(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1855-1856)
(Présidence de M. Delehaye.)
(page 25) M. Ansiau procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Calmeyn lit le procès-verbal de la dernière séance. La rédaction en est adoptée.
M. Ansiau communique l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur de Maiffe, commissaire de police de Namur, demande une augmentation de traitement pour les commissaires de police qui exercent les fonctions de ministère public près des tribunaux de simple police. »
M. Lelièvre. - L'objet énoncé à la pétition mérite l'attention particulière du gouvernement. Il y a urgence à faire droit à la réclamation. Je demande le renvoi de la pétition à la commission des pétitions qui sera priée de faire un prompt rapport.
- Adopté.
« Plusieurs préposés des douanes à Blaton demandent une augmentation de traitement. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les employés à l'administration provinciale de la Flandre orientale prient la Chambre de voter au budget de l'intérieur une augmentation de crédit pour améliorer leur position. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le budget du département de l'intérieur.
« M. le ministre des finances adresse à la Chambre les comptes de la négociation des bons du trésor pendant les années 1853 et 1854. »
- Impression et distribution.
M. le président. - La discussion continue sur le paragraphe 3. La parole est à M. Osy.
M. Osy. - Messieurs, il eût été plus convenable d'attendre la discussion de la loi sur les denrées alimentaires, pour approfondir la question des céréales. Je ne veux que réfuter quelques-unes des observations qui ont été présentées hier par l'honorable M. Dumortier. Je n'entrerai pas dans le fond de la question.
J'approuve entièrement les circulaires que M. le ministre de l'intérieur actuel a adressées aux gouverneurs des provinces ; par là, il a fait beaucoup de bien, il a stimulé le commerce, ainsi que les particuliers et les institutions à faire tous les efforts possibles pour venir au secours des classes laborieuses.
Pour ce qui concerne la circulaire de l'ancien ministre de l'intérieur, l'honorable M. Piercot, M. le ministre des affaires étrangères s'en est expliqué hier. En parlant d'un déficit de 750,000 hectolitres, l'ancien ministre voulait dire que notre pays produit trop peu, jusqu'à concurrence de ce chiffre, pour sa consommation.
En effet, les 750,000 hectolitres sont à peu près la quantité qui manque à notre production, pour répondre aux besoins de notre consommation ; cette année-ci, les importations s'élèvent environ à la somme que l'honorable M. Piercot avait indiquée.
L'honorable M. Dumortier croit qu'il eût été utile que le gouvernement achetât à l'étranger 400,000 hectolitres de grains. Mais pour acheter 400,000 hectolitres de grains, il faut avoir un encaisse de 12 à 14 millions. Je ne sais où le gouvernement aurait pris ces millions.
La grande objection que je fais à une opération de ce genre, c'est que si le gouvernement commence à se laisser entraîner dans des affaires semblables, le commerce ne voudra pas lutter avec le gouvernement et ne fera plus rien ; c'est alors que vous verrez les embarras s'accroître. Mais si vous n'entravez pas le commerce, si vous le laissez faire, soyez persuadé qu'il fera pour le bien du pays tous les efforts humainement possibles.
Voyez l'article « riz ». Année commune, on ne consommait que 5 à 6 millions de kil. dans le pays ; or, cette année, à l'heure qu'il est, le commerce d'Anvers seul a importé 30 millions de kil. de riz, et l'année ne se passera pas sans que l'importation s'élève à 35 ou 36 millions de kilog. Le riz étant une nourriture très saine et à bon marché, si on en compare le prix à celui des grains, on conviendra que le commerce a procuré par là un grand avantage au pays.
Maintenant que les ports se ferment partout, vous comprenez qu'il reste très peu de pays où la Belgique puisse chercher du grain, et cependant l'activité du commerce a été des plus grandes ; le commerce s'est ému, il a dit : Faisons tous nos efforts pour amener dans le pays ce dont il a besoin.
Eh bien, voilà depuis une quinzaine de jours des arrivages ont lieu à Anvers d'Amérique. Non seulement il y est entré plusieurs navires chargés de céréales, mais d'après les dernières nonvelles, huit grands navires chargés de seigle, de froment et de farine nous arriveront, bientôt. Sept autres ont déjà quitté les ports américains. Ces quinze navires nous apporteront au-delà de 100,000 hectolitres de froment, de seigle et de farine, et le commerce ne restera pas là.
Messieurs, que le gouvernement stimule autant qu'il le peut le public et le commerce par des circulaires et par des renseignements et soyez persuadés que vous n'aurez rien à redouter. Je ne dis pas que vous aurez le grain à bon marché ; s'il est cher à l'étranger, il est évident qu'il ne sera pas possible au commerce de vous l'amener à des prix inférieurs à ceux de l’étranger.
Je ne dirai que quelques mots de la prohibition de la sortie des céréales ; nous pourrons nous en occuper plus longuement, lorsque nous discuterons la loi sur les denrées alimentaires. Je ferai seulement remarquer qu'en Angleterre et en Hollande les prix des céréales ont été plus bas qu'en Belgique, et que cependant ces pays ont maintenu la libre sortie. Nous avons importé des céréales de la Hollande et de l'Angleterre, comme on peut le voir par les statistiques qui sont publiées mensuellement par le gouvernement.
Vous voyez donc que cette prohibition que nous avons écrite dans la loi de l'année dernière n'a rien produit. Peut-être la mesure a-t-elle contribué à rassurer les populations ; mais soyez persuadés qu'elle n'a produit aucun bien, et que c'est plutôt un très mauvais système.
L'honorable M. Dumortier a aussi parlé des adjudications que vont faire les départements de la guerre et de la justice. Il s'agit encore là d'un palliatif qui ne produira aucun résultat, qui est, tout au plus, bon pour apaiser les populations qui ne réfléchissent pas assez à ce que c'est que le commerce des grains.
J'ai vu ce matin encore au Moniteur l'avis d'une adjudication de 5,000 hectolitres de froment pour le département de la guerre. Ce département annonce qu'il recevra pour 5,000 hectolitres de grains étrangers, qui arriveront d'ici au 1er janvier, mais après l'approbation de l'adjudication. Je demanderai en quoi le résultat eût été différent si le département de la guerre avait acheté des grains indigènes, et si les grains étrangers qui lui seront fournis avaient été livrés à la consommation. Je crains que tout ce qui en résultera, c'est que le gouvernement payera un peu plus cher ; car on comprend qu'il y a beaucoup plus de concurrence entre les vendeurs de grains indigènes qu'entre les négociants qui s'occupent du commerce des grains étrangers. Car ceux-ci se réduisent à quelques importateurs, tandis que tous les producteurs du pays vendent des grains indigènes.
Je ne blâme pas la mesure prise par les départements de la guerre et de la justice, mais je ne puis l'approuver comme l'a fait l’honorable M. Dumortier. En fait, cette mesure ne produira aucun bien. Seulement elle tranquillisera peut-être les populations qui ne réfléchissent pas assez que les grains étrangers viennent remplacer dans la consommation les grains qui sont livrés à l'armée et aux prisons
Je me réserve de répondre ultérieurement à l'honorable M. Dumortier, lorsque nous discuterons la loi sur les denrées alimentaires, et bien certainement alors nous approfondirons toutes les questions qui se rattachent à cette loi.
M. Rodenbach. - Lorsque nous avons discuté la question de la prohibition de la sortie des céréales, plusieurs honorables députés ici présents ont combattu cette mesure. Ils ont dit qu'elle empêcherait les arrivages ; que l'approvisionnement du pays ne se ferait plus.
Je vous dirai donc, messieurs, que la prohibition à la sortie n'a pas produit le mal qu'on annonçait ; au contraire, il est entré dans les six premiers mois de 1855, époque à laquelle nous avons prohibé la sortie, la même quantité de grains que dans les six premiers mois de 1854. Il n'y a pas eu de différence en quelque sorte entre les deux années.
On s'est donc trompé lorsqu'on a dit dans cette enceinte que la prohibition découragerait le commerce, entraverait les entrées, laisserait notre pays réduit à ses propres ressources ; il n'en a pas été ainsi parce que dans l'ensemble l'importation des céréales de toutes sortes est restée à peu près égale en 1855 qu'en 1854.
Je répondrai à l'honorable M. Osy qu'il est possible qu'en Angleterre et en Hollande le grain ait été à meilleur marché qu'en Belgique dans le haut commerce. Mais en général le pain n'a pas été moins cher en Angleterre et en Hollande qu'en Belgique.
Du reste, messieurs, le principe fût-il mauvais, je crois que dans les circonstances où nous nous trouvons, on doit largement adopter le système prohibitif à la sortie pour des motifs qu'il est inutile de dire ici et que la Chambre et le pays comprendront. La prohibition à la sortie est nécessaire. Je trouve même que le ministère dans le projet qu'il nous a soumis n'a pas été assez loin. Il devrait prohiber à la sortie l'orge, les fèveroles, l'avoine, les œufs et le beurre. Lorsque nous nous occuperons de la loi sur les denrées alimentaires, j'émettrai mon opinion à cet égard et au besoin je proposerai des amendements.
Je regrette, messieurs, de ne pouvoir partager l'opinion de mon honorable collègue et ami M. Dumortier, quant à l'achat de provisions de grains. Ces achats coûteraient immensément au pays ; ils nécessiteraient au moins une dépense de 15 millions ; et lorsqu'on est en présence d'un découvert de 8 millions et d'un déficit de 20 à 25 millions, on ne peut penser à faire de pareilles dépenses lorsqu'il est pour ainsi dire certain qu'elles ne produiraient aucun résultat.
(page 26) Si la mesure pouvait être utile à la classe ouvrière, si elle devait amener la réduction du prix des céréales et du pain, je ne reculerais pas, lorsqu'il s'agit de la nourriture du peuple, devant le vote de ces 15 millions. Mais nous avons vu, dans ce qui s'est passé sous le roi Guillaume, un exemple de ce que produisent de semblables mesures.
Vous savez qu'en 1817 le froment se vendait sur nos marches 60 fr. l'hectolitre. Aujourd'hui il se vend de 40 à 42 fr. ; c'est donc encore un tiers de moins. Alors le roi Guillaume ou le gouvernement fit venir des quantités de grains assez considérables et les apporta sur nos marchés. Mais les céréales pouvaient sortir du pays. Eh bien, les bons grains étaient exportés et on nous vendait des grains détestables, des grains avariés, et cela au prix exorbitant de 60 fr. l'hectolitre.
La mesure que l'on a préconisée hier n'a donc pas réussi ; je suis persuadé que, quelque mesure que l'on prenne, que l'on admette la prohibition ou le libre échange, le grain ne sera pas à bon marché aussi longtemps que durera la guerre dont nous sommes les témoins. Mais il y aura d'autres moyens à trouver ; nous les examinerons lorsque nous nous occuperons de la loi sur les denrées alimentaires. Comme la Chambre et M. le président ont témoigné le désir de continuer l'examen des paragraphes de l'adresse, je me bornerai aujourd'hui à ce peu de mots.
(page 33) M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Je remercie l'honorable M. Dumortier d'avoir appelé un instant l'intention de la Chambre sur la question des subsistances, question digne de toute la sollicitude des pouvoirs publics.
(page 34) Je ne m'occuperai pas, à propos de l'adresse, de discuter toutes les opinions, consciencieuses d'ailleurs, de l'honorable député de Roulers ; nous aurons l'occasion de le faire d'une manière spéciale quand nous en serons à l'examen du projet de loi sur les denrées alimentaires. Je tiens cependant, messieurs, à l'occasion du paragraphe en discussion, à dire quelques mots de la conduite du gouvernement dans ces pénibles circonstances. J'y tiens d'autant plus que mon honorable ami M. Dumortier n'a point paru approuver complètement cette conduite.
Messieurs, nous n'en sommes malheureusement pas à la première année de crise ; déjà il existe, pour ainsi dire, une jurisprudence administrative en matière de crises de subsistances. Je n'ai donc eu qu'à suivre les précédents posés par mes honorables prédécesseurs. Ces précédents, messieurs, consistent d'abord en circulaires, ensuite en certaines mesures que j'appellerai préalables, qu'on doit nécessairement prendre avant d'arriver à l'application des moyens de combattre directement la crise.
Les circulaires n'amènent pas. si l'on veut, par elles-mêmes, un bien-être positif ; cependant les circulaires ont toujours été considérées, par tous les cabinets qui se sont succédé depuis dix ans, comme utiles, comme nécessaires. En effet, le gouvernement doit montrer aux populations qu'il se préoccupe de leur situation ; il doit stimuler le zèle des administrations locales, et éclairer si le dévouement des associations particulières ; et il a toujours paru qu'il manquerait à un impérieux devoir s'il négligeait de le faire.
Ainsi, messieurs, dès le mois d'août, j'ai engagé MM. les gouverneurs de province à s'enquérir par tous les moyens à leur disposition, sous forme d'enquête permanente, pour ainsi dire, des résultats probables de la récolte, des quantités, qui pouvaient encore rester dans les magasins et dans les greniers, des récoltes précédentes. En même temps, cette enquête, pour être complète, devait s'étendre aux pays étrangers. En conséquence, j'ai cherché à recueillir de tous côtés, par le moyen des agents diplomatiques et consulaires, les renseignements les plus précis tant sur ce qu'il pouvait y avoir encore de disponible, sur les marchés étrangers, des récoltes antérieures, que sur les prévisions relatives à la récolte prochaine.
Par une circulaire en date du 17 septembre, le gouvernement recommanda instamment à MM. les gouverneurs d'appeler l'attention de toutes les administrations, des chambres de commerce, des commissions d'agriculture, des administrations de bienfaisance, des commissions médicales, du clergé, sur les mesures à prendre, afin de diriger le zèle de tous et d'organiser divers systèmes de secours publics.
Comme conclusion pratique, une autre circulaire du 4 octobre fut adressée à toutes les administrations du pays, dans le but de leur signaler une brochure, rédigée dans les deux langues, et dans laquelle le gouvernement avait fait réunir l'exposé succinct des meilleurs modes d'organisation d'associations particulières, soit pour l'achat de provisions en gros, soit pour la préparation de soupes économiques, soit pour l'établissement des sociétés alimentaires dont on se trouve si bien dans certaines villes du pays et de l'étranger.
Par ces utiles indications, d'un caractère tout pratique, le gouvernement s'est efforcé de venir en aide à certaines administrations qui n'auraient peut-être pas pu recueillir des renseignements suffisants pour la réalisation de tous ces moyens de combattre la crise.
Persuadé aussi, comme il l'a toujours été les années précédentes, que le travail est un grand moyen de sustentation pour les familles et de moralisation, que le travail contribue au bien-être du pays, par les résultats durables qu'il produit, le gouvernement a cru utile de l'assurer et de le développer. Par une circulaire du 13 octobre, le gouvernement annonça aux administrations provinciales et communales qu'il comptait demander l'allocalion de certains subsides pour la voirie vicinale et pour l'hygiène publique.
La voirie vicinale, c'est le travail dans la campagne ; l'hygiène publique, c'est le travail dans les villes ou centres de populations agglomérées.
Le gouvernement annonça, de plus, qu'il demanderait un crédit extraordinaire pour venir, par d'autres mesures encore, en aide aux classes nécessiteuses sous forme de secours ou d'encouragements, à la création de sociétés particulières sous le patronage des autorités.
Voilà, messieurs, ce que le gouvernement a fait pour préparer l'organisation de divers systèmes, pour aider les populations laborieuses à traverser la crise actuelle.
Nous n'avions pas, cette année, à prendre les mesures législatives qui ont été prises en 1845 et 1846. L'entrée des denrées alimentaires était libre, la sortie était prohibée, il n'y avait donc aucune mesure d'urgence à prendre. Cependant le gouvernement a cru devoir étendre la prohibition de sortie à des denrées auxquelles elle ne s'appliquait pas. Les renseignements que je recevais des diverses provinces m'informaient qu'on exportait une grande quantité de sarrasin ; j'ai cru devoir prohiber la sortie de cette denrée.
Pour ne négliger aucun côté de la vaste question des subsistances, j'appelai l'attention de quelques-uns mes honorables collègues sur d'autres mesures dont la réalisation exigeait leur intervention. Ainsi, de concert avec M. le ministre des travaux publics et nos autres collègues, nous avons réduit le prix des transports par chemin de fer des denrées alimentaires, destinées aux administrations loeales et aux associations de bienfaisance.
Ensemble avec M. le ministre des finances, j'ai étudié la question de la substitution de la distillation de la betterave à la distillation des grains.
C'est une des grandes questions dont le monde économique attend la solution. On facilite les expériences à faire et d'ici à quelque temps, il est permis d'espérer qu'on parviendra à substituer, du moins en partie, la betterave au grain dans la distillation.
Mon honorable collègue de la justice s'est joint à moi pour appeler l'attention des parquets sur un fait. Depuis quelque temps on signalait au gouvernement l'existence de marchés à terme dans la vente de céréales, marchés qui constituent un véritable agiotage et qui contribuent singulièrement à élever les prix des grains.
Nous ne savons s'il existe des moyens d'empêcher ces marchés à terme : l'examen de cette question s'instruit ; elle ne sera pas perdue de vue, parce que nous croyons qu'il y a là un sérieux intérêt engagé.
De toutes parts, on se plaignait de la conversion en fécule d'une grande quantité de pommes de terre. Cette question a encore fait l'objet d'un examen sérieux ; nous avons ouvert une enquête, qui a prouvé qu'une partie notable des pommes de terre converties en fécule sont gâtées et ne pourraient pas servir à l'alimentation, et que les fécules elles-mêmes entrent pour beaucoup dans cette alimentation.
D'un autre côté, la fécule de pomme de terre est indispensable à un certain nombre d'industries importantes qui emploient un grand nombre d'ouvriers ; il était dès lors impossible d'entraver la fabrication de la fécule. Ce que nous avons fait, c'est d'appeler l'attention de la science sur le moyen propre à remplacer la fécule, dans les usages industriels, par une autre substance non alimentaire. C'était là le vœu exprimé par les industriels qu'on a consultés et qui croient à la possibilité de remplacer la fécule, pour les usages industriels par d'autres substances. Un concours a été ouvert. Un grand nombre de mémoires ont déjà été envoyés à ce concours ; et tout permet d'espérer que d'ici à peu de temps on sera sur la voie de ce nouveau progrès.
Ainsi, messieurs, toutes les mesures proposés dans le butr d’atténuer la crise et qui ont paru praticables au gouvernement, ont été soigneusement étudiés.
Le gouvernement s'est préoccupé aussi des moyens, de remplacer les céréales dans la fabrication du pain et de combler ainsi, en partie, le déficit de la récolte.
Mon honorable ami, M. Dumortier, a contesté hier l'existence du déficit que présente la récolte de cette année. Ce déficit est évident pour tout le monde. Pourquoi donc le dissimuler ? Il me semble qu'il vaut beaucoup mieux dire la vérité, telle qu'elle est. D'ailleurs, nier le déficit, c'est dire au commerce qu'il n'a pas besoin de chercher à le combler ; c'est enlever son principal stimulant au commerce des céréales, c'est le décourager. Telle n'est certainement pas l'intention de mon honorable ami, M. Dumortier ; mais son argumentation pourrait conduire à des résultats opposés à ceux qu'il désire amener.
Et puis, à côté de l'aveu du déficit, qui est considérable cette année, il y a des considérations qui doivent nous en rendre la constatation moins pénible.
Ainsi, il y a une abondance extrême de pommes de terre ; ainsi, la consommation du riz a augmenté d'une façon extraordinaire ; ainsi encore on parvient aujourd'hui à remplacer, dans la fabrication du pain, la farine par d'autres substances qui, loin d'être nuisibles, sont utiles dans certaine mesure. Le gouvernement a suivi avec intérêt les essais faits à Paris en ce qui concerne le mélange du maïs avec le froment.
Un des agents supérieurs du département de l'intérieur se trouvait à Paris pour l'exposition ; je l'ai chargé de la mission de suivre les essais que l'on y fait d'un nouveau système de panification et qui attirent toute l'attention du gouvernement français. J'ai réuni toutes les pièces, et il est question d'envoyer à Paris un agent spécial pour suivre de plus près encore les expériences, afin d'arriver à les appliquer chez nous.
Ainsi encore, dans une de nos villes, un des officiers supérieurs de l'armée paraît avoir trouvé un moyen très économique pour la cuisson du pain.
Le gouvernement examine aussi dans ce moment la question de savoir si, loin de punir pour ainsi dire le mélange des féveroles avec le froment et le seigle, il ne serait pas plus juste et plus utile de l'encourager. Des expériences sont faites à ce sujet tous les jours. Ce mélange, dans la proportion de 5 p. c, paraît plutôt avantageux que nuisible. Il y aurait là un moyen de suppléer en partie au manque de froment et de seigle.
D'autres essais ont été faits encore dans diverses villes pour utiliser soit le riz, soit la farine de pommes de terre dans la fabrication du pain. Tous ces essais méritent d'être suivis avec le plus grand intérêt, en ce sens qu'ils fourniront bientôt, je l'espère, le moyen de remplacer partiellement le grain pour la fabrication même du pain.
Messieurs, la Chambre voudra bien excuser les détails dans lesquels j'ai cru devoir entrer pour prouver que le gouvernement n'a rien négligé pour parer aux difficultés de la situation.
C'est tout ce que je voulais prouver pour le moment. Toutes les autres questions se rattachant plus particulièrement au commerce des céréales et aux denrées alimentaires, nous aurons occasion de les examiner d'ici à peu de jours, et alors je rencontrerai les principales objections qu'a faites l'honorable M. Dumortier ; je m'occuperai aussi des remèdes qu'il propose et qui, contrairement à ses intentions bien connues, seraient pires que les maux mêmes qu'il veut combattre.
(page 26) - La discussion est close.
Le paragraphe 3 est mis aux voix et adopté.
« Des mesures ont été prises dans le cercle restreint où se meut l'action administrative ; V. M. nous en annonce d'autres destinées à procurer au travail des ressources nouvelles et multipliées, et à faciliter l'alimentation publique. »
- Adopté.
« Vous pouvez, Sire, compter sur notre concours empressé pour seconder les louables efforts de votre gouvernement. »
- Adopté.
« La Chambre apportera dans l'examen du projet de loi relatif aux institutions de bienfaisance et aux fondations de charité, qui va nous être présenté, l'attention sérieuse qu'exige l'importance même des graves intérêts qui s'y rattachent. »
- Adopté.
« La Belgique est un des pays où il a été fait le plus de choses utiles en faveur de la liberté et du développement des études. La question de l’organisation des jurys universitaires attend une solution conforme au caractère scientifique et libéral que la législation en cette matière doit conserver. »
- Adopté.
« Les lettres, les arts et toutes les branches du travail national, sont depuis longtemps dans des voies de progrès que le Roi a plusieurs fois constatées devant le pays. La double exposition que la France a ouverte à la noble rivalité de toutes les nations, était une épreuve solennelle que la Belgique a acceptée avec confiance. Cette confiance ne l'a pas trompée, et les succès remarquables obtenus par notre Ecole, par notre agriculture et nos industries, assignent au pays un rang élevé à côté des nations depuis longtemps en possession de leur renommée. »
M. Dellafaille. - Messieurs, le cinquième paragraphe du discours du Trône, est ainsi conçu :
« Les lettres et les arts attestent, par leurs progrès, le développement de la vie intellectuelle du pays. Notre Ecole a su, dans deux expositions simultanées, se distinguer par les œuvres les plus remarquables. »
Dans la réponse faite à ce paragraphe par la commission, il est dit :
« Cette confiance ne l'a pas trompée, et les succès remarquables obtenus par notre Ecole, par notre agriculture et nos industries, assignent au pays un rang élevé à côté des nations depuis longtemps en possession de leur renommée. »
Je demanderai au rédacteur du projet d'adresse si l'intention de la commission a été de constater les progrès obtenus à l'exposition nationale qui a eu lieu à Anvers. Puisque le discours du Trône en faisait mention j'aurais voulu que dans la réponse on mentionnât également le résultat qui a été obtenu, car c'était une grande difficulté de hasarder une exposition en présence de l'exposition de Paris.
Les 840 tableaux qui ont été exposés, le mérite des œuvres prouvent une abondance de production et un progrès éclatant dans l'Ecole. Je demanderai si, en constatant, sous ce rapport, le progrès national, la commission a entendu le constater aussi bien à l'exposition nationale d'Anvers qu'à l'exposition de Paris.
M. Dechamps, rapporteur. - Je m'empresse de donner une explication pour faire disparaître les scrupules manifestés par mon honorable ami M. Della Faille ; la commission a voulu évidemment constater le succès de notre école, aussi bien à l'étranger que dans le pays.
Mais il va sans dire, comme le succès obtenu dans les expositions qui ont eu lieu dans le pays est déjà ancien, car ce n'est pas seulement à l’exposition d'Anvers, mais à toutes les expositions antérieures qui ont eu lieu à Bruxelles aussi bien qu'à Anvers que ce succès s'est manifesté, nous avons pensé que le fait le plus important à constater était celui qui avait attiré l'attention de toute l'Europe. Evidemment la commission n'a pas voulu contester le beau succès obtenu par notre école à l'exposition d'Anvers.
- Le paragraphe 8 est mis aux voix et adopté.
« Le commerce est dans une situation prospère. Le gouvernement et les Chambres ont compris que l'un des moyens les plus efficaces de développer nos relations avec les marchés lointains, est l'établissement des services de navigation à vapeur qui ont tant contribué à accroître la prospérité commerciale des autres nations maritimes. Les deux lignes dirigées vers les Etats-Unis et le Brésil seront prochainement exploitées, et la Chambre sait gré à Votre Majesté de l'intérêt particulier qu'elle attache au nouveau service à établir vers le Levant. »
- Adopté.
« Les modifications qui seront apportées à la loi d'accise sur les sucres feront l'objet de notre sérieux examen. Nous espérons qu'elles auront pour résultat d'augmenter le revenu public, en conservant à cette législation le double caractère commercial et industriel que les Chambres ont voulu y donner. »
M. de Renesse. - Messieurs, dans le discours du Trône le ministère énumère plusieurs projets de loi qui, pendant la session actuelle, seront soumis aux délibérations des Chambres législatives ; mais, l'on n'y fait nullement mention d'un projet de loi très important dont il a été question l'année dernière, je veux parler du projet de loi sur la réforme douanière.
Vous savez, messieurs, que dans la session précédente nous avions déjà commencé la discussion de la première partie de cette réforme, celle qui avait rapport aux matières dites premières ; mais par suite du changement de ministère, cette question importante fut ajournée jusqu'à la présentation d'un projet général de la révision de notre tarif douanier.
Il me semble que le gouvernement aurait dû, dans le discours du Trône, faire mention de la présentation de ce projet d'ensemble, qu'il avait formellement promis pour la session actuelle.
Cette réforme douanière n'a été que trop longtemps ajournée au détriment de la masse des contribuables et des consommateurs ; jusqu'ici l'on n'a eu que trop en vue les intérêts de certaines industries privilégiées par de forts droits protecteurs, tandis que la grande partie des consommateurs n'était appelée qu'à concourir aux nombreuses charges publiques.
Cet état de choses ne doit plus être toléré, il faut enfin que l'on arrive à la révision de notre tarif douanier, de manière à ne plus avoir qu'un tarif de droits modérés, purement fiscal, et non plus exagéré par des droits protecteurs ou prohibitifs.
J'ai donc l'honneur de demander à l'honorable ministre des finances pourquoi il n'a pas été fait mention dans le discours du Trône de la présentation du projet de révision de la loi douanière, et s'il sera bientôt soumis à nos délibérations.
M. Manilius. - L'honorable préopinant vient de se plaindre du silence gardé sur la loi douanière dont la présentation avait été promise l'année dernière.
Je saisis cette occasion pour demander qu'il plaise au gouvernement de s'expliquer sur la question relative aux distilleries dont nous venons d'apprendre le premier mot de la bouche du ministre de l'intérieur.
Il vient de déclarer que l'on avisait au moyen de pousser à la distillerie quasi exclusive de la betterave.
Il n'a pas manqué de faire suivre cette heureuse idée de l'espoir de voir consacrer à l'alimentation une grande partie des céréales absorbées par la distillation. Messieurs, cela menace le travail d'une grande industrie ; elle doit être avertie ; je demande à M. le ministre des finances un mot d'éclaircissement, car malgré tous les soins de tenir ces choses secrètes il en transpire assez pour que l'alarme soit jetée parmi les industriels. Ils se sont déjà adressés à moi, pour s'assurer du fait, je les ai cru pouvoir dissuader, rien n'avait été annoncé, rien n'étant à ma connaissance, mais j'ai promis de veiller. Le momont est venu de demander des explications larges et loyales au département des finances afin que les industriels de cette branche importante du travail national puissent prendre les mesures que la circonstance et leur intérêt exigent. J'espère que M. le ministre des finances me répondra.
M. le ministre des finances (M. Mercier). - J'ignore à quelle espèce de crainte peuvent se livrer les distillateurs du pays. Le gouvernement a encouragé la distillation de la betterave ; il serait heureux pour l'alimentation publique que l'on pût la propager en la substituant en partie à celle des céréales ; il ne s'agit toutefois pas d'interdire la distillation du grain ; ce n'est pas par des mesures restrictives que l'on cherchera à atteindre dans certaines limites le but que je viens d'indiquer.
Le gouvernement a autorisé différents essais de distillation de la betterave sous le contrôle des agents de l'administration. Quand ces essais auront été jugés suffisants et que leurs résultats auront été bien constatés, le gouvernement proposera des dispositions spéciales pour régler le contrôle de la distillation et le montant définitif du droit.
Les distillateurs, quant à présent, non plus que dans l'avenir, n'ont aucune crainte à concevoir des modifications qui pourront être apportées éventuellement à la législation relative à cette matière.
Répondant à une interpellation faite par un honorable membre sur un autre objet, je dirai que le gouvernement, ayant fait connaître à la Chambre son intention de procéder à la révision du tarif des douanes, il n'a pas cru devoir l'exprimer de nouveau dans le discours du trône.
Je me suis occupé activement d'un projet de loi complémentaire de (page 27) cette révision. Après en avoir préparé les éléments et formé un avant-projet, j'ai consulté une commission composée d'hommes très compétents ; les travaux de cette commission sont à peu près achevés ; cependant j'attends encore quelques renseignements importants que doivent me fournir deux de ses membres, sur deux industries considérables qui sont en cause ; faute de ces renseignements le travail de la commission n'a pu être complètement terminé, mais il est très avancé et sous peu de temps, il sera transmis à l'avis des chambres de commerce.
M. T'Kint de Naeyer. - Je n'ai rien à ajouter aux réserves que j'ai faites à l'occasion du projet de loi de la révision du tarif, lorsque je vous faisais remarquer qu'il y a une chose qui ne souffre pas d'expérimentation, le pain de l'ouvrier, et que le tarif n'est pas seulement un stimulant pour la production nationale, mais qu'il doit être encore une digue contre les mouvements désordonnés de la production et les crises qui arrivent périodiquement chez nos voisins.
Il suit de là, en effet, cette double proposition dont personne ne peut contester l'évidence, c'est 1° qu'il ne faut point essayer une nouvelle législation sur le travail manufacturier au milieu d'une crise alimentaire. C'est 2° qu'il ne faut pas abaisser le tarif à l'abri duquel l'industrie du pays s'est développée au moment où une crise industrielle existe avec intensité dans tous les pays voisins.
Ce serait le moment de mettre une barrière s'il n'y en avait pas. Ce serait le moment du faire fléchir les principes qui faciliteraient l'entrée des fabricats étrangers comme vous avez fait fléchir les principes en prohibant la sortie des produits de l'agriculture.
Je crois donc avoir démontré que le projet de loi de la révision douanière serait intempestif et non sans danger.
M. Osy. - Je partage l'opinion de M. T'Kint de Naeyer en ce qui concerne la révision du tarif des douanes, mais le projet de loi qui nous avait été soumis l’année dernière contenait quelques dispositions relatives aux droits différentiels et à quelques matières premières dont ont besoin les constructeurs de navires.
Ces questions qui ont déjà été soumises aux chambres de commerce et à la section centrale pourraient être soumises à nos délibérations sans passer de nouveau par ces chambres. On pourrait laisser en dehors les matières qui touchent à l'industrie pour les soumettre à l'examen des chambres de commerce.
M. le ministre pourrait saisir la Chambre de la réforme douanière pure et simple sans s'occuper de ce qui touche à l'industrie. Il est de toute nécessité de nous saisir d'un projet de loi, car nous avons appris que le traité avec la Hollande avait été dénoncé ; il faudra prendre des mesures pour tarifer les produits de la Hollande qui jouissent d'un privilège sur les arrivages du pays de production.
Pour mettre tout le monde d'accord et ne pas toucher à quelque chose d'aussi délicat que l'industrie, je crois qu'on pourrait se borner à la réforme douanière, abolir les droits différentiels et réduire les droits sur les matières premières dont ont besoin nos fabricants. Si la session dernière avait duré quelques jours de plus, M. le ministre aurait présenté un projet de loi sur la nationalisation des navires.
Il est impossible de continuer à payer des droits exorbitants sur les matières premières dont nous avons besoin pour la construction des navires et de devoir payer des droits qui empêchent la nationalisation des navires étrangers.
Je crois donc qu'il faudra revenir au projet de l'honorable M. Liedts, sauf à examiner plus tard tout ce qui est relatif à l'industrie. J'engage l'honorable ministre des finances à y réfléchir et à ne pas faire passer par la filière des chambres de commerce des objets qui y ont déjà passé.
M. Manilius. - L'honorable préopinant a eu raison de le dire, la révision générale du tarif des douanes est un objet très intéressant et en même temps très dangereux. C'est une opinion que nous avons émise à la fin de la dernière session, et qui a prévalu. Comme c'est très intéressant et très dangereux, tous les intéressés doivent connaître les conséquences de l'introduction d'une nouvelle disposition douanière.
Ceux qui ont intérêt à la deuxième partie ne se soucient pas qu'on touche à la première partie sans que l’on sache ce qui sera fait pour la seconde.
La Chambre a compris qu'il faut un travail d'ensemble parce qu'il faut que les intéressés connaissent toutes les parties du tarif, qu'ils sachent de quelle protection jouiront l'industrie agricole et manufacturière, l'industrie des messageries, de la navigation, de la nationalisation des navires, etc., tout cela forme un ensemble.
Si vous divisez, comme le demande l'honorable M. Osy, qu'arrivera-t-il ? Que l’on ne consultera les chambres de commerce sur la deuxième partie, qu'après qu'il aura été statué sur la première. Or il est évident qu'avant de prendre une résolution sur la première partie, nous devons connaître l'opinion des chambres de commerce sur l’avant-projet élaboré au département des finances pour la révision de la deuxième partie du tarif.
Cette question a été ainsi comprise et résolue par la Chambre ; car nous étions occupés à discuter la première partie, lorsque l'observation a été faite par moi, je crois. Le gouvernement y a adhéré ; on a comprisque l’on ne pouvait établir les droits sur les m atières premières sans connaître les droits qui doivent frapper les produits fabriqués. Il y a là une connexité qu'on ne peut contester.
Le gouvernement recourt, en toute occasion, à l'avis des chambres de commerce, même pour les questions fiscales. L'honorable préopinant l’a demandé souvent. « Comment ! vous présentez un projet de loi, disait-il autrefois, et vous ne connaissez pas l'avis de la chambre de commerce d'Anvers. J'arrive directement d'Anvers, la chambre de commerce d'Anvers n'a pas consultée. » Et, cette fois, l'honorable préopinant vient protester contre l'intervention des chambres de commerce. Mais, messieurs, elle est indispensable.
Il a été décidé l’année dernière qu'il fallait une loi d'ensemble, avec l'avis des chambres de commerce sur chacune de ses parties, et aujourd'hui, pour satisfaire le haut commerce, on devrait s'occuper exclusivement du tarif des matières premières.
Mais l'honorable membre doit se rappeler que toutes les matières premières ont été allégées, que deux arrêtés royaux ont admis des assimilations de matières propres à alléger le tarif.
Aujourd'hui, l’on entreprend une révision générale du tarif. On doit la faire avec prudence.
Je le répète, ce principe a prévalu. Je crois qu'il prévaudra encore.
M. de Renesse. - A la dernière session, en m'opposant à l’ajournement de la première partie du projet de loi de réforme douanière, j'avais raison de dire que cet ajournement serait véritablement indéfini, et qu'on ne parviendrait pas à discuter cette importante question ; d'après un honorable collègue qui siège derrière moi, il serait imprudent d'agiter la question de la réforme douanière au moment de la crise alimentaire, et en outre, puisque les produits étrangers pourraient, par suite de cette réforme, faire un tort considérable aux productions industrielles de notre pays. Viendra peut-être l’année prochaine une autre crise, et il faudra encore ajourner la révision de ce tarif, et ainsi nous ne parviendrons jamais à cette réforme ; l’on trouvera toujours des raisons pour la reculer, d'autant plus que la plupart des grandes industries ne sont que trop bien représentés dans nos Chambres législatives ; et il faudra ainsi maintenir les privilèges douaniers, au grand détriment des contribuables, de la masse des consommateurs.
- Le paragraphe 10 est adopté.
« Les projets de loi relatifs au timbre des effets de commerce, aux conseils de prud'hommes, à l'organisation judiciaire et à la révision du Code pénal, seront examinés avec le même soin que le gouvernement a mis à les préparer. »
M. Lelièvre. - A l'occasion du paragraphe en discussion, je dois engager M. le ministre de la justice à présenter dans le plus brefl délai un projet de loi ayant pour objet d'augmenter le personnel de certaines cours d'appel et des tribunaux de première instance C'est ainsi que le personnel de la cour d'appel de Liège est tout à fait insuffisant pour les besoins du service. Il existe un arriéré considérable qui s'accroît chaque jour et les intérêts des justiciables sont gravement compromis.
J'engage le gouvernement à déposer un projet de loi particulier sur cet objet important auquel on ne peut dénier un caractère évident d'urgence. C'est au ministère à prendre l'initiative à cet égard, mais s'il ne se hâtait de satisfaire à une nécessité qu'on ne peut révoquer en doute, je serais obligé de soumettre à la Chambre une proposition tendante à faire cesser un état des choses intolérable.
M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - L'examen des questions dont l'honorable M. Lelièvre vient d'entretenir la Chambre se présentera naturellement lorsque nous nous occuperons de la loi sur l'organisation judiciaire. Il me paraît essentiel que la Chambre décide d'abord sur les principes généraux avant de pouvoir s'occuper de la question du personnel.
- La paragraphe 11 est adopté.
« L'armée n'a jamais cessé de se montrer digne de la sollicitude constante que le Roi lui a vouée et à laquelle les Chambres se sont associées avec patriotisme. Le pays se repose plein de sécurité sur le dévouement inaltérable de la garde civique et de l’armée à nos institutions dont elles sont le ferme appui. »
- Adopté.
« La Chambre attendra le résultat des études de la commission chargée d'examiner les questions qui concernent la marine militaire. »
- Adopté.
« L'achèvement de plusieurs travaux d'utilité publique, l'activité déployée sur les lignes des chemins de fer concédés, accroîtrontla richesse générale et fourniront de nouveaux moyens de travail aux classes laborieuses dans toutes les parties du pays. Le chemin de fer de l'Etat et les chemins de fer concédés forment un réseau national. L'association de ces intérêts a eu pour but et pour effet de rapprocher nos provinces d'en resserrer les rapports, et de hâter le développement de la prospérité publique. Ces intérêts doivent se protéger sans se nuire et c'est sous l'influence de cette pensée que nous examinerons les projets de concessions nouvelles, annoncées par V. M. »
M. Moncheur. - Le projet d'adresse que nous avons sous les yeux déclare que le chemin de fer de l'Etat et les chemins de fer concédés forment un réseau national, et que l'association de ces intérêts a eu pour but et pour effet de rapprocher nos provinces, d'en resserrer les rapports, et de hâter le développement de la prospérité publique
J'accepte, messieurs, cette déclaration avec d'autant plus d'empressement que, s'il vous en souvient, j'ai souvent signalé dans cette enceinte les abus graves, les gênes de toute espèce qui résultaient du défaut (page 28) d'entente entre l'administration du chemin de fer de l'Etat et les chemins de fer concédés. Oui, messieurs, je crois que les chemins de fer concédés et le chemin de fer de l'Etat doivent faire un seul réseau national, et qu'il doit y avoir entre eux une association d'intérêts ; qu'ils doivent non se combattre, mais s'entendre, pour être aussi utiles que possible au public.
Mais, messieurs, si j'accepte, cette déclaration, j'en demanderai aussi les conséquences. Je demanderai donc que cette entente soit telle que le commerce ne soit plus gêné, comme il l'est aujourd'hui ; mais qu'il trouve, au contraire, dans l'exploitation de tous les chemins de fer ensemble, toutes les facilités, qu'il est en droit d'en attendre.
Or, je dois le dire, messieurs, ces conséquences n'existent pas encore à beaucoup près. Ainsi le tarif de tels chemins de fer concédés, que je connais, notamment de celui de Namur à Liège, et le tarif du chemin de fer de l'Etat sont ainsi combinés, que le commerce doit se servir de l'intermédiaire de commissionnaires pour en obtenir les avantages qu'ils peuvent offrir.
Ainsi le négociant expédiant des marchandises qui doivent transiter sur trois lignes est obligé d'adresser ces marchandises à un commissionnaire à la fin de la première ligne. Celui-ci expédie sur la seconde ligne et à la fin de cette seconde ligne, il faut encore recourir à un commissionnaire qui expédie sur la troisième ligne. Or, je dis que cet état de choses est intolérable et qu'il est contraire au principe déposé dans l'article du projet d'adresse dont nous nous occupons.
Messieurs, si le chemin de fer de l'Etat et les chemins de fer concédés forment un réseau national, je déplore que dans ce réseau, et sur plusieurs points, au moins sur le point dont je vais avoir l'honneur de vous parler, c'est le chemin de fer de l'Etat qui forme tache. Ainsi croiriez-vous que sur le chemin de fer de l'Etat, depuis Floreffe jusqu'à Châtelineau, c'est-à-dire sur un parcours de 21 kilomètres, il n'y ailtencore qu'une seule voie ; et cela pour desservir les immenses transports qui se font sur cette ligne ? Ainsi après 14 ou 15 ans écoulés depuis l'ouverture du chemin de fer de Namur à Charleroi et Bruxelles, l'Etat n'a pas encore eu la force, n'a pas eu le courage de faire une seconde voie.
Certes, cette ligne a toujours été une des principales du pays, et aujourd'hui, je crois qu'elle est même à peu près la principale de toutes.
C'est elle qui est devenue la grande communication entre la France et l'Allemagne. Elle est sans cesse parcourue dans un sens et dans l'autre par des convois énormes de marchandises nécessitant l'emploi simultané de deux locomotives. Et c'est sur une semblable ligne que nous n'avons encore qu'une voie.
Messieurs, un accident récent et bien funeste, puisqu'il a coûté la vie à un homme et peut-être à deux hommes, et détruit en outre un matériel de chemin de fer très considérable, m'oblige à saisir la première occasion pour signaler cette lacune au gouvernement et aux Chambres.
Peut-être, messieurs, le gouvernement dira-t-il, et je m'y attends, qu'il n'a pas d'argent pour faire cette seconde voie.
Eh bien, j'adjure le gouvernement de demander de l'argent pour ce travail nécessaire, urgent, et je suis sûr qu'il ne sera pas refusé. Je vous avoue d'ailleurs que lorsqu'il y a deux ans, le gouvernement a proposé à la Chambre un crédit de 9 millions, pour parachever le chemin de fer de l'Etat, il était bien dans ma pensée en votant ce crédit que le premier de tous les parachèvements à faire était la construction de la seconde voie.
Et, en effet, la seconde voie n'est-elle pas l'abc de tout chemin de fer. Est-ce qu'à l'heure qu'il est, on ne prévoit même pas la nécessité d'une troisième voie pour les chemins de fer où les transports sont les plus actifs ? On y viendra forcément sur bien des points, à cette troisième voie, et cela, soyez-en persuadés, dans un avenir qui n'est peut-être pas si éloigné. Mais, tout au moins, la seconde voie est-elle d'une urgence telle qu'elle n'admet pas de retard.
Messieurs, je viens de m'assurer par les Annales parlementaires que, lors de la discussion de la loi accordant les 9 millions pour achever le chemin de fer, j'ai signalé la lacune dont je me plains encore aujourd'hui ; je l'ai signalée en citant un premier accident qui était arrivé peu de temps auparavant : alors une locomotive avait été jetée hors de la voie par la rencontre d'un convoi. Aujourd'hui c'est encore et c'est uniquement parce qu'il n'existe qu'une voie, que le nouvel accident a eu lieu. S'il y avait eu deux voies, le train de marchandises, qui était conduit par deux locomotives, aurait cheminé dans le sens des aiguilles de l'excentrique, et non à la rencontre de ces aiguilles. Vous concevez, en effet, que comme il n'y a qu'une seule voie, il faut bien que le train allant ou le train venant aille à la rencontre des aiguilles d'évitement, ce qui est une cause de danger à ajouter à tant d'autres qu'on ne peut toujours éviter.
Si, dernièrement, au lieu d'un convoi de marchandises, c'eût été un convoi de voyageurs, un nombre considérable de personnes y auraient perdu la vie.
Ainsi, je demande que le gouvernement veuille bien rassurer les populations. Je le demande au nom de l'humanité, et je dirai même de l'honneur national. Car je vous avoue, messieurs, que lorsque vous vous trouvez sur un convoi avec des étrangers, en attendant patiemment, sur une malheureuse voie d'évitement, l'arrivée du convoi qui vous tient en échec, il est pénible de devoir avouer que le chemin de fer de l'Etat belge est encore en construction, alors que l'Etat belge se dit le père des chemins de fer sur le continent.
Ne reculons pas, messieurs, devant d'une dépense, lorsque cette dépense est une économie.
Calculez la perte qu'a faite l'Etat, rien que par les accidents qui sont arrivés à cause de cette lacune où il n'existe qu'une voie, comparez cette perte avec les intérêts du capital qui aurait dû être employé à construire la seconde voie, et vous verrez que l'économie eût été considérable.
Quant à moi, je ferai une déclaration franche et loyale, c'est que si M. le ministre des travaux publics ne m'assure pas que l'on s'occupera immédiatement de cette seconde voie, il me sera impossible de voter aucune dépense relative au chemin de fer de l'Etat.
M. Lelièvre. - J'appuie les observations de l'honorable M. Moncheur. Il y a plusieurs années que, lors de la discussion du budget des travaux publics, je signale la nécessité d'une double voie ferrée entre Namur et Charleroi. Un événement récent a démontré l'urgence de cette construction. J'espère que le gouvernement fera droit aux justes réclamations qui lui sont adressées et préviendra ainsi le retour d'accidents déplorables dont, en définitive, la responsabilité pèserait sur le ministère qui refuserait d'accueillir une demande fondée sur les motifs les plus sérieux de sécurité publique,
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Messieurs, l'honorable M. Moncheur et l'honorable M. Lelièvre appellent toute la sollicitude du gouvernement sur le danger, selon eux, que présente la circulation des voyageurs sur la ligne de Charleroi à Namur. Ces messieurs viennent de vous dépeindre cette situation comme excessivement grave à cause du nombre considérable de convois qui parcourent tous les jours la ligne et de la lacune qui existe dans la double voie, lacune de 21 kilomètres, ce qui fait à peu près les deux tiers de la longueur totale du chemin. Messieurs, je ne nierai pas l'utilité et la nécessité d'avoir la double voie sur toute ligne des chemins de fer exploités par un double service de trains de marchandises à petite vitesse et de trains de voyageurs à grande vitesse.
Il ne faut pas trois quarts d'heure à un convoi de voyageurs pour parcourir la distance, quand on veut supprimer quelques temps d'arrêt, tandis que deux heures et demie ne suffisent pas à un convoi de marchandise, qui a des manœuvres nombreuses à exécuter. Cet inconvénient, messieurs, est commun à toutes les lignes à simple voie.
L'honorable M. Moncheur insiste sur cette circonstance que la ligne est parcourue par des convois de grande vitesse. Mais la ligne de Namur à Charleroi n'est pas la seule qui se trouve dans cette situation ; elle fait partie de la ligne de Paris à Berlin, et au-delà des frontières, sur tout sur le territoire rhénan, il y a bien des parties à simple voie.
Un autre inconvénient que présente la simple voie est la position des aiguilles. Quand il y a une double voie, les aiguilles se trouvent placées dans la direction des convois, et les chances d'accidents sont considérablement diminuées. Mais si l’on ne peut exploiter par une voie unique, que feront alors tous les chemins de fer qui n'ont qu'une simple voie ? Les trois quarts des chemins concédés en Belgique sont dans cette situation. Faut-il donc abandonner tous les chemins concédés parce qu'ils n'ont qu'une simple voie ?
Messieurs, je tire de l'argumentation de l'honorable M. Moncheur cette conclusion, c'est que là où il n'y a qu'une simple voie, il faut des précautions toutes particulières notamment en ce qui concerne le croisement des trains, qui ne peut se faire qu'à des heures déterminées ; or, ces précautions sont faciles à prendre quand nous avons le télégraphe électrique à notre disposition. L'honorable M. Moncheur peut retourner en toute sécurité ; l'accident fatal dont il a parlé ne se reproduira pas, tout le fait espérer.
Cet accident, messieurs, est resté inexpliqué. On n'avait négligé aucune espèce de précaution : les excentriques étaient en bon état, ils ont été bien manœuvrés ; les rails étaient également en bon état ; l'accident est une espèce de fatalité, car après une enquête qui a eu lieu le lendemain même, on n'a pu découvrir aucune cause logique à lui assigner.
L'honorable M. Moncheur et l'honorable M. Lelièvre disent que l'Etat belge s'est considéré, avec une certaine gloire, comme le père des chemins de fer en Europe. C'est, en effet, lui qui, le premier est entré largement dans cette voie, qui, le premier sur le continent, a livré un chemin de fer confortable à la circulation des voyageurs. Mais les honorables membres doivent en tirer cette conclusion, c'est que si nous avons été les premiers à faire des chemins de fer, par cela même nos chemins de fer doivent être ceux qui se trouvent dans le moins bon état.
En effet, depuis que nous avons donné l'exemple, d'autres ont profité de notre expérience et surtout de notre expérience fâcheuse en ce qui concerne l'insuffisance du capital de premier établissement. Les compagnies qui se sont formées sur nos pas ont pu calculer le capital qui leur était nécessaire, tandis que nous n'avons pas consacré à la construction de notre railway des sommes suffisantes ; aussi de jour en jour sommes-nous obligés d'augmenter le capital de cette entreprise pour la mettre à la hauteur des exigences actuelles de la science.
La lacune qui existe entre Namur et Charleroi et l'exploitation par une voie unique, qui ont fixé l'attention de l'honorable M. Moncheur, lui paraissent offrir des inconvénients d'autant plus sensibles que le chemin est situé dans le voisinage de Namur. Mais je prie cet honorable (page 29) membre de vouloir bien remarquer que pendant longtemps une partie de la ligne de Gand à Ostende n'a eu qu'une simple voie, et que la lacune n'est comblée que depuis six mois. La ligne de Namur à Charleroi n'a donc pas été placée dans une position exceptionnelle sous ce rapport.
Du reste l'honorable M. Moncheur n'a pas besoin d'appeler mon attention sur ce point ; les difficultés de l'exploitation m'obligent de la porter d'une manière toute spéciale sur cette ligne et l'honorable membre pent être persuadé que je ne négligerai aucun moyen de l'améliorer. Si les crédits votés le permettent, j'en disposerai en vue de ce résultat ; mais je n'ai pas grand espoir qu'il puisse en être ainsi, au moins prochainement.
Quoi qu'il en soit, lorsque des fonds pourront être demandés à la législature, je puis dire que je ferai en sorte qu'une partie soit consacrée à l'achèvement de la double voie entre Namur et Charleroi.
M. Moncheur. - Messieurs, il n'y a de rassurant pour nous que les dernières paroles prononcées par l'honorable ministre des travaux publics, paroles dont je prends acte. Il a dit que sur les premiers fonds qui seront demandés pour le chemin de fer il y aurait lieu de prendre la somme nécessaire pour'établir la deuxième voie de Floreffe à Chàtelineau. Cette déclaration me satisfait pour le moment. Avant de la faire, il avait semblé dire qu'on pourrait exploiter longtemps encore la ligne telle qu'elle l'est aujourd'hui ; eh bien, je ne l'admets point, et il est évident, que les motifs qui ont engagé le gouvernement à compléter la seconde voie sur la ligne de Gand à Ostende, militent au centuple pour qu'on fasse la même chose entre Floreffe et Châtelineau, puisque cette voie est aujourd'hui la principale de la Belgique, en ce sens qu'elle reçoit non seulement tout le mouvement intérieur, mais encore les convois express de Paris à Berlin.
Je persiste à demander que ce travail s'exécute le plus tôt possible, parce qu'il est un des plus urgents qui puissent se faire.
- Les paragraphes sont adoptés.
« Sire, un quart de siècle nous sépare du jour où notre indépendance a été conquise. V. M. sait que cette date glorieuse est gravée profondément dans la mémoire du peuple belge, parce qu'elle lui rappelle les trois choses qui assurent à la patrie une existence durable : une nationalité de jour en jour plus affermie au-dedans et plus respectée au-dehors, une Constitution chère à tous et une Dynastie aimée de tous. »
-Adopté.
« Vous avez voulu, Sire, constater combien les avantages que cette féconde indépendance a produits ont été nombreux et importants, et à quel degré de prospérité intérieure et d'influence extérieure elle a élevé la Belgique, pendant cette période de vingt-cinq années. Votre Majesté attribue, avec raison, ces résultats à l'esprit de modération et de droiture qui distingue le caractère national et qui doit être la base de la politique du gouvernement. Mais nous manquerions de souvenir et de reconnaissance si nous ne proclamions pas que celle situation heureuse et forte est due aussi à la constante sagesse du Roi que la Belgique dévouée vénère, et que les gouvernements et les peuples étrangers entourent de leur sympathique respect. »
- Adopté.
« Le gouvernement de V. M. réclame notre loyal concours en échange de ses droites intentions et de la modération qui est la règle de sa conduite, ce concours ne lui fera pas défaut, et nous saurons comprendre l'étendue des devoirs que les circonstances imposent à notre patriotisme. »
M. le président. - M. Vandenpcereboom a proposé l'amendement suivant :
« Remplacer le paragraphe final par la rédaction suivante :
« Le gouvernement de Votre Majesté peut compter sur le concours de la Chambre pour toutes les mesures utiles qu'il croira devoir nous proposer. Nous comprenons l'étendue des devoirs que les circonstances imposent à notre patriotisme. »
M. Julliot. - Messieurs, je désire motiver mon vote en peu de mots.
Il est à prévoir qu'après le vote que nous allons émettre sur cet amendement, la Chambre sera classée immédiatement par la presse en catholiques et en libéraux.
Le lendemain du vote de la convention dite d'Anvers, le même fait s'est produit. A cette époque, j'ai lu dans les journaux que plusieurs des vétérans du libéralisme étaient devenus des cléricaux.
Je n'ai donc pas à me préoccuper de cette classification pour examiner la question qui nous est soumise.
Je pense que l'opposiiion actuelle a trop de franchise pour ne pas avouer ce qu'elle veut ; c'est un vote de défiance contre le ministère qu'elle veut pour les actes qu'il a posés depuis son arrivé aux affaires ; car personne ne voudra avouer que l'on fait un procès de tendance.
Or, le cabinet n'accepte pas l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom, le vote de cet amendement est donc le renversement du ministère et alors je suis en droit de demander si ceux qui le renverseraient seraient disposés à remplir leur devoir constitutionnel en prenant le pouvoir ? Et je pense que non. Je dis que non ; car l'épreuve en a été faite l'année dernière.
La seule issue possible en cas de triomphe de l'opposition serait donc une crise ministérielle, un embarras sérieux pour la couronne et un interrègne ministériel dont je ne prévois pas la fin, autrement dit : une longue négation du pouvoir exécutif régulier et constitutionnel qu'il faudrait temporairement suppléer par quelque chose dans des circonstances les plus inopportunes ; on réclame la vie dans le parlement et on fait tout ce qu'il faut pour faire renvoyer ses membres en province afin d'y sommeiller à leur aise.
Je demande principalement aux hommes gouvernementaux de cette assemblée, si c'est là où ils veulent aboutir, car ce n'est plus la lettre de I'amendement qui modifie peu la rédaction principale qui est en discussion, c'est l'intention qu'on y attache, comme le démontrent les discours prononcés hier.
Or, à moins que l'opposition n'ait un remède que j'ignore pour parer aux embarras qu'elle ferait naître, je crois avoir bien défini la situation.
Ces considérations peuvent être acceptées par ceux qui, comme moi, ont pour le cabinet une bienveillance expectante et attendent MM. les ministres à l'œuvre, en se réservant de voter les projets utiles et à rejeter ceux qui ne leur conviennent pas ; mais je ne fais pas de procès de tendance, je ne repousse pas à priori des projets annoncés dont je ne connais pas l'économie. Non.
Je voterai donc contre l'amendement et pour l'adresse ; seulement je regette que cet amendement émane d'un de nos collègues qui a toutes mes sympathies, et auquel j'aurais désiré pouvoir en donner le témoignage.
M. T'Kint de Naeyer. - Je regrette qu'il m'ait été impossible de prendre part hier à la discussion générale que je n'ai pas d'aillenrs l'intention de rouvrir. Dans l'état actuel du débat, je me bornerai à déclarer que le paragraphe final du discours de la Couronne n'a donné lieu à aucune observation dans le sein de la commission de l'adresse.
La promesse de concours que j'ai faite loyalement, n'implique de ma part aucun engagement absolu. Je me réserve d'examiner les actes dut gouvernement, et je n'hésiterais pas à blâmer énergiqueinent ceux que ma conscience répudierait.
Je voterai le paragraphe parce qu'il m'est impossible de lui donner aujourd'hui une autre signification que celle que je lui ai attribuée dans la commission.
M. Rousselle. - Messieurs, il n'entre pas dans mes habitudes de prendre part aux discussions politiques, et je n'ai demandé la parole que pour motiver mon vote.
Une absence, nécessitée par des circonstances impérieuses, m'a empêché d'assister à la séance d'hier ; mais j'ai suivi avec une sérieuse attention, dans les Annales parlementaires, le débat qui s'est élevé sue le dernier paragraphe du projet d'adresse à l'occasion de l'amendement proposé par l'honorable M. Vandenpeereboom.
J'avoue qu'en présence des déclarations si formelles de l'honorable ministre de l'intérieur et de l'honorable membre qui, en l'absence du rapporteur, a pris la parole pour expliquer le sens du paragraphe proposé par la commission, je verrais dans l'adoption de l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom une défiance contre les hommes et non contre les actes qui pourrait, jusqu'à un certain point, atteindre la prérogative royale. Cela me suffirait déjà pour repousser l'amendement ; mais j'y vois, de plus, une question de cabinet déguisée qui me paraît dangereuse dans les circonstances difficiles que nous traversons.
Lorsque la couronne a fait un appel à notre loyal concours pour maintenir dans la base de notre politique, l'esprit de modération et de droiture qui fait le fonds du caractère national, elle n'a pas restreint cet appel aux affaires purement administratives, elle l'a certainement étendu à l'ensemble du gouvernement du pays.
Mais en promettant ce loyal et patriotique concours, ne restons-nous donc pas libres de voter, suivant notre conscience, sur les mesures qui nous seront proposées, sous le rapport politique, comme sous le rapport administratif, d'adopter celles qui nous paraîtront utiles, de rejeter énergiquement celles qui seraient contraires à nos opinions consciencieuses ? Evidemment oui, nous en sommes libres, et c'est ce qu'ont reconnu d'ailleurs et l'honorable ministre de l'intérieur et la commission de l'adresse.
Pour ma part, je déclare hautement vouloir conserver cette liberté, et en repoussant l'amendement de M. Vandenpeereboom, je n'entends ni renier mon passé, ni déserter la bannière de l'opinion libérale modérée qui a toujours été la mienne.
M. Vervoort. - Messieurs, il est nécessaire, me paraît-il, de revenir en deux mots sur les explications qui ont accompagné la présentation de l'amendement ; car beaucoup d'honorables membres ont perdu de vue la manière dont il a été présenté et les explications pleines de modération données par son auteur
M. le ministre de l'intérieur disait hier : « Le gouvernement ne s'aventure pas dans d'inutiles demandes de confiance ; mais il ne peut pas non plus accepter un vote de défiance et c'est dans ce sens qu'il interprète l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom. »
Or, cet amendement n'est point un acte d'hostililé, d'opposition systématique ou de défiance ni envers le gouvernement ni envers aucun de ses membres.
Remarquez-le, messieurs, le paragraphe présenté par la commission ne se borne pas à demander le concours loyal du parlement, en attachant à ces mots le sens qu'ils ont ordinairement dans de semblables documents ; mais il demande le concours de la Chambre, en échange des droites intentions et de la modération qui régit les actes du ministère actuel. On reconnaît donc dans le projet d'adresse que le ministère a fait preuve de droites intentions et on y proclame la modération de ses actes.
(page 30) Personne jusqu'à présent n'a voulu élever de contestations, ni ouvrir une discussion à cet égard ; mais si la gauche donne son adhésion au dernier paragraphe, elle accorde au ministère l'expression d'une confiance qui serait justifiée par la reconnaissance de ses droites intentions et de sa modération éprouvée. Telle est la portée des termes du paragraphe, Voilà l'adhésion qu'on nous demande, sans vouloir admettre ou comprendre les motifs de notre refus.
M. le ministre de l'intérieur réclame en faveur de la droiture de ses intentions, et quand il s'agit des intentions de l'auteur de l'amendement, et des membres qui l'ont appuyé, il met ces intentions en suspicion ; il prétend que cet amendement comporte un acte de défiance, malgré l'affirmation unanime et énergique de ces honorables membres.
Messieurs, ainsi que le disait l'honorable M. Devaux, le vote du dernier paragraphe du projet d'adresse serait évidemment une déclaration de sympathie politique : on ne peut pas l'interpréter autrement. Or, qu'a-t-on voulu sur les bancs de la gauche ? On a voulu s'éloigner de toute espèce de discussion irritante, on a voulu rester dans les termes d'un concours loyal et franc apporté au gouvernement pour toutes les mesures utiles et se réserver la liberté politique la plus entière.
Le gouvernement n'a aucun motif de s'opposer à cette expression du vœu d'une partie de cette Chambre. Pourquoi persiste-t-il à combattre l’amendement ?
Le ministre veut qu'on reconnaisse dès à présent la modération de sa politique.
Or, comme l'a dit l'honorable M. Lebeau, une loi sur la charité était présentée, le rapport était fait ; ce n'est pas par voie d'amendement que le ministère veut procéder, c'est une loi nouvelle qu'il nous annonce ; eh bien, en présence de cette mesure, on ne peut dire dès à présent que le ministère a usé et use de modération. Il est incontestable que le paragraphe renferme une reconnaissance qu'on ne peut pas admettre sur les bancs de la gauche, sans s'associer aux principes politiques du ministère.
Si le ministère, se ralliant à la pensée si clairement exprimée dans l'amendement, veut accepter notre concours loyal, sans exiger qu'on porte la moindre atteinte à la liberté de nos opinions politiques et en laissant entier notre libre contrôle, en ce cas-là je suis prêt à accorder ce concours ; mais le paragraphe du projet d'adresse veut davantage. Voilà pourquoi je le repousserai, guidé, non par un esprit d'hostilité ou de défiance, mais par la volonté de ne porter aucune altération à la liberté de mes opinions politiques, et de n'engager en rien l'indépendance de leurs appréciations.
Je crois que l'amendement ainsi expliqué ne peut présenter aucun doute. L'honorable ministre de l'intérieur et l'honorable M. Julliot se sont complètement éloignés de la pensée de celui qui a présenté l'amendement et de l'interprétation de ceux qui l'ont défendu dans cette enceinte.
(page 33) M. Dechamps, rapporteur. - Messieurs, je regrette qu'une indisposition ne m'ait pas permis d'assister à la discussion d'hier. Mon intention était de ne pas prendre part aujourd'hui à ce débat, à moins d'y être forcé.
L'honorable M. Vervoort qui reproche à une partie de la Chambre de méconnaître les intentions qui ont dicté l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom, me permettra de lui dire qu'il méconnaît, lui, les intentions de la commission d'adresse, intentions qui ont été parfaitement expliquées hier par l'honorable M. de Theux, au nom de la commission, et qui ont été acceptées par M. le ministre de l'intérieur. J'aurais cru qu'après des explications aussi simples, aussi claires et acceptées par le gouvernement, de manière à ne laisser aucun doute sur le sens de l'adresse, j'aurais cru que l'honorable M. Vandenpeereboom aurait retiré son amendement qui devenait parfaitement inutile.
M. Vandenpeereboom. - J'aurais cru que vous l'accepteriez.
M. Dechamps. - Ce n'est pas à la commission à modifier la rédaction qu'elle propose, quand cette rédaction est telle qu'aucune objection sérieuse ne peut lui être adressée. Mais c'est au membre qui propose un amendement à le retirer quand les explications qui lui sont données démontrent qu'il est inutile ou dangereux. L'intention de la commission, je fais un appel aux membres de l'opinion libérale qui siégeaient dans son sein, l'intention formelle de la commission dans la rédaction de l'adresse tout entière, a été de n'engager aucun principe, aucune opinion, de ne provoquer aucun débat politique, que l'honorable M. Vandenpeereboom lui-même trouve inopportun, que M. Verhaegen regarde comme prématuré, et que, cependant, ils ont tous les deux provoqué.
Il y avait dans le discours du Trône deux paragraphes qui pouvaient avoir trait à la politique, c'étaient ceux relatifs à la charité et à l'enseignement.
La commission a eu soin de rédiger ces deux paragraphes politiques de l'adresse de manière à écarter tout débat politique, à laisser libres toutes les convictions dans cette Chambre. Le paragraphe final, le sens de ce paragraphe a-t-il une autre portée, un autre caractère, comme quelques membres le croient ? L'honorable M. Lebeau a soutenu qu'il était difficile à l'esprit le plus sympathique au ministère d'exprimer ses sentiments en termes plus énergiques ; sous l'empire de l'ardeur de son improvisation, l'honorable membre a été jusqu'à prétendre que la commission avait fait appel à l'apostasie politique.
Si cela était vrai, la commission aurait bien mal reproduit la pensée qui la dirigeait, et j'aurais, comme rapporteur, très mal rendu l'intention qu'elle a voulu exprimer.
Messieurs, qu'avait à faire la commission ? Le discours du Trône qui, on l'a reconnu, était rédigé en termes modérés et dignes, le discours du Trône demandait un concours loyal en retour de l'esprit de modération et de droiture qui dirigeait le gouvernement. Qu'a fait la commission ? Elle est restée dans les termes mêmes du discours du Trône ; elle répond au Roi qu'elle accorde ce concours loyal en échange des intentions droites du cabinet et de la modération qu'il veut pratiquer, c'est-à-dire que la Chambre accorde son concours pour tous les actes empreints de cette droiture et de cette modération qui seront posés dans l'avenir.
Evidemment le paragraphe n'a pas d'autre sens que celui-là. Que pouvait faire la commission ? Pouvait-elle garder le silence ou ne répondre qu'avec des réserves, des restrictions ? Restreindre le concours qu'on lui demandait à des actes purement administratifs ? Le silence ou la réserve eût été considéré comme un acte d'hostilité, de défiance par le cabinet ; il aurait eu raison.
Ainsi veuillez bien le remarquer, la commission dans la réponse au discours du Trône, n'accorde pas plus que le gouvernement ne demande ; nous avons même été plus loin, nous avons voulu laisser plus de liberté à votre vote et éviter tout débat politique, en rattachant la promesse de concours aux devoirs que les circonstances imposent à notre patriotisme, comme nous l'avons fait les années précédentes.
Rien de pareil ne se trouvait dans le discours du Trône ; nous avons inséré ce paragraphe pour laisser plus à l'aise des collègues qui ne voudraient pas se prononcer immédiatement sur le personnel et le programme du cabinet ; nous avons voulu que ces collègues pussent dire : Nous accordons ce concours loyal pour des actes que nous pourrons toujours apprécier, de plus nous avons rattaché ce concours aux circonstances, parce que l'intérêt de la Belgique exige qu'elle ne soit pas tourmentée par des crises ministérielles, que le gouvernement ne soit pas affaibli par une opposition qui le menace sans cesse dans son existence.
Vous, voyez que la commission est restée en deçà de la demande du gouvernement, non seulement en limitant le concours qu'il demande à des actes empreints de droiture et de modération, mais en le rattachant aux circonstances extérieures, afin de laisser plus de liberté, plus de latitude à votre vote.
Ainsi à un discours du Trône modéré et digne, la commission a répondu en termes identiques en ajoutant une considération qui assure toute liberté au vote de chacun.
J'ajoute une observation : le Sénat a eu à répondre au discours de la couronne : dans l'adresse du Sénat, ce n'est pas un blâme que je lui adresse, on a caractérisé les questions de charité et d'enseignement, on les a caractérisés en termes modérés ; nous ne l'avons pas fait, pour respecter toutes les susceptibilités, pour éviter tout débat politique.
L'honorable M. Lebeau a trouvé trop favorable au ministère le paragraphe qui n'accorde qu'un loyal concours pour les actes dictés par un esprit de droiture et de modération que le cabinet posera, je lui demanderai comment il caractérisera l'adresse adoptée à l'unanimité par le Sénat.
Le Sénat, après avoir parlé de la politique d'union et de modération qui seule pouvait faire le bonheur des peuples et la force des gouvernements, ajoute :
« Ces principes que professe le gouvernement de Votre Majesté sont aussi ceux du Sénat ; nous constatons avec bonheur cette conformité de vues politiques. » (C'est aller assurément plus loin que nous.) « Elle nous permet, Sire, de donner à Votre Majesté l'assurance que son gouvernement peut compter sur notre loyal et patriotique concours. »
Chacun doit reconnaître que si les termes de notre adresse sont l'expression d'une sympathie ministérielle exagérée, ceux employés par le Sénat sont bien plus énergiques ; que si votre commission a fait un appel à l'apostasie, les amis de M. Lebeau au Sénat, et ils y sont nombreux, ont apostasie complètement.
Je ne veux prouver en cela qu'une chose : l'exagération à laquelle on se livre ici.
Je demande pour la commission ce que l'honorable M. Vervoort demande pour son ami, M. Vandenpeereboom : c'est qu'on ne méconnaisse pas nos intentions. Elles ont été parfaitement expliquées par l'honorable M. de Theux. Ces explications sont acceptées par le gouvernement : il déclare que ce n'est pas un vote de confiance politique qu'il demande, mais un concours à des actes empreints de la droiture et de la modération qui seront la base de politique. Je le demande, à moins d'insérer des réserves hostiles, de garder un silence hostile, est-il possible d'aller moins loin ?
Messieurs, il est des traditions parlementaires qui ont déterminé depuis longtemps la valeur des mots qu'on emploie dans les adresses en réponse au discours du Trône. Quand un ministère politique homogène se présente devant les Chambres, il fait appel à sa majorité politique, il lui demande la confiance politique. Voilà le mot sacramentel, consacré par tous les usages parlementaires. On sait ce que cela veut dire. La confiance politique, c'est l'avenir, c'est l'adhésion à la composition, au programme, à toute la politique d'un ministère.
Mais lorsqu'un ministère est formé sous l'influence de circonstances politiques, comme cela est arrivé depuis la chute du ministère du 12 août, lorsque les circonstances sont telles que pas un des partis qui divisent la Chambre n'aurait une majorité suffisante pour se maintenir au pouvoir, lorsque le ministère se forme sous l'influence de ces circonstances extérieures dont je parlais tout à l'heure, ce ministère ne demande pas, comme le fait un ministère qui est appuyé par une majorité exclusive, un vote de confiance ; il ne pourrait le faire. Il demande seulement un concours loyal et patriotique pour les actes qu'il posera.
La différence essentielle c'est que la confiance implique l'avenir, c'est que le concours a rapport à des actes que nous serons toujours libres d'apprécier.
Vous voyez donc que la commission d'adresse ne propose pas d'accorder au ministère un vote de confiance absolue qu'il ne demande pas. Elle propose d'accorder seulement un concours loyal, en échange d'intentions droites et de la modération qui est la base de sa conduite.
Il ne faut pas se le dissimuler, lorsqu'une adresse aussi modérée que celle qui vous est proposée est soumise à une Chambre, et lorsque l'opposition veut faire acte d'existence, se dessiner, se compter, dans tous les parlements, ici et ailleurs, un membre de l'opposition se lève, propose un changement quelconque, le changement d'une virgule, la modification la plus inoffensive au projet d'adresse.
Cette proposition est un acte de défiance envers le cabinet. Soyons francs : l'amendement de M. Vandenpeereboom a cette portée.
J'insiste sur ce point, afin qu'il n'y ait pas de méprise sur le vote quenous allons émettre.
(page 30) M. Tesch. - Si les explications que vient de donner l'honorable M. Dechamps se trouvaient écrites dans l'Adresse, je comprendrais l'inutilité de l'amendement présenté par mon honorable ami M. Vandenpeereboom. Mais ces explications ne s'y trouvent pas. Ce sont des explications qui viennent après coup, et quand nous les mettons en regard des paroles prononcées hier par l'honorable ministre de l'intérieur, nous trouvons qu'il y a une très grande différence entre la portée que l'un et l'autre de ces honorables membres leur donnent.
La contradiction est telle que, dans le rapprochement du discours de l'honorable rapporteur avec le discours de M. le ministre, nous trouvons des raisons péremptoires de maintenir l'amendement de l'honorable M. Vandenpeercboom et de le voter.
L'honorable rapporteur nous demande : Quel concours la Chambre s'engage-t-elle à donner ? Et il répond : Un concours simplement administratif.
Mais est-ce bien cela ce qu'on nous demande ? Est-ce bien ce que demande M. le ministre de l'intérieur ? Du tout ; il veut que nous votions la ratification de tous les actes du ministère dans le passé, et il veut bien plus encore ; il veut, en outre, que notre concours embrasse à la fois l'administration et la politique. Je vous prie de vouloir bien écouter :
« Le gouvernement, dit-il, a déjà posé une série d'actes qu'il soumet en toute confiance à l'appréciation de la Chambre et du pays. »
Ainsi, en votant l'adresse, nous voterions la ratification de tous ces actes. Mais nous avons le droit de les discuter, et en raison des circonstances, on désire que nous ne discutions pas.
Plus loin, le ministre de l'intérieur dit :
« Nous ne demandons pas un concours absolu. Il nous suffît d'avoir le concours loyal de la Chambre pour la direction politique et l'administration du pays. » Voilà ce que demande M. le ministre de l’intérieur. Or, je vous le demande, lorsqu'on aura donné son concours pour la direction politique et pour l'administration, quel concours restera-t-il donc à donner ?
On a discuté hier sur la question de savoir si le concours que l’on demande est aèsolu ou non ; véritable jeu de mots, car si je donne mon concours pour toute chose, il est absolu. Quand je donne mon concours pour la politique et pour l'administration, dans l’ordre constitutionnel il ne reste plus rien, absolument plus rien à accorder.
Ainsi à quoi nous convie-t-on, d'après les explications données par l'honorable ministre de l'intérieur, d'après l'interprétation qu'il donne au paragraphe en discussion ? A ratifier tous les actes dans le passé et à nous engager à donner notre concours complet dans l'avenir, je le répète, un concours qui s'étend à la direction politique et à l'administration.
Or, si, après cela, il reste quelque chose à accorder, n'importe de quelle manière, qu'on me l'indique. Je ratifie les actes du passé ; pour l'avenir, je promets d'appuyer la direction politique et administrative du gouvernement. Il est évident qu'en votant cela, nous passons de la gauche à la droite, nous renonçons à tous nos antécédents ; nous abdiquons nos opinions et les principes que nous avons toujours défendus. C'est ce que nous ne ferons jamais.
A quoi tend l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom ? Si nous étions au palais, nous formulerions cet amendement dans ces termes : Sous réserve de tous droits dans le passé et dans l'avenir, nons ne discutons pas et nous nous réservons d'examiner. Voilà quelle serait la formule que nous adopterions.
Que voulez-vous de plus ? Nous nous abstenons précisément parce que vous tronvez que les discussions politiques sont inopportunes. Eh bien, nous n'examinerons pas les actes. Comme on dit à côté de moi, c'est de l'abstention et rien autre chose.
Je ne discuterai pas davantage parce que je ne veux pas entrer dans les faits. Mais il y a des faits et beaucoup de faits posés et auxquels je ne puis donner mon approbation. Il y a dans l'adresse même des actes énoncés que je dois condamner. Or, en votant l'adresse telle qu'on me la demande, ce serait élever contre toute critique ultérieure une espèce de fin de non-recevoir que je ne veux pas me voir opposer plus tard.
Je crois donc que ceux qui veulent de la franchise, qui veulent que les positions soient nettes, simples pour tout le monde, doivent accepter l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom. L'honorable M. Vandenpeereboom, dans son amendement, ne dit pas autre chose que ce que tous les membres de la gauche ont déclaré tour à tour. Il n'y a pas là la moindre ambiguïté. Nous déclarons que nous examinerons toutes les mesures qui nous seront proposées avec la plus entière impartialité, et quand nous le disons, c'est que notre intention est de tenir notre promesse. Le lendemain du jour où nous aurons voté un amendement de cette nature, nous ne viendrons pas faire de la politique tantôt à propos d'une loi sanitaire des animaux domestiques, tantôt sur une loi interprétative d'un règlement de police, tantôt sur des mesures, si possible, moins importantes encore. Nous examinerons avec impartialité, pour ce qu'ils sont et ce qu'ils valent, les projets qui nous seront présentés, nous ne ferons pas une opposition qui affaiblisse le pouvoir même, et sous ce rapport, nous établirons une différence avec ce qui s'est passé antérieurement.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Je ne sais si, après toutes les explications qui viennent d'être échangées, les positions se trouvent plus nettement dessinées qu'elles ne l’étaient hier.
Le gouvernement tient à répéter encore ce qu'il vous a dit dans la séance précédente, alors que l'amendement a été proposé.
Un vote de confiance, le gouvernement ne le demande pas à la Chambre ; un vote de défiance, il n'entend pas le subir. Entre ces deux extrêmes, il y a le concours loyal, dont un gouvernement a besoin. Car enfin, il est impossible qu'un ministère gouverne sans le concours des Chambres. Ce concours, vous voulez le borner aux questions purement administratives.
D'après nous et d'après les antécédents de la Chambre, chacun peut, sans renoncer aux opinions qu'il professe et qu'il a le devoir de défendre, prêter un loyal concours à un cabinet pour la direction générale des affaires politiques d'un pays. Il m'est arrivé bien souvent d'appuyer la politique générale d'un cabinet dont les opinions ne me convenaient pas, et je n'ai certes pas entendu apostasier pour cela.
Messieurs, soyons francs ; l'opposition est parfaitement en droit de chercher une occasion de se dessiner ; cela est parfaitement constitutionnel. Mais qu'on le dise.
M. Devaux. - Je demande la parole. Nous sommes francs dans nos opinions. Vos paroles sont une injure.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Mais, vous-même vous avez dit hier, que vous vouliez des positions franches et nettes.
C'était donc aussi dire indirectement que nous ne les voulions pas, c'était donc aussi nous adresser une injure.
J'aurais pu m'élever avec le même droit contre votre observation.
Je le répète, messieus, sous toutes ces explications, il y a une position que le cabinet désire rendre nette ; et puisque l'honorable membre la veut nette aussi, expliquons-nous une bonne fois. Disons que ceux qui admettront la rédaction du dernier paragraphe du projet d'adresse reconnaîtront que le cabinet actuel est dans les circonstances présentes le gouvernement qui convient au pays : mais que ceux qui trouvent que dans les circonstances actuelles ce cabinet ne convient pas, le proclament nettement. Mais, ni moi, personnellement, ni aucun membre du cabinet nous ne pouvons accepter la position fausse et amoindrie qu'on veut nous faire.
Si c'est aux simples affaires administratives que l’on veut borner le concours de la Chambre, je n'accepte pas ce concours ainsi limité. Je (page 31) ne consens point à descendre au simple rang de commis administratif. Je veux rester ministre ou m'en aller.
M. de Theux. - Il se passe réellement quelque chose de très singulier dans cette discussion. Je suppose que la commission d'adresse eût présenté la rédaction de l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom, l'honorable membre aurait dû combattre la commission d'adresse et présenter la rédaction que vous soumet la commission. Je vais le prouver en très peu de mots.
Le gouvernement offre au pays, au parlement et je dirai spécialement à la partie opposante du parlement, la garantie, la promesse de gouverner avec droiture et avec modération. Je suppose que la commission ait passé sous silence ces deux mots et qu'elle se soit bornée à déclarer que la Chambre prêtera un concours loyal aux mesures utiles que le gouvernement présentera.
Qu'aurait demandé un membre de l'opposition ? Mais quel est le but de la commission ? Pourquoi a-t-elle passé sous silence la promesse de gouverner avec droiture et modération ? Elle désire donc que le gouvernement n'ait pas de droiture ; elle désire que le gouvernement n'ait pas de modération ?
La commission, organe d'une fraction de la Chambre, veut peser sur le gouvernement pour l'engager à poser des actes de domination.
Certes il eût été difficile de répondre à un semblable reproche.
La commission, composée en majorité de cette fraction de la Chambre qui marche d'accord avec le gouvernement, prend acte de cette déclaration de vouloir gouverner avec droiture et modération, non seulement quant aux actes administratifs, mais aussi quant aux actes politiques, et c'est l'opposition, qui avait intérêt à ce que le gouvernement prît cet engagement, à ce que la partie du parlement qui appuie le gouvernement, acceptât cette promesse, c'est l'opposition qui s'en plaint.
Messieurs, rappelons les faits ; ils ne sont pas loin de nous.
Lors de la retraite du ministère de l'honorable M. de Brouckcre, le pouvoir a été offert aux principaux membres de la gauche. Aucun d'eux n'a accepté. On est venu déclarer que la position d'un ministère pris parmi les membres influents de la gauche n'eût pas été tenable. Eh bien, que vouliez-vous ? Que le pays restât sans cabinet ? Ou aviez-vous l'intention de rendre la marche du gouvernement impossible, quels que fussent les membres du cabinet ? Vous ne l'avouerez pas ; vous ne pouviez avoir cette intention.
Que pouviez-vous donc demander au cabinet qui s'est formé à la suite de votre refus ? Vous ne pouviez lui demander que deux choses : la droiture dans la politique et dans l'administration et la modération. Au-delà toute demande de votre part serait insensée, car vous ne pouvez pas demander que le cabinet passe à gauche et remplisse le rôle des membres les plus influents de la gauche. Si vous demandez plus que de la modération et de la droiture, vous demandez le renversement du cabinet et vous déclarez par cela même que vous êtes prêts à accepter le pouvoir. Eh bien, alors il ne fallait pas jouer la comédie ; il fallait accepter le pouvoir quand le Roi vous l'a offert. Maintenant il est trop tard pour se repentir.
L'honorable M. Verhaegen a fait des réserves relativement à quelques actes du ministère ; est-ce donc à cause de ces réserves, à cause d'actes qui n'ont point été discutés dans cette enceinte, dont la discussion est renvoyée aux budgets, est-ce à cause de ces actes que vous allez adopter l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom ? Assurément non ; cette manière de procéder ne serait point digne. Nous aurons, sans doute, à l'occasion de l'un ou de l'autre budget, une discussion sur les actes déjà posés ; cette discussion, il ne tiendra qu'à vous de l'ouvrir quand vous le jugerez convenable.
Le cabinet vous répondra ; d'autres membres de la Chambre prendront peut-être part au débat. Alors on jugera les griefs que vous aurez à articuler.
Mais puisque cette discussion est ajournée, il ne s'agit en ce moment que des déclarations que le gouvernement vous a faites sur ses intentions. La droiture du gouvernement ne peut être mise en doute par personne, et j'ai considéré ce qui est dit à cet égard comme une espèce de répétition de ce qui se trouve dans le discours du Trône relativement au pays, qui se distingue par la droiture et la modération. Quant à la modération du cabinet, elle sera constatée par les projets de lois que le gouvernement présentera et par la politique qu'il suivra. Mais la modération, vous ne pouvez pas la repousser en principe, vous devez l'accepter, il est de l'intérêt du pays qu'elle soit acceptée par vous comme par nous. Les circonstances commandent impérieusement la modération dans la politique et dans la conduite du gouvernement. Vouloir suivre une polilique contraire, vouloir une division de partis à outrance, ce ne serait pas conforme à l'intérêt national, ce le serait moins dans les circonstances actuelles qu'en toutes autres.
Que vouliez-vous donc ? Expliquez-moi, s'il tous plaît, le sens de l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom ? L'honorable M. Vandenpeereboom refuse de répondre au paragraphe du discours du Trône en ce qui concerne la probité politique, la droiture ; il le passe sous silence. Mais la droiture des intentions du cabinet est-elle donc mise en suspicion ? Pourquoi donc laissez-vous décote ces mois de modération ? Vous ne voulez donc pas de modération ? Vous voulez donc une politique à outrance ?
Vous voulez donc la division radicale entre partis dans le parlement et dans le pays ? (Interruption.) Eh bien, si telle n'est pas votre intention, vous ne pouvez pas logiquement adopter l'amendement de M. Vandenpeerenboom.
Messieurs, on nous a reproché de nous être abstenus sur l'adresse, de 1847. Eh bien, je ne crains point de rendre de nouveau compte à la Chambre des motifs qui nous ont guidés à cette époque. Le cabinet de 1847 n'annonçait point du tout une politique de modération, au moins quant à nous. Il s'intitulait : « politique nouvelle, condamnation de la politique du passé. » Pouvions-nous voter pour un cabinet qui se présentait ainsi ? Assurément non.
C'eût été une lâcheté de notre part, une lâcheté dont j'espère qu'aucun de nos amis, pas plus que moi, n'est capable. Qu'avons-nous fait ? Avons-nous cherché à embarrasser le gouvernement ? Avons-nous présenté un amendement à l'adresse ? Pas le moins du monde. Nous avons dit que nous ne pouvions pas accepter la condamnation de notre politique, parce que nous croyons qu'elle avait été juste, loyale, conforme aux intérêts du pays ; mais au lieu de susciter des embarras au gouvernement, nous nous sommes abstenus.
Voter aujourd'hui l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom, ce n'est pas admissible. Mettre en suspicion la droiture d'intentions du gouvernement, ce n'est pas admissible, l'honorable membre n'oserait pas avouer que telle est la portée de son amendement.
L'honorable membre ne veut pas non plus répudier une politique modérée. Qu'est-ce donc que son amendement ? C'est dire : Nous n'avons pas foi dans votre déclaration ; nous n'avons pas foi dans votre programme. Voilà, messieurs, ce que vous dites à priori, et je n'hésite pas à dire que M. le ministre de l'intérieur a parfaitement bien fait de poser la question de cabinet sur cet amendement. L'accepter était incompatible avec la dignité et l'honneur des hommes qui composent le cabinet.
M. Devaux. - Messieurs, je ne comptais plus prendre part à la discussion. J'ai dit quelques mots hier, et mon seul but était de faire voir qu'en me ralliant à l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom, je n'avais d'autre intention que de réserver l'émission de mon opinion sur la question polilique. Je dois aujourd'hui ajouter quelques mots, parce que j'ai entendu l'accusation de défaut de franchise et défaut de modération adressée à ceux qui appuient l'amendement. Cette double accusation est partie du banc ministériel et de plusieurs autres bancs.
Pour moi, messieurs, il y a modération et modération. La modération à mon sens doit être franche, elle doit savoir dire à tous ce qu'elle veut, jusqu'où elle va et où elle s'arrête ; quant à cette modération par exemple qui consiste à se trouver subitement dans l'antichambre aur moment où il faudrait voter ici, ce n'est pas la mienne. La modération qui consiste à être d'un autre avis au scrutin secret qu'à l'appel nominal, n'est pas la mienne non plus ; celle qui consiste dans les questions politiques à alléguer des raisons d'économie politique pour voter toujours du même côté, toujours avec la droite, je ne la pratique et ne l'estime pas davantage ; ma modération ose dire à tout le monde ce qu'elle veut ; elle ne se cache pas, elle ne s'enveloppe pas de la nuit du scrutin secret, elle se montre au grand jour telle qu'elle est aux amis et aux ennemis.
Est-ce à dire que parce que je suis modéré, je doive donner au ministère toute déclaration qu'il lui plaira d'exiger de moi. Je ne veux nullement travailler au renversement du cabinet, mais il ne faut pas pour cela qu'il vienne m'imposer l'expression de ma sympathie pour sa couleur politique.
Un ministère sorti des rangs de nos adversaires viendra me demander, le couteau sur la gorge, de déclarer, dans une solennelle adresse, que sa politique a ma sympathie. (Interruption.) Eh bien, si votre demande de concours n'est pas cela, elle ne signifie rien, c'est une équivoque, une puérilité.
Que signifie votre concours ? L'honorable M. Dechamps ne peut pas nous le dire : il se renferme dans des équivoques. M. le ministre de l'intérieur y a mis plus de franchise ; il vient de nous dire que c'est déclarer que le ministère actuel est le meilleur qui convienne au pays dans les circonstances actuelles.
Cette déclaration, je dis qu'on ne peut pas la demander à ceux qui siègent sur nos bancs. Un ministère qui a la majorité dans le parlement est toujours le seul qui convienne aux circonstances. La minorité n'aurait donc jamais le droit de refuser son concours à un ministère parlementaire. Messieurs, il ne faut pas oublier qu'il y a des ministères de résignation, et il ne faut pas demander à ceux qui se résignent des congratulations et des témoignages de sympathie qui ressemblent à des chants de triomphe.
La commission d'adresse nous dit : « Je ne pouvais pas faire autrement ; le ministère avait demandé notre concours ; il fallait bien le lui donner ou le lui refuser ; le lui refuser, c'eût été lui faire injure. »
Mais, messieurs, est-ce nous qui avons fait le discours du Trône ? Est-ce nous qui avons demandé le concours.
Le ministère nous dit à son tour : Puisque ces mots sont dans le discours du Trône et dans la réponse de l'adresse, les effacer serait une déclaration de défiance. Je réponds au ministre : Si vous avez fait la faute dans le discours du Trône, et si votre faute a entraîné celle de la commission, composée de vos amis, est-ce à nous à la réparer ? Faut-il que nous vous donnions ce que nos convictions et notre honneur nous défendent de vous accorder, parce que vous avez eu le tort de le demander ? (page 32) Ce que vous avez de mieux à faire, c'est de reconnaître votre faute.
Si vous vouliez obtenir dans l'adresse l'adhésion d'autres rangs que ceux dont vous sortez, vous ne deviez pas faire un appel à nos sympathies politiques, vous deviez vous contenter du concours qu'on était prêt à vous donner pour les mesures administratives.
Messieurs, dans mon sens et dans celui de l'honorable M. Vandenpeereboom, l'amendement n'a que cette portée : c'est de nous réserver la libre expression de nos sympathies politiques, et de ne pas garantir notre concours politique à un ministère sorti des rangs de nos adversaires.
Les journaux, a-t-on dit, le lendemain du vote, s'empresseront de nous classer.
Oui, messieurs, les journaux classeront d'un côté ceux qui accordent leurs sympathies politiques au cabinet et ceux qui gardent à cet égard une réserve très prudente et très modérée, et les journaux comme l'opinion publique en cela auront parfaitement raison. Je sais que cela peut gêner quelques-uns, cela peut paraître contrariant, mais enfin quand on siège dans une Chambre il faut bien se résigner quelquefois à avoir une opinion et finir quoiqu'on en ait par être un jour de la majorité ou de la minorité.
Messieurs, il est si vrai que j'obéis à ce que je crois une nécessité et non à un sentiment d'hostilité envers le ministère, que je suis disposé, si l'amendement est rejeté, à faire comme l'honorable M. de Theux et ses amis ont fait en 1847, c'est-à-dire à ne pas repousser l'adresse, mais à m'abstenir, afin de mieux marquer quelles ont été mes intentions dans cette discussion.
On voulait davantage des membres qui siègent de ce côté. Je le répète, on fait la plus grande faute en demandant un concours loyal sans autre limitation.
Qu'on me permette de le dire en finissant, l'épithète est singulièrement choisie : « Concours loyal ! »
Quand M. le ministre de l'intérieur l'interprète dans un sens et que les membres de la commission viennent vous prouver d'autre part que les plus grands ennemis politiques du ministère pourraient lui promettre ce concours, tant il est insignifiant, un tel concours, messieurs, n'est pas loyal, il est louche, il est peu digne de la Chambre, il ne peut convenir à des hommes francs.
Je persiste à appuyer l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom. (Aux voix ! aux voix !)
M. Vandenpeereboom. - Messieurs, la Chambre désire clore la discussion, je renoncerai à la parole ; j'aurais désiré de répondre aux honorables membres qui ont combattu mon amendement et qui ont déplacé la question, je ne puis cependant m'abstenir de dire à M. Rousselle qu'il a vu dans mon amendement tout autre chose que ce que cet amendement dit en réalité.
L'honorable membre prétend que je veux renverser le cabinet, il va plus loin ; il prétend que d'honorables amis et moi voulons porter une atteinte directe à la prérogative royale.
Je ne puis, messieurs, en mon nom, je ne puis au nom de mes honorables amis, laisser passer une pareille allégation sans protestation ; cette accusation est injuste, je dirai même qu'elle est odieuse, elle nous froisse surtout de la part d'un membre qui siège sur nos bancs et qui jadis votait avec nous.
Quand j'ai l'honneur de parler et d'être appuyé par un grand nombre de membres de cette Chambre, je ne puis souffrir qu'on nous jette à la face de pareilles accusations, accusations que l'on colporte plus tard dans le public, et que la presse reproduit, car ces accusations faussent l'attitude que veut prendre une fraction nombreuse et honorable de cette assemblée.
M. Rousselle. - Messieurs, l'honorable membre vient de qualifier arec une rigueur extrême et trop de vivacité une opinion que j'ai manifestée dans la Chambre. J'ai dit que l'amendement de l'honorable membre contenait, suivant moi, une défiance envers les hommes, et qu'une défiance envers les hommes pouvait jusqu'à un certain point atteindre la prérogative royale. C'est dans ce sens et non autrement que je me suis exprimé. Je maintiens encore que la défiance envers les membres d'un cabinet et non envers leurs actes peut prendre les proportions d'une atteinte à la prérogative royale, et dansl’rémission d'une pareille opinion, on aurait tort de voir une accusation reprouvée par les règles parlementaires.
- Il est procédé au vote par appel nominal.
M. le président. - En voici le résultat :
91 membres ont répondu à l'appel.
42 membres ont répondu oui.
49 membres ont répondu non.
- Plusieurs membres. - C'est une erreur, les chiffres sont 43 et 48.
M. le président. - J'avais trouvé aussi 43 et 48, mais deux membres du bureau ayant trouvé 42 et 49, comme j'étais seul de mon avis j'ai dû me rallier à la majorité.
M. Verhaegen. - Je ne veux pas insister, mais l'erreur se constatera demain par l'inspection des noms aux Annales parlementaires.
M. le président. - L'amendement n'est pas adopté.
- Ont répondu oui : MM. Lesoinne, Loos, Manilius, Mascart, Moreau, Orts, Pierre, Prévinaire, Tesch, Thiéfry, Vandenpeereboom, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Verhaegen, Vervoort, Veydt, Allard, Ansiau, Anspach, Closset, Coppieters 't Wallant, David, de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckart, Delfosse, Deliége, de Moor, de Perceval, de Pitteurs, Dequesne, de Renesse, de Steenhault, Devaux, Dubus, Frère-Orban, Goblet, Jouret, Lange, Laubry, Lebeau et Lelièvre (43).
Ont répondu non : MM. Maertens, Magherman, Malou, Matthieu, Mercier, Moncheur, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rousselle, Tack, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Van Cromphaut, Vander Donckt, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Wasseige, Brixhe, Calmeyn, Coomans, Dechamps, de Decker, de Haerne, de La Coste, Della Faille, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Portemont, de Ruddere de te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, Dumon, Dumortier, Faignart, Jacques, Janssens, Julliot, Lambin, Landeloos, le Bailly de Tillegbem et Delehaye (48).
- Le dernier paragraphe de l'adresse est ensuite mis aux voix et adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet d'adresse.
En voici le résultat :
Nombre des votants, 89.
50 membres votent pour.
18 votent contre.
21 s'abstiennent.
La Chambre adopte.
Ont voté pour : MM. Maertens, Magherman, Malou, Matthieu, Mercier, Moncheur, Osy, Pirmez, Rodenbach, RousselIe, Tack, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Van Cromphaut, Vander Donckt, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Wasseige, Brixhe, Calmeyn, Coomans, de Baillet-Lalour, Dechamps, de Decker, de Haerne, de La Coste, Della Faille, de Man d'Attenrode, de Mérode-Westerloo, de Naeyer, de Portemont, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, Dumon, Dumortier, Faignart, Jacques, Janssens, Julliot, Lambin, Landeloos, le Bailly de Tilleghem et Delehaye (48).
Ont voté contre : MM. Lesoinne, Moreau, Orts, Pierre, Prévinaire, Tesch, Thiéfry, Verhaegen, Ansiau, Closset, David, de Bronckart, Delfosse, Deliége, de Pitteurs, Dubus, Frère-Orban et Goblet.
Se sont abstenus : MM. Loos, Manilius, Mascart, Vandenpeereboom, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Vervoort, Veydt, Allard, Anspach, Coppieters t' Wallant, de Breyne, de Moor, de Perceval, de Steenhault, Devaux, Lange, Laubry, Lebeau et Lelièvre.
M. le président président invite les membres qui se sont abstenus à motiver leur abstention.
M. Loos. - Je suis disposé à donner au gouvernement un concours loyal, mais limité dans le sens du discours de l'honorable M. Devaux. J'aurais été heureux de pouvoir lui donner un témoignage en votant l'adresse. Les explications que M. le ministre de l'intérieur a données à la Chambre me prouvent qu'il exige davantage. Ce qu'il exige, de plus, je ne puis le lui accorder. J'ai donc été obligé de m'abstenir.
M. Manilius. - Je ne me suis pas abstenu parce que j'aurais de la défiance envers le ministère, mais parce que j'aurais voulu voir adopter l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom, dont la rédaction est plus claire à mes yeux que celle du projet d'adresse.
M. Mascart. - Je me suis abstenu par les motifs que l'honorable M. Devaux a énoncés dans la discussion.
M. Vandenpeereboom. - Je me suis abstenu par les motifs que j'ai fait valoir dans la discussion.
M. Van Grootven, M. Van Hoorebeke, M. Van Iseghem, M. Vervoort, M. Veydt., M. Allard, M. Anspach, M. Coppieters, M. de Breyne, M. de Moor, M. de Perceval, M. de Steenhault, M. Devaux, M. Lange, M. Laubry et M. Lebeau déclarent s'être abstenus par les mêmes motifs que M. Loos.
M. Lelièvre. - Le ministère ne représentant pas l'opinion libérale, je n'ai pu lui promettre mon concours dans les questions politiques ; d'un autre côté, j'étais prêt à lui donner mon concours pour toutes mesures utiles aux intérêts du pays, en un mot dans le sens de l'amendement de l'honorable M. Vandenpeereboom.
Cet amendement ayant été rejeté, j'ai dû m'abstenir sur le vote de l'adresse.
M. le ministre des finances (M. Mercier) présente les projets de loi ci-après :
Crédit de 412,000 francs au ministère de la justice ;
Crédit de 800,000 francs pour venir en aide aux employés inférieurs de l'Etat dont le traitement est inférieur à 1,400 francs et aux ouvriers journaliers salariés par l'Etat.
Crédit de 1,983,444 fr. au département des travaux publics.
(page 33) Il est procédé à la désignation, par la voie du sort, de la grande députation chargée de présenter l'adresse au Roi. Elle se compose de M. le président de la Chambre et de MM. Moncheur, Lebeau, Dechamps, Orts, Landeloos, Lambin, de T'Serclaes, Osy, de Perceval, de Pitteurs et Jouret.
M. le président. - Les sections se sont occupées hier du budget des voies et moyens. MM. les présidents des sections ont témoigné le désir que le premier objet à soumettre aux délibérations des sections fût le projet sur les denrées alimentaires. Malheureusement quelques documents n'ont pu encore être distribués. J'invite les sections à s'occuper, aussitôt que possible, de l'examen de ce projet.
- La séance est levée à cinq heures et un quart.