(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1854-1855)
(Présidence de M. de Naeyer, vice-président.)
(page 1087) M. Calmeyn procède à l'appel nominal à une heure et un quart et donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
Il présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Le sieur Chrétien-Frédéric Preiss, fabricant de pianos, à Bruxelles, né à Wattau (Nassau), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Le sieur Ducarme demande que la somme fixée pour les aliments d'un détenu pour dettes soit augmentée. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Plusieurs habitants de Boneffe demandent qu'on examine s'il n'y a pas lieu de décider que les fabriques de produits chimiques suspendront annuellement leurs travaux du 1er avril au 1er octobre. »
« Même demande de plusieurs habitants de Noville-les- Bois. »
- Même renvoi.
M. Vander Doncht, rapporteur. - « Plusieurs maîtres bateliers et autres intéressés à la navigation de la Sambre et de la Meuse, demandent la réduction des péages sur la basse Sambre et sur la Meuse et l’achèvement des travaux d'amélioration de la Meuse dans le parcours de Namur à Givet, notamment à Hastier et à Hermeton. »
La commission des pétitions a l'honneur de vous proposer le renvoi à M. le ministre des financs et à M. le ministre des travaux publics.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Vander Doncht, rapporteur. - « Plusieurs propriétaires et cultivateurs des communes limitrophes de la France, dans l'arrondissement de Philippeville demandent la suppression ou du moins la réduction des droits d'entrée sur les briques lorsqu'elles sont introduites en Belgique par la voie de terre. »
La commission des pétitions propose le renvoi à M. le ministre des finances.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Vander Doncht, rapporteur. - « Les administrations communales de l'arrondissement de Philippeville demandent la création d'un tribunal dans cet arrondissement. »
« Un grand nombre d'habitants d'Ath demandent qu'on rende à cette ville sa garnison ou qu'on y crée un tribunal de première instance. »
La commission propose le renvoi de ces pétitions à M. le ministre de la justice et, pour ce qui concerne la garnison, à M. le ministre de la guerre.
- Adopté.
M. Vander Doncht, rapporteur. - « Les employés des commissariats d'arrondissement de Liège, Huy, Verviers et Waremme demandent d'être rangés dans la catégorie des employés de l'Etat. »
« Les employés des commissariats de l'arrondissement de Verviers demandent d'être rangés dans la catégorie des employés de l'Etat. »
« Les employés au commissariat de l'arrondissement de Tournai demandent leur assimilation aux employés de l'Etat. »
« Même demande des employés au commissariat de l'arrondissement de Mons. »
« Les chefs de bureau et les employés des commissariats d'arrondissement de Dinant, Namur et Philippeville demandent, à être assimilés aux employés du gouvernement provincial. »
La commission propose le renvoi de ces diverses pétitions à M. le ministre de l'intérieur.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Osy. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le projet de loi allouant un crédit de 900,000 fr. au département des finances.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met à la suite des objets à l'ordre du jour.
M. le président. - La discussion continue sur l'article 14.
La parole est à M. de Renesse pour développer l'amendement qu'il a dépose hier.
M. de Renesse. - Messieurs, plusieurs honorables membres de la Chambre ont témoigné hier, pendant la discussion de l'article 14, qu'il serait peu convenable d'obliger le juge de paix d'obtempérer, à chaque réquisition faite, parfois par de simples commis des accises, à l’effet d’être présent aux visites à faire dans des lieux non ouverts au public et servant à un commerce pour lequel on doit employer des poids et mesures ; partageant cette opinion, je crois qu’il y a réellement lieu de ne pas désigner ce magistrat inamovible parmi les officiers de police judiciaire, indiqués au deuxième paragraphe de l'article 14, parce que très souvent le domicile du juge de paix pourrait être éloigné de plusieurs lieues de la commune ou il s'agirait de faire de pareilles visites, que par conséquent ce fonctionnaire serait obligé de s'absenter de son chef-lieu judiciaire pendant une grande partie de la journée, et ainsi devrait négliger des affaires plus importantes de sa magistrature judiciaire, dont la compétence a d'ailleurs été considérablement étendue depuis quelques années ; la bonne et prompte administration judiciaire de ce magistrat paraît exiger que l'on ne le surcharge pas d'une plus grande besogne ; une autre objection très importante à faire valoir pour que le juge de paix ne soit pas compris parmi les officiers de police judiciaire qui peuvent être requis, pour certaines visites, dans des lieux affectés à un commerce soumis à la loi sur les poids et mesures, c'est que d'après l'article 24 du projet en discussion, les tribunaux de simple police connaîtront de toutes les contraventions à la loi et aux arrêtés sur la matière des poids et mesures ; par conséquent, ce magistrat de police judiciaire doit rester en dehors de toute visite, pour conserver toute son indépendance en qualité de juge ; c'est par ces considérations que j'ai eu l'honneur de proposer l'amendement de supprimer au second paragraphe de l'article 14, les mots : « soit du juge de paix » ; mais, par contre, pour que l'article 14 de la loi sur les poids et mesures puisse obtenir une pleine exécution, surtout par rapport à la disposition son second paragraphe, sur les recherches à faire dans les lieux affectés au commerce, mais dont l'accès n'est pas ouvert au public, il me semble que l'on devrait donner aux agents chargés de la surveillance en matière de poids et mesures le droit de pouvoir requérir, soit le commissaire de police, soit un membre de l'administration communale, et pour que ceux-ci soient obligés d'y obtempérer, il serait rationnel d'adopter le paragraphe 3 nouveau, proposé par l'honorable M. Orts, qui ne change rien à la législation actuelle.
M. Delfosse. - L'honorable M. de Renesse, en présentant son amendement, se rallie à celui de l'honorable M. Orts. Mais si l'amendement de l'honorable M. de Renesse est adopté, il y aura lieu de modifier celui de M. Orts.
M. le président. - La parole est à M. Frère.
M. Frère-Orban. - M. le ministre de l'intérieur a demandé la parole, et je désirerais, en vérité, qu'il parlât avant moi. Peut-être donnerait-il des explications qui feraient cesser ce regrettable débat. Je ne tiens pas à parler ; il me serait agréable de m'en abstenir. Mais si le gouvernement croit devoir persévérer dans le système qu'il a fait connaître, je serai dans la nécessité de présenter qnelqdcs observations.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Je compte parler.
M. Frère-Orban. - Sans modifier le sens des explications du gouvernement, sans en atténuer en aucune façon la portée ?
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Sous quel rapport ?
M. Frère-Orban. - Le gouvernement perse-ère-t-il à soutenir qu'il est de principe... ?
M. le ministre des finances (M. Mercier). - Ce n'est pas la question. Les amendements sont positifs.
M. Frère-Orban. - Messieuis, je regrette profondément ce débat ; la dignité du pouvoir y est engagée, et il serait assurément désirable pour tout le monde que, par une explication franche et loyale, on le fit cesser.
Au lieu de prendre cette position, le gouvernement a cru devoir récriminer ; le gouvernement a cru devoir essayer de déplacer le débat en lançant contre ceux qui avaient combattu son opinion erronée, les accusations les plus imméritées. On a donné, vous a dit l'honorable ministre de l'intérieur, on a donné à ce débat des proportions ridicules, on n'a pas agi dans cette discussion franchement et loyalement.
L'honorable ministre de l'intérieur y avait-il bien réfléchi ?
D'où est née cette discussion ?
L'honorable ministre de la justice expliquant un jour l'article 14 du projet de loi, apprend à la Chambre qu'il l'a indiquée à la section centrale et qu'il n'a fait que copier l'article 16 du Code d'instruction criminelle. Il déclare quel est, selon lui, le sens de l'article 16 du Code d'instruction criminelle. Il énonce que la garantie existe pour les particuliers en ce que du moment où la loi exige la présence d'un magistiat, d'un officier de police judiciaire lorsqu'un agent du gouvernement fait une visite domiciliaire, la loi suppose l'autorisation préalable de celui dont la présence est requise par la loi.
L'honorable ministre de la justice a été sur-le-champ contredit par nous. Je fus un des interrupteurs qui signalèrent l'erreur. L'honorable M. Verhaegen se leva immédiatement et appela plus particulièrement l'attention de M. le ministre de la justice sur le danger et l'inexactitude de deux interprétations.
Certes, messieurs, personne n'aurait songé à se prévaloir d'une erreur échappée à l’honorable ministre de la justice, car tout le monde peut en commettre de semblables. On peut se tromper aisément dans l’appréciation d'un principe de droit, lorsqu'on s'exprime « ex abrupto », sans y avoir suffisamment réfléchi.Sans doute la haute position d'un ministre de la justice oblige à beaucoup de circonspection. Mais M. le ministre de la justice aurait pu reconnaître le lendemain, sans qus son caractère en fût offensé, qu'il avait donné une portée trop grande à son opinion. Tout était dit. Aucune discussion ne se serait élevée. On comptait si peu sur de nouveaux débats, que personne n'y était préparé (page 1088) et l'honorable M. Verhaegen, le contradicteur de la veille, ne se trouvait pas même à son banc.
Mais M. le ministre de la justice a réfléchi pendant 24 heures, il a réfléchi mûrement, il a étudié les textes, il vient le lendemain et de nouveau il proclame son étrange opinion « urbi et orbi ». Force est de contredire encore l'opinion si gravement erronée de M. le ministre de la justice.
On lui expose les faiblesses de ses raisons, on lui montre les grands inconvénients de ses doctrines ; c'est la confusion des pouvoirs, c'est la perturbation dans l'administration, c'est l'anarchie dans le gouvernement, c'est l'inexécution de toutes les lois d'impôt. Et c'est la doctrine qu'il veut faire consacrer par la loi !
M. le ministre de la justice délibère alors pendant cinq jours, réfléchit mûrement, examine les objections qui lui ont été faites, étudie de nouveau les textes, il lit et relit toutes les lois et, ce labeur accompli, M. le ministre de la justice vient enfin s'exprimer ainsi en répondant à l’honorable M. Moreau :
« Comme vient de le dire l'honorable préopinant, la question est très importante ; elle mérite que la Chambre y apporte le plus sérieuse attention. En effet, messieurs, il s'agit de poser les règles qui présideront au droit de visite, c'est-à-dire au droit en vertu duquel une autorité quelconque peut s'introduire dans le domicile d'un citoyen et porter atteinte à une des immunités que la Constitution nous accorde. A ce titre, la question est donc des plus sérieuses, et c'est parce qu'elle est telle, que je me félicite de l'occasion qui se présente pour la Chambre de se prononcer. »
Voilà les termes dans lesquels, après cinq jours de réflexion, l'honorable ministre de la justice vient poser la question devant la Chambre.
Il lui donne, comme on le voit, les proportions les plus vastes. Il se félicite de l'occasion qui se présente pour la Chambre, de poser les règles qui présideront au droit de visite. L'exécution d'une foule de lois peut être affectée par la solution que la question va recevoir si l'on adopte la théorie de M. le ministre de la justice, dans laquelle il persévère avec vigueur. Et lorsque des protestations, je dois le dire, unanimes, accueillent la doctrine de M. le ministre de la justice...
M. Van Overloop. - Je demande la parole.
M. Frère-Orban. - J'excepte l'honorable M. Van Overloop. Lorsque des protestations unanimes accueillent la doctrine de M. le ministre de la justice, devant lesquelles il est obligé de reculer successivement, comme je le démontrerai bientôt, M. le ministre de la justice garde le silence ; mais c'est M. le ministre de l'intérieur qui se lève, qui se tourne vers nous et s'écrie que nous avons donné à ces débats des proportions ridicules ; c'est M. le ministre de l'intérieur qui se tourne vers nous et nous accuse de n'avoir pas agi en cette circonstance franchement et loyalement. Après les paroles de M. le ministre de la justice que je viens de citer, et qui ont provoqué la discussion, ce nouveau langage est-il franc, est-il loyal ?
C'est là une première tactique que je signale ; en voici une deuxième.
Voyant dans quelle position malheureuse on s'était placé, on nous dit ; Mais votre attitude est bien extraordinaire ; le gouvernement ne veut pas de visites domiciliaires et vous en voulez. Vous voulez imposer au gouvernement l'obligation de faire des visites domiciliaires ; les agents du gouvernement iront partout ; il n'y a aucune espèce de protection pour les citoyens ! Chose étrange, c'est l'opposition qui vient réclamer les visites domiciliaires, c'est le gouvernement qui s'y oppose !
Ces jours passés, s'écrie M. le ministre de l'intérieur, vous n'étiez préoccupés que de sauvegarder, mieux qu'on ne l'avait fait dans le projet de loi, l'inviolabilité du domicile des citoyens. Aujourd'hui, on ne parle plus que du gouvernement et de ses droits ; les citoyens disparaissent ! et partanl de là, l'honorable ministre de l'intérieur ne trouve rien de mieux que de nous accuser de vouloir favoriser la violation du domicile des citoyens !
Est-ce là de la discussion franche et loyale ? Examinons encore les faits, si vous le voulez bien.
L'opposition a fait modifier la disposition primitive du projet de loi ; elle attribuait des droits trop étendus aux agents de l'administration ; le texte primitif supposait la possibilité de visites domiciliaires presque sans limites ; l'opposition a fait effacer ce que ce droit avait d'exorbitant ; l'opposition a demandé qu'on restreignît les visites aux lieux ouverts au public et aux magasins ; l'honorable M. Deliége a formulé un amendement en ce sens ; M. le ministre de l'intérieur s'y est rallié en en complétant la pensée.
Ainsi, ceux que vous accusez de vouloir vous imposer l'obligation de faire des visites domiciliaires ont combattu et fait condamner la disposition primitive du projet de loi ; et, en définitive, avec votre consentement, le droit a été restreint dans les limites les plus resserrées.
Messieurs, lorsqu'on a discuté ces restrictions aux prétentions primitives du gouvernement, lorsque quelques-uns même, comme l'honorable M. Manilius, ont proposé de prescrire qu'on ne pourrait pénétrer dans le magasin ou dans l'arrière-boutique, qu'avec l'autorisation du juge de paix, quelles ont été les objections de M. le ministre de la justice ? quelles paroles nous a fait entendre M. le ministre de l'intérieur, ce grand protecteur de l'inviolabilité du domicile ?
Une autorisation, une autorisation écrite, y pensez-vous ! a dit M. le ministre de la justice. Mais cela suppose une instruction préalable !
« Comment ! le juge de paix qui peut demeurer à plusieurs lieues de distance, pourra-t-il autoriser une visite domiciliaire sans avoir examiné les faits pour lesquels elle est demandée ! » Et parce que le gouvernement a trouvé bon, depuis, de se rallier à l'amendement ironique de l'honorable M. Lelièvre, réclamant le consentement du magistrat, ce qui exige apparemment l'instruction préalable contre laquelle le ministre se récriait si fort, on se croit autorisé à parler de prétentions ridicules ou de déloyauté !
Et M. le ministre de l'intérieur, que disait-il à ceux qui ne voulaient point de visites ailleurs que dans les lieux ouverts au public ? « Si vous n'autorisez la visite, s'écriait-il le 4 mai, que dans les lieux ouverts au public, c'est-à-dire dans les boutiques, le droit de visite devient complètement illusoire, car il n'est presque pas de maison de commerce où il n'y ait derrière la boutique une arrière-boutique, un magasin ou ne pénètre pas le public. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - C'est encore mon avis.
M. Frère-Orban. - Que signifie alors votre langage d'hier ?
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Je l'expliquerai.
M. Frère-Orban. - Ah ! vous allez l'expliquer ; je serai charmé de vous entendre expliquer et vos revirements et vos contradictions et cette loyauté qui nous provoque par l'organe de M. le ministre de la justice à résoudre une question de principe de la plus haute importance et qui nous accuse le lendemain, par l'organe de M. le ministre de l'intérieur, de donner à la discussion des proportions ridicules ; je serai enchanté d'entendre, je dirai le mot, votre justification sur ce point.
A votre sens, il n'y a pas de milieu ; il faut ou bien que le droit du gouvernement soit abaissé, qu'il soit foulé aux pieds, que les ordres qu'il donnera à ses agents soient subordonnés, pour l'exécution, au consentement ou d'un commissaire de police ou de l'autorité communale d'un village ; ou bien, si ces restrictions n'y sont apportées, on consacrera la violation du domicile du citoyen ! Voilà votre principe.
Mais ce que nous voulons, c'est à la fois que le domicile des citoyens soit inviolable et respecté, inviolable partout ailleurs que dans les magasins qui sont ouverts au public ; respecté même dans cette partie ; nous voulons même que là où le public n'est pas nécessairement reçu, dans les arrière-boutiques ou magasins où le public n'est pas constamment admis, suivant vos propres expressions, on ne puisse pénétrer qu'en présence soit d'un officier de police judiciaire, soit d'un membre de l'autorité communale.
Mais vous qui avez au plus haut point le sentiment de la dignité du pouvoir, vous voulez que l'ordre que vous avez donné, vous ministre, à votre agent, ne puisse être exécuté que sous le bon plaisir d'un commissaire de police ! Voilà la différence qu'il y a entre vous et nous. Vous voulez que certains locaux puissent être visités ; nous le voulons également ; nous ne voulons pas que l'on pénètre dans l'habitation ; vous ne le voulez pas plus que nous. Il n'y a donc pas à débattre entre nous le principe de l'inviolabilité du domicile ; il n'y a pas même à discuter sur l'étendue du droit de visite et votre sollicitude de commande à ce sujet n'est qu'une pauvre tactique pour cacher les misères de votre position. Il s'agit uniquement de savoir si l'ordre que donnera le gouvernement pour l'exécution d'une loi de l'Etat sera accompli en présence ou avec le consentement, c'est-à-dire sous le bon plaisir d'un commissaire de police ! Vous réclamez la faveur d'être soumis à ce bon plaisir ! Nous comprenons autrement la dignité du pouvoir ; nous comprenons autrement le droit qui appartient au gouvernement ; nous nous faisons une autre idée des prérogatives constitutionnelles du pouvoir exécutif, et lorsque vous vous montrez si confiant dans un commissaire de police, nous vous demandons, vous chef de l'administration, de montrer un peu plus de confiance dans vos agents ; nous vous demandons, si quelques-uns se permettaient de faire des investigations que rien ne justifierait, de savoir user envers eux de vos droits en les punissant ou en les destituant. Nous demandons en d'autres termes que vous soyez le gouvernement.
Cela posé, et le véritable caractère du débat lui étant restitué, j'examine la question même qui nous occupe, ainsi que nous y a conviés M. le ministre de la justice, question de principe dont la solution déterminera les règles à suivre pour opérer les visites domiciliaires.
C'est à cette occasion que nous pourrons examiner de quel côté est le ridicule dans cette affaire.
M. le ministre de la justice disait le 4 mai ;
« Il faut bien se rendre compte de la pensée qui a présidé à la rédaction de l'article 16 du Code d'instruction criminelle, déterminant les formalités à l'aide desquelles les visites domiciliaires peuvent se faire. Cette disposition du Code d'instruction criminelle a pris soin de statuer que nulle visite domiciliaire ne pouvait se faire dans la demeure d'un citoyen qu'avec l'intervention, soit du juge de paix ou de son suppléant, soit avec celle du maire ou de son adjoint, ou enfin celle du commissaire de police.
« Pourquoi, messieurs ? C'est que les membres de l'administration communale, le commissaire de police ou le juge de paix sont les protecteurs naturels des citoyens. Remarquons-le bien, il ne dépendra pas, comme quelques honorables membres ont paru le craindre, du caprice du premier agent venu de se ruer dans le domicile d'un citoyen et de tout y bouleverser. Non, il faut la présence d'un officier de police judiciaire, c'est à-dire son acquiescement. »
C'est sur ce point que nous avons réclamé.
Le 5 mai, l'opinion de M. le ministre de la justice est modifiée ; il fait une distinction entre la police judiciaire, c'est-à-dire répressive, et la (page 1089) police administrative, c'est-à-dire préventive ; il distingue entre la recherche des délits ruraux et forestiers et les contraventions aux autres lois.
La distinction est peut-être assez extraordinaire ; il est peut être assez subtil de faire une distinction entre les contraventions aux lois sur les poids et mesures et les infractions aux autres lois de police. Je ne prétends pas contester l'habileté de M. le ministre de la justice en ce point.
Mais voici sa conclusion du 5 mai sur le véritable sens de l'article 16 du Code d'instruction criminelle ;
« L'agent forestier ou le garde champêtre, dit-il, a la conviction que là, dans cette maison, gît la preuve du délit qu'il recherche, car pour lui le délit existe, il est constant.
« Alors le juge de paix, sommé d'accompagner le fonctionnaire, ne peut s'y refuser. »
M. le ministre de la justice nous apprend et apprend à la magistrature, le 4 mai, que le juge de paix, requis en vertu de l'article 16 du Code d'instruction criminelle, a le droit d'examiner s'il y a lieu de faire la visite ; que le droit des agents est soumis « à son acquiescement » ; le 5 mai il nous enseigne à tous que le juge de paix ne peut pas s'y refuser !
A-t-on été bien inspiré en prononçant le mot « ridicule » dans cette discussion ?
Ce n'est pas assez de deux opinions. M. le ministre de la justice en a une troisième, et je ne serais pas en peine de montrer qu'il en a quatre.
« Dernièrement, dit-il, vous avez voté la loi sur le régime forestier, vous avez introduit, d'abord, les termes mêmes de l'article 16 du Code d'instruction criminelle, mais vous n'avez pas cru que ce fût assez, vous avez ajouté dans l'article qui suit immédiatement, que, dans ce cas, le juge de paix, le bourgmestre et le commissaire de police seraient tenus d'obéir. Vous avez donc compris que la disposition précédente, celle que l'on prétend suffisante maintenant ne suffisait pourtant pas, et vous y avez ajouté une injonction formelle. »
Ainsi, le 4 mai, sous le prétexte de l'indépendance des fonctionnaires même quand la loi parle, M. le ministre de la justice est d'avis, et il en fait une doctrine générale, que lorsque la loi exige la présence d'un officier de police judiciaire, elle suppose son acquiescement, son autorisation préalable pour obéir à la réquisition ; le 5 mai, les fonctionnaires cessent d'être indépendants ; le garde champêtre ou le garde forestier a la conviction qu'un délit a été commis ; le juge de paix ne peut se refuser à l'accompagner.
Le 10 mai, M. le ministre de la justice s'aperçoit que si la présence du juge de paix est obligatoire, c'est en vertu de l’article 123 du Code forestier, que nous avons récemment voté ! L'article 16 du Code d'instruction criminelle ne suffisait pas ; on y a ajouté une injonction formelle ! M. le ministre ne veut pas reconnaître que l'on n'a fait que consacrer ce qui était de droit.
Et, en effet, si votre dernière théorie est la bonne, que fera le garde champêtre, s'il vous plaît ?
Je ne sache pas qu'il en soit question, pour les délits ruraux, dans le Code forestier. A quelle opinion faut-il s'arrêter ? Et quel est le système que devront suivre les agents qui sont placés sous vos ordres ?
M. le ministre de la justice a besoin d'arguments pour étayer sa thèse. Il nous dit : La preuve que la visite autorisée spécialement par les lois actuelles sur les poids et mesures est subordonnée à l'acquiescement des officiers de police judiciaire, je la puise dans l'arrêté du 30 mars 1827 qui le décide formellement.
Voici les paroles textuelles de M. le ministre de la justice :
« Ainsi, dans l'arrêté du 30 mars 1827 concernant la vérification des poids et mesures, il est aussi question de visites. On a prévu le cas et le texte dispose : « que les officiers de police judiciaire sont autorisés à faire les visites... conjointement avec les vérificateurs, aussi souvent qu'il sera jugé nécessaire... »
« Vous voyez, messieurs, continue M. le ministre de la justice, que l'arrêté de 1827 a maintenu le libre arbitre et l'indépendance des magistrats supérieurs. Il n'a pas prescrit qu'ils dussent servilement et aveuglément plier à la moindre sommation d'un agent des poids et mesures. Ils peuvent faire des visites conjointement avec les préposés ; ils y sont autorisés, mais seulement chaque fois qu'ils le jugeront nécessaire ; autorisés à les faire, ils sont par cela même autorisés à les décliner. »
Toute cette argumentation repose sur la supposition que les officiers de police judiciaire sont autorisés à faire, conjointement avec les vérificateurs, les visites qu'ils jugeront nécessaires et que ceux-ci ont le droit de les requérir. Mais, si je ne me trompe, il y a là une erreur. L'exposé des motifs du projet de loi nous apprend que les vérificateurs des poids et mesures n'ont pas aujourd'hui le pouvoir de constater des contraventions, de telle sorte que M. le ministre de la justice ferait une fausse interprétation de l'arrêté de 1827. D'ailleurs on aura mis sous les jeux un texte falsifié ou altéré qui l'aura induit à faire son raisonnement inexact. L'arrêté de 1827 porte « les officiers de police sont autorisés à faire seuls ou conjointement avec les vérificateurs, aussi souvent qu'il sera jugé nécessaire, des visites, etc. »
M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Mais ils sont toujours libres de faire ce qu'ils jugent à propos.
M. Frère-Orban. - C'est ce que vous décidez. Mais je viens de démontrer, que cet arrêté n'a rien de commun avec le droit de réquisition et que c'est à tort que vous en avez argumenté.
Si les vérificateurs avaient le droit de constater les contraventions mais, que les officiers de police eussent été autorisés à la faire aussi seuls ou conjointement avec eux, que pourriez-vous induire de là en faveur de l'opinion que vous défendez ? Mais si les vérificateurs n'ont pas même ce droit aujourd'hui, que signifient toutes vos déductions ?
En principe, le système que proclame M. le ministre de la justice est-il admissible ? Est-il vrai que du moment où la loi requiert la présence d'un magistrat, fonctionnaire ou officier de police judiciaire, pour assister un agent de l'administration, ce magistrat, ce fonctionnaire, cet officier de police judiciaire devient juge de l'action, le juge de l'ordre que l'agent a reçu de ses supérieurs hiérarchiques, cet ordre émanât-il du ministre chargé de l'exécution de la loi ? Cela est-il vrai ? M. le ministre de la justice le soutient ; il soutient que dans toutes les lois, lorsqu'on a voulu exiger des fonctionnaires l'obligation de déférer aux réquisitions qui leur sont faites la loi l'a dit expressément.
« Ce que j'ai eu l'honneur de dire à la Chambre dans une séance précédente, énonce M. le ministre de la justice, me paraît encore vrai aujourd'hui et vrai plus que jamais. Je n'ai pas, quant à moi, de meilleur argument à fournir en faveur de mon opinion que l'existence des lois spéciales dont il a été parlé.
« C'est un argument concluant auquel la réplique me semble difficile. Je dis ceci ; le droit d'obéissance que vous imposez aux magistrats est l'exception, et chaque fois que le législateur a voulu qu'ils dussent obéir, il l'a formellement inscrit dans la loi. De là sont nées ces dispositions dans les lois diverses, la loi du 26 août 1822, toutes les lois d'impôts, les lois sur les usines, les lois sur les brasseries, etc. »
Voilà qui est clair et catégorique. M. le ministre n'a pas de meilleur argument que celui qu'il puise dans les lois spéciales qui ont expressément consacré, selon lui, l'obligation de déférer à la réquisition des employés. Il cite les lois d'impôt.
M. le ministre de la justice a donc lu ces lois. Je les ai lues aussi ; il est possible que je les aie mal lues, qu’il y ait d'autres articles que ceux que j'ai consultés. Si M. le ministre de la justice veut bien m'indiquer les dispositions qui justifient ses assertions, je m'empresserai de reconnaître mon erreur, je ne me sentirai nullement humilié d'avouer que je me suis trompé.
Je ne veux pas fouiller, pour répondre à M. le ministre de la justice, dans l'arsenal de nos cent mille lois.
Je prends les lois en vigueur qu'on est obligé d'appliquer tous les jours, celles même auxquelles M. le ministre fait allusion.
Il y a par exemple, pour la redevance sur les mines, un décret du 6 mai 1811. Le décret stipule que, lorsque l'exploitant, par des événements extraordinaires, aura éprouvé des pertes, il devra adresser une pétition au gouverneur, qui la renverra à l'ingénieur des mines.
« L'ingénieur (dit l'article 54 du décret de 1811) se transportera sur les lieux et vérifiera les faits en présence des maires... »
Le bourgmestre peut-il refuser d'être présent ?
M. le ministre de la justice affirme que chaque fois qu'on veut que la présence des magistrats soit obligatoire, on le déclare dans la loi. La loi est muette.
La loi sur la contribution personnelle contient-elle la disposition que suppose M. le ministre de la justice ? Elle porte que les contribuables doivent se soumettre aux vérifications, recensements et expertises décidés par le gouverneur ou le directeur des contributions dans la province.
Les experts, pour être admis dans les habitations des contribuables, doivent s'y présenter les jours ouvrables, depuis huit heures du matin jusqu'au coucher du soleil, munis de leur commission et de l'ordre spécial écrit.
C'est ce que porte l'article 80 de celle même loi. Si les habitants refusent d'admettre les experts, la loi déclare que, dans ce cas, l'inspection, le recensement et l'expertise auront lieu à l'intervention du juge de paix. Est-ce que le juge peut refuser d'intervenir ?
Qu'on montre la disposition en vertu de laquelle le juge de paix se croirait autorisé à délibérer !
La loi sur les patentes porte, article 35 ;
« Il sera loisible aux fonctionnaires de l'administration des contributions directes, ainsi qu'aux porteurs de contrainte, de se faire représenter, à l’intervention d’un membre de l’administration communale ou d'un commissaire à ce délégué, dans les ateliers des contribuables désignés aux tableaux n°1 et 12, le registre des ouvriers prescrit par l'article 33, d'y faire le recensement des ouvriers, de leurs noms et de leurs travaux. Ils sont pareillement autorisés à s'assurer chez les mêmes contribuables ou auprès de tous autres, du nombre de moulins, fours et fourneaux, cylindres, chaudières, cuves, presses, chambres ou places que la présente loi a désignés comme bases de la fixation du droit.
« Les porteurs de contrainte ne pourront toutefois procéder à ces vérifications qu'en vertu de l'autorisation écrite d'un directeur, d'un inspecteur ou d'un contrôleur.
« Ladite vérification ne pourra avoir lieu que le jour et pendant les heures ordinaires des travaux. »
Est-ce que l'autorité communale peut refuser d'intervenir ? La loi sur la garantie des matières d'or et d'argent, qui a certaine analogie avec celle que nous discutons en ce moment, donne aux employés d un bureau de garantie le droit de faire des recherches, le droit de faire des visites pour constater les contraventions à la loi.
(page 1090) « Le receveur ou le contrôleur, dit l'article 101, accompagnés d'un officier municipal, se transporteront chez les particuliers... ils y saisiront les faux poinçons, les ouvrages ou lingots qui en seraient marqués ou enfin les ouvrages achevés et dépourvus de marque qui s'y trouveraient. »
C'est dans cette même forme que peuvent se faire toutes les visites domiciliaires pour rechercher les contraventions à la loi, suivant l'article 105 de cette même loi. L'officier municipal qui doit accompagner, peut-il s'y refuser ?
Remarquez que M. le ministre de la justice nous convie à proclamer un principe qui doit servir de règle au droit de visite dans tous les cas où la loi ne fait pas une injonction formelle au magistrat de déférer à la réquisition qui lui est adressée.
Les lois sur les objets soumis aux accises, sur les brasseries, sur les distilleries, sur les raffineries de sel, toutes ces lois ont pour sanction la visite des employés, subordonnée à certaines conditions déterminées par la loi générale du 26 août 1822.
La loi sur les douanes n'est garantie également que par les prescriptions de cette même loi du 26 août 1822. Quels sont donc les termes de cette loi ?
L’article 181 déclare que partout où les magasins et dépôts sont défendus, « les employés sont autorisés à faire des recherches dans toutes les maisons et tous enclos où ils en soupçonneraient l'existence clandestine. Ces visites ne pourront s'effectuer qu'après le lever ou avant le coucher du soleil et en présence d'un membre de l'administration communale ou d'une personne publique, commise à cet effet par le président de ladite administration, aux risques des employés et sur leur demande par écrit. »
Les employés d'un rang inférieur à celui de receveur doivent, pour faire ces visites, avoir une autorisation écrite d'un employé supérieur.
Est-ce que le membre de l'administration communale, obligé d'intervenir en vertu de l'article 181, peut s'en dispenser ? Quelle est la disposition dans la loi de 1822 qui déclare qu'il est tenu d'obéir à la réquisition ?
Aux termes de l'article 198 de cette même loi, lorsque les usines ne sont pas en activité, les visites ne pourront se faire avant le lever ou après le coucher du soleil, que pour autant que les employés soient accompagnés d'un membre de l'administration communale ou d'un employé public à ce commis par le président de ladite administration.
Encore une fois où donc est le texte qui a formé la conviction de M. le ministre de la justice, où est la disposition qui déclare que le membre de l'administration communale est tenu de déférer à la réquisition des employés ?
Dans toutes les lois spéciales, l'obligation est écrite, suivant M. le ministre de la justice, il l'affirme ; qu'il me cite donc ces articles de loi !
Il est un cas exceptionnel qui a été prévu par la loi où l'autorisation du juge de paix est requise. La loi le dit expressément ; c'est un cas tout à fait exceptionnel. Il s'agit de visites à faire dans les maisons des particuliers, ailleurs que dans le rayon des douanes, ailleurs que dans te territoire réservé, ailleurs que dans le territoire où les dépôts sont interdits ; l'article 200 s'occupe de cette hypolhèse.
Il décide en outre que le juge accompagnera ou chargera un greffier-huissier, ou autre officier public d'accompagner les employés dans leur visite.
Mais l'article 201 prend encore le soin d'avertir le juge, tant la mesure est contraire aux principes généraux, « qu'il ne peut refuser l'autorisation que sur la présomption bien fondée qu'on a exigé l'assistance sans motifs valables. »
Voilà l'exception ; mais la règle générale, en cette matière, c'est que, quand la loi requiert pour les visites domiciliaires la présence soit d'un membre de l'administration communale, soit d'un officier de police judiciaire, par cela seul que la loi exige sa présence, elle impose au magistrat l'obligation de déférer à la réquisition.
Il me semble, messieurs, que l'on s'est singulièrement mépris sur la garantie réelle et efficace qui résulte de cette prescription très sage du législateur, prescription qui se retrouve dans les lois, non pas, depuis cinquante ans, mais qui y était antérieurement.
C'est qu'en effet l'obligation d'appeler un tiers est une grande garantie contre les vexations. Il est clair que si un agent de l'administration voulait se livrer à des visites inconsidérées, s'il n'était poussé que par de mauvais desseins contre un particulier, il serait arrêté par l'obligation de s'adresser soit au bourgmestre, soit au commissaire de police, pour le prier de l'assister. Il irait chercher des témoins de sa mauvaise action.
Et puis, il est également clair que lorsque la loi dit au magistrat qu'il sera présent à une visite, elle dit par cela même : Vous avez le devoir, vous magistrat, de faire des observations à celui qui vous requiert ; vous devez l'avertir, si vous croyez qu'il se trompe ; vous devez lui représenter, s'il s'égare, qu'il va faire un acte malveillant, condamnable pour lequel il sera justement dénoncé à ses chefs. Second moyen de l’arrêter, second moyen d'empêcher la vexation, et par conséquent garantie sérieuse et efficace.
Enfin, messieurs, la présence qui est en général réelle d'un officier de police judiciaire qui a le droit de pénétrer dans le domicile du citoyen pour la recherche des crimes, délits et contraventions, la présence de cet officier de police judiciaire dans le domicile empêche que l'agent de l'administration ne s'y livre à d'autres actes que ceux pour lesquels il est commis.
Il est bien évident que le magistrat appelé pour assister à une visite domiciliaire, pour rechercher des poids et mesures dans les magasins dont s'occupe spécialement la loi, déclarerait se retirer incontinent s'il pouvait arriver à l'employé de l'administration de passer le seuil de ces magasins et de pénétrer dans le domicile réel du citoyen.
Il est encore manifeste que, si les agents de l'administration voulaient se livrer à autre chose qu'à la recherche des contraventions commises ; si, sous prétexte de rechercher les poids et mesures ils voulaient se livrer à d'autres investigations, s'ils avaient la prétention de voir les livres de commerce, d'examiner la correspondance, le magistrat déclarerait sur-le-champ qu'il se retire et qu'il leur enlève, par conséquent, toute espèce d'autorité.
Voilà quelles sont les véritables garanties qui résultent de la présence du magistrat.
On a supposé que par cela seul que nous disions que le magistrat était passif devant la réquisition, qu'il devait être présent par cela seul que la loi le prescrit, nous soutenions qu'il était obligé de suivre l'employé n'importe où, n'importe pourquoi, dans le domicile des citoyens. Cela n'est pas sérieux.
Le magistrat a le droit d'examiner si celui-ci qui le requiert le requiert légalement, dans le but déterminé par la loi. Il a le droit d'examiner si celui qu'il assiste remplit la mission qu'il tient de la loi.
Maintenant, messieurs, ce point suffisamment élucidé, il faut dire que toute autre doctrine a pour résultat d'opérer une confusion des pouvoirs. Toute notre organisation repose sur la distinction des pouvoirs.
Nos lois déclarent que tout juge, tout officier de police judiciaire qui s'immisceraient dans les actes de l'autorité administrative, qui défendraient l'exécution des ordres de l'administration, commettraient le crime de forfaiture.
Ne voyez-vous pas que c'est quelque chose d'analogue que vous voudriez considérer comme étant de droit commun ? Or, l'agent qui reçoit sa mission du pouvoir exécutif représente, à quelque degré que ce soit, le gouvernement, et dans la spécialité qui nous occupe, le ministre de l'intérieur.
Comment celui-ci peut-il dire : Mon action, mon ordre sera soumis au bon plaisir d'un commissaire de police, ou même d'un membre de l'administration communale sur lequel je n'ai pas d'action ! Il dépendra de lui que la loi soit exécutée ou ne le soit pas. Mais que devient alors votre responsabilité ?
Supposons un instant que votre loi soit entendue comme vous voulez qu'elle le soit, supposons que les magistrats communaux que vous voulez charger d'une mission qu'ils peuvent remplir ou ne pas remplir, à leur gré, ne trouvent pas convenable d'aller faire les visites prescrites ; supposons que l'on révèle de la partialité ou de l'arbitraire dans le choix des personnes que l'on soumet à la visite ; nous nous plaignons ; nous ne pouvons nous adresser qu'à M. le ministre de l'intérieur ; M. le ministre de l'intérieur répondra (c'est ainsi qu'il entendra sa responsabilité) :
« Mais je n'ai pu obtenir le consentement de ceux qui devaient assister aux visites. Je m'en lave les mains ! On a fait des visites chez les uns, on n'en a pas fait chez les autres ; il y a abus. Je n'y puis rien ! dira le ministre ; il faut, pour exécuter mes ordres, le consentement du commissaire de police ! » La loi ne sera-t elle pas alors dangereuse et tout au moins illusoire ?
Eh bien, messieurs, nous ne pouvons pas admettre que M. le ministre de l'intérieur se justifie de n'avoir pas exécuté la loi, en alléguant qu'il en a été empêché par l'autorité communale. C'est pour cela que je ne puis pas, quant à moi, me rallier à l'amendement de l'honorable M. Lelièvre, quoique le gouvernement se soit empressé d'y adhérer. Dussé-je être accusé d'être plus gouvernemental que le gouvernement, je suis obligé en conscience de repousser l'amendement, et j'y suis obligé par cette autre considération très puissante que si on l'admettait, après les discussions qui ont eu lieu, il en résulterait qu'à défaut de dispositions expresses dans nos lois, tous ceux qui sont appelés à contribuer à leur exécution pourraient, quand bon leur semblerait, refuser leur concours.
Or, messieurs, admettre une pareille conséquence, c'est rendre impossible l'exécution d'un grand nombre de lois, particulièrement des lois d'impôt.
D'ailleurs, sous prétexte de l'indépendance des fonctionnaires, il n'y aurait point de présent plus funeste à faire aux magistrats que celui de réclamer leur consentement au lieu de leur présence pour l'exécution d'une loi fiscale ou de police. S'il faut leur consentement, ils peuvent ne point le donner ; s'ils le donnent, ils deviendront l'objet de reproches et d'accusations de tout genre ; s'ils délibèrent, ils peuvent choisir ; s’ils choisissent, on mettra en doute leur impartialité. Si leur présence est obligatoire, au contraire, aucune responsabilité ne leur incombe, et ils n'apparaissent que comme les protecteurs des citoyens.
Et puis, enfin, je termine par cette considération, tout le monde serait indépendant, dans le système que je combats, excepté le pouvoir exécutif.
(page 1091) M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Messieurs, pas plus que les jours précédents, je ne me propose de traiter aujourd'hui la question de doctrine. Mon honorable collègue de la justice, s'il le juge convenable, répondra, à ce point de vue, au discours que vous venez d'entendre. Quant à moi, je tiens à circonscrire le débat dans la question administrative et à ne pas sortir de la question des poids et mesures.
Messieurs, il est essentiel que je vous indique, après l'honorable préopinant, la marche suivie par le gouvernement à propos de l'article 14 et de sa rédaction, plusieurs fois modifiée. Vous verrez, messieurs, que je suis resté parfaitement conséquent et logique. Je souhaite que tout le monde puisse en dire autant, que tout le monde puisse se rendre ce témoignage qu'il a constamment vu la question au même point de vue, il y a huit jours comme aujourd'hui.
Messieurs, le gouvernement avait présenté primitivement l'article 14 d'une façon trop vague et, par ce vague même, dangereuse, je l'avoue. On voudra bien reconnaître que je ne suis pas responsable de cette première rédaction qui est le fait de mon honorable prédécesseur. La section centrale s'est émue en présence de ce vague et, se préoccupant de la grande question de l'inviolabilité du domicile des citoyens, elle a cru devoir ajouter au paragraphe 2 par respect pour le domicile des citoyens. Je ne suis, quant à moi, non seulement rallié à ces vues, mais je suis allé plus loin et j'ai proposé moi-même un amendement sauvegardant mieux encore la liberté du foyer domestique.
Je ne suis donc pas resté en route quand il s'est agi de défendre l'inviolabilité du domicile ; au contraire, j'ai pris les devants, et c'est mon amendement qui a été adopté et qui est aujourd'hui en discussion.
Examinons maintenant quelle est, à proprement parler, la portée de l'article 14, dans ses relations surtout avec la position du gouvernement, car c'est de celle-là surtout que l'on semble prendre un souci tout particulier.
Pour assurer l'exécution de la loi sur les poids et mesures, il faut admettre le droit de recherche. Cette recherche doit se faire surtout dans les lieux publics, affectés aux transactions. La garantie de l'exécution de la loi est donc avant tout dans le paragraphe premier ; c'est à-dire qu'il s'agit, dans presque tous les cas, de faire des visites dans les lieux ouverts au public ; or, c'est de ces lieux que s'occupe le paragraphe premier de l'article 14.
Est-ce à dire que je méconnaisse l'importance des visites dont parle le paragraphe 2 ? Evidemment non. D'honorables amis m'avaient dit : « Pourquoi tenez-vous tant au paragraphe 2 ? Puisque vous avez le paragraphe premier, qui concerne la plupart des cas, pourquoi tenir à ce paragraphe 2 qui est plus ou moins dangereux, au point de vue de l'inviolabilité du domicile des citoyens ? »
Je tiens à conserver ce paragraphe, je le considère comme essentiel, d'abord parce qu'il consacre un principe de justice. S'il n'y avait que des visites dans le sens du paragraphe premier, ce serait encore le commerce de détail qui serait atteint ; ce serait le commerce de détail qui serait seul soumis aux visites, souvent désagréables, des agents de l'administration. Le commerce en gros, ayant ses magasins, ses grands ateliers qui ne sont pas ouverts au public, échapperait à l'action du gouvernement, quant à l'exécution de la loi sur les poids et mesures. Eh bien, c'est là un privilège que, pour ma part, je ne puis pas lui concéder.
Dans une autre disposition, à propos du commerce des liquides, j'ai établi autant que possible la nécessité d'être sévère pour les grands négociants aussi bien que pour les petits.
Si on ne peut pas appliquer le droit de visite absolument de la même manière pour le commerce en gros et le commerce en détail, faisons du moins en sorte qu'il n'y ait pas dans la Ici même une espèce de privilège pour ceux qui, n'ayant pas de magasins ouverts au public, échapperaient, grâce au paragraphe 2, au droit de visite.
Il y a un autre motif pour lequel je tiens au deuxième paragraphe ; ce paragraphe est destiné à fixer la jurisprudence en cette matière. Aujourd'hui, il est fort contesté de savoir si les agents de l'administration peuvent visiter les meuneries, les intérieurs de boulangerie. Avec le paragraphe premier, les agents de l'administration pourraient les visiter ; or, il est évident que là aussi peuvent se commettre des fraudes ; il faut donc atteindre les lieux où se font les transactions, mais qui cependant ne sont pas ouverts au public. C'est là le but que j'ai poursuivi en proposant le paragraphe 2 de l'article 14..
Mais, messieurs, après avoir établi la nécessité d'avoir ce deuxième droit de visite consacré par le paragraphe 2, je ne me suis pas dissimulé que le principe, déposé dans le paragraphe 2, est un principe extrêmement grave. C'est la première fois qu'il figure dans la législation sur les poids et mesures. Jusqu'aujourd'hui, la visite n'a été permise que dans les lieux accessibles au public ; c'est la première fois qu'on dépose dans une loi de ce genre l'autorisation de pénétrer dans des lieux fermés, mais où se font cependant des transactions à l'aide des poids et mesures. C'est un principe très grave, et c'est précisément parce qu'il se prêtera facilement, dans la pratique, aux abus les plus dangereux pour nos concitoyens, que nous jugeons essentiel de leur assurer autant de garanties que possible.
Maintenant ces garanties où le trouverons-nous ? Nous admettons d'abord la garantie que vous admettez vous-mêmes ; cette garantie est sérieuse ; la présence du juge de paix, du bourgmestre ou du commissaire. de police sera sans doute, lors de la visite de l'agent, un puissant élément de sécurité ; cette garantie existe aussi dans notre système, ou, bien, il faut supposer que le juge de paix, le bourgmestre et le commissaire de police se refuseront systématiquement à l'exécution de la loi.
C'est ce que je ne pourrais admettre, sans jeter la déconsidération sur ces fonctionnaires.
Je ne puis pas supposer que, systématiquement, alors que les agents de l'administration des poids et mesures se présenteront dans les conditions réellement acceptables pour faire la visite ; je ne puis pas supposer que le juge de paix, le bourgmestre ou le commissaire de police se refusent obstinément à les suivre pour assurer l'exécution de la loi.
Du moment que je ne puis pas supposer cela, j'admets donc que des visites se feront en vertu du paragraphe 2. Seulement nous présentons une garantie de plus, c'est que, dans certains cas, en vertu de sa liberté, le juge de paix, le bourgmestre ou le commissaire de police se réserve le droit d'examiner s'il y a lieu de faire la visite.
Je le répète, j'ai une garantie de plus que vous, garantie à laquelle je tiens aussi pour ma part.
Mais, dit-on, vous n'avez donc pas confiance dans vos agents ; j'en demande pardon à l'honorable préopinant, j'ai la plus grande confiance dans les agents des poids et mesures ; c'est précisément parce que, dans mon opinion, ils seront des exécuteurs intelligents et consciencieux de la loi, que je suppose aussi que les fonctionnaires dont la présence est requise ne seront pas dans le cas de se refuser à les accompagner dans leurs visites.
Mais je crois, d'autre part, qu'une autre classe de fonctionnaires, les juges de paix par exemple, pourraient se trouver compromis dans leur dignité, si, à tout propos, ils étaient tenus de suivre dans ses visites un agent de l'administration dont le zèle pourrait être tracassier pour les citoyens.
Ainsi, c'est nous qui offrons la plus grande somme de garanties aux citoyens exposés aux visites domiciliaires autorisées dans les lieux fermés dont parle le paragraphe 2, nous leur offrons une double garantie ; nos adversaires n'ont que la seule garantie de la présence, au moment de la visite, d'un des fonctionnaires désignés dans la loi ; nous avons de plus la garantie de l'examen préalable à faire par ces fonctionnaires, s'il y a lieu à opérer la visite.
C'est nous aussi, j'ose le dire, qui, dans toutes les explications sur le paragraphe 2, manifestons les sentiments les plus favorables et les plus bienveillants pour les agents de l'administration. Au contraire,, tous les raisonnements de nos adversaires tendent à faire croire que les agents de l'administration des poids et mesures seraient toujours tracasiers, et d'autre part, que les fonctionnaires qui doivent les accompagner dans leurs visites seront systématiquement hostiles à l'exécution de la la loi.
Ainsi qu'on ne vienne pas nous dire : « Soyez donc gouvernement ! » Nous sommes gouvernement. Nous croyons être les défenseurs réels des droits et des intérêts du gouvernement, en maintenant la proposition que nous ayons faite d'insérer dans la loi le deuxième paragraphe de l'article 14. Il y a, je l'avoue, différentes manières de comprendre les intérêts du gouvernement. Mais, comme le disait hier l'honorable M. de Muelenaere, on sert le mieux le gouvernement en ne l'exposant pas à tracasser inutilement les citoyens et à s'attirer ainsi la désaffection publique. Notre histoire, sous ce rapport, nous offre d'utiles enseignements.
Mais est-il donc vrai que nous sacrifions les droits du pouvoir, que nous le rendons impuissant ? Le gouvernement est-il donc, selon l'expression de M. Orts, désarmé, complètement désarmé ?
Messieurs, livrons-nous à un examen rapide de la loi, et nous nous convaincrons bientôt, qu'au contraire l'action du pouvoir sera singulièrement renforcée par la loi, en matière de poids et mesures. Je demande à prouver en quelques mots que cette action est tellement renforcée, qu'il y aurait presque lieu de s'en effrayer.
Qu'on me permette d'indiquer les principaux changements que la loi va introduire dans l'état actuel des choses, quant à l'action du gouvernement dans l'administration des poids et mesures.
D'abord, la loi actuelle va augmenter le nombre des agents ayant le droit de faire des visites. Jusqu'à ce jour, les vérificateurs n'avaient pas le droit de constater les contraventions. D'après la loi nouvelle, ils pourront contribuer à rechercher et constater des contraventions. Première augmentation de l'action du pouvoir.
Deuxième renforcement de l'action du pouvoir. Aujourd'hui les agents de l'administration ne peuvent jamais se présenter seuls, même dans les lieux ouverts au public. Jusqu'en 1831, les officiers de police judiciaire pouvaient seuls faire la visite ; par un arrêté de 1831, on a commissionné certains agents des accises et on les a autorisés à rechercher les contraventions en matière de poids et mesures, mais, toujours en présente d'officiers de police judiciaire.
Jamais il n'avait été permis à un agent de l'administration des poids et mesures de se présenter seul dans un lieu même ouvert au public. Aujourd'hui, dans tous les lieux publics et pendant tout le temps qu'ils sont ouverts, les agents de l'administration des poids et mesures pourront se présenter seuls et sans être accompagnés de qui que ce soit.
Troisième augmentation de l'action du gouvernement en matière de poids et mesures. Jusqu'à présent, il était interdit de faire des visites dans les lieux fermés.
Pour la première fois on introduit dans la législation cette grave disposition que les agents pourront s'introduire dans les lieux fermés, restreints, il est vrai, à ceux où se font des transactions commerciales.
L'acliondu pouvoir a été renforcée dans la loi nouvelle, en ce qu'on (page 1092) stipule des pénalités contre ceux qui refusent de se soumettre à la visite des agents. Jusqu'à présent, il n'y avait pas de pénalités. Aujourd'hui nous établissons un système de pénalités contre ceux qui se refusent à subir ces visites. Voilà donc, sous ce rapport, l'action du pouvoir encore renforcée.
Ce n'est pas tout. Elle l'est encore parce que la loi veut qu'on accorde aux agents la moitié du produit des amendes. Depuis quelques années, ces amendes sont versées intégralement au trésor. Ces agents seront donc d'autant plus rigoureux qu'ils seront plus stimulés qu'ils ne l'étaient à rechercher les contraventions.
Voilà, messieurs, de ces cinq chefs, le pouvoir du gouvernement plus étendu en vertu de la loi nouvelle et notamment de l'article 14, qu'il ne l'est aujourd'hui. Ces faits parlent.
Bien loin d'avoir à redouter l'accusation de trahir les devoirs du gouvernement, de sacrifier les pouvoirs du gouvernement, nous pourrions déclarer que ces pouvoirs sont peut-être trop étendus. Pour ma part, je suis effrayé du pouvoir que la loi confère au gouvernement.
Messieurs, je n'ai pas voulu abuser des moments de la Chambre, ni entrer dans aucune question de doctrine.
Je n'ai voulu voir que les faits. Je ne me suis préoccupé que de la nécessité pour le gouvernement de pouvoir arriver à une exécution convenable de la loi, et, d'autre part, de maintenir l'inviolabilité du domicile du citoyen ; je crois qu'il est impossible que la Chambre ne se rallie pas à l'amendement de la section centrale et du gouvernement, sous-amendé par M. Lelièvre.
Pour moi, quelle que soit l'opinion qui domine, qui triompe danscee débat, je puis me rendre ce témoignage que si je me suis souvenu constamment que j'ai l'honneur de représenter ici le gouvernement, je n'ai pas publié que je suis citoyen belge et que je ne puis méconnaître les droits et les prérogatives de mes concitoyens.
M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - La Chambre me permettra de répondre par quelques observations très courtes à celles que vient de présenter l’honorable M. Frère.
Cet honorable membre m'a pris en quelque sorte directement à partie. Dût l'honorable M. Lebeau m'adresser de nouveau lereproche de recommencer la trame de Pénélope, il faut, en définitive, que je me défende. On a émis à mon adresse des paroles où certes la politesse ne domine pas ; on ne m'a épargné ni les épithèles de ridicule, d'absurde, ni autres aménités de ce genre. Permettez-moi de vous dire que nous n'avons pas provoqué une discussion sur ce ton, nouveau pour moi. D'où est venue la première acrimonie dans ce débat juridique ? C'est du côté où vous siégez ; c’est l’honorable M. Verhaegen qui, le premier, lui a donné la tournure regrettable qu’il a prise.
Comment cet honorable membre est parvenu à passionner la controverse, je vais vous le rappeler.
Précisons bien quel en a été le point de départ.
Dans la séance du 3 mai, alors que pour la première fois on a discuté l'article 14, il s'éleva de nombreuses réclamations contre le droit de visite « en principe ».
On voulait le bannir complètement de la loi ; c'était, disait-on, chose vexatoire ; c'était, à propos d'une matière qui n'était pas importante, permettre une atteinte trop grave à la tranquillité des citoyens.
Le gouvernement a défendu le principe des visites domiciliaires contre ceux qui le combattaient comme exorbitant. J'ai dit alors que ce droit s'exécutait sans notables inconvénients, qu'il n'était pas et ne serait pas, grâce à la sagesse des magistrats, une occasion de vexations, et j'ai expliqué comment il s'exerçait ; j'ai montré qu'il ne fallait pas trop s'en exagérer la portée.
Aujourd'hui les rôles sont changés ; après avoir proclamé que les visites domiciliaires sont une atteinte à l'un des privilèges les plus précieux du citoyen, on dit maintenant qu'elles ne sont rien ou sont anodines. Nous persistons, au contraire, à dire que ce droit de recherche est quelque chose de grave ; nous qui le défendions naguère contre ceux qui le qualifiaient de mesure exorbitante, nous devons le revendiquer aujourd'hui comme une faculté juste et indispensable.
C'est alors que, sans préparation, sans m'y être nullement attendu, j'ai pour la première fois pris part à ce débat. J'ai déclaré que les citoyens trouveraient dans la présence du magistrat une grande garantie. J'ai ajouté qu'il fallait l'acquiescement du magistrat, mais j'ai entendu surtout parler d'acquiescement moral. C'était dans ce moment ma pensée dominante, et je l'ai exprimée quand j'ai pris la liberté d'interrompre l'honorable M. Verhaegen. J'en appelle à mes honorables voisins. Plus tard, en sortant de cette enceinte, j'ai eu l'honneur de m'en expliquer avec l'honorable membre. Et c'est le lendemain que, reprenant la discussion, il m'a adressé ce reproche qui serait bien grave, s'il était fondé, de persister à occuper la Chambre et le pays d'une difficulté que ne serait qu'une question d'amour-propre froissé. Je me mets au-dessus d'une pareille imputation. J'ai défendu, et certainement j'en avais le droit, le principe de la dignité des magistrats. Il n'y a pas là d'amour-propre ; je ne crois pas que vous puissiez demander pour vous seul le monopole de la loyauté. Vous êtes loyal, je vous l'accorde. Mais admettez que d'autres le sont aussi.
C'est ainsi que j'ai été conduit, par vos observations à examiner la question dans tous ses détails ; c'est après cet examen que j'ai énoncé mon opinion, et que je la maintiens.
Vous voulez élever la vôtre à la hauteur d'un principe. C'est là que vous tendez, et d'après vous, ceux qui ne vous suivent pas seraient absurdes, manqueraient de sens commun !
Mais permettez-moi de vous le dire, c'est montrer beaucoup de prétention.
J'ai étudié la question de près ; je l'ai fait examiner, je suis resté convaincu qu'en droit, en strict droit, j'ai raison, et c'est le lendemain, lorsque la discussion a surgi de nouveau, que je vous ai communiqué quelle portée il fallait donner à l'article 16 du Code d'instruction criminelle, si souvent cité, et déjà l'honorable M. de Muelenacre, partageant mon avis, m'avait précédé dans cette voie.
Sans doute, je puis me tromper ; mais je ne couvre mon erreur ni sous un ton magistral ni par des formes acerbes.
J'ai reconnu que dans le cas de l'article 16 du Code d'instruction criminelle, le juge de paix, le commissaire de police, le maire sont tenus d'obtempérer.
C'est d'une pratique constante. J'ai, pendant quinze ans, vu l'application de cette disposition. Mais où je me sépare de vous, c'est sur le point de savoir dans quel texte les agents inférieurs puisent le pouvoir de faire obéir le fonctionnaire supérieur. Vous trouvez ce droit dans l'article 16 lui-même, moi je soutiens qu'il ne leur est dévolu que par l'ancien décret de l'an V, dont on a continué l'application et auquel le Code se réfère.
Cela est tellement vrai que dans le texte du Code d'instruction criminelle se trouve la confirmation de ce que j'avance.
Je regrette véritablement de prolonger cette discussion, et comme nous sommes avocats, elle peut durer longtemps ; mais enfin, force m'est de montrer que dans l'article 16 paragraphe 5 se trouve la confirmation implicite de ce que j'énonce.
On y prévoit le cas où un garde champêtre veut arrêter un délinquant, et alors, porte l'article, le bourgmestre ne peut se refuser à faciliter l'arrestation.
Rien de semblable n'est dit pour les visites domiciliaires dont mention quelques lignes plus haut ; d'où la conséquence que si le décret de l'an V ne les rendait pas obligatoires, le silence de l'article 16, en ce qui les concerne, n'eût pu servir à forcer l'intervention du magistrat.
Ma position, comme ministre de la justice, me commande plus particulièrement de veiller à l'exécution régulière des lois, de coopérer autant que je le puis à toute loi nouvelle de manière à la rendre claire et complète, à éviter les conflits, à maintenir la séparation des attributions. Mes observations n'ont pas eu d'autre but. Comme représentant de la magistrature, c'était pour moi un droit et un devoir de maintenir sa dignité et son indépendance relative, non son indépendance morale qui ne peut être attaquée et que personne ne songe à attaquer ; mais son indépendance légale. Ce devoir je l'ai rempli.
J'ai pensé que si le magistrat était tenu d'obtempérer à la réquisition d'un agent inférieur des poids et mesures, qui, je n'ai pas besoin de le faire remarquer, apparlient à un tout autre ordre hiérarchique, ce serait faire abdiquer au magistrat toute espèce de libre arbitre ; c'est faire de lui un instrument passif dans une matière où je crois qu'il est de sa dignité comme de l'intérêt des citoyens et du gouvernement, de ne le faire intervenir que comme instrument volontaire, conservant sa liberté d'appréciation.
N'oublions pas, messieurs, que c'est l'intervention sérieuse du magistrat qui fait la garantie réelle du citoyen ; le magistrat ne doit pas seulement assister aux visites domiciliaires pour signaler les abus ou les vexations ; il doit les empêcher.
L'honorable M. Frère nous disait tout à l'heure que le magistrat, par ses sages avis, ses remontrances intelligentes et bienveillantes, redresserait les abus et arrêterait les excès de zèle. Mais qu'importe s'il ne peut les prévenir ? C'est l'occasion même qu'il doit pouvoir écarter ; sinon, je le répète, vous arrivez à cette bizarre conséquence : de reconnaître à un homme le droit de signaler le mal et de lui imposer cependant le devoir d'y assister. Est-ce raisonnable ? Est-ce logique ?
M. Frère-Orban. - M. le ministre de l'intérieur le destituera.
M. Malou. - Quand la vexation aura été commise.
M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Oui, et pourvu qu'il l'apprenne. Il le destituera et la vexation n'en aura pas moins eu lieu, elle domicile du citoyen, cet asile sacré, n'en aura pas moins été envahi. Vous destituerez le coupable, mais aurez-vous réparé le tort qui aura été fait au droit du citoyen de n'être pas molesté dans son domicile et frappé dans son honneur !
L'honorable M. Frère me disait ; Le magistrat se retirera dès que l'employé voudra dépasser ce droit de visite. Vous vous trompez. Dans votre système, il ne pourra se retirer ; vous le faites l'instrument passif de l'agent ; il aura beau s'écrier ; Vous ne pouvez pas entrer dans cette chambre. Il sera condamné à sanctionner en quelque sorte malgré lui, par sa présence, le fait qu'il désapprouve.
Vous voyez donc qu'il faut dans cette matière spéciale accorder une intervention sérieuse au magistrat. C'est de son pouvoir réel que dépend la garantie du citoyen.
Messieurs, je ne rentrerai pas dans la discussion des lois spéciales. Je me contenterai de faire une observation ; dans certaines de ces lois, que je n'ai pas sous les yeux, notamment dans la loi de 1819 sur la contribution personnelle, l'administration communale doit intervenir, pourquoi ? Parce qu'elle est un élément essentiel de la confection des rôles dont il s'agit. Il est dit dans la loi que l'administration communale (page 1093) intervient et qu'elle fera telle et telle chose. Evidemment son intervention est naturelle, elle est indispensable, elle est forcée.
Mais dans la loi générale de 1822, je puise la preuve la meilleure que le magistrat n'est pas tenu d'obéir si la loi ne le prescrit pas.
La loi de 1822 a prévu les diverses hypothèses. Elle stipule que dans tous les cas les administrations communales doivent obtempérer, l'autorisation doit toujours être accordée. Mais pour le juge de paix, c'est tout le contraire, il y a une réserve, il est libre d'apprécier et par conséquent maître de refuser.
Voilà ce que j'ai soutenu ; mon système est celui-ci ; En droit commun, cette obligation d'obéir n'existe pas, et pour qu'une obligation qui est une exception au droit commun, puisse exister, il faut qu'elle résulte d'un texte précis et formel d'une loi. Pareille obligation ne se déduit pas, ne se suppose pas, elle se décrète. C'est la conséquence non seulement de ce qui est dû à la dignité de la magistrature, mais de ce qui est dû à l'indépendance des pouvoirs.
L'honorable M. Frère, à propos de l'arrêté de 1827 que j'avais cité, a été jusqu'à dire que j'avais commis une espèce de falsification.
M. Frère-Orban. - Du tout.
m. le ministre de la justice. — Vous l'avez dit.
M. Frère-Orban. - Du tout ; je proteste. J'ai dit que vous aviez probablement eu sous les yeux un texte falsifié.
M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Je constate que j'ai eu sous les yeux le texte tel que vous-même l'avez lu. Voici le texte, je l'ai lu naguère à la Chambre ;
« Les officiers de police judiciaire sont autorisés à faire les visites seuls ou conjointement avec les vérificateurs aussi souvent qu'il sera jugé nécessaire. »
M. Frère-Orban. - Les mots « seuls ou » ne se trouvent pas au Moniteur.
M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Il m'est impossible d'être responsable des omissions ou des erreurs involontaires du Moniteur. Dieu nous préserve tous de porter une pareille responsabilité !
M. Frère-Orban. - On a mis des points à la place des mots : « seuls ou » ; c'est ce qui m'a amené à vérifier le fait.
M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Prenez-vous-en aux presses du Moniteur. Mais ne me reprochez pas d'avoir fait usage ici d'un texte incomplet.
Mais ce texte, messieurs, sert précisément à justifier mon opinion. Qu'ai-je dit ? J'ai prétendu que dans l'ancienne législation, les officiers de police judiciaire n'étaient pas tenus à suivre servilement les agents des poids et mesures. Eh bien, cet arrêté de 1827 me donne raison, et au plus haut degré, car les officiers de police judiciaire sont seuls autorisés à faire les visites, tandis que les agents des poids et mesures ne peuvent en faire aucune.
Remarquez-le bien, et c'est ici que la législation nouvelle, comme vient de le démontrer mon honorable collègue M. le ministre de l'intérieur, contrastera singulièrement avec la législation ancienne. Sous l'empire de celle-ci, le gouvernement était jusqu'à un certain point désarmé, en ce sens qu'il n'avait pas d'agents directs à sa disposition. Il ne pouvait compter que sur les officiers de police judiciaire qui ne relèvent pas du département de l'intérieur, car les agents des poids et mesurcs n'avaient ni qualité, ni initiative.
Aujourd'hui tout est changé, les agents des poids et mesures interviendront directement, ils feront certaines visites seuls, librement, comme ils l'entendent, le jour et la nuit au besoin, et dans le paragraphe 2 de l'article 14, il est accordé au gouvernement une autre latitude, grande, considérable, comme on vous l'a dit ; c'est de faire des visites dans les lieux non ouverts au public.
On a donc en tort de croire que ce que nous proposons n'est que la continuation de l'ancien état de choses. Ce n'est pas la continuation de l'ancien état de choses, c'est une situation complètement nouvelle qui donne au gouvernement, dans une matière qui n'a qu'une importance secondaire, des attributions puissantes, qui l'arme d'un pouvoir considérable.
Je m'arrête sur ce point. Car, je le répète, si je devais continuer la discussion de doctrine, nous n'en finirions pas. Ce que je veux établir, c'est que je n'ai pas provoqué les expressions blessantes qu'on m'a prodiguées. Mon honorable collègue a été blessé, comme moi, par des observations que vous-mêmes avez faites, observations peu polies que je n'ai pas relevées, parce que je sais tenir compte de l'entraînement de la parole.
Vous m'avez accusé d'un fait grave ; vous m'avez imputé d'apporter dans cette enceinte des questions d'amour-propre. Je n'ai rien relevé, je n'ai pas protesté ; nouveau venu, je devais me défier moi-même des entraînements de la discussion.
Mais n'allez pas nous demander de nous courber devant toutes vos assertions, de tenir pour sacré tout ce que vous proclamez en matière de droit. Là au moins les opinions restent certainement libres, et si grands partisans que vous puissiez être de l'obéissance passive, souffrez qu'en matière de droit je garde mes principes,
M. Delfosse. - Messieurs, mon intention, en prenant la parole, n'est pas de faire ressortir les torts que le ministère a pu avoir dans cette discussion. Si, comme M. le ministre de la justice, vient de vous le dire, il faut tenir compte des entraînements de l'improvisation, il faut aussi faire la part de l'émotion et de l’inexpérience qui s'attachent presque toujours aux débuts dans une carrière aussi difficile.
Je me bornerai à indiquer en quelques mots ce que loyalement je crois être la vérité et ce qu'il convient de faire dans l'intérêt de la chose publique.
Je tiens, messieurs, autant que qui que ce soit, à l'inviolabilité du. domicile ; autant que qui que ce soit, je suis opposé à ce que les agents de l'administration puissent pénétrer trop facilement, trop légèrement dans le sanctuaire de la famille. Liégeois, je n'oublie pas que nos pères avaient inscrit dans leurs lois cette maxime énergique : « dans sa maison pauvre homme roi est ».
Si l'inviolabilité du domicile était en question, je m'associerais de tout cœur aux craintes qui ont été exprimées par M. le ministre de l'intérieur et par d'honorables collègues de la droite. J'irais même plus loin qu'eux ; je ne me contenterais pas, dans ce cas, de placer l'inviolabilité du domicile sous la sauvegarde du bon plaisir d'un commissaire de police. Car, c'est à cela qu'aboutissent les garanties réclamées avec tant d'instance par les partisans de l'amendement de l'honorable M. Lelièvre.
Remarquez-le bien, messieurs, en adoptant l'amendement de l'honorable M. Lelièvre, vous ne donnerez pas aux citoyens la garantie de l'intervention volontaire et réfléchie du juge de paix, magistrat inamovible, ou du bourgmestre, magistrat électif ; les employés pourront s'adresser en premier lieu et directement au commissaire de police tout comme du bourgmestre et au juge de paix ; ils pourront même s'adresser au commissaire de police après avoir essuyé un refus de la part des deux autres fonctionnaires, anomalie étrange que l'honorable M. Verhaegen a signalée avec beaucoup de force sans que ni M. le ministre de l'intérieur, ni M. le ministre de la justice, ni aucun membre de la droite aient pu lui répondre.
C'est en vain que le bourgmestre et le juge de paix auront refusé d'accompagner les employés dans une visite, c'est en vain qu'ils auront, par là, déclaré en quelque sorte la visite vexatoire, cette visite pourra se faire en présence et sous le bon plaisir d'un simple commissaire de police ! Je ne puis croire que la Chambre sanctionne par son vote une telle anarchie administrative, uue doctrine aussi subversive du sens commun.
J'insiste sur ce point qu'on n'a pas trouvé un mot de réponse à cette objection de l'honorable M. Verhaegen.
Si, messieurs, le principe de l'inviolabilité du domicile était en jeu, je serais donc plus inquiet et plus difficile en matière de garanties que nos honorables adversaires ; mais la disposition qui nous occupe n'autorise pas les employés à pénétrer dans le domicile proprement dit ; il ne s’agit que de pénétrer dans des lieux non ouverts au public, il est vrai, mais destinés soit à des perceptions à charge des particuliers, soit à des transactions, c'est-à-dire dans des lieux où, bien qu'ils ne soient pas ouverts au public, une foule de personnes étrangères à la famille sont fréquemment admises.
Cette réserve fort sage mise au droit de visite des employés, droit qui ne peut s'exercer qu'entre le lever et le coucher du soleil et en présence d'un magistrat, cette réserve me rassure complètement, comme elle doit rassurer la Chambre.
Pour un droit ainsi limité, il n'y a nulle nécessité de subordonner la visite des employés à l'autorisation préalable de ceux dont la présence est requise, et il y aurait de graves inconvénients à le faire ; ce serait, comme je l'ai dit tantôt, créer une véritable anarchie administrative.
Je trouve d'ailleurs autant de garantie dans l'action qu'un ministère responsable exerce sur ses employés, dans l'intérêt qu'il a de modérer leurs excès de zèle, que dans l'intervention volontaire d'un simple commissaire de police. Je ne puis comprendre que M. le ministre de l'intérieur craigne des vexations de la part de ses employés, alors qu'il a sur eux une autorité pleine et entière.
Maintenant, messieurs, permettez-moi de développer l'amendement que j'ai présenté et qui est indépendant et de l'amendement de M. Lelièvre, et de l'amendement de M. Orts, et de l'amendement de M. de Renesse, qui peut se concilier avec celui de ces amendements qui sera adopté par la Chambre.
Voici, messieurs, comment je propose de rédiger le paragraphe 2 ;
« Sont également soumis à cette visite, après le lever et avant le coucher du soleil, les lieux affectés à la même destination dont l'accès n'est pas ouvert au public. Toutefois les commis des accises et les vérificateurs ne peuvent y pénétrer si ce n'est en présence, etc. » (Suivrait la rédaction de l'amendement qui sera adopté.)
D'après l'article 13, messieurs, vous conférez le droit de constater les contraventions aux lois et arrêtés en matière de poids et mesures, non seulement aux commis des accises spécialement commissionnés à cet effet, mais aussi aux vérificateurs et aux vérificateurs-adjoints, concurremment avec les employés de l'enregistrement et les officiers de police judiciaire.
On aurait pu se dispenser de parler ici des employés de l'enregistrement et des officiers de police judiciaire ; le droit qu'on leur confère, ils le tenaient déjà des dispositions en vigueur ; mais puisqu'on a trouvé bon de les comprendre dans cette loi, il faut aller jusqu'au bout et leur donner aussi les moyens d'action. C'est ce qu'on a fait par l'article 14, mais on l'a fait d'une manière incomplète. Il y a dans le deuxième paragraphe de l'article 14 une lacune que mon amendement a pour but de combler.
D'après le paragraphe premier de l'article 14, le droit de visite dans les lieux où se font habituellement, soit des perceptions à charge des particuliers, soit des (page 1094) transactions, appartient indistinctement à tous les employés dénommés dans l'article 13, c'est-à-dire aux commis des accises spécialement commissionnés à cet effet, aux vérificateurs, aux vérificateurs-adjoints, aux employés de l'enregistrement et aux officiers de police judiciaire ; mais dans le paragraphe 2 de l'article 14 on ne s'est préoccupé que des conditions auxquelles il fallait soumettre les visites faites dans des lieux non ouverts au public, ayant la même destination. On a subordonné, pour ce cas, le droit des commis des accises et des vérificateurs à deux conditions, la condition de la présence d'un magistrat et la condition que la visite ne se ferait qu'entre le lever et le coucher du soleil ; l'intention n'a pas été d'enlever aux employés de l'enregistrement et aux officiers de police judiciaire le droit qu'ils tenaient déjà d'autres dispositions et qu'on leur a spécialement conféré, en ce qui concerne les lieux (erratum, page 1116) non ouverts au public, par le premier paragraphe de l'article 14.
Pour être conséquents, nous devons combler cette lacune. Mon amendement, qui améliore d'ailleurs la rédaction, a cette portée que le droit de faire des visites dans les lieux destinés aux transactions et aux perceptions, mais non ouverts au public, que ce droit appartiendrait aux employés de l'enregistrement et aux officiers de police judiciaire comme aux commis des accises et aux vérificateurs ; toutefois on ne peut pas soumettre les officiers de police judiciaire et les employés de l'enregistrement à l'obligation de se faire accompagner soit du commissaire de police, soit du bourgmestre, soit du juge de paix ; les officiers de police judiciaire inspirent une confiance suffisante, et les employés de l'enregistrement ont déjà qualité pour pénétrer seuls dans les études de notaire, etc.
Pour eux la condition de la présence d'un autre fonctionnaire ne doit pas être requise, mais il faut leur donner par le paragraphe 2, comme par le paragraphe premier, le moyen d'accomplir la mission que leur attribue l'article 13.
Je pense que mon amendement est de nature à obtenir l'assentiment unanime de la Chambre.
M. le président. - La parole est à M. Allard pour développer l'amendement qu'il a proposé à l'article 14. Cet amendement est ainsi conçu ;
« (Ajouter après le deuxième paragraphe ces mots :)
« Ils ne peuvent également, sans la même assistance, constater les infractions à la loi et aux règlements sur les poids et mesures, dans les établissements soumis à l'exercice des accises. »
M. Allard. - Messieurs, dans les lieux où le public n'a pas accès, il faut que les commis des accises soient accompagnés, soit par un commissaire de police, soit par un membre de l'administration communale, soit par un juge de paix ; mais il y a en Belgique 4,000 établissements (vinaigreries, brasseries, distilleries, fabriques de soude, sucreries de betterave, raffineries de sucre, raffineries de sel) où les employés des accises ont accès jour et nuit. Or, je demandé que, dans ces sortes d'établissements, les employés ne puissent pas venir constater, sans la présence d'un des magistrats désignés ci-dessus, des contraventions à la loi sur les poids et mesures. Il ne faut pas que les propriétaires de ces 4,000 établissements soient exposés, même la nuit, à être l'objet de semblables constatations.
- L'amendement est appuyé.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Messieurs, j'abonde dans le sens des explications que vient de donner l'honorable M. Allard. Lorsque les commis des accises qui exercent dans les divers établissements dont il a parlé auraient occasion de constater des contraventions à la loi sur les poids et mesures, ils n'ont pas alors qualité pour les constater ; ils ne pourront donc pas, de ce chef, à toute heure de la nuit, constater des contraventions à la loi sur les poids et mesures. Ils ne seront pas commissionnés pour cela.
Je dirai maintenant deux mots de l'amendement de l'honorable M. de Renesse. Messieurs, nous tenons à conserver le juge de paix parmi les personnes dont la présence est nécessaire aux visites des agents, parce que nous croyons que dans ce magistrat réside la garantie la plus honorable et la plus complète en faveur des citoyens. Et puis, dans d'autres lois spéciales, le juge de paix se trouve, comme ici, placé sur la même ligne que le bourgmestre et le commissaire de police. Il est bon qu'il n'y ait pas trop de bigarrures dans nos lois spéciales ; qu'au contraire, il y ait de l'harmonie entre elles.
.Un mot encore à propos d'une observation que vient de présenter l’honorable M. Delfosse, et qui avait été présentée, dans une séance précédente, par l'honorable M. Verhaegen, observation à laquelle nous n'avons pas répondu jusqu'ici.
Comment ! dit-on, vous allez sanctionner cette anarchie administrative, dans laquelle on verra un commissaire de police consentir à une visite à laquelle s'est refusé le juge de paix ou le bourgmestre !
Admettons d'abord, en principe, que la loi ne s'occupe que des cas qui se présentent le plus souvent. Il ne faut pas se préoccuper des exceptions. Il n'y aurait plus moyen de voter une seule loi, si l'on voulait, avant de la voter, prévoir tous les cas extraordinaires qu'elle peut rencontrer dans l'application.
- Un membre. - Le cas exceptionnel pourra se produire tous les jours.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Je vous demande pardon.
D'abord, dans presque toutes nos communes, il n'y a ni commissaire de police, ni juge de paix ; ce sera au bourgmestre qu'il faudra s'adresser dans la plupart des cas.
Dans les localités plus importantes où il y a un juge de paix, je ne pense pas que lorsque ce fonctionnaire aura refusé son concours à l'agent, le commissairede police lui accorde le sien. Il n'y aura donc pas de conflit, et l'on ne verra pas se produire l'anarchie adminislralive qu'on semble tant redouter.
- La discussion est close.
M. le président. - Nous sommes en présence de cinq amendements...
M. Delfosse. - Il convient de mettre d'abord aux voix mon amendement, qui est indépendant des amendements présentés par les honorables MM. de Renesse, Lelièvre et Orts ; mon amendement modifie la première partie du paragraphe 2 de l'article 14.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Je me rallie à l'amendement de M. Delfosse.
- Des membres. - La lecture de l'amendement.
M. le président. - Cet amendement est ainsi conçu :
« § 2. Sont également soumis à cette visite, après le lever et avant le coucher du soleil, les lieux affectés à la même destination, dont l'accès n'est pas ouvert au public ; toutefois, les commis des accises et les vérificateurs ne peuvent y pénétrer, si ce n'est en présence, soit du juge de paix, etc.
« Supprimer le dernier paragraphe. »
M. Delfosse. - La seconde partie du paragraphe 2, à laquelle mon amendement ne touche pas, dépendra du vote que la Chambre émettra sur les amendements des honorables MM. de Renesse, Orts et Lelièvre ; je ne modifie que la première partie du paragraphe ; ainsi, pour le moment, il ne faut mettre aux voix que la partie de mon amendement qui se termine aux mots : « ne peuvent y pénétrer ».
- Cette partie de l'amendement de M. Delfosse est mise aux voix et adoptée.
L'amendement de M. de Renesse tendant à supprimer les mots : « soit du juge de paix », est ensuite mis aux voix et adopté.
M. le président. - Je mets aux voix l'amendement de M. Lelièvre.
M. Verhaegen. - Il est entendu qu'il ne s'agit plus du juge de paix, depuis l'adoption de l'amendement de M. de Renesse. (Assentiment.)
- On demande l'appel nominal sur l'amendement de M. Lelièvre. Il est procédé à cette opération. En voici le résultat ;
78 membres répondent à l'appel nominal.
38 répondent oui.
40 répondent non.
En conséquence, l'amendement n'est pas adopté.
Ont répondu oui : MM. Pirmez, Rodenbach, Sinave, Tack, Vanden Branden de Recth, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Wasseige, Allard, Brixhe, Calmeyn, Coomans, de Decker, de Haerne, de Liedekerke. F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Portemont, de Ruddere, de Sécus, Desmaisières, de T'Serclaes, Dumon, Dumortier, Jacques, Janssens, Jouret, Lambin, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Magherman, Malou, Matthieu, Mercier et de Naeyer.
Ont répondu non : MM. Pierre, Prévinaire, Rousselle, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Verhaegen, Veydt, Anspach, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckart, de Brouwer de Hogendorp, Delfosse, Deliége, de Moor, de Perceval, Dequesne, de Renesse, de Steenhault, Devaux, Dubus, Frère-Orban, Goblet, Julliot, Lange, Laubry, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Manilius, Moreau et Orts.
M. le président. - Nous passons à l'amendement de M. Orts.
- Plusieurs voix. - L'appel nominal !
M. Orts. - Je retire mon amendement.
- Plusieurs voix. - C'est impossible ! Aux voix ! L'appel nominal !
- Un membre. - Vous ne pouvez pas demander qu'on mette aux voix un amendement que son auteur retire.
M. Van Overloop. - Je le reprends.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Je demande la parole comme représentant. Le gouvernement est désintéressé dans la question, et la chose est fort indifférente au fond, puisque l'honorable M. Van Overloop vient de reprendre l'amendement pour son compte. Mais ce que fait l'honorable M. Orts n'est pas régulier ; un amendement ne peut pas être retiré quand la clôture a été prononcée et que la Chambre a voté sur un amendement contraire. Le vote sur le premier amendement a pu être influencé par le vote à émettre sur le second ; le vote sur le premier ayant eu lieu, on ne peut pas se dispenser de voter sur le second, on ne peut pas le retirer ; jamais cela ne' s'est fait. Ce serait un précédent dangereux que, comme représentant, je prie la Chambre de ne pas poser. Une fois la clôture prononcée, toutes les propositions déposées sur le bureau doivent nécessairement être soumises au vote de la Chambre.
M. Orts. - Je n'ai pas le moins du monde l'intention de poser un précédent, pas plus que l'honorable M. Vilain XIIII, qui vient de parler comme représentant, ne veut en poser un. Je ne veux pas non plus porter atteinte aux prérogatives de la Chambre.
(page 1095) Mais mon amendement étant devenu inutile par le rejet de l'amendement de l'honorable M. Lelièvre, j'ai voulu éviter à la Chambre une double opération.
M. Frère-Orban. - Je ne m'oppose pas à ce que l'amendement soit maintenu et soumis à un vote.
Mais par suite du vote que la Chambre vient d'émettre, je voterai contre l'amendement comme parfaitement inutile.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - C'est la question.
M. Coomans. - Une simple observation ; ce que nous venons de voter est incomplet.
Comment ! l'honorable M. Delfosse a déclaré lui-même que c'était la première partie de son amendement qui était mise aux voix. Si nous en restons là, nous aurons voté une demi-phrase. Il faut que nous la complétions.
J'insiste sur cette observation.
Je prie M. le président de donner lecture de ce que la Chambre a voté. On a adopté l'amendement de l'honorable M. Delfosse, et rejeté les mots « du consentement ».
Ayant fait la tête, il faut que nous fassions la queue, à moins d'encourir le reproche d'avoir fait quelque chose qui n'a ni queue ni tête.
M. Delfosse. - L'honorable M. Coomans se trompe sur le sens de mes paroles.
J'ai dit que mon amendement était indépendant des amendements des honorables MM. Lelièvre, Orts et de Renesse. On a adopté cet amendement qui constitue la première partie du deuxième paragraphe de l'article 14.
Il est certain que le paragraphe doit être complété ; mais il pourrait l'être en dehors de l'amendement de l'honorable M. Orts.
On peut, du reste, mettre aux voix l'amendement de l'honorable M. Orts ; je ne m'y oppose pas. Mais tous ceux qui ont voté contre l'amendement de l'honorable M. Lelièvre voteront contre l'amendement de l'honorable M. Orts qui devient complètement inutile.
M. Verhaegen. - Dans l'intérêt de la dignité de la Chambre, il n'est pas possible de procéder comme on vous demande de le faire. Qu'est-ce que l'amendement de M. Lelièvre ? Cet honorable membre demandait que les visites domiciliaires se fissent avec l'assentiment et du consentement du juge de paix, ce qui voulait dire qu'il pouvait refuser.
L'amendement de l'honorable M. Orts au contraire porte qu'il ne peut refuser. Ainsi l'amendement de M. Orts est le contraire de l'amendement de M. Lelièvre.
Deux voix de majorité viennent de rejeter l'amendement de M. Lelièvre. Ce serait donc un pur enfantillage de voter sur l'amendement de M. Orts.
Quant à mes amis et à moi, nous voterons contre l'amendement de M. Orts comme inutile.
M. Van Overloop. - Il existait entre M. le ministre de la justice et les honorables MM. Orts, Frèec-Orban et autres membres, une grande différence dans l'appréciation de la portée des mots ; « si ce n'est en présence soit du juge de paix, soit de son suppléant, etc. »
Voici en quoi consistait cette différence ; aux termes de l'article 16 du Code d'instruction criminelle, le juge de paix... (Interruption.)
Messieurs, tantôt j'ai renoncé à la parole, parce que la Chambre paraissait désirer que la clôture fût prononcée. J'y ai renoncé par égard pour la Chambre. Je pense, messieurs, que les honorables membres qui m'interrompent parce qu'ils ne partagent pas l'opinion de M. le ministre de la justice, auront à leur tour assez d'égards pour permettre à un de leurs collègues de faire quelques courtes observations.
Une discussion de doctrine avait eu lieu au sujet de l'interprétation admise par M. le ministre de la justice et de celle admise par l'honorable M. Orts.
Le paragraphe 2 de l'article 14, comme l'honorable M. Frère l'a reconnu tantôt, que contient-il ? Une disposition identique à celle de l'article 16 du Code d'instruction criminelle.
Le paragraphe 2 de l'article 14 n'est que la répétition des termes de cet article 16. Dans l'une comme dans l'autre disposition, on lit : « Si ce n'est en présence ». Lors de la discussion du paragraphe 2 de l'article 14, a surgi la question de savoir si ces mots : « Si ce n'est en présence », imposent au juge de paix ou autre magistrat dont la présence est nécessaire l'obligation d'obtempérer à la réquisition. Le paragraphe 2 de l'articl 14 n'étant que la répétition de l'article 16 du Code d'instruction criminelle, loi générale, la question se réduisait donc à savoir, si, aux termes de l'article 16, il faut...
M. Tesch. - Vous voulez interpréter la loi, ici, aujourd'hui !
M. Van Overloop. - Il ne s'agit pas d'interpréter, il s'agit de constater en fait ce qui s'est passé. La question, je le répète, se réduisait à savoir si, aux termes de l'article 16 du Code d'instruction criminelle, source du paragraphe 2 de l'article 14, le juge de paix ou le bourgmestre doit obtempérer passivement à la réquisition d'un commis des accises.
Oui, dites-vous. Vous voulez donc donner au mots du paragraphe 2 de l'article 14 : « si ce n'est en présence », une interprétation différente de celle qu'on donne à ces mêmes mots dans l'article 16 du Code d'instruction criminelle, dont le paragraphe 2 de l'article 14 n'est cependant que la répétition. Vous voulez, en réalité, interpréter l'article 16 du Code d'instruction criminelle, car vous soutenez que lorsqu'une loi dit : « si ce n'est en présence du juge de paix », le juge de paix se trouve dans l'obligation absolue d'obtempérer à la réquisition qui lui sera faite d'être présent.
M. Frère-Orban. - Du tout.
M. Van Overloop. - Vous le voulez, car, dans votre pensée, le rejet de l'amendement de l'honorable M. Lelièvre n'a pas d'autre but. Vous prétendez donc que l'article 16, comme toutes les dispositions qui s'expriment de la même manière, doit être interprété en ce sens, que le magistrat requis doit obtempérer passivement à la réquisition.
M. Frère-Orban et M. Tesch. - Non, c'est l'article 14 que nous interprétons ainsi.
M. Van Overloop. - Bien, mais je constate que l'article 14 n'est que la répétition de l'article 16 du Code d'instruction criminelle et j'en déduis comme conséquence que vous voulez interpréter l'article 16. Il est si vrai que vous arrivez à interpréter l'article 16, que vous n'avez cessé de soutenir que les termes : « Si ce n'est en présence » entraînent dans tous les cas l'obligation d'obéir.
- Plusieurs membres. - Vous rouvrez la discussion qui a été close.
M. Frère-Orban. - Ce n'est pas la question.
M. Van Overloop. - La question n'est-elle pas de savoir si les mots : « En présence de», obligent absolument le magistrat requis d'obéir ? La discussion n'a pas eu d'autre objet. C'est donc la question. Eh bien, en rejetant l'amendement de l'honorable M. Lelièvre, que faites-vous ? Vous interprétez les mots ; « Si ce n'est en présence » comme signifiant que le magistrat requis doit, dans tous les cas, obéir passivement. Si vous rejetez ensuite l'amendement de M. Orts, vous donnerez à ces mots une interprétation diamétralement opposée.
Que résultera-t-il de ce double rejet ? Il en résultera que vous n'aurez donné aucune interprétation aux mots : « Si ce n'est en présence. » Il en résultera que les tribunaux resteront juges de la portée de ces mots, qu'il auront à décider si ces mots ont, oui ou non, cette portée que le magistrat requis ne peut refuser son concours.
Si vous voulez que l'on sache à quoi s'en tenir, si vous voulez que le magistral requis soit obligé d'obtempérer à la réquisition, failas disparaître le doute, adoptez l'amendement de M. Orts.
Si vous n'adoptez pas cet amendement, par suite du rejet de l'amendement de l'honorable M. Lelièvre, le doute continuera à subsister et la longue discussion que nous avons eue n'aura produit aucun résultat.
M. le président. - Puisque l'amendement de M. Orts a été repris, je le mettrai aux voix.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Vilain XIIII). - Je demande que l'on mette fin à ce débat qui est inutile.
Tous les amis de l'honorable M. Orts déclarent qu'ils voteront contre son amendement. Nous aussi, nous voterons contre cet amendement. Il sera donc rejeté à l'unanimité. Mais nous n'aurons pas posé un précédent qui pourrait être très dangereux lors de discussions un peu plus importantes que celle à laquelle nous assistons.
- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'amendement de M. Orts, qui est rejeté à l'unanimité des 77 membres qui prennent part au vote (1 membre, M. Félix de Mérode, s'étant abstenu).
Ces membres sont : MM. Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rousselle, Sinave, Tack, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vaudenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Verhaegen, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Wasseige, Allard, Anspach, Brixhe, Calmeyn, Coomans, Coppieters't Wallant, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckart, de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de Haerne, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Muelenaere, de Perceval, de Portemont, Dequesne, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de T'Serclaes, Devaux, Dubus, Dumon, Dumortier, Frère-Orban, Goblet, Jacques, Jansseus, Jouret, Lambin, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Magherman, Malou, Maniiius, Matthieu, Mercier, Moreau, Orts et de Naeyer.
M. le président. - Le membre qui s'est abstenu est invité à faire connaître les motifs de son abstention.
M. de Mérode. - Je me suis abstenu pour ne pas encourager les appels nominaux complètement inutiles.
M. le président. - Il nous reste à voter sur l'article.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Il y a encore l'amendement de l'honorable M. Allard ; mais je crois qu'il vaudrait mieux le réserver pour le règlement d'exécution.
M. Allard. - D'après cette observation de M. le ministre, je retire mon amendement.
M. Manilius. - Comme plusieurs membres se sont prononcés contre le second paragraphe de l'article 14, et que les votes doivent être libres, je demande la division ; je voterai pour le premier paragraphe de l'article, mais non pour le second.
- Le premier paragraphe de l'article est mis aux voix ; il est adopté.
Le second paragraphe, tel qu'il a été modifié par tes amendements de l'honorable M. Delfosse et de l'honorable M. de Renesse, est mis aux voix, il est aussi adopté.
L'ensemble de l'article est adopté.
(page 1096) « Art. 15. Le produit des amendes prononcées en matière de poids et mesures sera partagé, par moitié, entre les employés verbalisants et l'Etat. Toutefois, lorsqu'il s'agira de contraventions constatées par les employés de l'enregistrement, les vérificateurs et vérificateurs-adjoints, le produit des amendés sera en totalité versé dans les caisses du trésor. »
- Adopté.
« Art. 16. Seront punis :
« A. D'une amende de 20 à 25 francs :
« 1° Ceux qui posséderont de faux poids, de fausses mesures ou de faux instruments de pesage, et ce sans préjudice des peines correctionnelles établies par le Code pénal, contre ceux qui auraient fait emploi de ces faux instruments de pesage ou de mesurage.
« 2° Ceux qui se seront refusés ou opposés à la visite des agents investis du droit de rechercher les infractions en matière de poids et mesures.
« B. D'une amende de 10 à 20 francs :
« Ceux qui posséderont ou qui emploieront des poids et mesures prohibés par l'article 4 de la présente loi.
« C. D'une amende de 5 à 15 francs ;
« 1° Ceux qui posséderont ou qui emploieront des poids, mesures, futailles, instruments.de pesage non revêtus des marques prescrites ;
« 2° Les contrevenants à l'article 3 de la présente loi.
« L'amende sera perçue pour chaque acte ou écriture sous signature privée ; quant aux registres de commerce, ils ne donneront lieu qu'à une seule amende pour chaque contestation dans laquelle ils seront produits. »
- Adopté.
M. Delfosse. - Messieurs, l'article 18 porte :
« En condamnant à l'amende, le juge ordonnera qu'à défaut de payement, elle soit remplacée par un emprisonnement de simple police, qui ne pourra excéder, etc. »
Dans une disposition analogue de la loi des irrigations ou a fait disparaître les mots « de simple police ». Si personne ne s'yoppose, je demanderai que ces mots soient également supprimés dans l'article 18.
- Cette proposition est adoptée.
« Art. 19. En ce qui concerne la condamnation aux frais prononcée an profit de l'Etat, la durée de la contrainte sera déterminée par le jugement ou l'arrêt, sans qu'elle puisse être au-dessous de huit jours ni excéder un mois. Néanmoins les condamnés qui justifieront de leur insolvabilité, suivant le mode prescrit par les lois ordinaires de la procédure criminelle, seront mis en liberté, après avoir subi sept jours de contrainte, quand les frais n'excéderont pas 25 francs.
« La contrainte par corps n'est exercée ni maintenue contre les condamnés qui auront atteint leur soixante et dixième année. »
M. Magherman. - Messieurs, je désire appeler un instant votre attention sur les mots : « Le jugement ou l'arrêt » qui se trouvent au commencement de cet article.
On appelle « jugement » la sentence d'un tribunal inférieur tel qu'un tribunal de simple police, un tribunal de première instance ; on appelle au contraire « arrêts » les décisions des cours supérieures, telles que des cours d'appel, d'une cour d'assises, de la cour de cassation.
Aux termes de l'article 24, les tribunaux de simple police connaissent de toutes les contraventions à la présente loi. Il ne peut donc, ce me semble, être question d'arrêts, car les tribunaux de simple police prononcent des jugements et, si l'on se pourvoit en appel, c'est le tribunal correctionnel qui statue en degré d'appel. Or, le tribunal correctionnel prononce encore des jugements.
S'il y avait pourvoi en cassation, il arriverait de deux choses l'une ; ou le pourvoi serait rejeté, ou le jugement serait cassé, et, dans ce dernier cas, l'affaire serait renvoyée à un tribunal de police correctionnelle qui, encore une fois, prononce un jugement.
Si, au contraire, le premier jugement est maintenu, c'est ce jugement qui est exécuté et par conséquent il n'est pas question d'arrêt. Il me semble donc, messieurs, que les mots : « ou l'arrêt » pourraient disparaître. Toutefois avant de faire une proposition à cet égard, je voudrais connaître l'opinion de M. le ministre de la justice qui est l'auteur de l'article 19, ou celle de M. le rapporteur de la section centrale à laquelle cet amendement a été renvoyé.
Je crois que la rédaction de l'article 19 a été puisée dans l'article 58 du Code pénal, récemment modifié ; mais remarquez bien, messieurs, que là il est question de condamnations qui peuvent être prononcées pour crimes, délits ou contraventions. Or quand il s'agit de crimes ou délits, on doit parler d'arrêts, car les crimes sont déférés aux cours d'assises ; les délits sont déférés aux tribunaux correctionnels ; mais au degré d'appel, c'est la cour d'appel qui statue.
M. le ministre de la justice (M. Nothomb). - Je ne vois aucun inconvénient à la suppression des mots indiqués par l'honorable membre. A la vérité, il pourra se présenter des cas où un contrevenant se pourvoira devant une cour d'appel, mais le mot « jugement » s'applique d'une manière générale aux décisions des corps judiciaires.
M. Moreau, rapporteur. - Je crois qu'on peut laisser exister sans inconvénient le mot « arrêt » dans l'article 19, puisqu'il peut arriver qu'un négociant en même temps suppléant du juge de paix, ait commis une contravention et soit justiciable de la cour d'appel ; il en serait de même d'un notaire remplissant les mêmes fonctions qui aurait commis une infraction en matière de poids et mesures ; or les décisions des cours d'appel se nomment plutôt des arrêts que des jugements.
M. Magherman. - Je n'insiste pas.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Decker). - Messieurs, l'article exige une double rectification. Aia deuxième ligne, au mot : « contrainte » il faut ajouter : « par corps » ; puis à la dernière ligne il faut dire « ont » au lieu de « auront », puisque le paragraphe parle au présent.
- L'article est définitivement adopté avec les rectifications indiquées par M. le ministre de l'intérieur.
Les amendements introduits dans les autres articles sont définitivement adoptés sans discussion.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.de-loi.
68 membres répondent à l'appel.
2 membres (MM. de Muelenacre et le Bailly de Tilleghem) s'abstiennent.
52 répondent oui.
14 répondent non.
En conséquence le projet de loi est adopté. Il sera transmis au Sénat.
Ont répondu oui : MM. Pierre, Rodenbach, Rousselle, Sinave, Tack, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Verhaegen, Veydt, Wasseige, Anspach, Brixhe, Calmeyn, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckart, de Decker, de Haerne, Delfosse, Deliége, de Mérode-Westerloo, de Perceval, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de T'SercIaes, Devaux, Dubus, Dumon, Goblet, Landeloos, Lange, Laubry, Lebeau, Le Hon, Magherman, Malou, Matthieu, Mercier, Moreau et Orts.
Ont répondu non : MM. Pirmez, Van Overloop, Allard, Coomans, de Brouwer de Hogendorp, de Liedekerke, F. de Mérode, Dumortier, Jacques, Janssens, Jouret, Lambin, Manilius et de Naeyer.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités, aux termes du règlement, à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. de Muelenaere. - Messieurs, je désire l'introduction régulière du système des poids et mesures ; mais le rejet de l'amendement proposé par l'honorable M. Lelièvre me fait craindre que les visite domiciliaires ne donnent lieu à des vexations envers les citoyens. Voilà les motifs pour lesquels je me suis abstenu.
M. le Bailly de Tilleghem. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que l'honorable M. de Muelenaere.
- M. Faignart, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé de quelques jours.
Le congé est accordé.
La séance est levée à 4 heures et demie.