(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1854-1855)
(Présidence de M. Delfosse.)
(page 909) M. Maertens procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. Maertens présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.
« Le sieur Legrand, blessé de septembre, demande une pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le conseil communal d'Eysden demande que le gouvernement établisse un bac de passage sur le canal de Maestricht à Bois-le-Duc au lieu dit : le petit bassin d'Eysden. »
M. de Renesse. - Je proposerai le renvoi de cette requête à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport. C'est un objet urgent.
- Cette proposition est adoptée.
« Des conseillers communaux de Focant prient la Chambre de statuer sur leur demande, tendant à ce que des poursuites du chef de détournement de fonds soient dirigées contre des fonctionnaires de cette commune. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Plusieurs cultivateurs et habitants de Moll demandent que le sieur Henri Claes soit autorisé à continuer sa profession d'artiste vétérinaire. »
- Même renvoi.
« Plusieurs maîtres de verrerries demandent la suppression des droits d'entrée sur les sulfates, le sel de soude et les charbons. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi concernant le tarif des douanes.
M. Lelièvre dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi ayant pour objet d'accorder au département de la guerre un crédit de 14,300 fr., destiné à couvrir des dépenses arriérées.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et met la discussion à l'ordre du jour à la suite des objets qui s'y trouvent déjà portés.
M. Vermeire dépose le rapport de la section centrale sur le projet de loi prorogeant la loi relative aux concessions de péages.
- La Chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et le met en tête de l'ordre du jour de demain.
M. le ministre des finances (M. Liedts). présente le rapport annuel sur l'administration de la caisse d'amortissement des dépôts et consignations.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. le président. - La commission propose de substituer la date du 31 mars 1856 à celle du 31 décembre 1855. Le gouvernement se rallie-t-il à cette proposition ?
M. le ministre des finances (M. Liedts). - M. le président, je désire expliquer en quelques mots pourquoi j'avais indiqué la date du 1er janvier.
Le traité avec la Hollande, qui se trouve en rapport avec notre législation commerciale, expire à la fin de l'année prochaine ; il serait désirable qu'avant d'entamer des négociations à cet égard, la Belgique connût le système commercial qui la régira définitivement.
En votant le régime avant le 31 décembre on laisserait au cabinet futur toute l'année prochaine pour négocier un nouveau traité. C'est dans ce but que nous avions fixé au 1er janvier prochain l'expiration de la loi temporaire qui est à l'ordre du jour.
J'avais cru qu'il serait d'autant plus facile au cabinet futur de se contenter de cette date, que la question du régime commercial qui doit régir la Belgique est complètement étudiée à l'heure qu'il est. Elle a subi une instruction profonde, de telle sorte que le nouveau ministère trouvera tous les éléments de solution préparés. Je sais qu'il pourra ne pas adopter notre manière de voir, aussi rien n'est définitivement arrêté. Seulement si la Chambre pouvait rester réunie pendant quelques semaines encore, il serait peut-être possible de la saisir d'un projet de loi avant sa séparation, et dans ce cas rien ne s'opposerait à ce que le projet fût voté cette année-ci.
Du reste, messieurs, si quelqu'un suppose que le cabinet qui nous succédera peut être gêné par la date du 1er janvier, je consens volontiers à substituer celle du 31 mars 1856.
M. le président. - Ainsi le gouvernement se rallie à la proposition de la commission ?
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Je n'y vois pas d inconvénient.
M. Osy. - J'aurais également désiré que nous pussions nous occuper, dans la session actuelle, du projet de loi que M. le ministre nous avait promis sur le règlement définitif de notre système commercial.
Dans les circonstances actuelles, il est impossible de discuter cette loi ; le ministère démissionnaire ne peut pas non plus la présenter. Pour ma part, je voterai la proposition de la section centrale. J'engagerai le cabinet nouveau à s'occuper le plus tôt possible de cet objet, et s'il y a moyen dans le courant de cette année, afin de ne pas laisser expirer le terme fatal que nous fixons à la prorogation actuelle. L'affaire est instruite, les chambres de commerce ont été consultées, je crois que le gouvernement a adopté une résolution.
Le commerce désire savoir à quoi s'en tenir, quant aux droits différentiels. Il désire avoir une loi libérale et définitive au lieu de lois provisoires, qui souvent doivent être renouvelées d'année en année. J'engage le nouveau cabinet à faire en sorte de nous saisir d'un projet de loi dès le début de la session prochaine.
M. Manilius. - Il me semble qu'on est d'accord sur la nécessité de proroger la loi relative aux droits différentiels, et de hâter la solution de cette grande question qui intéresse le pays à un si haut point. Si l'on est complètement d'accord, pourquoi prolonger la durée de la loi ? Il y a nécessité de faire cesser à la fin de l'année les droits différentiels qui frappent plusieurs objets compris dans la loi, laquelle exempte de droits les denrées alimentaires, pour lesquelles, en ce moment, les droits différentiels ne font ni chaud ni froid ; mais comme ces objets doivent être commandés trois ou quatre mois à l'avance, le commerce a intérêt à savoir si, au 1er janvier, ces droits ne seront pas rétablis, car, dans ce cas, ces denrées qui, aujourd'hui, entrent librement, auraient à supporter en certains cas un droit de 10 à 12 fr. par 100 kilogrammes. Cette seule raison suffit pour qu'on ne se rallie pas à la proposition de la commission, qui veut prolonger la durée de la loi. Je propose donc qu'on vote le projet qui nous est soumis sans le mutiler. Il y a des raisons péremptoires pour le pays et le gouvernement ; cela suffira pour que ce bout de loi de prorogation sorte intact de cette enceinte.
M. Mercier, rapporteur. - La commission chargée d'examiner le projet de prorogation pense qu'il est désirable que la loi définitive soit votée avant le 31 décembre, mais par prévoyance elle a proposé de porter le terme de la prorogation au 31 mars, parce que les Chambres se réunissant en novembre, il serait possible que des affaires urgentes ne permissent pas aux deux Chambres de voter la loi avant le 31 décembre, ce qui nécessiterait la présentation d'une nouvelle loi de prorogation. Le terme proposé n'empêcherait pas de discuter la loi définitive avant le 31 décembre si on en avait la possibilité. Ce n'est, je le répète, que dans une pensée de prévoyance que la commission a proposé le terme du 31 mars.
M. Manilius. - Messieurs, l'honorable préopinant me répond comme si l'on n'avait rien dit. Il commence par déclarer qu'il faut aussi que cela finisse, qu'on sache ce que l'on aura à faire au 1er janvier. Mais bientôt après il nous dit que probablement d'ici à la fin de l'année la loi définitive ne pourra pas être votée et qu'il faudra une nouvelle prorogation.
Messieurs, si malheureusement les choses se passent comme le croit l'honorable M. Mercier, le gouvernement demandera une nouvelle prorogation et il l'aura dans les 24 heures. Mais j'ai très bien entendu ce que nous a dit tout à l'heure l'honorable ministre des finances. Il est de tout intérêt que vous tranchiez cette question, si vous voulez négocier ultérieurement, notamment avec la Hollande.
Ces raisons sont péremptoires, et je veux y avoir égard. Tenons compte de la situation du gouvernement qui existe encore aujourd'hui.
Mais écoutons les raisons qu'il nous donne, lorsqu'il vient vous dire : Tâchez de ne pas mutiler cette loi. Nous avons fait nos propositions avec intention, nous voulons faire un traité nouveau avec la Hollande, et pour cela il faut que l'on connaisse notre système douanier. Voilà pourquoi nous avons fixé cette date.
Cette raison n'est-elle pas péremptoire ? N'est-elle pas juste ? Elle est des plus simples ; il me semble qu'on doit la comprendre et ne pas insister. Le seul motif qu'ait l'honorable rapporteur, c'est que peut-être les Chambres ne pourront pas d'ici à neuf mois voter laloi définitive. Car, remarquez-le, nous ne sommes qu'au mois de mars. Je le répète, si malheureusement au mois de décembre nous n'avons pas encore de système commercial, nous n'avons pas de système douanier, la Chambre pourra, de gaieté de cœur, dire : Prorogeons, prorogeons toujours. Mais ce n'est pas aujourd'hui qu'il faut demander une nouvelle prorogation de trois mois. Il faut accepter la proposition du gouvernement, qui est le résultat de la situation fâcheuse du moment.
M. le président. - Nous ne sommes plus saisis que de la proposition de la commission, puisque le gouvernement s'y est rallié.
M. Manilius. - Il ne s'y est pas rallié.
(page 910) M. le président. - Pardon. M. le ministre, après avoir présenté quelques observations, a déclaré qu'il se ralliait au projet de la commission, et la discussion s'est ouverte sur ce projet. Si M. Manilius reprend le projet du gouvernement, il doit présenter un amendement.
M. Manilius. - Je n'ai pas la prétention de présenter un amendement, mais j'ai entendu et j'ai très bien compris M. le ministre des finances.
Il a fini par dire : Si vous voulez proroger jusqu'au 31 mars, faites-le. Mais il a donné des raisons tellement péremptoires contre cette prorogation qu'il serait ridicule de la voter. Quand on donne des raisons comme celles qu'a présentées M. le ministre des finances, on ne laisse pas amender son projet, à moins qu'on ne se trouve dans la situation où est le cabinet ; dans l'indifférence, on laisse faire.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Je demande la parole parce qu'on semble me faire dire que je me suis rallié à ce que la Chambre voudra bien faire.
Messieurs, c'est par un sentiment de délicatesse que je n'ai pas voulu insister sur la date du 1er janvier, et ce sentiment de délicatesse, vous le comprendrez tous.
Je crois que si la Chambre reste réunie quelque temps encore, avec les matériaux qui sont préparés, rien ne s'oppose à ce que la Chambre soit saisie dans cette session du projet qui réglera définitivement cette matière importante. Mais le ministère est démissionnaire. La commission semble craindre que la date du 1er janvier ne gêne nos successeurs, en ce sens que la loi définitive pourrait ne pas être votée d'ici à la fin de l'année. Eh bien, quand j'entends exprimer cette crainte, ne voulant, sous aucun rapport, gêner la liberté de mes successeurs, je m'en rapporte à la commission, qui déclare que mieux vaut fixer la date du 31 mars. Je serais fâché d'avoir, en me retirant, fixé une date qui fût un obstacle à ce que l'administration qui succédera conduise la barque du gouvernement.
M. Vermeire. - Messieurs, c'est moi qui ai proposé hier à la commission qui s'est réunie pour examiner le projet, de proroger la loi jusqu'au 31 mars 1856. Voici mes raisons.
Le gouvernement nous a dit que le travail était prêt pour faire une loi définitive. Je crois qu'il y a longtemps que cette question est à l'examen, qu'elle a été soumise à une commission qui s'est réunie au département des finances au mois de mai 1854, c'est-à-dire il y a près d'un an.
Je désire autant que qui que ce soit que l'on puisse le plus promptement possible faire une loi définitive. Mais si nous pouvons voter cette loi d'ici à peu de temps, rien n'empêche que la loi de prorogation ne puisse être promptement abrogée. C'est pour prévenir une seconde demande de prorogation et pour simplifier en quelque sorte la marche des affaires que j'ai proposé la date du 31 mars, proposition qui a reçu l'accueil unanime de la commission.
Je crois qu'il n'y a aucun inconvénient à accepter cette date, et que les négociations avec d'autres pays ne pourront en être gênées ; car que vous prorogiez la loi jusqu'au 31 mars ou jusqu'au 31 décembre, vis-à-vis de l'étranger, vous restez dans la même position, puisque vous vous réservez toujours le droit de voter une nouvelle prorogation.
M. Mercier. - Comme le dit l'honorable M. Vermeire, c'est sur sa proposition que la commission a fixé la date du 31 mars. Je suis le seul membre de la commission qui se soit d'abord opposé à cette modification. Mais comme j'ai jugé que l'affaire était sans importance, j'ai fini par me rallier à la majorité de la commission. Aujourd'hui encore je continue à n'attacher aucune importance à la question.
- La discussion générale est close.
« Art. 1er. Le paragraphe premier de l’article premier de la loi du 31 janvier 1852 (Moniteur n° 34) et les articles 2 et 3 de la loi du 8 juin 1853 (Moniteur n° 161) sont prorogés jusqu'au 31 mars 1856. »
M. Manilius. - Je ne crois pas nécessaire de présenter un amendement, ma proposition est dans le projet lui-même. Je maintiens le projet du gouvernement.
M. le président. - Le projet du gouvernement n'existe plus, puisque M. le ministre des finances s'est rallié à celui de la commission. Présentez un amendement, rien n'est plus simple. Si vous n'en présentez pas, je mettrai aux voix l'article premier de la commission.
- L'article premier proposé par la commission est adopté.
« Article 2. La présente loi est exécutoire à partir du 1er avril prochain. »
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, on me fait une observation. Cet article porte : « La présente loi sera obligatoire le 1er avril prochain. » Si par impossible, le Sénat ne se trouvait pas en nombre suffisant pour délibérer le 30 et le 53, il en résulterait que la loi devrait être modifiée dans son article final et renvoyée à la Chambre pour pouvoir être obligatoire le jour de son insertion au Moniteur. Je proposerai donc de dire : « La présente loi sera obligatoire le jour de sa publication. »
- L'article, ainsi amendé, est mis aux voix et adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet, qui est adopté à l'unanimité des 90 membres qui prennent part au vote.
Un membre (M. Manilius) s'est abstenu.
Ont voté l'adoption : MM. F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Moor, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, de Renesse, de Royer, de Ruddere de Te Lokercn, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, de Wouters, Dumon, Frère-Orban, Goblet, Jacques, Janssens, Jouret, Julliot, Lambin, Landeloos, Lange, Laubry, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Malou, Mascart, Matthieu, Mercier, Moreau, Osy, Pierre, Pirmez, Rodenbach, Rousselle, Sinave, Tack, Tesch, Thibaut, Thiéfry, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cromphaut, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Iseghem, Van Remoortere, Van Renynghe, Vermeire, Vervoort, Veydt, Vilain XIIII, Visart, Wasseige, Allard, Anspach, Boulez, Brixhe, Calmeyn, Closset, Coomans, Coppieters 't Wallant, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Bronckart, de Brouwer de Hogendorp, Dechamps, de Decker, de Haerne, de La Coste, Delehaye, de Liedekerke, Deliége et Delfosse.
M. Manilius. - Messieurs, je me suis abstenu, parce que je ne voulais pas voter contre la loi et que je ne pouvais pas voter pour la date du 31 mars 1856.
M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il au projet de la commission ?
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Oui, M. le président ?
M. le président. - L'article unique du projet de la commission est ainsi conçu :
« L'article 216 du Code de commerce est remplacé par la disposition suivante ;
« Art. 216. Tout propriétaire de navire est civilement responsable des faits du capitaine, et tenu des engagements contractés par ce dernier, pour ce qui est relatif au navire et à l'expédition.
« Il peut, dans tous les cas, s'affranchir des obligations ci-dessus par l'abandon du navire et du fret.
« Toutefois, la faculté de faire abandon n'est point accordée à celui qui est, en même temps, capitaine et propriétaire ou copropriétaire du navire. Lorsque le capitaine ne sera que copropriétaire, il ne sera responsable des engagements contractés par lui, pour ce qui est relatif au navire et à l'expédition, que dans la proportion de son intérêt.
« L'abandon est déclaré par un acte authentique.
« Si le propriétaire ou les copropriétaires ont fait assurer leur intérêt dans le navire ou dans le fret, leur recours contre l'assureur ne sera pas compris dans l'abandon. »
M. Sinave. - Messieurs, cette loi est bien plus importante qu'on ne le pense...
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - M. le président, je vois qu'on se prépare à une discussion et à une discussion sérieuse, car l'honorable M. Sinave tire de son portefeuille un énorme manuscrit... (Interruption.) Si une discussion doit s'engager sur ce projet de loi, j'en demande formellement l'ajournement.
Dans la situation actuelle du cabinet, il ne doit pas soutenir de projet de loi ayant une importance réelle.
M. Sinave. - Messieurs, l'honorable ministre des affaires étrangères vient de dire que j'ai tiré de ma poche un énorme manuscrit ; malheureusement, je n'ai pas même mes notes ; mais avec le code, j'aurais tâché de me tirer d'affaire.
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Je propose l'ajournement de la discussion de ce projet à la prochaine réunion des Chambres.
- L'ajournement est prononcé.
M. le président. - On a déposé le rapport sur un projet de prorogation d'une loi expirant le 1er avril ; nous devrons avoir séance demain pour le discuter. A quelle heure la Chambre veut-elle fixer la séance ?
- Un grand nombre de voix. - A 2 heures.
M. Deliége. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi sur la police des irrigations en Campine.
- Ce rapport sera imprimé et distribué et mis à la suite de l'ordre de jour.
La séance est levée à 3 heures.