(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)
(Présidence de M. Vilain XIIII, vice-président.)
(page 1059) M. Dumon fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.
- La séance est ouverte.
M. Vermeire lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. Dumon présente l'analyse des pièces adressées à la Chambre.
« Les sieurs Labroue et Vanbuggenhoudt présentent des observations contre la convention littéraire conclue avec la France et prient la Chambre de ne donner son assentiment à cet acte qu'à la condition de maintenir le droit de réimprimer en Belgique les ouvrages français moyennant une indemnité à régler avec les auteurs et pourvu qu'il n'ait point d'effet rétroactif pour les ouvrages en cours d'exécution et pour les ouvrages clichés »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la convention.
« Des éditeurs-libraires, imprimeurs, fabricants de papiers, lithographes, graveurs, brocheurs, relieurs, fondeurs et autres industriels demandent à être indemnisés des pertes que leur fera subir la convention littéraire conclue avec la France si la Chambre y donne son assentiment. »
- Même renvoi.
« Le sieur Bouvier, fabricant de pendules de bronze, présente des observations sur la convention littéraire conclue avec la France et demande que les conditions de cet acte soient égales et réciproques pour les deux pays, ou qu'on lui accorde une indemnité en raison des sacrifices qu'il a dû faire pour son industrie et qui seraient perdus si le droit de contrefaçon était aboli. »
- Même renvoi.
« Plusieurs typographes à Liège déclarent adhérer à la pétition du comité central des typographes à Bruxelles. »
« Même adhésion des typographes à Tournai. »
- Même renvoi.
« Le sieur Deroy, commissaire de la Société Nationale pour la propagation des bons livres, établie à Bruxelles, prie la Chambre, si elle donne son assentiment à la convention littéraire conclue avec la France, d'allouer une indemnité aux possesseurs de clichés. »
- Même renvoi
« Plusieurs pharmaciens, à Gand, présentent des observations contre la pétition du bureau de bienfaisance de la ville de Bruges, relative à l'autorisation demandée par des religieuses d'établir un dispensaire pour panser et soigner les malades dont le séjour à l'hôpital n'est pas nécessaire et de tenir à cet effet un dépôt de médicaments. »
- Renvoi à la section centrale, chargée d'examiner le projet de loi relatif à la réorganisation des administrations de bienfaisance.
« L'administration communale de Stavele présente des observations sur le projet de loi relatif à la réorganisation des administrations de bienfaisance. »
- Même renvoi.
« Plusieurs habitants de Bruxelles prient la Chambre d'insérer dans le projet de loi relatif à la réunion des faubourgs à la capitale une disposition portant qu'à l'avenir toutes les publications administratives seront faites dans les langues flamande et française et qu'il sera créé dans les écoles communales des sections spéciales où le premier enseignement sera donné en flamand. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet d« loi.
« Les sieurs Deha-Waterloos et autres industriels dans la Flandre orientale présentent des observations contre les droits d'entrée pour les huiles qui sont proposés par le gouvernement et demandent la suppression des droits d'entrée sur les graines oléagineuses. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi concernant le tarif des douanes.
« Le sieur Jacobs prie la Chambre de réviser la loi sur les expropriations pour cause d'utilité publique et soumet à son appréciation un travail qu'il a préparé sur la question. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Plusieurs docteurs en médecine et en chirurgie et des pharmaciens de l'arrondissement de Charleroi prient la Chambre de limiter le nombre des officines pharmaceutiques dans chaque localité. »
- Même renvoi.
« Le sieur Bruyère, pharmacien à Waterloo, demande que l'exercice de la médecine soit déclaré incompatible avec l'exercice de la pharmacie que tout pharmacien diplômé dans le royaume puisse s'établir où il lui convient et que le corps pharmaceutique et vétérinaire se trouve convenablement représenté à l'Académie de médecine. »
- Même renvoi.
« Les sieurs Lemaire, Tielemans et autres membres de la société dite de Scheldegalm à Anvers, déclarent adhérer à la pétition du comité central flamand du 25 décembre 1853. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur l’enseignement agricole et à la commission des pétitions.
« Le sieur Feys, capitaine pensionné, demande la révision de sa pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Sandrin réclame l'intervention de la Chambre à l'effet d'être indemnisé des pertes qu'il a éprouvées par suite des événements de la révolution. »
- Même renvoi.
« Des pharmaciens à Binche et à Estinnes-au-Val demandent qu'il soit interdit aux médecins de délivrer des médicaments. »
- Même renvoi.
« Le sieur Van Hoegaerde demande le rétablissement du timbre des journaux. »
- Même renvoi.
« Le sieur Jean-Guillaume Vroeme, ébéniste à Bruxelles, né à Beek (Pays-Bas), demande la naturalisation. »
- Renvoi au ministre delà justice
« Le sieur Lambert Guillaume Ackermans, employé à Bruxelles, né à Reeth (Pays-Bas), demande la naturalisation. »
- Même renvoi.
« Par message, en date du 11 courant, M. le ministre de la justice informe la Chambre que le sieur Vandenbeuvel renonce à sa demande de naturalisation. »
- Pris pour information.
« Par d'autres messages il adresse à la Chambre les pièces relatives à diverses autres demandes de naturalisation. »
- Ces pièces sont renvoyées à la commission des naturalisations.
« M. le ministre des travaux publics adresse à la Chambre 115 exemplaires du 2ème cahier du tome 112 des Annales des travaux publics. »
- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.
« Par divers messages, le Sénat informe la Chambre qu'il a adopté :
« Le projet de loi contenant le budget du département de l'intérieur pour l'exercice 1854.
« Le projet de loi qui proroge pour un an la formation des jurys d'examen.
« Le projet de loi qui apporte une modification à la loi communale du 30 mars 1836.
« Les projets de loi conférant la naturalisation ordinaire au sieur J . Bernard Martel, ancien soldat, demeurant à Liège, et au sieur J. Beuttenaere, ancien soldat au 1er régiment d'artillerie. »
- Pris pour information.
« MM. Osy et Orban, demandent un congé pour affaires urgentes. »
- Accordé.
M. Malou (pour une motion d’ordre). - Messieurs, l'on nous a distribué hier l'exposé des motifs du projet de loi relatif à la réunion des faubourgs à la capitale. Ce projet, à défaut de carte, est complètement inintelligible ; toutes les opinions ont intérêt à connaître la portée de la mesure qui est proposée.
Je pense qu'il ne faudrait ni beaucoup de temps ni une grande dépense pour lithographier la carte visée à l'article premier de la loi. Je demande qu'on fasse distribuer cette carte afin que la Chambre puisse comprendre la portée du projet de loi qu'on lui soumet.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Les plans sont déposés, je comprends que tous les membres désirent en avoir un exemplaire sous les yeux, je pourrai le faire distribuer dans un court délai.
M. Rogier. - Il y a d'autres renseignements qui manquent. Ainsi on n'a pas l'étendue du territoire des 12 communes qu'où veut annexer à la capitale, on ne connaît pas le chiffre de la population de ces communes.
M. Malou. - Et les budgets.
M. Rogier. - Nous n'avons aucuns détails statistiques qui seraient très nécessaires dans une question semblable.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Sauf les budgets, tous les documents auxquels on vierit de faire allusion sont joints aux pièces déposées. Ces pièces sont très volumineuses, il serait impossible d'en avoir, sans de grandes dépenses, autant d'exemplaires qu'il y a de membres de la Chambre ; mais le plan sera distribué. La statistique de la population se trouve dans les documents déposés.
M. Thiéfry. - La section centrale pourrait demander les documents qu'elle croirait utiles.
M. de Steenhault. - Il faut que les documents demandés soient distribués avant l'examen en sections, car elles ne pourraient pas apprécier le projet si elles n'avaient pas ces documents. Je demande qu'on nous fasse connaître le chiffre de la population des différentes communes et des parties agglomérées, ainsi que des parties rurales de ces (page 1060) communes. On pourrait faire un résumé des principales indications contenues dans les documents.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je ferai extraire des documents les renseignements dont on vient de parler, et j'en ferai l'objet d'un résumé qui sera distribué.
M. Coomans. - L'exposé des motifs ne dit pas un mot des plaintes dont le projet de loi a été l'objet de la part des intéressés ; je demande qu'on nous communique les critiques officielles qui ont été présentées contre l'idée de l'annexion par les populations intéressées. Je regrette que cette lacune soit à signaler dans l'exposé des motifs qui ne contient que des remarques très favorables au projet.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Les critiques dont le projet a été l'objet sont indiquées dans les pièces déposées de la manière la plus étendue.
Le gouvernement ne pourrait pas résumer toutes ces plaintes, toutes ces critiques ; tout cela se trouve dans les documents où tous les membres pourront les lire aisément. Si, sur des faits particuliers, on veut des explications plus pertinentes, le gouvernement y satisfera.
Tous ces documents se trouvent au greffe.
- Un membre. - Sont-ils imprimés ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Les uns sont imprimés ; les autres sont manuscrits. Si on signale des lacunes, le gouvernement s'empressera de les combler.
M. le président. - La discussion générale est ouverte.
M. de Renesse. - Messieurs, désirant motiver mon vote affirmatif sur le projet en discussion, je crois devoir faire observer qu'en règle générale je ne suis pas partisan de la trop grande intervention de l'Etat dans des entreprises qui pourraient être laissées plutôt à l'exécution de l'intérêt privé, voulant que le gouvernement introduise la plus grande économie dans les dépenses de l'Etat ; mais la position tout exceptionnelle où se trouve notamment la provinee de Luxembourg m'engage à me départir de mon opposition à l'intervention du gouvernement pour la distribution de la chaux à prix réduit.
Par la loi sur le défrichement, le gouvernement et les Chambres ont publiquement reconnu qu'il est de l'intérêt général de provoquer la mise en culture de nos landes et terrains incultes ; aussi, depuis quelques années, le gouvernement est activement intervenu pour le défrichement des bruyères de la Campine anversoise et limbourgeoisc, par l'établissement d'un grand canal de navigation et d'irrigation ; par ce moyen l'on est parvenu à créer un assez grand nombre de prairies irrigables, qui, dans un avenir rapproché, permettront aux cultivateurs de cette contrée de se procurer du bétail, par conséquent de l'engrais pour la culture de leurs terres.
Pour parvenir au même résultat, dans différentes autres parties du pays, où existent encore de nombreuses terres en friche, et où les irrigations présentaient des difficultés, le gouvernement a cru devoir accorder aux cultivateurs de la chaux à prix réduit ; ce moyen stimulant pour préparer les terrains incultes à une plus grande production des céréales, y a produit le meilleur effet, et certes, si nous voulons encourager, dans ces contrées, l'amélioration de la culture des terres, l'augmentation si nécessaire du produit des céréales, pour lesquelles nous sommes encore tributaires, pour une partie de notre approvisionnement annuel, je crois qu'il est de l'intérêt général d'accorder, surtout au Luxembourg, la chaux à prix réduit, jusqu'à ce que cette province soit reliée aux autres parties de la Belgique, par le chemin de fer en voie de construction. Mais, si le gouvernement doit encore intervenir, pour peu de temps, dans la distribution de la chaux à prix réduit, je désire formellement que cette faveur ne soit plus accordée qu'aux petits cultivateurs n'ayant pas actuellement les moyens nécessaires pour faire l'avance des déboursés auxquels ils seraient astreints, s'il fallait chercher au loin, et à leurs frais, la chaux aux lieux de production.
M. Moncheur. - Il est inutile, messieurs, de vanter l'emploi de la chaux dans une assemblée comme celle-ci, qui en connaît parfaitement la nécessité pour un très grand nombre de contrées de notre pays. L'honorable préopinant vient de vous prouver, et d'autres membres signataires de la pétition vous prouveront encore qu'il ne convient pas, dans le moment actuel, d'interrompre brusquement la faveur dont le Luxembourg et certaines parties de la province de Namur ont joui pour la distribution de la chaux à prix réduit.
Cependant, messieurs, quelle que soit l'opinion que l'on puisse avoir sur cet objet spécial, il est un autre point sur lequel il y aura unanimité dans cette Chambre ; c'est que le gouvernement doit, par tous les moyens possibles, propager l'emploi de la chaux et en faciliter le transport. Or, c'est sur l'oubli de ce principe que je veux attirer l'attention de l'assemblée et de MM. les ministres de l'intérieur et des travaux publics.
Il se trouve que, dans ce moment, le gouvernement défait d'une main ce qu'il fait de l'autre, en ce qui concerne la chaux destinée à l'agriculture, et que par une mesure récente, il agit en sens opposé à la pensée qui l'a amené à fournir de la chaux à prix réduit. Cette mesure est l'élévation du prix du transport par le chemin de fer.
Il ne faut pas croire, messieurs, que les Ardennes soient les seules contrées du pays qui aient besoin de la chaux. Les Flandres, si fertiles, d'ailleurs, en font également l'usage le plus avantageux, quand elles peuvent s'en procurer. Or sous l'empire du tarif précédent pour les transports par chemins de fer, les Flandres pouvaient se procurer de la chaux aux fours à chaux de la province de Namur, et elles s'en procuraient, en effet, beaucoup.
Il se faisait un transport très considérable de chaux des carrières des environs de Namur vers les Flandres et jusqu'à Bruges.
Car, veuillez bien le remarquer, messieurs, la chaux ne présente pas partout les mêmes qualités ; et autant la chaux de Tournai est supérieure, pour les bâtisses, à celle de Namur, parce qu'elle est hydraulique, autant la chaux de Namur est supérieure à celle de Tournai pour l'agriculture.
Mais qu'est-il arrivé ? C'est que ces relations nombreuses qui s'étaient établies entre les carrières de Namur et diverses parties du pays, notamment les Flandres, ont dû s'interrompre tout à coup par suite de l'élévation du prix de transport, le gouvernement ayant classé dans le tarif n°2 la chaux qui se transportait au tarif n°3. En effet, le waggon de chaux qui se transportait de Namur vers Gand à raison de 50 francs coûte aujourd'hui 70 fr. Cette augmentation considérable du prix de transport a eu pour résultat que les marchands flamands de chaux de Namur ont été forcés d'y renoncer.
Ainsi ces relations ont été tout à coup interrompues, au grand préjudice de l’agriculture dans cette contrée, au grand préjudice des carrières de Namur qui avaient trouvé dans les Flandres un débouché considérable et en outre au grand préjudice de l'Etat lui-même qui a perdu, sans compensation, tout le transport de la chaux qu'il faisait sur un long parcours de la voie ferrée.
Cela prouve une fois de plus encore qu'en fait de péages comme en fait de contributions deux et deux ne font pas toujours quatre, car le gouvernement, qui croyait sans doute gagner davantage en élevant le prix de transport de la chaux, ne gagne plus rien du tout parce que ces transports ont cessé complètement, au moins entre les points dont je viens de parler.
Eh bien, je demande que l'honorable ministre de l'intérieur qui est le protecteur-né de l'agriculture, veuille bien m'appuyer pour que les mesures que prend M. le ministre des travaux publics soient en harmonie avec le but qu'il veut lui-même atteindre.
Il sentira, comme moi, que la mesure qu'a prise le gouvernement comme spéculateur, comme exploitant, relativement au transport de la chaux, est diamétralement opposée aux efforts que M. le ministre de l'intérieur fait pour favoriser l'agriculture par l'emploi de la chaux.
Vous savez, messieurs, que le transport de la chaux destinée à l'amendement des terres est affranchi du droit de barrière. Ainsi donc l'Etat renonce, en faveur de l'agriculture, au profit qu'il pourrait faire par le transport de la chaux, lorsqu'il est prouvé, conformément aux règles administratives, qu'elle doit servir à l'amendement des terres. Or, y a-t-il rien de plus illogique que de voir le même gouvernement, se transformant en commerçant, non seulement ne pas renoncer aux péages pour les transports de chaux qui se font sur sa voie ferrée, mais encore augmenter les péages au point que ces transports sont devenus impossibles. Je crois qu'il est impossible de concilier deux idées aussi disparates et aussi contraires que celles-là.
Je demande donc que les deux départements veuillent bien se mettre d'accord. On dira, peut-être, que le transport de la chaux offre quelques inconvénients sur le chemin de fer et qu'il faut compenser ces inconvénients par une taxe plus élevée. Mais, messieurs, pourquoi ce transport a-t-il pu offrir quelques inconvénients jusqu'à présent ? C'est que le matériel est défectueux. Il est certain que tant que nous n'avons que de petits waggons transportant 5,000 kilog., il est difficile de transporter très avantageusement une matière comme la chaux qui a peu de valeur relativement à son volume et à son poids, quoique certainement l'Etat n'ait fait qu'y gagner ; mais si l'on possédait en Belgique, comme il en existe sur les voies ferrées des compagnies, des waggons de 10,000 kilogrammes propres au transport de la chaux, rien ne serait plus facile et plus profitable que ce transport au tarif n°3, car j'affirme que ces transports deviendraient énormes.
Ainsi au point de vue de l'agriculture comme au point de vue des intérêts du trésor, je crois qu'il faut nécessairement abroger la mesure qui a été prise récemment et en revenir au transport de la chaux à bon marché.
Je le répète, puiser dans le trésor pour donner de la chaux à prix réduit, renoncer au droit de barrière pour le transport de la chaux et d'autre part augmenter le prix de la chaux pour les transports sur le chemin de fer au point qu'ils ne puissent avoir lieu, c'est illogique, c'est inconséquent, je dirai même que c'est absurde.
Je prie donc M. le ministre de l'intérieur de bien vouloir fixer, dans l'intérêt de l'agriculture dont il est le patron et le protecteur, son attention sérieuse sur les observations que je viens de lui soumettre ainsi qu'à la Chambre.
M. Vander Donckt. - Si j'ai demandé la parole, c'est pour motiver en peu de mots mon vote qui sera favorable au projet.
Il s'agit des intérêts de l'agriculture, et chaque fois qu'on nous fera appel dans l'intérêt réel de l'agriculture, mon vote sera acquis aux propositions que l'on nous soumettra.
En effet, messieurs, lorsqu'on trouve des fonds pour des objets de (page 1061) luxe, pour des dépenses facultatives qui, à mon point de vue, n'ont aucune utilité réelle, pour des monuments stériles, je crois que nous ne pouvons refuser notre appui à la modique somme que l'on vous demande dans un but d'utilité réelle, pour une utilité qui doit produire dans l'intérêt du trésor lui-même, dans un avenir peu éloigné.
Je sais que cette demande a été accueillie avec peu de faveur. Est-ce peut-être parce qu'il s'agit du Luxembourg ? Mais, messieurs, nous avons, ne l'oubliez pas, une dette sacrée envers le Luxembourg qui a été traité par nous en paria.
S'il n'y avait pas eu des circonstances de haute politique qui nous ont imposé le sacrifice que nous avons fait, je dis que ce serait un acte injustifiable.
Pour ce motif encore je voterai en faveur du projet de loi.
Lorsqu'il s'agit de dépenses considérables pour la capitale, on vote sans se préoccuper des intérêts du trésor. Je n'appartiens pas au Luxembourg, mais cela ne m'empêche pas de tendre la main à mes frères de cette province, et lorsqu'on arrose la capitale d'une pluie d'or je demande qu'on ne refuse pas d'arroser d'une poignée de chaux les terres du Luxembourg, qu'on ne refuse pas au Luxembourg un léger subside pour aider la classe peu aisée de ses cultivateurs à améliorer ses terres.
Vous, messieurs, qui demandez avec tant d'instance la révision du cadastre, vous devez être enchantés qu'on fasse des efforts pour améliorer les terres dans le Luxembourg ; vous les taxerez ensuite et vous obtiendrez ainsi un produit nouveau. Je ferai remarquer à ce propos que le Limbourg et le Luxembourg souffrent autant que les deux Flandres, de la surtaxe de la péréquation cadastrale actuelle. Aussi, je me joindrai aux honorables membres qui insisteront pour que la péréquation cadastrale soit révisée le plus tôt possible. Je dis que la somme qui est demandée en ce moment sera très productive, que ce sera un moyen d'augmenter les ressources du trésor, en même temps que le bien-être de cette partie du pays.
Je voterai pour le projet de loi.
M. de Mérode. - Messieurs, je ne puis pas laisser passer sans observation ce que vient de dire l'honorable préopinant, que le Luxembourg a été traité en paria. Il n'a pas été traité en paria, puisqu'on lui a donné deux millions pour des routes qui sont beaucoup plus multipliées dans cette province que dans les contrées les plus fertiles du pays. On ne peut pas ignorer que le Luxembourg a un sol ingrat, et qu'en y dépensant deux millions on fait beaucoup moins de bien à l'ensemble du pays, qu'en dépensant une pareille somme dans d'autres localités où l'on obtiendrait de cette dépense un revenu infiniment supérieur. Je ne me plains pas de ce qui est accompli, mais je tiens à ce qu'on ne présente plus le Luxembourg comme déshérité par le gouvernement belge.
Indépendamment des deux millions, messieurs, lors de la Saint-Barthélemy financière de travaux publics décidée en 1851, on a décrété un chemin de fer qui doit traverser tout le Luxembourg.
M. d'Hoffschmidt. - Il n'est pas fait.
M. de Mérode. - Il n'est pas fait, mais il est en construction. Quant aux routes qui ont coûté deux millions, elles sont achevées, et certainement les autres provinces n'ont pas obtenu, eu égard à leur importance, des avantages équivalents à ces deux millions.
En outre, n'oublions pas que dans un certain temps il faudra inscrire au budget une dépense annuelle d'un million pour le minimum d'intérêt du chemin de fer du Luxembourg ; car je ne pense pas qu'il rapporte l'intérêt du capital engagé ; et alors le double du produit total de la contribution foncière du Luxembourg appartenant à l'Etat sera absorbé pour payer ce minimum d'intérêt. Qu'on ne vienne donc plus ici parler de l'abandon auquel on livrerait cette province. Nous serons sans doute toujours exposés au reproche de n'avoir pas transformé les bruyères et les hauts plateaux ardennais en campagnes fertiles ; nous ne parviendrons pas à en faire, soit une Flandre, soit une province de Hainaut ; nous nous livrerions, en effet, pour y réussir, à de vains efforts.
Mais enfin, tout ce qu'on a fait, ce qui est encore en train d'exécution, suffit pour démontrer à l'évidence que le Luxembourg n'est pas traité en pays délaissé. Si aux dépenses que je viens de rappeler on veut ajouter encore un subside de 75,000 fr. pour distribution de chaux à prix réduit, je ne puis pas l'empêcher ; mais je dirai du moins qu'il y a beaucoup d'intérêts semblables qui réclameraient également l’intervention du trésor, puisque bien d'autres mesures non moins utiles à l'amélioration du système agricole seraient désirables.
On peut adopter celle-ci par faveur, mais je ne crois pas la préférence suffisamment motivée. On nous a répété jusqu'ici que le Luxembourg avait besoin d'expérimenter l'amendement calcaire, on lui en a montre l'usage pendant plusieurs années, on le lui a délivré à prix réduit. Maintenant ceux qui ont eu sous les yeux l'effet de ce moyen de fertilisation le connaissent. S'il faut continuer toujours à exciter une agriculture locale aux dépens du trésor public, le terme de ces subsides n'arrivera point.
M. David. - Messieurs, en toutes circonstances j'ai voté contre les dépenses exagérées ou mal motivées qui ont été proposées à la Chambre ; j'ai toujours voté, par exemple, contre le budget improductif de la guerre qui a contribué, depuis 1852, à augmenter notre déficit de près de 26,000,000 fr. Mais quand il s'agit d'une dépense aussi indispensable que celle dont il est question dans le projet de loi en discussion, je la vote de tout cœur, des deux mains.
La Chambre se rappellera quel tort immense la loi de 1847 sur le défrichement a fait au Luxembourg (interruption de M. F. de Mérode.) C'est précisément à propos du discours de l'honorable M. de Mérode que j'ai demandé la parole.... Je dis donc que si la Chambre se rappelle bien l'effet immédiat de la loi de 1847 sur le défrichement, elle comprendra que toutes les communes dont on a vendu les terrains, ont été à peu près ruinées quant à leur agriculture.
En effet, où les cultivateurs de ces communes trouvaient-ils des pâturages pour leurs bestiaux ? C'était sur les terrains communaux. Ces terrains ont été livrés à la culture ; par suite, on a dû réduire le bétail ; la réduction du bétail a amené une réduction d engrais.
Ainsi, au lieu d'arriver au but qu'on avait eu vue par la loi sur le défrichement, on obtient un résultat diamétralement opposé, c'est-à-dire que les cultivateurs du Luxembourg, ayant beaucoup moins d'engrais, devront laisser en bruyères les terrains dont ils tiraient anciennement de belles récoltes relatives, des pommes de terre, de l'avoine, du seigle. Si vous ne leur restituez pas, sous forme de chaux à prix réduit, l'engrais dont ils ont été privés par la vente des terrains communaux, que deviendra le Luxembourg ?
Ce sera donc avec empressement et plaisir que je voterai le crédit de 75,000 francs.
Que faisons-nous pour la Campine ? L'on y donne à prix réduit l'eau qui coûte plus cher que la chaux. Nous avons, pour l'irrigation, un personnel inscrit dans le budget. C'est une dépense permanente que nous avons dans la Campine, tandis que dans le Luxembourg il ne s'agit que d'une dépense momentanée que nous ne maintiendrons que jusqu'à l'ouverture du chemin de fer en construction.
Qu'est-ce qui arrive encore dans la Campine ? C'est qu'avec tous les travaux qu'on va y faire pour élargir les prises d'eau, vous avez aujourd'hui trop peu d'eau ; que pour irriguer les prairies de la Campine, vous êtes obligés de détériorer les talus par le courant constant qui s'établit dans le canal.
Si nous voulons améliorer la Campine, ce que nous avons voulu par le vote de la loi de 1847, nous devons vouloir également l'amélioration du Luxembourg, qui est une province dont les terrains assez fertiles pourront plus tard devenir excellents.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, je dirai avec l'honorable comte de Mérode, que le Luxembourg, pas plus que les autres provinces n'est traité en paria. Le Luxembourg lui-même est assez juste pour reconnaître qu'on a fait tout ce que l'intérêt public commande. Il en est de même des Flandres qui ont eu et qui obtiennent encore leur part dans les encouragements qui étaient dus à leur industrie.
Quant à la chaux, personne ne conteste que l'emploi de cet amendement dans les terres des Ardennes a produit les plus heureux résultats. Mais je tiens à expliquer les motifs qui ont engagé le gouvernement à s'abstenir de faire une proposition formelle quand il a présenté le budget de l'intérieur. Vous vous rappelez la longue discussion à laquelle a donné lieu l'année dernière l'allocation demandée pour la chaux ; ce crédit n'a été voté qu'à une majorité de 3 ou 4 voix. Cette année le gouvernement était en outre sous l'impression de faits qui commandaient la plus grande réserve dans l'emploi des ressources de l'Etat. La situation du trésor était telle, que le gouvernement a cru devoir inviter les Chambres à s'abstenir de toute dépense qui ne serait pas commandée par une absolue nécessité. C'est ce motif qui m'avait engagé à ne pas me rallier tout d'abord au crédit proposé pour la voirie vicinale.
Quoi qu'il en soit de la réserve du gouvernement à cet égard, si, pour la question spéciale de la chaux, la Chambre ne croyait pas devoir s'associer aux vues de prudence du gouvernement, si elle croyait devoir prendre la même résolution que pour la voirie vicinale, je tiens à lui soumettre quelques réflexions sur la manière dont il conviendrait que le crédit spécial fût voté.
En effet, nous n'avons pas seulement des mesures à prendre pour la distribution de chaux à prix réduit, nous avons encore à compléter les mesures relatives au défrichement.
Les crédits votés par des lois spéciales pour défrichements sont épuisés, et il reste cependant à pourvoir à quelques dépenses d'entretien et d'achèvement de travaux exécutés à l'aide de ces crédits.
Ces travaux à terminer pendant l'exercice 1854 nécessiteront une dépense de 14 à 15 mille fr. En conséquence, si la Chambre votait le crédit de 75 mille fr. destiné aux distributions de chaux, je demanderais qu'il pût servir aussi à couvrir la dépense dont je viens de parler ; on le pourrait d'autant plus que 75 mille fr. ne sont pas nécessaires pour les distributions de chaux, car le crédit voté l'année dernière pour cet objet présente un reliquat de 6 à 7 mille fr.
L'excédant que l'on trouverait sur le crédit que vous voterez cette année, joint au reliquat de l'exercice précédent, permettrait de faire face au complément de dépense, dont je viens de faire mention et qui intéresse le Luxembourg autant que le Limbourg.
Voici ces dépenses :
1° Les expériences commencées pour déterminer la quantité deau nécessaire aux irrégations, dépenses faites en vertu d'un contrat, 2,000 fr.
(page 1062) 2° Exhaussement des rives du Dommel en amont de l'origine de la dérivation de ce ruisseau, destine à prévenir des inondations dans les hautes eaux, 1,400 fr.
3" Entretien de la première et de la deuxième section du colateur d'Arendonck et des dérivations précitées, 1,200 fr.
4° Frais des agents du boisement et des comités du boisement dans les provinces de Luxembourg, Limbourg, Liège, Namur et Anvers, 3,000 fr.
5° Opérations graphiques pour préparer les travaux à exécuter dans l’intérêt du dessèchement des marais de la Campine, 2,400 fr.
Soit en tout 10,000 fr.
Plus 4 à 5 mille francs pour les dépenses non prévues, 14,000 à 15,000 fr.
Ce dernier travail est d'une haute importance pour le Limbourg où il y a une masse considérable de terrain à dessécher. L'intervention des particuliers dans ces dessèchements ne saurait être active ; il est nécessaire que le gouvernement donne l'exemple pour faire comprendre l'utilité de la dépense par les grands résultats que ces dessèchements peuvent procurer. Il y aura en tout une dépense de 10,000 fr. pour les travaux que je viens d'énumérer.
Si l'on ajoute quelques dépenses imprévues qu'il est impossible de préciser dès à présent, et que j'évalue à 5,000 fr., le crédit que le gouvernement devrait demander sera de 14 ou 15 mille francs. Il m'a paru, messieurs, que pour éviter plus tard une demande de crédit supplémentaire, il y avait lieu de rattacher la dépense relative au défrichement à celle qui concerne la distribution de la chaux. Ce sont des besoins de même nature.
Maintenant, je dois un mot de réponse à l'honorable comte de Renesse quant à l'emploi du crédit demandé pour la distribution de chaux à prix réduit ; il a demandé, qu'il n'en fut accordé qu'aux cultivateurs qui par leurs propres ressources ne pourraient pas se procurer la quantité de chaux dont ils ont besoin.
D'après le règlement on ne peut pas délivrer plus de 100 hectolitres de chaux à un même cultivateur, ce qui prouve que ce bienfait ne s'adresse qu'à des cultivateurs ne possédant pas une quantité considérable de terrain, car 100 hectolitres de chaux représentent les besoins d'un ou de deux hectares de terrain suivant la nature du sol à défricher.
L'honorable M. Moncheur a présenté une observation juste relativement aux facilités à donner pour le transport de la chaux. C'est un objet à régler de commun accord entre les deux départements des travaux publics et de l'intérieur. J'ignore les mesures qui peuvent avoir été prises par mon collègue des travaux publics, c'est un objet à examiner avec lui ; tout ce qui sera légalement possible sous ce rapport, sera fait dans l'intérêt de l'agriculture.
Dans le cas où la Chambre serait favorable au crédit demandé, je proposerais une légère modification dans le libellé des articles proposés.
Il serait dit à l'article premier : « Il est ouvert au département de l'intérieur un crédit de 75,000 fr. pour frais relatifs à la distribution de chaux à prix réduit et au défrichement. »
M. d’Hoffschmidt, rapporteur. - La proposition que nous avons eu l'honneur de soumettre à la Chambre a été si bien défendue par l'honorable comte de Renesse, M. Vander Donckt et M. Moncheur qu'il ne me reste pas grand-chose à ajouter. De son côté, M. le ministre ne s'y est pas opposé et s'est borné à expliquer les motifs pour lesquels il n'avait pas pris l'initiative de la proposition ; c'est, dit-il, parce que l'année dernière une forte minorité s'est prononcée contre ce crédit. Mais je rappellerai que l'année dernière on n'avait pas voulu supprimer mais seulement réduire l'allocation ; les membres de la section centrale et de la Chambre qui y ont fait opposition, n'ont pas voulu aller jusqu'à la suppression du crédit ; ils n'en demandaient que la réduction.
M. le ministre propose un amendement au projet ; je ne puis pas parler au nom de la section centrale, mais en mon nom et au nom de mon collègue M. Pierre qui est près de moi, je déclare que nous ne nous y opposons pas.
L honoraiile comte F. de Mérode a fait des observations critiques ; mais comme il n'a pas conclu, j'espère encore qu'il donnera son approbation à la proposition.
Il a dit que le Luxembourg avait déjà reçu deux millions pour des routes. Cela est vrai ; mais je ne pense pas qu'aucune province du pays ait été négligée quant aux routes ; je crois que partout dans le pays il y a de fort bonnes routes et que le Luxembourg, sous ce rapport, n'est pas mieux partagé que les autres.
Du reste, lorsque l'honorable M. Vander Donckt vous a dit que le Luxembourg n'avait pas été aussi bien traité que d'autres provinces, il a voulu, je crois, faire allusion à cette déplorable séparation que nous avons subie ; et ce ne sont certes pas les deux millions que nous avons reçus ensuite qui ont pu compenser le tort immense que nous avons supporté dans l'intérêt du pays.
Quant au chemin de fer, nous en sommes reconnaissants envers le gouvernement et la Chambre. Mais nous ne le possédons pas jusqu'à présent. Voilà la différence qui existe entre nous et les autres provinces : Nous n'avons pas, jusqu'à présent, de chemin de fer. Quand nous en aurons un, je prends très volontiers, en ce qui me concerne, l’engagement de ne plus demander le crédit pour la chaux. Le conseil provincial du Luxembourg a fixé lui-même cette limite ; il a dit qu'on ne demanderait le crédit que jusqu'au jour où le chemin de fer serait exploité. Il ne s'agit donc plus de voter ce crédit que pendant quelques années, et dans tous les cas la Chambre, en adoptant le projet, ne se prononce que pour une seule année.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Je demanderai ce que la section centrale a entendu dire par son article 2 qui porte : cette dépense sera payée sur l'article 17 du budget de la dette publique pour l'exercice 1854. J'avoue que je ne comprends pas la rédaction de cet article.
Il y a dans notre loi de comptabilité une disposition qui dit que lorsqu'on crée une dépense, il faut indiquer le moyen de la couvrir. Je suppose qu'on a voulu exécuter cet article, mais ce n'est pas de cette façon que le législateur a entendu couvrir la dépense que l'on vote. Il faudrait dire que cette dépense sera couverte au moyeu de bons du trésor. Car il n'y a pas d'autre argent en caisse que celui qu'on crée au moyen de bons du trésor.
Je demande donc un changement de rédaction à cet article, et puisque j'ai la parole, j'espère que tous ceux qui voteront cette dépense, aideront aussi plus tard le gouvernement à trouver les moyens de maintenir l'équilibre dans nos finances. (Interruption.)
Je sais fort bien que l'honorable député de Verviers qui m'interrompt en ce moment, répondra qu'il n'a pas créé les dépenses de la guerre et que par conséquent il se croit dispensé de voter les dépenses. C'est, à mon avis, un moyen très commode de faire tomber toute la responsabilité sur d'autres députés. Mais, avec cette manière de raisonner, une autre fraction de la Chambre pourrait dire : Je refuse les ressources, parce que je n'ai pas voté les 7 à 8 millions pour la Meuse, une autre fraction pourrait dire : Je ne vote pas de ressources nouvelles, parce que je n'ai pas aidé à créer les minimums d'intérêts pour les chemins de fer.
De cette façon, je parviendrai à trouver, sur les 108 membres qui composent l'assemblée, un ou deux membres qui, ayant voté l'une et l'autre dépense extraordinaire, croiraient devoir donner un vote approbatif à la création de nouvelles ressources.
Messieurs, ce n'est pas ainsi que l’on gouverne un Etat. Il faut qu'une bonne fois l'on fasse abstraction de ses désirs personnels lorsque la majorité a parlé, et que, comme bon et loyal député, chacun aide le gouvernement à trouver les ressources nécessaires pour couvrir les dépenses votées par la majorité.
M. d’Hoffschmidt, rapporteur. - La section centrale a impute la dépense sur l'article 17 du budget de la dette publique, parce qu'il figure à cet article une somme de 300,000 fr. pour garantie de minimum d'intérêts, somme qui n'a pas été dépensée. Voilà le motif pour lequel, sur la proposition de l'honorable M. Jacques, si je ne me trompe, la section centrale a adopté l'article 2 tel qu'il est formulé au projet.
Si M. le ministre des finances préfère une autre rédaction, s'il veut satisfaire à la dépense au moyen de bons du trésor, je ne crois pas que la section centrale ait le moindre motif pour s'y opposer.
L'honorable ministre des finances dit avec raison que ceux qui votent des dépenses doivent, logiquement au moins, voter aussi des recettes. Messieurs, je crois que cette observation doit s’appliquer à bien d'autres dépenses qu'à celle dont il s'agit aujourd'hui, qui est à coup sûr une des plus minimes et qu'il ne s'agit pas de créer, qui a été créée antérieurement et défendue l'année dernière par le gouvernement lui-même.
C'est en réalité une très faible dépense ; et, qu'il me soit permis de le dire, elle n'est pas improductive, au point de vue des intérêts du trésor. Il s'agit des défrichements. Dans l'avenir, à la vérité, et nous ne devons pas seulement penser au présent, les défrichements doivent amener un accroissement dans la richesse publique et dans les recettes du trésor.
Il est beaucoup d'autres points de vue auxquels on pourrait envisager la question qui nous occupe. Il importe, par exemple, aussi, d'augmenter la culture des céréales dans le pays, au moment où la population s'accroît d'une manière si considérable, augmente de 40,000 à 50,000 habitants par année. La culture de la betterave, du lin et d'autres objets encore, diminue la quantité de terres cultivées en denrées alimentaires.
Les emprises pour les chemins de fer, pour les routes et pour les canaux, réduisent aussi cette quantité. Dès lors n'importe-t-il pas à un haut degré de chercher à conquérir, pour ainsi dire, une province tout entière ; de chercher à rendre fertiles les 240.000 hectares qui sont encore incultes dans le royaume, pour qu'ils viennent apporter leur contingent à l'alimentation du pays ?
Il ne faut donc pas voir dans la proposition qui nous occupe, une simple faveur accordée à une partie du pays, qui est cependant représentée par trois provinces. Il faut voir aussi la question à un autre point de vue.
Du reste, je ne m'étendrai pas davantage sur ce sujet. Il me semble que le gouvernement lui-même ne fait pas d'opposition, et jusqu'à présent notre proposition a rencontré très peu d'adversaires.
Mais, messieurs, d'accord avec les honorables collègues qui ont signé avec moi la proposition, je viens vous proposer un article 3 qui se trouvait dans la loi de crédit de l'année dernière, il est ainsi conçu :
« Il sera rendu compte aux Chambres de l'emploi du crédit alloué par la présente loi. »
Il importe d'autant plus que cet article figure dans la loi actuelle, que le crédit doit s'appliquer d'après l'amendement de M. le ministre de l'intérieur à des objets différents. Il ne s'agira plus seulement de distribution de chaux à prix réduit ; mais il s'agira aussi du défrichement de la Campine et d'autres travaux de cette nature. Cet article 3 se justifie donc de lui-même.
(page 1063) M. de Mérode. - Lorsque fut proposée l'augmentation de 200,000 fr. pour les chemins vicinaux, j’étais certainement très favorable en principe à cette dépense. Car, lorsqu'il s'est agi des fameux 150 millions, j'ai fait observer avec insistance qu'il serait beaucoup plus utile d'employer un beaucoup plus petit nombre de millions à ces voies modestes, que de se lancer dans des entreprises ultra grandioses.
J'étais donc très zélé pour les chemins vicinaux, et j'ai toutes les raisons possibles pour cela ; car je connais une foule de communes, une foule de campagnes qui sont encore inaccessibles, et il ne faut pas aller bien loin pour en découvrir ; on en trouve en sortant de Bruxelles, telles que Lennick, chef-lieu de canton placé à trois lieues de la capitale.
Si j'ai refusé mon adhésion à l'augmentation de deux cent mille francs, applicables aux chemins de campagne, ce n'est certes pas par insouciance à leur égard. Ce n'est pas non plus par esprit d'hostilité contre le Luxembourg, que je ne voterai pas les 70,000 francs sollicités aujourd'hui.
Mais comme l'on a constamment recours à des bons du trésor, je dois combattre les dépenses facultatives payées de la sorte. Je l'ai déjà dit plusieurs fois, je n'accepte pas les bons du trésor et je les ai plusieurs fois qualifiés de mauvais pour le trésor, mauvais pour la dépense du pays ; car la première fois que nous serons sérieusement obligés de mettre sur pied notre armée, nous serons écrasés par les bons du trésor plus, peut-être, que par l'ennemi.
C'est grâce à l'insuffisance de nos moyens de défense que nous avons perdu cette moitié du Luxembourg, qu'où regrette de ne plus posséder. En 1831, mieux armés et vainqueurs, nous aurions conservé tout le Luxembourg avec affranchissement d'une grande partie de notre dette publique.
Messieurs, on vient nous parler sans cesse de 240,000 hectares de terres incultes et cultivables ; l'honorable M. David a parfaitement expliqué comment on ne peut fertiliser une certaine partie de ce sol qu'en laissant en friche d'autres portions considérables.
M. David. - J'ai dit le contraire.
M. de Mérode. - Vous ne pouvez pas dire le contraire, car vous savez bien qu'il y a près de Verviers des terres qu’il est impossible de cultiver sans perte. J'ai traversé les Ardennes plusieurs fois de ma vie, non pas rapidement jour et nuit, mais à pied et à cheval et à petites journées, et je counais parfaitement le sol de cette contrée ; pour cultiver là quelques hectares, il faut en posséder un certain nombre, dont la plus grande partie est employée en parcours, et avec le fumier produit par le bétail que nourrissent ces pâturages, on finit par donner quelque fertilité au surplus. On ne parviendra donc jamais à cultiver avec fruit l'ensemble des 240,000 hectares signalés comme une tache dans le pays.
Il vaut beaucoup mieux faciliter la culture des bons terrains que de s'acharner à faire produire partout des rocailles schisteuses ou des bruyères maigres, qui finissent toujours par reparaître. Je reconnais qu'il y a certaines améliorations à faire, mais ne les exagérons pas vis-à vis des membres de la Chambre qui ne connaissent pas le Luxembourg. Sur les 240,000 hectares il en est peut-être un quart auxquels, à l'aide du reste demeurant en parcours, il soit possible de donner une valeur agricole appréciable. C'est tout ce qu'onMourrait, je pense, obtenir.
M. David. - (erratum, page 1075) Messieurs, je crois m’être conduit en bon et loyal député, lorsque j'ai appuyé de toutes mes forces, souvent de ma parole, toujours de mes votes, les économies possibles.
J'ai cru me conduire également en bon et loyal député en appuyant tous les grands travaux d'utilité publique et les dépenses réellement reproductives dans quelques parties de la Belgique que ce fût.
Il était aussi de mon devoir, ce me semble, de m'opposer aux dépenses inutiles, exagérées ou mal justifiées.
Le système que l'honorable ministre des finances voudrait introduire serait réellement singulier ; que deviendraient les minorités si cette théorie était admise ? Elles devraient être taxées de méchantes, mauvaises, déloyales ; elles ne pourraient plus aspirer à devenir majorité. Le régime parlementaire serait détruit ; il ne serait plus possible de redresser aucun grief, de faire cesser aucun abus.
Je voterai pour le crédit dont il s'agit en ce moment et cependant je repousserai tout nouvel impôt aussi longtemps que le budget de la guerre sera aussi exagéré qu'aujourd'hui, et je m'appuie à cet égard sur ce que vient de dire l'honorable M. de Mérode, que nous serons écrasés bien plus par les bons du trésor que par une armée ennemie. L'honorable membre reconnaît lui-même par là que les dépenses de la guerre sont trop fortes.
L'honorable M. de Mérode dit qu'on ne peut pas cultiver toutes les bruyères des Ardennes ; mais il y a bien des terrains, même dans les Flandres, qu'on ne pourrait pas cultiver. Je n'ai jamais prétendu que les rochers, les montagnes à pic, fussent susceptibles de culture, mais tout ce qui est en plaine peut être cultivé. Attendez que le chemin de fer soit construit, que la population ait quelque peu augmenté et vous verrez que la culture de ces terrains prospérera et prospérera très rapidement.
- La clôture est demandée et prononcée.
M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Messieurs, d'après les ordres du Roi, j'ai l’honneur de déposer sur le bureau le projet de loi dont la teneur suit :
(Nous donnerons ce projet de loi).
Je demanderai à la Chambre de vouloir bien renvoyer ce projet à la section centrale chargée de l'examen du budget des affaires étrangères. Le projet ne peut donner lieu à aucune difficulté et il intéresse particulièrement les armateurs. Or, la section centrale dont il s'agit compte précisément parmi ses membres un député d'Ostende et un député d'Anvers.
- La proposition de M. le ministre est adoptée. Le projet sera imprimé et distribué.
M. le président. - « Art. 1er. Il est ouvert au département de l'intérieur un crédit de 75,000 fr. destiné à délivrer de la chaux à prix réduit. »
M. le ministre de l'intérieur a proposé de dire :
« Il est ouvert au département de l'intérieur un crédit de 75,000 fr. pour frais relatifs à la distribution de chaux à prix réduit et aux défrichements. »
M. Coomans. - Je me lève pour présenter une rectification à la Chambre. La somme demandée ne s'applique pas à 240,000 hectares mais à la moitié au plus, attendu qu'elle ne concernera que trois provinces, si je ne me trompe, car cela n'est pas dit dans le libellé de l'article, mais cela résulte de l'exposé des motifs et de la discussion. Le crédit doit être appliqué au pays ardennais ; or, l'étendue générale des terres incultes de la Belgique ne s'élève qu'à 218,000 hectares (chiffres ronds) d'après la statistique de 1847, et l’on peut déduire de ce chiffre une vingtaine de mille hectares défrichés depuis lors.
Il ne reste donc plus que 200,000 hectares au plus, dont il faut déduire encore 25,000 ou 30,000 hectares qui ne valent rien et qui, malheureusement ne vaudront jamais rien.
Ce n'est pas seulement pour constater ces chiffres, honorables, du reste, pour la Belgique, que j'ai pris la parole ; c'est aussi pour exprimer le regret que les 75,000 francs ne s'appliquent pas à la Belgique entière, c'est-à-dire aux 170,000 ou 175,000 hectares qui restent à défricher. (Interruption.)
Un honorable ami me dil que l'irrigation se trouve intéressée aussi dans le projet de loi.
J'avoue que cet intérêt est bien minime, car il ne s'agit que de dépenses administratives, de lever de plans, de cartes ; j aimerais tout autant quelques hectolitres de chaux, sans nier cependant l'utilité des travaux dont nous a parlé M. le ministre de l'intérieur, surtout en ce qui concerne le dessèchement des marécages ; mais on ne desséchera pas les marécages avec la somme de 1,200 fr. qu'on nous a indiquée tout à l'heure.
Je ne pourrai donc voter pour le projet de loi que dans le cas où il serait étendu à la Belgique entière ; dans le cas contraire, je serai obligé d'émettre un vote négatif.
M. Delehaye. - Messieurs, on vient de dire que la Belgique possède encore plus de 200,000 hectares à défricher, et l'on demande, d'un autre côté, que le crédit de 75,000 fr. soit appliqué à toute la Belgique. Mais, messieurs, ceux d'entre nous qui se sont occupés un peu d'agriculture savent bien que dans toute la partie ardennaise du pays, on ne peut pas même défricher peut être mille hectares par an. Or, peut-on espérer raisonnablement qu'on fera, avec la somme qu’on demande, un acte réellement utile au pays ?
L'honorable M. de Mérode a fait une observation très juste. Il ne suflit pas seulement de défricher ; mais il importe encore et surtout que le défrichement ne prenne pas des proportions trop étendues. Le cultivateur qui défriche dans ces conditions fait une chose nuisible à ses propres intérêts, et plus encore à l'agriculture.
Pour que le défrichement soit fait avec intelligence et profit, il faut qu'il soit exécuté par des cultivateurs ayant le moyen de cultiver continuellement les terres défrichées.
Un honorable membre nous a dit que, dans d'autres provinces, on cultivait le lin et la betterave, et que par là on enlevait des terres à la culture des denrées alimentaires. Mais, messieurs, la culture du lin et des betteraves est aussi nécessaire à celle des céréales que la culture des céréales est nécessaire à celle du lin et de la betterave. Pour que vous puissiez cultiver avec fruit, il faut que vous puissiez cultiver alternativement tous les produits.
J'ai vu dans le Luxembourg, quelques terrains où l'on cultive aujourd'hui le lin. Ce lin n'est certes pas à comparer avec celui qu'on cultive dans les Flandres ; mais il avait cependant de la valeur. Cela prouve une amélioration sensible dans la culture. Ces cultivateurs ardennais cultivent aujourd'hui le lin, précisément pour pouvoir obtenir plus tard de meilleures céréales.
Messieurs, si le crédit de 75,000 francs était distribué à de petits cultivateurs, qui ont absolument besoin de ce secours pour améliorer leurs terres, je ne le refuserais pas. Mais qu'est-ce que j'ai vu aussi dans le Luxembourg ? J'ai vu que ce ne sont pas de petits cultivateurs qui emploient la chaux, ce sont des cultivateurs fort à leur aise. (Interruption.)
On me dit que c'est une erreur. Je ne veux pas citer des noms propres en séance publique, mais si l'honorable membre qui m'interrompt veut être édifié sur ce point, je lui citerai en particulier des noms qui appartiennent à la partie la plus aristocratique du pays. (Interruption.)
Je sais que la loi ne permet pas d'accorder plus de 100 hectolitres à un propriétaire ; mais je sais aussi que les propriétaires trouvent facilement le moyen, tout en éludant la loi, d'en obtenir davantage.
(page 1064) En me rendant dans le Luxembourg, j'avais le désir de m'instruire. Je voulais me rendre compte de l'emploi de la chaux ; je m'occupe un peu de culture ; je voulais m'assurer par moi-même si les observations que j'avais faites, ici, l'année dernière, étaient aussi peu fondées qu'on l'avait prétendu. Eh bien, j'en ai constaté la parfaite exactitude, et je maintiens comme vraies les observations que j'ai présentées en 1853.
Si on n'accordait la chaux qu'à des cultivateurs qui en ont réellement besoin, à des personnes qui ont à défricher 1, 2, 3, 4 ou tout au plus un hectare par an, je comprendrais l'utilité de cet encouragement. Mais j'ai vu exercer le défrichement sur une échelle beaucoup plus étendue. Que diriez-vous si les députés des Flandres où la propriété est singulièrement morcelée, où la culture se fait par des personnes qui ont peu ou point de fortune ; si les députés des Flandres venaient déclarer que ces rovinces ont impérieusement besoin de chaux pour leurs terres dont la culture exige de la part de ceux qui s’y exercent des sacrifices immenses.
Que la Chambre ne se fasse pas une opinion erronée à cet égard. Si les Flandres sont réellement remarquables sous le rapport de l’agriculture, ce n’est pas par la fertilité du sol, c’est par le génie, l’activité et surtout l’économie des habitants Nos terres ne sont devenues productives que parce que nos cultivateirs sont éminemment économes, actifs et intelligents. Croyez-vous que la chaux ne nous serait pas d’un grand secours et que par là nous n’obtiendrions pas des produits autrement importants ?
J’ai la conviction intime que si nous voulions rechercher quels sont les cultivateurs du pays qui ont le plus besoin de chaux et qui l’emploieraient le plus utilement, nous trouverions que ce sont les cultivateurs des Flandres. Et cependant vous ne demandez rien pour les Flandres. (Interruption.)
Les Flandres, me dit-on, ont eu leur part ; c’est un ancien ministre qui tient ce langage ; mais si les Flandres venaient dire : « Nous avons eu notre part, il est vrai ; mais vous avez reconnu que pendant 20 ans nous aons été surchargéspour la contribution foncière ; nous avons le droit d’exiger qu’on nous dédommage du chef de cette surtaxe ! Eh bien, les Flandres ne se sont pas plaintes ; la surtacxe dont je parle pèse encore aujourd’hui sur ce sprovinces ; et si, dans la séance de vendredi dernier, nous avons demandé l’ajournement de a discusison de la loi sur la contribution personnelle jusqu’après la révision du cadastre, c’est parce que nous avons voulu constater, aux yeux du pays, que les Flandres sont surtaxés pour l’impôt foncier.
Je me résume. Oui, messieurs, les Flandres useraient beaucoup plus utilement de la chaux, si elle était mise à leur disposition, quene le fait aujourd’hui le Luxembourg. Qu’on ne se dissimule pas que si les Flandrezs ont obtenu beaucoup, elles ont, de leur côté, donné infiniment ; qu’on ne prenne pas non plus le change sur nos intentions ; nous ne jalousons pas le Luxembourg ; je veux faire pour le Luxembourg tout ce qu’il m’est possible de faire. Je dis que le Luxembourg marche intelligemment dans la voie du progrès.
J’ai grandement lieu de croire que la distribution de la chaux n’est pour rien dans ce résultat. Si le gouvernement voulait faire une enquête, il reconnaîtrait que ce fait est exact. S’il y a de l’amélioration au Luxembourg, c’est parce que les habitants en sont laborieux et intelligents, c’est parce que la province est sillonée de routes dans tous les sens. Ce fait m’a frappé, quand j’ai été dans le Luxembourg. Dans les Flandres, vous chercheriez en vain des voies de communication aussi bien faites et aussi faciles que dans le Luxembourg ; c’est pour moi un motif de plus pour ne pas accorder à cette province un avantage qu’on n’accorde pas aux Flandres.
Je dirai plus, je suis convaincu que la masse des cultivateurs dans le Luxembourg sont dans une position supérieure à celle de nos cultivateurs des Flandres.
Je n’en dirai pas davantage pour justifier le vote négatif que j’émettrai.
M. Rogier. - Je ne sai si, comme l’a prétendu l’honorable préopinant, la réduction du prix de la chaux profite à des propriétaires de la haute aristocratie qu’il a pu rencontrer, mais ce que je sais, c’est qu’il n’est pas un seul cultivateur, grand ou petit, élevé ou humble, qui n’ait reconnu les bienfaisants effets de cette distribution.
L’honorable préopinant semble vouloir mieux connaître ce qui convient à l’agriculture du Luxembourg que les cultivateurs luxembourgeois eux-mêmes. Mais il vous a démontré à l’évidence par les documents produits que toutes les opinion dans le Luxembourg sont unanimes pour reconnaître les heureux résultats de la mesure. Est-il utile de continuer pour un temps déterminé ces distributions dont tout le monde s’est applaudi dans le Luxembourg ? Je crois qu’il n’y a pas à insister à cet égard.
Je regrette qu’un honorable député de la Campine qui, dans d’autres circonstances, s’est montré favorable aux intérêts agricoles d’autres localités, croie devoir se refuser à ce qui est demandé pour le Luxembourg ; cependant ce qui a été dépensé pour le Luxembourg en distribution de chaux est de beaucoup inférieur à ce qui a été dépensé pour la Campine en distribution d'eau.
Ceux qui ont profité de la distribution d'eau à prix réduit, ne devaient pas se montrer si rigoureux pour des distributions de chaux qu'on demande pour un an ou deux au plus ; car on peut déterminer l'époque où le concours du gouvernement ne sera plus nécessaire ; aussitôt que le chemin de fer du Luxembourg sera construit et qu'il aura mis cette province en communication avec le reste du pays de manière à pouvoir en recevoir les produits et y porter les siens, mais surtout recevoir les engrais dont elle a besoin, l'action du gouvernement viendra à cesser.
Les Flandres n'ont pas à se plaindre de la répartition des subsides du trésor ; elles en ont obtenu pour leur industrie et même pour leur agriculture.
Pour être équitable, quand une province pauvre encore vient réclamer un concours modéré pour un besoin évident et urgent, il ne faut pas se montrer vis-à-vis de cette province plus avare que pour d’autres. C’est seulement ainsi qu’on arrive à une bone justice distributive.
J’ai vu avec regret que M. le ministre des finances donnât à ce subside des proportions si grandes ; il vous a parlé de la nécessité de créer de nouveaux impôts. Si la création de nouveaux impôts est nécessaire, ce n sera pas une dépense de 75,000 fr. pour le Luxembourg, dépense reproductive d’ailleurs, qui aura nécessité cette création nouvelle.
Au reste, je suis très à l’aise à cet égard, car si je vote des dépenses que je crois utiles, je n’hésite pas à voter les impôts nécessaires pour les couvrir, j’ai voté en dernier lieu contre l’ajournement de la loi sur la contribution personnelle.
Je ne pense pas que la Chambre se refuse à accorder le subside encore cette année.
S’il y a eu des abus dans l’emploi du crédit, si des propriétaires qui n’ont pas directement besoin de cette faveur en ont profité, je ne doute pas que M. le ministre ne prenne des mesures pour que la réduction de prix n’ait lieu qu’en faveur de ceux qui en ont besoin.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - L’honorable député de Gand a commis une erreur quand il a dit que les distributions de cjaux à prix réduit se faisaient à de grands propriétaires ; car d’après le règlement on ne peut pas donner plus de 100 hectolitres de cjaux à un mpeme cultivateur ; cela prouve qu’on ne peut pas abuser des distributions. En effet, dans le Luxembourg, il faut une quantité considérable de chaux pour amender un hectare ; c’est à peine si avec 100 hectolitres de chaux on peut suffire aux besoins que réclame le défrichement de deux hectares.
Je demande si dans ces limites on peut abuser de la faveur accordée par la législature, et si ce sont les grands propriétaires qui en profitent ?
Sans doute des propriétaires aisés achètent de la chaux ; mais il importe d’observer qu’on ne se borne pas à vendre de la chaux à prix réduit, mais qu’on en vend considérablement au prix courant ; et ces achats augmentent tous els ans ; nous en avons la preuve dans les relevés officiels.
C’est ainsi qu’en 1847 et 1848 la vente de la chaux au prix courant n’était que de 145 mille hectolitres, dans les provinces ardennaises. En 1849 et 1850, elle s’élevait à 273 mille hectolitres ; et dans ces dernières années, la vente à prix réduit n’était que de 171,000 hectolitres.
Ainsi, tandis que la vente à prix réduit ne dépassait pas la quantité de 171,000 hectolitres, il se vendait dans les mêmes contrées pour 273n000 hectolitres à prix libre. Cela prouve que l’exemple donné par le gouvernement, en faisant des distributions de faveur aux petits cultivateurs, a influé sur ceux qui peuvent se procurer la chaux à leurs frais, et que la consommation générale a augmenté dans de grandes proportions depuis que l’on a introduit le régime de distributions à prix réduit. Ces ventes considérables expliquent le fait cité par l’honorable député de Gand et démontrent que s’il a vu des propriétaires aisés amender leurs terres avec de la chaux, c’est qu’ils s’étaient procuré cet engrais à leurs frais, et non aux frais du gouvernement.
- Plusieurs voix. - La clôture ! la clôture !
M. Coomans. - Je demande la parole contre la clôture. Je voudrais rectifier un fait ; on a parlé de distributions d’eau à prix réduit ; je demande à pouvoir démontrer qu’il n’y a pas eu de distribution d’eau à prix réduit dans la Campine.
M. Delehaye. - Je désirerais démontrer que je n’ai pas commis une erreur comme l’a prétendu M. le ministre de l’intérieur.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
M. le président. - Je mets aux voix l’article premier tel qu’il a été amendé par M. le ministre.
- Plusieurs membres. - L’appel nominal ! L’appel nominal !
- Il est procédé au vote par appel nominal. L’appel nominal constate que la Chambre n’est plus en nombre.
La séance est levée à quatre heures et demie.