(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1854-1855)
(Présidence de M. Vilain XIIII, vice-président.)
(page 705) M. Ansiau procède à l'appel nominal à 2 heures et quart.
M. Dumon donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée,
M. Ansiau présente l'analyse des pétitions adressées à la Chambre.
« Le sieur Courtens demande la révision de la loi sur le notariat. »
M. Rodenbach. - Je propose de renvoyer cette requête à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
- Adopté.
« Le conseil communal d'Assenede se prononce en faveur du chemin de fer projeté de Saint-Ghislain à Gand, Eecloo et Terneuzen et demande l’établissement d'une station aux approches du centre de cette commune. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le conseil communal de Steenhuyse-Wynhuyse prie la Chambre d'accorder aux sieurs Moucheron et Delaveleye la concession d'un chemin de fer de Saint-Ghislain à Gand, Eccloo et Terneuzen. »
« Même demande du conseil communal de Moerbeke. »
- Même renvoi.
« La députation permanente du conseil provincial du Limbourg demande un subside de 7,000 fr. pour aider la province à construire une caserne de gendarmerie à Bourg-Léopold et prie la Chambre de faire, s'il en est besoin, de l'allocation de ce subside, l'objet d'une loi spéciale. »
M. de Renesse. - Je propose le renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
- Adopté.
« Par cinq pétitions, des cultivateurs, fermiers, engraisseurs et marchands de bestiaux à Wulveringhem, Hoogstade, Ruddervoorde, Moorslede, West-Cappelle, demandent que les artistes vétérinaires non diplômés soient admis à continuer leur profession. »
- Même renvoi.
« Les bourgmestre, échevins et conseillers communaux de Sotteghem prient la Chambre d'accorder aux sieurs Moucheron et Delaveleye la concession d'un chemin de fer de Gand à Saint-Ghislain par Sotteghem, Ath, Villerot, avec embranchement sur Grammont. »
M. de Naeyer, rapporteur. - Je propose de renvover cette requête à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
- Adopté.
« Les membres du conseil communal de Bruly présentent des observations sur le projet de loi relatif à la délimitation entre les communes de Bruly, Couvin, Cul des-Sarts et Petit-Chapelle, et demandent que cette délimitation soit soumise à une nouvelle enquête. »
M. de Baillet-Latour. - Je demande que la pétition des membres du conseil communal de Bruly tendant à faire des observations sur le projet de loi relatif à la délimitation des communes de Bruly, de Couvin, Cul-dcs-Sart et Petite-Chapelle, soit renvoyée à la commission qui s'occupe de ce projet de loi, et qu'il soit fait une nouvelle enquête.
Je saisirai cette occasion pour réclamer que le bureau de la Chambre soit autorisé à remplacer dans cette commission M. Moncheur, qui est absent, afin de compléter cette commission. Il est urgent qu'on ne laisse pas plus longtemps ces communes dans l'incertitude sur leurs délimitations. Une prompte solution me paraît très utile.
M. Wasseige. - J'appuie les observations de l'honorable M. de Baillet-Latour, et j'insiste pour qu'on donne à cette affaire la plus prompte solution. Il y a très longtemps qu'elle traîne ; la députation permanente de Namur a déjà été consultée plusieurs fois, et le conseil provincial s'est prononcé ; en attendant, les passions se surexcitent plus ou moins et viennent compliquer la question. Je demande donc, avec l'honorable M. de Baillet-Latour, que le membre de la commission qui est absent soit remplacé et que la commission s'occupe le plus tôt possible de cette affaire.
- La Chambre adopte la proposition de M. de Baillet-Latour et décide que le bureau désignera un membre en remplacement de M. Moncheur, absent.
LM. le président. - Le bureau décide que M. Moncheur sera remplacé par M. Thibaut.
« Le sieur Stassart, notaire à Argenteau, présente des observations sur le projet de loi relatif aux jurys d'examen en ce qui touche le notariat. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet.
« Par trois pétitions, des habitants de Steenkerke, Smeerhebbe-Vloersegem et Lokeren demandent qu'il y ait autant d'écoles vétérinaires, d'agriculture et d'horticulture dans les provinces flamandes, que dans les provinces wallonnes, que l'enseignement y soit donné dans la langue maternelle et que si, pour l'une ou l'autre branche de l’enseignement, on n'établissait qu'une seule école pour tout le pays, les élèves reçoivent les leçons dans la langue parlée dans leur province. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur l'enseignement agricole.
« L'administration communale de Westerloo présente des observations sur le projet de loi relatif à la révision de l'article 23 de la loi sur l'instrnelion primaire et demande que, pour certaines communes dépourvues de ressources propres, la quote-part obligatoire dans les frais de l'instruction primaire soit réduite à un quart de la dépense. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Les sieurs Vermeire, Lambrechts et autres membres de la société dite : « Tael en kunst », établie à Hamme, demandent que l'enseignement agricole dans les contrées flamandes soit donné en flamand.
« Même demande du conseil communal de Meetkerke. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur l'enseignement agricole.
« Le sieur Decaestecker demande que les artistes vétérinaires non diplômés, en exercice pendant cinq années avant la loi du 11 juin 1850, soient admis à continuer leur profession. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« La veuve Romedenne-Bodart prie la Chambre de statuer sur sa demande tendante à ce qu'il soit donné suite à une plainte qu'elle a adressée au département de la justice. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« M. Van Remoortere, retenu chez lui par indisposition, demande un congé de dix jours. »
- Accordé.
M. le président. - M. le ministre se rallie-t-il au projet de la section centrale ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Non, M. le président.
M. le président. - En conséquence la discussion s'ouvre sur le projet du gouvernement.
M. de Liedekerke. - Messieurs, le projet de loi qui nous est soumis prouve le danger qu'il y a d'admettre comme par tolérance certains crédits dont le but est indiqué, mais dont les moyens d'exécution sont insuffisamment définis. Le gouvernement et les Chambres sont inévitablement liés. On a créé des intérêts qu'il est difficile de détruire ; et l'on est exposé à de pressantes sollicitations qui pèsent sur la liberté de vos délibérations comme de vos décisions.
Je sais qu'on dit (et c'est là le grand argument qu'invoque M. le rapporteur de la section centrale), je sais que la Chambre, en vertu de sa toute-puissance, est toujours libre de faire cesser les engagements, de les faire tomber, mais à quelles conditions et à quel prix ? En froissant les intérêts, en froissant les localités.
Souvent même il arrive que les contrats ne peuvent être résiliés, qu'on ne peut pas les faire cesser à l'instant, et lorsque l'opinion publique, lorsque l'opinion même de cette Chambre désapprouve certaines institutions, ou en reconnaît l'inutilité, le budget n'en reste pas moins grevé de certaines charges désormais inutiles. Le gouvernement vous le dit lui-même ; il reconnaît que si, à l'égard des écoles de Verviers, de Tirlemont, de Chimai, de Leuze, il peut faire cesser les contrats, il n'a pas la même facilité en ce qui concerne les écoles de Thourout, de Rollé, d'Ostin et d'autres encore auxquelles le lient des engagements d'une certaine durée. Aussi faudra-t-il ouvrir des négociations avec l'autre partie contractante pour faire cesser ces engagements.
Il vous dit encore qu'il espère pouvoir employer certains professeurs dans la nouvelle organisation, mais qu'il en est d'autres auxquels il faudra allouer un traitement et donner des compensations sous forme de traitements d'attente.
Messieurs, les charges qui en résulteront pour le budget ne sont sans doute pas considérables ; mais il faut moins envisager ici le chiffre de la dépense que le principe ; c'est lui qui est dangereux, qui mérite condamnation. Croyez-vous ensuite qu'il soit fort agréable pour M. le ministre de l'intérieur de devoir être le liquidateur forcé de cette succession assez embarrassée de son prédécesseur ? La mission de dénoncer aux villes de Tirlemont, de Verviers et de Chimai la cessation de subsides dont elles jouissent, de leur dire que le gouvernement ne peut plus les leur continuer, n'a rien de fort séduisant. Qu'en résultera-t-il ? Les communes diront qu'on ne peut que difficilement se fier aux promesses du gouvernement, que le gouvernement les engage dans des dépenses ; qu'elles approprient des locaux, qu'elles font des baux de terrain, essayent de former des collections, puis que tout d'une fois un beau jour le gouvernement cesse ses engagements, les abandonne, et rend ainsi leurs sacrifices inutiles. Aussi, y aura-t-il évidemment des plaintes, des sollicitations ; M. le ministre de l'intérieur y résistera, il appliquera la loi ; mais le précédent n'en sera pas meilleur.
Messieurs, voyons maintenant dans quelles conditions se présente à nous la question de l'enseignement agricole.
(page 706) Ce qui résulte évidemment des discussions de la commission et de celles de la section centrale, c'est que des divergences d'opinions et des hésitations prédominent chez l'une et chez l'autre. Les uns veulent une grande école centrale, une sorte d'université, de Sorbonne agricole, les autres de simples écoles d'agriculture ; ou bien continuer ce qui existe à titre d'essai, et en laissant au gouvernement le soin des modifications et des changements à introduire.
C'est en effet la résolution première de la section centrale, c'est le parti auquel elle s'est arrêtée, et ce n'est que subsidiairement qu'elle a discuté le reste du projet de loi. Voici en effet quelle est sa résolution.
« Laisser au gouvernement le droit de continuer ce qui a été fait jusqu'à présent, sauf à lui à supprimer, s'il y a lieu, ou à transférer les écoles qui ne donneraient pas de bons résultats, et à améliorer celles qui seraient conservées, sans que la dépense puisse excéder le chiffre de 119,000 fr., actuellement affecté à cet enseignement. »
Messieurs, une pareille proposition me paraît tout à fait inadmissible. En effet, elle contrarie et heurte l'intervention de la Chambre comme pouvoir législatif dans la confection des lois ; elle n'est pas d'accord avec l'article 47 de la Constitution qui veut que tout enseignement donné aux frais de l'Etat soit réglé par la loi ; elle est en dehors de l'exercice logique et régulier de votre contrôle financier.
Comment ! messieurs, le provisoire qui dure depuis plusieurs années et qui a coûté près de 700,000 fr., ce provisoire ne suffirait pas encore. Il faut le continuer. On ignorerait les bons, les mauvais résultats des écoles ! On serait encore dans le doute ! On ne saurait quelle sera l'influence qu'elles peuvent exercer sur le grand intérêt agricole ! On ne saurait point ce qu'il faut conserver ou supprimer ! Et cependant deux ou trois fournées d'élèves ont achevé leur éducation agricole et ont été répandus sur la surface du pays ! Mais quand donc se formera-t-on une appréciation suffisante, quand l'épreuve sera-t-elle terminée ?
Comment ! il faut un nouveau provisoire de plusieurs années, confié au gouvernement et administré comme il le voudra, à la seule condition de ne pas dépasser le crédit de 119,000 francs ! Vous voudriez donc consacrer de nouveau et par un vote solennel une dépense dont les effets, le terme et le montant vous sont inconnus. Ce n'est pas tout. Pour donner plus de facilités au gouvernement, afin qu'il ne supprime rien du tout, on a eu soin d'intercaler dans le libellé de la quatrième section, que la section centrale a fait sien, d'intercaler une phrase incidentelle, supplémentaire, afin de donner plus de facilité, une plus grande marge au gouvernement pour supprimer le moins possible ; peut-être même rien du tout.
En effet, la quatrième section avait adopté une rédaction plus nette, plus précise, qui indiquait que, dans sa pensée, il y avait évidemment à supprimer dans l'organisation actuelle. La section centrale, au lieu d'adopter cette rédaction, y a ajouté à la suite des mots : « sauf à supprimer, » ceux de : « s'il y a lieu. Cette rédaction me semble avoir une tournure fort diplomatique.
Quel en est le vrai sens ? Mais on veut évidemment engager par là le gouvernement à supprimer le moins possible et à conserver le plus grand nombre, ou même la totalité des établissements agricoles existants actuellement dans le pays. Avec le « s'il y a lieu », le ministre aura beau jeu. Jamais il n'aura assez examiné, étudié, approfondi. Quand l'un de vous viendra dénoncer les conséquences défectueuses, fâcheuses des systèmes suivis ou l'insuffisance du corps enseignant, on lui répondra, comme on le fait à la page 27 du rapport, passage que je soupçonne véhémentement appartenir à l'honorable rapporteur lui-même, à M. Tesch, on vous dira « que si une école tombe ou n'a pas d'élèves cela ne prouve pas toujours contre le système suivi, ni contre l'enseignement ; cela prouve fort souvent contre la direction ou le personnel enseignant. » Aiusi quand on dénoncera le personnel comme mauvais, comme insuffisant, on répliquera que le système est bon ; mais quand on accusera le système d'être mauvais, on vous dira avec tout autant d'aisance que le personnel est bon et on en conclura qu'il faut toujours persister.
C'est un dilemne digne des temps de la plus fine rhétorique grecque, où jamais raisonneur n'était embarrassé.
M. Piercot peut avoir de très bonnes idées en agriculture et relativement aux écoles d'agriculture ; mais la carrière ministérielle est incertaine et fort fragile. Le successeur de l'honorable M. Piercot peut avoir d'autres idées que lui en agriculture et sur l'enseignement agricole, il peut même n'en avoir pas du tout. Que deviendrait alors l'essai confié aux mains ministérielles ?
Il me paraît donc évident que le système tendant à perpétuer ce qui s'est fait jusqu'à présent serait en dehors de tous les précédents, et qu'il mènerait infailliblement à de nouvelles, à de plus onéreuses déceptions qui ne feraient qu'aggraver le passé. Aussi la section centrale qui a beaucoup louvoyé dans cette question, voyant que ce système n'avait guère de chance d'être accueilli par la Chambre, vous propose-t-elle deux établissements d'enseignement agricole, des écoles moyennes à l'évidence, l'un pour les provinces wallonnes, l'autre pour les provinces flamandes ; elle repousse l'école centrale supérieure d'agriculture. Nous verrons tout à l'heure si elle a eu tort ou raison. Quant à moi j'ai le plus grand doute sur l'efficacité et la valeur de ces deux écoles d'agriculture. Elles n'auront qu'une faible influence sur l'agriculture pratique, elles seront complètement insuffisantes pour l'enseignement supérieur.
Savez-vous ce qui en sortira ? Des hommes qui n'auront rien de ce qu'il faut pour faire de bons valets de charrue et qui n'auront ni la science, ni l'instruction, ni la capacité, ni l'esprit de direction nécessaire pour être à la tête d'une ou de plusieurs grandes exploitations, ou bien des sujets qui munis d'un diplôme auront de très grandes prétentions et ne voudront jamais occuper le modeste emploi de valet de ferme.
Vous n'aurez donc ni l'agriculteur pratique, ni le directeur instruit et éclairé.
Voyons quelle a été la population de vos anciennes écoles, sur le modèle desquelles vous voudriez façonner, à peu de chose près, vos nouvelles écoles ; recherchons ce que sont devenus les élèves qui en sont sortis, quelle place ils ont occupée dans la société ; essayons, si c'est possible, de suivre leurs traces. Nous jugerons ainsi avec quelque certitude de l'avenir des institutions que vous défendez, que vous voulez rétablir à peu près sur le même pied.
D'abord les fermiers ne veulent pas pour la plupart du temps (je ne dis pas que cela s'applique rigoureusement à toutes les écoles d'agriculture, mais cependant à presque toutes) les fermiers, les bons propriétaires, les cultivateurs aisés ne veulent pas envoyer leurs enfants dans ces écoles d'agriculture subsidiées par le gouvernement, et où leurs enfants se trouveraient mêlés à des jeunes gens d'un caractère généralement fort équivoque. En effet quelle est ordinairement la population de ces écoles ?
Ce sont des fils de petits artisans, d'infimes cultivateurs, de propriétaires plus que modestes, alléchés, attirés par le subside du gouvernement, par une pension gratuite et qui viennent ainsi passer deux ou trois ans aux frais de l'Etat et sont fort heureux d'être hébergés et de recevoir une instruction insuffisante, peut-être, mais qui, à la fin de la dernière année scolaire, peut leur procurer une chance plus ou moins heureuse de réussite, chance qu'ils n'auraient pas eue sans cela.
Mais quel est leur caractère, je le tiens des meilleures sources, c'est d'être peu travailleurs, peu appliqués ; ils craignent toute espèce d'efforts, et je tiens de plusieurs directeurs de ces écoles d'agriculture, que, lorsqu'on veut les astreindre à un travail régulier, à un travail soutenu, on les trouve paresseux ou rebelles.
Il y a en des années même où, dans certaines de ces écoles d'agriculture, un seul élève s'est présenté aux examens. Et pourquoi ? Parce que souvent, dans le courant de l'année scolaire, on est obligé de congédier plusieurs élèves, et, afin de ne pas avoir des écoles désertes, on remplace ceux qu'on a dû congédier par des jeunes gens qui n'ont pas eu le temps d'achever un cours d'étude complet et qui dès lors sont incapables d'affronter des examens.
Parmi les jeunes gens qui quittent l'établissement, peu s'occupent de l'agriculture et vont chercher de l'emploi dans les villes comme commis, comme écrivains, ou réclament tout autre emploi, sauf un emploi agricole. De sorte que vous aurez eu le bel avantage d'avoir payé 7 ou 8 cent mille francs pour former une classe de jeunes gens qui, à peu près tous, ont horreur de la charrue.
C'est, du reste, un aveu qui se trouve dans les documents que le gouvernement nous a fournis. Car lorsqu'on a interrogé l'un des employés supérieurs du gouvernement, sur le sort qu'avaient eu les élèves qui étaient sortis des écoles d'agriculiure, il a fait une réponse qui corrobore parfaitement ce que je viens d'avoir l'honneur de vous dire :
« 1° Que sur 6 élèves sortis en 1852 de l’école d’horticulture pratique de Vilvorde, 5 ont été immédiatement placés comme jardiniers chez des particuliers et que le sixième est entré à l’école de Gand pour y commpléter son instruction ;
« 2° Que sur onze élèves, sortis en 1852 de l'école d'horticulture de Gand, six ont été placés immédiatement dans des établissements horticoles belges ou étrangers ;
« 3° Que la plupart des élèves sortis de l'école pratique de Rollé, étant fils de cultivateurs, sont rentrés dans leur famille ;
« 4° Que certains élèves de l'école pratique d'Ostin, n'ayant pu trouver à se placer immédiatement, ont, il est vrai, embrassé une autre carrière qui leur avait été présentée ;
« 5° Qu'en ce qui concerne les élèves sortis des quatre écoles moyennes, le gouvernement n'a pas de renseignements sur leur position actuelle, dont il n'avait pas à s'enquérir ; mais que l'on a lieu de croire que la plupart sont rentrés dans leur famille. »
Voilà une appréciation fort satisfaisante, en vérité, des effets de l'enseignement agricole.
Mais je demande la permission à la Chambre de ne pas en rester là et de lui donner lecture de quelques notes que j'ai recueillies sur le sort des élèves qui sont sortis des écoles d'agriculture, de leur influence présumée sur l'agriculture et puis le montant du chiffre auquel j'ai pu calculer que chacun de ces élèves revient au gouvernement.
Les rapports publiés pur le gouvernement sur la situation des écoles moyennes d'agriculture constatent que ces établissements ont été fréquentés jusqu'à ce jour par un nombre assez considérable d'élèves.
L'exactitude de ce fait ne saurait être contestée, mais ce qu'on oublie de dire, c'est que l'enseignement agricole n'a été utile qu'à un très petit nombre d'entre eux. Il est à observer d'abord que dans les écoles de Tirlemont, de Leuze, de Chimai et de Verviers, on a toujours fait figurer parmi les élèves agricoles les jeunes gens qui, déjà admis dans ces établissements pour acquérir leur instruction primaire, ont jugé utile de suivre temporairement les cours spéciaux d'agronomie.
(page 707) On pourrait même citer des institutions où les élèves ont été en quelque sorte forcés de s'adonner à l'étude des sciences sur lesquelles repose la connaissance de l'économie rurale. Cette pression s'explique par la nécessité où se sont vus certains chefs d'institution de justifier les allocations inscrites en leur faveur au budget de l'agriculture.
Ce n'est pas sur de pareilles bases que l'on peut établir l'opportunité ou le succès des mesures qui ont été prises depuis 1849, pour doter le pays d'une bonne instruction professionnelle. Si l'on veut connaître d'une manière exacte les résultats qu'a produits chez nous l'organisation des écoles moyennes d'agriculture, il faut en premier lieu consulter le nombre des élèves qui ont obtenu leurs diplômes de capacité aux examens de sortie, et voir si ce nombre est en rapport avec les sacrifices qui sont chaque année imposés au trésor public. Il ne suffit pas, en effet, pour démontrer l'utilité de l'enseignement agricole, de faire voir que les leçons du professeur ont été recueillies par un auditoire plus ou moins considérable ; il est nécessaire, avant tout, que l'on indique comment ces leçons ont pu porter leurs fruits.
Dans l'esprit de tous les hommes compétents, les élèves qui sortent des écoles d'agriculture sans leurs brevets de capacité et qui vont ensuite étaler dans les campagnes leur bagage scientifique sans avoir acquis les connaissances que doit posséder tout cultivateur, nuisent beaucoup plus au progrès qu'ils n'en favorisent le développement. Armés d'un demi-savoir qui devient souvent, dans des mains inexpérimentées, une cause de ruine, ils ont la prétention d'améliorer à coups de théorie les pratiques les plus avantageuses et augmentent ainsi la défiance des praticiens pour tout ce qui se rattache à l'instruction méthodique.
Les élèves qui ont terminé complètement leurs études et dont le mérite a été publiquement reconnu par un jury compétent, sont donc les seuls qui puissent faire progresser l'agriculture et aider de la sorte à l'accroissement de notre production intérieure. Or, quels ont été, dans cet ordre d'idées, les résultats fournis jusqu'à ce jour par les établissements d'instruction moyenne fondés avec le concours pécuniaire de l'Etat ? Un simple coup d'oeil rétrospectif va nous l'apprendre.
D'après les rapports annexés au projet de loi sur l'enseignement agricole, l'école de Chimai a fourni aux examens de sortie deux élèves qui ont obtenu leurs brevets de capacité en 1852. Pendant les années 1853 et 1854, aucun diplôme n'a été décerné.
A l'école de Leuze, aucun diplôme n'a été décerné pendant les années 1852 et 1854. En 1835 seulement quatre élèves ont passé leurs examens de sortie.
A l'école de la Trapperie, il y a eu deux diplômes décernés en 1852 et trois en 1854. Aucune distinction de ce genre n'a été accordée, en 1853.
Les brevets distribués à l'école de Vcrviers ont été moins nombreux encore ; ils se répartissent comme suit : deux en 1853 et deux en 1854.
A Tirlemont, le nombre des élèves sortants s'est élevé à cinq en 1853 et à trois en 1854.
Enlin l'école de Thourout est celle qui a fourni au pays le plus fort contingent d'agronomes.
. Les élèves sortants avec diplôme ont été au nombre de sept en 1853 et de neuf en 1854.
C'est, en résumé, un total de 39 élèves pour les six établissements dont il vient d'être fait mention.
En regard de ces chiffres, il conviendra maintenant de mettre les sommes qui ont été dépensées dans chaque école. Si l'on prend pour base la moyenne des deux dernières années auxquelles se rapportent les tableaux annexés au projet de loi, on arrive aux données suivantes.
Ecoles de Chimai, 8,300 francs par année, de Leuze 11,500 fr., de la Trapperie 9,700 fr., de Verviers 8,400 fr., de Tirlemont 10,500 fr. et de Thourout 14,000 fr.
D'après les relevés qui précèdent, voici ce qu'ont coûté à l'Etat les diplômes accordés à chacun de ces établissements :
16,000 francs par élève à l'école de Chimai, 8,600 fr. à l’école de Leuze, 7,800 fr. à l’école de la Trapperie, 6,300 fr. à l’école de Verviers, 4,250 fr. à l’école de Tirlemont, 2,700 fr. à l’école de Thourout.
Messieurs, la section centrale repousse absolument l’existence d’une école centrale d'agriculture.
Je ne méconnais pas qu'on peut faire à la création d'une école centrale d'agriculture, certaines objections qui ont assez de gravité, et qui ne sont pas dénuées d'un certain caractère sérieux.
Ainsi l'on objecte que l'école centrale d'agriculture offrira de grands inconvénients à cause des deux langues. On ne peut pas enseigner dans les deux langues, et si l'on n'enseigne que dans une langue, dans la langue française, cela offrira de graves inconvénients pour la partie flamande du pays.
Je crois que cet inconvénient est beaucoup moins considérable, infiniment moins à redouter pour l'enseignement agricole qu'on ne croit. En effet, messieurs, si l'école centrale d'agriculture s'adressait à des élèves du degré inférieur, si ce n'était pas une école supérieure, je comprendrais que l'objection eût assez de force. Mais ici il s'agira de jeunes gens qui à cause de leur position, qui de leur âge, qui de leur situation de fortune, connaîtront presque tous la langue française
Ainsi à l'école de Thourout qui est située au milieu des provinces flamandes, qui est de toutes ces écoles d'agriculture celle qui a donné les meilleurs résultats, qui a produit quelques bons élèves, tous les cours se donnent en français et l'on n'a jamais remarqué que cela ait produit des inconvénients sérieux.
On dit encore que cette école supérieure d'agriculture ne formera que des régisseurs, et que, dans notre pays, nous n'avons pas besoin de ces administrateurs, par la raison que nous ne possédons presque pas de grandes exploitations rurales, comme en Allemagne, en Angleterre et dans d'autres pays, où les régisseurs, les directeurs agricoles trouvent naturellement leur naturel emploi et leur mission.
Jusqu'à un certain point cela est vrai. Les vastes domaines sont rares chez nous.
Mais ce n'est pas cette seule classe d'hommes que je voudrais former. Vous attirerez dans votre école supérieure les fils des propriétaires aisés, les fils des cultivateurs riches, peut-être ceux de grands propriétaires.
Vous y verrez arriver, et je le souhaiterais, les hommes d'affaires, les agents d'affaires, les candidats notaires, qui aujourd'hui, il faut bien le dire, presque tous, manquent généralement de connaissances agricoles, et qui, cependant, dans la situation qu'ils occupent et vis-à-vis des fermiers et vis-à-vis des propriétaires, leur rendraient à tous, par des connaissances agricoles approfondies, de si grands, de si nombreux services. En effet aujourd'hui, l'homme d'affaires, l'agent d'affaires, le notaire lui-même, mais il n'est presque toujours qu'un agent fiscal. C'est un simple caissier. Il prend l'argent du petit locataire et du fermier ; il lui envoie des citations quand il est en retard. Ses soins ne vont pas ordinairement plus loin.
Mais il est très rare qu'il sache lui donner un bon conseil, un avis utile, qu'il lui indique quelque nouvelle méthode de culture, qu'il lui conseille l'essai de semences ou d'instruments aratoires perfectionnés ; et cependant, si au lieu de n'être qu'un agent fiscal, il était à même de donner d'utiles conseils, le petit cultivateur, le grand fermier n'en retireraient-ils pas d'utiles fruits, des avantages signalés ?
La situation du notaire, de l'homme d'affaires, de l'agent d'affaires vis-à-vis du propriétaire, est la même.
On parle toujours du concours que les propriétaires devraient donner aux fermiers.
Eh bien, messieurs, très souvent ce concours est impossible par la raison qu'on ne sait pas comment le donner. Ainsi, le propriétaire serait souvent disposé à abandonner au fermier, pendant deux ou trois ans, une partie de son rendage afin qu'il la transforme en dépenses d'améliorations agricoles ; ou bien il peut désirer de lui faire l'avance d'un capital remboursable à certaines époques déterminées et à petit intérêt. Mais pour que le propriétaire puisse faire cela avec profit et discernement, il faut qu'il ait à côté de lui un agent qui puisse lui fournir d'utiles renseignements et lui dire : Tel fermier, tel cultivateur est un homme intelligent, qui a du zèle, qui travaille bien et qui saura tirer bon parti de votre argent ; vous pouvez lui donner cet encouragement ; tous les deux vous en retirerez de l'avantage.
Il faut le reconnaître, messieurs, les améliorations agricoles viendront toujours d'en haut et non d'en bas. Ce qu'il faut c'est, d'une part le capital, d'autre part la propriété ; eh bien le capital et la propriété ce ne sont que les propriétaires aisés qui les ont, ou qui peuvent, au moins, à défaut de capital, se le procurer. Eux seuls auront le crédit et le courage d'en user. Les petits cultivateurs, les fermiers n'auront presque jamais d'initiative en fait d'améliorations ; ils craindront de risquer leur argent, d'aller vers l'inconnu ; mais quand ils auront vu réaliser autour d'eux des améliorations utiles, ils suivront l'exemple qui leur aura été donné, ils entreront dans la voie qu'on leur aura tracée.
J'entends aussi soutenir, messieurs, que dans une école centrale d'agriculture on ne fera que de la théorie. C'est vrai. Il faut bien qu'on fasse de la théorie pour développer l'intelligence des élèves, pour leur faire connaître les méthodes de culture, leur en faire apprécier la science ; mais je ne sépare pas la théorie de la pratique et je le croirais insuffisante, si elle n'avait pas comme indispensable complément un champ expérimental. Je ne comprendrais pas l'existence d'une école centrale d'agriculture, je ferais peu de fond sur ses résultats sans une ferme d'exploitation où l'on tenterait des essais concernant les semences, l'emploi des instruments aratoires, le drainage, les assolements et surtout l'amélioraiion des différentes espèces d'animaux, dont les bonnes races occupent une place si large, si importante dans l'économie agricole.
Sans doute, on fera de la théorie, mais quelles sont les matières dans lesquelles on ne commence point par en faire ? Un notaire a été candidat-notaire ; un médecin, avant de pratiquer, a été théoricien ; un avocat, avant d'avoir une clientèle, a été ausssi stagiaire.
Il en sera de même pour les élèves agricoles ; l'élève agricole développera son esprit, il s’instruira, il acquerra la connaissance de tout ce qui concerne l'agriculture ; il sera naturellement obligé de faire un stage ; plus tard il appliquera les idées qu'il aura acquises, il les appliquera avec prudence, avec sagesse, il pratiquera enfin, après avoir été théoricien. Je ne vois là rien qui sorte des conditions communes. C'est, du reste, ce qui est indiqué d'une manière aussi nette que juste dans l'exposé des motifs du gouvernement. Voici ce que dit l’exposé des motifs :
« Il semble au premier abord qu'on ne peut s'empêcher de tenir grand compte de ce fait, lorsqu'il s'agit de fonder des établissements (page 708) destinés à préparer la jeunesse de nos campagnes à la carrière qu'elle doit parcourir ; mais, lorsqu'on y regarde de plus près, on ne tarde pas à se convaincre que ces difficultés sont plus apparentes que réelles et que l'institution d'une grande école centrale, munie de tout l'appareil que réclament les études théoriques et pratiques les plus complètes offre des avantages qu'on espérerait en vain d'obtenir de la fondation de plusieurs écoles moins importantes, éparpillées sur divers points du pays On ne doit pas perdre de vue, en effet, que de quelque manière qu'il s'instruise, le jeune cultivateur aura un stage à faire avant de pouvoir exploiter avec succès une ferme d'une certaine étendue : il y a, dans l'agriculture comme dans toute autre branche d'industrie, une foule de conditions locales qui varient à l'infini et qu'on ne peut connaître que par la pratique et l'usage ; celui qui, dans un établissement central, aura bien appris l'ensemble et les détails de l'agriculture, considérée au point de vue général, pourra très aisément acquérir les quelques notions spéciales, relatives à la région agricole où il doit cultiver. D'autre part, il sera possible d'organiser un institut de ce genre sur de plus larges bases, et de le pourvoir d'un matériel plus complet, de manière à donner lieu à des travaux plus étendus et à fournir ainsi aux élèves une instruction pratique qu'ils chercheraient en vain à acquérir dans des écoles locales, nécessairement restreintes dans des limites beaucoup plus étroites, par cela même qu'elles sont fondées en vue de besoins spéciaux. C'est du reste dans le sens du projet de loi que le gouvernement avait résolu la question en 1846, et que celle-ci a de nouveau été décidée tout récemment par une commission composée d'hommes très compétents, que l'administration a cru devoir consulter avant de soumettre ses propositions à la législature. »
Messieurs, je crois donc que l'école centrale d'agriculture est celle qui réaliserait le mieux le but d'un enseignement agricole ; qu'elle pourrait avoir une influence heureuse sur les grandes améliorations que semble appeler l'agriculture et qu'on peut seules espérer de cet enseignement. Mais quelle est la difficulté d'un tel établissement ? C'est d'arriver à combiner un institut qui réunisse l'enseignement, l'instruction et la pratique agricole sans mêler le gouvernement à une exploitation qu'il ne saurait diriger sans perte et sans désordre.
J'ai donc pensé qu'il fallait, pour qu'un établissement supérieur d'enseignement agricole réussît, pour qu'il pût réussir avec l'adjonction d'une ferme expérimentale, qu'il fallait faire la part la plus large possible à l'intervention de l'industrie privée. C'est cette intervention de l'industrie privée qu'on semble toujours craindre, qu'on paraît redouter, tandis qu'on devrait appeler son intervention et mieux augurer de son concours. Quand on considère les résultats fâcheux de l'intervention absolue du gouvernement dans des intérêts à l'égard desquels il devrait se concerter dans des limites justes, raisonnables, efficaces, avec l'industrie privée, on reconnaît qu'il faut tout faire pour le pousser dans une voie et vers des errements pour lesquels il professe une injuste et injustifiable défiance.
Je voudrais donc que le gouvernement n'intervînt dans l'école centrale d'agriculture que par un subside annuel, par un subside fixe, lequel s'appliquerait uniquement au côté professionnel de l'institut.
D’après ce projet l'institut serait créé par une société qui se substituerait au gouvernement pour l'entreprise du pensionnat et de la ferme expérimentale.
Cette société construirait, approprierait ou louerait, à ses risques et périls, les bâtiments nécessaires au logement et à l'entretien des élèves, ainsi qu'à l'exploitation agricole. L'Etat se bornerait à intervenir par une allocation annuelle et fixe. Par l'application de ce système, la législature n'aurait aucune somme à voter pour frais de premier établissement, et la responsabilité du gouvernement serait à couvert. En outre, l'administration n'aurait à s'occuper ni de comptabilité, ni de culture, ni de finances les pertes et profits devraient rester à la charge ou au bénéfice de la société.
Un des grands mérites de ce mode d'exécution, c'est que l'entreprise ne serait avantageuse que le jour où l'institut serait fréquenté par un certain nombre d'élèves. Plus ce nombre tendrait à s'élever, plus aussi le profit deviendrait considérable. La société aurait donc tout intérêt à mettre les études sur un bon pied en ne négligeant aucune amélioration susceptible d'accroître la renommée de l'établissement.
Le personnel enseignant serait nommé par le gouvernement.
Le directeur serait nommé par le gouvernement, mais après une entente préalable avec la société.
Il y aurait un conseil de perfectionnement dans lequel se trouverait au moins un des associés, ou celui qui aurait passé un contrat avec le gouvernement.
Voici, messieurs, quelques-uns des chiffres du projet de budget que j'ai dressé.
Personnel : 1 directeur à 5,000 fr., 5 professeurs à 4,500 fr. soit 22,500 fr., 2 répétiteurs à 1,500 fr. soit 3,000 fr., 1 aumônier à 1,500 fr., 2 hommes de service à 700 fr. soit 1,400 fr. 1 surveilant à 1,000 fr. Ensemble 35,400 fr.
Matériel. Bibliothèque, entretien, 500 fr. ; frais d'enseignement : laboratoire de chimie, cabinet de physique, 2,000 fr. ; location des bâtiments destinés à l'institut, 6,000 fr. ; dépenses imprévues, 500 fr. Ensemble 9,000 fr.
Total : 44,400 fr.
Je n'alloue rien pour des bourses. Je les condamne comme nuisibles et même dangereuses, surtout lorsqu'il s'agit de l'industrie agricole. C'est le moyen de défrayer l'ambition de certains jeunes gens, et celui de leur inspirer le goût de carrières qu'ils peuvent entrevoir, sans pouvoir les aborder.
On leur prépare ainsi des déceptions amères, et on n'en fait que trop souvent des oisifs inquiets et dangereux. Quant aux 6,000 francs, ils serviront à la fois de prix de location et d'amortissement pour les dépenses qui auront été faites aux bâtiments par l'association. La durée sera fixée pour un temps qui lui permette de servir d'amortissement partiel, en cas de durée de l'école, ou de compensation pour les entrepreneurs au cas où l'école vînt à tomber.
Quant au mobilier de l'institut, je n'indique qu'une somme de 2,500 fr. une fois payée, car je suppose que pour le fond de bibliothèque, les collections, le cabinet de physique, la plupart des objets pourraient être pris dans le matériel des écoles qu'on supprimerait. Ce serait un simple transfert.
Les chiffres que j'indique ne sont pas des chiffres absolus, ils ne le sont que comme maximum. Le gouvernement entrant en pourparlers, entamant des négociations, pourrait peut-être arriver à des réductions notables.
Le mérite du projet me paraît consister dans quelques traits principaux, que j'indique sommairement. L'Etat n'intervient que pour une somme fixe ; il nomme les professeurs et le directeur. Quant à celui-ci, il devient évident que je le suppose nommé d'un plein accord entre le gouvernement et l'association, puisqu'il est appelé à avoir la haute main sur l'enseignement, mais aussi sur l'exploitation.
Ne perdons pas de vue que l'entrepreneur ou l'association a le plus grand intérêt à la prospérité du pensionnat et de l'exploitation. Car que deviendraient sans cela les frais accidentels qui auraient été faits pour l'appropriation du pensionnat, et que l'amortissement ne pourrait jamais compenser qu'imparfaitement ?
Les frais d'exploitation de culture ne sont pas au compte du gouvernement ; il échappe à toute complication d'administration. Enfin, la société a le plus grand intérêt à développer et à assurer par tous les moyens la prospérité et la renommée de l'institut.
Ainsi, messieurs, le gouvernement n'aurait pas d'administration de ferme, il ne se ferait pas industriel. Une ferme administrée par des personnes qui n'y ont aucune espèce d'intérêt ne peut évidemment pas prospérer. Il est certain que dans une ferme qui s'appuie sur le budget, qui est toujours assurée de pouvoir puiser dans la caisse de l'Etat la somme nécessaire pour couvrir ses frais, il est certain que dans une telle ferme on ne peut réaliser l'économie qu'on doit enseigner aux jeunes gens destinés à la carrière agricole.
Je sais que cette idée sera attaquée d'un côté par ceux qui veulent que le gouvernement n'entre pour rien dans toute espèce d'écoles d'agriculture, d'un autre côté, par ceux qui trouvent qu'on ne fait pas une part assez large à l'intervention gouvernementale. Ce sont, en effet, les deux systèmes qui peuvent se trouver en présence : enlever au gouvernement la faculté de faire quoi que ce soit en fait d'enseignement agricole, et ne tolérer que des cours universitaires d'agriculture, de chimie, de géologie, des cours normaux, ou vouloir que le gouvernement se charge de tout, qu'il prenne sur lui l'administration des écoles d'agriculture, dirige l'emploi des subsides, enfin qu'il en ait toute la responsabilité.
Eh bien, je crois que le projet que j'ai eu l'honneur de vous soumettre, projet qui est sans doute contestable, qui peut, je le dis d'avance, être amélioré, me paraît cependant avoir quelque chose de plus net, de plus précis, de plus caractérisé que le projet de la section centrale, de plus simple que celui du gouvernement, de plus réalisable, parce qu'il se lient entre les deux écueils, qu'il fait la part de l'industrie privée, qui serait appelée à jouer un rôle extrêmement utile ; qu'il donne à cette industrie l'occasion de s'entendre avec le gouvernement ; d'autre part, qu'il laisse au gouvernement le côté moral de l'enseignement agricole.
Je crois que c'est la meilleure manière de réaliser cet enseignement, sans faire peser sur l'Etat des charges trop considérables. Il n'y a pas dans la Chambre un seul bon esprit qui pense que le gouvernement peut exploiter utilement une ferme ; c'est une impossibilité pour le gouvernement ; il faut pour cela une connaissance approfondie de l'économie rurale, que le gouvernement ne peut pas avoir, et eût-il même un agenl pour diriger parfaitement les écoles d'agriculture, la surveillance de ses bureaux serait toujours insuffisante. Que pourriez-vous reprocher, messieurs, à un ministre de l'intérieur, qui serait un mauvais fermier de l'Etat ! Ce n'est pas que la pensée qui a été développée, si je ne me trompe, (page 709) par l'honorable M. de Naeyer, de renforcer les cours d'agriculture qu'on donne dans les écoles normales primaires de l'Etat ne doive pas être examinée attentivement et ne soit pas susceptible de produire dans l'application de bons résultats ; je ne dis pas que le gouvernement, dans certaines circonstances, ne pût pas même allouer des subsides à certain collèges ou l'on donne des cours d'agriculture, qui ont attiré beaucoup d'élèves et qui n'ont pas été sans fruit ; mais je crois que la véritable hiérarchie en fait d'enseignement agricole devrait être celle-ci : une école supérieure d'agriculture, établissement à la fois théorique et pratique, organisé de manière à pouvoir faire de grandes expériences en tous genres, qui serait pour ainsi dire un modèle, une règle, un exemple vivant pour toute l'agriculture du pays.
Puis, les cours d'agriculture donnés dans les écoles normales primaires, et puis éventuellement, des subsides modestes à des collèges placés dans des conditions favorabkes pour l’enseignement agricole ; voilà le système qu’on pourrait suivre et qui réaliserait au profit de l’agriculture un enseignement beaucoup plus fructueux et infiniment meilleur que celui qui a été réalisé par les écoles d’agriculture si incomplètes qui ont existé jusqu’ici.
J'aurai l'honneur de déposer un amendement dans le système que je viens de développer devant la Chambre. Cet amendement aurait pour but d'engager le gouvernement à cesser les subsides qu'il a accordés jusqu'ici aux écoles de Tirlemont, de Verviers et de Chimai et de Leuze, et de résilier les contrats qui le lient aux écoles de Thourout, de Rollé, de la Trapperie, d'Ostin ; et de plus il autoriserait le gouvernement à entrer en négociations avec toutes personnes isolées ou associées qui se présenteraient pour créer un institut agronomique, une grande école centrale d'agriculture dans le sens des vues que j'ai eu l'honneur de vous exposer.
Voici comment serait rédigé mon amendement :
« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à traiter avec une ou plusieurs personnes associées pour l'établissement d'une école d'agriculture du degré supérieur, en assurant une allocation fixe par année. Cette somme sera affectée au traitement du personnel administratif et enseignant, à la location des bâtiments de pensionnat et à l'amortissement des dépenses de premier établissement.
« La ferme-école aura une étendue de cent hectares au moins.
« Les arrangements conclus en vertu du présent article n'auront d'effet qu'après l'approbation des Chambres.
« Art. 2. Les conventions par suite desquelles des subsides ont été alloués aux écoles d'agriculture de Chimai, Verviers, Tirlemont et Leuze seront dénoncées par le gouvernement. Il rendra compte aux Chambres des mesures prises pour la résiliation des contrats relatifs aux écoles d'agriculture d'Ostin, de la Trapperie, de Rollé et de Thourout. »
On me dira peut-être, et je vais au-devant de cette objection : « C'est très bien, mais avez-vous une association ou une personne qui soit disposée à se charger d'une pareille entreprise ? »
Messieurs, je n'ai pas en poche un contrat que je puisse offrir au gouvernement ; mais dès l'instant où il sera connu que le gouvernement est disposé à entrer dans de pareilles vues, qu'il est tenté d'appeler à lui l'industrie privée pour réaliser une école sérieuse d'agriculture, un grand institut agronomique, je ne doute pas un instant qu'il ne reçoive des propositions, émanant de personnes dont la position de fortune et l'honorabilité, la capacité, offriront des garanties suffisantes pour l'utile développement et la prospérité d'une institution qui ferait honneur à notre pays.
Celte combinaison dispenserait le gouvernement de faire à ses seuls risques et périls de nouveaux essais, alors que les premières tentatives, il faut bien en convenir, n'ont pas toujours été très heureuses, et même dans certaines circonstances, ont eu des résultats déplorables,
- L'amendement de M. de Liedekerke est appuyé.
M. de Steenhault. - La discussion que nous venons d'entamer s'ouvre, il faut bien l'avouer, messieurs, dans de singulières conditions.
La législature réclame depuis plusieurs années une loi pour l'organisation de l’enseignement agricole. Le gouvernement s'exécute enfin ; le projet de loi vous est soumis, et voici la section centrale qui actuellement vient vous proposer le statu quo contre lequel vous vous éleviez, qui vient vous demander de tout remettre aux mains du gouvernement, en lui laissant toute latitude pour conserver, supprimer, modifier tout ou partie, selon son bon plaisir et comme il l'entendra.
Je doute que le gouvernement accepte pareille responsabilité au point où en sont les choses. Mais le voulût-il, pouvons-nous de notre côté accepter la position que la section centrale prétend nous faire ?
Pouvons-nous, après tout ce qui a été dit et fait dans cette enceinte, accepter ce nouveau statu quo, et en tout cas est-il nécessaire, serait-il seulement utile et répond-il à un besoin quelconque ?
Pour ma part, je ne le pense pas.
C'est, en tout cas, la première question que la position prise par la section centrale nous donne à examiner.
Je vais tâcher de le faire aussi brièvement que possible. Je ne vous dirai plus rien de l'article 17 de la Constitution, il est formel, mais c'est un argument usé.
J'ajouterai seulement que la situation actuelle nous le rend plus impératif que jamais.
Alors qu'on ne procédait que par subsides, on pouvait encore prétendre que les sommes dépensées étant annuellement portées au budget et votées par les Chambres, il était satisfait ainsi aux prescriptions de la Constitution.
Mais aujourd'hui qu'il n'en est plus ainsi, que l'école de Rollé qui, par parenthèse, est une des seules à conserver, se trouve entièrement au compte de l'Etat, que cette école n'est plus une école subsidiée, mais bien une école de l'Etat dans toute l'acception du mot, aujourd'hui, dis-je, il me paraît qu'indépendamment de toute autre considération, il est temps de régler définitivement cette organisation par une loi, et de lui donner un caractère de certitude et de stabilité sans lequel toute institution de ce genre ne pourra jamais complètement répondre à ce qu'on est en droit d'en attendre.
Comme le disait l'honorable M. Delfossc dans la séance du 4 décembre 1850, la Chambre pouvait se contenter de cet état de choses tant qu'il ne s'agissait que de subsides, mais la loi devient indispensable dès le moment que les écoles deviennent écoles de l'Etat.
Que vous propose la section centrale ou plutôt quelle est sa pensée ?
J'avoue fort humblement que la contradiction qui existe dans l'esprit de quelques-uns de ses votes a été pour moi un obstacle réel à ce que je me rende un compte exact de sa pensée et de la portée qu'elle entendait donner à ses propositions.
D'un côté la section centrale ne pense pas que l'on puisse dès à présent apprécier ce qui existe, elle demande que l'expérience soit prolongée et d'un autre côté elle s'en remet aux mains du gouvernement, qui, à moins de se mettre en contradiction formelle avec lui-même, se hâtera, libre comme il le sera, de se rapprocher autant que possible du projet de loi, bien évidemment l'expression de sa pensée, et de supprimer naturellement bon nombre des écoles actuelles. Adopter la manière de voir de la section centrale ne serait en définitive, messieurs, qu'un acte d'imprudence ou un aveu d'impuissance, ce serait un acte d'imprudence si bien réellement on avait la conviction que l'expérience est insuffisante.
Ce serait un aveu d'impuissance si, convaincus de la nécessité de modifier ce qui existe aujourd'hui, nous nous en remettions au gouvernement pour la solution d'une question devant laquelle il pourrait être dit que nous reculons.
La section centrale, en proposant un nouveau statu quo, s'étaye de la manière de voir de la commission.
Mais qu'elle me permette de le lui dire, elle ne s'est pas bien rendu compte de la portée du vote de la commission, et j'en trouve la preuve dans la nouvelle contradiction qui existe dans son vote emportant le rejet de l'école du degré supérieur, et celui demandant le maintien provisoire de ce qui existe.
La section centrale n'a pas remarqué, je pense, que le rejet de l'école centrale entraînait la suppression de six de nos écoles sur huit, dont les programmes sont conformes à ce que serait la nouvelle école du degré supérieur n'approuvant pas cet enseignement, il était peu logique de demander le maintien des trois quarts de ce qui existe aujourd'hui.
Ce que la commission a voulu, c'est empêcher que le gouvernement, s'appuyant sur un vote que la commission redoutait (et ce qui arrive prouve qu'elle avait bien raison), ne vienne à supprimer tout notre enseignement moyen en ne laissant subsister que deux écoles du degré inférieur.
Mais il n'est jamais entré dans la pensée de la commission de demander le maintien de ce qui existe pour les motifs invoqués par la section centrale.
Tous nous étions unanimes à reconnaître qu'il était temps d'organiser définitivement cet enseignement, et pas un mot n'a été dit dans la commission pour combattre cette manière de voir.
Quels sont en définitive les points sur lesquels peut rouler cette expérience que l'on veut aujourd'hui prolonger outre mesure ?
J'ai toujours pensé que nous ne nous trouvions qu'en présence d'un problème double, il est vrai, mais dans lequel viennent se fondre et se résumer toutes les autres questions se rattachant à l'organisation de l'enseignement agricole.
D'un côté, quel est le meilleur mode d'instruction et quelle est la part à attribuer à l'enseignement pratique et à l'enseignement théorique ?
D'un autre côté, dans quelles conditions d'établissement doivent se trouver les écoles d'agriculture pour atteindre le but que l'on se propose ?
Hors de là, ayant à tenir compte de la situation que nous fait l'étendue de nos ressourer, je ne vois pas ce que nous pourrions avoir à expérimenter, et ces questions-là je crois que le gouvernement était en droit de les résoudre comme il l'a fait, car l'expérience est largement suffisante, elle n'a peut-être déjà que trop parlé, et il ne servirait à rien de prolonger un statu quo toujours fâcheux, mais déplorable ici par les conséquences qui bien évidemment en résulteraient pour l'enseignement lui-même.
Il est d'abord un fait notoire, c'est que l'expérience, quant au système d'organisation, ne pouvait être plus complète.
L'honorable M. Rogier, et je ne l'en blâme pas, préoccupé qu'il devait être d'obtenir le système le plus économique, a voulu essayer de tout.
Nous avons des écoles annexées à des écoles industrielles, à des collèges, à des pensionnats avec ou sans l'intervention des villes, ayant les unes un jardin ou un champ d'expérience, les autres n'en ayant pas.
Nous en avons d'établies sur des domaines ruraux dans des conditions d'exploitation complètement différentes, les unes exploitées au compte de l'Etat, les autres au compte des propriétaires qui, encore une fois, ont traité à des conditions qui n'étaient pas les mêmes partout.
(page 710) En cherchant à l'étranger, nous n'eussions même rien pu trouver d'essentiellement différent, car toutes les écoles, tant de la France que de l'Allemagne, se rapprochent d'un des types que nous avons ici.
Sous ce rapport donc l'expérience est complète.
Elle ne l'est pas moins quant à l'utilité, je dirai même la nécessité de faire marcher l'enseignement pratique à côté de l'enseignement théorique, de mettre l'exemple à côté du précepte, de tenir l'élève constamment en présence des faits sur lesquels auront à s'exercer son intelligence et son activité.
Je ne vous rappellerai pas tout ce qui a été dit ici à ce sujet, et je puis me dispenser d'insister quand je vois tout le monde d'accord sur ce point : les Chambres, le gouvernement comme la commission ; et quand je trouve l'inspecteur de l'enseignement, M. Bideau lui-même signalant cette lacune dans notre enseignement actuel pour toutes les écoles qui ne sont pas établies sur des domaines ruraux.
Si la raison, du reste, n'indiquait cette absolue nécessité de l'atmosphère de la ferme, ce qui se passe à Hohenhein, le type cependant des écoles allemandes, et la préférence qu'on donne en Allemagne aux élèves des sections d'Ehvangen et d'Ochsenhausen sur ceux de l'institut agronomique prouveraient déjà surabondamment combien nous sommes dans le vrai.
La grande majorité des membres de la section centrale et je crois pouvoir dire l'unanimité moins un, n'admettant, à en juger par les discussions que nous trouvons relatées au rapport, n'admetlant, dis-je, la doctrine que pour autant qu'elle soit appuyée par la pratique, nous sommes nécessairement autorisés à penser qu'elle admet par conséquent, avec le gouvernement, la suppression de toutes les écoles dont les conditions d'établissement ne sont pas de nature à permettre ce double enseignement, c'est-à-dire de toutes celles qui ne sont pas établies sur des domaines ruraux.
Or, cette suppression consentie, effectuée, que reste-t-il et quels sont les établissements pour lesquels l'expérience doit être continuée ?
Cette expérience se trouve nécessairement restreinte aux quatre écoles annexées à des exploitations.
Ce type-là leur étant commun, ce n'est pas non plus là-dessus que pourra porter l'expérience que réclame la section centrale.
Elle ne pourra nécessairement porter que sur les conditions d'exploitation.
L'une est exploitée au compte de l'Etat, les autres au compte des propriétaires.
Mais ee présene des conflits incessants qui se sont élevés entre le personnel enseignant et les propriétaires qui tout naturellement envisagent bien plus leur intérêt que l'instruction des élèves, une expérience plus prolongée peut-elle encore être nécessaire de ce chef ?
Il me paraît qu'il serait difficile de le soutenir. Nous savons aujourd'hui parfaitement à quoi nous en tenir, et si nous ne concédons pas l'exploitation au compte de l'Etat, nous savons au moins que nous avons à nous prémunir contre les inconvénients du système opposé.
Quant aux programmes, à la division du travail, à l'emplacement même des écoles, il est impossible de faire figurer cela dans la loi ; cela doit faire l'objet de règlements spéciaux que le gouvernement doit rester libre de modifier selon les circonstances et les besoins quelle que soit d'ailleurs la nature des établissements que vous conserverez. Ce n'est donc pas cela qui peut faire l'objet d'une expérience prolongée.
Me pénétrant donc de l'esprit des discussions de la section centrale elle-même, interprétant ses votes comme ils doivent l'être, ne leur attribuant cependant que la portée que l'on doit logiquement leur donner, je crois pouvoir dire, messieurs, que rien ne justifie la proposition de la section centrale.
Pour moi donc, messieurs, fallût-il, pour couper court à une expérience qui n'est déjà que trop longue, faire quelque sacrifice immédiat, je dirais encore qu'il est non seulement d'une sage économie de s'y résigner ; car ils ne s'élèveront jamais au taux des subsides accordés aujourd'hui aux écoles à supprimer, mais que tous les partisans d'un enseignement agricole ne peuvent que le désirer.
Conserver l'ensemble de ce que nous avons à présent serait, à mes yeux, poser en même temps un acte de mauvaise administration et compromettre l'avenir de l'enseignement lui-même, en l'exposant de gaieté de cœur à tomber sous les coups du ridicule, qui, vous ne le savez que trop, messieurs, ne lui sont pas épargnés par ceux qui n'en sont pas partisans.
Le gouvernement vous propose-t-il ce qu'il y a de mieux ? C'est là ce que nous avons à examiner.
Quani à moi, j'ai la conviction intime qu'à moins de tout nier, à moins de rechercher des types en dehors de tout ce que nous avons, et qui jusqu'à présent n'existent nulle part, dans aucun pays, le gouvernement ne pourra jamais vous proposer, quant à l'ensemble du système et sauf les détails d'organisation qui pourraient être sous plus d'un rapport avantageusement modifiés, que ce qu'il vous propose aujourd'hui, vous laissant du reste toute liberté d'apprécier, de juger et de voir s'il y a moyen de combiner ce système avec les sacrifices que vous voulez faire, avec les sommes que vous entendez consacrer dorénavant à l'enseignement agricole.
Je défends l'ensemble du système du projet de loi quant aux écoles d'agriculture proprement dites, non pas parce qu'il est en quelque sorte l'œuvre de la commission dont j'ai l'honneur de faire partie, mais parce que j'ai la conviction intime, réfléchie que c'est le seul moyen de faire quelque chose de bon, d'utile, de sérieux et d'aussi complet que le permettent nos ressources.
Je défends l'enseignement supérieur, entendu comme je l'expliquerai tout à l'heure, non seulement comme une source de progrès pour l'agriculture, mais je le défends encore comme bien-être social.
Je voudrais, relevant l'agriculture de cette condition relativement inférieure, dans laquelle il n'est que trop vrai qu'elle se trouve encore en Belgique, réveillant l'esprit public trop indifférent à son endroit, attirant à elle bon nombre de jeunes intelligences, qui encombrent aujourd'hui tant d'autres carrières, trouver le moyen de faire refluer vers le sol les capitaux qui ne prennent que si exceptionnellement cette direction, en dotant les classes élevées d'une tendance qui aurait en même temps pour but et un bien-être matériel par le perfectionnement de toutes les branches de l'agriculture et un bien-être moral par un nouvel élément d'activité approprié à une époque où bien évidemment toute proportion se trouve rompue entre les capacités et les diverses professions libérales.
Anoblir l'agriculture par le cachet de la science, la relever de ce caractère relativement humiliant que lui imprime la routine, lui donner comme science le rang qu'elle doit occuper comme industrie, c'est la doter des éléments de progrès qui jusqu'à présent lui ont tant fait défaut en Belgique.
On la dédaigne parce qu'on ne la connaît pas, parce qu'on ne s'intéresse en général qu'à ce que l'on sait apprécier. Eclairez, l'intérêt viendra et le progrès suivra, soyez-en convaincu.
Un autre caractère encore de notre époque, c'est une aspiration démesurée au bien-être matériel, c'est un besoin de luxe qui gagne tous les jours de proche en proche et qui n'a pas pour corollaire une augmentation équivalente des fortunes privées.
Cet état de choses nous prépare bien aisément une crise ou tout au moins un mouvement, un retour des propriétaires du sol vers la vie de campagne.
Nous préparer à ce mouvement, y pousser même pour en faire profiter la généralité par tous les moyens qui peuvent influer sur sa réalisation, me paraît, non seulement un acte de prévoyance, mais de sagesse en même temps.
Je pourrais m'étendre plus longuement sur des considérations de cette nature. Je n'ai voulu que les esquisser. J'ai pensé, messieurs, que, quoique étrangères à l'organisation de l'enseignement agricole, elles ne laissaient pas que d'avoir une certaine importance au point de vue surtout des divers systèmes que vous avez à discuter.
A présent qu'entendons-nous par enseignement supérieur ? C'est là un point qu'il importe d'autant plus d'éclaircir, que ces deux mots ont été, je le sais, un véritable épouvantail pour plusieurs d'entre nous.
Ils ont craint, et non sans raison peut-être, que ces mots ne renfermassent une espèce d'université agricole, un institut agronomique dans le genre de celui de Versailles où l'on planait dans des sphères tellement élevées que l'on y perdait de vue la terre qui, cependant, restait l'objet essentiel des études qu'on devait y faire.
Mais que ces honorables membres se rassurent. Le titre d'enseignement supérieur n'est ici que relatif, et comme opposition à l'enseignement secondaire. Il ne s'agit ici que d'un enseignement strictement approprié aux nécessités du gouvernement d'une exploitation, si je puis m'exprimer ainsi, d'un enseignement à de légères différences près, dont l'expérience a démontré la nécessité, conforme à celui donné à Thourout.
Ce que l'on a voulu, c'est, tenant parfaitement compte des erreurs dans lesquelles on était tombé pour les Instituts de Versailles et d'Hohenheim, s'éclairant de l'expérience acquise dans les section d'Ehvangen et d'Ochsenhausen en Allemagne, dans les établissements de Grand-Jouan et de Grignon en France, dans nos écoles elles-mêmes, coordonner un ensemble d'enseignement pratique et théorique, de manière qu'à la sortie de l'établissement, l'élève initié à toutes les différentes branches de l'économie rurale, puisse d'emblée prendre en main les rênes d'une exploitation, et qu'un domaine étant donné, il soit en état d'adopter un plan raisonné de culture, approprié à la localité, et d'en retirer le produit net le plus considérable, assez de pratique pour permette de bien commander et de bien juger ; pas trop de théorie afin de ne pas faire plutôt des savants que des agriculteurs.
C'est 15, messieurs, ce que, dans la commission, nous avons entendu par enseignement supérieur. C'est là le but que les programmes ont en vue.
Je pense, messieurs, que cette explication peut rassurer complètement ceux d'entre vous qui craignaient un enseignement dans les nuages.
Passant à l'enseignement du degré inférieur, sans examiner la question de savoir quel est le nombre d'écoles qu'il faudrait établir, sans entrer dans les détails d'organisation que nous pourrons discuter lorsque nous en serons aux articles, je ne vous occuperai plus quelques instants de la question de principe.
Faut-il en Belgique un enseignement du degré inférieur, indépendamment de l'enseignement supérieur ?
Je pense, messieurs, qu'il le faut, que cela est juste ; que cela est logique, que cela est nécessaire.
La Belgique est partagée en deux grandes divisions, quant au mode de culture.
(page 711) L'une de grande culture comprenant une partie du Brabant, la majeure partie du Hainaut, de la province de Liège et de la province de Namur.
L'autre comprenant plus de la moitié de la Belgique, de petite ou de moyenne culture.
S'il est vrai que le progrès agricole doit surtout se réaliser par la grande culture, il n'est pas moins vrai que la moyenne culture, celle de 20 à 50 hectares qui tient incontestablement la plus large part dans l'agriculture belge a aussi des droits positifs et un intérêt direct à voir l'enseignement agricole mis à sa portée.
Or, messieurs, il est hors de doute que les établissements d'enseignement supérieur ne peuvent être bons qu'à la condition de ne convenir en aucune façon aux représentants de cette moyenne culture, et réciproquement.
Cette question a été longuement débattue dans la commission, et elle a été, si je ne me trompe, résolue, négativement à l'unanimité.
S'adressant à deux classes d'individus complètement distincts, tout dans ces deux genres d'établissements doit nécessairement être différent.
Mode d'enseignement, programmes, régime, discipline, conditions d'admission, tout, exactement tout, doit se régler d'après la catégorie d'élèves que l'on a à former.
L'un est destiné aux fils de propriétaires ou de grands fermiers possesseurs déjà de capitaux relativement considérables.
Les autres, dans une sphère beaucoup plus modeste, doivent être appropriés aux fils de cultivateurs dont la fortune n'est pas assez grande pour pouvoir se dispenser de mettre eux-mêmes la main à l'œuvre et dont, il faut bien le dire, l'instruction et soumet l'intelligence sont beaucoup moins développées.
L'enseignement inférieur ne tend qu'à initier les élèves aux progrès qui déjà sont justifiés par l'expérience.
L'enseignement supérieur ne s'arrête pas là. Il comprend toutes les sciences accessoires dans leurs rapports avec l'agriculture, il a encore pour but de mettre les élèves en position d'expérimenter par eux-mêmes et de faire une application raisonnée des connaissances acquises.
Cette différence explique à elle seule pourquoi l'enseignement supérieur est seul propre à faire réaliser des progrès marquants, à faire éclore des idées et des perfectionnements nouveaux.
Prétendre que l'enseignement supérieur suffit, que la catégorie de cultivateurs appartenant à la petite ou à la moyenne culture, apprendront par ricochet, c'est incontestablement retarder indéfiniment les améliorations dans la plus grande partie de pays.
Pour ne vous citer qu'un exemple de la lenteur de ce progrès par ricochet, je n'ai à vous parler que des assolements de la culture alterne, séculaire dans les Flandres qui, aujourd'hui, n'a pas encore pénétré partout dans nos provinces, et s'il est vrai de dire que les progrès ont été marquants sous ce rapport, il est vrai de dire aussi que c'est depuis un petit nombre d'années.
Refuser les établissements d'enseignement secondaire serait, à mes yeux, non seulement une injustice, mais se priver des moyens les plus prompts, les plus énergiques de faire profiter le pays des connaissances acquises.
Ce serait, à mes yeux, faire jaillir la source sans s'occuper des canaux qui sont appelés à en répandre les bienfaits.
Partout, en France, en Allemagne, en Angleterre, même par l'institution des moniteurs, l'on s'est préoccupé de cette nécessité et on y a fait droit.
J'ai du reste d'autant plus lieu d'espérer que la Chambre ne perdra pas cet enseignement de vue que j'ai pu me convaincre en relisant toutes les discussions soulevées à propos des écoles d'agriculture que c'était plutôt cet enseignement-là qu'avaient en vue tous ceux qui critiquaient les écoles actuelles, que l'enseignement supérieur qui était mal compris et par conséquent redouté par beaucoup d'entre nous.
Je terminerai, de ce chef, en vous signalant un fait qui mieux que toutes les considérations possibles, mieux que tous les raisonnements du monde, vous prouvera combien il est important que nous nous préoccupions de l'enseignement agricole mis à portée des petits cultivateurs.
Ce fait, messieurs, c'est le nombre excessivement restreint en Belgique des fermes dépassant 50 hectares, c'est-à-dire des exploitants dont nous pouvons espérer de voir arriver les fils dans notre institut central.
Nous ne comptons en Belgique et pris en moyenne que 75 fermes sur 10,000 de cette importance, et encore y a-t-il des provinces, comme la Flandre orientale et la province d'Anvers où il ne s'en trouve pour ainsi dire pas, car la proportion n'est que de 15 et de 19 sur 10,000.
En revanche, messieurs, nous trouvons avoir dans la même proportion 257 exploitations de 15 à 25, et 164 de 25 à 50 hectares.
Si parmi ces exploitations de 15 à 25 et de 25 à 50 hectares, il s'en trouve d'exploitées par les propriétaires qui, naturellement, sont en position d'envoyer leurs enfants à l'institut, vous devrez avouer avec moi, messieurs, que ce nombre est relativement excessivement restreint.
Citer ces chiffres c'est assez vous dire combien le progrès sera lent, combien il faudra d'années pour faire profiter la masse des cultivateurs des enseignements de la science si vous vous bornez à une école centrale, et si vous ne faites rien pour répandre la lumière dont cette école devrait être comme le foyer.
J'insisterai d'autant plus sur l'adoption des écoles inférieures que la dépense à en résulter pour le gouvernement sera extrêmement minime, surtout en proportion des résultats qu'on est en droit d'en attendre.
Elles pourraient être calquées sur Rollé et n'entraîneraient qu'à une dépense de 20,000 ou 25,000 fr. au plus, dépense certes bien minime en comparaison des résultats à en obtenir.
Je me suis borné à des considérations purement générales, et je n'ai pas voulu, afin de ne pas vous faire perdre un temps précieux, entrer dans des détails d'organisation ou discuter les différents systèmes qui se produiront probablement.
J'attendrai la discussion de l'article premier, où nous aurons naturellement à nous en occuper, et je finirai par une simple considération à l'adresse de ceux qui nient l'utilité de l'enseignement agricole ou qui tout au moins croient que l'Etat n'a qu'à s'abstenir en comptant sur les efforts individuels et les forces de l'agriculture elle-même.
On cite sans cesse l'Angleterre ; moi aussi je citerai l'Angleterre, mais c'est pour prouver diamétralement le contraire, pour vous faire voir que l'intervention de l'Etat est d'une absolue nécessité, en Belgique.
Il est un fait notoire, messieurs, c'est que l'Angleterre est partie d'un point moins avancé que le nôtre, et qu'il n'y a pas si longtemps encore elle était en arrière de nous.
Cela n'est pas contestable.
Si l'Angleterre nous a devancé, où en est la raison ? N'avions-nous pas les mêmes éléments ? Nos terres étaient-elles inférieures ? Nos races d'animaux domestiques qui ont fait souche chez les Anglais, ne valaient-elles pas les leurs ?
Si le gouvernement anglais n'avait rien fait, nous nous trouverions, par conséquent, dans les mêmes conditions.
Où se trouve donc le secret de cette supériorité acquise, pourquoi ne sommes-nous pas au moins restés de niveau, pourquoi sommes-nous devancés ?
C'est qu'en Angleterre la répartition de la richesse publique, la constitution de la propriété, toutes les conditions éminemment favorables au milieu desquelles se mouvait l'agriculture anglaise lui ont permis d'appeler la science à son aide, et de ne pas se borner aux enseignements de la pratique et de la routine.
Si, en Belgique, les ressources personnelles ne suffisent pas, si la tendance de l'esprit public ne s'étant que trop peu préoccupée de l'agriculture, n'a pas pu susciter l'esprit d'association, si les efforts individuels ont été impuissants jusqu'ici, sur quoi vous fondez-vous pour espérer qu'ils deviendront efficaces ?
Nous avons été aussi loin que la pratique et l'esprit d'observation pouvaient nous mener, nous avons marché jusqu'aux limites de la science. Mais là se trouve une barrière que la pratique le mieux raisonnée ne nous fera jamais franchir.
Sans des principes de mécanique, de géologie et de physique, eussiez-vous eu le drainage perfectionné comme il l'est ?
Sans la chimie, pour ne citer qu'un exemple bien connu aujourd'hui, eussiez-vous pu deviner qu'en faisant passer le tourteau par le corps de l'animal vous conserviez intactes toutes ses parties fertilisantes tout en tirant parti de ses parties nutritives que, sans cela, vous répandez improductivement sur le sol ?
La pratique des irrigations si mal exécutées en Belgique partout où le gouvernement ne s'en est pas mêlé, exige des connaissances en chimie, en mécanique, en géométrie, en arpentage et en nivellement.
Tout ce qui concerne la préparation et l'emploi des fumiers, des engrais ne peut se faire d'une manière rationnelle sans l'intervention de la chimie et de la physique ; la construction des bâtiments ruraux, habitations, étables, citernes à purin si mal combinés pour la plupart en Belgique démontre la nécessité de l'étude de l'architecture rurale et des sciences accessoires.
L'appréciation des instruments aratoires, les modifications à y apporter rendent nécessaire l'application des principes généraux de mécanique.
La tenue des étables, l'amélioration et la multiplication des races d'animaux domestiques, leur acclimatement et leur choix ne peuvent se faire judicieusement sans l’intervention de l'hygiène et de la zootechnie.
Tout ce qui se passe autour de nous, exactement tout, nous prouve à l'évidence cette impuissance de la pratique.
Je ne pense pas qu'on puiss me citer un seul fait, une seule idée nouvelle, une seule invention méritant d'être signalée qui ait vu le jour en Flandre même depuis un bien grand nombre d'années ; tous les perfectionnements apportés à notre agriculture se sont arrêtés là où la pratique seule pouvait servir de guide.
Je ne prolongerai du reste pas cette discussion sur la plus ou moins grande utilité de l'enseignement agricole. Je sais d'avance qu'elle est interminable et que partisans ou adversaires n'auront jamais le dernier mot et auront toujours des arguments à s'opposer.
(page 712) Je n'ai donc pas la prétention de convertir ceux qui systématiquement croient cet enseignement inutile ; mais, partisan de cet enseignement nous avons le droit de nous consoler de ne pas voir tout le monde de notre avis en pensant que nous avons pour nous toutes les sommités de la science et presque tous les gouvernements de l'Europe, y compris même celui de l'Angleterre.
M. de Ruddere de Te Lokeren. - Messieurs, les dépenses que le projet de loi pour les écoles d'agriculture va entraîner pour le trésor seront énormes ; après avoir dépensé environ 700,000 fr„ je me demande dans quel but on propose ces écoles. L'expérience n'a-t-elle pas démontré qne ces essais ont été malheureux et infructueux. Car il y a des écoles où on rencontrait presque autant de professeurs que d'élèves, et que parmi ces élèves on comptait plus de boursiers que d'autres ? Avec de tels éléments que peut-on obtenir ? Car nos cultivateurs n'enverront point leurs enfants aux écoles d'agriculture ; ils disent en savoir plus par leur expérience que tous ces savants théoriciens qui n'ont pas la pratique pour eux ; l'usage en Flandre consiste en ce que le père instruit ses enfants dans l'agriculture, dont il a une connaissance parfaite des terres qu'il cultive, car dans une ferme vous rencontrez des terres des différentes qualités et qui doivent subir une exploitation d'après la nature du sol. Avec votre théorie vous ne parviendrez jamais à faire fructifier ces différentes classes de terre ; admettez, messieurs, pour un moment que ces écoles puissent produire un grand bien, comme plusieurs d'entre nous l'espèrent, que vous aurez des jeunes gens fort savants qui sortiront de ces écoles, car on y enseignera tout, ils seront donc aussi aptes en peu d'années que les professeurs' mais la pratique leur manquera, et c'est la pratique qu'il faut en agriculture et non toutes les connaissances qu'on y enseignera, dont le cultivateur ne veut pas et dont il n'a nul besoin pour faire valoir son champ, qui est pour lui le plus important. Les écoles d'agriculture ne serviront qu'à former des professeurs ; que deviendront, messieurs, ces jeunes gens qui sortiront de ces écoles ? Aucun fermier ne les prendra à son service parce qu'il ne voudra pas se soumettre à leurs théories et qu'il connaît mieux la culture de ses terres par la pratique. On me dira peut-être qu'ils s'établiront dans les fermes, mais les moyens leur manqueront ; sans argent on ne fait rien en agriculture ; l'agriculture pour se développer ne réclame point d'écoles, elle n'en a aucun besoin. Pourquoi le gouvernement s'obstine-t-il à vouloir en créer ? N'avons-nous pas entendu, lors de la discussion du budget du ministère de l'intérieur, réclamer qu'il fallait les supprimer, ainsi que tout le chapitre de l'agriculture, à l'exception de la voirie vicinale qui est la seule dépense utile réclamée par l'agriculture ? Si je repousse les écoles, je ne suis pas contraire à toute instruction ; je crois qu'on devrait donner des notions élémentaires dans les écoles primaires.
On se plaint des ressources du trésor et le gouvernement vient engager la législature dans des dépenses qui ne sont d'aucune utilité pour le pays ; au lieu de dégrever les contribuables, oa veut, malgré les observations judicieuses, créer de nouvelles dépenses ; il y a à désespérer de l 'avenir si le gouvernement persiste à ne pas introduire des économies dans ses dépenses.
Qu'on laisse la liberté se développer en agriculture comme en toute autre industrie et elle ne restera pas rétrograde, car elle admettra tout ce qui est bon en pratique.
Encore un mot, messieurs ; on a aussi parlé de fermes modèles qu'il fallait joindre aux écoles pour enseigner la pratique. Je pense que cette idée n'est pas bien sérieuse, ce serait encore un accroissement de dépenses sans utilité. N'avons-nous pas les Flandres qui ne présentent partout qu'une ferme modèle ?
Par ces motifs, je voterai contre le projet de loi,
M. Vander Donckt. - Messieurs, mon honorable collègue M. le comte de Liedekerke, qui semble parler en faveur du projet de loi présenté par le gouvernement, m'a fourni les arguments les plus solides et les plus concluants pour le combattre ; d'abord il nous a fait voir à la dernière évidence que les essais qui ont été tentés jusqu'ici ont eu les résultats les plus fâcheux et les plus contraires à ce qu'on en attendait ; il vous a dit combien de milliers de francs a coûté chaque élève et en second lieu combien ces essais ont peu aidé à propager de meilleures méthodes d'agriculture puisque la plupart des élèves, sortis de ces écoles, ont abandonné la carrière agricole, pour s'adonner à d'autres branches d'industrie ou de commerce ou pour embrasser un état plus conforme à leurs goûts, à l'ambition que l'étude des sciences avait développée dans leur jeune tête.
Eh bien, messieurs, voilà un premier point, je crois, qui prouve que le gouvernement s'est engagé dans une mauvaise ornière. Les essais ayant mal réussi, M. le ministre au lieu de donner à ce problème une solution favorable à l'enseignement agricole, c'est tout le contraire qu'il aurait dû faire ; il aurait dû non seulement résilier les contrats dont le gouvernement est le maître, et se borner à accorder de légers subsides là où l'Etat est engagé et s'est engagé peut-être trop légèrement. Le gouvernement vous a dit dans l'exposé des motifs, qu'il présentait le projet de loi d'après le désir exprimé par la Chambre.
Dans ma pensée tel n'a jamais été le désir de la Chambre ; le désir que la Chambre a exprimé a été qu'on mît un terme à ce provisoire des écoles qui étaient établies contrairement à la loi ou qui n'étaient pas sanctionnées par une loi.
Le problème que le gouvernement a résolu dans son sens doit être résolu, me semble-t-il, dans un sens opposé. L'honorable M. de Steenhault nous demande si nous trouvons que l'enseignement agricole est inutile. Non ; nous ne sommes pas si exclusifs ; mais ce que nous voulons, c'est que cet enseignement profite à la classe des ouvriers, des cultivateurs auxquels il peut réellement être utile.
Quant à la classe aisée, à la classe riche des cultivateurs, le gouvernement peut s'en reposer sur eux ; ils auront soin de donner à leurs fils une éducation convenable, et il ne faut pas, comme le dit l'exposé des motifs, les allécher par l'appât d'une éducation gratuite ; le gouvernement ne doit pas se mêler de cette classe aisée, ni dépenser les deniers des contribuables pour en gratifier quelques privilégiés qui n'en ont pas besoin et qui sont à même de suffire à la dépense de l'éducation de leurs enfants comme les autres habitants du pays.
Tous les jours, et notamment au sujet de la discussion du budget de l'intérieur, on a fait voir au gouvernement qu'il se mêlait beaucoup trop de toutes choses ; il en est de l'industrie agricole comme de toutes les autres. Quels résultats avons-nous à espérer de toutes ces interventions ?
C'est fournir les moyens de favoriser des amis, de placer des créatures, de créer de nouveaux budgétaires ou budgétivores. Voilà ce que nous faisons. Arrêtons-nous sur le bord de ce précipice pendant qu'il est temps encore ; ne précipitons pas, par une démarche inconsidérée, l'installation de nouvelles dépenses au budget de l'intérieur, la création de nouveaux bureaux au ministère et augmenter ainsi les travaux des employés, faire enfin le contraire de ce que nous désirons tous, qui est de réduire les rouages administratifs.
Les essais tentés jusqu'ici n'ont abouti qu'à un échec, n'ont abouti à rien de bon.
Je pense donc qu'en abandonnant, dans le sens de M. de Liedekerke, l'organisation d'une école supérieure à l'industrie privée, on pourra faire quelque chose de bon. Je ne m'oppose pas à ce que le gouvernement intervienne par de légers subsides ; mais ce que je ne puis admettre ; c'est que le gouvernement s'en charge lui-même, et dans le projet de loi qui nous est soumis il y a une lacune qui le rend inacceptable ; quelles garanties nous donne-t-il sur le mérite et les capacités des professeurs à nommer ? Faut-il qu'ils soient docteurs en sciences, en médecine, dans l'art vétérinaire ; est-il exigé d'eux des preuves de connaissances spéciales qu'ils devraient posséder ? Rien de tout cela ne se trouve au projet ; savez-vous, messieurs, ce qui arrivera. C'est qu'à défaut d'hommes réellement compétents qui sont très rares par le temps qui court, on casera des créatures, de prétendus savants qui savent un peu de tout excepté de l'agriculture, qui savent un peu de chimie, de physique et autres accessoires et ne savent rien de l'agriculture.
Pour ce qui est du projet de loi, je parle avec d'autant plus de conviction que déjà le public a fait justice de ce projet en le repoussant. L'agriculture le repousse ; dans les écoles établies dans les campagnes, moi aussi j'ai pris des renseignements. Quand on parle aux cultivateurs de l'enseignement qu'on y donne, ils vous répondent en haussant les épaules, on dit qu'elles ne servent nullement à l'amélioration de l'agriculture.
Laissons donc aux cultivateurs instruits et moyennes le soin de donner à leurs fils l'éducation comme ils l'entendent. Si vous voulez faire quelque chose de bien, si vous voulez être utiles à l'agriculture, que le gouvernement étudie le système qui a été proposé par la commission chargée d'étudier les réformes à introduire dans les dépôts de mendicité. M. le ministre de la justice nous a dit qu'il trouvait ce système bon, utile. En effet, ce système étudié, mûri, pourrait être utile au pays.
Au moyen d'écoles professionnelles établies dans les campagnes, vous formerez d'excellents ouvriers de ferme qui seront capables de donner des leçons aux cultivateurs, qui les prendront avec empressement. Ceux-là n'abandonneront pas la carrière agricole par préjugé ou par ambition pour entrer dans les grandes villes où vous les avez attirés en leur offrant l'instruction gratuite, ce qui ne manquerait pas d'arriver avec les écoles que vous voulez établir, comme cela est arrivé dans vos écoles d'essai.
Le gouvernement, dans l'exposé des motifs, aussi bien que la section centrale dans son rapport ont fait voir que les résultats ont été malheureux, que la plupart des élèves ayant reçu un certain degré d'instruction ont quitté la carrière agricole pour embrasser une carrière moins fatigante et qui satisfait mieux leur ambition naissante ; voilà le naturel de l'homme ; il en sera toujours ainsi. Ceux qui sortiront des écoles établies à vos frais feront comme ceux qui sont sortis des écoles d'essai.
Outre que les agriculteurs repoussent cette instruction que vous leur offrez, toutes les sections de la Chambre sans exception ont rejeté votre école supérieure d'agriculture ; c'est ce qui a guidé dans sa sagesse la section centrale quand elle a proposé le rejet de cette école supérieure.
M. le comte de Liedekerke, qui a plaidé en faveur de cet établissement, a prouvé que le gouvernement ne devait pas s'en charger. Aussi je considère comme définitivement rejetée l'institution agricole supérieure. Quant aux autres écoles, plusieurs sections en ont proposé le rejet. Ce sont ces sections qui ont encore vu les choses du bon côté. Si vous voulez faire quelque chose de bien, établissez des écoles professionnelles dans les campagnes, comme le propose la commission instituée pour rechercher les réformes à introduire dans le régime des (page 713) dépôts de mendicité ; on vous a proposé aussi la création de fermes de bienfaisance ou toute autre institution agricole qui fournit à la classe ouvrière l’enseignement professionnel nécessaire pour faire des ouvriers utiles. Voilà le devoir de l'Etat, voilà ce qui incombe au gouvernement, c'est d'avoir soin de cette classe ouvrière agricole qui aujourd'hui se trouve dénuée de toute espèce d'instruction.
Eh bien, quand on compare l'instruction primaire qui est obligatoire et donnée en grande partie aux frais des communes rurales à l'instruction professionnelle, on reconnaît que le gouvernement est extrêmement arriéré. C'est là ce qu'il à négligé. Il fait quelque chose pour les villes, rien pour les campagnes.
Dans les villes vous avez des écoles industrielles, professionnelles, je ne le blâme pas, c'est un grand bienfait où le gouvernement a le droit et le devoir d'intervenir par des encouragements.
Mais pourquoi laisser dans l'abandon les jeunes gens de la campagne, qui n'ont pas le moyen de se faire instruire et auxquels vous refusez constamment votre concours, tandis que vous voulez imposer au pays des écoles supérieure et moyennes d'agriculture ?
Le pays et l'agriculture les repoussent ; ils n'en veulent pas, tandis que ce qui serait utile, avantageux pour les communes rurales ce serait l’nstitution d'un enseignement professionnel agricole qui formerait de bons élèves et par suite des ouvriers utiles à l'agriculture, tandis que vous voulez suppléer à ce que feront les cultivateurs riches.
Mais, comme l'a fort bien dit l'honorable comte de Liedekerke, abandonnez donc tout cela à l'industrie privée, et venez simplement par votre concours en aide à ceux qui n'ont pas le moyen de se faire instruire, et vous aurez fait acte de bonne administration., Je crois donc que tout le projet qui nous est soumis devrait être profondément modifié en ce sens qu'il ne faut pas de ces espèces d'écoles, où l'on placera des professeurs qui recevront de gros traitements et où l'on sera réduit à allécher les fils de gros cultivateurs par l'appât d'une instruction gratuite dont ils ne veulent même pas.
C'est une utopie que vous proposez, et elle n'aboutira qu'à un échec.
Je crois donc que ces observations seront prises en sérieuse considération. Me basant sur l'opinion exprimée par les sections et la section centrale, je voterai contre le projet.
- La discussion est continuée à demain.
La séance est levée à 4 heures et demie.