(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)
(Présidence de M. Delfosse.)
(page 1615) M. Maertens procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Maertens présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Des propriétaires et habitants de Cureghem et Anderlecht demandent l'annexion des faubourgs à la ville de Bruxelles. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à cet objet.
« Par deux pétitions, des négociants, marchands, fabricants, industrielset autres habitants de Bruxelles prient la Chambre de rejeter le projet de loi relatif à la réunion des faubourgs à la capitale. »
- Même décision.
« Le sieur Reding, marchand parfumeur à Arlon, demande une loi qui déclare le transit libre dans le Luxembourg sans distinction de voie. »
- Renvoi à la commission permanente d'industrie.
« Des pharmaciens à Soignies déclarent adhérer à la pétition du cercle pharmaceutique du Hainaut, relative au cumul de l'exercice de la médecine avec celui de la pharmacie. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des pharmaciens de Feluy et des Ecaussines d'Enghien déclarent adhérer à la pétition du cercle pharmaceutique du Haiuaut, relative à la représentation des pharmaciens dans l'Académie de médecine. »
- Même renvoi.
« Des pharmaciens à Braine-le-Comte déclarent adhérer aux pétillons du cercle pharmaceutique du Hainaut, relalives au cumul de l'exercice de la médecine avec celui de la pharmacie et à la représentation des pharmaciens dans l'Académie de médecine. »
- Même renvoi.
« Plusieurs pharmaciens de Hasselt et de St-Trond demandent que l'exercice de la médecine ne puisse être cumulé avec celui de la pharmacie, si ce n'est dans les localités où le médecin et le pharmacien ne pourraient vivre honorablement sans ce cumul ; que les pharmacies des hôpitaux et autres établissements de charité soient desservies par des pharmaciens, et que les statuts de l'Académie de médecine assurent à la pharmacie une représentation équitable. »
- Même renvoi.
« Les sieurs Van Zeebroek et Damiens Keymolen prient la Chambre, si elle décrète l'érection du bas Ixelles en commune nouvelle, de stipuler dans la loi que leurs brasseries conserveront indéfiniment leur marché. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« La dame Dirickx, veuve du sieur Debos, blessé de septembre, demande une pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Plusieurs négociants, propriétaires et fabricants de Gand prient la Chambre d'accorder aux sieurs Hertogs et Hoyois la concession d'un chemin de fer passant par Audenarde, Renaix, Leuze, Basècles et Péruwelz. »
M. Magherman/ - Cette pétition mérite l'attention spéciale de la Chambre, autant à raison des arguments remarquables qu'elle produit, que du nombre et de l'importance des signatures dont elle est revêtue. Les premiers établissements industriels et commerciaux de la ville de Gand y ont adhéré.
Je me bornerai à cher la Société linière de la Lys, la linière Gantoise, M. Ferdinand Lousbergs, etc., etc. Comme l'enquête ordonnée sur les divers projets de chemins de fer destinés à relier la ville de Gand au Couchant de Mons est clôturée, et que le gouvernement sera appelé sous peu à prendre une décision sur cette matière, je prie la Chambre de vouloir ordonner le renvoi de cette requête à la commission des pétitions, avec prière d'un prompt rapport.
M. Visart. - A l'occasion de la pétition dont on vient de faire mention, je rappellerai à M. le ministre des travaux publics qu'il a bien voulu, à ma demande, annoncer à la Chambre qu'il dirait quelques mots sur la solution probable de ces demandes réitérées d'un chemin de fer qui relierait le Borinage avec les Flandres.
Il a dit qu'il s'expliquerait quand on présenterait le rapport sur la pétition de Tournai, à l'occasion de laquelle j'avais demandé des explications. Ce rapport étant fait, le moment est venu, je crois, pour M. le ministre, de donner ces explications promises.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Par une pétition sur laquelle un rapport a été présenté, on a demandé que le gouvernement fût autorisé à concéder le chemin de fer dont l'objet est de rattacher le Borinage au marché des Flandres ; j'ai promis de donner des explications ; je suis prêt à les fournir. Je dois déclarer d'abord que je ne puis accepter l'espèce de blanc seing que les pétitionnaires voudraient donner an gouvernement et cela par plusieurs raisons. Lorsque le gouvernement a soumis aux Chambres, dans le cours de la session dernière, le projet de loi ayant pour objet de proroger la faculté de concéder les chemins de fer de moins de 10 kilomètres, plusieurs membres ont insisté avec beaucoup de vivacité pour que toute concession de chemin de fer d'une certaine importance fut précédée d'une enquête.
Je me suis conformé à ce vœu ; j'ai cru devoir d'autant plus ordonner une enquête dans la circonstance actuelle, qu'il s'agit de plusieurs directions qui se disputent la concession du chemin de fer, directions importantes, traversant des localités également importantes ; le gouvernement ne peut vouloir, ne peut désirer, en dehors des Chambres, prendre pour son compte la lourde responsabilité qui résulterait de la préférence qu'il donnerait à une direction au préjudice des autres.
Voilà un des motifs pour lesquels le gouvernement ne peut accepter le blanc seing que les pétitionnaires voudraient lui donner quant à la direction de ce chemin de fer. Le gouvernement a eu encore un autre motif pour le repousser : c'est qu'en fait il sera impossible, malgré toute la diligence que l'administration apportera à l'instruction de l'affaire, de prendre une résolution avant deux ou trois mois d'ici.
Les circonstances extérieures d'abord sont excessivement défavorables ; tout le monde doit comprendre que, dans la situation où se trouve l'Europe, il serait extrêmement difficile de constituer une société au capital de 20 millions de francs, pour l'exécution d'un chemin de fer qui doit rattacher le bassin houiller du Centre ou du Couchant au marché des Flandres.
Mais indépendamment de cela, les formalités qui sont prescrites par l'arrêté de 1836 en ce qui concerne les enquêtes sont d'une durée assez longue. L'enquête a été ouverte à Gand, elle a été également ouverte à Mons. Les premières opérations sont terminées, c'est-à-dire que les localités intéressées ont été admises à faire valoir leurs observations soit pour, soit contre les directions en projet.
Il s'agit aujourd'hui de constituer une commission d'enquête. Cette commission sera composée de 16 membres et d'un président ; 8 membres à désigner par le gouvernement, plus le président ; 4 membres à désigner par la députation permanente du Hainaut ; 4 membres à désigner par la députation permanente de la Flandre orientale.
C'est seulement aujourd'hui 5 mai que j'ai reçu communication des noms des quatre membres qui ont été désignés par la députation permanente du Hainaut pour faire partie de cette commission d'enquête, et je ne crois pas avoir reçu communication de l'arrêté de la députation permanente de la Flandre orientale qui nomme les quatre autres membres.
Cette commission d'enquête a un mois pour terminer ses opérations. Il faudra, à la suite du travail de la commission d'enquête, consulter peut-être les chambres de commerce intéressées pour savoir quelle est la direction qui convient le mieux aux divers intérêts engagés dans le débat.
Voilà donc à peu près deux mois, mettons trois mois qui doivent s'écouler avant que l'instruction de l'affaire soit complète.
N'est-il pas plus raisonnable que l'affaire suive régulièrement son cours, qu'on attende la fin d'une instruction dont, pour mon compte, je hâterai le terme autant qu'il dépendra de moi ; qu'on n'abandonne pas au gouvernement l'immense responsabilité dont il ne veut pas, dont il ne peut vouloir, de déterminer une direction qui pourrait compromettre des intérêts très légitimes, et qu'on laisse aux Chambres, qui ont aussi leur mot à dire dans cette question, le soin de décider quel sera le projet définitif.
M. Rodenbach. - Je crois que M. le ministre a parfaitement raison de demander deux ou trois mois de temps pour prendre une décision, car la question est très grave. Il a d'autant plus raison que j'ai appris, non toutefois d'une manière officielle, que les deux compagnies en présence, celle de M. Hertogs et celle de M. Delaveleye, sont pour ainsi dire d'accord. Si l'on attend quelques mois, il est probable que ces deux compagnies s'entendront, que nous pourrons ainsi décider la question avec moins de débats et dans l'intérêt réel du pays.
Mais cela n'empêche pas la demande d'un prompt rapport.
M. Delehaye. - Je ne dirai qu'un mot pour rectifier une erreur.
L'honorable M. Magherman a commencé par dire que plusieurs industriels de Gand s'étaient déclarés en faveur de la ligne qu'il indique. Il est bon de remarquer que le commerce de Gand a intérêt à la construction de toutes les lignes, et c'est ce que nous demandons. M. le ministre des travaux publics a dit qu'il s'agissait de savoir quelle était la meilleure des deux lignes. Je pense que l'une et l'autre ligne ne pouvant porter aucun préjudice aux chemins de fer de l'Etat, ne nuisant à personne et pouvant être utiles toutes deux au commerce et à l'industrie, ne sont pas exclusives l'une de l'autre. Toutes deux sont bonnes et peuvent se construire, si toutes deux présentent des chances de construction.
Elles ne sont point exclusives l'une de l'autre, et parlant toutes deux (page 1616) ont droit à notre sollicitude. Reste à savoir, messieurs, si tous les demandeurs en concession présentent des garanties d'achèvement.
- Le renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport, est ordonné.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - J'ai l'honneur de déposer un projet de loi relatif à la police sanitaire des animaux domestiques.
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi ; il sera imprimé et distribué. La Chambre le renvoie à l'examen des sections.
M. Van Overloop et M. A. Vandenpeereboom, au nom de la commission des naturalisations, déposent divers rapports sur des de mandes en naturalisation.
- Ces rapports seront imprimés et distribués.
Ils figureront à la suite de l'ordre du jour.
M. le président. - La parole est à M. Visart, inscrit pour le projet.
M. Visart. - Messieurs, à propos de l'importante question de la réunion des faubourgs à la ville de Bruxelles, beaucoup de réclamations personnelles, de prévoyances gouvernementales et de devoirs législatifs ont dû se produire et s'émouvoir.
Quant aux premiers, les intérêts privés, dont la foule précipitée et compacte surgit aujourd'hui, ils peuvent être légitimes ; mais, alors qu'on les met en présence du bien-être général de la nation, avons-nous ici, messieurs, à nous en inquiéter outre mesure ?... Non, sans doute, pas au-delà de ce que les précédents, basés sur la modération, commandent.
Messieurs, ce n'est pas pour entendre les cloches de Sainte-Gudule que la plupart des immigrants rayonnent leurs confortables habitations autour de la capitale ; l'honorable M. Matthieu nous l'a dit, c'est pour y jouir d'immunités relatives, et, par conséquent, ajoute-t-il, nous devons les leur conserver.
En effet, qu'arrive-t-il depuis que la fortune, dans un de ces moments heureux où elle marche côte à côte avec le droit, a octroyé à la ville de Bruxelles, avec le titre de capitale, tous les avantages qui affluent vers le siège administratif d'un pays riche en productions, en industries ; riche aussi par les arts et le commerce... ? Il arrive une chose regrettable dans son excès, c'est que les familles ayant, dans les cités d'un ordre inférieur et dans les campagnes, reçu, ou acquis des richesses, abandonnent les modestes séjours que le déversement de leurs revenus, et leurs bienfaits contribuaient à maintenir en bonne situation, pour venir se confondre dans une phalange favorisée, là où elles cessent d'être en évidence, et, en quelque sorte, le point de mire de mille sollicitations.
J'en suis fâché pour le thème de l'honorable M. Matthieu, mais est-il juste, messieurs, que ces familles, un peu nomades, soient ainsi soustraites à un tribut bien nécessaire, le plus souvent, aux localités moins fortunées qu'elles désertent ? N'est-il pas dangereux pour l'avenir des campagnes et des villes secondaires, qu'elles rencontrent dans les faubourgs et qu'on leur maintienne un important allégement de la part relative que tout citoyen doit à la caisse générale... qu'on leur maintienne enfin une position meilleure sous le rapport de l'impôt, que celle qu'elles délaissent, et, surtout que celle des anciens citadins ?
Non, sans doute ; eh bien alors, messieurs, qu'à notre voix, qu'à notre vote affirmatif, tombent les mauvaises murailles qui entravent la circulation, non plus aux extrémités, mais au cœur de la magnifique cité qui, tous les jours, grandit comme par enchantement ; et qu'une enceinte plus digne et, dès lors, plus vaste, ramène à l'unité administrative et financière tous ces éléments épais, incohérents, et, à cause de cela, selon moi, plus dangereux qu'une homogénéité sagement et fortement organisée !
On a dit avec raison, messieurs, que la Belgique possède aujourd’hui, plus qu'aucune autre contrée, une capitale hors de proportion avec son territoire... C'est trop vrai... Mais c'est un fait accompli que nous devons accepter. Le temps seul, avec les accidents que malheureusement il se plait à préparer et à produire, arrête et fait reculer de semblables prospérités : et c'est alors que le danger des grandes agglomérations se manifeste.
L'histoire indique-t-elle qu'il y a péril dans la situation ? Ouvrons quelques-unes de ses pages, interrogeons d'abord le moyen âge : voilà Bruges, voilà Gand ; reculons vers l'antiquité : voilà les troubles et les révolutions de Rome républicaine et de la Rome des Césars, dont la Rome de saint Pierre n'a point perdu les habitudes ; voyons maintenant dans les temps et les lieux plus rapprochés : voilà Paris que Charles Quint ne mettrait certes plus auj.ord hui dans son Gand, voilà Paris et son faubourg de Saint-Antoine !
L'honorable M. Thiéfry nous l'a dit, messieurs, avec l'énergie que nous lui connaissons ; le grand nombre de pétitions qui nous ont été adressées, les expressions de quelques-unes d'entre elles, les manœuvres que le zèle a imaginées pour en grossir le volume et l'effet ; tout cela, c'est évident, porte déjà l'empreinte d'une sorte de violence morale ; dans tous les temps de crise, messieurs, il y a eu, il y aura des tribuns pour exciter et guider les masses impressionnables.
Préparons-nous donc aux crises, puisqu'elles sont inévitables pour nous ou pour nos neveux.
Et quels moyens avons-nous pour cela, si ce n'est l'unité, qui permet une forte organisation : si ce n'est au titre impôt, l'égalité devant la loi pour tous les citoyens ? Or, cette équitable répartition n'existe pas aujourd'hui ; car, ainsi que je vous l'ai dit tout à l'heure : celui qui, en faveur d'un « beek » quelconque, a soustrait ses pénales à une petite ville, ou bien à un manoir plus modeste encore, rencontre là un privilège, un allégement d'impôt, soit qu'on le compare à celui auquel il échappe, soit qu'on le mette en présence de celui que payent les compagnons fidèles du plus ancien bourgeois de Bruxelles : ainsi il y aura un appât de moins pour faire affluer les capitaux et le sang du pays vers le cœur, au grand risque de la voir souffrir ou périr d'un anévrisme.
On dit que si la ville voulait de belles constructions, elle ne manquerait pas d'emplacement, à cause de l'adjonction du Quartier-Léopold... Depuis quand, messieurs, les administrations sages érigent-elles des monuments par pure vanité ?... Non, la nécessité est la première loi qui fait mettre en pratique d'utiles conceptions. L'embellissement ne vient que secondairement.
Eh bien, messieurs, cette nécessité, où sera- t-elle le plus souvent reconnue ? Précisément dans les quartiers nouvellement construits, parce que, jusqu'ici, ils en sont le plus dépourvus.
Un adversaire de la loi a invoqué ce proverbe « l'union fait la force.» Y aurait-il, comme il le pense, des motifs de refroidissement et de rivalité entre les citadins et les faubouriens, par la raison qu'une autorité législative, qui, malgré l'élection locale, doit leur être tout à fait élrangère, aurait décrété la fusion ? Non, cela ne serait pas sage, cela ne serait point belge, et c'est en faveur de la fusion que j'invoque, moi, cette belle devise ; « L'union fait la force » ! L'unité administrative doit amener l'unité, l'uniformité des conceptions et des travaux, et l'unité de la police locale, populaire, comme nous l'a prouvé hier le bourgmestre de Bruxelles, peut seule lui donner une force nécessaire, et qui doublera l'action simultanée de la police générale.
Est-ce le temps qui court ? est-ce ma propre faute... ? mais je n'aperçois, messieurs, que mon coloris (dans tous les cas au-dessous du sujet) est un peu sombre.
Voici, en terminant, quelque chose de plus riant... Il m'apparaît comme certain que, malgré les complications qui se déroulent, nous resterons longtemps à l'abri des tempêtes intérieures .... Je fonde cette opinion sur l'intelligence politique de nos compatriotes, qui leur fait, en général, comprendre et apprécier la vérité, qu'ils interrogent, sans se laisser égarer par le mirage des passions...
Mais, d'une autre part, dans la bonne acception du mot, ils ont toujours été jaloux de leurs immunités comme résultat de mes observations sur ce qui se passe, dans mes prévisions, messieurs, il me semble apercevoir, en ce qui concerne la majorité probable, une sorte de revirement, marchant à rencontre des espérances fondées du ministère.
J'engage donc le gouvernement à miliger cerlains paragraphes de-son projet...surtout en ce qui concerne la position, l'action politique du bourgmestre de Bruxelles ; il peut rencontrer dans les amendements présentés hier par MM. Orts, Anspach, Gins et Adolphe Roussel des éléments en ce sens : ainsi il ralliera à la loi qu'il présente des votes qui pourraient, par des scrupules constitutionnels, lui être refusés-sans cela.
Messieurs, en acquit de mes convictions et de ma conscience, sérieusement interrogée, je donnerai mon assentiment à la loi importante dont il s'agit. Je considère son but et son résultat probable comme répondant à des vues prudentes, dignes, élevées, dont l'accomplissement est nécessaire.
M. le président. - La parole est à M. Rogier, inscrit « sur » le projet.
M. Rogier. - Je ne pourrai donner mon vote approbatif au projet de loi. Je voudrais le défendre, messieurs, que ma position serait assez difficile ; car il faut le reconnaître, ce projet se présente à nous sous d'assez bizarres auspices, dans d'assez singulières conditions. Les auteurs du projet, les patrons du projet en répudient l'origine, en répudient la paternité. D'autre part les futurs conjoints qu'il s'agit de marier par la loi, sont profondément divisés ; de sorte que si par la loi nous prononçons l'union telle qu'elle nous est proposée, nous aurons fait violence à tout le monde. Les faubourgs, messieurs, ont protesté et reprotesté, prostestent et reprotestent ; l'honorable M. Thiéfry a constaté les doubles signatures. La ville de Bruxelles, autre conjoint, proteste ; hier son représentant officiel nous l'a déclaré : le projet, dans les conditions où il se présente, ne lui convient pas ; ce serait pour Bruxelles un présent onéreux ; l'honorable bourgmestre de Bruxelles l'a combattu comme représentant des intérêts spéciaux de la capitale ; il ne l'acccpte, qu'au point de vue national ; mais au point de vue de Bruxelles, l’honorable bourgmestre vous l'a dit, il n'en veut pas, il le combat, il le considère comme un présent onéreux ; et les tendances de rapprochement entre Bruxelles et les faubourgs sont si peu prononcées, que l'honorable bourgmestre a été jusqu'à (page 1617) nous dire que le présent de la plus belle, de la plus riche partie de nos faubourgs était onéreux à la capitale, que le Quartier-Léopold était une acquisition désavantageuse pour la capitale. Si l'on traite de cette façon l'acquisition du plus riche, du plus beau quartier des faubourgs, que dira-t on, que fera-t-on du reste ?
Vient maintenant le gouvernement. Le gouvernement vous a présenté le projet de loi ; de quelle manière ? Il a dit : « Je ne fais que céder à la Chambre, je ne fais que céder au conseil provincial » et, à vrai dire, à la manière dont il défend le projet, à voir son attitude, on pourrait croire que ce rôle passif est celui qu'il adopte définitivement. Et cependant, messieurs, le projet de loi a assez d'importance pour que le gouvernemeni ait une opinion bien décidée sur une pareille question.
On dit : Nous avons présenté le projet de loi parce que la Chambre l'a voulu, parce que le conseil provincial l'a désiré. La Chambre l'a voulu. Mais quand la Chambre a-t elle manifesté cette opinion par un vote quelconque ? Il y a eu dans les sections des membres qui ont dit : Puisqu'on prend le Quartier-Léopold autant prendre le tout. (Interruption.) Il y avait peu de membres en section et il y a eu plus d'une réserve ; plusieurs de mes collègues ont fait des réserves quant à l'avenir. Maintenant qu'est-ce que la section centrale a voulu ? La section centrale s'en est très nettement expliquée, et voici ce que disait l'honorable rapporteur, M. Mercier, répondant à l'honorable M. de Mérode qui avait fait des réserves :
« Il est bien entendu que rien n'est préjugé quant à la question des faubourgs. La question reste tout entière. La section centrale n'a pas émis d'opinion. Elle a seulement engagé le gouvernement à faire étudier le plus promptement possible les questions qui s'y rattachent. »
Voilà, messieurs, quelle était l'opinion de la section centrale.
Il n'y a donc pas eu de vœu formel, encore moins de volonté formelle exprimée par la Chambre, et c'est à tort que M. le ministre de l'intérieur s'est retranché derrière cette volonté de la Chambre. Au surplus, la Chambre peut avoir une volonté, mais le gouvernement doit en avoir une aussi, et il ne doit pas se montrer indifférent aux projets de lois qu'il présente, alors surtout qu'ils ont pour effet de jeter l'agitation et l'irritation là où l'on avait vu régner jusqu'ici la paix et la concorde.
Le conseil provincial, dit-on, a émis un avis favorable. Mais on a singulièrement interprété l'avis du conseil provincial : l'avis du conseil provincial était complexe, conditionnel ; le conseil provincial, appelé à voter sur la question de la réunion, a voté pour, mais à la condition de la suppression ou de la transformation prochaine de l'octroi. Eh bien, messieurs, on prend la moitié de ce vote, on propose la réunion et on se tait sur l'objet principal, c'est-à-dire sur la suppression de l'octroi, sur la clause principale, essentielle du contrat entre les parties qu'il s'agit de réunir.
Mais, dit-on, le vote de l'annexion du Quartier-Léopold devait entraîner nécessairement l'incorporation générale.
Parce que Bruxelles s'est agrandie des 4/10 de son étendue actuelle, nécessairement elle doit s'accroître encore de quatre fois sa nouvelle étendue ; parce qu'on a donné à Bruxelles une extension de territoire qui, suivant moi, lui était due, et qui, suivant moi, est suffisante, parce qu'on lui a donné cette étendue, il faut de toute nécessité lui donner quatre fois l'étendue de son nouveau territoire. Je dirai, à mon tour : C'est parce qu'on a donné à Bruxelles le Quartier-Léopold qu'il ne faut point lui donner les autres communes limitrophes et non pas parce qu'on lui a donné une partie, qu'il faut lui donner le tout.
C'est là l'argument des limites historiques qu'on a invoquées hier des limites naturelles ; c'est la logique de la conquête : aujourd'hui nous prenons telle province, demain telle autre, jusqu'à ce qu'on aboutisse à un immense échec. Je regrette que l'honorable M. de Brouckere ne soit pas présent. Quand j'ai entendu faire l'historique de l'annexion, j'ai demandé la parole.
Je vais rappeler en termes très brefs l'historique de cette annexion.
Le bourgmestre était poursuivi par le gouvernement pour fournir un champ de manœuvres ; il vint me trouver ; je lui suggérai l'idée de demander l'annexion du Quartier-Léopold à la ville de Bruxelles ; lui montrant que par là il pourrait donner à la ville ce que l'on demande pour elle, ce que tout le monde veut lui donner : de l'air, de l'espace, un agrandissement convenable.
Ou ne pouvait pas mieux traiter Bruxelles qu'en lui donnant la plus riche partie des faubourgs ; je considérais cette annexion comme un grand avantage pour elle, j'étais heureux de concourir à son embellissement. Loin d'être mû par un étroit sentiment d'hostilité envers la capitale, nous avons au contraire toute raison pour être dévoué à ses intérêts, nous avons des motifs personnels de reconnaissance envers elle ; aussi toute mesure propre à augmenter sa prospérité, sa richesse, son éclat, nous trouvera prêt à nous y associer comme nous nous y sommes toujours associé.
L'ouverture étant accueillie par M. le bourgmestre je lui demandai qu'allez-vous faire pour l'octroi maintenant que vous allez vous agrandir ?
Oh ! me dir M. de Brouckere, j'ai un moyen bien simple qui ne nuira pas à l'embellissement de la ville et ne compromettra pas la perception de l'octroi : je ferai combler le fossé qui fait le plus mauvais effet sur les boulevards et je le remplacerai par un grillage comme la clôture du parc.
Voilà ce que me déclara le bourgmestre ; j'applaudis à cette idée ; mais qu'il ait été un instant question d'ajouter au Quartier-Léopold une seule des autres parties des faubourgs, ce serait là un défaut de mémoire absolu de la part de l'honorable M. de Brouckere ; il u'a nullement été question de l'annexion des autres communes qui entourent Bruxelles ; il a été seulement question de cet engagement de substituer à ce hideux fossé un grillage élégant.
Le bourgmestre assurait que la surveillance de l'octroi se ferait avec autant de sévérité et de sûreté qu'avec le fossé actuel. Le fait est que s'il continue à se combler, il ne présentera plus d'obstacle d'ici à peu de temps. Le bourgmestre s'engageait, en outre, à ouvrir sur le boulevard une issue à toutes les rues qui viendraient y aboutir. Cette partie de l’engagement a été remplie pour deux rues.
Voilà donc les antécédents très exacts de cette affaire ; l'annexion du Quartier-Léopold a été si peu considérée par ses auteurs comme un acheminement vers l'incorporation générale, que, dans ma section, à un honorable collègue qui s'opposait même à l'annexion du Quartier-Léopold, je fis observer que s'il était contraire à l'agglomération générale, il devait voter pour le projet de loi, parce que si on donnait une légitime satisfaction aux besoins de la capitale, il ne serait plus question de l'annexion des faubourgs. Je fais un appel aux souvenirs de mon honorable collègue.
Maintenant je comprends ce qu'a de séduisant, an premier aspect, cette idée de voir une grande capitale occupant un grand territoire, une population nombreuse recevant la même impulsion, animée du même esprit, ayant des monuments grandioses, des promenades splendides, des statues, tout ce qu'on nous promet en un mot ; j'accepte cela avec le plus grand plaisir, j aurais la plus grande reconnaissance à l'administration qui réaliserait ce magnifique programme.
Mais nous nous trouvons en présence des faits ; nous demandons de quelle manière cette capitale agrandie de quatre fois son étendue, doublée dans sa population qui, si elle suit la progression des vingt dernières années, sera portée dans vingt ans à cinq ou six cent mille âmes, nous demandons comment on veut administrer ce grand territoire, cette nouvelle province ? Je dois le dire, je ne trouve rien ou bien peu de chose dans le projet de loi qui tende à résoudre cette première question, la question administrative. La deuxième question est tout aussi importante, je ne trouve absolument rien dans le projet de loi qui tende à résoudre la question financière.
A mes yeux, le projet de loi est une théorie qui proclame qu'il y aura une grande capitale ; c'est une aspiration vers une grande unité de territoire, mais, en réalité, le projet de loi ne repose sur aucune base pratique ; et d'abord, en ce qui concerne la base essentielle, la question des questions, la question préalable, la question de l'octroi, la loi ne la résout pas, la loi ne s'en occupe pas ; ce sera au futur conseil communal à la résoudre.
Mais pourquoi présente-t-on une loi ? C'est précisément parce qu'on veut faire disparaître de blessantes entraves. Pourquoi demande-t-on la réunion ? Parce qu'on veut faire cesser ces vexations qui tourmentent les habitants de Bruxelles autant que les habitants des faubourgs. Personne ne veut de l'octroi, et l'on pousse de part et d'autre à sa suppression.
Eh bien, le projet de loi ne s'occupe pas de cette question essentielle. On a des scrupules constitutionnels ; il paraîtrait qu'on ne se reconnaît pas le droit de régler parla loi les octrois communaux ; on ne veut pas loucher à cette franchise communale.
Eh ! messieurs, c'est le même projet de loi qui nous propose la suppression complète de plusieurs communes, qui s'arrête devant le règlement de leurs octrois ! Mais ce scrupule n'est pas sérieux ; permettez-moi de le dire, il ressemble aux scrupules de ces honnêtes industriels qui, après avoir dévalisé toute une maison, s'arrêtent pleins de respect devant une relique.
Vous anéantissez plusieurs communes ; n'ayez donc pas de scrupule à régler du même coup la constitution financière de la nouvelle commune qui doit surgir de leurs débris.
Eh bien, je ne fais aucune espèce de cas de ce scrupule, et j'espère qu'on n'y persistera pas dans cette enceinte, pour masquer l'impuissance où l'on a été de résoudre la question dans la loi.
Nous ne pouvons pas mettre un seul instant en doute le droit de la Chambre de fixer les conditions financières de la réunion ; donc nous avons droit de décider par la loi que l'octroi cessera d'exister.
Vient maintenant un autre point aussi essentiel : la question administrative. Il ne suffît pas, comme je l'ai dit tout à l'heure, de décréter de par la loi cette belle maxime, qu'il y aura une capitale de 250,000 âmes, de 2,500 hectares ; il faut savoir comment on administrera cette grande agglomération.
Eh bien, que fait le projet de loi ? Il ne s'occupe que de la question du bourgmestre. Mais il y a autre chose dans l'administration que le bourgmestre ; s'il y a le pouvoir exécutif de la commune, il y a aussi le pouvoir législatif. Sous ce rapport, le projet de loi laisse des lacunes capitales et qu'il faudrait absolument remplir.
Au point de vue du bourgmestre, quelle solution nous apporte-t-on ? M. le ministre de, l'intérieur a mis en avant un système ; il a déclaré qu'il le maintenait ; je ne sais si la discussion aura modifié son opinion ; mais je constate que ce système, soutenu par M. le ministre de l'intérieur, n'est pas celui de M. le représentant, bourgmestre de Bruxelles.
Ce système a reçu, je crois, très peu d'adhésions dans la Chambre. En effet, il ne donne satisfaction à personne.
Vient maintenant le conseil communal représentant une population de 250,000 âmes et qui peut en représenter une de 4 à 5 cent mille (page 1618) d’ici à 20 ans, qu'en fait-on ? On le laisse tel qu'il est ? Non, ou l'augmente, je pense, de 6 membres ; on lui donne 37 conseillers. Ces 6 conseillers sont destinés à indemniser sept communes des gouvernements dont on les dépouille. (Interruption.) Dans tous les cas la représentation de toute la commune agrandie (Bruxelles et faubourgs) qui est aujourd'hui de 122 se trouvera réduite à 37. Et pourquoi ? Parce que, avec raison, suivant moi, on ne veut pas que l'administration, présidant aux affaires d'une population aussi puissante, soit composée d'un trop grand nombre de membres. Je reconnais qu'on a raison. Il y aurait du danger à accroître démesurément le nombre des conseillers communaux de la capitale agrandie.
Mais d'un autre côté, au point de vue des intérêts journaliers de 250,000 habitants 37 conseillers ne suffisent pas pour les représenter, et beaucoup d'intérêts aujourd'hui représentés ne le seraient plus dans un tel conseil. Quoi qu'il en soit, ce conseil de 37 membres, placé à la tête d'une population de 3 à 4 cent mille âmes, vous l'abandonnez à toute l'indépendance que la loi communale donne aux conseils des villes. Vous prenez certaines précautions vis-à-vis du bourgmestre. Vous n'en prenez aucune vis-à-vis du conseil communal. Il peut s'assembler tous les jours, délibérer sur tous les objets, émettre des vœux de tout genre. Et quels seraient les moyens auxquels le gouvernement aurait recours pour se garer contre cet inconvénient ? On répond que le conseil communal de Bruxelles est composé d'hommes sages, conservateurs, qui ne se livreront jamais à aucun écart. J'accepte la réponse pour le conseil communal, tel qu'il est composé aujourd'hui ; j'y compte plusieurs amis. Mais je ne puis répondre de l'avenir. Je n'oserais assurer qu'un conseil de 37 membres représentant une population de 4 à 5 cent mille âmes ne serait jamais une cause d'embarras pour le gouvernement. Je n'hésite pas à le dire, si le projet de loi d'incorporation passait, il faudrait modifier la loi communale, quant au conseil. On a cité l'exemple de Paris qui n'a qu'un seul conseil municipal ; mais à quelles conditions ce conseil municipal existe t-il ? Aux termes de la loi de 1834, ce conseil ne s'assemble que sur la convocation du préfet, ne peut délibérer que sur des objets déterminés ; et si par hasard il venait à s'écarter de la règle, le gouvernement pourrait le dissoudre.
Voilà dans quelles conditions avait été constitué en 1834 le conseil municipal de Paris.
Et dira-ton que le conseil municipal de Paris ne puisse à l'occasion devenir une cause d'embarras, une cause de danger pour le pays tout entier ? Messieurs, je ne ferai pas de l'histoire, on en a fait beaucoup, je ne veux pas remonter bien loin ; rappelons-nous seulement les 40 dernières années. Je passe sur le rôle qu'a joué la commune de Paris pendant la révolution.
Le conseil municipal de Paris avait, en 1801, voté une somme de 600,000 fr. pour élever un portique triomphal au premier consul.
Le premier consul eut le bon goût de refuser le portique triomphal, en faisant savoir au conseil municipal qu'il fallait réserver cette manifestation pour la postérité qui aurait à ratifier le jugement favorable que portait la commune de Paris.
Voilà ce qui se passait en 1801.
En 1814, comme pour vérifier le pressentiment qu'avait eu le consul Bonaparte sur la destinée de Napoléon, empereur, le premier corps qui prononça la déchéance de l'empereur, alors que les armées alliées étaient aux portes de Paris, ce fut le conseil municipal de Paris. Le conseil municipal de Paris proclama la déchéance de l'empereur dans les termes les plus outrageants, et cette proclamation fut adressée par lui à tous les conseils départementaux et municipaux de France.
Voilà, messieurs, ce que fit le conseil municipal de Paris en 1814. Et à cette époque cependant ce n'était pas un conseil libre comme, grâce à Dieu, nos conseils municipaux le sont.
Ainsi, messieurs, si le conseil commun de Bruxelles agrandi n'est composé que de 37 membres, il sera une représentation insuffisante en ce qui concerne les intérêts si nombreux, si compliqués de tous les habitants de cette immense agglomération. Si au contraire le conseil est composé d'un plus grand nombre de membres, il y aura là un danger jsur lequel on voudrait vainement fermer les yeux. Même au nombre de 37 membres, et eu égard à la grande population que ce conseil représentera à l'avenir, je dis que l'existence de ce corps délibérant pourrait être un danger pour le pays et pour le gouvernement, et serait bien certainement, dans beaucoup de circonstances, un embarras pour lui. Ceci soit dit, bien entendu, sans aucune espèce d'allusion désobligeante pour aucun des membres du conseil municipal de Bruxelles dont, je le répète, plusieurs sont mes amis.
On confond, messieurs, deux choses parfaitement distinctes, on confond dans cette discussion l'unité politique et l'unité administrative. L'unité politique, nous la voulons et nous l'avons. Bruxelles et ses faubourgs forment l'unité politique que nous désirons tous. Mais l'unité administrative, nous ne la voulons pas. Bruxelles peut vivre très prospère, très brillante quoique non unie administrativement aux faubourgs. Bruxelles, au contraire, pour être bien administrée, aurait besoin plutôt de voir son administration divisée. Paris que l'on cile, Paris a une administration divisée, il a 12 arrondissements, administrés chacun par un maire, qui a d'autres attributions que celles que le projet de loi attribue à ces quatre échevins jetés au milieu de la population.
Londres, qu'on vous a cité pour exemple, est certainement une grande capitale, une belle unité politique, un grand centre de richesse, un centre immense de population ; mais Londres est divisé administrativement ; il y a la Cité de Londres qui se compose, je crois, de 120,000 âmes ; et tout autour de cette Cité sont venus successivement se grouper des paroisses qui vivent de leur propre vie et à qui on ne reproche pas de venir sucer le sang de la Cité, qui échangent des rapports avec les habitants de la Cité, sans ces récriminations incessantes que nous entendons ici, sans que l'on dise que les habitants des paroisses profitent de tous les avantages qu'offre la Cité sans en supporter les charges.
On compte autour de la Cité de Londres cinq ou six paroisses ou corporations civiles qui vivent de leur propre vie et sont en bons rapports avec les habitants de la Cité ; mais qui ont l'avantage de s'administrer beaucoup plus économiquement que la Cité.
En Angleterre aussi, il fut question, en 1834, lorsque sir Robert Peel présenta son acte d'incorporation, d'incorporer à la Cité une des plus belles paroisses de Londres, la paroisse de Mary-le-Bone.
La paroisse protesta contre cette prétention ; elle défendit son existence indépendante, et fit valoir que ses dépenses, quoique beaucoup moins élevées que celles d l'a Cité, suffisaient cependant à ses besoins, et Mary-le-Bone continua à être une paroisse séparée de la Cité de Londres.
A voir Londres, on se figurerait une seule cité, administrée par un seul homme, par le lord-maire.
Il n'en est n'en. Le lord-maire administre la Cité qui a 120,000 âmes, puis les autres paroisses sont administrées par des corps spéciaux. Ce qui fait qu'à Londres on pense qu'il n'y a qu'une seule cité, c'est qu'il n'y a pas d'octroi, c'est que la Cité n'est pas séparée des autres quartiers par un horrible et odieux fossé qui nous blesse tous. Mais, messieurs, que l'on fasse à Bruxelles ce qui existe à Londres ; que l'on supprime ce fossé, et tout sera dit. Pour l'étranger ce ne sera plus que cette belle et grande unité que nous voulons tous. La vue de ce fossé excite sans doute un sentiment pénible ; c'est une ceinture déchirée, une sorte de plaie qui entoure les flancs de la capitale. Nous en sommes tous péniblement affectés. Mais comblez ce fossé, et je vous réponds que toute plainte cessera. Si vous ne voulez pas supprimer l'octroi immédiatement, faites exécuter ce qui a été convenu entre le bourgmestre de Bruxelles et moi pour le faubourg Léopold. Il avait été convenu qu'un grillage élégant serait établi entre la porte de Namur et la porte de Louvain en comblant le fossé. Eh bien ! continuez ce grillage partout où il pourra s'établir ; de la porte de Louvain à la porte de Schaerbeek, de la porte de Cologne à celle du Rivage ; que l'on ouvre des issues, des entrées en ville aux rues des faubourgs qui viennent aboutir aux boulevards, et l'étranger et les habitants des faubourgs et ceux de la capitale ne seront plus choqués de ce hideux spectacle. Comme les portes seront plus multipliées, les habitants pourront se répandre dans la ville par un plus grand nombre d'issues et alors les visites ne seront plus aussi nombreuses à chaque porte. Je suis persuadé que les faubourgs contribueraient volontiers eux-mêmes à la dépense du comblement des fossés et de l’établissement d'un grillage destiné à disparaître lorsque l'octroi pourra être supprimé.
Il y a au surplus un engagement pour la partie comprise entre la porte de Namur et la porte de Louvain. Le maintien du fossé en cet endroit ne peut nullement être imputé aux faubourgs, c'est à la ville à exécuter l’engagement de le combler.
On objecte qu'il faudra une surveillance plus exacte de la part des agents de l'octroi, cela est possible, la nuit surtout, il faudra plus de surveillance lorsqu'on aura substitué un grillage au fossé et au mur ; mais, messieurs, quand il y aurait un peu plus de surveillance sur les boulevards, la nuit, je n'y verrais pas grand mal. On a parlé hier de la police de Bruxelles, je rends hommage à son zèle ; mais, messieurs, il faut reconnaître que les boulevards de Bruxelles forment le soir une succursale où circulent certaines denrées, rebut de la rue de la Madeleine, et dont la circulation est telle, qu'une surveillance plus complète ne ferait pas grand mal.
Messieurs, je résume ce que je viens de dire.
Le projet de loi s'est présenté sous de fâcheux auspices, en ce sens que ceux qui l'ont présenté, en ont attribué à d'autres l'initiative et que les principaux d'entre ceux qui l’ont défendu, n'ont pas voulu, en quelque sorte, en accepter la responsabilité.
Ce projet de loi ne résout pas les questions qu'il est précisément appelé à résoudre, notamment la question de l'octroi.
Le projet ne résout que très imparfaitement la question administrative en ce qui touche d'abord le bourgmestre et en ce qui touche plus particulièrement le conseil lui-même, il ne s'en occupe pas.
Dira-t-on que, quant à l'administration journalière, la loi présente une garantie suffisante aux habitants des faubourgs, en ce qu'on leur donne, au lieu de leurs bourgmestres et échevins, vivant au milieu d'eux, connaissant leurs besoins et s'en préoccupant sans cesse, qu'on leur donne au lieu de cela quatre échevins chargés de quoi ? Chargés des actes de l'état civil !
(page 1619) Mais il y a autre chose, messieurs, dans une commune que l'état civil, des mariages, des décès et des naissances.
Tous les jours il y a un grand nombre de devoirs qui nous appellent à la maison communale : certificats de vie, passe-ports, inscriptions pour la milice et pour la garde civique, demandes d'autorisations de tout genre, que sais-je ? Chacun de nous connaît le grand nombre de rapports qui existent entre les administrés et les administrations. Eh bien ! que feront les habitants qui seront à une lieue de l'hôtel de ville de Bruxelles ? Voilà de singulières facilités qu'on leur donne ! Si l’on veut faire quelque chose d'utile dans la loi, ce n'est pas un simple échevin chargé de l'état civil qu'il faut aux quartiers nouveaux ; il faut là un collège échevinal tout entier chargé de toutes les attributions que la loi communale confère à ces collèges.
Il y aurait dans la capitale, quatre administrations, quatre collèges échevinaux ; au lieu d'une espèce de vice-roi de la capitale, et par suite de la Belgique entière, il y aurait des pouvoirs administratifs divisés. Voilà ce que je comprendrais ; chaque citoyen pourrait alors aller remplir son devoir à la maison échevinale, comme il le remplit aujourd'hui à la maison communale. Voilà quelque chose de pratique, voilà ce qui ne léserait pas sensiblement les habitudes actuelles des habitants des faubourgs. Je me borne à indiquer cette idée, mais chacun de vous reconnaîtra qu'il n'y aurait pas de comparaison à faire entre une pareille proposition et la proposition étriquée et insuffisante que l'on nous fait.
Messieurs, le principe du projet de loi, M. le ministre le fait consister, je crois, dans la faculté de nommer le bourgmestre en dehors du conseil ; c'est ce qui résulte de son premier discours ; il y a, je l'ai prouvé, encore d'autres questions essentielles que celle-là, mais enfin, si je l'ai bien compris, M. le ministre de l'intérieur a renfermé toute la loi dans l'article 12.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Non.
M. Rogier. - Nous avons compris que c'était pour vous la condition sine quà non.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je m'expliquerai.
M. Rogier. - Je raisonne d'après vos explications précédentes, et elles ont été généralement comprises dans ce sens que vous faisiez de l'adoption de l'article 12 la condition sine qua non de la réunion ; vous avez même demandé qu'on votât d'abord sur cette question préalable.
Quoi qu'il en soit, je suppose que sur une question quelconque si M. le ministre de l'intérieur ne veut plus de celle-là...
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Pardon, j’en veux toujours.
M. Rogier. - Eh bien, je suppose que, sur cette question, la Chambre rejette le projet, est-ce qu'il n'y aura rien à faire ? Je crois qu'on peut faire administrativement et au besoin législalivement beaucoup de bonnes choses de nature à faire atteindre le but que l’on recherche, sans donner lieu aux inconvénients nombreux qui résulteraient de l'adoption du projet de loi.
D'abord, si l'on ne prononce pas immédiatement la suppression de l'octroi, je viens de démontrer que l'on peut au moins supprimer ce qui choque le plus la vue, ce qui gène le plus les rapports, c'est-à-dire les fossés. Je suis convaincu que les faubourgs concourront volontiers à la dépense, et s'ils s'y refusaient on pourrait les y forcer par la loi.
Voilà, messieurs, l'un des inconvénients les plus graves qui aura en grande partie disparu.
Maintenant on dit qu'il n'y a pas assez d'unité dans la police ; mais faites des règlements uniformes pour Bruxelles et les faubourgs, et ainsi, s'il arrive une énormité comme celle qu'on vous a citée hier, s'il arrive qu'une commune s'avise de laisser donner un bal masqué un jour où une administration plus orthodoxe croit devoir interdire ces bals, eh bien, tâchons de parer à ce grand scandale ; les communes et la ville de Bruxelles s'entendront pour que les bals masqués soient donnés le même jour et prohibés le même jour.
Autre énormilé signalée hier : un soir une partie de la rue Royale était bien éclairée, une autre partie était dans l'obscurité ; là on avait compté sur la lune, et une troisième partie était éclairée comme la première ; eh bien, nous recommanderons à nos administrateurs de Saint-Josse-ten-Noode et de Schaerbeek de vouloir bien, à l'avenir, veiller à ce que toute la rue Royale soit éclairée et je suis bien convaincu que ces honorables magistrats, qui sont pleins de sollicitude pour leurs administrés, ne manqueront pas de faire droit à ce grief, qui ne concerne pas, d'ailleurs, la ville de Bruxelles.
Messieurs, si tant est que l'on ait besoin de modifier les règlements de police, si l'on veut plus d'uniformité sous ce rapport, si l’on veut parer à certains inconvénients, eh bien, étendez la juridiction des agents de police ; qu'ils puissent avoir réciproquement juridiction à une certaine distance des limites de chaque commune ; ce serait là une mesure extrêmement simple.
Pour la voirie, il existe des règlements ; un arrêté royal a réglé les nivellements et les alignements de toutes les rues des faubourgs ; je ne sais pas s'il est exécuté à Bruxelles, mais s'il ne l'est pas ce n'est pas la faute des faubourgs. Manque-t-il quelque chose à ce règlement ? Qu'on le soumettre à une révision et que les bourgmestres des faubourgs, réunis en un conseil officieux, avec le bourgmestre de Bruxelles, s'entendent pour donner à toutes les rues la direction la plus convenable. C'est encore un point que j'indique comme une amélioration pratique. Au lieu de cette division, de ces tiraillements, de cette hostilité qui existe aujourd'hui et qui, je l'espère, cesseront bientôt, que tous les mois les différents bourgmestres se réunissent en conseil et s'entendent sur les mesures à prendre en ce qui concerne les intérêts communs aux diverses localités ; rien au monde de plus simple que de s'entendre sur les questions de voirie et autres d'intérêt commun.
Ce n'est pas là de la théorie, c'est de la pratique et de la pratique qui a des antécédents : déjà plusieurs questions qui concernent Bruxelles et les faubourgs ont été résolues de cette manière ; avant la guerre les bourgmestres se réunissaient pour conférer, comme ils le feront, j'espère, à l'avenir, de tous les intérêts qui concernaient à la fois la ville et les faubourgs.
Voilà, messieurs, certains moyens pratiques et sérieux de parer aux inconvénients qui ont été signalés. Le projet de loi qui nous est soumis ne pourvoit pas à ces inconvénients, il en fait naître de nouveaux, il jette l'irritation parmi les habitants des faubourgs, on ne peut pas se le dissimuler. On aura beau railler avec plus ou moins de finesse les pétitionnaires, vous ne pouvez pas nier qu'il y a parmi les habitants des faubourgs une grande animation, une grande irritation.
Mais, messieurs, vous ferez cesser cet état de choses déplorable, et vous ramènerez parmi les habitants des faubourgs et de la commune, cette union à laquelle a fait allusion un honorable membre de cette Chambre qu'on a voulu tourner en ridicule. L'honorable membre, quand il est venu plaider contre l'union matérielle, n'entendait pas prêcher cette union-là, mais l'union morale politique qui a régné longtemps entre la ville et ses faubourgs, et qu'il désire voir régner encore. Nous avons besoin que la concorde règne dans tout le pays, mais particulièrement au sein de la capitale ; il faut que l'harmonie se rétablisse, il ne faut pas à plaisir semer des germes de désaffection qui pourraient grandir et présenter plus tard de graves inconvénients.
Je suis partisan de la capitale agrandie moralement, politiquement ; j'ai concouru à son agrandissement matériel, non pour une faible part, mais pour les quatre dixièmes de son étendue en contribuant à lui donner le Quartier-Léopold, qui est la plus belle partie des faubourgs ; je me réjouis de l'avoir fait ; mais je dis que, pour le moment, cela suffit, et qu'aller au-delà, ce serait aller contre les intérêts de la capitale elle-même.
Il n'y aura plus entre Bruxelles et les communes limitrophes qu'un bon vouloir réciproque, des efforts communs, rivalité pour rétablir l'harmonie momentanément troublée, pour que Bruxelles reste ce qu'elle a toujours été, un centre politique très important, une agglomération d'habitants très patriotes, très dévoués à la nationalité qui resteront unis moralement, politiquement, tout en continuant à d'être divisés administralivement.
- Un grand nombre de voix. - La clôture ! la clôture !
M. Roussel. - Je demande la parole contre la clôture.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je demande la parole.
Messieurs, l'honorable M. Rogier vient de dire que le projet de loi a été présenté sous de bizarres auspices. Les auteurs du projet, dit-il, en répudient la paternité ; la ville de Bruxelles n'en veut pas, ou si elle en veut, c'est, comme l'a déclaré hier son honorable bourgmestre, malgré elle ; les faubourgs en veulent beaucoup moins encore ; le conseil provincial n'en a voulu que d'une manière subordonnée, c'est-à-dire en supposant que l'octroi fût aboli. Le gouvernement ne présente le projet de loi que parce qu'il y est en quelque sorte obligé, les Chambres le lui ont imposé, et voilà pourquoi le projet a été déposé.
Il faut cependant, ajoute l'honorable membre, qu'on sache à quoi s'en tenir : le gouvernement soutient-il ou ne soutient-il pas le projet ?
Messieurs, la réponse à ces questions est fort simple ; que l'honorable député d'Anvers, me permette de le lui dire, il y a dans ses assertions autant d'erreurs que de mots.
Les auteurs du projet de loi, dit-on, en répudient la paternité.
Si je comprends bien la situation, les auteurs du projet, c'est le gouvernement ; car lui seul a fait le projet, lui seul l'a présenté, et lui seul doit le défendre d'une manière nette et précise : or, le gouvernement ne le renie pas, et il le soutient dans toutes ses parties.
J'ai fait appel aux souvenirs de la Chambre, j'ai fait appel à l'opinion qui s'est universellement prononcée depuis plusieurs années sur la question de la réunion comme sur une nécessité qui devait s'accomplir, et si j'ai invoqué le témoignage de la Chambre, c'est que, dans une discussion solennelle qui remonte à un an à peine, presque tout le monde a exprimé d'une manière très formelle le vœu que l'on complétât l'œuvre ; que l'on ne s'arrêtât pas à la réunion du Quartier-Léopold.
« Les faubourgs, dit-on, ne veulent pas de la réunion. »
Les administrations communales des faubourgs ont pétitionné contre la réunion. Cela n'est pas surprenant, beaucoup d'habitants se sont joints à eux, il est vrai, d'autres habitants ont demandé que la réunion eût lieu. Je n'ai pas à dire pour le moment si ces dernières pétitions contrebalancent les autres, la Chambre en est saisie, elle saura les apprécier.
« Le conseil provincial, dit-on, a subordonné la réunion des faubourgs à la suppression de l'octroi. » C'est encore une erreur. Le conseil (page 1620) provincial s'est prononcé explicitement sur la réunion des faubourgs qu'il regardait comme une mesure administrative nécessaire. Il a ensuite exprimé le vœu que l'octroi fût supprimé ou transformé le plus tôt possible.
Le conseil s'est donc borné à émettre un vœu pour la suppression de l'octroi. Vous le désirez, nous le désirons, tout le monde désire que l'octroi soit supprimé. Quand le sera-t-il ? Personne ne le sait, les plus chauds adversaires de l'octroi n'ont pas jusqu'ici formulé de système qu'on puisse considérer comme sérieux, quand il s'agit de remplacer le régime de l'octroi. Voilà la vérité.
Maintenant, dans cette situation, en présence de l'opinion, presque universellement répandue, qu'il était désirable que les faubourgs fussent réunis à la ville, qu'avait à faire le gouvernement ? Il avait à apprécier le vœu émis par le conseil communal de Bruxelles, par le conseil provincial, par la Chambre dans les sections et dans la discussion, et par d'autres organes de l'opinion. Eh bien, le gouvernement a cru qu'il y avait dans le système de réunion sagement combinée, des avantages certains, non pas seulement pour la ville, mais pour les faubourgs ; et sous ce rapport, je m'en réfère aux explications dans lesquelles je suis entré, lorsque j'ai eu l'honneur de prendre la parole au début de la discussion.
Le gouvernement a pensé en second lieu, qu'indépendamment de l'utilité réciproque pour les faubourgs et pour la ville, il y avait dans la question un intérêt politique qu'il ne fallait pas dédaigner ; quoi qu'on en dise, il y aura des avantages incontestables à réunir toutes les parties de la population bruxelloise sous une direction unique qui les rattachera directement au pouvoir communal de la ville de Bruxelles.
Voilà l'opinion du gouvernement. Cette opinion, il ne la répudie pas, il la maintient tout entière, il maintient tous les principes de la loi.
L'honorable préopinant ne s'est pas borné à critiquer la situation bizarre qu'il suppose au gouvernement, comme étant l'organe de vœux qui lui seraient imposés ; l'honorable membre a considéré l'ensemble du projet de loi, et il le trouve rempli de défectuosités, a Ce projet, ïdit-il, est incomplet, au point de vue administratif comme au point de vue financier ; des lacunes nombreuses s'y font remarquer ; notamment le projet ne dit pas comment les intérêts administratifs de cette grande commune seront gérés.
Il suffit cependant de se rendre compte des différentes parties du projet de loi, pour s'apercevoir que le personnel de l'administration de la ville agrandie est établi dans des proportions convenables ; que les attributions du pouvoir exécutif et délibérant de la commune sont aussi nettement définies ; et que les rapports des habitants avec les autorités sont établis de manière à satisfaire tous les intérêts.
On dit que le pouvoir exécutif est incomplet. Mais que veut-on de plus qu'un corps composé de huit membres, destiné à régler les rapports de l'administration avec les habitants, sans les exposer à des déplacements considérables ?
Que veut-on de plus qu'une commune divisée en quatre arrondissements, de manière que chacune des parties pourra être administrée sans devoir recourir au centre pour les actes de la vie ordinaires notamment de l'état civil ?
Voilà pour le pouvoir exécutif, et quant aux règles ordinaires qui doivent présider à l'administration de ce corps, le projet de loi n'avait pas à s'en occuper : sous ce rapport, il laisse intactes toutes les dispositions de la loi communale.
Quant au conseil communal, on prétend que la composition de ce corps n'est pas élablie de manière à satisfaire tous les intérêts. Comment ! dit-on, pour une agglomération de 200,000 à 300,000 habitants, il n'y aura que 36 conseillers communaux ; aujourd'hui le conseil communal de Bruxelles se compose de 31 membres ; ainsi on ne donne que 6 conseillers aux habitants des parties à réunir pour représenter leurs intérêts !
C'est encore une erreur, car le projet de loi définit nettement de quelle manière la population agglomérée sera représentée dans le nouveau conseil : cette représentation sera réglée d'après la population, et la disposition transitoire de l'article 9 pourvoit sous ce rapport aux intérêts des faubourgs. Ils auront, toute proportion gardée, la même représentation que la ville de Bruxelles, car la population sera la mesure de la représentation.
Ce moyen, le gouvernement l'a proposé dans un but d'équité par voie transitoire pour arriver à la fusion complète. Quand la fusion sera opérée, les habitants des faubourgs comme les autres habitants de Bruxelles concourront aux élections ; chacun sera représenté dans ses intérêts ; il en sera de Bruxelles agrandi comme de Bruxelles tel qu'il est aujourd'hui.
Les intérêts électoraux des habitants des faubourgs sont donc équitablement ménagés. Mais, dit-on, il n'y aura que 8 échevins, et ces 8 échevins n'auront à s'occuper que de l'état civil ; pourquoi n'établit-on pas des adminstrations séparées comme à Paris ? D'abord je n'ai pas cru que nous devions imiter en toute chose ce qui se passe à l'étranger ; nous nous sommes occupés des moyens de faire face aux nécessités que nous avions devant nous conformément à nos mœurs.
Quelles étaient ces nécessités ? les rapports des citoyens avec l'administration quant à l'état civil ; remarquez d'ailleurs, qu'il s'agit d'une population qui, portée à son maximum, n'atteint que le quart de la population de Paris. Il y est pourvu par le projet de loi. Quant aux rapports de police, ils seront réglés pour les faubourgs comme pour la ville où les divisions de police sont réparties d'après les besoins de la population.
On s'est plaint en outre de l'importance trop grande donnée à l'autorité communale de Bruxelles. N'avez-vous aucune inquiétude, a-t on dit, sur l'influence d'un conseil composé de 37 membres représentant une population aussi considérable ? N'êtes-vous pas effrayé des circonstances fâcheuses qui ont accompagné dans d'autres pays l'existence d'une commune libre trop développée ?
A mon avis, ces craintes ne sont ici nullement fondées. Les conseils communaux ne peuvent nous donner aucun sujet d'inquiétude, ils sont tous animés de sentiments patriotiques et conservateurs ; sous le rapport de l'ordre, aucun d'eux n'a mérité la défîance exprimée par l'honorable préopinant à l'occasion du conseil proposé pour la capitale car il n'y a pas de motif pour qu'un conseil de 37 membres soit moins sage qu'un conseil de 31, alors surtout qu'on peut invoquer à l'appui de cette opinion la prudence qui a présidé jusqu'ici à la conduite du conseil communal de la capitale.
L'honorable membre a demandé, en supposant que le projet de loi ne fût pas accueilli, si on ne pourvoirait pas aux intérêts divers des faubourgs par des mesures administratives. Vous pouvez, a-t-il dit, faire cesser les inconvénients de la réparation en supprimant le fossé d'enceinte ; par là vous ne porterez pas un préjudice réel aux intérêts de l'octroi. Et à propos de l'octroi, il a demandé pourquoi le projet de loi ne contenait pas de proposition précise pour l'abolir ? Cependant l'honorable membre sait mieux que moi, que les intérêts financiers des communes sont réglés par les communes elles-mêmes, qu'aucune disposition législative ne peut leur imposer un système de charges plutôt qu'un autre ; la Constitution s'y oppose, elle laisse aux communes le soin de régler ces intérêts comme elles l'entendent.
Je lui demanderai, s'il croit cette question si facile à décider, comment lui-même ne l'a pas fait ; cette question est à l'étude depuis assez longtemps ; elle a provoqué assez de systèmes de tout genre pour tâcher de remplacer cet octroi dont personne ne veut et que tout le monde conserve ; et cependant on n'est pas parvenu à inventer quelque chose d'un peu présentable. Si l'honorable membre, avec l'expérience administrative qu'il possède, n'a pas réussi à imaginer un moyen pratique pour remplacer l'octroi, il est permis de supposer que le problème est difficile à résoudre. Mais alors comment peut-il demander aujourd'hui qu'on arrive pour ainsi dire ex abrupto à prononcer l'abolition de l'octroi au risque de porter la perturbation dans les finances de la capitale ? Au surplus, il a été démontré que l'existence de l'octroi à Bruxelles, appliqué avec mesure et avec les adoucissements qu'on y a déjà apportés, n'est pas incompatible avec les intérêts des faubourgs.
Quant à nous, nous ne sommes pas fanatiques admirateurs de l'octroi, nous ne demandons pas que l'octroi reste la règle du système financier de Bruxelles. Aussitôt que le conseil nouveau, si la réunion a lieu, sera établi, il en délibérera et fera ce qu'il jugera convenable.
Mais encore une fois, c'est une mesure à abandonner aux communes, parce que ce sont elles qui sont les régulatrices de leur système financier.
On peut, dit-on, supprimer le fossé qui est un des principaux griefs des faubourgs et même de la ville, par une simple mesure administrative, en remplaçant, par exemple, le fossé par une grille.
D'abord je ne sais pas si la proposition qui a été faite dans le temps par l'honorable bourgmestre de Bruxelles, à l'honorable ministre de l'intérieur de l'époque, avait un caractère assez sérieux pour être transformée en fait.
M. de Brouckere. - Seulement pour le Quartier-Léopold.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - L'honorable M. Rogier a dit, je pense, qu'on pourrait successivement et très facilement l'étendre à toutes les parties de l'enceinte. Eh bien, je le demande, est-ce qu'une grille, à l'instar de celle du Parc, serait une délimitation sérieuse, un moyen de surveillance suffisant ? Evidemment non. Et puis, a-t-on bien pensé à la dépense que coûterait une grille qui devrait se prolonger sur la plus grande partie de la ligne des boulevards ? Outre que cette grille serait complètement insuffisante au point de vue de l'octroi, il est évident que la dépense serait telle, qu'elle devrait effrayer les administrateurs de la ville.
On dit encore qu'administrativement on peut établir des règlements de police qui soient applicables à tous les faubourgs, qu'on peut donner, en outre, aux agents de la police des attributions qui s'étendent à tous les faubourgs. Je serais charmé d'apprendre par l'honorable M. Rogier comment il s'y prendrait pour imposer à toutes les communes environnant Bruxelles des règlements de police uniformes. Il faudrait au moins une loi, et encore je ne crois pas que cela serait possible.
Ainsi ce moyen pratique, comme celui du remplacement du fossé par une grille, n'est pas un moyen qui puisse être sérieusement proposé. Les autres ne le sont pas davantage.
On propose encore, pour diminuer les inconvénients du système actuel, de réunir en conférence les bourgmestres de Bruxelles et des (page 1621) diverses communes, pour délibérer en commun sur les intérêts généraux. Mais je le demande encore à l'honorable M. Rogier, qui a une si longue pratique des affaires, qui a examiné ces questions depuis tant d'années, comment n'a-t il pas imaginé un moyen pareil, quand il était ministre ; comment n'a-t-il pas pensé à réunir tous les bourgmestres, afin d'arriver à une administration plus uniforme et pour faire cesser ces bigarrures, ces inconvénients, ces anomalies dont on a parlé avec beaucoup de gaieté, mais qui n'en sont pas moins un obstacle sérieux à l'exécution d'un bon service de police ?
Maintenant je demande à répondre par quelques observations aux orateurs qui ont combattu la réunion dans les deux dernières séances.
Je ne reviendrai pas sur les considérations de toute nature qui militent en faveur de la réunion.
Quant aux intérêts de localité, les deux opinions ont été exposées avec tant de développement, que chacun sait à quoi s'en tenir.
Mais je tiens à constater un fait important pour ceux qui sont favorables au principe de la fusion.
C'est que tous les orateurs qui ont attaqué le projet, sans en excepter l'honorable M. Verhaegen, ont reconnu la nécessité, en supposant la réunion des faubourgs admise, de prendre des mesures contre les dangers que peut présenter une population aussi nombreuse, réunie sous la direction d'une même autorité.
Cela suffit, messieurs, pour justifier le projet de loi aux yeux de ceux qui sont favorables au principe même de la réunion.
Je comprends l'opinion des honorables membres qui repoussent l'annexion, soit parce qu'ils la trouvent injuste pour les faubourgs, soit parce qu'ils en redoutent les conséquences pour l'intérêt politique du pays.
Cette opinion peut se discuter.
Mais je ne comprends pas les partisans de l'annexion qui repoussent les garanties demandées par le gouvernement, et qui ne veulent pas que l'on touche à la loi communale.
En effet, dès le jour où le projet d'une réunion générale a été mis en avant, tout le monde a compris qu'il serait impossible de l'opérer, sans accorder au gouvernement, dans l'intérêt de l'ordre général, quelques garanties nouvelles destinées à prévenir les dangers d'une autorité s'exerçant sur une population de 300,000 habitants.
Cela s'est dit au conseil communal de Bruxelles.
Cela fut proclamé au sein du conseil provincial.
Cela fut recommandé au Sénat, comme dans la Chambre.
Le gouvernement ne pourrait et ne pourra, en aucun temps, accepter la réunion sans être armé d'un pouvoir suffisant pour en prévenir les dangers.
Ici je rencontre l'objection de ceux qui disent au gouvernement :
« Vous craignez les dangers d'une agglomération trop considérable de population concentrée sous l'autorité d'un chef unique.
« Vous craignez que ce chef ne devienne trop puissant, et c'est pour ce motif que vous voulez modifier la loi communale.
« Pourquoi vous exposer sans nécessité aux dangers que vous signalez ?
« Laissez les choses dans l'état où elles sont. La situation n'est pas intolérable. »
Messieurs, cette objection se réfute par une simple remarque empruntée aux faits constatés.
Le motif de la réunion est dans le fait même de l'existence d'une population agglomérée sur un seul point, et qui est administrée par douze autorités différentes ; qui ne saurait, par conséquent, dans cet état de division, réaliser qu'imparfaitement le but de l'association.
Le motif de la réunion, c'est de prévenir les inconvénients résultant de cette bigarrure de douze administrations dirigeant chacune à un point de vue différent, les intérêts qui lui sont confiés, et neutralisant, soit par impuissance, soit par leurs appréciations diverses, les mesures qui sont prises dans la capitale pour le maintien de l'ordre général, et l'exécution de tous les règlements de police.
Ainsi que le faisait observer avec raison un honorable membre du -conseil provincial : « Vous avez la grande ville dans le fait de l'existence agglomérée de la population des faubourgs et de la capitale ; mais vous l'avez avec ses inconvénients. «
C'est ce fait anormal qu'il s'agissait de régulariser administrativement, et il ne pouvait l'être que par la réunion, dans les mêmes mains, de l'autorité chargée de la police.
Le danger inhérent à l'agglomération, ce n'est donc pas le gouvernement qui le crée volontairement. Ce danger existe par la force même des choses, et il augmentera comme la population même qui en est la cause première.
La question est de savoir si l'on veut faire quelque chose pour détruire les conséquences fâcheuses qui peuvent naître de la situation actuelle.
Le gouvernement pouvait-il se dispenser d'aviser ?
Evidemment non, car l'annexion du Quartier-Léopold a été subordonnée, dans l'opinion du plus grand nombre à la réunion prochaine de tous les faubourgs.
Mais, messieurs, cela est écrit en toutes lettres dans le rapport de la section centrale et dans l'analyse qu'elle a faite de l'opinion de toutes les sections. On ne peut pas dénier ce fait.
J'ai eu l'honneur de faire connaître à la Chambre des extraits du rapport... (Interruption.)
Mais les sections ne sont pas autre chose que la Chambre elle-même, et la section centrale représente toutes les sections.
Eh bien, la section centrale, à l'unanimité, a émis le vœu qu'une réunion générale fît immédiatement l'objet des méditations du gouvernement et devînt la matière d'un projet à présenter aux Chambres.
Voilà en quels termes la question s'est présentée, et toutes les dénégations ne pourront pas détruire la vérité des faits.
M. Rogier. - J'ai cité l'honorable M. Mercier ; soyez exact au moins.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je crois être exact en disant que la section centrale, par l'organe de l'honorable M. Mercier, et à l'unanimité, a émis le vœu d'une réunion prochaine de tous les faubourgs.
- Plusieurs voix. - Non ! non !
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Voici le passage du rapport de la section centrale... (Interruption.)
M. le président. - Veuillez écouter.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Ceci est devenu de l'histoire, il fout donc être parfaitement exact. Eh bien, messieurs, écoutez :
« La section centrale, sur la proposition de l'un de ses membres, a émis à l'unanimité le vœu que le gouvernement procédât le plus tôt possible à l'instruction des questions qui se rattachent à la réunion des faubourgs à la ville de Bruxelles demandée par quatre sections. »
- Plusieurs voix. - C'est cela !
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Ainsi, comme je le disais, messieurs, la section centrale, à l'unanimité, a émis le vœu que le gouvernement fît procéder à l'instruction des questions qui se rattachent à la réunion de tous les faubourgs ; et qu'est-ce que l'instruction générale a appris ? Elle a appris que le conseil communal de Bruxelles, à l'unanimité, a émis un vote favorable sur la question d'annexion des faubourgs. Le conseil provincial, après une enquête solennelle, où, pour la seconde fois, toutes les autorités communales ont été appelées à exprimer leur avis, où toutes les pétitions individuelles ont pu se produire, où tous les avis ont été recueillis ; le conseil provincial, à la presque unanimité, a émis l'opinion qu'il y avait lieu de réunir les faubourgs à la ville, et le vœu que l'octroi pût être supprimé ou transformé dans le plus bref délai possible.
M. Rogier. - Me serait-il permis de dire un mot sur ce fait ? Il est très important.
M. le président. - M. le ministre de l'intérieur a lu le passage du rapport dont il a été question ; chacun sait donc à quoi s'en tenir.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Le passage que j'ai lu est très explicite ; personne n'a pu se méprendre sur le sens qu'on y a attribué dans le temps, et je puis invoquer à l'appui de cette interprétation, la manière dont l'annexion du Quartier-Léopold a été accueillie dans cette Chambre, dont la plupart des membres ne considéraient l'annexion partielle que comme le premier jalon, l'avant-coureur d'une mesure générale ayant pour objet la réunion de tous les faubourgs. (Nouvelle interruption.)
M. le président. - Je demande que l'on n'interrompe pas, afin qu'il y ait de l'ordre dans la discussion.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - La législature a fait, en quelque sorte, de la réunion générale, la condition de l'annexion du Quartier-Léopold.
Maintenant, si cela est vrai ; si, d'autre part, la réunion générale ne peut raisonnablement s'opérer sans renforcer le pouvoir du gouvernement sur l'autorité de la capitale agrandie, il n'y avait que deux partis à prendre pour obtenir les garanties nécessaires.
L'un consiste à créer une autorité centrale chargée de la direction générale de la police, et entièrement indépendante du pouvoir communal.
L'autre consiste dans l'emploi à faire de la législation communale existante, en augmentant le pouvoir du chef de la commune investi des attributions de police.
Nous avons demandé des garanties à ce dernier système comme le moins antipathique à nos idées, et le moins compromettant pour les franchises communales.
Qu'on accorde au gouvernement un peu plus ou un peu moins d'autorité sur le chef de l'administration communale, vous n'échapperez jamais à cette conséquence, qu'il n'y a pas d'annexion possible, sans modifier la loi de 1836. Vous devrez forcément reconnaître que le gouvernement a bien fait de vous demander des garanties.
Je n'en veux d'autre preuve que ce qui s'est dit dans cette enceinte par les adversaires eux-mêmes du projet du gouvernement.
C'est d’abord l’honorable M. Thiéfry qui professe avec raison l’attachement le plus vif à nos libertés communales.
Lui, partisan de la réunion, s'est écrié en répondant aux non-annexionnistes :
« Avant peu, si la réunion n'a pas lieu, il faudra enlever aux bourgmestres des faubourgs les attributions de police, afin de les centraliser « en les confiant à un seul fonctionnaire. »
C'est ensuite M. Laubry qui est contraire à la réunion, mais qui n'en (page 1622) a pas moins reconnu l'insuffisance de la police administrative. Il appelle à son aide la police judiciaire afin de la centraliser davantage.
Mais l'honorable membre n'a pas réfléchi que la police judiciaire a une toute autre mission. Elle recherche les crimes et les délits, et elle ne saurait intervenir dans les attributions de la police communale purement préventive.
Ecoutez l'honorable M. Verhaegen qui s'est prononcé si nettement contre la réunion.
Ne vous a-t-il pas dit que, dans le système de la réunion, le gouvernement ne pouvait pas se dispenser de demander à la législature des pouvoirs nouveaux pour contre balancer l'influence, qui pourrait devenir trop prépondérante, du chef de la capitale agrandie ?
île doute même, a-t-il ajoulé,que les garanties réclamées par le gouvernement soient suffisantes....s
Messieurs, je comprends ce langage dans la bouche de l'honorable représentant.
Il est adversaire de toute réunion des faubourgs. Il en redoute les effets pour les libertés communales. Il n'en veut pas non plus au point de vue de l'octroi. Son refus de voter les garanties proposées par le gouvernement est logique.
Mais je ne comprends pas le langage des partisans de la réunion lorsqu'il repoussent ces mêmes garanties, alors qu’ils veulent cependant centraliser la police pour la confier à un seul homme, et qui refusent au gouvernement l'autorité dont il a besoin, pour répondre au pays que ce pouvoir nouveau ne pèsera jamais sur lui d’une manière désastreuse.
Quoi qu'il en soit de cette divergence d'opinions, il reste établi que, dans le sentiment de tous ceux qui admettent le principe de la réunion, il est impossible de l'opérer sans modifier la loi communale.
Et qu'on le remarque bien, cette modification serait beaucoup plus profonde dans le système de ceux qui sont hostiles à l'article 12 du projet, comme M. Thiéfry et d'autres, et qui arriveraient forcément à l'institution d'un directeur général de police.
En effet si vous dépouillez le bourgmestre de la police communale, pour la confier aux mains d'un fonctionnaire spécial, vous supprimez d'un trait de plume tout un chapitre de la loi communale, c'est-à-dire celui qui intéresse le plus vivement nos franchises communales.
Eh bien, messieurs, ce serait là une bien autre dérogation à la loi communale, que celle que le gouvernement a proposée, ce serait une dérogation bien autrement grave, celle qui aurait pour objet la création d'un pouvoir central, qu'on l'appelle comme on le voudra : préfet de police, commissaire général de police, directeur de la police ; tous ces noms rappellent à notre mémoire des faits assez regrettables pour que nous puissions nous dispenser de nous prémunir contre une création de cette nature.
M. Thiéfry. - J'ai combattu ce système.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Vous avez cependant dit qu'avant peu il faudrait enlever la police aux mains des bourgmestres actuels pour faire une police qu'ils sont impuissants à exercer.
M. Thiéfry. - Oui, pour prouver la nécessité de l'annexion.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il reste donc établi dans le système de tous ceux qui admettent le principe de la réunion, qu'il est impossible de l'opérer sans apporter des modifications à la loi de 1836. Je comprends qu'où se prononce contre la réunion, mais si l'on en veut, que l'on soit conséquent et que l'on donne au gouvernement les moyens de la rendre inoffensive pour le pays. Et, qu'on le remarque bien, la modification proposée par quelques-uns serait beaucoup plus profonde que dans notre système, puisque, d'après le système de l'honorable M. Thiéfry, par exemple, on en viendrait nécessairement à l'institution d'un directeur général de la police.
Messieurs, un seul mot pour terminer.
La modification que nous vous demandons est elle excessive ?
Là est toute la question.
Le changement le plus essentiel que nous proposons, c'est celui de l'article 12.
Aujourd'hui le Roi a le droit de nommer le bourgmestre même en dehors du conseil.
Seulement il n'exerce cette faculté que de l'avis conforme de la députation.
Nous demandons la suppression de cette restriction.
Nous croyons que le Roi doit être libre de choisir le bourgmestre de la capitale, sans partage d'autorité.
Ceux qui sont contraires au principe de la réunion doivent répondre que c'est trop.
Ceux qui lui sont demeurés favorables devraient dire, avec l'honorable M. Verhaegen, que ce n'est peut-être pas assez, et s'empresser de voter l'article 12.
Quelle que soit l'opinion qui prévale dans cette discussion, il était néceessaire de bien dessiner les rôles. Le gouvernement accepte sa part de responsabilité, mais chacun doit en prendre sa part aussi.
Les partisans d'autrefois de la réunion, tous ceux qui, dans cette enceinte comme au dehors, ont recommandé le projet de réunion des faubourgs à la ville comme une œuvre nationale, utile, et féconde en grands résultats, sauront que la question a été comprise, que le gouvernement a fait son devoir ; et que, dans cette discussion solennelle, l'intérêt des localités, comme l'intérêt public, ont trouvé des organes également dévoués.
Quoi qu'il avienne, il sortira de cette discussion un résultat dont tout le monde s'applaudira ; c'est qu'elle mettra un terme à un provisoire qui tient en suspens de nombreux et graves intérêts.
Il importe à la ville de Bruxelles, il importe aux faubourgs de voir cesser l'incertitude qui pèse sur toutes les mesures d'administration, sur tous les projets de travaux publics, depuis que la question d'annexion s'est produite. Il importe que l'agitation fébrile qui s'est emparée d'une partie de la population n'ait plus cet aliment perpétuel qui la surexcite.
Sous ce rapport, messieurs, j'applaudis à la pensée émise par l'honorable bourgmestre de Bruxelles, quand il vous a proposé de voter d'abord la question du principe de l'annexion.
Si cette question est résolue par un vote explicite, l'annexion sera jugée, et d'ici à longtemps on n'en parlera plus.
Si l'on se bornait à voter sur l'article 12 contenant la condition posée parl e gouvernement, la question de la réunion ne serait pas considérée comme définitivement jugée. On la reproduirait peut-être sous d'autres formes, et l'incertitude continuerait à régner sur ce grand intérêt.
M. le président. - Je viens de recevoir une lettre de M. de Haerne ; il m'informe qu'une circonstance l'empêche de se rendre à la Chambre, et il demande un congé de quelques jours.
- Accordé.
- M. le président donne lecture de l'amendement suivant, déposé par M. Rogier :
« Pour le cas où le principe de la loi serait admis, ajouter au projet les dispositions suivantes :
« Au 1er janvier 1860 au plus tard l'octroi de Bruxelles, tel qu'il se perçoit actuellement, sera aboli.
« Dans les six mois qui suivront la promulgation de la présente loi, les fossés et murs d'enceinte qui séparent Bruxelles des communes limitrophes seront supprimés partout où la chose est possible et remplacés par un grillage provisoire.
« Il sera ouvert une porte d'entrée en ville à l'extrémité de chacune des rues qui aboutissent ou viendraient aboutir au boulevard.
« Les communes limitrophes concourront dans la dépense, dans la proportion fixée par la députation permanente, sauf recours au Roi. »
- La clôture est demandée.
M. Roussel (sur la clôture). - Messieurs, je ferai remarquer que l’honorable M. Rogier a demandé la parole sur et qu'il a parlé contre ; il m'a enlevé ainsi mon tour de parole ; c'est le premier motif pour lequel je m'oppose à la clôture ; le second, c'est que M. Rogier vient de présenter des amendements qui n'ont pas été discutés et qui se rattachent à la discussion générale puisqu'ils ne concernent aucun article du projet en particulier.
Dans tous les cas, je demande à pouvoir motiver mon vote, et il me semble qu'il entre dans les convenances de me l'accorder.
M. Orts. - Je demande à pouvoir proposer un sous-amendement à l'amendement de M. Rogier. Afin de faire comprendre la justice et la légitimité des réclamations fondées sur l'existence de l'octroi à Bruxelles, je propose de remplacer dans l'amendement de M. Rogier les mots « l'octroi de Bruxelles », par ceux-ci : « l'octroi dans les 70 communes de la Belgique ou cet impôt est perçu ».
M. David, rapporteur. - Je ne m'oppose pas à la clôture, mais je me réserve le droit de parler si la clôture n'est pas prononcée.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'article premier du projet, qui est ainsi conçu :
« Art. 1er. La commune de Saint-Josse-ten-Noode et les parties de territoire des communes de Schaerbeek, d'Etterbeek, d'Ixelles, d'Uccle, de St-Gilles, de Forêt, d'Anderlecht, de Molenbeek-St-Jean, de Koekelberg, de Jette et de Laeken, comprises dans le liséré rouge, indiqué au plan annexé à la présente loi par les chiffres et lettres 1, 7, 8, A, B, C D, E1, E2, E3, E4, E5, E6, E7, E8, E9, E10, 30, 31, 32, 33, F, G, I K, M. N ; O, P, Q, R, S, sont réunies au territoire de la ville de Bruxelles, dont les limites sont fixées conformément à ce liséré. »
En voici le résultat ;
95 membres y ont pris part.
26 membres ont répondu oui.
67 ont répondu non.
2 (MM. Osy et Tesch) se sont abstenus.
En conséquence, la Chambre n'adopte pas.
Ont répondu oui : MM. Coppieters 't Wallant, H. de Baillet, de Baillet-Latour, de Brouckere, de Royer, Dumon, Faignart, Jouret, Lange, Le Hon, Mascart, Mercier, Orts, Prévinaire, A. Roussel, Thiéfry, Tremouroux, Van Cromphaut, E. Vandenpeereboom, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Remoortere, Visart, Ansiau, Anspach et Cans.
Ont répondu non : MM. Clep, Closset, Coomans, Dautrebande, David, de Breyne, de Bronckart, de Brouwer de Hogendorp, de Decker, de La Coste, Delehaye, de Liedekerke, Deliége, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Portemont, Dequesne, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, de Sécus, Desmaisières, de Steenhauly, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, (page 1623) de Wouters, Dumortier, Frère-Orban, Jacques, Julliot, Landeloos, Laubry, Lebeau, Lejeune, Lesoinnr, Maertens, Magherman, Malou, Manilius, Matthieu, Moncheur, Moreau, Pierre, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Ch. Roussel, Thibaut, Thienpont, T'Kint de Naeyer, Vanden Branden de Reeth, A. Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Verhaegen, Vermeire, Veydt, Allard, Brixhe et Delfosse.
M. le président. - Les deux membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Osy. - Messieurs, pour une affaire aussi grave, j'ai voulu connaître toutes les conditions avant de donner mon assentiment à la réunion des faubourgs.
M. Tesch. - Je me suis abstenu pour les mêmes motifs.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau un projet de loi ayant pour objet d'allouer au département de finances, pour les exercices 1853 et 1854, un crédit supplémentaire de 65,000 fr. pour frais d'instance et d'instruction.
- Ce projet, qui sera imprimé et distribué, est renvoyé à l'examen des sections.
M. le président. - L'article premier, qui contient le principe de la loi, étant rejeté, il n'y a pas lieu d'examiner les autres articles du projet de loi.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, dans le cours de la discussion du budget de l'intérieur, le gouvernement a pris l'engagement de présenter un rapport sur la situation des ateliers d'apprentissage ; j'ai l'honneur de déposer aujourd'hui ce rapport.
-Le rapport sera imprimé et distribué.
La séance est levée à 4 heures.