(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1853-1854)
(Présidence de M. Vilain XIIII, vice-président.)
(page 526) M. Ansiau procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. Ansiau présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la Chambre.
« Le sieur Simon Warken, demeurant à Freux, né à Mersch (grand-duché de Luxembourg), demande la naturalisation. »
- Renvoi à M. le ministre de ia justice.
« Le sieur Pierre Burquel, cultivateur à Dochamps, né à Grevenmacher (grand-duché de Luxembourg), demande la naturalisation. »
- Même renvoi.
« Le sieur Corneille-Frédéric Jageneau, sous-lieutenant au 1er régiment de chasseurs à cheval, détaché au camp de Beverloo, prie la Chambre de statuer sur sa demande de naturalisation et de lui accorder la grande naturalisation. »
-Renvoi à la commission des naturalisations.
« Plusieurs officiers en retraite, ayant appartenu aux régiments de ligne et placés dans les régiments de réserve, réclament l'intervention de la Chambre pour obtenir la restitution des sommes qui ont été retenues sur leur solde en vertu d'un arrêté du 6 décembre 1839. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les membres du conseil communal de Merlemont demandent la création d'un tribunal de première instance à Philippeville ».
« Même demande du conseil communal d'Aublain. »
« Même demande des membres du conseil communal de Vodecée. »
« Même demande de l'administration communale de Villers-le-Gambon. »
« Même demande du conseil communal de Fagnoles. »
« Même demande de l'administration communale de Franchimont. »
- Même renvoi.
« Le sieur Badon réclame l'intervention de la Chambre pour obtenir la restitution d'une somme qu'il a dû payer à titre d'amende, et demande une indemnité du chef des pertes que lui a fait éprouver l'administration en lui retirant son permis de colportage. »
- Même renvoi.
« Le sieur Aerts, ancien sous-officier et ancien instituteur, demande un emploi. »
- Même renvoi.
« Des habitants d'Uccle déclarent adhérer à la pétition du comité centrale flamand du 25 décembre 1853.’
« Même déclaration de quelques habitants de Moerbeke. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Wielsbeke demandent que l'usage de la langue flamande soit obligatoire dans la correspondance administrative, dans les cours et tribunaux et dans l'enseignement agricole des provinces flamandes. »
« Même demande d'autres habitants de Wielsbeke. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi sur l'enseignement agricole et à la commission des pétitions.
« Les membres du conseil communal de Wodecq prient la Chambre de voter des fonds destinés aux communes dont les ressources sont insuffisantes pour venir en aide à la classe indigente. »
-Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.
« Le conseil communal de Berg demande que les houilles, les fontes et les fers soient soumis à un simple droit fiscal de 10 p. c. de la valeur. »
« Même demande du conseil communal de 's Heeren Elderen. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner'le projet de loi concernant le tarif des douanes.
« Le conseil communal et plusieurs habitants de Saint-Ghislain, ainsi que des directeurs de charbonnages du Couchant de Mons prient la Chambre d'accorder aux sieurs Moucheron et Delaveleye, la concession d'un chemin de fer de Saint-Ghislain à Gand par Ath. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les distillateurs à Lembecq présentent des observations contre le projet de loi sur les distilleries. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi.
M. Vander Donckt, rapporteur. - Messieurs, par pétition datée de Bruges, le 29 décmbre 1853, les directeurs des wateringues de Blankerberghe et d’Eyensluis Groot Reygaertsvliet et les administrations communales et propriétaires dans le ressort de ces deux wateringues demandent le rétablissement de l’éclusette de Blankerberghe ; ils exposent l’historique de cette éclusette, construite en 1182, par le comte Jean de Namur et supprimée en 1626. Il résulte des termes de leur requêté que déjà en 1624 fut construite la nouvelle écluse de Speyen ; en 1638 de nouveaux travaux furent arrêtés, le port d’Ostende fut agrandi, on creusa le canal de Noeuport et en 1640 on construisit l’écluse de Plasschendaele. En 1664 on approfondit et on élargit le nouveau canal d’Ostende ; ces travaux et beaucoup d’autres plus considérables, qu’on a exécutés depuis, tout cela disent les pétitionnaires ne suddit pas pour les délivrer des inondations et des maladies épidémiques qui en résultent. Une communication fut établie entre le petit canal de Blankenberghe et la Noord-Lede au frais de la wateringue, et malgré l’amélioration que, en 1779, y apporta le colonel de Brou par la construction de l’écluse de Vingerlinck, elle est, disent-ils, insuffisante.
Une première question qui se présente est celle de savoir, si c'est par ordre du gouvernement et pourquoi il aurait fait supprimer un ouvrage pour le remplacer à grands frais par d'autres beaucoup plus considérables ? et, si cet ouvrage était bon, pourquoi l'on a attendu depuis 1626 jusqu'à ce jour pour réclamer sa reconstruction ?
Le but principal de l'institution des wateringues est de pourvoir à ses frais à tout ce qu'exige le régime des eaux, reste la question de savoir jusqu'où l'Etat pourrait être tenu d'intervenir dans une administration qui ne rend ses comptes qu'aux propriétaires intéresses et se refuse à toute intervention administrative de la part de l'Etat, l'année dernière encore la wateriugue dit avoir dépensé 50,000 fr. au recreusement de la Noord-Lede.
Il résulte enfin de l'ensemble des moyens que les pétitionnaires font valoir, que, n'ayant pas réussi à entraver les travaux du canal de Schipdonck pour arriver à la construction d'un port de mer à Blankcnberghe, ils s'efforcent d'atteindre leur but par une voie détournée, c'est ce qui résulte à toute évidence de deux passages de leur requête.
Enfin, il est à remarquer que les pétitionnaires se sont déjà adressés au département des travaux publics, dans ce même but ; que leur affaire est en instruction et que si les pétitionnaires avaient un peu plus de confiance dans les lumières des chefs de l'administration des ponts et chaussées qui l'examineront avec impartialité, sans prévention et avec toute la célérité possible, ils éviteraient à la Chambre une perte de temps ; car en ce moment toute discussion à ce sujet serait prématurée et ne pourrait aboutir qu'au renvoi de leur requête à M. le ministre des travaux publics, c'est ce que votre commission a l'honneur de vous proposer par mon organe.
M. de Muelenaere. - Messieurs, cette requête émane des principales wateringues du nord de Bruges. Les pétitionnaires se plaignent avec raison des inondations qui affligent encore périodiquement une grande partie de cette contrée. Il est urgent qu'on mette un terme à ce fléau.
Je demanderai que cette pièce soit renvoyée à M. le ministre des travaux publics, et je désire qu'elle fasse l'objet d'investigations actives et bienveillantes de sa part, afin qu'il puisse être promptement fait droit aux justes réclamations des pétitionnaires.
M. Devaux. - Messieurs, je regrette les termes peu bienveillants dans lesquels est conçu le rapport sur cette pétition. Il est vraiment déplorable que certaines localités ne puissent plus adresser une pétition à la Chambre, sans qu'on cherche à l'instant même, sans examen, à jeter de la défaveur sur la réclamation qu'on nous adresse.
On vient reprocher aux pétitionnaires qu'ils cherchent à atteindre, par une autre voie, la construction d'un port de mer à Blankenberghe, qu'ils n'ont pu obtenir par le canal de Schipdonck.
Messieurs, quand cela serait, cela est-il défendu ? Est-ce que le port de Blankenberghe lui-même a quelque chose d'illicite ? Mais les pétitionnaires ni d'autres n'ont jamais demandé un port de mer à Blankenberghe. Vous savez que l'issue du canal de Schipdonck a été fixée contrairement aux intérêts du nord de l'arrondissement de Bruges. Faut-il défendre dès lors aux intéressés de chercher à satisfaire leurs intérêts par une autre voie ?
En vérité, je ne comprends pas cette défaveur de la part d'un membre qui appartient à notre province et dont les intérêts l'ont emporté sur ceux des pétitionnaires.
Messieurs, les pétitionnaires se plaigent de ce que beaucoup de terres sises entre Blankenberghe, Ostende et Bruges sont annuellement inondées ; que les voies d'écoulement manquent et que le typhus en résulte presque chaque année. Ils proposent un moyen simple, à leur avis, d'y remédier : c'est d'ouvrir une ancienne écluse à Blankenberghe.
Cette ancienne écluse a été supprimée ; le canal que l'écluse fermait existe encore. Il y aurait, suivant les pétitionnaires, peu de dépenses à faire.
La pétition a, vous le voyez, un but grave et légitime. Le projet n'est pas encore étudié. Aussi je me borne à demander que M. le ministre des travaux publics veuille bien l'examiner avec soin, et le mettre à l'étude. Cette étude faite, ou pourra discuter le mérite du projet ; mais jusque-là il serait souverainement injuste d'opposer une fin de non-recevoir aux pétitionnaires.
Je demande donc que M. le ministre des travaux publics s'occupe de la question, et la fasse sérieusement étudier dans son département.
(page 527) >M. Vander Donckt, rapporteur. - Je commencerai par remercier l'honorable préopinant de la semonce quelque peu verte qu'il vient de m'adresser, je ne le suivrai pas sur le terrain des personnalités.
Il m'accuse de vouloir jeter de la défaveur sur la pétition. Messieurs, je me suis borné à l'analyse ; et la lecture de quelques passages que j'aurai l'honneur de vous faire, vous prouveront que l'appréciation que j'en ai faite est exacte, que les pétitionnaires, en demandant la reconstruction de leur écluse ne tendent à rien moins qu'à l'établissement d'un port à Blankenberghc. Et l'honorable préopinant veut incriminer mes intentions ; il paraît dire que je cherche à jeter de la défaveur sur cette requête ! Je me suis borné, je le répète, à l'exposé des faits et je n'ai eu l'intention ni de blâmer, ni d'incriminer les pétitionnaires. Après quelques observations que votre commission a approuvées et que je crois fondées et justes, votre commission a conclu au renvoi à M. le ministre des travaux publics. Ces conclusions sont peut-être trop bienveillantes ; j'aurais pu trouver des motifs et des motifs très fondés pour conclure à l'ordre du jour.
D'abord les pétitionnaires se sont déjà adressés à M. le ministre des travaux publics par une requête directe. Je suis pertinemment informé que cette pétition est en instruction et que déjà il y a des correspondances avec les autorités préposées aux ponts et chaussées pour recueillir tous les renseignements, que signifie alors une nouvelle requête qu'on adresse à la Chambre ? Il me semble qu'avec un peu plus de patience, comme je l'ai dit dans le rapport, les pétitionnaires auraient reçu la solution de la question, par la voie directe de l'administration et des corps compétents à en juger. Il est vrai que dans la discussion de la session dernière on a prétendu que le génie, que le corps des ponts et chaussées agissait avec prévention, négligeait les intérêts de la Flandre occidentale et qu'il n'y connaissait rien et que la Chambre devait décider la question.
Voici, messieurs, comment j'essayerai de justifier les assertions contenues dans le rapport relativement à la tendance de la construction d'un port de mer à Blankenberghe :
« C'est un fait constaté que chaque fois qu'on décharge par l'écluse de Slykens pour baisser les eaux du canal d'Ostende, il en résulte un préjudice notable à l'écoulement des eaux de la wateringue de Blankenberghe ; on doit se rappeler encore le triste état des terres du nord de Bruges au commencement de notre révolution.
« Les terres de l'ouest de la Flandre orientale comme celles de l'est de la Flandre occidentale étaient sans eau, elles étaient privées de leurs débouchés ordinaires par suite des moyens de défense de la Hollande. Le port d'Ostende les sauva, le canal fut baissé, les écluses de Slykens envoyèrent à la mer une quantité d'eau considérable. »
« ... Le petit canal de Blankenberghe existe encore sur toute sa longueur depuis le canal d'Ostende jusque contre les dunes et il y a moyen de lui donner sa largeur et profondeur primitive. Sa longueur depuis l'endroit où il se jette dans la Noord-Lede jusqu'au Schaere-Brugge est de 5,000 mètres et du Schaere-Brugge aux dunes de 2,350 mètres.
« Cette dernière section pourrait être portée à une largeur de 18 à 20 mètres et formerait un bassin convenable pour opérer des chasses, alors qu'on aurait une seconde écluse un peu en aval du Schaere-Brugge, c'est la partie la plus basse de cette contrée. »
Vous comprenez que cette pétition ne tend à rien moins qu'à établir avant l'écluse un bassin de 18 à 20 mètres de largeur sur 2,350 de longueur. C'est, disent-ils, pour opérer des écluses de chasse.
Mais qu'ils disent tout bonnement : « nous demandons la création d'un port de mer à Blankenberghc » ce sera plus court et ce sera l'expression de leur demande de l'année dernière.
Nous avons cru, messieurs, comme j'ai eu l'honneur de le dire dans mon rapport, qu'en ce moment toute discussion serait prématurée, puisque l'affaire est en instruction. M. le ministre vous fera un rapport à cet égard et la Chambre jugera si la demande des pétitionnaires est fondée.
Du reste, messieurs, votre commission a conclu également au renvoi de la requête à M. le ministre des travaux publics, et je ne sais pas ce qu'elle aurait pu faire de plus favorable aux pétitionnaires.
Je dois relever l’observation de mon honorable collègue M. Dcvaux, qui a fait remarquer que, appartenant à une autre province, je vienne jeter un blâme sur la demande des pétitionnaires. Je tiens à constater une bonne fois que les eaux que les honorables membres prétendent leur venir de la Flandre orientale, leur viennent en réalité de France, et si elles passent par la Flandre orientale, ce n'est qu'après avoir traversé le territoire de la Flandre occidentale qu'elles arrivent sur une très faible étendue de la Flandre orientale, qui n'est pas riveraine de la France. C'est la Flandre occidentale qui reçoit toutes les eaux sauvages de la France, et c'est seulement entre Deynze et Courtrai qu'elles traversent une faible partie du territoire de la Flandre orientale. L'année dernière une requête des environs de Warneton et de Commines nous a fait voir combien ces localités soutirent des inondations dont il s'agit.
Ainsi, messieurs, croyez-le bien, quand on vient mêler la Flandre orientale à cette discussion, c'est plutôt une véritable querelle qu'on lui cherche, que des représailles qu'on exerce.
Ce sont les arrondissements de la Flandre occidentale qui ont des intérêts divers : ceux qui se trouvent en aval ne veulent pas recevoir les eaux de ceux qui se trouvent en amont et vers la France.
Les eaux traversent peut-être sur une étendue de deux à trois lieues le territoire de la Flandre orientale, tout le reste concerne la Flandre occidentale, et c'est pour délivrer ces localités des inondations, qu'on a entrepris les travaux du canal de Schipdonck. C'est à cause des eaux surabondantes qui viennent de France par la Flandre occidentale avant d'arriver dans la Flandre orientale.
C'est donc à tort que l'honorable membre veut m'attribuer des intentions malveillantes par esprit de localité, qui n'est pas même en cause.
M. Delehaye. - Je n'aurais pas demandé la parole, si l'honorable député de Bruges n'avait pas mêlé la Flandre orientale à cette affaire. Que l'honorable membre en soit bien persuadé, la Flandre orientale est parfaitement sympathique aux intérêts de la Flandre occidentale et si on a laissé échapper quelques critiques, c'est qu'on a cru voir qu'il s'agissait encore une fois d'entraver l'exécution du canal de Schipdonck. Quels que soient les travaux que puisse demander la Flandre occidentale, si l'utilité de ces travaux est aussi grande que celle du canal de Schipdonck, nous les appuierons de tous nos moyens. Que les députes de la Flandre occidentale se joignent à nous pour demander que le gouvernement achève le plus promptement possible le canal de Schipdonck et il n'y a pas de travail utile à la Flandre occidentale que nous ne soyons prêts à appuyer.
Je demande que la pétition soit renvoyée à M. le ministre des travaux publics et que M. le ministre veuille bien nous faire connaître sa pensée.
M. de Muelenaere. - Messieurs, la question soulevée par la requête est beaucoup trop grave pour que nous puissions permettre qu'elle dégénère en une discussion personnelle. Si l'honorable rapporteur connaissait les localités, il serait convaincu que la demande des pétitionnaires est de la plus haute importance. Chaque année, l'une des plus belles parties du nord de Bruges se trouve inondée à défaut de moyens suffisants pour évacuer ses eaux. Il importe que des mesures soient prises ; si c'est un port à Blankenberghc ou d'autres travaux qu'il faut construire, ce sont là des questions que nous ne voulons pas examiner prématurément et dont nous abandonnons l'appréciation au département des travaux publics, mais ce qui est incontestable, c'est qu'il est du devoir du gouvernement de venir au secours de cette contrée, afin de la débarrasser des eaux surabondantes. Il n'y a ici aucune espèce d'antagonisme entre les deux Flandres : la Flandre orientale n'est pas intéressée à ce que la Flandre occidentale éprouve chaque année des dommages considérables. Il a été largement fait droit à toutes les réclamations de la Flandre orientale ; le canal de Schipdonck est aujourd'hui en pleine voie d'exécution.
Nous n'avons jamais eu aucun sentiment d'hostilité envers nos voisins. Mais nous étions convaincus qu'on pouvait remplir les vœux de la Flandre orientale, tout en faisant du bien à la Flandre orientale ; la proposition que nous avons faite à cet égard n'a pas été accueillie ; nous le regrettons aujourd'hui plus que jamais. Notre proposition aurait concilié tous les intérêts. Quoi qu'il en soit, c'est une raison de plus pour accueillir favorablement les demandes excessivement justes qui sont faites par les wateringues de la Flandre occidentale.
Je persiste donc à demander le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics, et je prie ce haut fonctionnaire d'en faire le plus tôt possible un examen très sérieux.
-Le renvoi à M. le ministre des travaux publics est mis aux voix et adopté.
Rapport sur les taxes communales à la sortie de certains engrais
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, dans la séance du 12 mars dernier, la Chambre a invité le gouvernement à présenter dans le cours du premier trimestre de la présente session, un rapport sur les taxes établies dans des villes à la sortie de certains engrais ; l'assemblée a désiré que le gouvernement fît connaître en même temps quelle était son opinion sur les mesures qu'il y aurait lieu de prendre pour prévenir la perte de ces engrais et pour garantir aussi l'intérêt de la salubrité.
C'est pour satisfaire au désir exprimé par la Chambre que je dépose sur le bureau un rapport avec tous les documents à l'appui.
M. le président. - La Chambre entend-elle que ce rapport soit imprimé et distribué avec toutes les pièces qui l'accompagnent ? (Oui).
M. Coomans. - Messieurs, il me semble que l'impression du rapport suffirait pour économiser les dépenses de la Chambre.
M. le président. - M. le ministre de l'intérieur, croyez-vous que les pièces à l'appui soient absolument indispensables ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - M. le président, il en est qui sont fort utiles. Je pourrais indiquer ceux de ces documents qui devront être absolument imprimés. Je m'entendrai avec le bureau.
M. Loos. - L'honorable M. Coomans demande que, dans un but d'économie, les pièces justificatives ne soient pas imprimées. Je ne connais pas ces pièces, mais je pense que si elles n'avaient pas présenté un caractère d'utilité aux yeux de M. le ministre de l'intérieur, il ne les aurait pas jointes à l'appui de son rapport. Je demande donc dans l'intérêt d'une question, dont depuis quelques années on entretient la Chambre presque à chaque session je demande que toutes les pièces indistinctement soient imprimées.
M. Coomans. - Je ne m'y oppose pas du tout.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Du reste, la dépense ne sera pas très considérable.
- La Chambre, consultée, décide que le rapport sera imprimé avec toutes les pièces à l'appui.
(page 528) MpVilainXIIII. - La Chambre est arrivée à l'article 49.
« Art. 49. Indemnités pour bestiaux abattus : fr. 150,000. »
- Adopté.
« Art. 50. Service vétérinaire : fr. 50,000. »
- Adopté.
« Art. 51. Traitement et indemnités du personnel du haras : fr. 40,000. »
M. le président. - Deux amendements ont été présentés sur l'article haras : l'un, par M. David, l'autre, par M. Mascart et seize autres membres de la Chambre.
Ces amendements n'ont pas encore été développés. La parole est à M. Mascart,
M. Mascart. - Messieurs, pendant la discussion du budget de l'intérieur de 1853, j'avais été frappé des observations si justes de l'honorable M. de Naeyer à propos du haras de l'Etat. J'étais dès lors décidé à examiner de près la question, de faire en un mot, une véritable enquête.
Eh bien, messieurs, cette enquête m'a démontré à la dernière évidence, que l'intérêt agricole et celui du trésor public réclament également un changement complet au système suivi depuis bientôt vingt ans et qui nous a coûté, dit-on, 5 à 6 millions. Et quel résultat a-t-on obtenu, au point de vue de l'intérêt commercial du cultivateur ? presqu'aucun. Au point de vue de l'intérêt agricole proprement dit, un résultat déplorable, auquel il est temps de porter remède. Il sera facile de le démontrer.
Depuis que le haras est établi, il a été donné à l'éleveur toutes les facilités désirables pour s'adonner au croisement. Non seulement la saillie a été faite gratuitement, mais pour encourager davantage on a donné des primes pour les produits croisés. L'éleveur s'est livré avec espoir à l'essai qu'on lui proposait, et on conçoit qu'il l'a étendu ou restreint, selon les avantages qu'il y a trouvés.
Eh bien, l'on remarque que l'élève du cheval croisé ne prend pas d'extension, malgré les sacrifices que nous nous imposons, sacrifices pourtant énormes, puisque chaque produit, bon ou mauvais, obtient en naissant une prime de 300 fr. si on tient compte de toutes les dépenses•ordinaires et extraordinaires.
Les chiffres le démontrent. La moyenne des produits a été de 827 pendant la période décennale de 1841 à 1850. La dépense annuelle étant de 211,000 fr., chaque poulain coûte donc à l'Etat 255 fr. et 300 fr. si vous tenez compte de toutes les dépenses extraordinaires, telle que jouissance gratuite des locaux du domaine de Tervueren et des terrains qui en dépendent, frais de premier établissement, pension des employés, etc.
Mais comme l'institution du haras a eu pour but de créer des chevaux de luxe et de cavalerie et qu'on ne peut pas porter à plus de la moitié les produits qui reçoivent cette destination, on peut hardiment avancer que les 211,000 fr. dépensés par l'Etat, l'ont été pour créer 414 produits, qui seront employés plus tard comme chevaux de luxe ou de cavalerie.
Je dis donc que 414 poulains destinés à remonter notre cavalerie et à satisfaire aux besoins du luxe nous coûtent chacun 510 francs et 600 francs, si vous tenez compte de toutes les dépenses. Les 413 autres ne peuvent être employés à cette destination et sont pour les éleveurs un véritable embarras. Au lieu d'un étalon du haras, si l'éleveur eût employé un bon étalon de gros trait, il aurait obtenu un produit d'un débit facile et sûr, tandis que les produits croisés sont souvent d'un débit, je ne dirai pas difficile, mais impossible.
Aussi les éleveurs s'accordent-ils à dire qu'il y a plus de bénéfices dans les produits de la race indigène. En effet, en ne tenant pas compte des produits exceptionnels, toujours très rares, le bon cheval indigène et le bon cheval croisé ont presque la même valeur vénale, mais il y a cette différence à l'avantage du cheval indigène, c'est qu'il commence à travailler à deux ans. Il grandit et se développe en rendant des services, jusqu'au moment ou il peut avantageusement être vendu. S'il est vendu à cinq ans, lorsqu'il a acquis tout son développement, il a rendu des services pendant trois ans, et ces services couvrent, et au-delà, ses frais d’entretien. De cette manière, l’attente ne coûte rien au cultivateur. Quant au croisé qui ordinairement n’est pas vendu avant cet page de cinq ans, on a l’embarras de le promener, de l’exercer de façon que son prix de revient doit être beaucoup plus élevé pour produire le même avantage au cultivateur, et s’il n’est pas vendu en temps opportun, il devient un véritable fardeau.
Il faut encore remarquer que le croisé, s'il n'a pas des qualités distinguées dans la conformation, est de très peu de valeur. Chez le cheval indigène, la force seule est déjà une qualité estimée assez haut.
En instituant le haras, avec les éléments qui le composent, on paraît avoir eu une idée fixe : empêcher la Belgique d'être tributaire de l'étranger pour le cheval de luxe. On a voulu le produire, coûte que coûte, malgré notre inaptitude et la répugnance de nos cultivateurs à entrer dans la voie qu'on leur indiquait, et dans laquelle ils n'ont trouvé que des mécomptes.
J'habite un arrondissement qui se trouve probablement dans les conditions les plus avantageuses pour justifier la tentative qu'on a faite. On ne trouvera pas en Belgique des exploitations plus considérables, des fermes mieux tenues, un sol en général plus fertile, des capitaux plus abondants réunis à des connaissances agricoles très étendues.
Malgré tous ces éléments de succès, je puis assurer à la Chambre que l'élève du cheval de luxe a été successivement abandonné par ceux qui s'en sont occupés. Presque tous nos cultivateurs réclament le concours de l'Etat en faveur de nos anciennes et excellentes races de gros trait.
Cela se comprend, messieurs, puisqu'en général ils n'ont pas de jument appartenant à une autre race, et quelles que soient les qualités de cette race au point de vue de sa destination spéciale, la traction, elle est peu propre à produire le cheval de luxe.
Ce qu'on obtient du croisement des étalons de l'Etat avec les juments de labour ne convient ni aux travaux des champs, ni au luxe des villes. A l'âge de 4 ou 5 ans, les éleveurs vendent ordinairement leurs produits, quand ces produits sont assez bons pour être présentés aux acheteurs. Le prix est très variable et dépend nécessairement des qualités du croisé.
Il n'est pas rare d'en voir vendre à 200 fr. et quelquefois moins encore, à 300, à 400, à 500 fr. En voici un exemple bien frappant, parmi les nombreux faits qui sont à ma connaissance. Un fermier avait, il y a quelque temps, onze produits croisés. Il les a vendus successivement, et, le croiriez-vous, le produit de la vente de ces onze poulains ne s'est pas élevé à 600 fr. si on tient compte de toutes les dépenses qu'il a dû faire pour s'en débarrasser.
Il vous est arrivé plus d'une fois, messieurs, de vous faire traîner en char numéroté, et sans doute vous avez remarqué les singulières formes du cheval qui y était attelé. Une tête énorme et difforme, des membres grêles et fins comme ceux d'un cheval de course, un corps qui n'est en proportion ni avec les jambes, ni avec la tête. Ces espèces de monstres non classés par Buffon sont les produits croisés de notre haras avec les juments de labour.
Une autre cause de la non-réussite des croisements, faits même dans de bonnes conditions, doit être attribuée à la qualité et à la rareté des bons pâturages.
Pour obtenir des résultats favorables, il faudrait des pâturages comme on en trouve dans plusieurs Etats de l'Allemagne et en Danemark, pays où l'élève du cheval est une nécessité, parce que là le sol ne peut avoir une autre destination. Mais ici où la terre est chère, parce que la densité de la population a fait augmenter la valeur des produits alimentaires, céréales, viande, beurre, etc., les bons pâturages sont excessivement rares et pourtant sans bons pâturages l'élève du cheval de luxe est une chimère.
Je crains bien, après avoir encouragé par des primes la création d'une race chevaline qui ne convient ni à notre sol ni à nos intérêts, qu'on ne soit obligé d'en accorder de nouvelles pour la création de pâturages. Ce serait le complément du malheureux système dans lequel on est entré.
Il est bien vrai qu'on a cité des produits vendus 1,500 à 1,600 francs, mais ce sont là des prix excessivement rares, tout à fait exceptionnels et qui ne peuvent avoir qu'une influence insignifiante dans l'appréciation de la valeur totale des produits. En faisant miroiter ces chiffres aux yeux de la Chambre on parvient à l'éblouir un instant, mais quand on examine la production générale non du pays, mais d'un canton qu'on connaît, et qui se trouve dans des conditions ordinaires, il en ressort évidemment que ces chiffres n'ont aucune importance.
Je n'hésite pas même à dire que si tous les produits croisés, sans exception, étaient vendus 1,000 francs chacun à l'âge de cinq ans, cette somme serait loin encore de couvrir le prix de revient.
Nous avons dit que le cheval du pays de deux à cinq ans couvrait ses frais d'entretien. Le croisé, au contraire, ne fait rien, absolument rien quoique beaucoup mieux nourri que le cheval indigène. Or, en portant les frais d'entretien à 300 fr. par an, vous arrivez à une dépense de 1,500 fr. en cinq ans. Ajoutez-y les 500 ou 600 fr. qu'il a coûtés à l'Etat, et vous trouvez que son prix de revient est de 2,000 fr. au moins, - sans compensation.
C'est parce qu'on n'a pas fait cette distinction capitale que le cheval en Belgique doit figurer comme produit et comme travailleur, qu'on s'est fourvoyé.
Ceux qui cultivent par état, qui font de l'agriculture une profession véritable, se gardent en général d'élever des chevaux de luxe. Il est rare qu'un paysan qui cultive pour nourrir sa famille et payer la rente du sol, entre dans cette voie. Il sait bien à quels mécomptes il s'expose en employant pour le croisement des juments de gros trait qui ne peuvent que lui donner des produits difformes dans le plus grand nombre de cas.
Ceux qui font usage des étalons du haras sont presque toujours des cultivateurs amateurs, ou des fils de riches fermiers, qui ont de l'argent à dépenser et que de mauvais produits ne ruinent pas. Ils élèvent le cheval de luxe par plaisir et par ostentation. Ils aiment à figurer aux concours annuels. Un encouragement honorifique pour eux est déjà une rémunération de leurs peines : une médaille obtenue compense bien des pertes.
Quand on s'est promis tant d'avantages avec le croisement, on n'a pas réfléchi, je le répète, que le cheval en Belgique doit figurer comme produit et comme travailleur. Ce n'est pas à dire qu'on doit chasser le cheval anglais du pays, qu'on doit empêcher le croisement ; mais je crois qu'on doit l'abandonner à l'appréciation industrielle, à son cours naturel, à ses éventualités, et il se réglera, s'il continue comme toutes les (page 529) autres productions par les bénéfices qui y sont attachés et par la concurrence.
Permettez-moi, à ce propos, de vous donner une courte citation d'un homme bien compétent, de M. Ch. Dunoyer. Dans son beau livre, intitulé : « De la liberté du travail », en parlant des haras établis en France, il dit :
« Il semble que l'administration veuille rendre impossible la multiplication des chevaux ordinaires. Mais à ce compte, et supposez qu'elle eût un tel droit, elle devrait, pour être conséquente, ne pas s'arrêter là, et la logique voudrait qu'elle proscrivît aussi l'usage et la multiplication de l'espèce asine, plus vulgaire encore que celle des chevaux les plus communs. Le pourrait-elle ? Y aurait-il bon sens à l'ordonner ?
« Laissons les pauvres gens avoir de pauvres chevaux ; ils sauront bien en demander de meilleurs quand ils seront plus à l'aise et à mesure que s'accroîtra la demande des chevaux de bonne race, la production s'en étendra et se perfectionnera sans l'officieuse intervention de l'Etat. Jusque-là on peut douter que cette intervention soit bien fructueuse ; et, en effet,voyez ce qu'ont produit, depuis quarante ans, les deux ou trois millions annuellement dépensés par l'Etat pour l'amélioration de la race des chevaux sur notre territoire ?
« Le seul véritable, le seul efficace encouragement à la production, c'est la demande ; et cet encouragement, il n'est pas au pouvoir de l'Etat de le donner : il naît du progrès naturel des choses, de l'accroissement universel des besoins et des moyens plus grands qu'on a de les satisfaire. »
Voilà ce que disait M. Dunoyer.
Laissons donc à l'industrie agricole, comme à toutes les industries, la liberté et la libre concurrence.
C'est ce qui existait avant l'établissement du haras. Il y avait dans nos provinces un nombre d'étalons suffisants pour la production des chevaux fins. Tous ont disparu, car la concurrence avec l'Etat est impossible.
Le but du gouvernement comme celui des Chambres ne doit pas aller au-delà d'une expérience momentanée, suffisamment prolongée pour mettre l'éleveur à même de reconnaître s'il y a avantage ou non dans le croisement ; car à moins de cas exceptionnels, et ils sont rares, il ne convient pas que le gouvernement fasse concurrence aux gouvernés et se charge de choses qui peuvent devenir l'objet d'une industrie particulière. Dans ces entreprises le gouvernement peut être induit en erreur, parce que ce n'est pas l'intéressé dans les résultats qui fonctionne.
D'ailleurs le gouvernement a encore un autre intérêt à ne pas laisser exister à perpétuité l'institution du haras, dont l'utilité peut être contestée. En effet, il est difficile de savoir quand les dépenses doivent se restreindre.
Les employés, la commission, enfin tout le personnel qui y est attaché, et qui soit dit en passant est largement payé, il absorbe 25 p. c. de la dépense, travaille au luxe, au maintien de la chose, quand même. L'industriel compte ses produits, l'employé ne compte que ses appointements ; il ne connaît pas autre chose.
L'exemple du passé devrait cependant servir de leçon. En combattant ou en entravant le développement d'une industrie quelconque, le gouvernement ne fait que porter une atteinte fâcheuse aux intérêts privés. Jamais il n'arrêtera dans sa marche le progrès des arts, du commerce et de l'industrie. Les sacrifices que l'Etat s'imposera pour implanter une industrie que l'expérience fait rejeter ne serviront, aux yeux de tous, qu'à constater son aveuglement et son impuissance.
C'est ce qui arrive avec le haras. Il y a près de vingt ans que nous essayons de multiplier le cheval de luxe dans les limites des besoins de notre consommation, et malgré 5 à 6 millions dépensés, nous ne sommes guère plus avancés que le premier jour, de l'aveu même des membres les plus compétents du conseil supérieur d'agriculture. Voici ce que disait M. Verheyen au sein du conseil :
« Veut-ou augmenter la somme des sacrifices ? Qu'on le dise ! Veut-on rester où nous en sommes ? Mieux vaudrait supprimer le haras, puisque le produit n'équivaut pas à la dépense. »
Pour notre cavalerie nous prenons des chevaux allemands ou danois, nos véritables chevaux de luxe sont achetés en Angleterre et nos fermiers, nos fermiers mêmes achètent leurs montures en Normandie. N'est-ce pas là la preuve évidente que le cheval de luxe n'est pas un produit de notre sol et qu'il faut cesser les sacrifices que nous faisons depuis longtemps pour le produire ?
Il faut arriver là pour deux raisons, d'abord parce que les produits du haras ne couvrent pas les frais de son entretien et, ensuite, parce que le haras joue un rôle fâcheux dans la production chevaline du pays.
Nous l'avons déjà dit, chaque produit croisé, bon ou mauvais, en naissant coûte à l'Etat 500 fr. C'est le haras et le personnel qui absorbent cette somme. L'éleveur ne tient aucun compte de cette dépense et malgré cela, il trouve que le croisement ne lui est pas avantageux. Mais que dirait-il, si on lui réclamait à titre d'avance faite par l'Etat, 300 francs pour chacun de ses produits ! Ce qu'il dirait, je n'ai besoin de le dire, vous le savez comme moi.
On pourrait objecter que la dépense de l'Etat doit être considérée comme toutes les primes accordées aux autres industries. J'admets qu'on accorde des encouragements, des primes si vous voulez, quoique je n'en sois pas le partisan, pour augmenter le travail, la production. Mais qu'on le remarque bien, ce n'est pas ici la même chose : il s'agit du choix entre deux productions. Pourquoi donner des primes pour entraîner l'éleveur dans la plus mauvaise ? Je finirai l'examen de cette question par une considération qu'on a fait ressortir avec importance, avec éclat.
On a dit que l'élève du cheval croisé serait d'un grand avantage pour le pays, parce que, pour la remonte de notre armée, on ne serait plus obligé d'avoir recours à l'étranger, que l'argent resterait dans le pays. C'est une erreur et cet argument n'est que spécieux.
Si nous portons notre argent en Allemagne pour notre remonte, si d'un autre côté nous allons chercher la même somme en France, au moyen de nos produits indigènes, n'y a-t-il pas compensation ? Je me trompe, il n'y a pas réellement compensation, car dans ce cas, il y a un bénéfice annuel de 211,000 fr. pour l'Etat qui peut donner à cette somme une destination utile, en l'employant à l'amélioration de la voirie vicinale ou à l'amélioration de notre face de gros trait.
Une analyse superficielle mettra ce fait en évidence.
Le gouvernement, c'est bien égal pour le gouvernement, s'il donne la même somme à l'éleveur belge qu'à l'éleveur allemand.
L'éleveur, il n'a pas à se plaindre s'il est payé de ses produits par la France avec le même avantage que par le gouvernement.
Le pays, c'esl bien égal aussi pour le pays, pour sa richesse, pour sa prospérité, si une somme qui s'écoule de son sein pour l'Allemagne y reflue par la France.
Mais cette somme de 211,000 fr., que le gouvernement dépense pour l'entretien du haras, à qui profite-t-elle donc ? En partie, elle profite à l'Angleterre qui fait bénéfice de nos sottises en nous livrant ses étalons inutiles, en partie elle profite à un personnel qui se livre à une occupation stérile, si elle n'est pas onéreuse.
Je dirai mon opinion tout entière.
Le haras, messieurs, a été créé par des citadins qui n'avaient pas une idée bien claire de la production chevaline. Supprimez-le demain, les campagnes ne réclameront pas, je vous le garantis. Il y aura bien par-ci par là quelque cultivateur amateur qui trouvera mauvais de ne pouvoir plus faire ses expériences de croisements aux dépens du trésor public, mais soyez persuadés que les cultivateurs, ceux qui cultivent par état, qui ont une famille à élever et la rente du sol à payer applaudiront à la mesure. Cette classe qui forme les 999/1000 de la population agricole profite peu des libéralités inscrites au chapitre de l'agriculture parce qu'on n'a consulté ni ses besoins, ni ses intérêts.
Ce qu'elle réclame, c'est l'amélioration de la voirie vicinale, c'est l'amélioration de la race par la race, c'est d'avoir de bons étalons du pays ou percherons. Pour obtenir ce dernier résultat il suffirait de 50,000 fr. portés annuellement au budget.
Cette somme serait distribuée aux éleveurs qui présenteraient les meilleurs poulains aux concours d'arrondissement et de la province. On pourrait la répartir de la manière suivante :
Il y aurait d'abord trente primes d'arrondissement pour les poulains entiers d'un an, de 50 francs chacune, ce qui ferait une dépense de fr. 60,000.
Pour empêcher les éleveurs de céder à la tentalion de vendre leurs produits primés cette première fois, il y aurait ensuite deux primes de 75 fr. et deux de 50 pour les poulains de deux à trois ans, soit 10,000 fr.
El pour en finir, on accorderait deux primes provinciales de 400 fr. et deux de 200 fr. pour les meilleurs entiers ayant plus de trois ans, soit 10,800 fr., en tout, 80,800 fr. Ajoutez-y, si vous le voulez, 20,000 fr. pour arriver à une dépense totale de 100,000 fr., qui serait supportée par l'Etat et la province par parties égales.
Ce système aurait l'avantage de préserver nos bonnes races du pays de toute dégénérence. Le Luxembourg, la Flandre occidentale, le Brabant conserveraient leurs races pures de tout mélange et les provinces qui croiraient devoir continuer les expériences de croisement qui se font maintenant aux frais de l'Etat pourraient, à cette fin, dépenser la somme que le département de l'intérieur leur aurait allouée, ce serait leur affaire.
Je finis par une dernière considération.
On s'est prévalu de l'anéantissement du roulage pour justifier les mesures prises en vue de la production du cheval de selle ou du cheval croisé.
A cela, il y a une réponse qui me paraît péremptoire. Si le roulage n'est plus que l'ombre de ce qu'il était il y a vingt-cinq ans, si les canaux et les chemins de fer ont le monopole des transports, les chemins de fer ont eu également pour conséquence de diminuer dans une très grande proportion l'usage des chevaux fins.
J'en appelle à vos souvenirs, messieurs, quel est celui d'entre vous, dont la localité est desservie par un chemin de fer, qui n'ait présent à l'esprit un certain nombre de personnes, qui, par des motifs d'économie et pour s'éviter des embarras ont vendu en partie ou en totalité leurs équipages ?
Tous ceux pour qui le luxe n'est pas une nécessité de position ont pris ce parti. On trouve naturellement plus commode et moins coûteux de faire les longs voyages en chemin de fer et les petits en vigilante.
Dans les campagnes l'amélioration de la voirie vicinale a égalenment amené la suppression partielle des chevaux de selle.
Quand le pays n'avait qu'un petit nombre de routes exécutées par l'Etat et ce temps n'esl pas loin de nous, quand les 9/10 de la population agricole ne connaissaient en quelque sorte les routes que par les récits qu'on en faisait, le cheval de selle était une nécessité pour le fermier qui allait au marché vendre son grain, pour l'amoureux qui allait à la (page 530) fête du village voisin avec sa belle en croupe, pour le notaire, le médecin, le négociant, le curé et pour tous ceux qui étaient astreints à voyager. Le cheval passait, où la voiture, s'il y en avait eu alors, serait restée embourbée. Cette situation de la voirie est bien changée et les habitudes aussi. Depuis 1840, les communes ont exécuté des travaux immenses que l'Etat n'aurait pas exécutés en 50 ans. Des chemins pavés rattachent les villages les uns aux autres et le cheval de selle d'autrefois d'il y a 20 ans à peine, animal inoccupé la plupart du temps, fait place chaque jour à la cariole antique, rebut de nos citadins, traînée par de vigoureux chevaux de labour qu'on applique le lendemain aux travaux des champs.
En vous proposant de diminuer de 100,000 francs la dépense du haras, nous voulons arriver à la suppression de cet établissement tout en maintenant le chiffre actuel du budget. Une partie de cette somme serait reportée au littera B, article 51, exécution des règlements provinciaux pour l'amélioration de la race chevaline, et le restant à la voirie vicinale. En augmentant les dépenses de l'Etat pour ce dernier objet, les travaux d'amélioration prendraient un nouvel essor sans que les charges communales fussent augmentées.
M. de Theux (pour une motion d’ordre). - Messieurs, ma motion intéresse le département de la justice.
Depuis la présentation du projet de loi sur les dons et legs charitables, plusieurs de nos honorables collègues ont témoigné le vif désir d'avoir les procès verbaux de la commission instituée par un des précécesseurs de M. le ministre, M. de Haussy, qui a consacré un temps considérable à l'examen de cette matière.
Cette commission était composée d'hommes considérables pris dans le parlement, dans la magistrature et dans l'administration. Je crois qu'il y va des plus grands intérêts à ce que les travaux de cette commission soient imprimés, que chacun de nous puisse en prendre connaissance, les méditer, en faire son profit ; je ne vois aucune espèce d'objection fondée à la motion que j'ai l'honneur de faire ; je l'appuie sur des précédents nombreux. Aussi quand il s'est agi du projet de loi relatif à la révision du régime hypothécaire, on vous a distribué les travaux de la commission spéciale ; quand il s'est agi de la révision du Code forestier, ou a également imprimé les travaux préparatoires de la commission spéciale instituée par le gouvernement ; lorsque le gouvernement a institué une grande commission militaire, il n'a pas hésité à livrer à la publicité tous les travaux de cette commission, bien qu'ils eussent pour objet la défense du pays et un caractère secret. On nous dira peut-être que les procès-verbaux de la commission instituée par M. de Haussy pourraient être communiqués à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi et que cela suffirait. Mais cette objection n'est pas admissible.
Que pourrait servir une lecture donnée au sein de la section centrale ? Ce n'est pas à une simple audition que de pareils travaux peuveut être appréciés par les membres de la section centrale. C'est un travail important qui exige des méditations ; chacun des membres de la Chambre a le même intérêt à connaître ces travaux que les membres de la section centrale, d'autant plus que nous voyons souvent que les rapports de la section centrale ne sont pas adoptés par la Chambre, ce qui prouve que la Chambre ne s'en rapporte pas absolument aux travaux de la section centrale.
Il est important que chacun de nous puisse étudier, méditer tout ce qui est relatif à cette question qui intéresse à un si haut point les indigents, afin d'adopter le meilleur système qu'on puisse élaborer pour apporter un soulagement aux maux qui affligent l'humanité. Je ne préjuge rien, je m'abstiens d’émettre une opinion quelconque sur le projet présenté par le gouvernement ; il serait inopportun, intempestif même de faire de ce projet une appréciation anticipative.
Ce que je demande instamment, c'est que M. le ministre consente à l'impression des procès-verbaux de la commission spéciale ; ces procès-verbaux ne renferment rien de compromettant pour la sûreté de l'Etat ou pour l'honneur de personne ; s'il y a des divergences d'opinion, soit quant à l'administration de M. de Haussy, soit quant à l'administration de ses successeurs, il ne peut rien y avoir de compromettant pour leur honneur.
Les actes de l'administration sont publics ; nous avons le droit de connaître l'opinion de la commission que le gouvernement a instituée pour préparer le projet de loi dont il s'agit ; si jamais document a dû être publié c'est celui-là ; jamais la Chambre ne pourra en consulter plus utilement pour résoudre les questions soumises à ses délibérations.
J'espère que M. le ministre ne verra aucune difficulté à l'impression que je réclame.
M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, je n'ai dans l'affaire des dons et legs charitables qu'un seul désir ; celui d'éclairer la Chambre et d'arriver avec elle à une conclusion acceptable, convenable et qui fasse droit aux grands intérêts qui sont en jeu dans les projets de loi. Si je n'ai pas ordonné l'impression des procès-verbaux de la commission auxquels on fait allusion, voici pourquoi : cette commission a été instituée pour donner son avis au gouvernement sur l'organisation des fondations de bourses d'instruction publiqne, plus tard la mission de cette commission a été élargie : elle a été invitée, en même temps qn'on lui adjoignait quelques nouveaux membres, à s'occuper également des fondations charitables et des fondations pieuses.
La commission s'est d'abord occupée des fondations de bourses ; l'organisation de ces fondations, leur administration, leur centralisation fait le sujet des neuf dixièmes des séances de la commission. Après plusieurs mois de travaux, elle s'est occupée des fondations pieuses et des fondations charitables, au sujet desquelles elle a pris plusieurs résolutions qui n'ont rempli que quelques séances.
Les résolutions de la commission n'ont pas été formulées en projet définitif. La commission n'a pas non plus adressé un rapport au gouvernement ; elle a interrompu ses travaux, en déclarant au ministre de la justice (l'un de mes prédécesseurs), qu'elle ne croyait pas pouvoir, dans les circonstances où elle se trouvait, continuer ses travaux, et elle a demandé au ministre qu'on prît acte que ses résolutions n'avaient qu'un caractère provisoire, et ne devaient pas être considérées comme la formule définitive de sa pensée.
C'est ce qui résulte de la lettre qui a été adressée par le président de la commission à M. le ministre de la justice. Les procès-verbaux ont été résumés par les soins de l'administration du département de la justice : il y a 4 ou 5 articles qui sont relatifs aux dons et legs charitables ; tout le reste des résolutions porte sur les fondations d'instruction.
Je m'étais demandé si, dans cette situation, il n'était pas plus convenable de confier aux sections ou à la section centrale, dans leur forme actuelle et avec leur signification provisoire, les procès-verbaux mêmes, que de les imprimer, puisqu'ils ne constituent point la formule définitive de la pensée des honorables membres de la commission.
Si cependant, dans la situation que j'explique, la Chambre éprouvait le désir de voir imprimer ces procès-verbaux, je ne viendrais pas m'y opposer. Je soumets à la Chambre la question de convenance qui m'a fait hésister à imprimer des documents qui ne peuvent pas être considérés, je le répète, comme la pensée définitive d'une commission, et comme n'offrant pas par conséquent la forme d'un projet de loi qui ait été préparé par la commission.
Maintenant, voici ce que je consentirais volontiers à faire : ce serait de communiquer les deux registres de la commission aux sections et à la section centrale, en d'autres termes de les déposer sur le bureau, et les membres de cette Chambre pourraient voir quelle peut être, au point de vue de la discussion ultérieure, l'utilité de l'impression de ces procès-verbaux.
Mon intention était de communiquer à la section centrale la formule des diverses résolutions prises par la commission. cette formule a été extraite dans les procès-verbaux avec toute l'exactitude possible.
Je pensais qu'il y avait là de quoi satisfaire le désir que pourraient avoir les membres de cette assemblée de connaître les opinions de la commission.
Au surplus, ces opinions ne doivent rester un secret pour personne.
Je n'ai jamais eu l'intention de les cacher. Elles seront donc appréciées.
Mais j'ai trouvé que l'impression des procès-verbaux, dans leur ensemble, ne peut avoir l'utilité qu'on peut attendre des documents de cette Chambre.
Je le dis, parce que ces procès-verbaux n'ont pas été formulés au point de vue de la publicité, qu'ils n'ont pas été résumés dans un rapport et qu'ils ne sont pas la pensée définitive de la commission.
Je me conformerai du reste à la résolution que prendra la Chambre après ces explications.
M. de Theux. - Je recommence par remercier M. le ministre de la justice de ce qu'il ne s'est pas opposé à l'impression des procès-verbaux. Je n'attendais pas moins de sa part. C'est un acte de loyauté, dont je le remercie. Je le remercie également des explications qu'il a données sur la portée du travail de la commission. C'est dans ces termes que la Chambre pourra l'examiner ; mais je tiens beaucoup pour ma part, et je suis persuadé que les membres de cette Chambre tiendront beaucoup comme moi à en prendre connaissance.
Ce n'est pas une question de personnes ; c'est une question d'intérêt public : Quel est le meilleur système, le plus fructueux et présentant des garanties suffisantes pour soulager le plus de misères possible ? C'est un but éminemment social, et je vois avec plaisir que M. le ministre de la justice est disposé à accepter les améliorations que chacun serait disposé à introduire dans le projet. Je persiste donc dans la demande d'impression des procès-verbaux ; ils seront appréciés dans les termes et au point de vue que M. le ministre a indiqués.
M. Verhaegen. - Si mes souvenirs sont fidèles, une commission a été nommée naguères, à l'effet d'examiner une question très importante, celle qui se rattache aux bourses de fondation. C'est cetle commission qui, accessoirement à la question principale, en a examiné d'autres qui toutes se lient intimement comme prenant leur source dans un seul et même principe.
Ainsi, si l'on croit devoir donner de la publicité à certains procès-verbaux de la commission, il faut les imprimer tous, aussi bien ceux qui concernent les bourses de fondation et les fondations pieuses que ceux qui se rattachent à la réorganisation des bureaux de bienfaisance et aux questions de charité, il serait par trop commode de se borner à publier ce qui convient à certaines opinions, et à laisser le reste sous le boisseau.
(page 531) M. de Theux. - Cela est juste.
M. le ministre de la justice (M. Faider). - Dans ma pensée, si les procès-verbaux de la commission doivent être imprimés, ils doivent l'être dans leur entier, c'est-à-dire que l'ensemble des travaux de la commission doit être connu.
En effet, lorsque la commission s'est occupée de la question des fondations charitables, les procès-verbaux constatent qu'elle s'est référée à des décisions antérieures sur la matière des fondations de bourses. Ainsi, l'ensemble logique de ces travaux ne peut être bien compris qu'en ayant le tout sous les yeux.
Mais je dois de nouveau prévenir la Chambre que, dans ma pensée, il eût peut-être été plus convenable d'examiner ces procès-verbaux dont les originaux auraient été déposés sur le bureau, avant d'en ordonner l'impression, parce qu'ils contiennent beaucoup de choses qu'on pourrait juger inutiles et dont la connaissance peut sans inconvénient ne pas être donnée au public. Mais, je le répète, je n'ai jamais eu l'intention de cacher en quoi que ce soit les travaux de la commission dont les discussions peuvent être d'une grande utilité pour l'appréciation des principes à admettre en matière de fondations charitables.
Je m'en rapporte donc à la résolution que la Chambre prendra sur les explications que je viens de lui fournir au point de vue de la convenance et de l'opportunité.
M. le président. - La Chambre prendra une résolution, lorsque M. le ministre aura déposé les procès-verbaux dont il vient d'être question.
- Plusieurs membres. - Non ! tout de suite.
M. le président. - Si la Chambre veut décider immédiatement, je mettrai la proposition d'impression aux voix.
M. Verhaegen. - Je désire savoir si la proposition de l'honorable M. de Theux doit avoir pour conséquence l'ajournement de l'examen des projets de loi en sections jusqu'après l'impression des procès-verbaux de la commission.
Avant d'émettre un vote, il faut savoir quelle sera la portée de la décision de la Chambre. Chacun réglera son vote d'après ce renseignement.
M. le président. - La Chambre a décidé que l'examen en sections des deux projets de loi aurait lieu mercredi. Personne n'a proposé l'ajournement de cet examen.
M. de Theux. - Je n'hésite pas à répondre à l'honorable député de Bruxelles, que je ne demande pas l'ajournement de l'examen des projets et que, dans ma pensée, c'est l'impression de tous les procès-verbaux de la commission comme lui-même le demande, qui doit avoir lieu. Il ne peut y avoir d'objection sérieuse à cet égard, car il est impossible que l'on puisse, à une simple lecture au bureau, apprécier l'importance des délibérations d'une semblable commission. Il faudrait des mois entiers pour que chacun pût en prendre connaissance ; car il faudrait admettre que chaque membre pourrait emporter chez lui ces documents pour les étudier et en faire des extraits.
Du moment où l'on a livré à la publicité les travaux de la grande commission militaire, ceux de la commission du Code forestier et de la commission du Code hypothécaire, il serait impossible de concevoir que, dans cette circonstance, il pût y avoir divergence d'opinion sur la publicité des travaux dont il s'agit.
M. Rousselle. - Je désire savoir combien de temps il faudrait pour imprimer ces procès-verbaux.
Le motif de ma demande, c'est que, si les membres de la Chambre ne peuvent pas connaître l'avis de la commission avant d'aller en section, l'impression pour le moment devient parfaitement inutile.
Si les procès-verbaux ne devaient être qu'à la disposition de la section centrale, sauf à les fournir à la Chambre avant la discussion générale, alors nous pouvons aller en section mercredi, pour commencer notre examen, et M. le ministre aurait le temps d'examiner si l'on peut imprimer les procès-verbaux en entier ou par extrait. Car je n'ai pas entendu que M. le ministre se soit encore prononcé à cet égard.
Quant à moi, j'avoue que je n'irais en section qu'à regret, si je ne connaissais pas les procès-verbaux de la commission ; je ne serais pas suffisamment éclairé pour prendre à la discussion en section la part que j'aurais voulue, et je crois que beaucoup de membres de la Chambre sont dans le même cas.
Si donc M. le ministre pouvait nous assurer que dans huit ou dix jours les procès-verbaux pourront être imprimés, je demanderais l'ajournement de l'examen en section jusqu'après cette impression.
M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, ces procès-verbaux forment deux volumes petit in-folio de l'épaisseur d'un doigt. Je crois que l'impression pourrait en être faite dans les huit ou dix jours, toutefois j'ignore quelles sont les ressources que l'imprimeur à sa disposition.
M. Tesch. - Je demande qu'on imprime à la suite des procès-verbaux la lettre écrite par le président à M. de Haussy, ministre de la justice.
M. le ministre de la justice (M. Faider). - En adressant à M. le président de la Chambre les deux cahiers qui renferment les procès-verbaux, je fournirai quelques explications sur la marche des travaux de la commission et sur la manière dont ils ont été interrompus par une déclaration qui a été adressée à un de mes prédécesseurs, l’honorable M. de Haussy.
M. Rousselle. - Messieurs, si les documents dont il s'agit pouvaient être imprimés promptement, la Chambre ferait chose utile en ajournant l'examen en sections jusqu'à ce qu'ils aient été distribués, et puisque l'on assure que cela ne pourrait durer que 10 à 12 jours tout au plus, suspendons notre examen quelque temps et les membres de la Chambre seraient beaucoup mieux préparés pour la discussion. Il n'y a point de péril en la demeure.
Je demande que l'examen en sections soit ajourné jusqu'à ce que les documents aient été distribués.
M. de Decker. - Messieurs, je n'ai, quant à moi, aucun parti pris dans cette question ; je l'aborde avec la plus entière bonne foi et je suis prêt à me livrer dès demain à l'examen en sections. Cependant les observations de l'honorable M. Rousselle me paraissent parfaitement fondées. Si nous voulons que l'impression porte ses fruits, elle doit avoir lieu avant que les sections ne commencent l'examen des projets de lois. D'un autre coté, je ne vois pas grand inconvénient à ce que cet examen soit retardé de 6 à 8 jours, d'autant plus que la discussion du budget de l'intérieur durera encore bien une huitaine de jours.
J'appuie donc la proposition de l'honorable M. Rousselle, de différer l'examen en sections jusqu'à ce que les documents dont il s'agit aient été distribués.
M. Verhaegen. - Messieurs, je vois clairement qu'un ajournement de 8 jours amènera un ajournement indéfini. Les procès verbaux de la commission sont volumineux, M. le ministre de la justice nous en a donné tantôt un petit échantillon. Quant à moi, messieurs, je ne veux être pour rien dans cet ajournement et d'avance j'en répudie toute responsabilité.
M. le ministre de la justice (M. Faider). - Il me semble, messieurs, que les sections peuvent très bien s'occuper mercredi des projets de lois sans avoir les procès-verbaux sous les yeux. L'examen de ces projets n'est pas une affaire d'un ou de deux jours et l'on peut se livrer à une discussion préparatoire, en attendant que les documents soient distribués ; la distribution faite on pourra continuer la discussion sur les détails et l'on verra bientôt que les procès-verbaux qui concernent les dons et legs ne sont pas très longs ni difficiles à apprécier.
Il me semble donc, messieurs, qu'il n'y a pas de motifs pour retarder l'examen en sections, d'autant plus que les documents dont il s'agit ne sont pas, en définitive, le principal élément de la discussion.
M. Delehaye. - Messieurs, je me trouve dans les mêmes dispositions que l'honorable député de Termonde ; j'examinerai les projets avec la plus grande impartialité et sans aucune espèce de parti pris. Mais lorsque la Chambre a décidé que les documents seraient imprimés, elle a probablement eu pour but de s'éclairer ; or, à quoi servirait l'impression, si l'on discutait les projets sans avoir les documents ? Je suppose que ces documents aient assez d'importance pour faire changer une résolution prise ; mais alors il vaudrait infiniment mieux les consulter avant de prendre cette résolution.
Je me joins à l'honorable M. Rousselle pour demander que les sections ne se réunissent que quand les documents seront distribués.
M. Malou. - N'y a-t-il pas moyen, messieurs, de concilier les deux opinions ? On pourrait peut-être examiner mercredi le premier projet, le projet relatif à la réunion des hospices et des bureaux de bienfaisance, et remettre à huitaine l'examen du projet sur les dons et legs charitables. Il résulte des explications données par M. le ministre de la justice que les procès-verbaux de la commission sont un document utile à consulter pour l'examen du deuxième projet, mais je ne pense pas que pour le premier projet nous puissions trouver dans les travaux de la commission tels qu'ils sont définis par M. le ministre de la justice les éclaircissements suffisants pour motiver un ajournement.
M. le ministre de la justice (M. Faider). - Les paroles que vient de prononcer l'honorable M. Malou m'amènent à attirer l'attention de la Chambre sur un point, qui me paraît d'une certaine importance dans la pensée du gouvernement (et ici c'est une affaire non seulement de bonne foi, mais une affaire de texte, résultant des exposés des motifs) ; les deux projets ont des liens indissolubles, à tel point qu'il ne semble que les sections ne pourront pas avoir intention de nommer deux sections centrales pour les deux projets de lois.
Il me semble, et c'est un vœu que j'exprimerais s'il y avait le moindre doute sur ce point, il me semble que c'est une seule et même section centrale qui doit être appelée à examiner les deux projets et à faire les rapports. Je n'ai pas besoin d'entrer dans des détails pour faire comprendre les motifs qui militent en faveur de cetle manière de procéder.
Maintenant, messieurs, je persiste à penser que les sections peuvent très utilement consacrer pendant les premiers jours quelques heures à la discussion des principes des deux projets ; pendant ce temps les procès-verbaux pourront être imprimés.
Je pense même que ces procès-verbaux pourront être utiles, même pour l'examen des deux projets de lois. Il y a dans le projet de loi d'organisation certains principes qui ont déjà fait l'objet de raisonnements en sens divers dans la presse, qui se rattachent à certaines discussions de la commission et pour l'appréciation desquelles il pourra être utile d'avoir tous les documents sous les yeux.
M. Verhaegen. - Il y aurait peut-être moyen de mettre tout le monde d’accord. Les procès-verbaux qu’il faut imprimer sont très volumineux ; il y aura deux petits volumes in-folio, d’après ce qu’a dit M. le ministre de la justice, combien de temps prendra l’impression ? Sans exagération, peut-être une dizaine de jours, 8 à 10 jours tout au moins. Maintenant, quand vous aurez les deux volumes, il ne suffira pas de les (page 532) porter sous le bras pour venir en sections, il faudra les examiner ; cela exigera autant de jours qu'il en aura fallu pour l'impression. Sans exagération, tout cela doit aller à une quinzaine de jours.
Eh bien ? si cela doit être, le temps pourrait être utilisé ; M. le ministre de la justice pourrait compléter le système en présentant le projet de loi sur les bourses de fondation ; ainsi les deux projets de loi dont nous sommes déjà saisis, ont une connexité entre eux, le troisième projet dont je parle a également de la connexité avec l'un et l'autre de ces deux projets.
M. de La Coste. - Messieurs, c'est évidemment à M. le ministre de la justice à savoir dans quel temps il pourra présenter le projet de loi auquel l'honorable M. Verhaegen a fait allusion. Je n'entre donc pas dans l'examen de cette question qui ne peut être décidée par la Chambre, puisqu'il s'agit de l'initiative du gouvernement.
Je me bornerai à faire observer que pour cette loi importante sur la charité, que nous avions déjà réclamé depuis plusieurs années, qui nous avait été promise à plusieurs reprises, et dont nous sommes enfin saisis, le gouvernement a pris un temps assez long pour l'examiner et pour la présenter. Maintenant l'essentiel, selon moi, n'est pas que la loi soit faite vite, mais qu'elle soit bien faite.
En conséquence, sans vouloir du tout amener un ajournement indéfini, je pense qu'un ajournement à huitaine ne peut pas entraîner de grands inconvénients. M. le ministre de la justice nous a parlé de deux volumes, mais je crois qu'il a dit deux volumes gros comme le doigt ; d'après cela, il est probable que dans huit jours nous aurons le travail et que nous pourrons alors commencer l'examen du projet de loi dans les sections. M. le ministre de la justice apportera, je l'espère, toute la promptitude nécessaire à nous envoyer les documents, et alors M. le président de la Chambre fera toute la diligence possible pour qu'ils soient imprimés.
Ce sont là des détails matériels sur lesquels nos discussions ne peuvent rien. Il est à espérer que dans huit jours cela se fera. Eh bien, ajournons à huit jours ; si alors il y avait quelque retard matériel, il serait encore libre à l'honorable M. Verhaegen de proposer de suspendre la discussion dans les sections. Mais nous n'avons pas maintenant à prévoir ces retards.
Je pense donc qu'un délai de huit jours pourrait être suffisant et que, dans une matière aussi grave, il serait tout à fait convenable de l'accorder.
- La proposition de M. Ch.Rousselle est mise aux voix et adoptée.
En conséquence la Chambre décide que la discussion des deux projets de loi n'aura lieu en sections qu'après l'impression des pièces dont il vient d'être question dans la discussion.
M. le président. - La parole est à M. David pour développer l'amendement qu'il a présenté à l'article Haras.
M. David. - Messieurs, à côté des bonnes choses, des choses justes et vraies que vient de nous dire l'honorable M. Mascart, vous vous serez tous aperçus qu'il s'est laissé aller à certaines exagérations. Il a, par exemple, taxé de résultat déplorable tout ce que les étalons du haras de Tervueren avaient produit dans le pays. Il nous a dit que le haras de Tervueren emploie à l'amélioration de la race chevaline une espèce de monstre inconnu de Buffon, et ce monstre, c'est le magnifique cheval pur sang anglais, c'est cet animal aux formes élégantes, à l'immense vigueur, que tous nous admirons.
L'honorable membre a attribué toutes les déceptions, tous les insuccès, toutes les pertes éprouvées par l'agriculture à ces étalons du haras de Tervueren ; et il n'a pas pensé que presque toutes les pertes, tous les insuccès, toutes les déceptions provenaient de la faute seule des éleveurs eux-mêmes. En effet, les éleveurs présentent toute espèce de juments, bonnes ou mauvaises, à la saillie des étalons de l'Etat, et ces éleveurs voudraient qu'avec une mauvaise rosse de jument, les étalons donnassent des produits superbes.
L'honorable M. Mascart nous a dit encore que les chevaux croisés ne peuvent pas être employés pour les travaux des champs à deux ans, et qu'il faut les conserver jusqu'à 4 ou 5 ans, avant de pouvoir arriver à les vendre.
Cela est tout à fait inexact, le cultivateur peut tout aussi bien employer à ces divers services un produit croisé avec le pur sang anglais à 2 ou à 3 ans qu'il emploie le cheval de pure race du pays. La seule chose qu'on puisse reprocher aux produits des étalons de pur sang, c'est qu'ils sont quelquefois un peu décousus, c'est-à-dire, ayant certaines parties du corps fort belles, tandis que d'autres laissent à désirer. Mais, messieurs, une amélioration constante et générale qu'on a remarquée dans tous les produits provenant de ces étalons, c'est une plus grande vigueur, plus de muscles, plus d'énergie, plus de durée que chez les chevaux de race pure du pays.
C'est là une véritable supériorité. S'ils ont un peu perdu au coup d'œil, ils ont amplement racheté le défaut signalé par les qualités que je viens d'indiquer.
Messieurs, quoique j'aie toujours été partisan d'un haras entre les mains du gouvernement, je ne l'ai été néanmoins qu'aussi longtemps que j'ai nourri l'espoir que le gouvernement en changerait l'organisation, en ce sens que les efforts faits l'auraient été dans le but d'améliorer les races du pays par les races mêmes du pays. Je n'ai jamais approuvé le chiffre élevé qu'on nous a demandé pour les achats annuels d'étalons.
Jusqu'en 1852, on nous a demandé 60,000 fr. pour ce-service. Je trouvais déjà ce chiffre trop élevé.
En 1853, on a demandé 100,000 francs ; on nous demande de nouveau 100,000 fr. pour 1854. Je ne puis pas plus aujourd'hui que précédemment, approuver de ce chef une dépense de 100,000 fr., un crédit de 40,000 fr. pour un haras dirigé dans le sens des observations que je viens de présenter, serait complètement suffisant.
J'avais prévu une réduction du chiffre, mais j'étais bien loin de m'attendre à ce que l'on viendrait demander la suppression totale de l'allocation de 100,000 fr. L'amendement qu'on a développé tout à l'heure propose la suppression non seulement du crédit, mais du haras lui-même ; cet amendement m'a paru avoir des chances de réussite, et j'ai cru de mon devoir de tâcher de le rendre moins pernicieux pour l'agriculture.
Je n'ai pas besoin de vous prouver qu'on demande la suppression du haras. Les développements y donnés par son auteur, et les expressions dont il s'est servi, le démontre à l'évidence. Cependant j'en dirai quelques mots. On n'achètera pas d'étalons et nous serons réduits aux étalons vieux, et hors de service qui nous restent.
Ils seront trop peu nombreux pour en faire la distribution dans les localités habituées à recevoir les stations des provinces ; de là coalition, des plaintes et des récriminations ; que fera alors le gouvernement pour apaiser les plaintes, les récriminations ? Ne pouvant satisfaire tout le monde, il devra s'abstenir de tout envoi d'étalons dans aucune station. Voilà donc le haras supprimé. Mais l'amendement de ces honorables membres n'amènera cet état de choses que progressivement ; il me paraît donc incomplet, insuffisant et même dangereux.
Il est incomplet, parce qu'il démolit ce qui existe sans rien indiquer ni proposer pour mettre à la place ; il est insuffisant, parce qu'il laisse subsister pendant quelque temps encore quelques rares étalons dont plusieurs sont vieux et quelques-uns hors de service ; à cause de ces quelques étalons, vous serez obligés de maintenir des frais de matériel et de personnel et d'occuper un local pour cet ombre de haras.
Je le trouve dangereux, d'un autre côté, parce que je me demande où l'éleveur devra s'adresser quand le haras n'existera plus, lorsqu'il voudra retremper à des sources pures et améliorer la race chevaline, où il trouvera des reproducteurs convenables.
Je réponds à ces questions, qu'il ne pourra plus en trouver. Il devra s'adresser aux étalons appartenant à des particuliers et vous ne savez que trop bien que 99 sur 100 de ces étalons laissent à désirer sous une multitude de rapports.
Cette nécessité de s'adresser à des étalons imparfaits durera probablement bien des années, toujours peut-être, car les membres de cette Chambre qui se sont occupés de l'élève du cheval le savent parfaitement ; il est infiniment onéreux, trop difficile et dangereux pour le cultivateur qui veut tenir un étalon, de le garder quand il veut le faire servir à la reproduction exclusivement. Le chapitre des accidents est là, la perte d'un étalon est une ruine pour son propriétaire, sans compter qu'un étalon est un animal très incommode dans une écurie.
Si les éleveurs ne peuvent adresser leurs juments qu'à ces étalons communs, à têtes charnues, à vue faible, aux ganaches lourdes et pesantes, aux jambes engorgées, graisseuses, qu'on prend pour des muscles et de la force, tous défauts qui à un œil peu exercé échappent très facilement et qui sont les attributs de toutes les espèces malsaines et lymphatiques, si on est obligé, dis-je, de s'adresser à ces mauvais étalons, que deviendront les diverses races de chevaux de notre pays ? Elles se détérioreront davantage que précédemment et nous aurons des chevaux plus chétifs et plus rabougris encore que ceux que nous possédons en ce moment.
Il y a bien d'autres défauts qui échappent à un œil peu exercé, que je pourrais citer, mais je n'en ferai pas la nomenclature.
Nous devrons renoncer à l'élève du cheval de selle et de cavalerie, et du cheval de voiture. Nous devrons recourir à l'étranger ; les éleveurs, par conséquent, devront se contenter des prix de 200 à 500 fr. pour leurs jeunes chevaux de l'âge de trois ans, tandis que des produits, quelque peu améliorés pouvaient se vendre de 800 à 1,000 fr. C'esi donc une perte pour les agriculteurs.
L'amendement est encore très dangereux au point de vue du trésor public. En effet, on supprime les achats d'étalon, mais on oublie de faire disparaître, autant que possible, le personnel ; le matériel reste, aussi, et l'établissement lui-même continue à exister.
L'établissement actuel, nous devrons bientôt le transférer dans un autre local. Si le local est celui qu'on m'a indiqué, une ancienne distillerie à Lessines, je pense que nous serons exposés, pour l'approprier à sa nouvelle destination, à faire d'énormes dépenses ; les toitures qui sont en toile cirée et goudronnée, sont complètement pourries ; il faut ensuite que les bâtiments soient distribués autrement et que d'immenses réparations y soient faites.
Voilà donc l'autre côté dangereux de l'amendement. Pour éviter tous les dangers et les dépenses inutiles qu'il présente, il faut examiner sérieusement celui que j'ai eu l'honneur de déposer. Je vais avoir l'honneur de vous le développer en vous expliquant les articles que je modifie.
L'article 51 tel qu'il est proposé porte une allocation de 49,000 fr. J'admets la moitié de cette dépense jusqu'au 30 juin, soit 24,500 fr. A partir de cette époque, je propose de mettre en disponibilité tous les employés du haras aux 2/3 de leurs traitements et indemnités, ce qui (page 533) fait 16,433 fr. ; de sorte que l'ensemble de l'article 51 serait de 40,933 fr.
Je place les employés du haras en disponibilité du 30 juin au 31 décembre, parce que je pense que les étalons envoyés en station dans les provinces rentrent vers la fin du mois de mai, on aurait le temps du 1er au 30 juin de vendre les étalons soit dans une vente générale à Tervueren, soit dans les provinces où ils sont, en réunissant au chef-lieu de province tous ceux qui sont en station dans une même province.
L'article 52 a rapport au matériel. Si je comprends bien par matériel on entend le fourrage, l'entretien des étalons ; comme je ne veux conserver les étalons que jusqu'au 30 juin, je n'alloue la somme pour le matériel que jusqu'à concurrence de 31 mille francs, la moitié de 62,000 portée au budget pour toute l'année pour aller jusqu'au 30 juin, époque à laquelle il ne devra plus se trouver d'étalons à Tervueren.
J'arrive à la partie la plus essentielle de mon amendement, à celle qui est relative aux primes. Je rédige l'article comme suit :
Art. 52bis. Primes à accorder dans les neuf provinces aux propriétaires des 72 étalons, 63 des races du pays et 9 de pur sang anglais ou arabe les plus propres à l'amélioration de l'espèce chevaline ; ces étalons doivent faire la monte, 90,000 fr.
D'abord, voici comment je répartis la somme :
J'alloue 1,000 francs à chaque étalon de race du pays. Il y a 7 étalons par province. Cela fait pour tout le pays, 63,000 fr.
A côlé de cela, j'établis un étalon de pur sang anglais ou arabe par province. Pour chacun de ces étalons la prime est de 3,000 fr. Cela fait, pour toute la Belgique, 27,000 fr.
Total, 90,000 fr.
Voici, ce me semble, les avantages incontestables de mon système de prime : d'abord économie sur le budget. En effet, pour cette année, nons aurons à peu près 90,000 fr. d'économie. Pour les années suivantes, nous aurons régulièrement 88,364 fr. d'économie sur ce qui existe aujourd'hui. Nous obtiendrons, par mon amendement, la localisation des races propres à nos diverses contrées, d'après la fertilité, le climat et la conformation du sol.
C'est, je pense, un grand point ; car vouloir, par exemple, croiser la race flamande avec la race ardennaise, est un véritable non-sens ; au moyen du haras, c'est cependant bien un peu ce qu'on a voulu faire, en opérant des accouplements d'animaux disparates pour les formes et possédant des qualités tout à fait différentes.
Les primes doivent être absolument les mêmes pour les étalons de tout le pays. Ce serait 1,000 fr. ; il faut au moins cette somme si l'on vent encourager les éleveurs, car il faut faire de grands frais pour bien élever un cheval. Le système de l'amélioration de la race par la race même a été assez prôné par les hommes les plus versés dans la science hippique ; je ne crois pas nécessaire de le démontrer après eux et je suis intimement convaincu que nous devons définitivement adopter ce système, si nous voulons arriver à des succès et à une amélioration véritable.
Nous obtiendrons, au moyen de mon amendement, une véritable émulation parmi tous les éleveurs. Lorsque le gouvernement nous envoyait des étalons en station dans les provinces, cette émulation n'existait pas.
Vous n'obteniez pas ainsi qu'on s'efforçât d'élever de bonnes poulinières, afin de produire de bons étalons. Mais, par l'appât des primes, vous encouragez tout le monde à employer tous les moyens d'améliorations afin d'arriver par l'élevage de bonnes juments à produire de superbes étalons ; vous verrez s'établir de véritables courses au clocher, afin d'obtenir ces primes. Chacun s'évertuera à rechercher les bêtes les meilleures, les étalons les plus distingués pour obtenir le reproducteur, avec lequel il espérera un jour ou l'autre s'assurer une des primes.
Vous vous trouverez dans l'embarras pour décerner les primes pendant la première et la deuxième année ; en voici la raison : Vous ne trouverez pas dès le principe des étalons assez distingués pour les mériter. Mais une fois arrivés à la troisième année, l'ambarras sera tout autre ; vous n'aurez plus que celui du choix parmi les nombreux étalons dignes d'obtenir ces primes ; ils seront tellement perfectionnés et en si grande quantité que la commission instituée pour décerner ces encouragements pécuniaires sera très embarrassée pour distinguer les meilleurs reproducteurs parmi tant d'animaux vigoureux, aux formes élégantes, de taille convenable, sans défauts, à peu près parfaits en un mot.
Un autre avantage, qui n'est pas le moindre, c'est que, dans l'espoir d'obtenir une prime, on élèvera une si grande quantité de sujets magnifiques, qu'à côté de celui qui l'aura obtenue, vous aurez 50 autres étalons, presque aussi beaux et parfaits que lui, qui pourront aussi très utilement servir à la reproduction d'une espèce qui ainsi s'améliore rapidement.
Voilà mes observations, quant aux chevaux de races du pays, quoique l'honorable M. Mascart ait taxé de monstres les étalons de race anglaise et arabe...
M. Julliot. - Ce sont les produits qui avaient été qualifiés ainsi.
M. David. - J'avais mal compris.
Quant à moi, je considère, comme nous étant nécessaire, l'étalon de pur sang anglais et l'étalon arabe, et je crois que beaucoup de membres de cette Chambre seront de mon avis. Le cultivateur n'en usera, en général, que peu ou point, pour les juments qu'il aura à faire saillir ; mais nous avons une catégorie d'éleveurs qui s'occupe de la production du cheval de luxe, du cheval de selle, de voiture, de cavalerie, nous devons donner à cette catégorie d'éleveurs, heureusement assez nombreuse en Belgique, le moyen de perfectionner cette espèce de chevaux qui manque en partie en Belgique, et que le plus souvent nous sommes obligés d'aller chercher à l'étranger.
Si j'ai compris dans mon amendement l'étalon arabe, c'est que j'ai pensé qu'il était le plus convenable pour l'amélioration de la race ardennaise. L'histoire nous apprend que la race ardennaise a été améliorée au XIIème siècle par l'introduction de chevaux arabes que les abbés de Saint-Hubert et Godefroid de Bouillon ont introduits lors des Croisades dans les Ardennes.
Pour arriver d'une manière rationnelle à un plus grand perfectionnement de cette race qui déjà tient de l'arabe, par son œil vif, sa belle tête osseuse et carrée, les qualités des membres secs et nerveux, son développement musculaire, sa vigueur, sa sobriété, sa solidité et sa vivacité, il faut la retremper dans le sang pur de ses ancêtres de race arabe. Voilà pourquoi j'ai maintenu dans mon amendement le cheval de race arabe qui sera recherché par ceux des éleveurs ardennais qui désireront donner aux chevaux de cette contrée la seule chose qui leur manque, l'élégance des formes.
J'ai fixé pour les étalons de pur sang le chiffre de la prime à 3,000 fr. ; parce que ce n'est pas avec 1,000 ou 1,200 fr. que vous l'encouragerez à acheter un reproducteur qui coûtera de 8,000 à 10,000 fr. Il faut que celui qui fera venir un étalon d'Angleterre, voire même de l'Orient, ait l'espoir de pouvoir être indemnisé sinon de ce qu'il coûte, du moins d'une partie de son capital, en cas d'accident. L'appât de chacune de ces primes suffira pour déterminer l'achat à l'étranger de 8, 10 peut-être de 20 étalons, dont bon nombre resteront dans le pays et concourront au perfectionnement de la race chevaline.
Afin de donner une garantie à ceux qui seraient portés à croire que les primes pourraient être accordées par faveur, nous demandons au gouvernement de faire un règlement où il sera dit que les commissions provinciales d'agriculture ou les comices agricoles réunis institueront les sous-commissions d'examen des étalons qui, messieurs, indiqueront les sept étalons de race du pays et l'étalon de pur sang dans chaque province, qui doivent obtenir les primes à décerner.
A mon avis, les résultats obtenus par le haras de Tervueren quant à présent n'ont pas été suffisants pour que nous le maintenions. Mais si nous le supprimons, nous devons le remplacer par quelque chose d'aussi favorable que possible à l'agriculture. Je pense que mon amendement renferme le véritable système auquel nous devons définitivement nous arrêter.
Je dirai, en terminant, que, dans ma pensée, les économies que nous pourrions faire sur le haras devraient être reportées sur la voirie vicinale qui intéresse à un si haut degré l'agriculture. Comme nous lui retirons une partie de son subside à l'article haras, il est de toute justice de le lui rendre d'un autre côté pour l'amélioration des chemins vicinaux qui constitue l'encouragement le plus efficace pour elle.
M. le président. - Voici un amendement que M. Pierre vient de faire imprimer :
« Supprimer l'article 51 et le littera a n°1 et 2 de l'article 52 du budget et les remplacer par la disposition suivante :
« Distribution de chaux à prix réduit : fr. 75,000. »
La parole est à M. Pierre pour développer son amendement.
M. Pierre. - Messieurs, dix-sept de nos honorables collègues proposent la suppression des 100,000 francs, destinés à l'achat d'étalons. C'est une demi-mesure. Il importe, me semble-t-il, d'aborder la question plus au fond. De deux choses l'une : le haras est utile ou il ne l'est pas. S'il est utile, pourquoi le priver des moyens de produire les avantages qu'on en attend ; si, au contraire, il n'est point utile, pourquoi le maintenir en ne le laissant plus que végéter ? N'est-il pas préférable de le supprimer immédiatement ?
C'est le premier but de mon amendement. Si le haras était un établissement de création nouvelle, je comprendrais que l'on soulève la question, dont je parlais à l'instant, celle de savoir quel est son degré d'utilité. Je n'ignore pas combien les essais d'amélioration rencontrent souvent une opposition dangereuse. cette opposition prenant sa source dans les préventions vulgaires, ne supporte par la moindre déviation à des routines quelquefois séculaires, qui devraient avoir fait leur temps.
Elle oppose toujours aux tentatives de perfectionnement la plus décourageante inertie. Il lui arrive même d'aller plus loin ; elle le combat ouvertement, systématiquement ; elle repousse ses tentatives, dès qu'elles apparaissent, sans consentir à ne les juger qu'après l'épreuve de l'expérimentation. A-t-on agi de la sorte pour l'institution dont je m'occupe ? Evidemment non. Le haras existe depuis plus de trente ans. On a pu le juger à l'œuvre. Qu'a-t-il produit ? Rien de bon. Nos cultivateurs n'en veulent plus et s'en éloignent. Il est reconnu que le meilleur mode, c'est d'améliorer la race par les plus beaux sujets de la race elle-même. La presque totalité des produits du haras laisse beaucoup à désirer. En fût-il autrement que le haras ne produirait pas encore le résultat, dont on avait conçu l'espoir en le créant.
On sait combien il en coûte pour élever dans toutes les conditions voulues, un cheval de race anglaise jusqu'à l'âge de 3 ou 4 ans, époque la plus habituelle de la vente.
Un pareil genre d'industrie convient à l'Angleterre, où l'on rencontre de nombreuses et immenses fortunes. Il n'est pas rare dans ce pavs de voir vendre des chevaux 12,000, 15.000 et 20,000 fr. Qui, en Belgique, (page 354) pourrait acheter des chevaux à ce prix ? Fort peu de personnes ; trop peu, assurément, pour qu'une telle industrie puisse vivre, se développer, prospérer sur notre sol. Sous ce double rapport le haras est jugé. Ses produits n'ont pas répondu à l'attente qu'on s'en était faite, et l'industrie de l'élève des chevaux croisés n'a pas chez nous de chance suffisante de vie, de développement, de prospérité. Cela étant établi, nous devons cesser d'imposer à l'Etat une charge inutile, nous devons dès maintenant supprimer le haras.
Profitant de l'économie qu'amène la suppression, je propose d'appliquer une partie de la somme à en provenir jusqu'à concurrence de 75,000 fr., à l'achat de chaux à prix réduit. J'ai éprouvé une pénible surprise en apprenant que le gouvernement avait l'intention de ne prendre à cet égard aucune initiative. Il y a quelques mois à peine, une discussion longue et approfondie fut agitée dans cette enceinte. Elle se termina par un vote de la Chambre, allouant 75,000 fr., dont je demande l'allocation pour l'exercice prochain. L'avantage signalé, que fournit l'emploi de la chaux à prix réduit, ne peut plus laisser de doute à personne. Une enquête administrative complète ordonnée par le gouvernement, l'a prouvé à la dernière évidence. La discussion, qui eut lieu tout récemment ici et dont je viens de parler, a dissipé jusqu'au moindre scrupule. Il serait superflu d'entrer de nouveau dans les détails, la Chambre ne les a pas encore perdus de vue. Je me bornerai à constater qu'outre l'accroissement de la fortune publique, conséquence certaine de la distribution de la chaux à prix réduit, la dépense ne sera pas improductive pour le trésor de l'Etat lui-même.
La plus-value des terrains soumis à la culture perfectionnée donnera une augmentation notable de contributions, lors de la première révision cadastrale. Les 75,000 fr. profiteront aux trois provinces de Liège, de Namur et de Luxembourg. Je ne puis laisser passer inaperçue la situation anomale, exceptionnelle de cette dernière province, que j'ai l'honneur de représenter plus particulièrement. Elle n'a ni commerce, ni industrie ; elle se trouve dans un véritable isolement ; elle est en dehors du recouvrement général des affaires. La production agricole subit les conditions les plus défavorables. Le producteur luxembourgeois ne peut vendre que sur place, il est privé de toute espèce de débouché. Il ne peut transporter ses produits sur les marchés intérieurs du pays. Des deux autres côtés il est enserré par les frontières de France et du Grand-Duché. Le Luxembourg est réellement aujourd'hui une impasse. Cet état de choses regrettables durera aussi longtemps que le chemin de fer ne sera pas terminé.
L'îlotisme industriel, commercial, agricole du Luxembourg provient sans contredit de l'absence de la voie ferrée en construction. Jusqu'à ce que le Luxembourg soit doté de ce grand moyen de communication rapide et économique, laissez-lui au moins, messieurs, la faible compensation qu'il réclame et que vous avez à bon droit cru devoir lui accorder l'année précédente, laissez au Luxembourg la chaux à prix réduit si nécessaire au perfectionnement de son agriculture et à la fertilisation de ses landes incultes.
Quand son chemin de fer qu'il attend avec impatience, comme une source de régénération, sera terminé, il ne vous demandera plus aucune faveur, soyez-en bien certains. Si des motifs aussi déterminants ne suffisaient pas, j'en ajouterais un, que j'ai déjà fait valoir dans la dernière discussion. Allouer les crédits que je demande, c'est faire plus que poser un acte utile, convenable, juste.
Je dirai, messieurs, que c'est pour vous autre chose, c'est accomplir un devoir, c'est payer une dette légitime. N'est-ce point l'intérêt social du pays qui a dicté la loi du 25 mars 1847 sur le défrichement ? Malgré les plus vives, les plus profondes répugnances du Luxembourg pour cette loi, il s'y est résigné qnoique à regret.
On ne peut se dissimuler que l'exécution d'une telle loi a constitué un sacrifice très désagréable et très pénible pour la province ; cependant, elle l'a souffert sans trop se plaindre. Mais, messieurs, n'oubliez pas qu'en créant une foule de petits propriétaires et surtout de locataires pour arriver à notre but : le défrichement, vous avez contracté une sorte d'engagement moral, formel quoique tacite, de leur venir en aide, dans une certaine mesure, pour atteindre ce même but. La législature de 1847 l'a entendu ainsi et elle n'a voulu laisser aucun doute à ce sujet. Elle a inscrit dans la loi la distribution de la chaux à prix réduit comme corollaire du défrichement. Refuser la somme à ce destinée, ne serait-ce pas renier cet engagement ou tout au moins se soustraire à ses conséquences ! Non, j'ose l'espérer, la Chambre ne le voudra pas. Si j'ai proposé 75,000 francs, messieurs, c'est qu'aucune raison plausible ne m'a paru justifier l'amoindrissement de ce chiffre, dont l'impérieuse nécessité a été parfaitement démontrée précédemment. J'aime à croire que la Chambre, conséquente avec elle-même, n'hésitera pas à les voter. Le gouvernement, par l'organe de M. le ministre de l'intérieur, a lui-même déclaré, au mois de mars dernier, que diminuer le chiffre, ce serait compromettre le résultat si désirable, nous n'avons donc qu'à en référer à cette déclaration catégorique du gouvernement.
- La séance est levée à 4 heures et demie.