que, par suite d'un amendement adopté au Sénat, il ne s'agissait plus d'un droit de succession, mais d'un droit de mutation.
M. Osy. - Voyez le budget.
M. Verhaegen. - Si vous vous contentez de mots, ai par une échappatoire on peut obtenir votre vote, rien ne sera plus facile dorénavant que de tranquilliser votre conscience. Vous avez voté la loi parce que c'était un droit de mutation et vous ferez de même par la suite. Mais non, mon honorable collègue, vous ne l'avez pas votée, vous avez voté contre. Pourquoi donc, si cet impôt était si inoffensif au point de vue d'un impôt de mutation, avez-vous voté contre, vous et vos amis ?
C'est un droit de mutation. La loi, dans le principe, proposait un droit de succession. C'était une horreur. Comment ! des enfants qui venaient de perdre leur père ou leur mère étaient obligés de verser dans les caisses du trésor une somme pour entrer en possession de l'héritage de leurs parents ! C'était odieux, c'était une atteinte à la propriété ! Celait du communisme ! C'était du socialisme ! Que vous appeliez ce droit, droit de mutation ou droit de succession, l'odieux n'en était pas moins là ; l'atteinte à la propriété n'en était pas moins là ; toutes les raisons que vous avez données pour combattre cette loi n'en étaient pas moins là, et c'est pour cela qu'en âme et conscience vous avez voté contre. Et comme on le dit fort bien, on a mis le pays en émoi, en révolution pour cette loi.
Vous voyez que vous n'êtes pas d'accord avec vous-même et surtout que vous n'êtes pas d'accord avec vos amis qui vous ont interrompu comme ils m'avaient interrompu un instant auparavant.
C'est un droit de mutation parce que, par suite de l'amendement qui a été adopté, la loi ne frappe plus que les fortunes immobilières, elle ne frappe pas toutes les fortunes, elle ne frappe pas le mobilier. C'est une injustice ; j'aurais voulu qu'elle frappât le tout.
L'honorable M. Osy, qui avait de très bonnes raisons pour cela, s'est surtout efforcé, dans l'intérêt de ses commettants sans doute, de faire rejeter la partie de la loi qui frappait les fortunes mobilières. On est parvenu à faire consacrer ce que j'appelle une injustice.
On a été satisfait, parce qu'il ne s'agissait que d'un droit de mutation. Mais si le droit de mutation n'effraye pas, pourquoi pas ce droit de mutation sur le mobilier comme sur les immeubles. Si j'étais ministre, pour vous engager à voter le droit sur les fortunes immobilières, je voudrais bien aussi consentir à l'appeler droit de mutation. Alors, tous ceux qui ont une fortune en portefeuille, qui ont une fortune industrielle, qui ont des actions industrielles, des fonds publics, etc., payeraient comme ceux qui ont des biens-fonds ; et l’injustice, qui existe aujourd'hui, disparaîtrait. Voilà, en quelques mots, ce que j'avais à répondre au discours de l'honorable M. Osy.
M. Thibaut. - Messieurs, j'ai interrompu tantôt l'honorable M. Verhaegen, lorsqu'il s'est écrié qu'il ne croyait pas qu'il y eût dans cette Chambre un membre qui exprimât le vœu du retrait de la loi sur les successions en ligne directe. Jetliens à déclarer que je n'ai pas interrompu inconsidérément. Je n'admets pas, quant à moi, la distinction que vient de poser l’honorable M. Osy.
Je crois que le droit sur les successions en ligne directe, ici qu'il est établi par la loi, est mauvais.
J'ai voté contre cette loi, telle qu'elle nous a été proposée en dernier lieu, et j'espère qu'il se présentera tôt ou tard une occasion de proposer le retrait de cette loi. Alors nous pourrons encore compter parmi les adversaires de cette loi non seulement des membres de la droite, mais aussi des membres qui appartiennent à l'opinion politique de l'honorable M. Verhaegen.
Quant à ce que répondait tout à l'heure M. le ministre de l'intérieur à une interpellation de l'honorable M. Verhaegen, il ne faut pas s'en émerveiller. Personne de vous n'a oublié que l'honorable ministre de l'intérieur a été un des partisans de la loi sur les successions en ligne directe.
Qu'il n'ait pas changé d'opinion, je le conçois. Mais que l'honorable M. Verhaegen nous permette aussi de garder la nôtre.
M. Osy. - J'ai dit que la loi n'établissait plus qu'un droit de mutation, et ma définition est sanctionnée par le budget même. Ce n'est qu'un droit de mutation sur le foncier.
J'avoue, du reste, que mon amour pour cette loi n'est pas bien grand. Mais dans les circonstances où se trouvait alors le pays, je crois qu'on a bien fait de voter le droit de mutation tel qu'il nous est venu du Sénat. Si j'avais été ici, j'aurais subi la loi ainsi modifiée, je l'aurais votée, parce qu'en présence des dépenses qui avaient été décrétées, il fallait bien trouver des ressources, et nous ne pouvions continuer à marcher dans la voie du déficit. Mais, par des circonstances indépendantes de ma volonté, je ne me trouvais pas ici lors du vote définitif de la loi.
Je conviens avec l'honorable M. Verhaegen qu'un droit de mutation qui frappe certaines fortunes et qui en ménage d'autres, n'est pas juste ; bien certainement la Chambre et le Sénat n'ont voté cette loi qu'en vue des événements qui pouvaient se produire et qui heureusement n'ont pas eu lieu. Aussi, j'espère bien que lorsque les finances du pays le permettront nous rétablirons la justice distributive et l'égalité, non pas de la manière que l'entend l'honorable M. Verhaegen, mais en supprimant le droit de mutation. J'espère être encore assez longtemps à la Chambre pour voir cette circonstance se produire.
Quant aux droits de succession proprement dits, il y a eu augmentation pour quelques catégories ; mais personne n'y a fait opposition.
Voilà mon opinion ; je ne propose pas le retrait de la loi sur les mutations parce qu'avec notre manie de dépenser, je crains bien que d'ici à plusieurs années nous ne puissions réduire nos impôts.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, répondant à l'interpellation faite par l'honorable M. Osy, je puis annoncer que la loi relative aux droits différentiels sera présentée assez prochainement, au moins en temps utile pour qu'avant l'expiration de la loi actuelle, c'est-à-dire avant la fin du premier trimestre de 1856, les Chambres aient pu statuer sur cet objet ; c'est en présentant cette loi que je ferai connaître la détermination qui aura été prise en ce qui concerne les autres projets auxquels l'honorable membre a fait allusion.
Un honorable député de Bruxelles a critiqué l'assiette de nos impôts. Evidemment, le système est susceptible d'améliorations, et je serais heureux de pouvoir en introduire, pendant mon passage aux affaires ; cependant je crois devoir faire observer à l'honorable membre qu'en ce qui concerne les impôts de consommation, notre système, en le considérant à son point de vue, présente beaucoup d'avantages sur celui qui régit la même matière dans plusieurs Etats voisins.
Ainsi le produit de nos droits de consommation comparé à celui des impôts directs est relativement bien moins élevé en Belgique qu'en France, dans les Pays-Bas et en Angleterre ; cela peut ne pas suffire, assurément, ce n'est là qu'un mérite relatif, mais je crois devoir faie* cette observation en faveur d'un système dont nous sommes d'ailleurs, tous un peu coupables s'il est défectueux, et dont le gouvernement n'a pas seul à répondre.
L'honorable M. Verhaegen semble croire que les ministères précédents ont crée de nouvelles ressources pour éteindre la dette flottante. Tel n'a pas été le but des deux cabinets qui nous ont précédés ; de nouvelles ressources ont été demandées pour établir l'équilibre dans les finances, c'est-à-dire dans les budgets des recettes et dépenses ordinaires ; c'est, du reste, un acte dont je félicite mes prédécesseurs ; mais l'honorable membre voudra bien reconnaître qu'en plus d'une circonstance je ne suis pas resté en défaut non plus sous ce rapport.
En ce moment même je demande de nouvelles ressources pour maintenir l'équilibre dans nos budgets. Ainsi, j'ai proposé un accroissement de charges sur la propriété foncière, et je vais bientôt soumettre à la Chambre des mesures pour obtenir un million de plus qu'aujourd'hui de l'accise sur les sucres. Si ces ressources ne sont pas suffisantes pour atteindre le but que je viens d'indiquer, que l'honorable membre en soit bien persuadé, j'en réclamerai d'autres des Chambres législatives, c'est-à-dire des voies et moyens ordinaires et non pas des bons du trésor.
On a parlé de la loi sur les droits de mutation qui frappent les successions en ligne directe. Si nous devions retirer du budget tous les impôts qui, à leur origine, ont excité une vive opposition, il en resterait bien peu, je pense, pour faire face aux dépenses publiques. Il y a certainement de bien graves considérations à opposer au principe de ce droit ; il en est de même de presque tous les impôts ; et cependant, pour ce qui me concerne, je ne l'ai pas combattu en principe, bien que je ne me sois pas dissimulé les raisons qui militaient contre son adoption.
Je soutenais à cette époque que l'impôt sur les successions en ligne directe n'était pas nécessaire ; remarquez, messieurs, que nous n'avions pas alors le budget de la guerre actuel ; si le budget de laguerre était resté tel que pensait l'établir l'honorable membre qui a proposé l'impôt dontil s'agit, je dirais encore aujourd'hui que cet impôt n'est pas nécessaire. Il ne faudrait même pas pour motiver cette opinion que le budget de la guerre fût abaissé à 25 millions comme on l'espérait. Si selon l'hypothèse que j'ai posée à cette époque il était de 28 millions on pourrait se passer encore de la ressource que produit le droit de mutation en ligne directe.
Les impôts nouveaux rencontrent toujours une vive opposition à leur origine, quand ils sont d'une certaine importance ; ceux mêmes qui ont combattu tel impôt lorsqu'il s'agissait de l'établir, peuvent très bien se trouver dans la nécessité de le maintenir lorsqu'il est devenu indispensable par suite des charges nouvelles de l'Etat.
M. Frère-Orban. - Messieurs, les considérations que vient de faire valoir M. le ministre des finances ne manquent pas absolument de vérité. Avoir voté comme membre de l'opposition contre une loi d'impôt, ce n'est pas nécessairement contracter l'obligation d'en provoquer le retrait quand on arrive au pouvoir. On a pu la trouver (page 144) imparfaite, on a pu contester son utilité ou sa nécessité ; mais admise, elle contribue à former le budget des voies et moyens et il pourrait y avoir plus d'inconvénients que d'avantages à la rapporter. En thèse générale je serais donc disposé à admettre ce principe.
Mais dans le cas particulier qui nous occupe, je crois devoir protester contre les capitulations de conscience que j'entends ici. Pour des lois qu'on a combattues au point de vue de leur utilité, de leur nécessité, je vous comprends ; mais lorsqu'une loi a été attaquée comme contenant un principe immoral, lorsqu'elle a été représentée aux populations comme une atteinte aux principes sur lesquels repose la société, une infraction aux droits sacrés de la propriété et de la famille, il faut avoir le courage d'en proposer l'abolition. Toutes vos excuses ne peuvent être écoutées.
Ce n'est pas avec les cavillations de mots de l'honorable M. Osy, que l'on couvre de pareilles retraites. Il faut confesser que ces accusations ont été odieuses et qu'on n'ose pas les soutenir aujourd'hui, il faut confesser que, dans un but purement politique, par esprit de parti, en haine du ministère, dans le dessein de renverser le cabinet libéral qui se trouvait aux affaires et trouvant l'occasion propice parce qu'il s'agissait d'une question d'impôts, on n'a pas craint, même en s'intitulant conservateurs, en se nommant conciliants, en se proclamant modérés, on n'a pas craint, à la veille des plus graves événements, de renverser deux fois le cabinet, de forcer le gouvernement à dissoudre le Sénat et que, si la loi fut enfin votée c'est que toutes les tentatives pour renverser le ministère avaient échoué, et que l'opposition était décidément vaincue dans les collèges électoraux,
Il faut accepter cette position ; ou l'on avouera par le silence qu'on a été injuste et violent à l'égard du cabinet libéral, ou bien l'on proposera le retrait de la loi. Eh bien, on se décidera pour le silence, on se décidera pour l'abstention ; j'aurai alors le droit de dire qu'on n'ose soutenir la position qu'on avait prise, et je ferai sans crainte un appel à la conscience du pays.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Messieurs, il m'est impossible d'accepter les reproches que vient de faire l'honorable M. Frère-Orban. J'ai voté contre la loi relative à l'impôt sur les successions en ligne directe, mais l'honorable membre pourra me rendre cette justice que je ne l'ai pas combattu avec une très grande irritation. J'ai même voté, par appel nominal, en faveur des principaux articles de la loi.
J'ai simplement voté contre le principe de l'impôt sur les successions en ligne directe, à cause des inconvénients qui entourent, pour les petites fortunes, qui entourent les déclarations de ces successions. Maintenant, dit-on, vous êtes au pouvoir ; vous avez voté contre la loi ; votre devoir serait d'avoir le courage de venir proposer à la Chambre le retrait de cette loi.
Eh bien, je ne le ferai pas, Messieurs, parce que ce serait une très grande injustice. La loi fonctionne depuis 5 ans et elle a rapporté plus de 6 millions au trésor...
M. Frère-Orban. - Sans réclamations.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Les réclamations ne se font pas jour...
M. Frère-Orban. - Demandez-le à M. le ministre des finances.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Permettez : les réclamations n’arrivent pas jusqu’au ministère des finances, parce que la loi est claire et facile à appliquer, mais je ne sais si, dans les bureaux des percepteurs de village, il n’y a pas souvent des plaintes et des gémissements. Je parle des petites fortunes.
Je dis donc que la loi fonctionne depuis cinq ans, qu’elle a rapporté plus de six millions ; or, su aujourd’hui on en prononçait le retrait, ce serait une injustice criante pour les personnes qui ont eu le malheur de perdre leurs parents durant les cinq dernières années.
Il faut que la loi fonctionne pendant toute une génération, il faut qu'elle reste en vigueur au moins pendant vingt-cinq ans ; ce n'est pas un impôt sur le revenu, c'est un impôt sur le capital ; il faut que tout le monde, les uns après les autres, apporte son obole au trésor (Interruption) ; je le répète, il serait souverainement inique que l'impôt ne frappât que ceux qui ont perdu leurs parents durant les cinq dernières années ; pour qu'il y ait justice distributive, il faut que la loi soit maintenue au moins pendant une génération. Après cela on verra.
M. de Haerne. - Messieurs, je suis du nombre de ceux qui ont voté en laveur de la loi de succession en ligne directe, telle qu'elle a été amendée par le Sénat. En me prononçant dans ce sens, je n'ai pas cru poser un acte politique ; mais j'ai cru devoir, dans les circonstances où nous nous trouvions, venir au secours du trénor.
S’ensuit-il comme on l'a insinué tout à l'heure, que j'ai approuvé le système de la loi, tel qu'il avait été formulé dans le principe ? S'ensuit-il que j'ai dû souscrite et au serment et au droit sur la fortune mobilière ? En aucune manière ; là se trouve la raison des divergences qui se manifestent entre nous. Cette distinction est essentielle à mes yeux.
Je jugeai que le serment était immoral, et sous ce rapport j'étais d'accord avec les précédents de la législature. Je jugeai aussi que la taxe sur la fortune mobilière donnerait lieu à trop de vexations pour que je pusse y souscrire ; que dans un pays libre comme le nôtre, où les droits réunis avaient toujours été odieux, on ne pouvait pas adopter une pareille disposition ; mais encore une fois, je ne voyais là rien de politique dans le sens qu'on attache aujourd'hui à ce mot.
Voilà quelle était ma manière de voir à cette époque, et je persévère dans mon opinion, qui était celle de plusieurs membres qui siègent sur les mêmes bancs que moi.
Y a-t-il en cela contradiction entre nous ? Jusqu'à un certain point, soit. Mais quand on n'a pas fait du vote d'une loi une question essentiellement politique, vous êtes mal venus, ce me semble, de venir reprocher à une opinion les divergences qui peuvent avoir éclaté parmi les membres appartenant à cette opinion. Il n'y a ici qu'une seule chose à constater : c'est la liberté des votes.
On ne peut pas dire que la majorité de cette opinion ait fait de l'impôt, ici qu'il a été voté, une question politique, ni par conséquent faire à ceux qui la représentent dans le cabinet un devoir de le supprimer.
Pour ce qui regarde le maintien de la loi, je vous avoue que, dans le moment, je ne pourrais pas me prononcer à cet égard. Je ne regrette pas d'avoir voté la loi sur les successions ; encore une fois, je maintiens mon vote.
Si les finances de l'Etat deviennent un jour plus prospères, nous songerons à alléger les contribuables, et alors seulement nous aurons à examiner par le retrait de quelles lois d'impôt nous commencerons à leur donner ce soulagement. Il faudrait, avant tout, faire à ce point de vue une étude générale et sérieuse de notre système financier.
Voilà ma manière de voir dans cette matière. J'ai cru devoir, messieurs, vous la présenter brièvement ; car il m'a semblé qu'on tombait dans une erreur grave sur la portée des divergences que le vote d'une loi peut avoir provoquée sur nos bancs.
- La discussion générale est close.
La Chambre passe aux articles du tableau du budget des voies et moyens.
« Principal : fr. 15,944,527.
« 3 centimes additionnels ordinaires : fr. 478,335.
« 2 centimes additionnels pour non-valeurs : fr. 318,890.
« 10 centimes additionnels extraordinaires : fr. 1,594,452.
« 5 centimes additionnels supplémentaires sur le tout : fr. 550,086.
M. Desmaisières. - Messieurs, la révision du cadastre est une question importante et qu'il est urgent de résoudre, non seulement pour faire cesser l'inégalité proportionnelle choquante qui existe aujourd'hui entre les contribuables de cet impôt ; mais encore pour arriver à la réforme qu'on veut introduire, avec raison, dans la contribution personnelle. Cela a été reconnu par un vote solennel de la Chambre l'année dernière.
A cette occasion, j'avais demandé à l'honorable ministre des finances de vouloir bien annexer au budget des voies et moyens les tableaux estimatifs des dépenses à faire pour la révision des opérations cadastrales, non seulement à l'égard des propriétés bâties, mais encore à l'égard des autres propriétés. M. le ministre des finances voulut bien faire connaître alors qu'il s'efforcerait de produire ces états.
Il y a quelques jours, j'ai reçu de lui communication de l'état relatif aux propriétés bâties, et il m'a appris en même temps qu'il lui avait été impossible de faire terminer encore l'état estimatif pour les propriétés non bâties.
Cependant, on ne peut guère discuter la question de la révision des opérations cadastrales sans avoir cet état sous les yeux. Comme, d’ici à l'époque où M. le ministre des finances présentera à la Chambre le projet de budget de son département pour l'exercice 1857, il aura le temps de faire terminer l'état estimatif des propriétés non bâties, j'attendrai la discussion de ce budget pour faire valoir devant la Chambre les observations que j'ai à lui soumettre sur la révision des opérations cadastrales.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, j'aurai soin d'annexer au budget du département des finances pour l'exercice 1857 le travail dont parle l'honorable M. Desmaisières ; j'entrerai même dans des détails sur la révision générale des opérations cadastrales
- Personne ne demandant plus la parole, l'article « foncier » est mis aux voix et adopté.
« Principal : fr. 8,730,000.
« 10 centimes additionnels extraordinaires : fr. 873,000.
- Adopté.
« Principal : fr. 3,300,000.
« 10 centimes additionnels extraordinaires : fr. 330,000. »
- Adopté.
« Principal : fr. 430,000.
« 10 centimes ordinaires pour non-valeurs : fr. 43,000.
« 5 centimes sur les deux sommes précédentes pour frais de perception : fr. 23,650. »
M. Osy. - L'honorable M. de Man a proposé, il y a quelques années, une loi sur la redevance des mines. Le gouvernement s’est engagé alors à examiner la question de savoir s’il ne conviendrait pas de faire payer aux mines une contribution plus en rapport avec l'impôt foncier. Aujourd'hui les mines payant une contribution plus forte que par le passé, mais l'augmentation provient de ce que l’extraction a augmenté, mais on a maintenu le même principe, l'ancienne loi. Je cois que le gouvernement ferait très bien d’examiner le projet de loi présenté par mon honorable ami, car si les mines sont en très grande prospérité, on ne peut pas craindre qae cette situation ne s'altère, toutes les (page 145) industries qui sont en très grande activité ayant besoin de combustible, et on pourrait trouver là une grande ressource pour le trésor.
- L'article relatif aux redevances sur les mines est mis aux voix et adopté.
« Droit de débit des boissons alcooliques : fr. 900,000.
« Droit de débit des tabacs : fr. 170,000.
« Droits d’entrée (16 centimes additionnels) : fr. 11,000,000.
« Droits de sortie (16 centimes additionnels) : fr. 25,000.
« Droits de transit (16 centimes additionnels) : fr. 10,000.
« Droits de tonnage (16 centimes additionnels) : fr. 525,000.
« Timbres : fr. 35,000. »
M. Rodenbach. - Il y a environ six mois, nous avons prorogé la loi sur l’entrée des machines. Je crois que le gouvernement devrait nous présenter un nouveau projet. Actuellement la loi sur l'entrée des machines ne rapporte à l'Etat que 60 mille francs. Il se trouve qu'avant la guerre nous envoyions des locomotives en Russie, en Allemagne, en Italie ; pour les grandes machines, nos constructeurs l'emportent sur les constructeurs étrangers, car nous en exportons pour tous les pays ; le droit d'entrée chez nous ne rapporte que 60,000 fr. Dans la situation où nous sommes, je ne comprends pas qu'on maintienne chez nous un droit d'entrée de 75 p. c.
En révisant cette loi, on devrait fixer le droit à 6 p. c. de la valeur environ et le percevoir au poids. Nous n'avons besoin de protection que pour les petites machines perfectionnées qui se fabriquent en Angleterre ; il suffirait de les imposer à raison de 6 p. c. de la valeur pour que nous pussions soutenir la concurrence dans les bazars industriels.
Maintenant ces petites machines ne payent rien, mais pour les introduire dans le pays on doit déposer un cautionnement et remplir une foule de formalités ; quand la machine est entrée il faut demander le remboursement de l'argent déposé et remplir des formalités nouvelles ; ce sont là des embarras dont les industriels seraient heureux de pouvoir s'affranchir au prix d'un droit de 6 p. c. Tout le commerce serait satisfait de voir modifier la loi dans ce sens, Je demande que M. le ministre veuille bien nous présenter un projet de loi à cet effet.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - La question dout vient de parler l'honorable membre a fait l'objet d'un très sérieux examen de la part du gouvernement. Un projet de tarification des machines est en ce moment à l'étude, et je pense que le gouvernement pourra bientôt en saisir la Chambre.
M. Osy. - Le commerce réclame pour les grains et les graines la faculté de l'entrepôt fictif. Le commerce désire avoir la marchandise sous la main pour pouvoir la soigner davantage, éviter les frais de magasinage et disposer de sa marchandise sous la surveillance de la douane. Je prie M. le ministre de nous dire si cette question a fait l'objet de son examen et si le commerce qui, depuis plusieurs années, réclame près de la Chambre et du Sénat, peut espérer de voir bientôt adopter une mesure qui concilie ses intérêts avec ceux du trésor.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Je regrette de devoir répondre à l'honorable préopinant que jusqu'à présent le gouvernement n'est pas disposé à faire droit à la demande dont il vient de se faire l'interprète. Le gouvernement conserve l'entrepôt qui a coûté des sommes considérables, il faut qu'il en tire un certain revenu. Des négociations ont été ouvertes avec l'administration communale d'Anvers pour qu'elle reprenne cet entrepôt, mais jusqu'à présent elles n'ont pas abouti. Les demandes d'entrepôts fictifs auraient pour résultat de diminuer les produits de l'entrepôt d'une somme assez considérable ; non seulement le revenu de l'entrepôt diminuerait, mais certains employés subalternes qui reçoivent une légère rétribution pour frais d'ouverture et de fermeture verraient diminuer leurs faibles ressources.
Il est à remarquer, d'ailleurs, que ce n'est pas le seul sacrifice qu'on demande au trésor, il est d'autres recettes dont la suppression est réclamée avec instance ; mais l'Etat a plus que jamais besoin de toutes ses ressources et le gouvernement ne peut pas légèrement se dessaisir de celles qui sont à sa disposition ; on ne sait que trop quelle vive opposition rencontrent les nouveaux impôts, ou même tout accroissement de ceux qui existent déjà.
Je ne crois pas d'ailleurs que le commerce ait à souffrir de ce qui se pratique aujourd'hui ; toute facilité est donnée pour l'accès de l'entrepôt général et des entrepôts particuliers. Je ne crois pas qu'il en résulte de sérieuses difficultés ; je suis porté à croire que ce qui est ici principalement en cause est une question de dépense. Si j'ai bon souvenir, on s'est plaint entre autres de n'avoir pas accès à l'entrepôt la nuit. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de négociants auxquels le jour ne suffise pas pour donner aux grains en magasin les soins qu'ils réclament. Je ne crois donc pas pouvoir consentir à la mesure réclamée.
M. Osy. - Aujourd'hui l'entrepôt est déjà encombré ; il le sera encore plus quand on donnera au commerce les facilités que nous réclamons, et les revenus ne diminueront pas. Les grains ont besoin de beaucoup de soins ; aujourd'hui qu'ils ne sont soumis à aucun droit à l'entrée, le négociant aimerait mieux utiliser ses magasins que de payer un droit de magasinage qui ne laisse pas d'être lourd. D'ailleurs, ces grains qu'on enlèverait à l'entrepôt réel seraient remplacés par d'autres marchandises ; le mouvement commercial est déjà très grand ; tout fait espérer qu'il s'accroîtra encore ; l'entrepôt ne sera pas moins rempli si on accorde l'entrepôt fictif pour les grains, et on conservera les revenus qu'on en tire. Le gouvernement peut donc sans crainte faire droit à la réclamation du commerce d'Anvers.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Je puis promettre à l'honorable membre d'examiner de nouveau la question, lorsque les faits seront tels qu'il les supposé once moment, c'est-à-dire lorsqu'il y aura suffisamment de marchandises pour occuper les locaux de l'entrepôt général consacrés à l'entreposage des grains.
M. Frère-Orban. - A propos de l'article « Douanes », j'ai une question à adresser au gouvernement.
Nous avons conclu, en 1851, un traité avec la Hollande. Ce fut un acte vivement reproché au cabinet dont j'avais l'honneur de faire partie. On proclama bien haut dans cette Chambre que c'était un acte désastreux pour le pays. Il équivalait au rétablissement du traité de Munster ; c'était l'honorable M. Osy qui l'annonçait. D'après l'honorable M. de Liedekerke, le ministre belge qui avait signé ce traité avait signé la déchéance commerciale de son pays. L'honorable M. Malou, dans un rapport qui restera célèbre, avait pronostiqué que ce traité fatal engendrerait pour nous d'innombrables calamités.
Si j'en crois ce que les journaux ministériels ont annoncé (car le gouvernement n'a fait aucune communication à ce sujet, et je ne sache pas qu'on ait chanté un Te Deum), il paraît que, par un bonheur providentiel, la Hollande, méconnaissant tous les avantages qui lui ont été faits, a dénoncé le traité ; cela est-il exact ?
M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - La Hollande n'a pas dénoncé le traité formellement, mais il sera certainement dénoncé.
M. Frère-Orban. - Le traité était tellement funeste que tons les membres du cabinet actuel l'ont repoussé. Je pensais qu'ils auraient mis beaucoup d'empressement à le dénoncer. Mais, chose étrange, ils ont laissé cet honneur à la Hollande. Tout au moins puisque la Belgique se trouve ainsi libérée d'engagements qui devaient l'accabler, le gouvernement aurait dû se hâter de faire à ce sujet une communication à la Chambre.
Il est vrai, si nous ajoutons foi au tableau des importations et des exportations, que le port d'Anvers n'a pas été précisément ruiné par le traité, que sa prospérité n'a fait que se développer sur une très vaste échelle, et que ce n'est pas peut-être l'ancienne opposition qui peut se féliciter de ce qui arrive.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Je ne pouvais communiquer à la Chambre la dénonciation éventuelle du traité avec la Hollande, puisque cette dénonciation n'a pas été faite dans des termes officiels. Je suis certain que la dénonciation aura lieu. Elle m'a été annoncée. Mais ce n'est pas un fait officiel ; par conséquent, il m'était impossible d'en informer la Chambre.
- L'article « douanes » est mis aux voix et adopté.
« Sel (sans additionnels) : fr. 4,600,000.
« Vins étrangers (sans additionnels) : fr. 2,150,000.
« Eaux-de-vie étrangères (sans additionels) : fr. 170,000.
« Eaux-de-vie indigènes (sans additionnels) : fr. 4,800,000.
« Bières et vinaigres (sans additionnels) : fr. 5,400,000.
« Sucres de canne et de betterave : fr. 3,500,000.
« Glucoses et autres sucres non cristallisables : fr. 3,000.
« Timbres sur les quittances : fr. 15,000.
« Timbres sur les permis de circulation : fr. 1,000. »
- Adopté.
« Droits de marque des matières d'or et d'argent : fr. 170,000. »
- Adopté.
« Droits de magasin des entrepôts, perçus au profit de l’Etat : fr. 280,000.
« Recettes extraordinaires et accidentelles : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Enregistrement (principal et 30 centimes additionnels) : fr. 11,400,000.
« Greffe (principal et 30 centimes additionnels) : fr. 275,000.
« Hypothèques (principal et 26 centimes additionnels) : fr. 1,930,000.
« Successions (principal et 30 centimes additionnels) : fr. 6,500,000.
« Droits de mutation sur les successions en ligne directe (principal et 30 centimes additionnels) : fr. 1,550,000.
« Droit dû par les époux survivants (principal et 30 centimes additionnels) : fr. 150,000.
« Timbre (sans additionnels) : fr. 3,200,000.
« Naturalisations : fr. 5,000.
« Amendes en matière d'impôts : fr. 140,000.
« Amendes de condamnation en matières diverses : fr. 120,000. »
- Adopté.
« Domaines
« Rivières et canaux : fr. 3,400,000.
« Routes appartenant à l'Etat : fr. 1,730,000.
- Adopté.
« Taxe des lettres et affranchissements : fr. 3,875,000.
« Port des journaux et imprimés : fr. 300,000.
« Droits sur les articles d'argent : fr. 45,000.
« Emoluments perçus en vertu de la loi du 19 juin 1842 : fr. 80,000. »
- Adopté.
« Produit du service des bateaux à vapeur entre Ostende et Douvres : fr. 120,000. »
- Adopté.
« Chemin de fer : fr. 22,000,000.
« Télégraphes électriques : fr. 280,000. »
- Adopté.
« Domaines (valeurs capitales) : fr. 850,000.
« Forêts : fr. 900,000.
« Dépendances des chemins de fer : fr. 60,000.
« Etablissements et services régis par l'Etat : fr. 200,000. »
« Produits divers et accidentels : fr. 400,000.
« Revenus des domaines : fr. 250,000. »
- Adopté.
« Produits divers des prisons (pistoles, cantines, vente de vieux effets) : fr. 120,000.
« Produits de l'emploi des fonds de cautionnements et de consignations : fr. 673,000.
« Produits des actes des commissariats maritimes : fr. 50,000.
« Produits des droits de chancellerie : fr. 30,000.
« Produits des droits de pilotage : fr. 515,000
« Produits des droits de fanal : fr. 75,000.
« Produits de la fabrication de monnaies de cuivre : fr. 116,000. »
« Produits de la retenue de 1 p. c. sur les traitements et remises : fr. 250,000. »
« Chemin de fer rhénan. Dividendes : fr. 200,000. »
« Part réservée à l’Etat, par la loi du 5 mai 1850, dans les bénéfices annuels réalisés par la Banque nationale : fr. 240,000. »
- Adopté.
« Prix d'instruments fournis par l'administration des contributions, etc. : fr. 2,000.
« Frais de perception des centimes provinciaux et communaux : fr. 110,000. »
- Adopté.
« Reliquats de comptes arrêtés et non arrêtés par la cour des comptes. Déficit des comptables : fr. 5,000. »
« Recouvrements d'avances faites par les divers départements : fr. 450,000. »
- Adopté.
« Droits de tonnage, de pilotage et de fanal, perçus sous reserve de remboursement, sur les navires à vaper faisant le service entre Anvers et New-York et Anvers et Rio de Janeiro : fr. 49,300.
« Recouvrements d'avances faites par le ministère de la justice aux ateliers des prisons, pour achat de matières premières : fr. 825,000.
« Remboursement par les provinces des centimes additionnels sur les non-valeurs de la contribution personnelle : fr. 35,000.
« Recettes accidentelles : fr. 250,000.
« Abonnement des provinces, pour réparations d'entretien des maisons d’arrêt et de justice, achat et entretien de leur mobilier: fr. 20,300.
« Prélèvement sur les fonds de la caisse générale de retraite, à titre de remboursement d'avances : fr. 13,000. »
- Adopté.
« Produit des ventes de biens domaniaux, autorisées par la loi du 3 février 1843 : fr. 1,000,000. »
- Adopté.
(page 147) M. le président. - La Chambre passe à la discussion des articles du projet de loi.
« Art. 1er. Les impôts directs et indirects, existants au 31 décembre 1855, en principal et centimes additionnels ordinaires et extraordinaires, tant pour le fonds de non-valeurs qu'au profit de l'Etat, ainsi que la taxe des barrières, seront recouvrés, pendant l'année 1856, d'après les lois et les tarifs qui en règlent l'assiette et la perception.
« Le principal de la contribution foncière est maintenu, pour 1856 seulement, au chiffre de 15,944,527 francs, et sera réparti entre les provinces, conformément à la loi du 9 mars 1848. »
- Adopté.
« Art. 2. D'après les dispositions qui précèdent, le budget des recettes de l'Etat, pour l'exercice 1856, est évalué à la somme de cent trente et un millions six cent quatre-vingt-dix-huit mille cinq cent quarante francs (131,698,540 francs), et les recettes spéciales, provenant des ventes de biens domaniaux, autorisées par la loi du 3 février 1843, à la somme de un million de francs (1,000,000 de francs).
- Adopté.
« Art. 3. Pour faciliter le service du trésor, pendant le même exercice, le gouvernement pourra, à mesure des besoins de l'Etat, mettre en circulation des bons du trésor jusqu'à concurrence de la somme de vingt-deux millions de francs. »
- Adopté.
« Art. 4. La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1856. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du budget ; il est adopté à l'unanimité des 58 membres présents.
Ce sont : MM. Della Faille, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Muelenaere, de Perceval, de Royer, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus. Desmaisières, de Steenhault, Devaux, de Wouters, Dumon, Frère-Orban, Goblet, Jacques, Jouret, Julliot, Lambin, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lesoinne, Loos, Malou, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Osy, Pierre, Rodenbach, Rousselle, Tack, Thibaut, Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Iseghem, Van Overloop, Vau Renynghe, Veydt, Vilain XIIII, Ansiau, Anspach, Boulez, Coomans, Coppieters 't Wallant, de Breyne, de Decker, de Haerne et de Naeyer.
- La Chambre fixe la séance de demain à 3 heures.
La séance est levée à 4 heures et demie.