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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 31 mai 1855

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1854-1855)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1267) M. Maertens procède à l'appel nominal à midi et un quart.

M. Vermeire donne lecture duprocès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

M. Maertens présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.

Pièces adressées à la chambre

« L'administration communale de Turnhout présente des observations en faveur du projet de loi relatif à la concession du chemin de fer de Contich à Lierre. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.


« Le sieur Clermont présente des observations relatives au projet de loi concernant le tarif des correspondances télégraphiques et demande l'adoption, pour toute la Belgique, de la taxe uniforme de 25 mots nets et la réduction de moitié du prix des timbres-poste. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi et renvoi à la commission des pétitions.


« Le conseil communal de Monceau-sur-Sambre demande l'établissement d'un chemin de fer de Luttres à Denderleeuw par Nivelles et Hal. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des propriétaires à Gand demandent la construction des chemins de fer de Saint-Ghislain à Gand, Eecloo et Terneuzen et de Marchiennes à Jurbise, dont la concession est sollicitée par les sieurs Delaveleye et Moucheron, de Haussy et Rasquin. »

« Même demande d'autres habitants de Gand et du conseil communal de Roulers. »

- Sur la proposition de M. T'Kint de Naeyer, renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.


« Les sieurs Delaveleye et Moucheron prient la Chambre d'autoriser M. le ministre des travaux publics à leur accorder la concession d'un chemin de fer de Saint-Ghislain à Gand, par Alh et Sottegem. »

M. Rodenbach. - Messieurs, comme vous venez de l'entendre, plusieurs pétitions nous sont encore arrivées aujourd'hui de Roulers et de Gand, pour appuyer la demande de concession d'un chemin de fer de Saint-Ghislain à Gand. Il paraît que l'enquête relativement à ce chemin de fer est totalement terminée et que le million qu'on pourrait exiger pour le cautionnement est prêt. Je demande donc qu'il nous soit fait un très prompt rapport sur ces diverses pétitions, et tout an moins avant le terme de nos travaux.

- La proposition de M. Rodenbach est adoptée.


« Par message du 29 mai, le Sénat transmet à la Chambre, avec les pièces à l'appui, la demande de grande naturalisation du sieur François-Charles Bisserot, lieutenant d'artillerie, qui vient d'être prise en considération par cette assemblée. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Par message du 30 mai, le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté ;

« Le projet de loi sur la police des irrigations en Campine ;

« Le projet de loi qui modifie l'article 216 du Code de commerce ;

« Le projet de loi qui alloue au département des finances un crédit de 900,120 fr. 95 c ;

« Le projet de loi contenant le budget du ministère des affaires étrangères, pour l'exercice 1856 ;

« Le projet de loi qui autorise l'aliénation des biens domaniaux. »

- Pris pour notification.

Projet de loi relatif au droit d'enregistrement sur les contrats d'entreprise payés par le gouvernement

Rapport de la section centrale

M. Moreau. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi relatif au droit d'enregistrement sur les contrats d'entreprise payés par le gouvernement.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite des objets à l'ordre du jour.

Pièces adressées à la chambre

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - J'ai l'honneur de déposer le rapport sur la situation des écoles agricoles de réforme de Ruysselede et de Beernem pendant l'année 1854.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

Rapports sur des pétitions

M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, par pétition datée de Braine-le-Comte, le 18 décembre 1854, le sieur Ballieux, capitaine pensionné, présente des observations au sujet des explications données par le gouvernement sur les pétitions des officiers pensionnés en vertu de la loi du 24 mai 1838.

Par pétition datée de St-Josse-ten-Noode, le 20 décembre 1854, le sieur Duyckere demande une augmentation de pension pour les anciens officiers des volontaires.

Par pétition datée d'Arlon, le 20 décembre 1854, le sieur de Kersmaeker présente des observations sur les explications données par le gouvernement au sujet des pétitions d'anciens officiers pensionnés.

Par pétition datée d'Anvers, le 13 mai 1855, le lieutenant-colonel Duvivier demande une augmentation de pension.

Par pétition datée d'Anvers, le 19 mai 1855, le sieur Thierry, capitaine pensionné, demande qu'il lui soit fait application de l'article 20 de la loi du 24 mai 1838 sur les pensions militaires.

Même demande du sieur Lefèbvre, officier pensionné, respectable vieillard octogénaire, et qui est digne de toute la sollicitude du gouvernement.

Messieurs, votre commission, en présence du rapport très détaillé qu'elle a eu l'honneur de vous présenter, sur cette affaire, dans la séance du 6 décembre 1854, et auquel elle se réfère ;

Considérant que plusieurs de ces pétitions ont été imprimées et distribuées aux honorables membres de la Chambre, en présence de la discussion récente qui a eu lieu dans la séance du 21 de ce mois, à ce sujet, n'a pas cru devoir entrer dans de nouveaux détails qui ne pouvaient être que des répétitions et des redites ; elle se borne à recommander de nouveau cette affaire à la sollicitude du gouvernement et a l'honneur de vous proposer le renvoi de ces pétitions à M. le ministre » de la guerre.

M. Lelièvre. - J'appuie les conclusions de la commission et je prie le gouvernement de présenter, pour la prochaine session, un projet de loi qui fera droit aux justes réclamations des pétitionnaires.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, par pétition datée de Namur, le 5 mai 1855, les avocats Anciaux et Fallon, à Namur, prient la Chambre de s'occuper de l'interprétation de la loi du 8 janvier 1817 sur la milice, interprétation devenue nécessaire par suite du conflit entre les dépurations permanentes des provinces de Namur et de Liège et la cour de cassation. Ils sont formulé leur demande en ces termes :

« La loi du 8 janvier 1817 donne en ce moment lieu à interprétation législalive par suite du conflit existant entre les dépuiaiions permanentes des provinces de Namur et de Liège et la cour de cassation pour l'interprétation de cette loi. Il vous appartient de décider si les conseils de milice et les députations permanentes des conseils provinciaux, appelés par la loi à apprécier tous les motifs d'exemption qui sont produits devant eux et à contrôler les certificats délivrés dans la forme légale, sont également juges des motifs qui ont pu faire refuser ces certificats (loi du 8 janvier 1817, articles 94, 112, 133, 139, 185, 186 et 190).

« La solution de cette question est de la plus grande urgence. Elle intéresse un grand nombre de familles plongées dans la misère par l'incorporation dans l'armée de ceux qui pourvoient à leur subsistance, et qui malgré l'admission de leurs pourvois par arrêts de la cour suprême, n'en ont pas moins été obligés de se rendre à leur corps. C'est au nom de ces miliciens que les soussignés osent vous prier, messieurs, de vouloir bien vous occuper sans retard de la solution de cette question, de donner une interprétation à cette loi qui intéresse à un si haut point le pays tout entier. »

Votre commission, messieurs, recommande à l'attention bienveillante de M. le ministre de la justice cette affaire importante, et qui offre un degré d'urgence, en ce qu'elle oblige, peut-être illégalement, des citoyens à rester sous les armes ; elle a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre de la justice.

M. Lelièvre - J'adhère aux conclusions de la commission et je prie le gouvernement de faire droit à la réclamation. Celle-ci ayant un caractère évident d'urgence, il est indispensable qu'on ne tarde pas à s'en occuper.

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Je reconnais que la question est urgente ; les départements de la justice et de l'intérieur en font l'étude. Il s'agit de se prononcer entre la cour de cassation qui décide dans un sens et les députations permanentes qui ont admis une juris prudence contraire. Je répète que la question est à l'étude, et une décision sera prise le plus tôt possible.

M. Lelièvre. - Jusqu'à ce que le gouvernement ait examiné la question, je pense que M. le ministre de la guerre pourrait accorder un congé provisoire aux miliciens qui se trouvent sous les drapeaux et dont le système a été adopté par la cour de cassation. Il est juste de ne pas retenir au service des individus qui doivent en être exempts aux termes de la décision de la cour suprême.

Je recommande donc cette mesure juste et équitable à M. le ministre de la guerre.

M. de Muelenaere. - Messieurs, tout ce qui concerne la milice rentre plus particulièrement dans les attributions du département (page 1268) de l'intérieur ; je proposerai de renvoyer la pétition au ministère de la justice et au ministère de l'intérieur.,

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi portant cession au concessionnaire du chemin de fer de Lierre à Turnhout de la section du chemin de fer comprise entre Lierre et Contich

Rapport de la section centrale

M. Prévinaire dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de concession du chemin de fer de Contich à Lierre.

- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite de l'ordre du jour.

Pièces adressées à la chambre

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker) (pour une motion d’ordre). - Messieurs, d’après certaines dispositions des lois organiques de l'instruction publique, le gouvernement doit présenter tous les trois ans un rapport sur l'état de l'enseignement primaire et de l'enseignement moyen. On s’occupe activement de la rédaction du quatrième rapport triennal sur l’état de l'instruction primaire ; il en est de même du premier rapport triennl concernant l'instruction moyenne. Des crédits sont alloués au budget pour la publication de ces rapports. Ne pouvant les déposer avant la séparation de la Chambre, je demanderai l'autorisation de les faire imprimer dans l'intervalle des deux sessions. On les enverrait à domicile aux membres.

- La proposition de M. le ministre de l'intérieur est adoptée.

Projet de loi prorogeant le tarif des télégraphes

Discussion générale

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Messieurs, l'honorable M. Osy a demandé hier pourquoi le gouvernement n'avait pas accepté la proposition de réduction réciproque des taxes internationales, faite par la compagnie continentale anglaise qui exploite la ligne d'Ostende à Douvres. Les motifs qui ont arrêté mon honorable prédécesseur (car la solution de cette question ne vient pas de moi) peuvent se résumer en deux mots ; c'est que la compagnie voulait faire supporter à la Belgique une part de réduction beaucoup plus considérable que celle qu'elle acceptait elle-même.

Elle voulait imposer à l'Etat une réduction de 37 p. c. sur les recettes que le gouvernement perçoit du chef de transmission des dépêches ; tandis qu'elle n'offrait, en retour, qu'un sacrifice de 18 p. c. sur sa part de transmissions.

Le but était de faire concurrence à la ligne électrique d'une autre compagnie qui exploite le télégraphe sous-marin de Scheveningen vers l'Angleterre et d'attirer en Belgique tout le transit des dépêches vers l'Allemagne.

Or, chaque dépêche transmise dans ces circonstances aurait rapporté, en moyenne, à la compagnie 7 ou 8 fr., et au gouvernement belge 3 fr. 75 c. seulement. Ainsi, là où la compagnie avait un intérêt double, elle ne voulait s'imposer qu'un sacrifice beaucoup moindre.

Le département des travaux publics n'a pas refusé, en principe, de négocier, mais il n'a voulu le faire que sur des bases égales. Il a offert une réduction de 2 fr. 50 c. de part et d'autre, de manière à laisser intacte la taxe de 5 fr. qu'il désire maintenir, au moins, quant à présent, pour la transmission des dépêches internationales.

Quant au but que s'est proposé la compagnie, il n'est pas certain qu'il aurait pu être atteint par le sacrifice qu'on proposait à l'Etat, car les deux lignes de la Haye et d'Ostende ne sont pas dans les mêmes conditions. Je crois que celle de la Haye aura toujours un avantage réel, en ce sens que cette compagnie est en communication directe par ses propres fils avec un nombre de stations anglaises beaucoup plus considérable, et nous en avons la preuve, en ce que, malgré une certaine augmentation de la taxe, elle fait encore transiter par la Haye et la Belgique un certain nombre de dépêches en destination directe, de l'Angleterre pour la France. Ainsi, l'on emprunte le territoire belge pour la transmission de dépêches destinées à la France.

L'honorable M. Osy s'est étonné qu'un grand nombre de dépêches de l'Angleterre vers la partie méridionale de l'Allemagne ait emprunté les lignes françaises, de préférence à la ligne d'Ostende et de la Belgique. Il suffit de citer les relations auxquelles l'honorable membre a fait son application pour être convaincu que le contraire était impossible. Il est évident que du moment où la France est reliée directement à l'Allemagne méridionale, il est impossible à la Belgique de conserver des relations vers Vienne, Trieste, Turin et Gênes. Si une chose doit étonner, c'est qu'un certain nombre de dépêches aient encore pris la voie belge.

L'honorable M. Loos trouve que toutes les taxes en Belgique sont encore beaucoup trop élevées. Il les compare à celles qui sont établies dans les pays étrangers et à celles de la compagnie qui a exploité précédemment et avant la reprise par l'Etat la ligne d'Anvers à Bruxelles.

Le gouvernement a fait le même travail, et nous avons montré dans l'exposé des motifs, au tableau II, une application comparative des divers tarifs européens aux relations principales de la Belgique.

Le tarif belge, pensons-nous, est analogue, quant à présent, pour la plupart des relations existant en France et en Allemagne. Mais par suite de l’adoption de modifications que le département des travaux publics se propose d'adopter, il va devenir plus favorable que celui qui est actuellement en usage dans ces deux pays.

Quant aux Pays-Bas, il est vrai que la laxe est de beaucoup inférieure ; la perception de la dépêche simple est à un taux bien plus bas en Hollande qu'en Belgique.

Mais faisons la comparaison et du mouvement et de la recette. Je ne puis pas donner à la Chambre le tableau de ce rapprochement pour l'année 1854, je ne possède aucun des documents nécessaires pour cette appréciation. Mais si nous faisons la comparaison pour 1853, nous trouvons qu'en Belgique la moyenne, par mois, a été de 4,338 dépêches, qui ont rapporté au gouvernement 21,651 fr., tandis que dans les Pays-Bas le nombre des dépêches transmises moyennement par mois a été de 5,198 dépêches, et la recette de 5,293 florins, soit en francs 11,027 francs à peu près.

Ainsi le résultat du tarif des Pays-Bas est de mille dépêches de plus, par mois et de 10 mille francs de recettes de moins.

L'honorable M. Loos a cité également la société qui exploitait la ligne de Malines, Bruxelles et Anvers, et qui à cette époque prélevait une taxe inférieure à celle que le gouvernement a admise.

Le résultat annuel est de 9,464 fr. de recettes pour 4,554 dépêches, soit 2,08 par dépêche, en comprenant les dépêches doubles, triples ou collationnées, et un certain nombre de réponses qui à cette époque étaient taxées à 70 c. Ce tarif était certainement assez bas ; voyons ce qui est arrivé des relations et des produits des mêmes stations depuis que le tarif actuel a été établi. En 1854 les mêmes bureaux ont fourni 7,196 dépêches qui ont produit 19,034 francs, c'est-à-dire une recette double.

On n'est donc pas fondé à dire que le gouvernement repousse par son tarif un accroissement de dépêches qui viendrait augmenter les recettes. Les seules augmentations de trafic que le gouvernement n'accepte qu'avec réserve, sont celles qui ne doivent qu'augmenter le mouvement sans apporter aucune amélioration au trésor public.

A propos de cette augmentation de trafic que le gouvernement ne cherche pas à provoquer, il y a une certaine remarque à faire, c'est que le mouvement moyen ne se répartit pas dans toute la journée d'une manière uniforme ; un grand nombre de dépêches sont présentées à la fois aux mêmes heures ; l'administration sous peine de discréditer son service et de mécontenter le public, doit organiser des moyens suffisants, non pour satisfaire à la moyenne des dépêches présentées, mais pour faire face à ce maximum, il faut un personnel et un matériel suffisants pour faire face à l'affluence des dépêches qui n'arrivent qu'à certaines heures de la journée. Dans les conditions actuelles des bureaux télégraphiques, une seule ligne ne peut pas échanger plus de 12 à 15 dépêches par heure ; si on en présente sept à chaque bureau extrême, les dernières dépêches inscrites sont reculées d'une heure ; si cela se présente souvent, il y a nécessité, pour que le service ne soit pas entravé, d'augmenter le nombre des fils, des appareils et le personnel.

Or, en augmentant tout ce qui est nécessaire pour le service, on augmente les dépenses. Une augmentation de trafic sans augmentation de bénéfices aurait pour résultat de faire payer à la majorité des contribuables des avantages dont un petit nombre seulement peut profiter.

Voilà pourquoi le gouvernement n'a pas pu se rallier immédiatement, dès à présent, aux propositions de la section centrale dont le résultat serait d'augmenter le nombre des dépêches, d'entraver le service sans donner une augmentation de recettes correspondante aux sacrifices qu'on devrait faire.

M. Van Iseghem, rapporteur. - Je commencerai par répondre à cette observation de l'honorable M. Julliot, présentée dans la séance d'hier, que si l'usage du télégraphe prenait une grande extension, il pourrait en résulter une diminution dans le produit des lettres. Je crois le contraire, car généralement quand on a envoyé une dépêche télégraphique on la confirme par lettre expédiée par la poste. Au lieu que ce soit une diminution pour la poste aux lettres, c'est plutôt une augmentation ; de plus les dépêches expédiées par le télégraphe ne le seront jamais par la poste.

L'honorable ministre des travaux publics qui vient de prendre la parole nous a dit que la compagnie anglaise qui a fait des propositions au gouvernement demande pour le transit la taxe uniforme de 3 75, et que la perte que devrait subir le trésor public belge serait plus considérable que celle qu'éprouverait la compagnie.

D'après ce qu'on est venu me rapporter, la compagnie prend l'engagement de transmettre toutes les dépèches qui viennent de la Belgique pour toutes les villes du Royaume-Uni, à 10 fr. par dépêche, elle doit donc traiter avec toutes les autres compagnies de l'intérieur de l'Angleterre, qui doivent recevoir les dépêches, soit de Londres à Glascow, de Londres à Liverpool, etc.

Par conséquent, la compagnie anglaise doit subir une perte beaucoup plus grande que celle indiquée par l'honorable M. Dumon.

M. le ministre nous a dit aussi qu'on ne pouvait expédier que tant de dépêches par heure.

Comme la ligne de Calais à Douvres appartient à la même compagnie que celle de Douvres à Ostende et qu'en outre le nombre des dépêches est considérable sur la première ligne, du moment où le gouvernement aura réduit le prix à 3 fr. 75 c, la compagnie se servirait de la ligne d'Ostende, ce serait son intérêt, et le trésor aura une recette considérable.

Pendant le premier trimestre de cette année, comme vous l'a dit hier l'honorable M. Osy, on a expédié par Calais 1,184 dépêches pour l'Allemagne et l'Italie, et par la voie d'Ostende seulement 4 dépêches. Ces 1,184 dépêches auraient rapporté à 3 fr. 75 c. au gouvernement belge une somme de 44,250 fr., ce qui, multiplié par 4, produirait 177,000 fr. (page 1269) pa ran. Un résultat pareil mérite qu'on y attache quelque importance.

Ainsi, loin de diminuer les recettes, nous voulons les augmenter. Je pense même que si M. le ministre des travaux publics voulait établir la taxe uniforme pour l'intérieur du pays, il ne serait nullement tenu de faire la même réduction à la compagnie anglaise ou aux autres compagnies pour les dépêches expédiées en transit ou internationales.

Supposez que nous admettions la taxe uniforme de 2 fr. 50 C. pour l'intérieur ; on doit considérer cette taxe comme une compensation entre toutes les localités. Ainsi, une personne qui habite la Belgique payera 2 fr. 50 c, aussi bien pour les dépêches expédiées à une distance de 10 kilomètres qu'à une distance de 200 kilomètres. La Belgique se trouvant dans cette position ; pourrait-on admettre les prétentions de l'étranger d'expédier par notre territoire les dépêches au même prix de 2 fr. 50, si, toutes, elles doivent être expédiées de l'une à l'autre extrémité du pays, par conséquent les plus fortes distances ?

En terminant, j'engage de nouveau le gouvernement à admettre immédiatement la taxé de 2 fr. 50 c. pour les dépêches intérieures.

M. Prévinaire. - Je partage entièrement l'avis qui vient d'être exprimé. Je crois qu'en ce qui concerne la transmission des dépêches télégraphiques à l'intérieur du pays, rien ne justifie une différence de taxe par rapport à la distance.

Je conçois que le gouvernement veuille se réserver certains moyens de négociation avec l'étranger. Mais pour la transmission d'une dépêche télégraphique à l'intérieur la distance n'est rien.

La Chambre a consacré le principe de l'unité de la taxe en ce qui concerne le service de la poste. Une réserve a été faite quant à l'application, mais l'unité de la taxe a été consacrée par la loi.

Pour la poste, une différence pourrait, jusqu'à un certain point, se justifier à raison du service plus grand qu'on rend en transportant une dépêche à une distance plus grande. Mais la même considération ne peut être invoquée pour la transmission des dépêches télégraphiques.

Messieurs, il est évident que l'abaissement de la taxe doit produire des résultats plus considérables, et plus avantageux pour le trésor,

Si j'ai bien compris les considérations que vient de présenter M. le ministre des travaux publics, il tirerait une conséquence inverse de cette circonstance quand il a fait remarquer que certains bureaux précédemment exploités par une compagnie produisaient aujourd'hui plus que précédemment, bien que le tarif de l'Etat fût plus élevé que celui de la compagnie.

Il me semble impossible de soutenir que la réduction du tarif soit de nature à restreindre de l'usage du télégraphe. Le contraire me paraît tomber sous le sens. L'élévation de la taxe me paraît de nature à ralentir la progression qui se manifeste dans l'emploi du télégraphe.

Comme il est constaté d'autre part que le capital employé à l'organisation du télégraphe produit un très bel intérêt, je pense que de ce côté il ne peut y avoir lieu à hésitation, dût-on ne pas voir se développer l'usage du télégraphe par suite de l'établissement de la taxe uniforme.

Si je consens à confier au gouvernement un service comme celui de la télégraphie, j'entends que le gouvernement fasse jouir le public d'avantages plus considérables que ne pourrait en offrir une compagnie.

Le gouvernement par le nombre de ses employés, par la situation de ses bureaux, est en position de faire jouir le public de plus grands avantages que ne pourrait le faire une compagnie.

D'autre part il n'existe aucune considération pour que le service de la télégraphie soit réservé au gouvernement. Il n'en est pas de ce service comme de celui de la poste auquel se rattachent des intérêts qu'il est bon que le gouvernement sauvegarde.

J'espère que le gouvernement nous proposera au début de la session prochaine une nouvelle loi pour faire décréter l'uniformité de la taxe en ce qui concerne les dépêches à l'intérieur.

Les questions de tarif intérieur et de tarif étranger me paraissent devoir être isolées complètement. Si l'on voulait les rattacher l'une à l'autre en prétendant que l'étranger trouverait un appât à la fraude dans une réduction considérable de prix pour les dépêches à l'intérieur et que l'on pourrait fractionner les dépêches pour les faire transiter à meilleur compte, mais ce serait un argument qui n'aurait aucune force.

Messieurs, si le gouvernement ne croyait pas pouvoir nous proposer l'établissement d'une taxe uniforme, je suis décidé à saisir moi-même la Chambre, à l'ouverture de la session prochaine, d'une proposition dans ce sens.

Puisque j'ai parlé de la poste, je désire adresser à M. le ministre des travaux publics une interpellation au sujet de l'application de la loi de 1849.

L'article 10 de cette loi sur la réforme postale porte ce qui suit ;

« Le gouvernement est autorisé à appliquer aux lettres transportées à une distance excédant 30 kilomètres, la taxe de 10 centimes par lettre simple, dès que le produit net de la poste aura atteint la somme de deux millions de francs par année. »

Messieurs, le moment est arrivé de demander au gouvernement s'il compte, oui ou non, user de cette faculté que la loi lui a donnée et qui n'est que la conséquence du principe inséré dans la loi.

Messieurs, le produit de la poste pour l'année 1853 a été de. 3,780,000 fr. D'après les derniers comptes-rendus sur la comptabilité de l'Etat, documents parlementaires de 1854, on trouve que la dépense totale de la poste a été en 1853 de 1,607,000 fr.

La balance donne donc un produit net de plus de deux millions, et le gouvernement peut d'autant moins se refuser à user de la faculté que lui donne la loi, que le produit de la poste est encore en voie de progrès par suite de la réforme. Je prie M. le ministre des travaux publics de bien vouloir nous dire quelles sont ses intentions à cet égard.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Messieurs, je ne suivrai pas l'honorable M. Prévinaire dans les considérations qu'il a fait valoir à l'égard de la taxe des dépêches télégraphiques. Je suis d'accord avec lui qu'il est désirable que toutes les portions du pays puissent transmettre leurs dépêches au même taux et que ce ne sont pas quelques kilomètres de plus qui peuvent avoir de l'influence sur les prix.

J'ai dit hier à la Chambre, et je répète, que le gouvernement, en établissant une taxe différentielle, est mû par le désir d aider ses négociateurs dans des conférences qui doivent avoir lieu prochainement.

En ce qui concerne la poste, les produits augmentent réellement d'année en année, mais je n'oserais pas dire avec l'honorable M. Prévinaire que le bénéfice net soit aujourd'hui de 2 millions. Je crois qu'il s'en faut encore de quelque chose.

Le calcul de l'honorable membre est incomplet, en ce sens qu'il ne fait pas entrer en ligne de compte les transports que le chemin de fer effectue gratuitement pour le service de la poste. Je crois qu'en ne tenant compte que des dépenses directement affectées par le budget au service des postes, il y a réellement 2 millions de recettes. Mais il est juste aussi de faire entrer en ligne de compte la dépense que le chemin de fer supporte pour assurer le service des postes, dépenses qui rentrent dans le service général de l'exploitation.

Au reste, je crois que le moment n'est pas venu de discuter cette question. Elle se rattache directement au budget des voies et moyens qui sera discuté à votre rentrée, et alors, nous aurons à faire connaître quelles sont les intentions du gouvernement eu égard à l'état des finances.

M. Loos. - J'ai écouté avec beauconp d'attention les explications données par l'honorable ministre des travaux publics, et je dois le dire, les convictions que j'avais hier, je continue à les avoir malgré ces explications. L'honorable ministre des travaux publics semble n'être préoccupé que de la crainte d'avoir trop de dépêches, de devoir augmenter le personnel ; il yous a dit que si, les dépêches devenant plus nombreuses, il fallait augmenter le personnel, les recettes n’augmenteraient pas en proporlion des dépenses. Mais la Chambre n'admettra pas que si le nombre des dépêches venait à augmenter d'une manière considérablc de façon à nécessiter une augmentation de personnel, la recette n'augmenterait pas dans uuc proportion tout à fait satisfaisante pour le trésor public.

L'honorable ministre des travaux publics vient de reconnaître qu'il n'est pas équitable d'avoir une double taxe dans l'intérieur du pays. Seulement il veut se réserver un moyen de négociation. Mais en faisant cette déclaration, M. le ministre doit supposer que l'étranger ne lit pas les Annales parlementaires. Car s'il les lit, il connaîtra la pensée du gouvernement et il pourra ne pas tenir compte dans les négociations des prétentions basées sur la taxe intérieure.

Mais je ne puis admettre les craintes de M. le ministre. Quand on négocie avec l'étranger pour la transmission des dépêches, on peut lui dire ; Je vous offre tels avantages ; voilà le prix que je veux pour le transit de vos dépêches, je ne puis vous accorder davantage. Vous comprendrez très bien que les négociateurs étrangers adopteront les propositions du gouvernement belge s'ils y trouvent des avantages qu'ils ne rencontrent pas sur d'autres lignes que dans le cas oit ils ne trouvent pas à faire une économie, ils ne se serviront pas de la ligne belge. Les compagnies étrangères s'adresseront où elles pourront être servies avec le plus de célérité et d'économie. Vos réserves ne serviront donc à rien.

J'avais dit moi-même hier que je ne connaissais pas les produits de l'exploitation télégraphique en Hollande. Seulement je faisais ressortir la grande différence qui existait entre les prix admis en Hollande et ceux que l'on paye en Belgique.

L'honorable ministre, pour combattre l'influence que cet argument aurait pu exercer sur vos esprits, vous a dit qu'il ne connaissait pas lui-même les produits pour 1854 ; mais pour 1855, il vous a cité les résultats de l'exploitation. Il en a fait ressortir que les produits de l'exploitation télégraphique hollandaise comparée à ceux de l'exploitation en Belgique seraient à l'avantage de notre pays.

J'aurais préféré que M. le ministre, ne connaissant pas les résultats de l'exploitation de 1854, eût fait comme moi, qu'il eût réservé ses explications à ce sujet pour une autre occasion ; car, messieurs, en Hollande, l'honorable ministre ne nous a pas dit quelle était l'étendue des lignes télégraphiques. Tout ce qu'il a dit relativement aux produits n 'a donc aucune signification. En 1855, la télégraphie n'était pas développée en Hollande. Il aurait fallu mettre l'étendue en regard des produits ; c'était le seul moyen d'apprécier quel est le meilleur des deux systèmes.

L'honorable ministre nous parle de l'embarras qui résulterait d'un (page 1270) nombre trop considérable de dépêches. Je sais que les dépêches arrivent presque toutes à la même époque de la journée, dans un espace de quelques heures, et que, par conséquent, il faudrait augmenter le nombre des employés dans une forte proportion ; mais cette dépense serait bien plus que compensée par l'augmentation des recettes.

Je sais aussi qu'on ne peut transmettre qu'un certain nombre de dépêches par jour, mais il serait facile d'établir un fil de plus.

Je dis, messieurs, qu'il ne faut négliger aucun moyen de faire produire le télégraphe. On se tromperait fort si l'on croyait que j'ai seulement pour but de procurer des avantages aux particuliers. Je trouve que le gouvernement a entre les mains un instrument qui peut donner de notables recettes au trésor, et mes observations tendent surtout à augmenter ces recettes. Ce que je demande se fait déjà dans les autres pays et l'expérience en a démontré l'utilité et le profit.

M. de Mérode. - Je voudrais, messieurs, voir cesser cette discussion, attendu que nous avons à nous occuper de tant d'autres objets de la plus haute importance et d'un intérêt bien plus considérable que celui qui se rattache au télégraphe. Je ne dirai donc rien en ce moment, je m'oppose seulement à ce que le gouvernement sacrifie ses voies et moyens.

M. Osy. - Messieurs, je serai très court. S'il s'agissait de réduire les recettes de l'Etat, je serais le premier à m'y opposer, car je connais la situation financière du pays et rappelez-vous que dans d'autres circonstances c'est nous qui avons augmenté les revenus du trésor contrairement aux vues du département des travaux publics.

C'est nous qui avons fait adopter le tarif du chemin de fer qui rapporte 600,000 fr. de plus, c'est nous qui avons fait adopter le supplément d'un quart pour les express-trains qui donnent une augmentation de recettes de 300,000 fr. Eh bien, messieurs, c'est encore dans l'intérêt du trésor que nous demandons l'abaissement du tarif des télégraphes.

Nous ne demandons pas, messieurs, que le gouvernement abaisse le tarif avant d'avoir fait des conventions avec les télégraphes étrangers ; mais nous demandons qu'il fasse tous ses efforts pour conclure ces conventions et attirer autant que possible le transit dans le pays.

Quant à l'intérieur, nous demandons l'uniformité du tarif, ce qui occasionnerait une diminution de 2,000 fr. sur le nombre actuel des dépêches ; mais vous comprenez parfaitement, messieurs, que quand on pourra envoyer une dépêche d'Ostende ou d'Anvers à Verviers et réciproquement pour 2 francs 50, il y aura une augmentation considérable du nombre des dépêches. Le gouvernement récupérera largement de ce chef la faible diminution qu'il nous annonce devoir résulter de la réduction du tarif. Non seulement il récupérera cette perte, mais je suis convaincu qu'il y aura une grande augmentation de recettes.

- La discussion est close.

Vote de l’article unique

« Article unique. Les dispositions de la loi du 1er mars 1851, concernant le tarif des correspondances télégraphiques, sont prorogées jusqu'au 1er mai 1856. »

- Cet article est mis aux voix par appel nominal et adopté à l'unanimité de 76 membres présents.

Ce sont : MM. T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Van Renynghe, Verhaegcn, Vermeire, Vervoort, Visart, Boulez, Brixhe, Closset, Coomans, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckart, Dechamps, de Decker, de Haerne, de La Coste, Deliége, Della Faille, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, de Theux, de Wouters, Dubus, Dumon, Frère-Orban, Goblet, Jacques, Janssens, Jouret, Julliot, Lambin, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Manilius, Mascart, Matthieu, Mercier, Moreau, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rousselle, Sinave, Tack, Tesch, Thiéfry et Delehaye.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des travaux publics

Discussion générale

M. le président. - Depuis la présentation de ce projet, le gouvernement a demandé une nouvelle somme de 74 fr. 14 c.

La section centrale propose l'adoption du projet ainsi que de la somme de 74 fr. 14 c.

M. Osy. - Messieurs, je regrette qu'on vienne encore nous demander des crédits supplémentaires pour le département des travaux publics. Je conçois qu'on ait dû nous proposer des crédits supplémentaires pour la houille, les huiles et les graisses dont le gouvernement ne pouvait pas prévoir le surenchérissement. Quant aux autres dépenses, le gouvernement aurait pu les prévoir dans le budget de 1854. En prévoyant une augmentation de recette, on devait prévoir une augmentation de trafic, et dès lors établir en conséquence les allocations du budget des dépenses. Tous les ans on vient avec des crédits supplémentaires pour éviter de faire connaître dans le budget même quels sont les besoins réels de service.

Dans le cas actuel les crédits sont dépassés même pour le personnel. Dans le projet que nous avons discuté hier et qui se rapporte au canal de Schipdonck, on a dépensé sur la somme qu'on a allouée hier une somme de 205,000 francs pour le personnel. Je ne puis pas approuver cette marche.

J'engage fortement M. le ministre des travaux publics à se rendre bien compte des besoins réels de son département avant la discussion du budget de 1856, et de faire en sorte que le budget que nous voterons soit une vérité, car aujourd'hui, avec les crédits supplémentaires, les budgets ne signifient rien.

J'ai à faire une autre observation ; il y a dans le projet de loi des propositions de crédit qui se rapportent à des exercices depuis longtemps clos. J'engage le gouvernement à s'en tenir aux dispositions de la loi de comptabilité, et à faire encourir la déchéance aux créances qui ne seront pas produites en temps utile.

M. Van Hoorebeke$. - Messieurs, les crédits supplémentaires que vous êtes appelés à voter se rapportent à un exercice auquel le ministère actuel est complètement étranger, la Chambre comprendra dès lors'raon intervention dans ce débat.

Je pourrais me livrer à de longs développements au sujet de cette demande de crédits supplémentaires, mais je pense que la Chambre ne voudra pas prolonger inutilement un débat qui serait, en toute hypothèse, sans issue ; je me bornerai à rencontrer d'une manière générale les observations que vient de présenter l'honorable M. Osy.

Je regrette avec cet honorable membre que ces crédits supplémentaires se produisent régulièrement tous les ans ; j'exprime avec lui le voeu qu'ils ne se reproduisent plus ; mais je crains beaucoup que ce vœu ne soit complètement stérile, et surtout à l'égard du département des travaux publics.

En effet, quoi qu'en dise l'honorable M. Osy, il sera toujours difficile, pour ne pas dire impossible, à ce département, d'établir des prévisions exactes.

L'honorable M. Osy, en disant que le département des travaux publics et le ministre surtout auraient dû, lorsqu'on discutait le budget de 1854, présenter les dépenses au chiffre réel, a perdu de vue ce qui a en lieu à l'égard de ce budget.

Conformément aux dispositions de la loi de comptabilité, il a été présenté dans les premiers mois de 1853 ; il a été discuté à la fin de 1853 ; j'ai rectifié ce budget, c'est-à-dire que j'ai demandé l'augmentation de crédit qui était supposée nécessaire.

On se trouvait en face d'une hausse sur le coke de 8 francs en moyenne par tonneau. J'ai calculé sur les quantités jugées indispensables, sur 60,000 tonneaux ; j'ai porté de ce chef une augmentation de 500,000 fr. ; pour les fers, j'ai également demandé, par voie d'amendement, un crédit de 400,000 fr.

Eh bien, malgré ces précautions prises par l'administration, il se trouve qu'en réalité on a encore dépassé d'environ 200,000 fr. l'allocation pour le combustible. Cela tient donc à des causes qui sont en dehors de toutes les prévisions.

Je comprendrais que, si l'on avait pu, au commencement de 1854 prévoir le développement de trafic qui a eu lieu dans l'année, on aurait pu faire de ce chef un reproche de n'avoir pas porté au budget des allocations suffisantes. Mais tout le monde se rappellera que, pendant les premiers mois de 1854, le développement a été tel, qu'il eût été impossible à l'homme le plus prévoyant de le supposer. Il était hors de proportion avec tout ce qui avait eu lieu précédemment.

Les deux premiers mois de 1854 sur les deux premiers mois de 1853 avaient présenté une augmentation de 60 mille tonnes ; les deux premiers mois de 1854 par rapport aux deux premiers mois de 1855 ont présenté une augmentation de plus de 200 mille tonnes.

Il était donc impossible de prévoir ces augmentations, à moins de présenter un budget en bloc avec des allocations plus ou moins hasardées.

L'honorable membre s'est également étonné que le gouvernement ait porté cent mille francs pour le personnel attaché à la construction du canal de Schipdonck ; c'est une erreur de la part de l'honorable membre ; il n'a pas remarqué que les sommes portées concernent non seulement les dépenses du personnel, mais les travaux ; que dans la décomposition des cent mille francs concernant le canal de Schipdonck, 26 mille fr. seulement sont destinés à un personnel temporaire qui quittera le service quand le canal sera achevé.

De même, pour les travaux d'Ostende une dépense de 4,000 francs figure pour des agents temporaires. Vous pouvez le voir dans les annexes à l'exposé des motifs.

Je n'entrerai pas dans d'autres développements, je ferai seulement remarquer que la situation que présente le chemin de fer de l'Etat est commune à toutes les entreprises de chemins de fer. J'ai examiné les comptes rendus de toutes les grandes compagnies ; elles se trouvent daus la même situation que le chemin de fer belge.

J'ai le tableau des dépenses du chemin de fer du Nord en 1853 et 1854. En 1853 elles ont été de 11,630,000 fr. ; en 1854 le réseau étant resté le même, elles ont été de 14,281,000 fr. c'est-à-dire qu'il a fallu un crédit supérieur de 2,600,000 fr. soit de 33 p. c.

Pour la ligne d'Orléans, même résultat.

L’honorable M. Osy a dit également que l'augmentation provenant de l'élévation du prix des matières premières ne devrait figurer que pour 500,000 francs. Je ne sais où il a puisé son chiffre.

A la section centrale, quand le budget a été modifié sur la proposition du ministre, le gouvernement a indiqué l'importance de cette augmentation. Voici dans quelle proportion elle a eu lieu.

(page 1271) 1° 5,670,000 francs ont été dépensés en 1854 ; en appliquant les prix de 1852 aux quantités consommées en 1854, la dépense n'aurait dû être que de 4,210,000 fr,, de sorte que l'augmentation due à la hausse des matières premières est de 1,425,000 fr. Si vous ajoutez à cela les 300,000 ou 400,000 fr. de dépenses résultant de l'insuffisance des salaires que le renchérissement de toutes choses vous a mis dans l'obligation d'élever dans une certaine mesure vous arrivez au chiffre de deux millions que vous devez trouver complètement justifié.

- La discussion est close.

Vote des articles et sur l'ensemble du porjet

« Art. 1er. Des dépenses se rapportant à des exercices clos (1853 et antérieurs) pourront être imputées à charge du budget des travaux publics, pour l'exercice 1854, jusqu'à concurrence de 66,398 fr. 36 c, elles formeront, audit budget, un chapitre VIII additionnel, subdivisé comme il suit :

« (Le détail des crédits supplémentaires, d’importance fort limitée, n’est pas repris dans la présente version numérisée.) »

- Adopté.


« Art. 2. Il est ouvert au département des travaux publics des crédits supplémentaires, à concurrence de un million neuf cent quarante-six mille quatre-vingt-six francs soixante-sept centimes (fr. 1,946,086-67), destinés à couvrir les insuffisances que présentent certaines allocations du budget des dépenses pour l'exercice 1854.

« Ces crédits sont répartis de la manière suivante et rattachés aux divers services indiqués ci-après :

« Chapitre premier. Administration centrale

« Art. 3. Frais de route et de séjour : fr. 2,087 30.

« Art. 4. Salaire des hommes de peine, des ouvriers, etc. : fr. 3,892,67.

« Chapitre II. Ponts et chaussées.

« Ponts et chaussées

« Art. 13. Canal de Pommerœul à Antoing : fr. 8,964 80.

« Art. 24 Canal de Gand à Ostende : fr. 21,918 85.

« Art. 32. Canal latéral à la Meuse : fr. 2,621 77.

« Art. 37. Polder de Lillo: fr. 7,000.

« Art. 40. Côte de Blankenberghe : fr. 771, 87

« Chapitre IV. Chemins de fer, postes et télégraphes

« Première section. Voies et travaux.

« Art. 58. Salaire des agents payés à la journée : fr. 52,000.

« Art. 59. Matériaux, engins, outils et ustensiles : fr. 500.

« Art 60. Travaux et fournitures : fr. 75,000.

« Deuxième section. Traction et arsenal.

« Art. 62. Salaire des agents payés à la journée : fr. 121,000.

« Art. 63. Primes d'économie et de régularité : fr. 59,000.

« Art. 64. Combustible et autres consommations pour la traction des convois : fr. 174,000 »

« Art. 65. Entretien, réparation et renouvellement du matériel : fr. 582,000.

« Art. 66. Redevances aux compagnies pour l'usage de leur matériel : fr. 185,000.

« Troisième section. Mouvement et trafic

« Art. 67. (page 1272) Traitements et indemnités des fonctionnaires et employés : fr. 29,500.

« Art. 68. Salaire des agents payés à la journée et manœuvres : fr. 290,000.

« Art. 69. Frais d'exploitation : fr. 99,500.

« Art. 70. Camionnage : fr. 20,000.

« Art. 71. Pertes et avaries : fr. 40,000.

« Quatrième section. Télégraphes

« Art. 72. Traitements et indemnités des fonctionnaires et employés : fr.10,500.

« Art. 73. Salaire des agents payés à la journée : fr. 6,800.

« Art. 74. Entretien : fr. 1,500

« Cinquième section. Service en général.

« Art. 75. Traitements et indemnités des fonctionnaires et employés : fr. 3,300.

« Art. 77. Matériel et fournitures de bureau : fr. 62,000.

« Septième section. Postes.

« Art. 81. Traitements et indemnités des fonctionnaires et employés : fr. 15,400.

« Art. 83. Transport des dépêches : fr. 18,000.

« Art. 84. Matériel, fournitures de bureau, frais de loyer et de régie : fr. 9,000.

« Chapitre VII. Dépenses imprévues

« Art. 87. Entretien du canal de Zelzaete : fr. 44,829 41.

« Total : fr. 1,946,086 67. »

- Adopté.


« Art. 3. Ces crédits seront couverts au moyen des ressources ordinaires de l'exercice 1854. »

- Adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi, qui est adopté à l'unanimité des 78 membres présents.

Ce sont : MM. T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Van Renynghe, Verhaegen, Vermeire, Vervoort, Vilain XIIII, Visart, Wasseige, Boulez, Brixhe, Closset, Coomans, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckart, Dechamps, de Decker, de Haerne, de La Coste, Deliége, Della Faille, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, de Theux, Devaux, de Wouters, Dumon, Dumortier, Frère-Orban, Goblet, Jacques, Janssens, Jouret, Julliot, Lambin, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne. Loos, Maertens, Magherman, Manilius, Mascart, Matthieu, Moreau, Orts, Osy, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rousselle, Sinave, Tack, Tesch, Thiéfry et Delehaye.

Projet de loi autorisant l'échéance de propriétés de l’Etat à Poperinghe

Vote de l’article unique

L'article unique du projet est ainsi conçu ;

« Article unique. La convention conclue, le 27 avril 1855, avec la dame Henriette Van den Berghe et consorts, ayant pour objet l'échange de la caserne de gendarmerie, située à Poperinghe, contre une propriété située en la même ville, est approuvée ; et le gouvernement est autorisé à réaliser cet échange, par acte en due forme, à passer aux frais des parties requérantes. »

- Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal sur ce projet, qui est adopté à l'unanimité des 79 membres présents.

Ce sont : MM. T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Crompbaut, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Van Renynghe, Verhaegen, Vermeire, Vervoort, Vilain XIIII, Visart, Wasseige, Boulez, Brixhe, Closset, Coomans, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckart, de Decker, de Haerne, de La Coste, Deliége, Della Faille, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, de Royer, de Sécus, de Theux, Devaux, de Wouters, Dubus, Dumon, Dumortier, Frère-Orban, Goblet, Jacques, Janssens, Julliot, Lambin, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Manilius, Mascart, Matthieu, Mercier, Moreau, Orts, Osy, Pierre, Pirmèz, Prévinaire, Rodenbach, Rousselle, Sinave, Tack, Tesch, Thiéfry, de Naeyer et Delehaye.

Motion d’ordre

Demande d'extradition

M. Verhaegen. - Messieurs, à l'ouverture de la séance de demain, je désire interpeller le ministère sur des faits excessivement graves, qui se rattachent à une demande d'extradition. J'ai l'honneur d'en informer M. le ministre de la justice et M. le ministre des affaires étrangères pour qu'ils veuillent bien être présents à la séance.

Si un autre jour convenait mieux à MM. les ministres, nous pourrions le fixer d'un commun accord.

M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Ne pourriez-vous fare immédiatement votre interpellation ? Le gouvernement y répondrait peut-être à l'instant même.

M. Verhaegen. - J'en ai parlé tantôt à l'honorable ministre des affaires étrangères qui m'a témoigné le désir que l'interpellation n'eût pas lieu aujourd'hui. C'est pour satisfaire à ce désir que je l'ai remise à demain.

- La Chambre décide qu’elle entendra les interpellations de M. Verhaegen demain, à l'ouverture de la séance.

Projet de loi prorogeant les délais pour l'achevement du chemin de ter du luxembourg

Discussion générale

M. Lelièvre. - Je crois devoir approuver le projet de loi, parce que je suis convaincu que son adoption est indispensable pour conduire à bonne fin une entreprise qui doit procurer au Luxembourg et au pays entier des avantages qu'il est impossible de ne pas apprécier.

Il est évident que prononcer la déchéance de la société concessionnaire, c'est retarder, pour un temps dont on ne peut calculer la durée, l'achèvement d'un chemin de fer éminemment utile.

D'un autre côté, des mesures extrêmes de cette nature ne peuvent être décrétées que par les considérations les plus graves. Or, le gouvernement, en position d'apprécier les considérations qui militent en faveur de la société, estime qu'il existe des circonstances propres à justifier les retards apportés à l'exécution du contrat intervenu.

Les événements politiques ont amené des difficultés financières, qui sont par conséquent le résultat de ces cas fortuits dont il serait injuste de rendre la société victime.

D'un autre côté, déjà des travaux considérables ont été exécutés et il serait peu équitable de rendre ces dépenses frustratoires pour une compagnie qui a fait preuve de bon vouloir.

Jamais, du reste, en aucune occurrence, on n'a appliqué rigoureusement les causes de déchéance, et il n'existe dans l'espèce aucun motif sérieux qui doive engager la législature à s'écarter des précédents en semblable matière.

Si les actionnaires ont été victimes d'actes d'improbité commis par quelques-uns de ceux à qui ils avaient accordé leur confiance, ce n'est pas certes une raison d'aggraver une position qui mérite, au contraire, plus de faveur et justifie les mesures équitables proposées par le gouvernement.

Enfin, il est évident, à mon avis, qu'accorder la prorogation des délais énoncés au projet de loi, c'est réellement contribuer au succès de travaux importants d'utilité publique qui doivent changer la face de contrées privées jusqu'à ce jour des avantages dont jouissent les autres provinces, travaux qui, du reste, auront une influence marquée sur la prospérité du pays entier.

Je n'hésite donc pas à me rallier à un projet dont les avantages ne peuvent être sérieusement contestés. Le rejeter ou l'ajourner, ce serait remettre en problème une entreprise dont l'exécution aura les résultats les plus favorables aux intérêts généraux.

L'information judiciaire à laquelle il est procédé en ce moment ne peut avoir aucune influence sur le sort du projet. Je désire que l'instruction nous révèle les auteurs des actes criminels ou d'indélicatesse qui peuvent avoir été commis, mais cela n'a rien de commun avec la nécessité d'arrêter les mesures propres à ne pas entraver la réalisation de travaux d'une utilité qu'il est impossible de méconnaître ; et d'un autre côté, il serait injuste de rendre les actionnaires de la société du Luxembourg responsables de faits commis à leur préjudice.

J'engage, du reste, le gouvernement à stipuler dans la nouvelle convention toutes les garanties qu'il jugera convenable pour assurer l'exécution des travaux, et j'espère que M. le ministre ne négligera rien pour sauvegarder les intérêts qui lui sont confiés.

Cet objet mérite toute sa sollicitude, car il arrive souvent que par (page 1273) suite de conventions trop légèrement conclues avec des entrepreneurs, les intérêts de l'Etat sont gravement compromis.

En donnant mon assentiment au projet de loi, j'engage le gouvernement à permettre l'exploitation immédiate de la partie de la ligne du chemin de fer de Bruxelles à Rhisnes. Cette mise en activité est impatiemment désirée par de nombreuses populations, elle est justifiée par les motifs les plus graves et des besoins urgents. Je ne puis doue que m'associer au vœu émis à cet égard par la section centrale et je prie M. le ministre de ne pas tarder à y faire droit.

M. Dumortier. - Messieurs, je ne viens pas demander à cette Chambre de prononcer la déchéance de la société du Luxembourg, bien qu'aux termes de son contrat, il soit loisible à la Chambre de le faire. Je ne viens pas demander de prononcer cette déchéance. Je veux, au contraire, me faire une arme de l'état de déchéance réelle dans lequel la société du Luxembourg se trouve pour arriver à la connaissance de la vérité sur les faits si graves qui vous ont préoccupés dans (page 1282) plusieurs séances au sujet des fonds distribués par elle pour des résultats honteux.

La question qui se présente devant vous peut être envisagée sous plusieurs aspects, savoir ;

1° Au point de vue d'actes d'improbité commis par des actionnaires vis-à-vis les uns des autres. De cette question nous n'avons pas à nous occuper ; c'est aux tribunaux à prononcer.

2° Des intérêts de l'Etat dans la combinaison nouvelle qui serait adoptée pour relever cette société de la déchéance qu'elle a encourue, et je n'ai pas à m'en occuper puisque je soutiens qu'en ce moment il n'y a pas lieu de relever la société de la déchéance.

Enfin, c'est toute la question devant le parlement, de l'accusation si grave, dont tous les journaux ont retenti, de corruption du parlement dans cette affaire.

Permettez-moi de vous rappeler en peu de mots les faits.

C'est dans la séance du 6 février dernier que la Chambre a ordonné l'impression des documents relatifs à la révélation d'une distribution de 2 millions et demi de francs d'actions libérées de cette société pour services secrets. Déjà dans cette séance, j'avais eu l'honneur d'appeler l'attention de la Chambre sur la question de savoir s'il ne serait pas nécessaire d'ouvrir une enquête sur ce point, et surtout si, lorsque la société viendrait nous demander à être relevée de la déchéance, nous ne devrions pas nous prévaloir de cette demande pour arriver à la connaissance de la vérité.

Le lendemain, à la séance du 7 février, à l'occasion d'une pétition adressée de la province de Luxembourg pour demander la reprise des travaux du chemin de fer qui devait traverser cette contrée, une vive discussion s'est engagée dans cette Chambre, et la Chambre, comprenant tout ce qu'elle devait à sa dignité, a décidé de ne pas accueillir cette pétition, et d'en ajourner l'examen jusqu'au moment où elle discuterait la question résultant de l'impression et de la traduction de ce qui s'était passé dans le meeting du 23 décembre, dont les indications venaient de parvenir à notre connaissance.

La Chambre décida qu'elle ne voulait point renvoyer au ministre, ni avec demande d'explications ni sans cette demande, la pétition qui postulait la reprise des travaux.

Elle le décida parce qu'elle avait la ferme volonté d'examiner par elle-même tout ce qui est relatif à cette accusation si grave, afin que notre pays, qui jusqu'ici a joui en Europe d'une juste réputation d'honnêteté et d'incorruptibilité, ne reste pas sous le coup de soupçons qui ne peuvent qu'affaiblir ce qui reste encore dans l'Europe continentale du régime constitutionnel.

L'impression tarda quelque temps et c'est seulement le 20 février que nous reçûmes la première partie des documents. La deuxième partie ne nous fut remise que le 19 mars.

Cependant, messieurs, le 2 mars, le ministère avait donné sa démission. Eh bien, le lendemain de sa mort, le 3 mars, il avait saisi le pouvoir judiciaire de la question.

M. Van Hoorebeke. - C'est une erreur complète. C'est le 15 février que j'ai écrit à M. le ministre de la justice.

M. Dumortier. - C'est le 3 mars ; j'ai eu la lettre en mains ce matin. (Interruption.) Au reste quand ce serait le 15 février, cela ne changerait rien à la question.

M. Van Hoorebeke. - Voyez la dépêche.

M. Dumortier. - J'ai eu la lettre en mains ce matin même, elle est du 3 mars, c'est-à-dire, le lendemain de la mort du cabinet.

M. Coomans. - La lettre de M. le ministre de la justice peut-être ?

M. Dumortier. - C'est la lettre qui saisit l'ordre judiciaire de la question. Je continue.

Un fait constant, c'est que la Chambre, en ordonnant l'impression des documents, en votant l'ajournement sur la pétition des Luxembourgeois qui demandaient la reprise des travaux, avait manifesté clairement l'intention de se saisir elle-même de la question ; et tous les orateurs qui avaient pris la parole ont déclaré énergiquement qu'ils feraient une proposition en ce sens aussitôt que les documents seraient imprimés. Il est donc assez étrange qu'en présence de cette situation le cabinet défunt ait saisi les tribunaux d'une affaire que la Chambre manifestait vouloir se réserver et qu'il les en ait saisis avant même que les pièces ne vous fussent distribuées.

Ce n'est donc que le 19 mars que la Chambre reçut le complément des pièces. Nous étions alors sans ministère. Pas de discussion possible. Plus tard est arrivé le nouveau ministère, et la Chambre n'a pas eu jusqu'à ce jour l'occasion de s'occuper de cette grave et importante question.

Maintenant, messieurs, quels sont les faits ? Ils sont à votre connaissance. Permettez-moi de les rappeler.

Il y avait dans la compagnie du Luxembourg des abus considérables, des abus de tout genre. Parmi les directeurs de cette compagnie se trouvait un homme d'une honorabilité parfaite, irréprochable, M. Charles Lyall. M. Charles Lyall resta à la direction aussi longtemps qu'on parvint à lui cacher les désordres financiers qui existaient dans la société. Le jour où il les découvrit, M. Charles Lyall, en homme d'une probité parfaite comme il l'est, ne crut pas pouvoir couvrir de son nom si honorable des faits comme ceux dont il s'agissait.

Il demanda une enquête et fit imprimer une lettre aux actionnaires, afin de les mettre à même d'apprécier la véritable situation de la compagnie et les motifs pour lesquels il croyait devoir se retirer de l'administration de la société, Cette pièce, messieurs, vous l'avez sous les yeux, elle est imprimée dans les documents parlementaires ; vous y voyez que parmi les nombreux griefs signalés par M. Charles Lyall se trouve ce qui suit ;

« ... 2° L'emploi d'un grand nombre de nos actions de 10 l. st. (s'élevant au total à 10,000) au payement de services secrets, prétendument rendus à la compagnie, en pays étranger, par des personnes inconnues.»

Dix mille actions de 10 liv. sterl. chacune, cela fait, en capital nominal, une somme de 2 millions et demi de francs, qui aurait été répandue, pour services secrets, dans un pays étranger, et vous verrez tout à l'heure quel est le pays étranger qui a été accusé d'avoir profité de ces-dix mille actions de 10 liv. st.

Arrivant à donner des explications sur l'emploi de cette somme, M. Ch. Lyall continue ;

« 2°... L'emploi d'environ 10,000 actions de 10 l. st. au payement de prétendus services secrets en Belgique ne peut que faire à chacun l'effet d'un singulier article dans les dépenses d'une entreprise commerciale. Parmi les avantages importants que l'on veut avoir assurés par ce moyen à la compagnie, figure la garantie de 4 p. c. d'intérêt, obtenue du gouvernement belge sur le capital à dépenser pour la ligne de Namur à Arlon. »

Ainsi la société avait donné 10,000 liv. ou deux millions et demi de francs en actions pour services secrets, mais elle avait reçu en échange la garantie, à charge du pays, d'un minimum d'intérêt de 4 p. c. C'est là ce que disait M. Charles Lyall ; la société a, il est vrai, dépensé en dons deux millions et demi de francs, mais vous avez obtenu eu retour la garantie de 4 p. c. de minimum d'intérêt, soit 870,000 fr. par an ; ainsi la société a fait une opération excellente.

L'honorable M. Lyall continue :

« Il est à remarquer, toutefois, qu'au moins deux des autres compagnies anglo-belges de chemins de fer, qui invoquaient à la même époque de semblables garanties, savoir la compagnie de Sambre-et-Meuse et la compagnie de la Flandre occidentale, les ont obtenues sans rien payer du tout et sans qu'on leur ait demandé un liard. »

Voilà la réflexion qu'il faisait, car tout le monde disait que les autres compagnies avaient obtenu la même garantie sans indemnité aucune. Puis il ajoute ;

« Tant que ces négociations ont duré, on me les a tenues soigneusement cachées ; lorsqu'il n'a plus été possible de continuer à en faire un mystère, j'ai refusé de siéger au conseil tant que l'on n'a pas consenti à ce qu'un comité d'actionnaires fît une enquête sur ces opérations extraordinaires et très sujettes à controverse. »

Voilà donc la révélation d'un fait de la plus haute gravité. Un des administrateurs, un homme honorable et probe, fait connaître qu'une somme de dix mille actions de dix livres sterling représentant deux millions et demi de francs, a été distribuée en Belgique par la compagnie du Luxembourg pour arriver à la corruption.

Cependant le 23 décembre dernier, eut lieu à Londres un meeting de la société du Luxembourg. Inutile de dire que ce meeting fut excessivement orageux.

Indépendamment de ce grief, M. Charles Lyall signalait encore d'autres abus, d'autres distractions considérables de fonds appartenant à la société et dont nous n'avons pas à nous occuper ici. Disons, cependant, que ces autres distractions faites par d'anciens administrateurs à leur profit, occupèrent beaucoup plus l'assemblée que celle des deniers de la corruption sur lesquels le meeting passa assez légèrement et comme si c'était naturel, ou que la compagnie se fût crue largement payée par la garantie du minimum d'intérêt qu'elle avait obtenue.

Toutefois, dans ce meeting il fut question de la somme de 10,000 liv., et les révélations qui furent faites à ce sujet méritent toute l'attention de la Chambre.

Ainsi, je vois à la page 68 des documents qui nous ont été distribués que M. Charles Lyall s'exprime en ces termes :

« J'ai vu demander, dans des feuilles imprimées ; Comment M. Lyall a-t-il siégé si longtemps tranquillement au bureau après avoir acquis la connaissance de faits tels que ceux qu'il a publiés ? Voici ma réponse toute faite : Je n'ai pas siégé tranquillement, mais dès que j'ai eu connaissance de l'emploi de 10,000 actions pour services secrets, ce qui, je suppose, veut dire corruption (bribery) à l'étranger, j'ai fait des démarches actives qui aboutirent à la nomination de trois honorables actionnaires (gentlemen) en qualité de contrôleurs (auditors). »

Voilà une confirmation nouvelle des services secrets, avec les qualifications que vous venez d'entendre.

Cependant le président, sir Charles Magnay, croit devoir prendre la parole.

« Le président dit qu'il se voit forcé de répondre à une expression employée par M. Lyall. Les 10,000 actions qui figurent comme fonds pour le service secret, ont été qualifiées par le préopinant de corruption (bribery). » L'orateur repousse cette insinuation. Pendant deux ou trois ans des agents ont été employés en Belgique. Les services de la presse et de personnes influentes ont été requis dans le but de disposer favorablement le gouvernement belge pour la question de la garantie des intérêts ; cette mission a duré plus de deux ans, et l'orateur déclare, de (page 1283) la part de la direction, qu'aucun membre du comité exécutif n'a eu la moindre part dans ces fonds.

Voilà l'accusation qui prend une forme nouvelle. Il s'agit ici de personnes influentes ; il s'agit des services de la presse qui auraient été rétribuée au moyen de ces 2 millions et demi de francs de capital nominal, et cela dans le but de disposer favorablement le gouvernement belge pour la question de la garantie des intérêts.

Mais cependant un actionnaire s'écrie : « Nous donnerez-vous une liste des personnes qui y ont pris part et des services qu'elles ont rendus ?»

A cela pas de réponse.

Dans le compte rendu de la même séance, donné par le « Railway-record », journal que je crois avoir remis moi-même à l'ancien ministre des travaux publics, cette explication est présentée d'une manière un peu différente.

« Le président dit au sujet de l'observation faite par M. Lyall que les 10,000 actions avaient été créées dans un but de corruption (bribery), qu'il doit péremptoirement nier qu'elles dussent servir à un pareil objet. Les actions ont été distribuées pour des services rendus en favorisant (in promoting) les intérêts de la Compagnie dans la presse et ailleurs (amongs the press and others), mais aucun fonctionnaire du gouvernement n'y a eu part. »

Aucun fonctionnaire du pays n'y a pris part... (Interruption.) Cette allégation est confirmée par le « Railway-record ».

Voilà ce qui me semble bien grave, voilà ce qui me semble digne de toute la sollicitude de l'assemblée. On déclare que 10,000 actions du chemin de fer du Luxembourg ont été distribuées pour services secrets ; on déclare que ces services secrets ont été rendus soit par la presse, soit par des hommes influents, pour acquérir à la compagnie la garantie d'un minimum d'intérêt de 4 p. c ; on déclare que ce sont des hommes influents, et on ajoute que ces hommes influents ne sont pas des fonctionnaires du gouvernement belge.

Que reste-t-il donc, comme hommes influents ? Il reste vous, messieurs, il reste la Chambre. C'est nous tous qui sommes ici sous le coup de cette accusation émanée du président même de la compagnie, puisque, en fin de compte, il n'y a que nous qui puissions être des hommes influents, qui ayons quelque chose à dire de la garantie d'un minimum d'intérêt ; il n'y a que nous seuls qui soyons atteints par cette déclaration du président de la compagnie, qui soyons accuses de corruption, d'infâmes marchés.

Eh bien, je dis qu'une pareille accusation ne peut pas vainement planer sur cette Chambre ; que la Chambre doit à son honneur, à sa dignité de ne pas laisser une pareille accusation planer sur elle.

Je dis que la Chambre doit ordonner une enquête pour arriver à la connaissance des faits ; qu'il est important pour la dignité nationale de ne pas souffrir un semblable échec ; qu'il est important que dans le seul pays du continent qui ait conservé un gouvernement constitutionnel libre indépendant, ce gouvernement conserve toute sa fleur de pureté et qu'il ne soit pas signalé au pays et à l'Europe comme suspect de corruption, de marchés honteux aux dépens de l'honneur et de la vertu ; car la perte de tous les gouvernements parlementaires, c'est la corruption, quand elle parvient à se glisser dans les Chambres législatives.

Je pense donc qu'en présence de pareils faits, il est impossible à la Chambre de relever la société de la déchéance, aussi longtemps que nous ne serons pas arrivés à la connaissance de la vérité ; et si la Chambre se montrait disposée à autoriser une enquête en ajournant le projet de loi, je n'hésiterais pas à en faire la proposition ; mais pour cela, l'ajournement est nécessaire, car c'est la seule sanction pour arriver à la connaissance de la vérité.

Mais, dira-t-on, l'ordre judiciaire est saisi de la question. Vous ne vous préoccupez pas, ajoutera-ton, des populations que le chemin de fer doit traverser.

Sans doute les populations qu'il s'agit de faire traverser par le chemin de fer ont toutes mes sympathies et j'appelle de mes vœux le jour où elles pourront jouir des avantages de cette grande entreprise ; mais au-dessus des intérêts des populations il y a quelque chose, il est quelque chose qui prime et qui domine, c'est l'honneur national représenté par le parlement belge, l'honneur national qui n'existe qu'au prix de la pureté de nos institutions.

Voilà ce que je place au-dessus de tout ; l'intérêt des populations à avoir le chemin de fer un peu plus tôt, un peu plus tard, est bien petit devant une question qui domine tout ce qui peut exister de sacré dans la Belgique.

Vous avez, me dira-t-on, une instruction judiciaire. Je réponds ; Cette instruction ne peut être qu'impuissante si elle n'est pas aidée par nous en suspendant l'action de relever la compagnie de la déchéance. Le jour où la société sera relevée de la déchéance qu'elle a encourue, ce jour-là, réfléchissez-y, vous ne saurez plus rien. L'unique chose qui peut nous faire arriver à la connaissance de la vérité sur cette accusation si grave qui plane sur la Chambre et sur le pays, c'est l'intérêt qu'a la société à être relevée de la déchéance.

Nous la tenons parce qu'elle a manqué à son mandat, parce qu'elle est en faute vis-à-vis du pays, qu'elle est déchue par son fait du privilège qu'elle avait obtenu.

Cette grande arme est entre nos mains, sachons-nous-en servir pour arriver à la connaissance de la vérité ; et pour cela, avant d'ordonner l'enquête, nous ne devons la relever de cette déchéance, lui rendre la plénitude de ses droits que quand elle sera venue déclarer à une commission d'enquête qu'elle a menti devant l'Europe en inculpant l'honneur, en inculpant la Chambre des représentants.

(page 1273) M. Rodenbach. - Je partage en grande partie l'opinion que vient d'énoncer l'honorable préopinant ; et il est facile de prouver d'une manière irréfutable qu'il a été dit dans cette société d'actionnaires à Londres que dix mille actions, deux millions cinq cent mille francs, ont été distribuées à des personnes influentes. Sans nul doute, cette allégation fait allusion à nos votes. Car pourquoi prétend-on avoir distribué cette somme ? Pour obtenir le minimum d'intérêt de 4 1/2 p. c.

Qui donc, messieurs, peut-on avoir influencé si ce n'est nous, pour obtenir ce résultat ? On nous accuse donc d'avoir vendu nos votes. Je sais parfaitement bien que la justice s'occupe maintenant de cette affaire ; mais, messieurs, il y aurait peut-être un moyen sans aller aussi loin que l'honorable M. Dumortier. Nous siégerons au mois de novembre prochain ; les 800 actionnaires prétendent qu'ils ont été victimes de sycophantes, de fripons ; cela peut être vrai ; parmi eux il y en a qui ont fait de grands sacrifices, ne pourraient-ils pas faire, pour sauver leurs actions, ce qu'on appelle en termes de bourse « arroser » pour qu'on puisse achever le chemin jusqu'à Namur ? Il n'y aura qu'une lieue ou deux à faire.

Les travaux à exécuter de Rhisnes à Namur sont assez difficiles ; mais dans les cinq mois qui s'écouleront avant notre retour, la compagnie pourra les exécuter. Que les actionnaires montrent leur bonne volonté en terminant cette section, le pays pourra en jouir, le gouvernement en conservera les revenus, et, à notre retour, nous verrons ce que l'enquête judiciaire aura pu faire.

Les malhonnêtes gens quand ils se laissent corrompre ont soin de le faire sans témoin ; bien qu'on prétende que la justice emploie tous ses efforts pour arriver à la connaissance de la vérité, je crois qu'on aura infiniment de peine à atteindre le but qu'on se propose. Dans le public on dit ; J'ai des actions, je les ai achetées ; on ne donne pas de quittance ; de sorte qu'avec un démenti voilà un fripon qui échappe à une condamnation.

Je le répète, comme moyen de garantie de plus, si un meilleur amendement ne surgit pas pendant nos débats, je proposerais de faire achever de suite la section de Rhisnes à Namur.

Devons-nous mettre, messieurs, tant d'empressement à accorder ce que cette société demande ? sera-ce très profitable au gouvernement ? Je ne le pense pas. Pendant un grand nombre d'années le gouvernement a garanti l'intérêt d'un capital de 22 millions à raison de 4 1/2p. c, cela fait environ un million par an.

J'ai la conviction intime qu'au train dont marche l'affaire du Luxembourg, ce sera non un chemin de fer, mais un chemin d'or qui coûtera à l'Etat près d'un million par an.

M. Vermeire. - Je ne me propose pas de m'occuper de ce qui s'est passé dans la compagnie du Luxembourg. En 1851 j'ai voté pour le projet de loi par le motif que je croyais que cete voie nouvelle devait être encouragée et appréciée sous le double rapport de son importance nationale et de son importance internationale. Je ne puis que m'associer aux protestations énergiques qu'a fait entendre tantôt l'honorable M. Dumortier.

Je suis convaincu comme lui que d'après tout ce qui s'est passé dans ce meeting de Londres, le soupçon de corruption plane plutôt sur le parlement belge que sur d'autres fonctionnaires du pays. Par ce motif, je m'associerai à la demande d'une enquête pour que les faits soient rétablis dans leur vérité.

J'appellerai l'attention du gouvernement sur un autre point. La société à mon avis est constituée d'une manière vicieuse. Pour les travaux faits, des sommes trop fortes ont été dépensées.

Quand vous jetez les yeux sur les comptes rendus de Londres et de Bruxelles, vous vous apercevez que pour des travaux utiles réellement faits, ayant une valeur de 600 mille livres, on en a dépensé au-delà de 1,300 mille, c'est-à-dire que les travaux ont coûté plus du double de ce qu'ils valent ; pour des travaux estimés 11 millions de francs on en a dépensé 23.

Vous remarquerez, messieurs, qu'un pareil système est mauvais ; que, sur des bases pareilles, vous ne pouvez avoir des résultats utiles.

Il y a encore un autre fait qui doit, tôt ou lard, tourner contre la société ; il consiste en ce que, d'après les statuts, la société s'engageait à payer des intérêts sur les actions, alors même que l'opération est encore improductive. De cette manière, d'après le compte rendu, on a payé plus de 176,000 l. st. alors que la société n'a encore fait aucune recette.

Il me semble que d'après la nouvelle convention qui devrait intervenir, le gouvernement devrait prendre des précautions telles, que cela ne pût plus arriver par la suite, c'est-à-dire que les actionnaires ne recevraient rien aussi longtemps que l'affaire ne serait pas productive.

Je crois que les embarras dans lesquels la société du Luxembourg se trouve ne sont pas précisément le fait de crises financières, mais plutôt celui de sa propre imprudence, et je pense que la société, en demandant la concession du chemin de fer, avait plutôt en vue l'agiotage sur les actions que la construction du chemin de fer.

Cela résulte clairement des documents qui ont été portés à notre connaissance, puisque le directeur de la société a consenti à dépenser 58,000 liv. sterl. pour obtenir la jonction avec le chemin de fer français et l'autorisation de faire coter les actions à la bourse de Paris.

Je dois encore faire observer que dans ce que nous demande le gouvernement les rôles paraissent intervertis.

Je crois que la Chambre doit exercer son contrôle sur les actes du gouvernement et non lui donner en blanc seing une délégation par laquelle nous aliénons nos droits pour l'avenir. Que fait ici le gouvernement ?

Il demande qu'on l'autorise à conclure avec la société du Luxembourg, sans que ses actes soient soumis à une ratification ultérieure des Chambres.

Pour moi, en présence des faits qui se sont passés et malgré tout le respect et toute l'honorabilité qui s'attache aux noms des directeurs actuels de la société, je ne puis cependant autoriser le gouvernement à faire une convention qui ne serait point ratifiée dans L'avenir.

Sous ce rapport, je regrette beaucoup que puisque le gouvernement est en si bons termes avec la nouvelle direction de la société du Luxembourg, il ne soit pas préoccupé de faire au moins une convention provisoire.

Si cette convention nous était soumise nous pourrions examiner les bases sur lesquelles repose la nouvelle négociation.

Dans la situation actuelle nous renonçons à tout contrôle ultérieur et c'est à quoi je ne puis pas me résoudre.

Il est encore un fait sur lequel je veux appeler l'attention de la Chambre.

La section centrale insiste pour que, aussitôt que ce projet de loi sera voté et accepté, le gouvernement autorise l'ouverture de la section de Bruxelles à Namur. D'après la convention qui a été conclue, en 1851, avec la société du Luxembourg, la ligne de Bruxelles à Arlon ne formant qu'un seul tout, il en résulte que les deux sections sont censées être mises en exploitation simultanément, puisque la concession devait commencer à courir du moment que la ligne de Bruxelles à Arlon sera mise en exploitation.

Si, avant que le tronçon entier soit mis en exploitation, vous laissez exploiter la partie la plus productive, cette partie qui, seule, doit faire concurrence à la ligne de l'Etat, il en résulte que pour une partie de la ligne, vous auriez, par exemple, 95 ans de concession au cas que, dans 5 ans seulement, la ligne de Namur à Arlon serait achevée et exploitée.

Remarquez encore que c'est précisément la partie la plus productive ; cette partie que l'on disait, en 1848, devoir être seule construite tandis que l'on ajoutait que celle du Luxembourg ne l'aurait jamais été.

Or, c'est ce qui est arrivé jusqu'à ce jour.

Messieurs, je ne veux pas pour le moment entrer dans d'autres considérations. J'entendrai les explications qui seront fournies par le gouvernement et sans doute par l'honorable rapporteur de la section centrale. Pour moi il faudrait que ces explications fussent telles, que nous pussions dès aujourd'hui connaître les bases auxquelles on s'arrêtera pour faire une nouvelle conveut/on avec la société.

Je désirerais aussi que des explications fussent fournies sur les diverses observations que je viens de faire.

M. Tesch. - Je désirais ne pas prendre part à ce débat. Les observations que vient de présenter l'honorable M. Dumortier m'obligent à sortir de cette réserve.

Mais que la Chambre soit bien convaincue que je mets les intérêts de la compagnie du Luxembourg bien au-dessous de ceux de la province que je représente et de ceux de l'Etat, et que le jour où ces intérêts ne seraient plus d'accord, ce seraient ceux de ma province, ceux de l'Etat qui auraient la préférence.

L'honorable M. Dumorlier a commencé par vous dire qu'il ne demandait pas la déchéance de la société du Luxembourg. Non, d'une manière directe, il ne la demande pas. Mais la proposition qu'il formule ne tend pas à autre chose. Au lieu d'une déchéance, c'est évidemment une mise en faillite à laquelle sa proposition mènerait la compagnie.

On veut que la société travaille. Pour travailler il faut avoir de l'argent.

Or, est-ce qu'une société qui est placée sous le coup d'une déchéance, qui a déjà eu tant de déboires à subir, qui a éprouvé tant de pertes, peut continuer à verser de l'argent, à « arroser », comme le disait l’honorable M. Rodenbach, alors qu'elle ne sait pas le sort que vous lui réservez ?

Messieurs, l'actionnaire est un être très crédule de sa nature, je le sais ; mais il ne l'est pas à ce point, qu'alors que l'existence de la société est sérieusement menacée, et que chaque jour vous pouvez la briser, il aille continuer à payer, à faire travailler, à engager de nouveaux capitaux.

Si l'on veut que la société continue à pousser les travaux avec activité, (page 1274) il faut lui en laisser les moyens, il faut rendre aux actionnaires la confiance qui leur manque, confiance qui est ébréchèe à la fois et par une administration incapable, peut-être criminelle, et par la situation anomale qui en a été la conséquence.

Ainsi, quoi qu'en dise l'honorable M. Dumortier, que ce n'est pas la déchéance qu'il veut, s'il n'y aboutit pas d'une manière directe, il n'y arrive pas moins d'une manière certaine.

L'honorable M. Dumortier a beaucoup parlé de la dignité parlementaire, de l'honneur national. Je suis aussi jaloux que l'honorable M. Dumortier de l'honneur national et de la dignité parlementaire ; je suis autant l'adversaire que lui des indignes tripotages qui ont eu lieu dans cette affaire ; et je puis le dire, je suis le premier qui, en Belgique et dans la presse et dans cette Chambre, ait révélé les faits qui nous occupent en ce moment.

Mais, messieurs, est-il vrai que ce soit la Chambre qui soit accusée ? Est-il bien vrai que ce soit au parlement que l'accusation s'adresse ? Il faut avoir à mon sens de la bonne volonté pour l'admettre. Jamais nulle part le parlement n'a été accusé. C'est par un argument a contrario des plus singuliers qu'on arrive à dire que c'est la Chambre qui est mise en cause.

« Ce ne sont pas les fonctionnaires ; donc c'est nous. » Voilà l'argumentation de l'honorable M. Dumortier. « Ce sont des gens influents, il n'y a des gens influents que nous dans le pays. »

Messieurs, le Sénat ne l'a pas compris comme cela. Le Sénat n'a pas cru que cette accusation de corruption pesât sur lui. Je ne comprends pas pourquoi on accepte, je dirai bénévolement, cette accusation, et pourquoi on veut à toute force faire croire que c'est au parlement qu'elle s'adresse.

Messieurs, le parlement n'a pas été accusé. D'où conclut-on qu'il n'y a pas d'autres personnes influentes ou se disant influentes auxquelles on ait pu s'adresser ?

Quant à moi, je suis convaincu qu'on n'a donné de l'argent pour obtenir le minimum d'intérêt, ni à des personnes influentes, ni à d'autres.

M. Rodenbach. - Des actions.

M. Tesch. - Ni des actions non plus.

Mais puisque vous voulez parler de personnes influentes, je vais vous citer un fait dans cette affaire même, qui prouve qu'il y a des personnes influentes ou qui se disent influentes, autres que les membres des Chambres, et qui ont reçu beaucoup d'argent,

Messieurs, la concession du chemin de fer du Luxembourg n'était pas une affaire très recherchée ; ce n'était pas une de ces affaires où il a fallu corrompre n'importe qui pour l'obtenir ; il eût plutôt fallu corrompre quelqu'un pour l'accepter. Cependant, qu'est-il arrivé ? C'est que des personnes se disant influentes ont reçu 400,000 francs, et que, non contentes de ces 400,000 francs, elles ont fait un procès devant les tribunaux belges en demande d'une autre somme de 1,100,000 fr., qui, disaient-elles, leur avait été promise.

Voilà un fait arrivé dans cette affaire même. Or, je vous le demande, pourquoi ces personnes devaient-elles avoir une commission de 1,500,000 francs ? Elles avaient obtenu 400,000 francs ; elles n'étaient pas contentes ; elles ont fait un procès pour faire payer leur influence à raison de 1,500,000 francs et cela parce que disaient-elles, par leur influence, par leurs soins, elles avaient obtenu la concession.

M. Coomans. - Cela prouve qu'on achète des influences.

M. Tesch. - Est-ce que ces personnes appartenaient à la Chambre ?

Je vous signale ce fait pour vous prouver que partout il y a des gens qui se disent avoir de l'influence, qui reçoivent ainsi de l'argent, et que quand on dit qu'on a donné de l'argent à des personnes influentes, c'est avoir trop de complaisance que de déclarer que c'est à la Chambre que cela s'adresse.

Messieurs, on parle de la dignité nationale. Mais, messieurs, qu'est-ce qui importe à la dignité nationale ? C'est que les faits soient éclaircis ; on ne peut pas aller au-delà.

Eh bien, qu'a fait le gouvernement ? Il a déféré les faits à la justice. Et pourquoi a-t-on l'air de se défier de la justice ? Quant à moi, je suis bien convaincu que la justice retrouvera jusqu'à la dernière des aclions qui ont été distribuées, et qu'elle saura retrouver où ces actions ont été. J'en ai la conviction intime et cette conviction, je puis l'avoir en présence des documents qui ont été livrés à la justice !

On a dit que si on relevait la société de la déchéance, elle ne dirait plus rien, elle ne livrerait plus rien. Et pourquoi donc cette supposition si injurieuse et si gratuite envers la société ? Mais déjà la société a fourni tous les documents possibles au juge d'instruction. La société ne dirait plus rien, et vous sauriez tout ce qu'il était possible de savoir, car toutes les pièces, tous les livres sont entre les mains du juge d'instruction. Je demande ce que la société peut faire de plus.

Messieurs, il v a dans toute cette argumentation de M. Dumortier une étrange confusion ; on confond les administrateurs avec les actionnaires. On ne tient pas compte de l'intérêt du pays.

Messieurs, on dit qu'il faut que la société déclare ceci, déclare cela. Biais qu'est-ce que la société ? C'est un corps moral, un corps composé d'actionnaires qui ne savent absolument rien que ce que les directeurs ont bien voulu leur dire. Or les directeurs qui ont pris part à tous ces actes, ne leur ont jamais rien dit, les pièces le constatent. Que voulez-vous donc que la société, que les actionnaires fassent ?

M. Coomans. - Qu'ils fassent un procès aux anciens administrateurs.

M. Tesch. - Il n'en est plus un seul dans la compagnie. Mais précisément ces directeurs dont vous parlez, ce sont eux qui éprouveront peut-être de la chute de la compagnie la plus grande satisfaction ; ce sont eux qui, honteusement expulsés, verront avec le plus de plaisir que ce sont les actionnaires qui pâtissent.

Le système qu'on préconise consiste à dire aux actionnaires : « Vous avez été très mal menés par vos administrateurs, vous les avez renvoyés ; et moi, pour punir vos administrateurs, je veux prendre ce qu'ils vous ont laissé. »

Pensez-vous que la dignité nationale ait quelque chose à gagner à ruiner des actionnaires qui ont commencé par faire justice des administrateurs dont vous vous plaignez ? Croyez-vous que la dignité nationale ait quelque chose à gagner à ce qui serait considéré comme une spoliation ?

Je comprendrais votre langage, s'il s'agissait d'une société en participation, où les associés prennent part à l'administration, où tous les faits sont connus ; mais quand il s'agit d'une société anonyme, il est inadmissible que vous rendiez les actionnaires qui sont en dehors de toute gestion responsable des actes, des méfaits, si vous voulez, des administrateurs.

Quelle a été du reste la conduite des actionnaires ? Ont-ils approuvé la conduite de la direction ? Non, ils l'ont mise à la porte.

Si, après cela, vous provoquiez la déchéance et que vous mettiez ains la société dans une condition qui amenât sa déconfiture, évidemment ce serait une injustice envers les actionnaires, car les actionnaires ont fait tout ce qui était humainement possible de faire pour que justice soit faite. Je défie de révéler un seul acte des actionnaires qui n'ait point tendu à cela. Je ne comprends donc pas qu'on vienne encore aujourd'hui mêler les actionnaires aux anciens administrateurs. Les anciens administrateurs n'existent plus, et les nouveaux administrateurs ont fait de leur côté depuis longtemps la déclaration dont parlait l'honorable M. Dumortier ; ils ont déclaré qu'ils ne croyaient pas que jamais un sou eût été distribué en Belgique. Cela se trouve dans les pièces qui nous ont été communiquées.

Cette déclaration formelle a été faite par les nouveaux administrateurs, approuvée par tous les actionnaires. Que voulez-vous obtenir de plus ? Est-ce des administrateurs expulsés aujourd'hui, et qui sont devenus des adversaires de la compagnie, que vous pourrez obtenir quelque chose ? Est-ce à eux que vous voulez demander cette réparation dont on parle ? Cela ne serait pas sérieux, car ni la Chambre ni les actionnaires ne peuvent absolument rien sur eux.

Vous dites ; la vérité doit être connue. Mais la vérité sera connue par l'instruction judiciaire, et remarquez, messieurs, que cette instruction doit nous imposer une certaine réserve. Il y a un homme sous la main de la justice, il y a un homme sous les verrous ; c'est celui qui, d'après ce qui a été dit, a été chargé de distribuer les actions ; il se trouve dans l'alternative de faire connaître ceux qui les ont reçues ou d'avouer, en quelque sorte, qu'il les a gardées, de déclarer qu'il s'est approprié les valeurs de la compagnie.

N'est-ce pas là le meilleur moyen de le faire parler ? Je défie bien qui que ce soit d'en indiquer un plus efficace, à moins de recourir à la torture.

Je crois que la Chambre comprendra parfaitement que, comme l'a dit l'honorable M. Lelièvre, la question de la prorogation doit être complètement séparée de la question de la recherche de la vérité. Il ne faut pas punir, d'un côté, les actionnaires ; de l'autre côté, les populations de deux provinces importantes qui sont privées de communications avec le reste du pays, parce que, à une époque donnée, des gens qui ont mal géré, qui ont peut-être criminellement administré, ont articulé une accusation qui devait peut-être cacher leurs malversations ? Pourquoi le Luxembourg, la province de Namur et les actionnaires doivent-ils être victimes d'un semblable fait ?

On parle d'enquête parlementaire. Qu'on fasse ultérieurement une enquête, je le veux bien ; mais ce n'est pas une raison pour que le chemin de fer ne se fasse pas. Que si, contrairement à mes prévisions, l'enquête judiciaire ne fait pas découvrir le chemin que les aclions ont suivi, qu'on fasse alors une enquête parlementaire, rien de mieux, et je déclare, quant à moi, que je m'y associerai.

Mais pourquoi, par une proposition d'enquête, arrêter dès maintenant les travaux et faire tomber la société ?

Messieurs, il y a ici deux intérêts tout à fait distincts et qui, par conséquent, peuvent parfaitement marcher de front. Si vous croyez que c'est à nous que l'accusation s'adresse, si vous croyez que cette accusation, telle qu'elle est formulée et eu égard aux hommes qui l'ont formulée, soit assez sérieuse pour pouvoir nous atteindre ; si vous croyez cela, faites une enquête, mais laissez les actionnaires continuer les travaux ; laissez-leur achever une communication qui doit relier à la Belgique des populations qui en sont, aujourd'hui, l'on peut presque, dire complètement séparées.

Mais ne nous exagérons pas la portée de cette accusation. Les directeurs qui l'ont lancée sont, permettez-moi l'expression, pris la main dans le sac pour d'autres actes. Il y a, par exemple, une somme de 1,400,000 fr., sortie des caisses de la société ; on leur demande également ce qu'elle est devenue, et ils répondent : C'était une combinaison (page 1275) faite à Paris, l’argent était destiné à une négociation d'actions ; on leur demande de nommer les individus avec qui cette négociation avait eu lieu ? ils répondent, comme pour les 10,000 actions : Nous ne pouvons pas le dire ; c'est sous le sceau du secret que cela a été fait. Il me semble, messieurs, que cela seul suffit pour faire apprécier la valeur de l'accusation qui nous occupe.

L'honorable M. Vermeire a critiqué, avec beaucoup de raison, le payement des intérêts pendant la construction, alors que le chemin de fer ne produisait aucun revenu. Mais l'administration nouvelle, par un de ses premiers actes, a, d'avance, fait droit, à cette observation ; elle a fait suspendre le payement des intérêts, immédiatement après avoir pris la direction de la compagnie.

Quant à stipuler que la convention devra être ratifiée par les Chambres, ce serait évidemment l'ajournement. Or, l'ajournement serait fatal à la construction du chemin de fer. Il faut que la position de la société soit régularisée. Il est impossible de laisser les choses dans l'état actuel sans faire tomber la compagnie et sans priver pour longtemps le Luxembourg de son chemin de fer. J'espère que la Chambre tiendra compte de cet intérêt qui est, en définitive, le plus considérable, le plus sérieux qui soit engagé dans ce débat.

M. Deliége. - Messieurs, mon intention n'était pas de prendre la parole dans cette discussion, mais à l'instant même on me remet une lettre qui a été adressée à plusieurs journaux et dans laquelle on dit que nous montrons beaucoup d'intérêt pour les riverains du chemin de fer du Luxembourg, mais que nous oublions complètement les riverains de l'Ourthe.

Je crois, messieurs, que ces deux questions sont parfaitement connexes aujourd'hui et je demanderai ce que M. le ministre des travaux publics compte faire pour assurer, l'achèvement du canal de l'Ourthe dans le délai voulu par la loi.

Vous savez tous, messieurs, l'histoire malheureuse, de ce grand travail ; vous savez que, commencé sous le gouvernement des Pays-Bas il a été complètement abandonné en 1830 et que les ouvrages exécutés n'ont servi qu'à faire inonder les propriétés et à empêcher la navigation sur l'Ourthe. Vous savez qu'il y a eu un long procès et que ce procès a abouti à une transaction, ensuite de laquelle la compagnie du Luxembourg s'est engagée à faire la canalisation de l'Ourthe dans un délai de 5 ans. Messieurs, d'après la manière dont on s'occupe des travaux, les riverains de l'Ourthe croient qu'ils sont tombés de Charybde en Scylla et que la canalisation de l'Ourthe ne se fera nullement.

Vous savez aussi, messieurs, que la canalisation de l'Ourthe est un travail très important. Il s'agit de rattacher l'Ourthe à la grande artère du pays, artère qui, grâce aux travaux commencés en 1851, ira de Chokier à Anvers. On pourra alors remonter l'Escaut ; et le pays sera traversé par un admirable réseau de voies navigables.

Je demanderai à M. le ministre des travaux publics qu'il nous dise s'il compte prendre des mesures, dans la convention qui sera faite, pour que ce travail soit achevé en 5 ans.

Je ferai observer que d'après cette lettre M. le ministre des travaux publics aurait dit que ces deux grands travaux ne sont pas solidaires, qu'on n'a pas stipulé de sanction pour le cas où les travaux ne se feraient pas. Mais il est plus que certain que quand une compagnie s'engage à faire deux grands travaux, elle est obligée de les faire l'un et l'autre et qu'on peut prendre des mesures pour qu'elle accomplisse ses obligations dans le délai prescrit par la loi. Il est évident que la compagnie est en retard et qu'elle n'aura pas fini dans les 5 ans.

Je demande donc que le gouvernement avise au moyen d'obliger la compagnie à terminer les travaux dans le délai voulu, ou s'il ne lui est pas possible de les faire dans ce délai, qu'on lui accorde un nouveau et court délai, en lui imposant toutes les conditions nécessaires, pour que cette partie du pays, si négligée, disons-le franchement, arrive enfin à avoir ce travail qui est si vivement désiré.

M. Osy. - Messieurs, le chemin de fer du Luxembourg, a toujours eu mes sympathies ; je désire dans l'intérêt de cette province et dans l'intérêt général du pays, tant agricole que commercial, que cette grande communication s'achève ; mais j'avoue que ce qui s'est passé, à la société du Luxembourg me fait craindre que toutes les mesures que vous prendrez n'aboutissent pas.

Je ne veux pas de l'enquête dont a parlé l'honorable M. Dumortier. J'ai confiance dans l'enquête judiciaire. Je ne pense pas que l'enquête parlementaire pût nous en apprendre davantage. Les anciens directeurs n'ont plus intérêt à rien dire, les nouveaux directeurs ne savent rien ; les actionnaires ne peuvent pas contraindre les anciens directeurs de parler. J'attends, pour ma part, avec confiance, les résultais de l'enquête judiciaire.

Je ne m'occuperai donc que de la demande de prorogation. J'avoue qu'après avoir examiné la situation financière de la société, je pense qu'il lui sera impossible d'achever les travaux après le nouveau délai qu'il s'agit de lui accorder. Je crains qu'à l'expiration de ce délai, vous n'ayez de nouveau des embarras avec la société. De Namur à Arlon, il n'y a qu'un dixième de fait. Il faudra donc encore beaucoup d'argent, au moins 1 million de liv., rien que pour achever les travaux dans le Luxembourg. Il faudra ensuite beaucoup de matériel qui exigera, encore des sommes très considérables.

Je regrette que le gouvernement ne nous ait pas saisis des conditions auxquelles il veut consentir à la prorogation.

Je désire savoir si le gouvernement se rallie aux conditions stipulées dans le rapport de la section centrale.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Oui.

M. Osy. - Le gouvernement s'y ralliant, je voudrais qu'avant que l'arrêté royal ne parût, il y eût également des garanties financières, c'est-à-dire que le gouvernement fût certain qu'une certaine somme a déjà été votée, parce que sans cela il est à croire que des versements ne se feront pas.

J'avoue que pour ma part je crains beaucoup qu'on ne verse pas.

Je sais qu'il est très désagréable de devoir prononcer une déchéance surtout lorsqu'il s'agit d'un pays voisin qui met toujours beaucoup d'instance pour qu'on ne prononce pas de déchéance. Cependant il me paraît que le pays doit être au-dessous de toutes ces menaces et réclamations.

Vous vous rappellerez ce qui s'est passé pour le chemin de fer de la Sambre à Louvain. Eh bien, ce qui est arrivé là, je l'ai prédit. On avait obtenu une promesse de concession ; cette promesse a été portée en Angleterre et les spéculateurs s'en sont emparés.

Une autre société également qui n'a pas abouti avait obtenu 15 mille livres sterling. Vous comprenez que ces Anglais ne font pas les chemins de fer pour nous doter de belles voies de communication, soyez sûrs que ceux qui se chargent de ces entreprises le font pour gagner de l'argent ; de manière que si nous n'avons pas de garanties que la société concessionnaire aura un capital suffisant, que tous les appels de fonds successifs seront suivis de versement, je crains beaucoup qu'on ne les fasse pas.

Je voudrais que dans la convention à intervenir, il fût stipulé que l'arrêté ne paraîtra que quand on aura donné les garanties dont je viens de parler.

Je veux appeler aussi l'attention du gouvernement sur la deuxième entreprise dont veut parler mon honorable ami M. Deliége. Les deux affaires onf été faites en même temps ; on le perd de vue ; de ce chef, la compagnie doit avoir encouru la déchéance.

Je voudrais que dans la convention à intervenir, le gouvernement s'occupât de l'affaire de l'Ourthe, et prît des précautions pour que l'on soit certain que le canal sera exécuté comme le chemin de fer. ; Il y a un troisième objet ; vous avez concédé le chemin de fer qu'on appelle la Grande-Jonction.

Cette entreprise a eu le même sort que les autres. Après avoir obtenu la concession, on a été la vendre 25 mille livres à Londres à la société du Luxembourg.

C'est la société du Luxembourg qui a payé les 25,000 livres à ceux qui ont obtenu la concession ; c'est un joli pot-de-vin. Avant de pouvoir concéder la Grande Jonction, un cautionnement de 600,000 francs devait être versé ; il l'a été ; mais par qui ? dit-on encore. Par la société du Luxembourg.

Je crois qu'il y a encore déchéance pour cette société, parce qu'elle n'a pas commencé le travail dans le temps fixé. Voilà encore 25,000 livres perdues pour la société du Luxembourg.

Si nous voulons nous montrer généreux en relevant de la déchéance la société du Luxembonrg en considération du bien que son entreprise doit procurer au pays, il ne faut pas permettre que des étrangers viennent faire prendre des arrêtés, voter des lois pour les vendre comme marchandise. Si les étrangers viennent trafiquer avec les arrêtés et les lois, quand on ne remplit pas les obligations qui sont stipulées, nous devons prononcer la déchéance.

Je ne demande pas qu'on agisse ainsi à l'égard du chemin de fer du Luxembourg ; des travaux sont déjà faits ; je voterai pour que la compagnie soit relevée de la déchéance, si le gouvernement nous donne la garantie que les fonds seront faits.

Mais quant à la Grande Jonction, c'est un pur trafic ; ayons le courage de prononcer la déchéance ; on n'a pas dépensé un sou, mais, en revanche, on a pris 25,000 livres à une société qui avait entrepris un travail utile.

Je demande au ministre quand la déchéance pourra être prononcée ; je crois que le délai pour l'exécuiiou doit être expiré.

M. Trémouroux, rapporteur. - Les conclusions de la section centrale n'ayant pas été attaquées, je n'ai pas à les défendre ; quant à la proposition d'ajournement et d'enquête parlementaire de M. Dumortier, mon honorable ami M. Tesch a combattu si victorieusement les arguments que son auteur a fait valoir, que je crois inutile de rien ajouter. Je cède la parole à M. Van Hoorebeke, sauf à la reprendre plus tard, si c'est nécessaire.

M. Van Hoorebeke. - Mon intention n'est pas de m'occuper du projet de loi en lui-même. La Chambre va être, paraît-il, saisie d'une proposition importante ; il s'agit d'une question où l'honneur, la dignité, la moralité politique sont directement en cause.

L'honorable M. Dumortier, dans le discours qu'il a prononcé, a cru devoir réclamer pour le parlement la pensée première de l'instruction, à laquelle cette déplorable affaire a donné lieu.

A mon tour, je crois devoir revendiquer pour le gouvernement, et pour moi en particulier, l'honneur de cette initiative. Je crois de mon devoir en cette circonstance, envers la Chambre et le pays, de donner communication de pièces qui avaient sans doute à leur, origine un caractère officieux et confidentiel ; mais qui, à raison du retentissement qu'a eu celle affaire, doivent être reproduites par l'ancien ministre (page 1276) pour montrer tout ce qu'il a fait afin d'amener un résultat qu'il appelle de tous ses vœux, la découverte pleine et entière de la vérité.

La Chambre se rappellera que c'est dans la séance du 5 février 1855 que, sur la proposition et l'interpellation de M. Tesch, le gouvernement a pris vis-à-vis du pays l'engagement de ne traiter avec la compagnie du Luxembourg qu'alors qu'il y aurait à sa tête des hommes honorables et qu'à la condition qu'elle aurait fait tout ce qui était en son pouvoir pour découvrir les faits scandaleux qui avaient été révélés.

L'honorable M. Dumortier a demandé, dans la même séance, communication des pièces relatives à cet incident ; et le lendemain le gouvernement était en position de déposer toutes les pièces dont il était en possession et dont la traduction avait eu lieu par les soins du département des travaux publics. Mais, messieurs, avant ce débat, l'incident avait attiré ma sérieuse attention. Ayant pris connaissance du mémoire accusateur de M. Ch. Lyall, par le compte rendu du meeting qui eût lieu à Londres, le 19 décembre 1854, je fis traduire, sans retard, tout ce qui se rattachait à l'incident, et je transmis le tout pour instruction et avis à l'administration, instituée auprès de mon département. Ma lettre (cabinet) est du 15 janvier 1855 ; elle est conçue en ces termes ;

(L'orateur donne lecture de cette lettre.)

L'administration me fit connaître son avis par une note qui porte la date du 19 janvier.

A quelques jours de là, la Chambre a eu à s’occuper de cette affaire, et le lendemain même j’écrivis à mes collègues de la justice et des affaires étrangères pour signaler à leur attention les faits dont la Chambre avait eu à s’occuper dans la séance de la veille.

Voici la lettre que j'adressai à mon honorable collègue des affaires étrangères.

« 6 février 1855.

« Mon cher collègue,

« Dans la séance d'hier (5), j'ai fourni à la Chambre quelques explications au sujet de la situation générale de la compagnie du Luxembourg vis-à-vis du gouvernement, et des faits odieux révélés, à charge de certains administrateurs, dans le meeting du 19 décembre dernier.

« Cette affaire a fait de ma part l'objet d'une instruction confidentielle, et je persiste à croire que dans l'intérêt de la dignité administrative comme de la moralité publique, il importe que le gouvernement sache tout ce qui a eu lieu et spécialement par qui et à qui des fonds ont été remis.

« J'émettais ensuite l'opinion que si le recours auprès de la compagnie était sans résultat, l'intervention directe du gouvernement dans la recherche de la vérité devenait inévitable. C'était là aussi le sens de la lettre que j'adressai le même jour à mon collègue de la justice, auquel je laissai entrevoir l'éventualité de l'action prochaine du pouvoir judiciaire. »

En même temps je fis à la compagnie du Luxembourg la position que voici. Toute ma correspondance en témoigne ; toutes les pièces attestent la double préoccupation sous laquelle je n'ai pas cessé d'agir vis-à-vis de la société.

Je lui disais ; Vous n'aurez aucune convention avec le département des travaux publics, aussi longtemps que vous ne m'aurez pas démontré, à la dernière évidence, que vous avez la ferme résolution de me faire connaître toute la vérité sur l'affaire.

Voilà un premier point.

Le deuxième point est celui-ci ; Je ne traiterai pas avec vous, si vous ne placez à votre tête des gens honnêtes, des administrateurs à côté des noms desquels je puisse accoler le mien.

Quelque temps se passa, et le gouvernement ne connut autrement que par des conférences verbales les intentions de la compagnie, qui se montra empressée à le seconder dans ses vues d'investigation. A une des dépêches que je lui avais adressées le 22 février, il ne me fut répondu que le 14 mars. La société me fit connaître par la dépêche de cette date qu'elle était dans l'impossibilité de me fournir les renseignements que je réclamais, que les actions dont il s'agissait avaient été remises à l'un des administrateurs, et que si je voulais savoir la vérité, je n'avais qu'à m'adresser à lui.

J'ai devancé (et c'est ici que je dois signaler l'erreur commise par l'honorable M. Dumortier) la réponse que m'a faite la société du Luxembourg à la date du 14 mars ; ce fut, en effet, vers la fin de février, antérieurement, par conséquent, à la retraite du cabinet que la justice fut saisie de l'affaire. Ma lettre porte la date du 28 février. Elle est conçue en ces termes ;

« Bruxelles, le 28 février 1855.

« Monsieur le ministre,

« La publicité qu'ont reçue, dans les derniers temps, les imputations de corruption dirigées contre des hommes publics de notre pays, doit faire désirer au gouvernement d'éclaircir, autant que possible, les faits, d'amener la punition des coupables s'il en existe, ou de démontrer la fausseté des imputations et la témérité de ceux qui les ont articulées.

« Pour ma part, je désire vivement qu'une enquête judiciaire soit instituée dans le but d'arriver à la vérité.

« Je viens, en conséquence, M. le ministre, vous prier de donner des instructions au parquet de Bruxelles, à l'effet de requérir l'audition de toutes les personnes en position de donner des explications sur les faits qui ont été articulés et qui sont d'ailleurs assez connus. »

A quelques jours de là la crise ministérielle, et à quelques semaines de là la retraite définitive du cabinet. Je suis resté complètement étranger aux faits judiciaires. Je n'en ai qu'une connaissance imparfaite. Je puis cependant certifier à la Chambre que je crois, que je suis convaincu même, que le moyen le plus sûr, le plus direct d'arriver à la découverte de la vérité, de savoir tout, c'est de laisser la justice parfaitement maîtresse de son action. Elle a toute l'affaire entre les mains. Je désire autant que l'honorable M. Dumortier savoir tout ce qui a trait à cette affaire, et je suis prêt à appuyer avec lui sa demande d'enquête parlementaire, lorsque j'aurai sous les yeux les pièces judiciaires que, je l'espère, le gouvernement n'aura aucune répugnance à communiquer à la Chambre.

Mais je me demande si en présence d'une enquête ouverte, activement et habilement poursuivie, en présence d'une enquête armée de tous les moyens de contrainte que possède la justice régulière du pays, il est bon, il est rationnel, il est convenable même de recourir à des voies chanceuses et exceptionnelles.

Je demanderai encore à l'honorable membre si, en proposant une enquête parlementaire, son intention est de subordonner aux résultats de cette enquête le sort du projet de loi en discussion. Si telle était son intention, je combattrais sa proposition ; car il est évident pour tout le monde qu'il y a deux affaires parfaitement distinctes ; l'une sur laquelle nous voulons tous connaître la vérité ; l'autre une concession pour laquelle on demande une simple prorogation de délai.

Dira-t-on que les conditions de celle-ci ne sont pas assez rigoureuses ? quelques membres demandent-ils qu'on stipule certains points, par exemple, l'achèvement du canal de l'Ourthe ? Je le comprends parfaitement. Je comprends que la Chambre se montre rigoureuse à l'égard des compagnies concessionnaires qui ont failli à leurs engagements. Mais je demande qu'en attendant que nous connaissions les résultats de l'enquête judiciaire, nous ne nous prononcions pas sur la proposition d'enquête parlementaire dont un honorable membre a annoncé qu'il saisirait la Chambre.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - Vous venez d'entendre l'historique de l'affaire en discussion, jusqu'au moment où le ministère actuel est arrivé à la direction des affaires. Nous nous sommes trouvés en présence de travaux qu'il s'agissait ou de continuer pour répondre aux intérêts des populations ou de suspendre pour satisfaire à de prétendues exigences de l'honneur national qu'on disait outragé.

La Chambre ayant déjà été saisie antérieurement de cette affaire, ce n'est qu'avec une excessive réserve que nous avons pu nous en occuper. Nous avons respecté, autant que personne, les scrupules de la législature et il est probable que nous ne serions pas venus vous proposer en ce moment le projet de loi en discussion, s'il y avait eu moyen de le différer jusqu'à l'époque où l'enquête judiciaire aurait mis le gouvernement à même de vous donner de plus amples renseignements sur les imputations qui ont été produites.

Ce n'est donc qu'avec regret et pressés, en quelque sorte, par les courts délais qui nous restaient jusqu'à la fin de la session, que nous vous avons saisis du projet de loi, avant de pouvoir vous donner complète satisfaction sur tous les faits qui peuvent intéresser l'honneur belge.

Cependant, messieurs, nous n'avons pas cru devoir nous laisser arrêter par ces considérations au point de prononcer la déchéance de la compagnie.

Prononcer cette déchéance, c'était compromettre d'une manière définitive des travaux auxquels vous devez attacher le plus haut intérêt.

Depuis longtemps on a fait espérer les bienfaits d'un chemin de fer aux populations éloignées du centre du pays, et qui sont privées de ces moyens de communication rapide ; elles ont cependant contribué dans une juste part aux lignes dont sont dotées d'autres provinces. Il était équitable de les faire participer aux mêmes avantages.

Ainsi, messieurs, le motif principal qui a déterminé le gouvernement était de ne pas laisser plus longtemps la province de Luxembourg dans une position vraiment exceptionnelle.

Ajourner le projet de loi ou déclarer la déchéance, l'un comme l'autre parti avait pour résultat certain de remettre à des époques qu'on ne peut pas prévoir l'exécution de ces travaux auxquels vous portez certainement le plus grand intérêt.

Ainsi, si nous nous sommes décidés à venir devant vous, c'est dans ce désir légitime de sauvegarder un intérêt qui, bien que provincial à certains égards, se lie intimement à la richesse publique, puisque cette ligne sera évidemment une des plus grandes artères de notre commerce extérieur et apportera une augmentation considérable de trafic à toutes vos voies en exploitation.

Un autre motif aurait encore engagé le gouvernement à différer la présentation du projet de loi, si l'état de la session le lui avait permis ; c'était le désir de vous soumettre en même temps la convention qui aurait pu intervenir avec la compagnie. Mais, je le répète, des difficultés de plus d'une nature se sont présentées dans la négociation.

Les négociateurs ne résidaient pas à Bruxelles, et dans la prévision que je ne serais pas arrivé en temps utile au résultat désire, j'ai suspendu toute négociation pour laisser à la Chambre la faculté de se prononcer en toute liberté.

(page 1277) En présence de la discussion qui a lieu aujourd'hui, je ne puis que me féliciter de cette circonstance, puisqu'elle met la Chambre à même de s'expliquer sur les conditions qu'elle désire voir imposer à la compagnie.

Ainsi, messieurs, je n'ai engagé en rien l'avenir, et la Chambre est libre dans toutes les déterminations qu'elle prendra.

Le premier point à considérer par le gouvernement pour entrer en négociation, était d'examiner si la compagnie, comme l'a dit l'honorable M. Van Hoorebeke, avait rempli vis-à-vis du gouvernement toute l'obligation morale qui lui incombait d'aider la justice dans la découverte de la vérité.

Or, à cet égard, j'ai reçu du département de la justice l'assurance la plus formelle que les magistrats instructeurs ont rencontré, tant à Londres qu'en Belgique, tant près des directeurs que près des secrétaires et autres agents de la compagnie, tout le bon vouloir possible, et que communication d'aucune pièce, d'aucun renseignement ne leur a été refusée. De ce côté, la compagnie a donc rempli l'obligation, que lui imposait mon honorable prédécesseur avant d'entrer en arrangements.

Un autre, point essentiel à considérer, c'est l'honorabilité des administrateurs.

Vous savez, messieurs, que l'administration a été renouvelée presque complètement.

M. Vermeire. - Complètement.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - L'administration a été renouvelée complètement, et le gouvernement a reçu à l'égard des nouveaux directeurs les renseignements les plus favorables. A côté des négociateurs pour notre gouvernement, j'espère, comme l'a dit mon honorable prédécesseur, qu'il ne se trouvera que des hommes dont l'honorabilité ne pourra être mise en doute.

Ainsi, de ce côté, je pense que le gouvernement a fait tout ce que la Chambre ferait en pareil cas ; il a pris acte du bon vouloir de la compagnie vis-à-vis de la justice, et il répète qu'il ne traitera qu'avec des hommes parfaitement honorables.

Un des points qui ont le plus préoccupé la Chambre, ce sont les conditions à imposera la compagnie dans la nouvelle convention qui doit intervenir.

Un premier point à examiner est celui-ci ; la convention s'appliquera-t-elle purement et simplement au chemin de fer du Luxembourg ou comprendra-t-elle les autres travaux publics dont accidentellement la compagnie du Luxembourg se trouve concessionnaire ? A cet égard, mon opinion est tout à fait négative. Ces travaux ont été décrétés par des lois différentes, à des époques différentes et le seul fait qu'ils sont adjugés aux mêmes concessionnaires ne me paraît pas un motif suffisant pour les comprendre dans la même convention.

Il est vrai que c'est la compagnie du Luxembourg qui est concessionnaire du chemin de fer de Grande Jonction. Mais il a toujours été stipulé que ce serait une entreprise différente, dont le sort ne serait pas intimement lié à celui de l'autre ; de sorte que la déchéance peut être prononcée pour l'une sans être prononcée pour l'autre.

C'est, messieurs, ce qui arriverait si la loi n'était pas votée. La compagnie du Luxembourg est déchue du chemin de fer de Bruxelles à Arlon, mais elle n'est nullement déchue du chemin de fer dit de Grande Jonction, puisque, pour ce dernier, elle a déposé un cautionnement. Elle est donc concessionnaire en règle ; et le délai dans lequel elle doit avoir achevé, est loin d'être arrivé. Elle a encore plus de deux ans devant elle.

Ainsi, messieurs, aujourd'hui il n'y a pas connexité entre les deux opérations, et je ne pense pas qu'il y ait lieu de les rendre connexes dans l'avenir.

J'en dirai autant du canal de l'Ourthe. Cette concession est bien antérieure à celle du chemin de fer du Luxembourg, et je pense qu'il n'y a pas lieu de la comprendre dans la convention actuelle.

Il est vrai que des motifs de déchéance peuvent se présenter, mais le gouvernement n'a pas besoin d'être autorisé par la Chambre pour accorder un délai.

En vertu de l'acte de concession primitif, le gouvernement peut, de son autorité privée, prolonger le délai d'exécution.

Du reste, en même temps qu'il négociera pour le chemin de fer du Luxembourg, le gouvernement ne perdra pas de vue les intérêts des riverains de l'Ourthe.

Il sera stipulé un délai, mais je crois qu'il sera accordé par une convention spéciale. Je pense qu'il n'y a pas moyen de lier ces deux affaires, tellement que l'une ne puisse se faire sans l'autre.

La convention de 1851 est formelle à ecl égard ; elle dit ;

« Art. 21. Le canal à construire de Laroche à Liège est et demeure une entreprise entièrement distincte et indépendante de celle du railway. »

C'est dans ces termes, messieurs, que je veux rester, parce que, comme je l'ai déclaré à la section centrale, le gouvernement désire traiter avec la compagnie du Luxembourg sur la base des conventions antérieures, rien de moins ni rien de plus.

Quant aux autres conditions à imposer à la compagnie pour assurer l'exécution du chemin de fer de Bruxelles à Arlon, un aperçu en a été donné par la section centrale, qui a bien voulu entendre le ministre ces travaux publics.

Ces conditions sont reproduites dans le rapport de l'honorable M. Trémouroux, et je puis dire que le gouvernement s'y rallie en tous points. Elles consistent principalement en ceci.

La compagnie ne sera dégagée d'aucune des obligations qu'elle a contractées par les conventions antérieures. Un délai total qui ne dépassera pas 4 ans sera accordé pour l'achèvement complet de ses travaux, mais ce délai total sera fractionné, et à trois époques différentes, le gouvernement pourra prononcer la déchéance, si un tiers des travaux n'est pas exécuté à chacune d'elles.

Je pense, messieurs, que cela répond complètement à la demande de l'honorable M. Osy, qu'à tout moment le gouvernement ait des garanties suffisantes. En effet, chaque tiers exécuté sera une garantie de l'exécution ; pour le reste, chaque tiers exécuté viendra augmenter la masse des capitaux utilisés que le gouvernement aura à sa disposition pour faire exécuter par d'autres les engagements de la compagnie si elle ne se trouvait pas en état de les remplir elles-mêmes.

Quant à la gestion et pour empêcher le renouvellement des abus graves qui ont été signalés et qu'on ne cherche pas à dissimuler, le gouvernement imposera une mesure qu'on doit regretter de n'avoir pas été prise dès l'origine de la société ; c'est la nomination d'un commissaire du gouvernement, muni de pouvoirs étendus pour inspecter les livres et toutes les pièces de la comptabilité, pour s'assurer si toutes les sommes versées par les actionnaires sont réellement et utilement employées aux travaux ; si une précaution de ce genre avait été prise dès l'origine, il est infiniment probable que vous n'auriez pas aujourd'hui à vous occuper de cette entreprise et qu'elle serait déjà venue augmenter la richesse du pays et le trafic des autres voies de communication.

Le gouvernement ne traitera pas si un commissaire muni de pleins pouvoirs n'est pas admis à exercer une surveillance salutaire sur toutes les opérations de l'administration.

D'autres conditions, messieurs, ont encore été indiquées par la section centrale et je ne fais aucune difficulté de m'y rallier, ce sont celles qui ont déjà été acceptées par d'autres compagnies et qui concernent la pose du télégraphe électrique le long de la ligne, le transport des dépêches et des agents de la poste, le transport des prisonniers et des gardiens, le transport des douaniers. A cet égard, je crois que la charge n'est pas telle, que je ne puisse pas l'imposer au négociateur de la compagnie qui se trouvera devant moi.

L'honorable M. Osy témoigne la crainte que le gouvernement ayant accordé la prorogation, les actionnaires ne répondent pas aux appels de fonds qui seront faits par les nouveaux directeurs, et il engage le gouvernement à n'accorder la nouvelle convention que quand les appels de fonds auront été réalisés.

Messieurs, cela est presque impossible, car en l'absence d'une convention relevant la compagnie de la déchéance, il serait absurde, de la part de la nouvelle administration, d'espérer des versements aux actionnaires, alors que la question de la déchéance ne serait pas encore résolue d'une manière définitive.

Je crois qu'à cet égard le gouvernement doit prendre des informations sur la situation de la compagnie et sur les intentions des actionnaires, intentions qu'il peut connaître par les réunions annuelles. Sous ce rapport, nous avons déjà une certaine garantie ; c'est le soin et l'empressement que la compagnie a mis à continuer les travaux malgré la déchéance dont elle était menacée. Vous ne devez pas ignorer qu'un, nombre considérable d'ouvriers est employé sur la ligne, que les travaux se poursuivent avec une grande activité dans les environs de Namur, que les expropriations se font et se payent avec régularité.

Ainsi, le gouvernement, messieurs, cherche à concilier ce qui est dû aux légitimes susceptibilités de la Chambre avec la satisfaction à donner à un grand intérêt national. Il ne négociera qu'avec des gens honorables et sur des bases propres à prévenir le retour des abus que nous avons à déplorer, en même temps qu'elles auront pour effet d'accorder à la compagnie les délais nécessaires pour mener à bonne fin cette œuvre à laquelle le pays doit porter le plus vif intérêt.

M. le président. - La parole est à M. Tesch.

M. Tesch. - J'y renonce pour le moment.

M. Lelièvre. - Je désire que M. le ministre des travaux publics veuille bien nous faire connaître ses intentions, relativement à l'exploitation immédiate de la ligne du chemin de fer de Bruxelles à Rhisnes.

M. Wasseige. - Messieurs, après la discussion qui vient d'avoir lieu, il me reste bien peu de mots à dire.

Lorsque vous avez décrété le chemin de fer de Bruxelles à Arlon, vous l'avez fait par un motif de bienveillante équité envers les populations que ce chemin de fer devait traverser. Vous avez pensé que si la province de Namur et la province de Luxembourg avaient contribué de leurs deniers à la construction des nombreux chemins de fer, des nombreux canaux qui sillonnent de toutes parts la Belgique, elles avaient aussi droit à une certaine compensation.

C'est pour ce motif que vous avez décrété la construction du chemin de fer dont il s'agit et que vous avez accordé à la compagnie un minimum d'intérêt. C'est au nom des intérêts de ces localités que je crois devoir dire encore quelques mots.

Ces intérêts sont tels, messieurs, qu'ils me semblent devoir tenir ici la première place. Il faudrait des raisons bien puissantes, bien irrésistibles pour enlever à ces populations la réalisation des espérances qu'elles ont conçues, et qui sont sur le point de devenir des réalités.

(page 1278) J'ai dit qu'il faudrait des raisons bien fortes. En effet, celles qu'on invoque me paraissent au premier abord avoir ce caractère. C'est au nom de l'honneur national, c'est au nom de la dignité parlementaire qu'on vous propose de ne pas approuver quant à présent le projet de loi qui vous est soumis.

Messieurs, je suis aussi jaloux que personne de l'honneur national et de la dignité parlementaire ; mais je ne pense pas que l'honneur national et la dignité parlementaire soient à la merci du premier venu, à la merci d'hommes dont les actionnaires ont déjà fait justice, en leur retirant l'administration des intérêts de la société, à la gestion desquels ils les avaient appelés.

En présence de ce qui a été révélé sur la conduite des anciens directeurs, je ne pense pas que pour tout homme sérieux leurs allégations puissent toucher en quoi que ce soit l'honneur national et la dignité parlementaire.

Si, cependant, la mesure qui vous est proposée, principalement par l'organe de l'honorable M. Dumortier, devait avoir pour résultat immédiat, infaillible, de faire découvrir la vérité tout entière, peut-être, dirais-je, au nom des populations que je représente plus particulièrement : « Attendons patiemment, jusqu'à ce que l'honneur national soit complètement sauf. »

Mais ces deux choses sont complètement distinctes ; et l'intérêt des populations qui attendent si impatiemment l'achèvement du chemin de fer ne doit pas être sacrifié ici. L'enquête qui est commencée se poursuit, j'en suis convaincu, d'une manière parfaitement convenable, et la justice déploie tout ce qu'elle peut de zèle et d'activité pour arriver au résultat que nous désirons tous.

Si d'ailleurs ce résultat n'est pas atteint, il vous reste la ressource'de l'enquête parlementaire. Et moi aussi je m'associerais alors à cette demande d'enquête, de toutes mes forces et de tout mon pouvoir. Mais je ne pense pas que cette évenlualilé peu probable doive être une raison pour ne pas voter maintenant la prorogation qui vous est demandée. Je ne vois pas quant à moi qu'il existe aucun motif un peu sérieux, qui puisse faire croire à cette Chambre que si on n'est pas arrivé à découvrir la vérité sur les allégations produites, on la découvre mieux, alors qu'on aura refusé la prorogation demandée.

En effet les actionnaires ont été les premières victimes de l'administration dont ils se sont défaits.

Si 10,000 actions ont été soustraites à la caisse de la société, soi-disant pour corrompre des personnes influentes, elles ont été également soustraites à la bourse des actionnaires et ceux-ci ont dès lors autant que nous intérêt à connaître ce que sont devenues ces actions.

Messieurs, je me bonnerai là quant aux considérations générales, elles ont été développées très longuement et plus éloquemment que je ne pourrais le faire, par d'autres honorables membres.

J'ajouterai seu'ement quelques mots pour rencontrer une allégation de l'honorable M. Vermeire, quant à l'ouverture de la ligne de Bruxelles à Namur.

L'ouverture de cette ligne est sollicitée instamment par les populations qu'elle doit desservir. Nombre de pétitions ont été présentées à la Chambre dans ce sens, et la section centrale elle-même a pressé très vivement M. le ministre des travaux publics de faire en sorte que cette ouverture ait lieu immédiatement, dans le cas où la loi de prorogation serait votée ; je viens aujourd'hui me joindre à toutes ces sollicitations si légitimes.

On vous a dit, messieurs, qu'il y aurait peut-être imprudence à permettre l'ouverture de la ligne de Bruxelles à Namur avant le complet achèvement de la ligne de Namur à Arlon ; que la ligne de Bruxelles à Namur devant être plus productive que celle de Namur à Arlon, la société pourrait se borner, peut-être, à exploiter l'une sans terminer l'autre. Mais cet argument ne peut soutenir un sérieux examen ; en effet, la ligne étant indivisible, si la société ne la complétait pas jusqu'à Arlon, la déchéance serait prononcée tant pour la ligne de Bruxelles à Namur que pour celle de Namur à Arlon, et, par conséquent, si la ligne de Bruxelles à Namur doit être aussi productive qu'on le présume, son exploitation serait au contraire le motif le plus puissant pour engager la société à terminer le chemin de fer jusqu'à Arlon, afin de ne pas se priver d'avantages certains.

On a dit aussi que si on attendait quelques années avant d'ouvrir la section de Namur à Arlon, on donnerait à la concession une durée plus longue que ne l'avait voulu la loi.

Mais c'est ce qui arrive pour toutes les lignes où il y a plusieurs sections, parce que la ligne entière ne peut pas être achevée complètement dans un même moment. Ce n'est pas d'ailleurs une raison plausible pour priver la ville de Namur et les populations qui se trouvent entre cette ville et Bruxelles, de l'avantage du railway qu'elles attendent depuis si longtemps.

En effet, nous avons la certitude que si la loi est votée, comme pour ma part j'en ai l'espoir, les travaux seront complètement terminés entre Bruxelles et Namur d'ici à 6 mois. S'il doit en être ainsi, il y aurait presque cruauté à priver Namur d'un chemin de fer qui doit enfin relier directement cette ville à la capitale, alors que son exploitation ne peut nuire en rien aux intérêts que la loi primitive de concession a eu pour objet de sauvegarder.

J'insiste donc de tout mon pouvoir pour que la loi de prorogation étant votée, M. le ministre des travaux publics se rende au vœu de la section centrale, et qu'il ouvre sans délai et au fur à mesure les parties terminées de la ligne de Bruxelles à Namur. Il fera ainsi acte de justice envers des populations nombreuses et intéressantes, qui, comme la ville de Gembloux, se trouvent actuellement entièrement privées de moyens de communication, et ont la douleur de voir chaque jour des waggons se promener sur un chemin terminé, dont elles seules ne peuvent profiter.

(page 1281) M. Vermeire. Messieurs, je regrette que M. le ministre des travaux publics n'ait pas répondu à la demande que je lui avais adressée en ce qui concerne la ratification de la convention qu'il se propose de conclure avec la société du Luxembourg. On dit que si cette convention doit être soumise à une ratification ultérieure, la société ne pourra pas continuer ses travaux et sera obligée en quelque sorte de se déclarer en déconfiture.

Je crois que puisque le gouvernement a usé de tant de ménagements envers la société du Luxembourg, celle-ci se montrerait par trop méfiante envers la Chambre si elle pouvait croire qu'un engagement intervenu entre elle et le gouvernement ne serait pas ratifié, alors que cet engagement se produirait dans les termes qui nous sont annoncés aujourd'hui.

C'est pour ce motif que j'insiste pour que cette convention à faire soit soumise à notre approbation.

Ne perdons pas de vue que lorsqu'un gouvernement concède un chemin de fer, cette concession ne devient définitive que par la loi qui ratifie la concession provisoire.

Ici, une concession a été faite ; les conditions auxquelles elle a eu lieu n'ont pas été observées par la société. Je pense donc que si, dans des concessions ordinaires, le parlement a le droit d'approuver, il doit se le réserver d'une manière plus formelle dans les circonstances actuelles.

Si j'ai demandé quelle serait la situation pour le cas où l'on ouvrirait immédiatement la section de Bruxelles à Namur, c'est que je crois que par cette ouverture partielle, on accorderait une prolongation de concession ; celle-ci serait contraire à la loi de 1851.

En effet, le dispositif de l'article 2 de la convention de 1851, faite avec la compagnie du Luxembourg, porte que la concession ne prendra cours que du jour de la mise en exploitation de la ligne de Namur vers Arlon.

Ainsi, dans la supposition que, sur tout le réseau entre Bruxelles et Arlon, le trafic ne fût organisé que dix ans après le premier tronçon de la ligne, il est certain que pour la partie du chemin de fer de Bruxelles, à Namur, vous auriez une concession de 100 ans. (Interruption.)

Mon voisin me dit que cela n'y fait rien. Je lui réponds : Voulez-vous changer la loi ? Je ne m'y oppose pas, mais nous devons montrer l'exemple du respect pour les lois que nous faisons nous-mêmes. Démontrez-moi que je suis dans l'erreur dans mon interprétation, et je passe condamnation.

Je ne reviendrai plus sur les observations que j'ai déjà présentées.

(page 1278) M. Frère-Orban. - J'ai demandé la parole pour donner une explication quant au canal de l'Ourthe. M. le ministre des travaux publics, répondant à une interpellation de mon honorable ami M. Deliége, me paraît avoir fait une fausse interprétation des contrats qui lient la compagnie envers l'Etat. La société du Luxembourg a fait deux conventions qui l'obligent vis-à-vis de l'Etat, l'une concernant le canal de l'Ourthe, l'autre l'exécution de la ligne de chemin de fer du Luxembourg.

Ces deux concessions ne sont pas solidaires, l'une avait été accordée à une autre société bien antérieurement à la concession du chemin de fer ; mais il ne suit pas de là que le gouvernement, ayant vis-à-vis de lui la compagnie obligée de deux chefs et ayant une faveur à accorder pour le chemin de fer du Luxembourg, ne puisse pas lui imposer des conditions de nature à assurer l'exécution des deux conventions. (Interruption.)

On ne peut pas induire que le gouvernement est sans droit pour stipuler, quant au canal, de ce que le chemin de fer et le canal ont été l'objet de deux conventions distinctes.

Le gouvernement ayant à accorder une faveur à la compagnie du Luxembourg pour le chemin de fer, peut stipuler des conditions qui assurent, dans un délai déterminé, l'exécution du canal de l'Ourthe.

La compagnie a pris l'engagement d'exécuter ce canal dans le délai de 5 ans, une partie est faite, mais la plus considérable reste à faire ; la compagnie peut très bien le terminer dans le temps qui reste à courir.

Il importe que le gouvernement prenne des garanties pour être sûr que les engagements pris seront accomplis dans les délais déterminés par le contrat.

M. Dumortier. - Je remarque que dans cette discussion la plupart des membres qui se sont succédé se sont prononcés en faveur de cette pensée que la Chambre devait faire une enquête sur les faits articulés dans le meeting de Londres du 23 décembre dernier ; mais en même temps plusieurs de ces membres paraissent vouloir que dès aujourd'hui la Chambre relève purement et simplement la compagnie du Luxembourg de la déchéance. A mes yeux il est incontestable que ces deux idées ne peuvent pas marcher ensemble, que du jour où la Chambre se sera dessaisie en ayant relevé de la déchéance cette compagnie, à partir de ce jour il est inutile de songer à une enquête.

Sur quoi peut-on espérer d'arriver à l'évidence, comme disent les Anglais, de la vérité ? Sur l'intérêt de la société à assurer la conservation de son capital, sur la menace permanente qu'en cas de silence elle peut être dépossédée. La société est déchue ; elle l'est par son fait ; il faut une loi pour lui rendre la force et la vie. Le jour où vous lui aurez rendu l'existence fera disparaître la menace qui pèse sur elle. Ce jour-là, ne faites plus rien, ne faites plus d'enquête, car vous n'avez plus de moyen d'arriver à la connaissance de la vérité. Voilà ma conviction profonde. Je n'hésite pas à le déclarer à la Chambre ; proposer de relever la compagnie de la déchéance et de faire une enquête, sont deux choses qui ne peuvent marcher ensemble ; c'est vouloir imposer à la législature un rôle faux ; c'est vouloir lui faire faire une chose qui ne peut pas aboutir ; pour ne pas aboutir, il vaut mieux s'abstenir.

La Chambre est à la veille de se séparer ; on prend difficilement de grandes résolutions en pareil moment. Une enquête judiciaire est commencée ; plusieurs membres disent : Nous voulons savoir quel en sera le résultat. Eh bien, conservons la question dans son intégrité pour avoir les moyens d'arriver à la vérité, si vous n'y parvenez pas autrement.

Je proposerai à cette fin un amendement portant que la convention à intervenir sera soumise à la ratification des Chambres. De cette manière, la question reste entière.

Nous aurons à voir, quand il s'agira de ratifier la convention, ce que nous aurons à faire.

J'entends d'honorables membres qui disent ; Mais c'est la déchéance de la société ! Non, ce n'est pas la déchéance de la société, c'est un temps moral qu'on lui laisse pour nous faire connaître la vérité. Et la Chambre reste entière dans ses droits.

Que s'est-il donc passé dans la séance du 7 février ? On vous disait que c'était aujourd'hui que vous auriez une grande résolution à prendre ; et aujourd'hui, quelle grande résolution vous propose-t-on ? De passer l'éponge sur tout, et de ne rien faire.

Que s'était il passé à la séance du 7 février dernier ? Il s'agissait d'une pétition adressée à cette Chambre dans laquelle on lui demandait de vouloir bien engager le gouvernement à activer les travaux du chemin de fer du Luxembourg.

La commission proposait de renvoyer cette requête au ministre des travaux publics avec demande d'explications, dans l'intérêt des pétitionnaires.

Je m’opposai à ce renvoi en faisant remarquer que la question devait (page 1279) rester entière qu’il était impossible de demander d'une part de continuer les travaux et d'autre part de prétendre qu'on voulait arriver à la connaissance de la vérité.

La Chambre m'a écouté et a écarté le renvoi. Que disaient les honorables membres qui veulent purement et simplement relever la société de la déchéance ? L'honorable M. Tesch disait ; « Je ne pense pas qu'il y a lieu d'ordonner le renvoi avec demande d'explications, le moment de se montrer sévère viendra quand la compagnie demandera à être relevée de la déchéance. »

Et que répondait M. le ministre des travaux publics ? « Comme vient de le faire remarquer l'honorable M. Tesch, la Chambre sera régulièrement saisie quand le gouvernement viendra proposer un projet de loi, ayant pour objet de remettre la société du Luxembourg en possession d'un nouveau délai. » C'est alors, disait-on, que la Chambre devrait se montrer sévère, maintenir la dignité de ses membres, son honneur vis-à-vis de l'Europe, et aujourd'hui on vous propose de ratifier purement et simplement la demande de la société, c'est-à-dire de la relever de la déchéance.

Ce jour-là il est incontestable que vous n'obtiendrez plus rien, parce que le seul moyen d'arriver à la connaissance de la vérité, c'est de ne pas relever la compagnie de la déchéance.

On a dit que ce que je proposais c'était de mettre la société en déconfiture. Mais est-ce que la société est tombée en déconfiture, parce que depuis neuf ans qu'elle a la concession elle n'a pas achevé les travaux ? Il est évident que quelques mois de plus n'y feront rien.

On vous dit qu'on fera une enquête ultérieurement. Mais l'enquête, quand vous aurez relevé la société de la déchéance, ce ne sera pas aboutir, ce sera montrer votre impuissance. Aussi moi qui demande aujourd'hui une enquête parlemenlaire, moi qui crois que la Chambrea à venger son honneur outragé... (Interruption.) je déclare que je ne ferais pas une pareille proposition lorsque je croirais qu'elle ne peut aboutir à aucun résultat réel. J'ai entendu qu'on se récriait tout à l'heure, lorsque je disais que la Chambre avait à venger son honneur outragé. En effet un honorable membre a dit tout à l'heure que les accusations ne tendent pas à cela et que ce n'est que par voie d'induction qu'on y arrive. Mais comment le fait est-il énoncé dans les registres de la société ?

J'affirme que les registres de la société portent : « 2,500,000 francs, rétributions parlementaires. » Et vous venez dire que ce n'est que par des inductions qu'on parvient à mettre en cause la dignité du parlement !

Je dis que notre honneur y est engagé, que l'honneur du gouvernement représentatif, que l'honneur national y est engagé. Nous ne pouvons rester sous le coup de pareilles accusations, notre devoir le plus sacré est d'arriver à une solution. Pour cela, il faut une enquête. Si je n'ai pas maintenu ma proposition, c'est que la Chambre est à la veille de se séparer, et c'est une question de savoir si l'enquête peut continuer entre les deux sessions. Mais je demande à la Chambre de rester saisie de la question, afin de pouvoir aboutir à la session prochaine.

M. le président. - Deux propositions dans le même sens viennent d'être déposées.

L'une faite par M. Vermeirc est ainsi conçue : « La convention nouvelle à intervenir sera publiée en même temps que le projet de loi, et n'aura de force qu'après l'approbation par la Chambre. »

L'autre faite par M. Dumortier est ainsi conçue : « Je propose de déclarer que la convention à intervenir sera soumise à l'approbation des Chambres. »

M. Orts. - Messieurs, je regrette profondément que l'honorable M. Dumortier n'ait pas maintenu la proposition qu'il avait annoncée dans son premier discours. L'honorable membre avait raison de le dire ; une enquête parlementaire était de toutes les observations qu'il avait émises celle qui paraissait devoir rencontrer le plus de sympathies sur tous les bancs de la Chambre. Une enquête parlementaire en principe n'eût en effet été repoussée par personne. Si des doutes se sont manifestés ce n'est que sur la question d'opportunité.

Mais l'honorable membre, au lieu de persister dans cette proposition, au lieu de soumettre à vos délibérations la motion qu'il avait annoncée, la retire. Il y substitue une proposition d'ajournement du projet de loi à la session prochaine, alors qu'il est devenu incontestable qu'un ajournement, s'il était adopté, serait une déchéance déguisée, une déchéance dont l'honorable membre ne veut pas. On vous l'a déclaré tout à l'heure, au nom du gouvernement, les membres de cette Chambre plus spécialement au courant des besoins et de la situation de l'entreprise l'avaient dit avant lui ; leur appréciation a été immédiatement confirmée par les représentants des localités intéressées au succès du chemin de fer. La déchéance déguisée, la chute de la compagnie, la ruine du projet de chemin de fer, voilà le résultat certain auquel vous convie l'honorable M. Dumortier, c'est-à-dire le retrait indirect d'une promesse faite depuis longtemps à une province pour laquelle le pays a fait le moins, bien que ce soit, avec une autre, celle de nos provinces qui a le plus souffert pour la Belgique.

Messieurs, si j'étais convaincu que l'honneur et la dignité du pays exigent du Luxembourg ce nouveau sacrifice, après le sacrifice si douloureux qu'a déjà subi cette province, devant le patriotisme avec lequel elle l'a supporté, je ferais, plein de confiance, un appel direct au Luxembourg, et ses députés parmi nous y répondraient les premiers, pour accueillir avec moi la proposition d'ajournement, j'en ai l'intime conviction.

Mais le sacrifice est-il nécessaire ? S'il ne l'est pas, l'équité nous commande de ne point l'accomplir.

Sans doute l'honneur de la Chambre a été attaqué, ou plutôt l'honneur du parlement belge ; car on n'a pas mis en cause la Chambre seule ; on inculpait avec elle le Sénat en parlant de rémunération parlementaire.

Je tiens à le constater. Mais quel exemple de sagesse et d'estime de soi-même nous a donné l'autre Chambre dans cette circonstance ! Et quel exemple aussi de modération ! L'autre Chambre n'a pas cru, parce qu'il a passé par la tête du premier fripon venu de révoquer en doute l'honneur et la dignité du parlement belge dans une réunion d'actionnaires, que l'honneur et la dignité du parlement de la nation belge dussent paraître entamés aux yeux de l'opinion publique.

Le Sénat a justement estimé son honneur et l'honneur national en laissant le bon sens public juge entre l'habitude qu'ont les filous de crier au voleur quand ils se sentent pris en flagrant délit, et notre vieux renom de probité, de loyauté belge.

Très soucieux à mon tour de mon honneur privé et plus encore de l'honneur du parlement dont je suis membre, je ne me suis pas plus ému que le Sénat, je l'avoue, de cette basse accusation.

Je ne m'étais pas ému d'autres accusations non moins injustes, proférées dans le même pays, par une bouche autrement respectable cette fois.

Je ne n'ai pas cru l'honneur belge plus sérieusement compromis par la calomnie étrangère, que n'avait été compromis sérieusement par une regrettable boutade le courage belge.

Le Sénat belge a pensé sagement, dignement ; il a bien représenté le pays. Il ne s'est pas ému, il s'est cru au-dessus d'injures qui, parties de la boue, doivent rester mourir dans la boue.

La question ramenée à ses proportions véritables, sommes-nous, di-ai-je, dépourvus cependant de toute espèce de moyen de faire connaître la vérité sur l'affaire, non dans notre intérêt à nous-mêmes, mais dans l'intérêt de la moralité ? Et faut-il s'abstenir d'en user ? Loin de moi cette idée.

Si une enquête parlementaire était dès maintenant l'unique ou seulement le meilleur moyen d'arriver à la manifestation de la vérité, j'attache tant de prix à la voir mettre en lumière, que dussent la déchéance de la compagnie et la destruction du chemin de fer être les conséquences extrêmes de cette mesure, je ne reculerais pas. Mais je recule quand je vois que le but que nous poursuivons ne pourrait être atteint par cette voie sans les sacrifices énormes que je viens d'indiquer, et que ce but peut, au contraire, être dignement et facilement atteint par une autre.

L'honorable M. Dumortier maintient sa proposition, parce que, selon lui, une menace de déchéance est le seul moyen de faire parler les actionnaires, et par les actionnaires seuls on connaîtra la vérité.

Mettez, vous dit-il, les actionnaires à la torture comme on le faisait jadis des accusés qui ne voulaient point parler et vous saurez la vérité.

M. Coomans. - A la torture de leur bourse.

M. Orts. - C'est cela même ; à la torture par l'argent au lieu de la torture sur le corps.

M. Coomans. - Eh bien ?

M. Orts. - Eh bien, si vous aimez la torture, soit ; il y aura moyen de vous satisfaire ; je vous concède la torture pour autant que la torture produise quelque chose. Mais je suis parfaitement convaincu que la torture ici ne rapportera rien. Si les actionnaires avaient su quelque chose, n'auraient-ils pas été déjà suffisamment torturés pour parler, depuis le jour ou la déchéance a été encourue ? et que sont-ils venus dire ? Rien ; sinon avouer leur impuissance, supplier le gouvernement de poursuivre, par tous les moyens dont il pouvait disposer, la spoliation honteuse dont ils sont les premières victimes.

Si tout cela n'existait pas, vous auriez raison d'insister pour le maintien de votre torture.

Mais, dit l'honorable M. Dumortier aux adversaires de sa proposition, vos paroles ne sont plus d'accord avec celles que vous avez précédemment prononcées, lorsque pour la première fois il s'est agi de cette affaire au sein du parlement.

L'honorable M. Tesch disait à une autre époque : « Lorsque viendra le jour où il faudra décider la question de savoir si la société du Luxembourg sera relevée de la déchéance, vous prendrez des résolutions sévères pour arriver à la découverte de la vérité. »

L'honorable M. Tesch aujourd'hui, d'après l'honorable M. Dumortier, reculerait devant ces mesures sévères ; ces mesures sévères, d'après M. Dumortier, c'est l'ajournement ou la déchéance de la compagnie. L'honorable M. Tesch est beaucoup plus logique que ne le pense l'honorable M. Dumortier. L'honorable M. Tesch veut encore aujourd'hui des mesures sévères, mais il ne veut pas que ces mesures entravent le vote de la loi actuelle. L'honorable M. Tesch a remarqué aussi que depuis l'époque où il parlait, il s'est produit un fait capital dont l'honorable M. Dumortier ne tient pas compte. Ce fait important et inespéré donnera des résultats qu'une enquête parlementaire jointe même à la torture exercée sur la bourse des actionnaires pour les faire parler, ne permettaient pas d'atteindre.

(page 1280) Nous avons une poursuite judiciaire exercée de la manière la plus sérieuse ; la justice belge a sous la main un inculpé, elle a trouvé appui partout pour réunir les éléments de conviction nécessaires à la manifestation de la vérité. Elle ne se plaint pas le moins du monde d'avoir été entravée, ni en Angleterre, ni en Belgique, elle est actuellement saisie, elle fonctionne.

Tout cela, personne n'osait l'espérer à l'époque où l'honorable M. Tesch a prononcé les paroles qu'a rappelées l'honorable M. Dumortier. Je prie l'honorable membre de consulter ses propres souvenirs ; il se convaincra qu'à cette époque, la préoccupation de la Chambre était celle-ci ; Il y a des accusations ; elles se produisent dans un pays où il n’est pas possible d’atteindre, où la justice belge ne peut aller saisir ni corrupteurs ni corrompus, où les escroqueries commises échappent à la répression de nos tribunaux ; nous n’avons aucune espèce d’action sur quelque personne que ce soit mêlée à ces indignes tripotages ; et c’est sous cette préoccupation qu’on parlait alors de réserver, faute de mieux, les sévérités de la Chambre pour l’époque où les actionnaires paraîtraient devant vous demandant à être relevés de la déchéance.

Aujourd'hui nous avons fait, Dieu merci, un pas énorme vers la découverte de la vérité. Nous avons ces moyens que nous croyions devoir nous échapper. Nous tenons un accusé ; nous avons une instruction complète ; la justice nationale est saisie ; ce n'est pas à des tribunaux étrangers ou à des autorités étrangères qu'il faudra s'adresser pour toucher et montrer à tous du doigt la vérité.

Messieurs, que l'honorable M. Dumortier veuille bien comparer froidement la situation que nous fait cette instruction judiciaire, à celle que produirait une enquête parlementaire ; il l'avouera ; tout est à notre avantage ; nous sommes mille fois mieux posés pour saisir cette vérité qu'il désire, que nous désirons tous atteindre pour la faire éclater au grand jour, mille fois mieux que nous ne le serions avec une enquête parlementrire.

Messieurs l'enquête parlementaire, c'est qu'on me pardonne l'expression, malgré les sympathies qu'elle a éveillée, l'enquête parlementaire est à mon sens le plus mauvais moyen d'investigation que je connaisse pour arriver à la constatation d'un crime ou d'un délit ; c'est en même temps celui qui, en présence du caractère des accusations dont il s'agit, produirait, hors du pays et dans le pays, le moins de satisfaction à l'opinion publique, offrirait le moins de garanties.

Si en présence d'une accusation de corruption que vous dites adressée au parlement belge, et lorsque les tribunaux instruisent, vous vous saisissiez de l'affaire au nom de votre honneur outragé, ne craindriez-vous pas que l'opinion publique ne dît ; Le parlement se défie de l'autorité judiciaire, il veut se constituer juge et partie dans sa propre cause ?

Franchement, voilà ce que l'on dirait si vous vouliez vous placer entre la justice du pays et les accusations dont vous vous plaignez à bon droit. Laissez donc l'autorité judiciaire, laissez la magistrature, ce pouvoir indépendant qui est votre égal, se saisir de cette affaire et vous verrez éclater la vérité au grand jour et vous aurez dans le verdict qu'elle rendra la meilleure des satisfactions.

Aux yeux du pays et de l'Europe, un arrêt de justice vaudra mieux mille fois que cette pitoyable comédie jouée par une commission d'enquête prise dans votre sein et venant proclamer gravement en votre nom que vous ne vous sentez pas corrompus !

L'enquête parlementaire sera une machine très puissante lorsqu'elle sera organisée ; mais l'organisation, vous ne l'avez pas. Une instruction judiciaire, c'est une machine qui fonctionne avec la plus grande régularité, qui a tous les moyens d'agir à sa disposition. Instituez une enquête parlementaire, je vous le demande, qui viendra répondre, s'il n'a pas envie de comparaître ? Personne en Belgique n'est obligé de comparaître devant une commission parlementaire. Vous serez donc obligés de faire d'abord un Code d'instruction crimiuelle à l'usage de la Chambre, qui comminera des peines contre ceux qui ne voudraient pas comparaître. Car vous n'espérez pas que les hommes mêlés aux tripotages dont vous vous plaignez seront disposés à répondre de bonne grâce ?

Messieurs, une enquête parlementaire, parallèle à l'instruction judiciaire, c'est le moyen de rendre cette instruction inefficace.

Qu'est ce qui fait la force de l'instruction judiciaire ? C'est le secret. Or, ce secret, l'attendrez-vous d'une poursuite purement politique ? Cela est complètement impossible avec nos mœurs et nos habitudes.

Dans une instruction judiciaire, la justice fait comparaître qui elle veut ; elle a la force, les gendarmes à sa disposition, elle peut lancer des mandats d'amener contre qui que ce soit, atteindre les coupables si haut placés qu'ils puissent être, elle peut saisir des pièces, des papiers, et toutes choses que ne pourrait faire une commission d'enquête parlementaire, sans loi préalable.

Vous le voyez donc, messieurs, vous êtes dans une meilleure voie que toutes celles que l'on pourrait indiquer, j'avais raison de vous l'annoncer tout à l'heure.

Messieurs, si par hasard l'instruction aboutissait à attester l'impuissance de la justice, alors que le pouvoir parlementaire s'en saisisse, s'il le veut.

Je doute fort qu'il aboutisse à mieux que le pouvoir judiciaire ; mais je serais le premier à consentir à une nouvelle tentative, sans grand espoir de réussir. J'y aiderai de tout mon pouvoir, de toutes mes forces. Mais pourquoi ne pas attendre le résultat de l'instruction judiciaire ?

Maintenant, en attendant qu'un jugement soit prononcé par ceux qui sont naturellement institués pour prononcer des jugements, faut-il frapper les populations qui réclament, faut-il frapper une compagnie qui s'est expurgée elle-même de la manière la plus énergique ? Faut-il rendre impossible aux actionnaires déjà volés, la réalisation de meilleures chances, propres à compenser leurs pertes en enrichissant le pays ?

On l'a déjà dit, vous auriez beau laisser la compagnie sous une menace de déchéance, ces malheureux actionnaires qui se seraient fait rendre justice en Angleterre s'ils l'avaient pu, ne vous apprendraient rien par leurs révélations.

Si vous pouviez faire arriver les vrais coupables par une menace de déchéance, si vous pouviez par l'intérêt qu'ils ont dans la compagnie, faire arriver chez vous les anciens administrateurs, vous auriez raison. Mais soyez-en bien convaincus, vous tueriez la compagnie que ces anciens administrateurs, loin de se plaindre, se féliciteraient de ce que vous auriez fait ainsi disparaître leurs premiers accusateurs.

M. Coomans (sur la clôture). - Messieurs, il est impossible de ne pas continuer un débat aussi grave, un débat qui porte sur le projet de loi le plus important qui nous ait occupés pendant toute la session. Il s'agit d'abandonner des millions qui sont déjà la propriété des contribuables. Je demande formellement la continuation de la discussion.

M. de Mérode. - Tout le monde sait que le Sénat est très pressé de terminer ses travaux et que sa position est très gênée. Nous ne pouvons pas continuer à discuter à perte de vue sans égard pour le Sénat. Je demande, si l'on ne veut pas clore, que nous ayons une séance du soir.

M. de Haerne. - Je trouve, messieurs, que les observations de l'honorable comte de Mérode sont justes à certains égards, mais je pense qu'il serait difficile d'avoir une séance du soir. Nous sommes réunis depuis midi et personne ne s'est attendu à avoir une séance du soir.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - La Chambre sait que le Sénat continue ses délibérations.

Les objets à l'ordre du jour du Sénat concernent tous le département des travaux publics ; il faut que mon collègue assiste demain à la réunion du Sénat. Je demande donc que la Chambre, si elle ne veut pas clore, décide qu'elle aura une séance du soir. Cela est de toute convenance, et je suis persuadé que la Chambre le comprendra.

M. Coomans. - Il vaudrait peut-être mieux se réunir demain à 10 ou 11 heures. Du reste, nous sommes ici pour accomplir notre devoir, et nous devons l'accomplir jusqu'au bout. J'ai à m'expliquer et je n'ai pas encore eu la parole.

M. Deliége. - Je crois que, dans l'état actuel de la discussion, il est impossible de clore. Il y a encore un amendement dont il n'a pas été donné lecture.

- La clôture est mise aux voix ; elle n'est pas prononcée.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Messieurs, le gouvernement n'a pas appuyé la demande de clôture, parce qu'il veut laisser à toutes les opinions la liberté la plus entière de se manifester, mais il est évident que si vous ne voulez pas entraver les travaux de l'autre Chambre, je dirai même si vous voulez respecter les convenances envers le Sénat, vous devez décider qu'il y aura une séance du soir.

M. de Mérode. - D'après toutes les considérations qui ont été exposées je ne comprendrais pas qu'on ne voulût pas se donner la peine de subir une séance du soir. Vous avez une mission à remplir et si vous étiez au siège de Sebastopol vous devriez bien accomplir un devoir beaucoup plus rude. Je dis que si vous n'êtes plus en état de subir une séance du soir, vous n'êtes pas en état de remplir votre devoir.

M. Vandenpeereboom. - Je n'appuie pas la séance du soir, parce qu'il me semble que la question ne peut pas être bien discutée dans une telle séance ; mais je proposerai de fixer la séance de demain à 11 heures, de commencer par le projet actuel et de postposer les interpellations de M. Verhaegen. Le Sénat ne se réunissant qu'à 2 heures, la Chambre aura le temps d'achever la discussion du projet avant la réunion du Sénat.

M. le ministre des finances (M. Mercier). - Messieurs, j'appuierais la proposition de l'honorable membre si j'avais la conviction que la discussion serait terminée demain avant la réunion du Sénat, mais rien ne le garantit. Le plus prudent c'est d'avoir une séance du soir, et si nous ne terminons pas ce soir, de nous réunir alors demain à 11 heures.

M. Verhaegen. - Messieurs, si l'on est pressé, pourquoi ne pas continuer la discussion maintenant ? Le projet de loi se compose d'un seul article et il est possible qu'en une demi-heure ce soit terminé. Si on veut, au contraire, une longue discussion, pourquoi ne pas alors continuer nos travaux pendant quelques jours ?

J'aurais compris qu'on voulût terminer le 31 mai, mais puisqu'il faut entamer le mois de juin, donnons aux affaires tout le temps qu'elles exigent.

- La Chambre décide que la séance continue.

(page 1283) M. Coomans. - Messieurs, l'honorable M. Orts a commencé par exprimer le regret que mon honorable ami, M. Dumortier, n'ait pas persisté dans l'intention qu'il avait annoncée, de demander une enquête parlementaire. L'honorable M. Orts a ajouté qu'une enquête parlementaire était dans le vœu de la Chambre. Puis, dans la seconde moitié de son discours, le même honorable membre a démontré que l'enquête parlementaire est le plus mauvais de tous les moyens que nous puissions mettre en usage, pour arriver à la connaissance de la vérité. Je ne sais comment l'honorable M. Orts pourra prouver que ces deux propositions sont logiques. Je lui laisse ce soin délicat.

Je partage l'avis exprimé par l'honorable membre dans la seconde partie de son discours. Je crois avec lui qu'une enquête parlementaire ne nous ferait pas connaître la vérité et même qu'elle ne serait pas très convenable. Je le crois pour les raisons qu'il a indiquées et pour d'autres encore que je m'abstiens de produire, afin d'être bref, selon le vœu de la Chambre.

Messieurs, je ne suis pas non plus grand partisan de l'enquête judiciaire, en ce sens que je n'en attends pas des résultats très sensibles.

Je tiens à le déclarer d'avance, afin qu'on ne veuille pas tirer de l'inanité des résultats qu'on obtiendra, cette conclusion forcée, qu'il n'y aurait pas de coupables.

On me dira peut-être : « Vous ne désirez pas l'enquête parlementaire. Vous attendez peu de chose de l'enquête judiciaire. Que voulez-vous donc faire ? Rien. »

Oui, rien. Voilà la position naturelle de la Chambre. La Chambre n'a rien à faire. Elle est accusée, elle et d'autres, d'avoir reçu une part plus ou moins considérable dans les 10,000 actions distribuées. La Chambre a la meilleure position ici ; elle n'a qu'à attendre. C'est aux intéressés à la satisfaire ; c'est aux actionnaires à trouver les moyens de découvrir la vérité. Quant à nous, je le répète, nous n'avons qu'à attendre.

L'enquête est difficile, comme l'a très bien dit l'honorable M. Orts ; car nous n'avons pas en pays étranger le moyen d'en assurer le succès. Mais les actionnaires de la compagnie ont ce moyen-là ; ils n'ont qu'à s'adresser à ceux qu'ils qualifient aujourd'hui de voleurs, et ils n'ont qu'à nous démontrer qu'ils ont épuisé tous les moyens pour nous donner la juste satisfaction que nous avons demandée.

Quant à présent, que faut-il faire ? Rien. Ils ont mis à notre disposition des registres, des documents, tout ce que nous avons réclamé d'eux ; mais toutes choses qui ne pouvaient pas nous mener au but. Ces actionnaires n'ont plus rien à nous refuser. Ils ont tout à attendre de nous. Ne soyons donc pas si émerveillés du bon vouloir qu'ils nous montrent. Eux seuls peuvent parvenir à la connaissance de la vérité.

S'il est vrai, comme on l'a insinué, que les 100,000 liv. n'ont pas été distribuées en Belgique, qu'elles sont restées dans la poche de ceux à qui on a eu la maladresse de les confier, c'est une restitution à faire de la part des voleurs aux actionnaires, et quand même les actionnaires n'auraient rien à attendre des hommes insolvables qui avaient abusé de leur crédulité, ils seraient cependant récompensés des peines qu'ils se seraient données et des dépenses qu'ils auraient faites, par l'assurance de rentrer dans la jouissance de leurs anciens droits.

Messieurs, on fait valoir un argument qui me toucherait s'il était fondé ; l'intérêt des provinces de Namur et de Luxembourg. Mais cet argument n'a pas du tout la portée qu'on lui donne ; cet argument au fond n'est pas sérieux.

Ce n'est pas l'intérêt de ces deux provinces qui se trouve en jeu, c'est l'intérêt seul de la compagnie. (Interruption.)

L'honorable M. Tesch rit ; eh bien, je vais lui démontrer mon dire.

Messieurs, il dépend de vous d'exécuter demain ce chemin de fer sans imposer aucun sacrifice au trésor ; il dépend de vous de satisfaire les provinces de Luxembourg et de Namur, en usant de votre droit, en confiant le bien qui vous appartient aujourd'hui à une autre société ou en achevant vous-mêmes les travaux ; ce dernier mode assurerait de grands bénéfices à l'Etat. Vous voyez bien que les deux provinces, dont il s'agit, seraient parfaitement satisfaites.

Ces honorables membres se récrient ; ils disent que nous commettrions une grande injustice en prononçant la déchéance. L'honorable M. Tesch me fait un signe affirmatif. Je proteste de toutes mes forces contre cette opinion.

Qui use de son droit ne fait tort à personne. Si la clause de la déchéance ne signifie rien, si vous déclarez d'avance que vous n'en userez jamais, si vous allez jusqu'à dire qu'il serait inique, inhumain d'appliquer la déchéance, mais alors ne l'inscrivez pas dans vos lois.

En d'autres temps, cependant, vous l'avez prononcée. Pourquoi accorderiez-vous des faveurs exceptionnelles à une compagnie qui s'en est montrée si peu digne ?

Remarquez que je ne dis pas qu'il faille prononcer hic et nunc la déchéance, je ne vais pas jusque-là. Mais je dis que si l'intérêt des provinces (page 1284) de Namur et de Luxembourg est le premier des intérêts en jeu dans cette question, il est très facile de le satisfaire par la déchéance. Mais vous ne voulez pas la déchéance. Alors, ne parlez pas de l'inscrire dans la loi, et n'invoquez plus l'intérêt des populations que le chemin de fer traverse.

Un mot sur les amendements de mes honorables amis, MM. Dumortier et Vermeire. J'ai, certes, une entière confiance dans la loyauté et la prudence du gouvernement. Cependant, je désire pouvoir m'expliquer plus tard sur la convention à intervenir.

Je ferai remarquer à la Chambre qu'elle s'est toujours réservé le droit d'examiner à fond les conventions de ce genre. (Interruption.) Il est vrai qu'elle n'en discutait pas tous les articles, mais au moins on lui a donné connaissance des conventions. Je ne me rappelle pas avoir été appelé une seule fois à voter ici sur une concession de chemin de fer, sans avoir été mis à même d'examiner le contrat provisoire conclu entre le gouvernement et la compagnie.

Si tels ont été les errements très sages qui ont été observés à l'égard de toutes les compagnies, il y a une raison de plus pour les appliquer à la compagnie du Luxembourg qui a déjà manqué deux fois a ses obligations ; mais au lieu de lui appliquer le droit commun (l'examen préalable des conventions provisoires), on veut lui accorder la faveur de n'être pas jugée par la Chambre. Quelque honorable que soit le ministre, quelque confiance qu'on ait en lui, on comprendra que l'examen de la convention par la législature offre un surcroît de garantie. Je serais fort surpris si le ministre des travaux publics s'y refusait. (Aux voix ! aux voix !)

Par respect pour la Chambre, je conclus. Je dis avec d'honorables amis que le soin de mon honneur ne me permet pas de voter immédiatement le projet de loi. Je supplie le gouvernement de consentir à un ajournement formel ou implicite et à attendre quelques mois encore, jusqu'à ce que tout au moins nous connaissions les résultats de l'enquête judiciaire.

- Un membre. - Il est inutile d'attendre.

M. Coomans. - Votre empressement est singulier.

Eh quoi, vous voulez adjuger le domaine en litige avant que le procès soit jugé et en faveur de qui ? En faveur de l'accusé !

(page 1280) M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - L'honorable M. Coomans se préoccupe beaucoup de la dignité de la Chambre. Le gouvernement ne s'en préoccupe pas moins et s'il avait cru que (page 1281) l'honneur du parlement fût engagé dans la question, il n'aurait pas pris l'initiative du projet de loi ; c'est, messieurs, parce qu'il a pensé que cette prétendue injure ne pouvait pas remonter jusqu'à vous, qu'il vous a soumis la loi.

L'honorable membre craint que le gouvernement en fasse bon marché des droits légitimes de l'Etat vis-à-vis de la compagnie. J'ai déclaré sur quelles bases il me paraissait équitable de faire la convention.

En tous points la compagnie sera tenue à tout ce à quoi elle s'était antérieurement engagée.

La convention nouvelle sera la reproduction de toutes les obligations imposées précédemment à la compagnie ; à cela j'ajouterai les précautions les plus sévères pour que les scandales dont nous avons été témoins ne puissent pas se reproduire.

Il n'est donc pas exact de dire que la Chambre vote sur des conditions qu'elle ne connaît pas puisqu'il s'agit de conventions qu'elle a déjà approuvées en 1846 et en 1852.

- Plusieurs voix. - La clôture ! la clôture !

- La discussion est close.

Vote de l’article unique

M. le président. - L'article unique du projet est ainsi conçu :

« Le gouvernement est autorisé, sous les garanties et conditions qui lui paraîtront nécessaires, à proroger les délais fixés par l'article 6 de la convention conclue avec la Compagnie du Luxembourg, le 13 janvier 1852, sans toutefois que le terme puisse dépasser quatre années.

« La convention nouvelle qui interviendra sera publiée en même temps que la présente loi. »

M. Deliége a proposé une disposition additionnelle destinée à former le deuxième alinéa de l'article ; elle est ainsi conçue ;

« Le gouvernement prendra les précautions nécessaires pour assurer l'exécution des engagements pris par la compagnie quant à l'achèvement du canal de l'Ourthe. »

MM. Vermeire et Dumortier ont proposé un autre amendement ainsi conçu :

« La convention à intervenir sera soumise à la ratification des Chambre. »

Je mets aux voix l'amendement de M. Deliége.

M. le ministre des travaux publics (M. Dumon). - J'ai déclaré que je ne faisais aucune difficulté de comprendre dans la même négociation, sinon dans la même convention, les travaux à faire à l'Ourthe et l'achèvement du chemin de fer du Luxembourg. L'honorable député de Liège peut être persuadé que ce travail sera l'objet de la sérieuse attention du gouvernement qui veillera à ce que son exécution ait lieu dans des délais tels, que les intérêts des riverains ne soient pas compromis.

M. Deliége. - Je suis satisfait de la déclaration de M. le ministre ; je retire mon amendement.

M. le président. - Je vais mettre aux voix l'amendement de MM. Vermeire et Dumortier.

- Plusieurs voix. - L'appel nominal ! l'appel nominal !

- Il est procédé à cette opération.

En voici le résultat :

79 membres répondent à l'appel.

59 répondent non.

19 répondent oui.

1 (M. de Haerne) s'abstient.

En conséquence, l'amendement n'est pas adopté.

Ont répondu oui : MM. Vander Donckt, Vermeire, Boulez, Coomans, Coppieters 't Wallant, de La Coste, de Muelenaere, de Perceval, de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, de Theux, Dumortier, Jacques, Landeloos, Magherman, Matthieu, Pirmez, Rodenbach et Sinave.

Ont répondu non : MM. T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cromphaut, Vandenpeereboom, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Verhaegen, Vervoort, Vilain XIIII, Wasseige, Anspach, Brixhe, Closset, David, de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckart, de Brouwer de Hogendorp, Dechamps, de Decker, Deliége, Della Faille, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Naeyer, de Sécus, Desmaisières, Devaux, Dumon, Frère-Orban, Goblet, Janssens, Lambin, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Manilius, Mascart, Mercier, Moreau, Orts, Osy, Pierre, Prévinaire, Rousselle, Tack, Tesch, Thiéfry et Delehaye.

M. le président. - La parole est à M. de Haerne pour motiver son abstention.

M. de Haerne. - En principe j'étais partisan de la proposition. Mais j'ai reculé devant l'inconvénient d'entraver des travaux d'utilité publique qui ont un caractère d'urgence.

Voilà pourquoi je me suis abstenu.


- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi. En voici le résultat :

62 membres sont présents.

1 (M. Vermeire) s'abstient.

61 prennent part au vote.

56 votent pour l'adoption.

5 votent contre.

La Chambre adopte.

Ont voté pour : MM. T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cromphaut, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Verhaegen, Vervoort, Vilain XIIII, Wasseige, Anspach, Boulez, Brixhe, Closset, David, de Baillet-Latour, de Brouwer de Hogendorp, Dechamps, de Decker, de Haerne, Deliége, Della Faille, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Naeyer, de Portemont, de Sécus, Desmaisières, Devaux, Dumon, Frère-Orban, Goblet, Jacques, Janssens, Lambin, Lange, Laubry, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Manilius, Mascart, Matthieu, Mercier, Moreau, Pierre, Prévinaire, Rousselle, Tesch, Thiéfry et Delehaye.

Ont voté contre : MM. Coomans, Coppieters 't Wallant, de Perceval, de Ruddere de Te Lokeren et Dumortier.

M. le président. - La parole est à M. Vermeire pour motiver son abstention.

M. Vermeire. - Je n'ai pas voté contre la proposition parce que je suis favorable à la construction et au prompt achèvement du chemin de fer du Luxembourg.

Je n'ai pas voté pour, parce que la convention à intervenir ne sera pas soumise à la ratification ultérieure des Chambres.

- La séance est levée à 5 heures et un quart.