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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 24 mai 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Dumon (page 1463) procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.

La séance est ouverte.

M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dumon fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Des habitants de Cumptich demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton et que le cens électoral différentiel soit rétabli. »

« Même demande d'habitants de Kerckom. »

- Renvoi à la commission des pétitions du mois de mars.


« Les bourgmestre, échevins et conseillers communaux, et des électeurs et autres habitants de Pipaix demandent qu'il ne soit apporté aucune modification à la loi électorale. »

« Même demande des bourgmestre, échevins, conseillers communaux et autres habitants de Tourpes. »

- Même renvoi.


« L'administration communale de Clercken prie la chambre de lui accorder un subside extraordinaire pour l'aider à couvrir les frais d'entretien des indigents de cette commune qui se trouvent au dépôt de mendicité ou à l'école de réforme de Ruysselede, ou de faire renvoyer de ces établissements des indigents de Clercken. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Braine-l'Alleud déclare adhérer à la pétition du conseil communal de Nivelles, relative à la concession d'un chemin de fer de Nivelles à Groenendael. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession.


« Le sieur André Petitjean, maréchal-ferrant à Lugny, né à Cons-la-Granalle (France), d'un père belge, prie la chambre de décider s'il est Belge et, en cas de négative, de lui accorder la naturalisation ordinaire avec exemption du droit d'enregistrement. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.

Rapports sur des pétitions

M. Julliot. - Messieurs, par pétition datée du 3 mai 1853, l'administration communale de la ville de Tongres prie la chambre d'imposer à la compagnie concessionnaire de la ligne de Hasselt à Maestricht dont le projet est déposé, l'obligation de construire un embranchement perpendiculaire à cette ligne de Bilsen à Ans par Tongres, tracé à une partie duquel déjà est affectée, par la loi de 1851, une garantie d'intérêt sur un million de francs.

Par pétition datée de la même ville, du 12 du même mois, des centaines d'habitants de Tongres adressent à la chambre une demande analogue. Ces deux pétitions ayant le même but, votre commission a cru pouvoir les résumer dans un seul rapport.

Un membre de la commission ayant recherché les faits antérieurs qui se rattachent à l'objet de ces pétitions, en a fait l'exposé suivant avant de passer à la discussion.

En mars dernier le gouvernement se trouvait en présence de deux demandes de concession de chemins de fer destinés à relier entre elles les localités les plus importantes du Limbourg au mouvement général qui se fait autour de cette province ; l'un projet, celui de l'ingénieur Delaveleye, partait de Louvain sur Aerschot, Diest, Hasselt et Maestricht avec embranchement perpendiculaire de Bilsen à Ans, par Tongres.

Ce tracé qui traversait le centre de l'arrondissement de Tongres, arrondissement encore entièrement dépourvu de chemin de fer, reliait entre elles le plus économiquement et par le moins de détour possible en moyenne, les viles de Liège, Tongres, Hasselt et Maestricht, tout en rapprochant, autant que faire se peut, les cantons de Bilsen, Brée, Mechelen, Sichtn-Sussen et Maeseyck de la ville de Tongres, leur chef lieu judiciaire, où aussi se font les affaires de commerce de toutes ces populations, car si Hasselt est la ville de fabrication en ce qui concerne les alcools, Tongres avec ses trois grands marchés par semaine est le grand dépôt des denrées alimentaires de la ville de Liège et des populations qui l'entourent.

L'autre projet, présenté par M. Benard, avait pour objet une ligne directe de Liège à Hasselt par Tongres.

Ces deux projets furent officieusement soumis par les demandeurs en concession à l'examen des administrations communales des villes de Hasselt, de Tongres, des chef-lieux de cantons et de comices agricoles, et tous furent d'avis que le projet qui desservait le mieux la généralité des intérêts limbourgeois était la partie du projet Delaveleye qui se rapportait à cette province, projet dont les pétitionnaires, conséquents avec leurs précédents, demandent l'exécution.

Aussi toutes les assemblées délibérantes qui s'étaient occupées de l'examen détaillé de ces projets, envoyèrent-elles simultanément des députations à Bruxelles. Hasselt figurait en tête, puis Tongres : les cantons de Bilsen, Mechelen et Maesecyk furent représentés ; les représentants du Limbourg et une partie de Liège se joignirent à ces députations. L'honorable comte de Theux fut délégué pour porter la parole, on arrivait dans le cabinet du ministre avec une trentaine de personnes prises dans ce qu'il y avait de mieux posé dans la province.

Et tous, avec une profonde conviction, démontrèrent à M. le ministre des travaux publics que la partie du projet Delaveleye dont les pétitionnaires actuels demandent encore l'exécution était le projet q ii desservait en même temps le plus grand nombre d'intérêts en reliant le plus économiquement possible entre elles, les quatre villes les plus importantes de ce périmètre, en ne froissant aucun intérêt, mais en les servant tous.

Et le projet Benard fut généralement écarté, car pas une voix ne s'élevait en sa faveur.

Ces députations se rendirent de même chez MM. les ministres des affaires étrangères et de l'intérieur, et là encore la même unanimité se fit jour, MM. les ministres doivent s'en souvenir.

Mais la compagnie Mackensie, ayant dans l'acte de concession de Landen à Hasselt obtenu le privilège de continuer cette ligne sur Maestricht quand elle le voudrait, fit valoir ses prétentions ; le gouvernement fut arrêté devant cette difficulté et après avoir consulté sur la valeur du contrat, la demande en concession de la ligne Delaveleye dut être refusée par le gouvernement.

Il ne restait donc plus que le projet Benard, mais la compagnie Mackensie ayant cédé la ligne de Landen à Hasselt avec les droits accessoires à la compagnie d'Aix-la-Chapelle, cette dernière s'est hâtée de demander la concession de Maestricht à Hasselt afin de faire disparaître cette solution de continuité qui faisait de la ville de Maestricht une impasse et d'attirer par là sur cette ligne, beaucoup plus courte que celle de l'Etat, tout le transit d'Anvers sur l'Allemagne.

Mais au lieu de proposer la concession complète de Maestricht par Bilsen à Hasselt avec embranchement perpendiculaire de Bilsen sur Lifée, telle que le proposait Delaveleye, la compagnie d'Aix s'est bornée à vous en demander la moitié, c'est-à dire la partie qui lui donne le transit et qu'elle doit avoir à tout prix pour que sa ligne d'Aix acquière de la valeur.

Voila le projet qui vous est soumis.

La compagnie demande donc à prendre du projet primitif la partie qui sert au transit en laissant de côté la partie ayant été unanimement reconnue le mieux desservir les intérêts du Limbourg qui est la ligne perpendiculaire de Bilsen à Ans par Tongres ayant un développement de 24 kilomètres.

Les pétitionnaires de leur côté demandent qu'alors qu'on accorde à une entreprise particulière l'avantage de s'emparer du transit d'Anvers vers l'Allemagne, on lui impose du moins le complément de cette ligne dans la partie la plus utile au pays, et réclamée comme telle par la généralité des députations. Ils cherchent encore à faire comprendre que le projet déposé, s'il ne subit pas de modifications, n'aura pour but que l'élévation rapide des actions du chemin de fer d'Aix qui à peu près toutes se trouvent en Prusse.

Que le transit d'Anvers vers l'Allemagne sera confisqué par la ligne nouvelle.

Et pour compenser ces désavantages, le gouvernement sera dispensé d'exploiter la ligne de Landen, c'est-à-dire qu'il fera disparaître une bévue gouvernementale d'autrefois et que l'arrondissement de Tongres est désigné pour en payer le prix.

Votre commission, ayant ouï cet exposé, examiné les pétitions et la direction des divers tracés, ne peut se dissimuler que le caractère de ces pétitions révèle à un assez haut degré l'inquiétude de toute une population qui croit ses intérêts les plus importants menacés.

Que cette inquiétude se comprend en présence des faits relatés dans les pétitions, faits dont il appert que les avantages dont Tongres jouissait autrefois ont été démolis pièce par pièce par suite des circonstances.

Car les pétitionnaires disent que la ville de Tongres a perdu le transit d'Anvers vers l'Allemagne par la création du chemin de fer ; qu'elle a perdu le transit de Liège vers le Brabant septentrional par la construction du canal latéral à la Meuse.

Elle était le lieu d'échanges entre la chapellerie de paille du vallon du Jaar et les objets de consommation de ces populations industrieuses ; la route de Glons à Liège a déplacé le lieu de ces échanges.

La ville de Tongres était le chef-lieu d'un des plus beaux arrondissements de la Belgique, et le traité de 1839 lui en a enlevé la moitié. Ainsi, disent les pétitionnaires, le traité de paix qui a assuré l'indépendance de la Belgique, et les nouvelles voies de communication qui ont développé tant de prospérités nouvelles se donneront la main pour (page 1464) se présenter à la ville de Tongres seule comme des événements désastreux.

Le gouvernement veut concéder une voie ferrée de Maestricht à Hasselt, ce projet qui, avec une ligne d'ajoute de 24 kilomètres, peut devenir pour Tongres le commencement d'une ère de réparation, doit-il encore, au point de vue où se place le gouvernement, devenir une cause de plus de décadence ?

Voudrait-on lui enlever les relations qui lui restent avec les cantons de Bilsen, Mechelen, Maeseyck et Brée en les détournant vers d'autres localités déjà si favorisées ?

Il reste à Tongres un tribunal auquel on a donné en 1839 l'importance que l'intérêt des justiciables commandait ; persistera-t-on à refuser à ces populations le moyen de communiquer avec leur chef-lieu en leur proposant de passer en chemin de fer par Ilasselt pour se rendre à Tongres ?

Voudrait-on préluder ainsi à la suppression de ce siège et forcer tôt ou tard à une nouvelle émigration les magistrats, le barreau et tant de généreux citoyens, négociants et industriels, au patriotisme desquels le gouvernement s'est adressé en 1830, et qui, en quittant Maestricht, ont cru ttouver à Tongres une nouvelle patrie ? Quelqu'un aurait-il le triste courage de produire par des faits indirects et dissimulés ce qu'en 1839 on n'a osé faire par la loi de réorganisation, alors néanmoins qu'il n'y avait ni bâtiment de tribunal, ni prison, ni caserne.

Et cependant, la ligne de Maestricht à Hasselt sans embranchement sur Liège d'une part, et la ligne directe de Liège par Tongres à Hasselt d'autre part produiraient inévitablement cet odieux résultat.

Que deviendrait, dans ce cas, le palais de justice qui a coûté 130,000 francs ?

La prison cellulaire ayant exigé une dépense de 200,000 fr. ?

La caserne de gendarmerie à peine achevée ?

Les nombreuses maisons construites et acquises par les émigrés de Maestricht ?

La magnifique cathédrale, une des gloires du pays, à laquelle on consacre une dépense qui pourra s'élever à 300,000 fr. ? Tout cela sera-t-il condamné à être désert ? Non, disent les pétitionnaires, cela n'est pas possible.

Un gouvernement avide de traditions qui honorent le pays, un gouvernement qui, à un autre point de vue, fait des sacrifices pour conserver à la plus ancienne ville du pays l'importance qu'elle tient par héritage, doit réfléchir avant d'accorder des lignes de chemins de fer ayant pour conséquence inévitable de rendre vides tous ces édifices en faisant déserter les populations d'une ville qui pourrait se dire la plus délaissée du pays. Non, disent les pétitionnaires ; élever des édifices appropriés à l'importance d'une ville, puis concéder des chemins de fer d'un intérêt médiocre pour l'Etat et qui auraient mission de détruire cette importance sont deux idées qui ne trouvent pas à se loger ensemble dans la tête de l'homme d'Etat la moins développée, et nous n'y croyons pas.

Le ministère n'abandonnera pas son programme au détriment de la ville de Tongres, il usera de prudence et de conciliation.

De quoi s'agit-il ? Il s'agit, dans le système nouveau de Hasselt, qui, aujourd'hui, nous fait opposition, d'avoir deux lignes directes et séparées à son profit et au détriment de l'arrondissement de Tongres : la ligne directe de Hasselt à Maestricht et la ligne directe de Hasselt à Tongres.

Dans le système de la ville de Hasselt, Liège et Tongres ne pourront se rendre a Maestricht qu'en faisant un détour de 24 kilomètres et en passant forcément par Hasselt.

Les 30,000 âmes de la rive gauche, pour arriver au chef-lieu de Tongres où ils font leurs affaires sans distinction, feront encore 24 kilomètres de détour en passant aussi forcément par Hasselt.

Mais en revanche la ville de Hasselt sera dispensée de faire 5 à 6 kilomètres de détour vers Liège en passant par Bilsen, le système de Hasselt veut que tout se fasse à son point de vue exclusif.

L'idée fixe de ses défenseurs repose sur la résurrection du système du moulin banal d'autrefois, il faut que toutes les populations du Limbourg dans leurs relations passent forcément par la ville de Hasselt et s'y arrêtent au besoin.

Or, d'une part, 24 kilomètres de détour pour la population de la ville de Liège et 24 kilomètres de détour pour toutes les populations de la rive de la Meuse qui se rendent à Tongres, et d'autre part 5 à 6 kilomètres de détour pour les 9,000 âmes de Hasselt, voilà toute la question. Qu'on examine et qu'on juge !

Car si, dans la loi de concession, des réserves utiles au Limbourg ne sont pas inscrites, le résultat le plus clair de cette concession se résumera dans la hausse des actions du chemin de fer d'Aix-la-Chapelle, dans la disparition de la ligne de l'Etat du transit vers l'Allemagne, et de n'être d'aucune utilité au pays même. Tel est le langage que tiennent les pétitionnaires.

Messieurs, votre commission des pétitions n'a pas de vote à émettre sur le fond de ces pétitions, mais elle ne peut néanmoins méconnaître que les motifs allégués par les pétitionnaires lui paraissent d'une haute gravité. Le langage vif, mais toujours respectueux, que tiennent toutes ces populations dénote qu'elles se croient menacées d'une défaveur assez prononcée.

Votre commission a pour tâche d'éclairer le gouvernement et la chambre sur le mérite des pétitions qui lui sont adressées, et elle est dans son devoir alors que, dans l'objet qui nous occupe, elle croit devoir recommander au gouvernement de prendre les mesures propres à sauvegarder le plus grand nombre d'intérêts, et à ce point de vue les réclamations des pétitionnaires paraissent des plus fondées.

La commission se demande si le gouvernement ne pourrait pas se réserver le droit de faire construire la ligne perpendiculaire par la compagnie en instance, si endéans les Sans toute autre compagnie n'en avait fait la demande. Cette réserve paraît d'autant plus légitime que la demande de concession partielle qui est soumise a principalement pour objet d'appauvrir le trafic sur la ligne de l'Etat.

Mais dans tous les cas, il semble à votre commission que la concession demandée ne doit être accordée qu'à condition que la ligne passe au sud de Bilsen, tant pour se rapprocher de Tongres pour le cas où cette ville n'obtiendrait pas de chemin de fer, que pour servir de point de bifurcation si une ligne perpendiculaire de Bilsen à Liège se construisait.

Il paraît aussi indispensable à votre commission que la ligne à concéder soit rendue commune sur tout son parcours avec la ligne perpendiculaire éventuelle, moyennant un abonnement à fixer, car cette clause ne s'adresse pas à des intérêts locaux, elle touche à l'intérêt général qui est de ne pas devoir rompre charge sur un parcours de 40 kilomètres de chemin de fer.

Votre commission, à l'appui de ces considérations, vous propose donc le renvoi de ces pétitions à M. le ministre des travaux publics et à la section centrale chargée de s'occuper du projet de demande en concession auquel ces pétitions se réfèrent.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.

Projet de loi interprétatif de l’article 112 de la loi du 8 juillet 1817 relatif à l’organisation de la milice

Rapport de la commission

M. E. Vandenpeereboom. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la commission chargée d'examiner le projet de loi interprétatif de l'article 112 de la loi du 8 janvier 1817 relative à l'organisation de la milice nationale.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi autorisant le gouvernement de négocier un emprunt

Rapport de la commission

M. Osy. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission chargée d'examiner le projet de loi qui autorise le gouvernement à négocier un capital de 11,964,600 francs, remboursé par la conversion des emprunts de 1840, 1842 et 1848 et à réduire la dette flottante au moyen de la réserve des emprunts de 1840 et 1842.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de la guerre

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Liedts). - D'après les ordres du Roi, le ministre de la guerre et moi avons l'honneur de présenter un projet de loi qui autorise le ministre des finances à mettre en vente, à mesure que la remise lui en sera faite, les terrains et bâtiments maintenant inutile des places fortes à démolir ; et d'ouvrir au ministre de la guerre un crédit de 3,500,000 fr. pour continuer les travaux de démolition de ces mêmes places.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation du projet de loi qu'il vient de déposer. Ce projet et les motifs qui l'accompagnent seront imprimés, distribués et renvoyés à l'examen des sections.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l’exercice 1854

Discussion générale

M. de Mérode. - Hier, M. le président nous rappelait qu'à propos du budget des voies et moyens le champ d'observations sur les affaires publiques était libre et qu'on pouvait y mettre en circulation toute sorte de questions politiques. Je n'abuserai cependant point de cette faculté, messieurs, et je ménagerai votre temps par la concision de mes paroles écrites expressément en raison de ma faiblesse oratoire, pour qu'elles soient courtes et sans hésitations ni répétitions qui produisent la fatigue et l'ennui.

D'abord, le budget des recettes ou des voies et moyens comporte en lui-même et par sa nature propre l'examen des impôts existants, des impôts supprimés, et des taxes nouvelles. Parmi les premiers, il en est un qui est injuste, même absurde, et ne devrait point être maintenu. Je parle de l'impôt des successions perçu sur les biens possédés par des Belges en pays étranger. S'il est au monde un pays auquel cet impôt soit inapplicable, c'est assurément la Belgique, dont toutes les provinces ont été successivement atteintes par des partages, des morcellements, des emprises sur son territoire originaire.

Pendant le règne d'Albert et d'Isabelle il perd toute la partie du Brabanl flamand où se trouvent Bois-le-Duc, Bréda, Eindhoven, Tilbourg, et autres lieux. Après ce règne, Louis XIII lui enlève l'Artois. Louis XIV s'empare ensuite de la fraction du Luxembourg où sont situés Longwy. Thionville et Carignan, près de Virton. A ces conquêtes il ajoute plus tard une part considérable de la Flandre, entre autres, la puissante cité de Lille, résidence de la chambre des comptes de nos princes et où Philippe le Bon tint le premier chapitre de la Toison d'or. La Flandre zélandaise était déjà retranchée du territoire de la province que je cite et Gand avait perdu ses débouchés sur l’Escaut occidental, Terneuse, le sas de Gand, Axel, Hulst, l'Ecluse et toute la frontière naturelle de ce côté.

Après la grande révolution de la fin du dernier siècle, le pays entier est réuni à ia république et à l'empire français pendant vingt ans, puis à la Hollande, dont il se sépare en 1830, et cette désunion partage encore en fin de compte le Luxembourg et le Limbourg en deux parts qui du moins avaient jusque-là subsisté sous les mêmes dominations, successives pendant quatre siècles.

(page 1465) Or, est-il raisonnable de soumettre à un double impôt de succession îes familles placées les unes près des autres sur les confins de ces divers territoires si souvent fractionnés ? Vous avez récemment cédé, avec grand regret sans doute, les territoires de Ruremonde, Sittart, Fauquémont et les avez rendus étrangers à ceux de Maeseyck, Dalhem et Visé. Par la même cause toute récente, Arlon est devenu pays différent de celui auquel appartiennent Steinfort, Altert, Luxembourg, Esch, Diekirch ; et après avoir abandonné le sol de ces contrées, vous faites payer aux familles belges, sur les biens qu'elles y possèdent, des contributions pour transmission d'héritage, comme si vous ne les aviez pas déjà suffisamment éprouvées par ces changements si pénibles pour elles. Je sais que le nouveau droit de succession en ligne directe, bienfait de la politique qui s'intitulait nouvelle, ne s'applique point aux fonds situés hors du territoire belge actuel ; mais il continue à frapper les biens qui passent du frère au frère, de l'oncle au neveu, et c'est une iniquité d'autant plus flagrante que la taxe est plus élevée au collatéral ; doublée de la sorte par l'intervention fiscale de deux gouvernements à la fois, elle devient une vraie spoliation d'une partie notable de l'héritage recueilli. Cette prétention de percevoir un droit sur des fonds nécessairement soumis aux taxes que prélèvent les gouvernements voisins est, je le sais, une invention du fisc hollandais. Elle fut conçue par le roi Guillaume afin de forcer les Belges à vendre ce qu'ils possédaient hors du royaume des Pays-Bas.

S'ils avaient écouté ces inspirations et que les Flamands eussent aliéné les héritages qu'ils possédaient du côté de Dunkerque et de Steenvoorde pour en acquérir à Ysendyke ou Ardenburg, si les Montois avaient échangé leurs propriétés situées près de Maubeuge contre d'autres placées dans le pays d'Outre-Meuse, au-delà de Visé, quel serait aujourd'hui l'indigénat de ces propriétés ?

Avouons-le franchement, messieurs, tourmenter ainsi les particuliers, les rendre par de doubles impôts responsables des événements politiques et victimes des modifications territoriales que la Belgique a si fréquemment subies, c'est manquer à toute règle d'équité et d'égalité en matière d'impôts. Si, comme la Constitution le porte, il ne peut être admis de privilège à leur égard, il ne doit pas non plus y avoir de surcharge évidente et injustifiable comme je l'ai démontré.

J'engage donc M. le ministre des finances à vouloir bien prendre en considération ces circonstances et à proposer un projet de loi qui délivre les Belges appelés à recueillir l'héritage de quelque propriété foncière hors des limites du royaume d'une exaction véritable que l'on ne peut équitablement maintenir et qui frappe un nombre très grand de familles spécialement sur le pourtour de nos frontières où se sont accomplies ces transplantations si fréquentés des bornes de l'ancien territoire belge.

Les particuliers, je le répète, ne peuvent en être rendus reponsables ; car, à l'occasion de ces faits politiques malheureux, ils auraient plutôt droit à des ménagements qu'ils ne méritent de doubles charges ; l'acte de justice que je réclame était plus pressant, j'en suis persuadé, que l'abolition du timbre des journaux, imaginée, non point pour satisfaire l'opinion publique, mais la puissance des éditeurs de journaux, devant laquelle tremble l'esprit courtisan de popularité ; car je n'ai rien entendu exprimer plus souvent, messieurs, en conversation particulière, que la convenance de rétablir ce timbre, très inoffensif pour les abonnés, qui ne s'en plaignaient pas et le préfèrent, sans nul doute, comme impôt librement subi, aux taxes qui les atteignent forcément et avec d'inquisitoriales mesures.

Je n'ajouterai plus qu'un mot, messieurs, sur la nécessité d'établir la loi électorale sur de vrais principes de justice distributive. J'appartiens, comme représentant, à un district où le plus grand nombre des électeurs est contraint de parcourir un immense trajet pour remplir les devoirs électoraux.

Lorsqu'ils le font à leurs frais, ces frais coûtent à plusieurs d'entre eux, indépendamment de la perte de leur temps, la moitié de la contribution directe qu'ils payent à l'Etat ; et en cas de double élection dans l'année, un quantum égal à la totalité. Si l'élection s'accomplit en hiver, elle n'est plus même accessible pour eux. Outre ces graves inconvénients, la force électorale des villes est, depuis la suppression du système adopté par le congrès, hors de toute proportion avec celle des campagnes.

Or, les campagnes sont généralement meilleures que les villes au point de vue moral, et plus les villes sont grandes, moins la moralité y fleurit, par la raison bien certaine que les moyens de corruption et de démoralisation y sont plus grands. L'homme des campagnes a sous les yeux les phénomènes de la nature qui l'occupent et l'intéressent ; l’homme des villes est forcé de porter ses regards sur une foule d'objets futiles, parfois pis encore, qui se présentent à lui sans même qu'il les recherche.

Chacun de nous peut sentir par épreuve personnelle la différence des impressions qui naissent de ces deux séjours ; et pour éviter le mal dans une grande ville, il faut un double effort sur soi-même ; c'est pourquoi l'esprit religieux se maintient plus facilement dans les communes rurales que dans les cités. Je n'en fais point un sévère reproche aux habitants de celles-ci ; mais je constate un fait connu depuis l'existence de Babylone jusqu'à nos jours. Pour que l'Etat soit bien conduit, la prépondérance ne doit donc pas appartenir à l'élément citadin qui, d'ailleurs, ne l'emporte ni par le nombre, ni par la sagesse des idées.

Je suis bien loin de conclure toutefois qu'il faille traiter en race inférieure les populations urbaines. Je n'ai d'autre désir que de soustraire les populations villageoises à cette infériorité que l'on a plus d'une fois essayé de leur attribuer et qui est maintenant leur paroas ; puisqu'un million d'habitants des villes a une influence électorale presque double, dans la situation actuelle des choses, sur un million d'habitants des campagnes, sans compter les promenades voyageuses auxquelles sont contraints ceux-ci pour accomplir leur tâche de participation aux affaires publiques.

« Ils veulent être libres et ne savent pas être justes », disait un jour Sieyès, membre de la première assemblée nationale de France, et ce défaut de justice est la principale cause, à mes yeux, de la déconfiture presque générale du libéralisme et spécialement dans son pays d'origine d'où il a été importé en Belgique, nuisant trop souvent plus à la liberté qu'il ne la sert ; tandis que les vieilles mœurs belges l'aident à vivre enore par leurs traditions séculaires.

Il en est de la sorte du mot sacramentel contre lequel aussi je crois, en finissant, devoir réagir. C'est le mot « réaction » avec lequel on immobiliserait et perpétrerait tous les abus. La réaction est une excellente chose quand elle est bien appliquée ; c'est pourquoi le bon médecin réagit contre les influences maladives, le bon instituteur contre les défauts de caractère et l'ignorance de ses élèves.

Louis XVIll avait réagi contre les spoliations révolutionnaires en supprimant par un article de la Charte les confiscations. La réaction contre cet article, que nous avons adopte nous-mêmes d'après la loi fondamentale du royaume des Pays-Bas, ne serait pas une bonne réaction. Ainsi donc, réagissons bien ; ne réagissons point mal, comme on l'a fait en 1848, époque d'inventions peu productives de bons fruits ; et, n'abusant pas de la langue pour tuer le bon sens pratique par des subterfuges, nous agirons et réagirons à propos.

M. le président. - La parole est à M. Rogier.

- Quelques voix. - La clôture.

(page 1471) M. Rogier. - Je déclare bien volontiers que si la chambre trouvait convenable de ne pas continuer les débats, je renoncerais à la parole ; j'y renoncerais, bien que j'aie plusieurs choses à dire notamment en réponse au discours qui vient d'être prononcé. Cependant pour ne pas prolonger les débats, je consens à m'abstenir si les autres orateurs inscrits renonçaient également à la parole ; mais si les orateurs maintiennent leur droit, je me réserve mon tour de parole.

- Plusieurs membres. - Parlez ! parlez !

M. le président. - On ne peut pas forcer M. Rogier à parler, il est libre de parler ou de renoncer à la parole.

M. Rogier. - J'ai dit que je serais disposé à renoncer à la parole si les autres membres inscrits y renonçaient, mais s'ils n'y renoncent pas, je maintien mon tour.

M. le président. - Les orateurs inscrits sont MM. Lebeau, Ad. Roussel et Sinave.

M. Rodenbachù. - Il fant les entendre.

M. le président. - La parole est à M. Rogier.

M. Rogier. - L'honorable orateur, qui vient de parler, a accepté sans humeur, sans colère l'expression de réactionnaire qui avait fort indigné hier un de ses honorables amis, expression que je n'avais pas employée, mais à laquelle j'avais fait allusion, après qu'un honorable ami de M. Malou s'en était servi pour qualifier les propositions relatives au rétablissement du timbre des journaux. M. de Haerne avait dit qu'il fallait s'interdire ces mesures qui semblaient dénoter un esprit de réaction.

Je crois que tel est l'esprit qui domine plusieurs de nos collègues, esprit de réaction, esprit de démolition. A leur point de vue, il n'y a rien d'offensant pour eux dans ces qualifications. Ils pensent que ce qui a été fait dans l'année 1848 et les années suivantes a été mal fait, qu'on a eu tort de poser certains actes, de faire certaines lois ; ils poussent à la démolition de ces actes, à la destruction de ces lois ; ils font de la réaction dans le bon sens, suivant l'honorable M. de Mérode. Nous, nous combattons cet esprit de réaction, cet esprit de démolition.

Nous disons qu'il faut maintenir ce qui a été fait dans l'année 1848 et les années suivantes, que ce qui a été fait alors, a été bien fait, qu'il faut le conserver. Nous n'avons pas la prétention de revendiquer pour nous seuls ce titre de conservateurs que nos adversaires ont l'habitude de s'attribuer exclusivement. Mais quand on se dit conservateur, la première chose à faire, semble-t-il, c'est de maintenir autant que possible les lois qui ont à peine quelques années de durée.

L'honorable M. Malou, dans les discussions de 1848, le déclarait lui-même ; il trouvait que c'était un mal de toucher trop souvent aux lois organiques. « Par un concours de circonstances que vous pouvez tous apprécier, nous avons été entraînés, disait-il, à modifier fréquemment nos lois organiques. L'instabilité des lois organiques (on l'a dit souvent) est un mal. »

Voilà ce que disait alors l'honorable M. Malou. C'est ce que nous disons aussi aujourd'hui, et parce que nous avons été amenés par les circonstances de 1848 à modifier les lois organiques, est-ce un motif pour les modifier encore en 1853 ? Ce qui était, dit-on, un mal en 1848 serait-il devenu un bien en 1853 ? On trouvait, en 1848, des inconvénients à modifier les lois organiques. En 1853, on cherche à les modifier de nouveau. Il y a là une inconséquence de la part surtout de ceux qui prétendent à la qualification exclusive de conservateur.

Un parti conservateur, qui ne laisserait debout aucune loi à quelques années de leur date, ne mériterait pas un pareil titre ; ce serait un parti démolisseur.

L'honorable M. Malou nous a dit hier : Eu 1848, la droite avait suivi le gouvernement par patriotisme, l'avait suivi, même lorsqu'elle croyait qu'il exagérait les nécessités de la situation. Voilà ce qu'a dit l'honorable M. Malou. Lui et ses amis ont donc suivi le gouvernement, lors même qu'à leurs yeux il allait trop loin ; l'honorable M. Malou manque complètement de mémoire.

En 1848, l'honorable M. Malou ne marchait pas à la suite du gouvernement, il marchait en avant. Il trouvait que le ministère n'allait pas assez vite, qu'il ne cédait pas assez aux nécessités des temps et des circonstances.

Pour revenir sur ce qui a été fait alors, vous prétendez qu'on a été trop loin. Vous dites que vous avez suivi le ministère ; je vais vous prouver que loin de le suivre, vous trouviez qu'il n'allait pas assez vite, et vous vouliez le faire aller plus vite qu'il ne voulait lui-même. Je fais allusion particulièrement à la loi sur la réforme parlementaire. Voici ce que disait l'honorable M. Malou :

« Pourquoi après avoir atteint, pour le cens électoral, la limite extrême fixée par la Constitution, sommes-nons appelés à discuter un projet de large réforme parlementaire ? C'est parce que le temps a marché, parce que nous devons marcher avec lui. Ces opinions qui étaient hardies à l'époque où elles ont été prononcées, sont devenues aujourd'hui (page 1472) timides, insuffisantes, ne pouvant satisfaire à des intérêts que les événements ont fait naître.

« A mes yeux, dans les circonstances où le pays se trouve, après les réformes déjà votées, la plus grande faute politique que l'on puisse commettre, faute que j'appellerai presque un malheur pour le pays, serait d'adopter une demi-réforme qui aurait tous les inconvénients, sans avoir aucun des avantages d'une réforme entière. »

Voilà, messieurs, du pur radicalisme. Je trouvais, moi, le système de l'honorable M. Malou trop absolu, trop avancé et j'étais forcé de voter contre les propositions de la section centrale dont M. Malou était l'honorable et habile rapporteur.

Ainsi, messieurs, n'attribuons pas les lois qui ont été faites en 1848, les mesures qui ont été prises, à un pur entraînement de l'opinion libérale, entraînement contre lequel aujourd'hui il faudrait réagir à tout prix. Tout le monde, je le disais hier, s'associait alors aux mesures proposées par le gouvernement ; et une fraction de la droite, l'honorable M. Malou en tête, ne faisait qu'un reproche au gouvernement, c'était de ne pas faire assez ; elle allait au-delà des réformes du gouvernement qu'elle qualifiait dédaigneusement de demi-réformes qu'il fallait remplacer par des réformes radicales.

Eh bien, messieurs, ce que nous avons fait en 1848, nous le défendons en 1853 ; et l'on vient nous accuser de mettre un amour-propre excessif à défendre nos œuvres. Recourant à une métaphore plus ou moins banquiste, plus ou moins mercantile : nous couvrons, a-t-on dit, notre marchandise du pavillon libéral. Mais cette marchandise-là elle vous appartient autant qu'à nous, et quand nous défendons l'œuvre d'alors, nous défendons l'œuvre commune de la chambre. Notre amour-propre ne va pas au-delà.

Messieurs, examinons impartialement la situation. Est-ce que la situation du pays, est-ce que l'opinion publique réclame ces mesures réactionnaires - j'emprunte le mot à l'honorable M. de Mérode - que vous nous annonciez ou dont déjà vous avez pris l'initiative :

On désire sans doute que le pays vive tranquille et paisible, dans la jouissance de ses institutions auxquelles l'étranger rend chaque jour hommage.

Or le pays, messieurs, ne demande pas de nouveaux changements ; le pays ne demande qu'à vivre en repos, à l'abri de ses lois, après s'être associé aux diverses mesures qui ont été prises par son parlement. Est-il d'un parti se disant conservateur de chercher à soulever une agitation qui peut, de part et d'autre, nous mener très loin ? Serait-ce une mesure sage que la réforme électorale ? Pesez seulement, messieurs, ce qui vient d'être dit par l'honorable M. de Mérode : ce sont les villes et les campagnes mises en présence ; ce sont les citadins corrompus et les paysans vertueux : que l'on va mettre aux prises !

Messieurs, prenons-y garde, il y a au fond de cette réforme qu'une partie d'entre vous médite, il y a de gros événements ; il y a tout au moins de très graves questions soulevées, une très grande agitation à redouter.

Et si, en effet, votre dessein était de placer les villes sous la domination du nombre, sous la domination des campagnes, oh ! prenez-y garde, messieurs, prenez-y bien garde, vous mettriez là en avant une prétention, vous poseriez là un acte qui pourrait entraîner de bien graves conséquences.

Cette question, messieurs, n'est donc pas de si peu d'importance qu'on l'a prétendu hier, et je dis qu'il n'est pas d'un parti conservateur de soulever dans ce pays une telle agitation sur une pareille question.

Qui me fait tenir ce langage ? Est-ce, messieurs, la crainte des résultats que pourrait entraîner une pareille réforme pour l'opinion à laquelle j'appartiens ? Nullement.

Je pense que finalement les dernières conséquences de cette réforme pourraient fort bien tourner contre ceux qui l'auraient introduite, qu'il pourrait fort bien arriver pour les élections générales ce que nous avons vu arriver pour les élections communales quand, dans l'espoir de rentrer aux conseils communaux d'où l'on avait été banni, on a essayé le fractionnement électoral dans les villes.

Je ne crois pas, messieurs, que vous soyez tous également convaincus de l'efficacité de cette réforme au point de vue des intérêts de notre parti. Pour ma part je ne suis pas certain qu'une pareille réforme ne puisse pas consacrer définitivement le triomphe de l'opinion à laquelle j'appartiens.

M. Orban. - Il faut voter pour.

M. Rogier. - Avant l'intérêt de parti, messieurs, nous devons considérer l'intérêt du pays, et je crois qu'une pareille réforme tentée dans les circonstances actuelles serait entièrement contraire à l'intérêt du pays. Vous pourriez en prendre l'initiative, vous pourriez même triompher, je n'en sais rien, mais je déclare que de la part d'un parti qui s'attribue le titre de conservateur, une pareille campagne s'explique difficilement, justifie très mal son titre et qu'elle peut entraîner des conséquences dont, pour ma part, je répudie d'avance la responsabilité.

On parle de rétablir le timbre des journaux. La liberté de la presse est une de nos premières garanties ; cette liberté s'est-elle exercée avec plus de violence depuis la suppression du timbre des journaux ? J'ai vu, pendant l'existence du timbre, des journaux exagérés, des journaux, je dirai même coupables ; je n'ai pas vu que le nombre de ces journaux se soit multiplié depuis la suppression du timbre ; mais j'ai vu naître, depuis cette suppression, plusieurs feuilles sans couleur pronroncée, qui se sont tirées à un très grand nombre d'exemplaires, qui sont lues par des milliers de lecteurs qui, autrefois, étaient privés de cette nourriture.

Lorsque nous avons abaissé le cens électoral, il a été entendu qu'en initiant un plus grand nombre de citoyens à l'exercice des droits politiques, il fallait aussi les initier, autant que possible, à la connaissance de la chose publique, et c'est en partie pour cela qu'on a supprimé le timbre des journaux.

Je crois que le moment serait également mal choisi pour rétablir le timbre des journaux, qui a été aboli à la presque unanimité.

Pourriez-vous, messieurs, faire cet aveu qui semble avoir échappé à un honorable membre, que ce qui a été fait en 1848 a été fait à contrecœur, sous la pression de sentiments que je ne veux pas qualifier, et qu'aujourd'hui que le calme et le courage sont revenus, il faut aussi revenir sur les actes qui ont été posés alors ? Il est impossible qu'un parlement tienne un pareil langage ; il est impossible que vous disiez à la nation : « Ce que je vous ai donné il y a quelques années, je l'ai fait à contre-cœur, sous l'influence d'une espèce de contrainte ; mais aujourd'hui que je suis tranquille et que rien ne bouge en Europe, je vais retirer les concessions que je vous ai faites. » Cela ne serait pas un langage digne des représentants du pays.

Il faut loyalement maintenir ce que nous avons loyalement et librement accordé ; nous n'avons pas été trop loin alors ; l'honorable M. Malou ne trouvait pas alors qu'on allait trop loin ; il trouvait, au contraire, qu'on n'allait pas assez loin... L'honorable membre a beau le nier, il ne peut pas retirer ses paroles...

M. Malou. - Je ne nie rien du tout.

M. Rogier. - Il ne faut pas plus retirer les paroles d'alors que des actes d'alors, surtout lorsque ces actes ont été posés dans des limites raisonnables.

Y a-t-il des motifs aussi pour supprimer la loi qui a institué la caisse de retraite et de prévoyance ? « Cette caisse, dit-on, ne produit rien. » Mais attendez au moins qu'elle ait quelques années d'existence, que les populations s'y soient habituées. Je ne dis pas que cette caisse fera affluer l'argent de ceux qui n'en ont pas ; elle s'adresse aux diverses catégories de personnes qui peuvent faire des économies et qui les déposent exclusivement aujourd'hui aux caisses d'épargne.

A leur origine les caisses d'épargne ne recevaient pas non plus beaucoup de dépôts, il a fallu du temps pour que les populations pussent s'habituer aux caisses d'épargne. De même pour les caisses de retraite, il faudra du temps aux populations pour s'y habituer, elles s'y habitueront et alors cette institution rendra les services qu'on est en droit d'en attendre.

Je répète que la loi qui la consacre a été votée à la presque unanimité ; chacun reconnaissait les services qu'elle était appelée à rendre. Aujourd'hui il faudrait la supprimer comme parfaitement inutile. Je suis fortement d'avis, messieurs, qu'il faut la maintenir et attendre du temps les progrès naturels de cette institution nouvelle.

Le crédit foncier a été, après une longue discussion, adopté dans cette chambre à une très grande majorité. Il y a eu 54 voix pour et 19 contre. Maintenant on récrimine contre cette loi, on espère que le sénat ne la votera pas. Si la loi était bonne, non plus en 1848, car c'est en 1851 qu'elle a été votée, si, dis-je, la loi était bonne alors, pourquoi serait-elle mauvaise deux ans après, et alors qu'elle n'est pas encore entrée en exercice ?

Si l'on s'est assigné pour but de consacrer les sessions actuelles à détruire tout ce qui a été fait dans les sessions précédentes, je demande si c'est là un travail utile et de nature à recommander le gouvernement parlementaire. Je ne pense pas que ce soit là le moyen de lui assurer le respect.

L'honorable M. de Mérode vient de s'élever également contre la loi de succession ; je rappelle que l'honorable M. de Mérode avait lui-même proposé le principe nouveau qui a été introduit dans la loi de succession. Ce n'est pas la politique nouvelle qui a eu l'initiative de cette idée ; M. de Mérode, longtemps avant que la loi fût présentée, avait indiqué comme une ressource pour le trésor l'impôt sur les successions en ligne directe.

Qu'a fait la chambre ? Elle a frappé les successions en ligne directe. Ce n'est pas la politique nouvelle qui a frappé les biens des Belges situés situés à Pétranger, d'un droit de succession, elle les a au contraire exemptés. C'est le régime ancien qui a établi l'abus, si abus il y a. L'honorable membre a tort de se plaindre maintenant, c'est quand la loi de succession a été votée qu'il fallait faire la proposition de supprimer le droit établi sur les biens situés hors du pays.

On me fait observer que cette proposition a été faite en section centrale et qu'elle a été repoussée.

Cette disposition qu'on vient de qualifier durement est donc ancienne et n'appartient pas du tout à la législation nouvelle. Je ne comprends pas d'ailleurs comment, en présence des besoins du trésor, en présence des nécessités que nous pouvons prévoir dans l'avenir, comment on songe encore à l’avenir sur une loi d'impôt qui est indispensable pour assurer une situation quelque peu stable à nos finances.

On devrait donc, suivant moi, renoncer également à la prétention irréalisable de revenir sur cette loi. Si nous n'avions plus rien à faire, si le terrain était entièrement déblayé, on pourrait admettre à la rigueur que par une sorte de passe-temps on s'amusât à remettre en discussion ce qu'on à fait dans les années précédentes ; mais nous avons encore (page 1473) beaucoup de travaux devant nous ; dans les sessions prochaines nous serons encore très occupés. Conservons donc ce qui a été fait, occupons-nous d'améliorations nouvelles, et il en reste encore à introduire.

L'ancienne opposition a reçu une large satisfaction. Un cabinet qui lui pesait fort a disparu ; tenez-vous, messieurs, pour satisfaits, faites les affaires du pays sous un ministère nouveau qui n'excite plus vos répugnances, qui a l'avantage d'obtenir une confiance qui nous a manqué, confiance plus ou moins illimitée. Dans ces conditions beaucoup de bonnes lois peuvent être faites encore. Si vous vous rejetez dans les expérimentations politiques, dans les discussions irritantes, il deviendra beaucoup plus difficile de faire de bonnes lois.

J'engage les membres du parti qui se dit conservateur à ne pas se précipiter dans les voies réactionnaires, à conserver ce que la droite comme la gauche avaient adopté il y a quelques années, à s'occuper de l'avenir plutôt que dn passé, à laisser le passé pour ce qu'il est ; à rechercher les mesures utiles que le présent et l'avenir peuvent réclamer de nous.

Je regrette de devoir prendre si souvent la parole pour défendre les actes passés ; mais il m'est impossible de laisser sans réponse des attaques qui s'adressent nécessairement à des actes auxquels j'ai concouru.

Si des anciens ministres parmi lesquels figurait M. Malon, voyant leurs actes incriminés, demandaient la parole pour les défendre, je ne les accuserais pas d'amour-propre, de susceptibilité exagérée, je trouverais qu'ils ont raison de défendre leurs actes. C'est ce que je m'efforce de faire dans la mesure de mes moyens.

Je n'en dirai pas davantage.

(page 1465) M. de Mérode (pour un fait personnel). - Voilà, malgré les explications très simples que j'ai données dix fois, qu'on me présente comme l'inventeur de la loi qui frappe les successions en ligne directe parce qu'un jour j'ai indiqué la possibilité d'établir ce droit de succession en ligne directe sur l'enfant, héritier unique de ses père et mère ; les enfants uniques n'ayant aucun partage à faire se trouvent dans des conditions beaucoup plus favorables que les héritiers collatéraux appartenant à des familles nombreuses. Au lieu de réaliser ma pensée, on a fait prévaloir un système qui écrase ces familles. Et tel est certainement l'effet de tous vos droits de succession à leur égard.

Aujourd'hui j'ai proposé, non pas des modifications à la loi sur les successions en ligne directe ; mais j’ai simplement signalé à M. le ministre des finances un abus intolérable, consistant à charger les Belges d'un double droit sur des propriétés dont ils héritent en pays étranger, pays parmi lesquels se trouvent ceux que vous avez, en 1839, abandonnés vous-mêmes.

Or, je dis que quand on a cédé un territoire, quand on a fait aux propriétés qui y sont situées la condition de propriétés situées a l'étranger, il ne faut pas ajouter à ce préjudice causé aux propriétaires l'injure de les frapper de doubles droits.

L'honorable M. Rogier s'est gardé de répondre à cette observation.

M. Roussel. - Messieurs, je n'aurais point demandé la parole dans cette discussion à laquelle je ne m'attendais pas, si hier, à propos de la loi sur le crédit foncier, l'honorable M. Rogier n'avait fait entendre que les adversaires de la loi susdite sont des réactionnaires et que les efforts pour empêcher son adoption définitive font partie d'un plan complet de réaction contre les idées libérales.

Comme j'ai combattu ce projet de loi, il me semble utile de présenter à la chambre quelques observations non seulement sur cet objet, mais, encore sur les tendances qu'en ma qualité de libéral j'ai reprochées au cabinet défunt et à M. Rogier en particulier, tendances qui m'ont empêché de me rallier à diverses mesures qu'il a prises, ordinairement sans me consulter, (interruption) et en me prodiguant des épithètes quelquefois assez peu agréables, lorsque je refusais de le suivre.

Quelque respect que je professe pour les ruines, je me permets cette courte digression et j'estime que parmi ces messieurs qui rient c'est moi qui rirai le dernier.

Commençons par le crédit foncier.

Le ministère qui n'est plus avait présenté cette institution comme la quintessence au libéralisme le plus pur. Or, suivant moi, le libéralisme consiste dans l'application la plus large de la liberté individuelle compatible avec l'ordre pubiic et dans la non-extension des attributions du pouvoir hors de ses limites naturelles.

Appliquant cette définition à l'institution gouvernementale du crédit foncier, je me suis dit : Cette mesure, au lieu d'être libérale, est souverainement illibérale, je ne dirai pas despotique (car, en Belgique, tenter le despotisme est impossible), mais elle conviendrait bien à des despotes.

M. Deliége. - Je demande la parole.

M. Roussel. - Car votre crédit foncier, comme vous l'organisez, n'est autre chose que. l'immixtion du gouv ornement dans les affaires privées des particuliers en constituant l'Etat intermédiaire, pour ainsi dire, indispensable entre les prêteurs et les emprunteurs ; c'est la nomination de quelques escadrons nouveaux, de fonctionnaires publies initiés aux secrets des familles ; c'est l'influence donnée au pouvoir par le moyen de l'argent qu'il peut refuser ou accorder à ceux qui ont besoin de quelque prêt hypothécaire.

(page 1463) Ce qui me faisait douter singulièrement du libéralisme de cette institution nouvelle, c'est son origine exotique, et ce qui rn'a confirmé dans mon idée, c'est que lorsque le despotisme s'est établi quelque part, le crédit foncier est arrivé immédiatement après lui.

A ces considérations j'en ajoutai d'autres.

Le libéralisme, c'est l'aversion des privilèges. Et pourtant la loi tout entière du crédit foncier n'est qu'une suite de dérogations au droit commun pour favoriser une caisse vide que notre honorable ami M. Pirmez cherchait partout sans pouvoir la trouver. Et tous ces privilèges, messieurs, à qui sont-ils concédés ? A ceux qui recourent à l'institution du crédit foncier, les autres emprunteurs restent soumis au droit commun. Est-ce là du libéralisme ?

Et je le dis bien haut pour que le pays l'entende : ceux qui ont combattu ce projet ne sont pas des réactionnaires ; ceux qui demandent son rejet ne sont pas des réactionnaires. On peut être excellent libéral et repousser l'institution gouvernementale du crédit foncier.

Ici je me permettrai de résumer quelques reproches que j'adresse au ministère à la tête duquel se trouvait l'honorable M. Rogier et je dirai :

N'est pas réactionnaire celui qui réclame la restitution aux élèves des universités libres des bourses qu'ils possédaient sous le ministère que l'on appelait clérical et que le cabinet prétendument libéral leur a enlevées sans respect pour le principe de l'égalité des Belges devant la loi !

N'est pas réactionnaire celui qui demande une organisation des jurys d'examen pour l’enseignement supérieur conforme à la raison, à la justice et aux besoins des hautes études !

Ils ne sont pas des réactionnaires les hommes qui veulont la réduction de ces nombreuses écoles d'agriculture disséminées dans tout le pays, où l'on trouve un si grand nombre de chaires pour l'enseignement de la chimie, par exemple, qu'à peine rencontre-t-on des chimistes pour les remplir !

Il n'y a pas de réaction à prier M. le ministre de l'intérieur d'éviter de se voir, sur deux exercices seulement, dans la nécessité de solliciter de la législature 900.000 fr. de crédits supplémentaires appliqués à des objets sur lesquels je me prononcerai plus tard. L'honorable M. Rogier peut essayer d'imiter certain monarque, jeune alors, et qui disait : L'Etat c'est moi ; l'honorable M. Rogier peut dire : Le libéralisme, c'est moi ; mais ni la chambre ni le pays ne le suivront dans la voie financière dans laquelle il s'est engagé.

Enfin, n'est pas réactionnaire le représentant qui veut rendre à la justice criminelle le prestige qu'on lui a enlevé et qui s'oppose à ce qu'on continue à faire des cours d'assises des tribunaux de simple police, sans influence, sans prestige, sans pouvoir moral sur ceux que la répression est appelée à contenir et sur les masses qui lui doivent le respect.

Toutes ces mesures prises de bonne foi, je le veux bien, par l'ancien ministère...

M. Rogier. - Lesquelles ?

M. Roussel. - Toutes ces mesures, on peut en demander le retrait sans encourir les insinuations de l'honorable M. Rogier.

Que cet honorable membre me permette de le lui dire : il y a en lui deux hommes distincts. Quand il n'est pas au pouvoir, il ne demande aucune preuve de libéralisme. J'eus le bonheur de lui être quelquefois utile alors, et il ne révoquait pas en doute ma qualité de bon libéral.

Mais une fois qu'il eut gravi les marches du pouvoir, l'honorable M. Rogier devint un libéral difficile à convaincre du libéralisme d'autrui ; il fallait lui obéir à peine d'être clérical ou réactionnaire. J'étais pourtant resté le même.

Un jour viendra où nous devrons, l'un et l'autre, répondre de nos actes devant nos juges.

Je pourrai dire à MM. les électeurs : « Je n'ai rien fait pour être ministre et je ne le suis pas devenu. Mon libéralisme était désintéressé. Il y avait quelque présomption que j'ai vu clair, car le prisme du pouvoir n'a pu m'eblouir. »

Quant à l'honorable M. Rogier s'il se présentant devait le corps électoral en disant : « Je n'ai rien fait pour arriver au pouvoir et rien pour y rester ! » j'en suis sûr, un immense éclat de rire accueillerait une telle déclaration.

J'ai dit.

M. Sinave. - Plusieurs orateurs ont stimulé le gouvernement à supprimer les compagnies d'assurances particulières, et l'ont engagé à faire exploiter les assurances par l'Etat comme assurances forcées. Sous le point de vue théorique, certainement, il serait bon de doter le trésor d'une dizaine de millions. Aucun orateur n'a envisagé la question au point de vue pratique d'exécution. Je ne sais si tous les membres de la chambre savent ce qui se passe pour les assurances. Le Code de commerce contient des dispositions sur la matière ; mais à peine était-il en vigueur, en 1806, que les assurés et les assureurs ont résolu de mettre de tôte toutes ces dispositions, parce qu’elles étaient tellement élastiques qu'il n'y avait pas possibilité de faire vider par la loi toutes les obligations réciproques.

Qu'est-ce qu'on a fait ? Chaque compagnie a formé sa police. Tous ont établi leurs conditions et ont présent qu'on renoncerait positivement à la poursuite judiciaire. Tous ont établi que les différends devaient s'arranger à l'amiable, par arbitres.

Si aujourd'hui le gouvernement était chargé d'exploiter au lieu des compagnies, il en résulterait qu'il y aurait autant de procès que de sinistres.

Les compagnies d'assurances contre l’incendie et pour la destruction des récoltes, comme celles pour les sinistres maritimes, suivent le même principe. Elles nomment un agent, cet agent se rend sur le lien du sinistre, fait une enquête, fait l'expertise, estime le dégât et offre à l'assuré le payement. Si l'assuré n'est pas content, il nomme de son côté un priseur et l'affaire s'arrange.

Je vous demande, messieurs, si le gouvernement peut se placer dans ces conditions, si pour chaque sinistre il pourrait envoyer sur les lieux un de ces agents qui aurait le droit de transiger. Evidemment le gouvernement ne peut accepter une pareille position, il est impuissant pour exploiter les assurances.

Voyez, messieurs, jusqu'où va l'impuissance du gouvernement. Je citerai pour exemple la poste aux lettres. Donnez une lettre à la poste ; faites-la charger. La lettre disparaît ; le gouvernement n'est pas responsable. Comment voulez vous établir qu'il peut nommer des agents chargés de faire des expertises et de s'arranger avec les assurés ?

Evidemment c'est impossible. Le gouvernement serait exposé à des pertes énormes. Et quant à faire une loi pour arranger judiciairement les contestations, bien certainement aucun assureur n'obtiendrait justice. Tous perdraient l'assurance en frais, et le gouvernement se ruinerait.

Je pense donc qu'il faut renoncer à cette idée de l'exploitation des assurances par le gouvernement. Sans doute les honorables membres qni l'appuient ont de bonnes intentions ; msis tous ceux qui ont pratiqué les assurances savent que la chose est impossible.

On a aussi parlé des bons du trésor. D'honorables membres ont dit que les bons du trésor étaient une mauvaise institution. Messieurs, tant que vous aurez des emprunts à faire, il vous faudra des bons du trésor. Car qu'est-ce que les bons du trésor ? C'est un acompte sur l'emprunt. Or, si chaque fois que le gouvernement a besoin de quatre ou cinq millions pour les dépenses de l'Etat, il devait, dans des circonstances souvent inopportunes, s'adresser aux capitalistes, il pourrait être exposé à de grands sacrifices

Les bons du trésor, quand on n'en abuse pas, ont leur côté utile et je crois qu'une vingtaine de millions ne sont pas une surcharge pour la Belgique. Nous voyons ce qui se passe aujourd'hui. La Banque Nationale est créée également sur des bases qui lui permettent de venir en aide au gouvernement. C'est une grande ressource pour l'Etat. Je n'approuve pas positivement les bases de cette institution ; aussi lors de la discussion de la loi, je n'ai pas été favorable à cette latitude qu'on voulait donner à la Banque. Mais le fait n'est pas moins vrai qu'aujourd hui, malgré la répulsion qu'on a eue pour les billets de banque, l'émission s'élève déjà à 70 millions, et on manque toujours de billets. Le besoin du pays exige une émission de 100 millions au moins, ce qui constitue la preuve que le crédit est en progrès.

M. Verhaegen. - Messieurs, la chambre évidemment n'est pas disposée à entendie une discussion politique. A la fin d'une session, il faut bien le dire, une bataille est impossible, et pour mon compte, je n'aime pas de prendre part à des escarmouches. J'ai entendu parler de réforme électorale, de retrait de la loi des successions, de la loi sur les caisses de retraite et de prévoyance, du retrait de la loi du crédit foncier et d'autres lois encore. Mais aucune proposition n'est faite. Les plus grands promoteurs de la réforme électorale n'ont pas eu le courage de prendre l'initiative, pas même de formuler une proposition à la suite du rapport de M. Jacques. Quant à nous, nous sommes en possession, et nous n'avions par conséquent rien à faire. A vous, messieurs, qui avez fait tant de bruit de la réforme électorale, il appartenait d'agir. Vous êtes restes inactifs, et la fin de la session est là.

M. Vilain XIIII. - Nous agirons l'année prochaine. Puisque vous nous provoquez, vous verrez que nous osons agir.

M. Verhaegen. - Oh ! nous connaissons vos intentions. Vous avez un but pour ne pas agir à la fin de la session. Vous voulez faire du bruit, agiter le pays à la veille des élections. Eh bien, soit ! vous inscrirez sur votre drapeau : Réformes de tous genres ; nous inscrirons sur le nôtre : Maintien de ce qui est, et nous ferons un appel au bon sens des électeurs.

M. Vilain XIIII. - Ce n'est pas le courage qui nous manque.

M. Verhaegen. - C'est le courage qui vous manque. (Interruption.) Nous n'avions nous, rien à faire ; à vous seuls il appartenait d'agir.

M. Lesoinne. - Nous n'avons pas voté la réforme électorale par peur.

M. Verhaegen. - Au reste, ce que je vois de plus clair dans tout ce qui se passe, c'est qu'on nous présente le programme d'un ministère qui doit remplacer le ministère de transition. Ce programme, nous aurons saus doute à le discuter au commencement de ia session prochaine ; mais alors aussi le parti libéral que M. de Mérode dans sa naïveté vous représente aujourd'hui comme étant à la débandade, se trouvera en présence d'adversaires avoués et saura bien se refaire pour reprendre vigoureusement l'offensive.

M. Deliége. - Je ne veux pas faire un discours ; j'ai demandé la parole quand j'ai entendu l'honorabie M. Roussel prétendre que l'institution du crédit foncier est une institution au service du despotisme, que tous les despotes traînent à leur suite.

Messieurs, le crédit foncier n'a rien de commun avec la politique ; il a été organisé dans presque tous les pays de l'Europe, dans le Hanovre, dans le Wurtemberg, en Saxe, dans le Mecklembourg, à Hambourg, à Brème, en Autriche, en Russie, en Prusse, en Pologne et en Suisse. Sans le crédit foncier, messieurs, le droit de propriété est incomplet. (page 1467) Ne serait-ce rien que de compléter le droit de cette foule de propriétaires qui, en 1848, ont tant contribué au maintien de l'ordre et qui aujourd'hui est absorbé par des charges énormes ; charges qui disparaîtraient peu à peu, si l'on établissait en Belgique le crédit foncier ?

Ne serait-ce rien que de leur fournir les moyens d'augmenter la valeur de leurs propriétés par des améliorations agricoles ? Ce qui serait d'un exemple excellent, ce qui se fait aujourd'hui dans plusieurs pays de l'Europe et entre autres en Prusse.

Messieurs, il serait triste de voir abandonner, en Belgique, l'espoir de faire adopter une institution qui a fait ailleurs tant de bien. J'espère que, bien comprise, elle sera dans peu de temps adoptée par le sénat. Vous vous souvenez que nous l'avons adoptée à une grande majorité.

M. Malou. - Que la chambre se rassure, je ne prolongerai pas beaucoup ce débat, j'en ai reconnu le premier l'inopportunité.

L'honorable M. Rogier nous accuse d'être possédés d'un esprit de démolition et de réaction : nous ne voulons rien laisser debout ; et l'honorable M. Verhaegen, qui lui succède, dit que nous n'avons pas le courage de faire une réforme, de sorte que lorsque nous sommes blâmés par l'honorable M. Rogier de vouloir des réformes, nous sommes blâmés par l'honorable M. Verhaegen de n'avoir pas le courage d'en faire.

Ces accusations de manquer de courage se sont plus d'une fois produites.

Nous avons eu du courage un jour, c'était après la révolution de 1848, c'est quand nous vous avons suivis ; alors nous avons eu du courage et il nous en a fallu beaucoup.

On nous répète encore aujourd'hui que nous cédions à un sentiment de peur ! Non, nous cédions au sentiment patriotique, comms^nous avons cédé à ce sentiment en n'usant pas immédiatement de notre initiative pour la réforme électorale. Et, en effet, M. Rogier a beau dire que le ministère actuel jouit de notre confiance, M. Verhaegen a beau dire que nous faisons le programme d'un ministère futur ; pour tout esprit impartial pour quiconque apprécie les nécessités politiques comme on doit les apprécier, il est évident que le ministère actuel a été et est encore une trêve entre les partis.

Voilà, messieurs, pourquoi nous n'avons pas, avant la fin de la session, déposé à la tribune le projet de réforme électorale. C'est notre seul motif, c'est le respect d'une situation politique qui était nécessaire, que vos fautes ont rendue nécessaire.

A ces accusations contradictoires, notre réponse est extrêmement simple. Nous ne voulons pas enlever la concession faite en 1848, nous voulons donner à la concession faite en 1848 sa première, sa plus légitime conséquence. L'honorable M. Rogier dit, par exemple : Lorsqu'on abaissait le cens électoral, il fallait bien supprimer le timbre des journaux pour que le corps électoral tout entier pût être plus facilement initié à la connaissance des affaires publiques. Eh bien, lorsque vous abaissiez le cens électoral, ne fallait-il pas aussi faciliter l'exercice du droit d'élire que vous confériez à des classes qui possèdent une fortune moindre ?

Le jour où vous avez voté la réforme électorale, vous avez contracté devant le pays l'obligation de faciliter à tous les électeurs l'exercice de leurs droits ; sans quoi, la loi n'aurait rien de sérieux ; elle ne serait qu'une illusion ; elle aurait conféré un droit en laissant subsister un obstacle inutile à l'exercice de ce droit.

Telle est la question de la réforme électorale dans toute sa pureté ; l'esprit de parti ne parviendra pas à la dénaturer.

Nous n'avons pas, nous, la prétention de mettre les villes sous la domination du nombre, comme le dit M. Rogier ; mais nous avons la prétention qu'il n'y ait pas en Belgique une loi qui crée à l'exercice des droits politiques des entraves qui ne sont pas inévitables ; nous avons la prétention que nos institutions soient sincères, que le régime électoral fonctionne en toute liberté pour les habitants des campagnes comme pour les habitants de ville.

C'est pourquoi la réforme électorale se fera le jour où elle sera produite à la chambre, et si ce jour n'est pas venu, c'est parce que nous avons voulu respecter la situation politique dont l'intérêt national exige encore le maintien.

M. Devaux. - Alors pourquoi les pétitions ? Pourquoi avez-vous choisi ce moment ?

M. Malou. - Encore une fois je rencontre une idée qui s'est fait jour dans le pays depuis 1829 ; qui a fait les pétitious ?

M. Devaux. - Vous.

M. Malou. - Je dis que non. Je n'ai pas fait les pétitions.

M. Lebeau. - C'est le secret de la comédie.

M. Malou. - Chose étonnante il serait au pouvoir d'un homme, d'une opinion de faire naître un pareil mouvement sans qu'il y eût de grief réel de l'opinion.

M. Devaux. - Ce n'est pas la première fois.

M. Malou. - Ce serait une étrange manière, dans un gouvernement libre, d'examiner une question, que de demander si le pétitionnement est opportun. Il me semble qu'une question domine celle-là, celle de savoir s'il y a un grief, si la demande est juste, et cette question-là, vous aurez beau faire, vous ne l'éviterez pas ; je le répète, le jour où elle sera discutée elle sera décidée dans le sens de la demande des pétitionnaires, qui veulent que l'exercice du droit électoral soit facilité.

Messieurs, je n'ajoute qu'un seul mot, l'honorable M. Rogier ne manque pas une occasion de rappeler qu'en 1848 il a été considérablement battu sur la question de la réforme parlementaire ; je suis obligé, à mon tour, de dire encore un mot ds l'esprit qui animait alors la majorité de la chambre et de la section centrale dont j'étais le représentant.

Ce n'était pas de gaîeté de cœur qu'on voulait aller au-delà de ce que le ministère proposait, mais c'est que la mesure, telle qu'elle était présentée, avait un caractère de partialité et d'injustice et que la réforme ne pouvait pas se faire de cette façon, il n'y a donc aucune contradiction entre ce qu'on demande aujourd'hui, le vote au chef-lieu du canton, et le plus ou moins d'extension donné en 1848 à la réforme parlementaire.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, il a été présenté dans la séance d'hier quelques observations qui se rattachent directement au budget en discussion ; c'est à celles-là que je demande la permission de repondre.

Un honorable député, messieurs, voudrait que le gouvernement revisât l'arrêté royal qui fixe le rapport entre la valeur vénale des biens et le revenu cadastral au point de vue des déclarations de succession. Vous savez, en effet, que la loi sur les successions en ligne directe charge le gouvernement, pour la facilité des déclarants, de déterminer le rapport moyen entre le revenu cadastral et la valeur vénale des biens.

L'orateur auquel je réponds, disait que cet arrêté fixait la valeur vénale des biens à un prix tellement élevé que presque jamais les déclaranls ne s'y rapportaient et qu'ils aimaient mieux recourir à l'expertise.

Je ne sais où l'honorable membre a puisé ses renseignements ; mais je puis attester que les trois quarts des héritiers en ligne directe se rapportent à la valeur vénale calculée d'après les bases de cet arrêté royal et ne recourent pas aux expertises.

Un fait au moins certain, c'est que si cet arrêté n'existait pas, si, comme règle générale, on se rapportait à des expertises, le trésor percevrait à peu près un quart de plus de droits de succession en ligne directe. Il n'est donc pas exact de dire que la base admise par l'arrêté royal est exagérée.

Cet arrêté est fondé sur les ventes qui ont eu lieu dans chaque commune pendant une période de dix années ; et pour qu'on ne pût pas dire qu'il y avait parmi ces ventes des prix fixés à des taux exagérés, on a sur l'ensemble déduit un dixième et on est arrivé à une valeur moyenne qui se rapproche très fort de la réalité, mais qui en est plutôt en deçà, qu'au-delà.

Un autre honorable membre voudrait que le gouvernement adoptât une base semblable pour toutes les mutations qui se font dans le pays.

Je suis le premier à reconnaître que s'il était possible d'arriver à ce résultat, ce serait un immense bienfait pour le pays ; on épargnerait au trésor une masse de procès à l'occasion des déclarations de mutation. Mais, pour le moment, la mesure est irréalisable ; nous faisons un essai pour les déclarations de succession ; lorsque nous aurons quelques années d'expérience, nous verrons s'il est possible d'étendre la mesure à d'autres mutations.

La justice de cette mesure a été si bien sentie partout que ce n'est pas seulement dans cette enceinte qu'elle a été réclamée, elle l'a été aussi en France et en Hollande ; mais là, comme en Belgique, le gouvernement a reculé devant les conséquences de la mesure.

Quoi qu'il en soit, la première en Europe, la Belgique a osé fixer une base égale pour tous, en ce qui concerne les valeurs vénales, à loccasion de la loi sur les successions ; continuons cet essai, avant de faire un pas de plus.

Un autre honorable membre a demandé s'il était vrai que les sociétés concessionnaires de chemins de fer fussent exemples de l'impôt foncier.

Messieurs, depuis que le pays a concédé des chemins de fer, les cahiers de charges qui ont été approuvés chaque fois par les chambres, contenaient cette stipulation que le chemin de fer, de même que toutes ses dépendances, ne devait supporter aucun impôt quelconque en faveur de l'Etat.

Quautl je suis arrivé au ministère des finances, ce fait m'a frappé, et j'en ai fait l'objet d'une dépêche à M. le ministre des travaux publics, dépêche dans laquelle je disais en substance que les sociétés concessionnaires ne pouvaient pas réclamer une exemption, alors que les domaines de l'Etat eux-mêmes payent l'impôt foucier à l'Etat.

Depuis que j'ai appelé l'attention de mon collègue sur ce fait, les cahiers des charges ne stipulent plus une semblable exemption ; la première application qui a été faite de cette régie, c'est au chemin de fer de Turnhout.

J'espère que la chambre sera assez sage pour persévérer dans ce système.

L'abus était allé si loin que nous avons dû soutenir un procès contre l'administration d'un chemin de fer que je ne désigne pas, pour obtenir qu'elle payât l'impôt personnel sur les bâtiments occupés par les employés. Elle prétendait que la disposition qui se trouvait dans le cahier des charges était tellement générale que, même du chef des contributions personnelles, tous les employés étaient exempts ; heureusement les tribunaux ont prononcé en faveur du trésor public.

Quant au droit de patente, les sociétés concessionnaires le payent toutes.

Messieurs, on a parlé du timbre des journaux. Cette question, comme j'ai eu l'honneur de le dire à la section centrale, est excessivement délicate.

Voici la réponse qui a été insérée dans le rapport de la section centrale :

« Le cabinet s'est occupé de cette question, surtout en ce qui concerne les annonces : il est en effet au moins bizarre, qu'en Belgique, les (page 1468) citoyens qui distribuent une seule annonce payent un impôt tandis qu'ils sont affranchis de cet impôt lorsqu'ils en distribuent par centaines sous la forme d'un journal quelconque ; toutefois le cabinet n'a pas pris jusqu'ici de résolution. Cette question n'est pas aussi simple que quelques personnes paraissent le supposer. »

Il y a, en effet, dans cette affaire deux questions très distinctes, tellement distinctes que le pays où les journaux sont les plus libres du monde, en a tenu compte ; je veux parler de l'Angleterre. Jamais, en Angleterre, aucun homme d'Etat ne s'est avisé de demander un impôt sur les journaux, en tant que journaux ; mais cela n'empêche pas que les annonces y payent un timbre très élevé.

Que s'est-il produit dans le pays depuis que nous avons supprimé le timbre des journaux, même pour les annonces ? C'est qu'il existe pour les annonces insérées dans les journaux un véritable privilège. Si un marchand de vin lance dans le public une seule annonce de son commerce, il paye un impôt de timbre ; mais s'il fait cette annonce par la voie d'un journal, à 10,000 exemplaires je suppose, il ne paye rien ; il a y là une contradiction flagrante. De plus, la fraude s'en mêle, et, pour peu que cela continue, le timbre des annonces ne produira plus rien.

Lorsque mon attention a été attirée sur ce point par un des gouverneurs de province, j'ai recommandé de rechercher dans toutes les provinces les moyens de fraude qui se commettent. Eh bien, voici la manière qui est employée généralement :

Quelqu'un a à lancer 10,000 annonces dans le pays ; il doit se soustraire au payement du timbre des journaux ; que fait-il pour ne rien payer ? Il fait inscrire en tête de son annonce un titre de journal, il en fait cinq ou six tirages ; quand il est parvenu au nombre des annonces qu'il voulait lancer, le prétendu journal cesse, en apparence, faute d'abonnés, mais en réalité parce que le but qu'on voulait atteindre, c'est-à-dire, la circulation de l'annonce dans tout le pays, est atteint.

Je dis que si cela continue, on sera amené à cette alternative : supprimer le timbre sur les annonces en général, ou rétablir le timbre sur les annonces des journaux.

Messieurs, on a également cité la loi sur les distilleries, comme pouvant donner un plus grand produit au trésor public.

Lors de la discussion de cette loi, j'ai annoncé à la chambre que mon intention était de profiter des vacances parlementaires pour étudier la question. Est-il possible, sans dépasser certaines limites, de faire rapporter à cet impôt plus qu'il ne rapporte ? Voilà ce que je me propose d'examiner avec le plus grand soin.

L'honorable M. Rodeubach a exprimé la crainte que si l'on élève l'impôt sur le genièvre, on ne provoque la fraude à la frontière, mais il y a des proportions connues qu'on peut atteindre sans inconvénient, et au-delà desquelles on ne peut se hasarder, sans offrir un trop grand appât à la fraude.

Il sera tenu compte de ces circonstances dans le projet de loi qui vous sera soumis probablement l'année prochaine.

Il s'est établi une discussion assez vive à l'occasion des caisses de retraite. Si j'avais à me prononcer entre les caisses de retraite et les caisses d'épargne, je n'hésiterais pas à donner la préférence aux dernières, je les crois plus morales que les autres. Ce n'est pas une raison pour que je ne considère pas les caisses de retraite comme éminemment utiles. Je ferai une seule observation : il n'est permis à personne de prévoir l'avenir ; il est évident que si, ce qu'à Dieu ne plaise, l'ordre public venait à être menacé, chacun des dépositaires à la caisse de retraite serait un soldat de l'ordre, un homme que vous enlèveriez à l'émeute.

Cette seule considération me ferait applaudir à la création de la caisse de retraite. Elle est mort-née, dit on. Mais elle a le sort de toutes les institutions nouvelles ; lorsque en 1818 la caisse d'épargne fut créée à Paris, personne n'a songé à la critiquer ; dans les premières années on s'apercevait à peine qu'elle existât ; cela n'a pas empêché qu'en 1848 elle comptât plus de 200 mille déposants et 112 millions en caisse.

La caisse de retraite, sans prendre de semblables proportions, fera son chemin comme la caisse d'épargne.

La première année il n'y avait que 175 déposants, la seconde il y en a eu 568 ; voilà une progression qui n'est pas tout à fait à dédaigner. Il est une autre circonstance qui fait voir que cette caisse n'est pas sans avenir ; c'est que la première année, elle ne comptait de déposants que dans la capitale, c'est-à-dire au centre où l'on peut s'entourer de renseignements suffisants pour savoir ce qu'on'peut espérer ou craindre ; dans l'année suivante la capitale ne compte plus que 44 p. c. des déposants, les 66 autres se répartissent entre les aulres provinces. Je crois avoir rencontre les seules observations qui se rattachent directement au budget. Je terminerai en déposant le rapport annuel sur la situation de la caisse de retraite.

M. le président. - Ce rapport sera imprimé est distribué.

M. Pierre. - Je comprends qu'après une discussion politique, la chambre soit trop préoccupée pour prêter une attention soutenue à une question financière. Je ne puis cependant me dispenser de répondre quelques mots à ce qui a été dit pour combattre le système des assurances contre l'incendie par l'Etat. L'honorable M. Sinave estime qu'il serait impossible à l'Etat de faire ce que font les compagnies. Il pense que les sinistres ne pourraient pas être réglés aussi convenablement par arbitrage et à l'amiable. Je ne vois vraiment pas sur quoi il base cette appréciation.

Comment ! les compagnies rencontrent toujours des hommes de confiance, qui traitent leurs intérêts de la manière la plus satisfaisante ; et le gouvernement, lui, n'en trouverait pas ! Une telle objeclion, messieurs, n'est évidemment pas sérieuse. L'Etat n'a-t-il pas à sa disposition un personnel nombreux, complet de fonctionnaires qui présentent toute garantie d'aptitude et de probité ? S'il y a, sous ce rapport, un parallèle à établir entre les sociétés et le gouvernement, il est totalement à l'avantage de celui-ci.

Les allégations de l'honorable représentant de Bruges, quant aux lenteurs pour le payement des sinistres, n'ont pas plus de fondement.

L'Etat sera en mesure d'y satisfaire avec autant d'exactitude et même d'empressement que les compagnies. Pourquoi ne le ferait-il pas ? M. Sinave ne peut certes articuler aucun motif plausible pour nous démontrer qu'il en serait autrement. Vous le voyez, messieurs, les deux assertions que je viens de réfuter ne sont absolument que spécieuses.

Il est un reproche d'un autre ordre, auquel je tiens également à donner une réponse. Eriger les assurances contre l'incendie en contributions publiques c'est faire du socialisme, a prétendu hier l'honorable M. Pirmez. Il semblerait qu'aujourd'hui, quand on veut tuer une mesure dont on n'est pas partisan, sans avoir pour soi les meilleures raisons, il suffira de la qualifier de socialiste et que tout soit dit. On se sert vraiment en cela du mot « socialisme » comme d'une espèce de croque-mitaine, qui doive glacer tout le monde d'épouvante. Eh bien, messieurs, pour moi ce mot n'est point une tête de Méduse. Je me borne à examiner la question, dans ce qu'elle esl et pour ce qu'elle est, sans m'inquiéter de la qualification qu'il plaira à chacun de lui attribuer.

Ainsi, dans le cas actuel, je me contente de voir si la mesure est bonne, tant au point de vue moral qu'au point de vue financier, si elle est facilement réalisable, si elle convient au pays, si elle n'exciterait ni ses répugnances, ni son mécontentement, si elle serait à la fois fructueuse pour le trésor national et profitable à tous les contribuables ; si, en un mot, elle est conforme aux règles de la plus stricte équité et d'une administration sage, intelligente. Or, le système des assurances contre l'incendie par l'Etat réunit sans contredit ces heureuses conditions. Voilà ses titres à ma sympathie. Appelez-le, après cela, socialiste, si vous le voulez, peu m'importe. La Belgique n'aurait cependant pas le mérite de l'invention du système. Plusieurs Etats d'Allemagne l'ont adopté et s'en félicitent : la Prusse est de ce nombre. Il serait assez singulier que le socialisme nous vînt de ce côté. Quoi qu'il en soit, je persiste dans mes convictions sur l'excellence du système.

Vous penserez, j'espère, avec moi, messieurs, que les objections de nos honorables collègues MM. Sinave et Pirmez doivent avoir laissé ces convictions entières, intactes. C'est une nouvelle preuve que le système est réellement inattaquable. J'appelle de mes vœux le moment où il sera converti en loi du pays.

M. Prévinaire. - Je désire appeler l'attention de M. le ministre sur une question qui a une grande importance pour les intérêts commerciaux. Aujourd'hui le timbre des effets de commerce produit fort peu par la raison que le droit est relativement très élevé. Il esl difficile de faire supporter par le commerce le timbre pour un effet qui doit transiter. Supposez qu'un négociant belge reçoive d'un de ses correspondants de Londres un effet sur Paris pour lequel il touche une commission ou un intérêt minime ; si le négociant veut le transmettre régulièrement il doit supporter un droit d'un demi pour mille, celui qu'il aurait payé pour un effet à trois mois de terme ; il y a là une disproportion complète dans la taxe, le commerce est entraîné à se constituer en fraude permanente.

Si on réduisait ce timbre, on percevrait le droit sur les effets qui s'en affranchissent, sur les effets qui transitent. Vous avez fait des conditions avantageuses aux marchandises qui transitent, vous devriez en agir de même pour les effets de change qui transitent. J'engage M. le ministre à faire étudier cette question ; il y aurait là une ressource uouvelle pour le trésor, car ce n'est pas un sacrifice qu'on demande, mais un moyen de recette qu'on propose.

Nos lois sur le timbre et l'enregistrement doivent être l'obje d'unt sérieux examen. Le droit d'enregistrement sur les baux devrait subir une réduction.

Aujourd'hui, on contracte très peu ; ce sont des baux verbaux que fait l'agriculture, elle ne fait pas de contrats ; ce serait un service à lui rendre que de la ramener dans la voie des baux ; aujourd'hui on se résout difficilement à faire des baux écrits, parce que les droits sont trop élevés ; on trouverait encore là une ressource nouvelle si on réduisait les droits de manière à ne pas écarter les parties de cette nature de contrat à laquelle elles n'ont pas recours aujourd'hui.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Les observations que l'honorable membre recommande à mon attention ont besoin d'être examinées de très près. Il fait allusion au timbre auquel sont soumis les effets de commerce, tirés à l'étranger sur l'étranger, et qui ne font en quelque sorte que transiter par le pays. Ces effets de commerce sont soumis à un timbre d'un demi par mille. Il est encore vrai que ce droit a pour conséquence de faire détourner ces effets de commerce de notre pays ; mais le remède est difficile à trouver. L'honorable membre pense que l'on pourrait diminuer les droits sur ces effets de commerce ; mais le revers de la médaille c'est qu'il pourrait se commettre de grandes fraudes. Des. négociants, habitant le pays, pourraient dater leurs effets de commerce de l'étranger..

Ainsi rien n'empêcherait un négociant habitant Gand de dater ses effets de commerce de Lille pour qu'ils fussent soumis à un droit de timbre moindre. Il serait à craindre que le fisc n'y perdît beaucoup plus qu'il n'y gagnerait.

(page 1469) Puisque j'ai la parole, j'en profiterai pour faire connaître à l'honorable M. David qui a demandé quelle était la situation du produit du timbre des effets de commerce, que ce produit a plus que doublé depuis 1847. Il était en 1847 de 198,000 fr. ; il est maintenant de 434,000 fr. Je me hâte d'ajouter qu'en 1848 nous n'avons pas augmenté le timbre des effets de commerce ; nous l'avons, au contraire, diminué. L'augmentation de recettes vient uniquement de ce que nous avons rendu la fraude plus impraticable pour le commerce. Ce n'est donc pas une aggravation pour le commerce. Seulement il est obligé d'être de meilleure foi qu'auparavant.

- La discussion générale est close. La chambre passe à la discussion des articles.

Discussion du tableau des recettes (I. Impôts)

Contributions directes, douanes et accises

Foncier

« Principal : fr. 15,500,000.

« 3 centimes additionnels ordinaires : fr.465,000.

« 2 centimes additionnels pour non-valeurs : fr. 310,000.

« 10 centimes additionnels extraordinaires : fr. 1,550,000.

« 5 centimes additionnels supplémentaires sur le tout : fr. 534,750.

« Ensemble : fr. 18,359,750. »

- Adopté.

Personnel

« Principal : fr. 8,600,000.

« 10 centimes additionnels extraordinaires : fr. 860,000.

« Ensemble : fr. 9,460,000. »

- Adopté.

Patentes

« Principal : fr. 3,180,00.

« 10 centimes additionnels extraordinaires : fr. 318,000. »

« Ensemble : fr. 3,498,000. »

- Adopté.

Redevances sur les mines

« Principal : fr. 220,000.

« 10 centimes ordinaires pour non-valeurs : fr. 22,000.

« 5 centimes sur les deux sommes précédentes pour frais de perception : fr. 12,100.

« Ensemble : fr. 254,100. »

- Adopté.

Droit de débit des boissons alcooliques

« Droit de débit des boissons alcooliques : fr. 900,000 »

-Adopté.

Droit de débit des tabacs

« Droit de débit des tabacs : fr. 170,000. »


Douanes

« Droits d’entrée (16 centimes additionnels) : fr. 12,440,000.

« Droits de sortie (16 centimes additionnels) : fr. 100,000.

« Droits de transit (16 centimes additionnels) : fr. 25,000.

« Droits de tonnage (16 centimes additionnels) : fr. 525,000.

« Timbres : fr. 35,000.

« Ensemble : fr. 13,183,000. »

- Adopté.

Accises

« Sel (sans additionnel) : fr. 4,500,000.

« Eaux-de-vie étrangères (sans additionnel) : fr. 270,000.

« Eaux-de-vie indigènes (sans additionnel) : fr. 5,000,000.

« Bières et vinaigres (26 cent. additionnels et timbres collectifs) : fr. 6,600,000.

« Sucres de canne et de betterave : fr. 3,500,000.

« Glucoses et autres sucres non cristallisables : fr. 7,000.

« Timbres sur les quittances : fr. 5,000.

« Timbres sur les permis de circulation : fr. 1,000.

« Ensemble : fr. 22,183,000. »

- Adopté.

Garantie

« Droits de marque des matières d'or et d'argent : fr. 150,000. »

- Adopté.

Recettes diverses

« Droits de magasin des entrepôts, perçus au profit de l’Etat : fr. 225,000.

« Recettes extraordinaires et accidentelles : fr. 30,000.

« Ensemble : fr. 255,000. »

- Adopté.

Enregistrement et domaines

Droits additionnels et amendes

« Enregistrement (principal et 30 centimes additionnels) : fr. 10,500,000.

« Greffe (principal et 30 centimes additionnels) : fr. 300,000.

« Hypothèques (principal et 26 centimes additionnels) : fr. 1,680,000.

« Successions (principal et 30 centimes additionnels) : fr. 6,400,000.

« Droits de mutation sur les successions en ligne directe (principal et 30 centimes additionnels) : fr. 1,300,000.

« Droit dû par les époux survivants (principal et 30 centimes additionnels) : fr. 200,000.


« Timbre (principal sans additionnels) : fr. 3,000,000. »

M. Coomans. - Je demanderai à l'honorable ministre des finances s'il n'y aurait pas moyen de rendre plus accesssible les achats de timbre ; il en résulterait un avantage pour le trésor et pour les contribuables. Aujourd'hui, il faut que les contribuables fassent quelquefois plusieurs lieues pour se procurer des timbres. Les timbres ne se vendent, je pense, que dans les bureaux des receveurs de l'enregistrement, et même le gouvernement va jusqu'à défendre le débit de timbres par des personnes tierces.

S'il y avait moyen, sans compromettre les intérêts du trésor, de multiplier les débits de timbre, et même d'autoriser les particuliers à en vendre, c'est une légère réforme que j'approuverais beaucoup.

Je ne sais si le gouvernement redoute la contrefaçon. Je ne le pense pas, puisque ce n'a pas été un obstacle au débit des timbres-postes, qui se trouvent chez tous les épiciers. Pourquoi ne pas autoriser de même le débit des timbres de dimension ? C'est dans l'intérêt du trésor, autant que dans l'intérêt des particuliers que je fais cette remarque.

Au moins, si le gouvernement voyait quelque obstacle à autoriser le débit des timbres par les particuliers, il ne peut en voir, ce me semble, à permettre à certains fonctionnaires, par exemple aux receveurs communaux, de débiter les timbres de dimension.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Il me serait difficile de répondre aujourd'hui à l'interpellation qui vient de m'être faite. Mais ce que je puis déclarer, c'est que ce n'est pas la crainte de la contrefaçon qui a fait interdire aux receveurs communaux de vendre des timbres ; c'est, si je ne me trompe, la complication de comptabilité qui en résulterait. Du reste l'inconvénient qu'on signale est déjà diminué de beaucoup par les distributeurs de lettres dans le plat pays.

Il n'y a pas un distributeur de lettres qui ne se prête à procurer des timbres à ceux qui en ont besoin.

Remarquez que si l'on autorise la vente des timbres dans les boutiques, comme on le fait pour les timbres-postes, il en résultera que, comme pour les timbres-postes, le papier timbré se vendra plus cher qu'au bureau.

Du reste, je le répète, je veux bien faire l'examen de cette question, et donner des explications lors de la présentation du prochain budget.

(page 1470) M. Mercier. - À l'appui de l'observation de l'honorable M. Coomans, je ferai remarquer que la section centrale a indiqué comme pouvant être chargés du débit des timbres, les receveurs des contributions, les receveurs et même les distributeurs des postes. Je crois que la vente des timbres, par ces fonctionnaires, n'offrirait aucun inconvénient. M. le ministre voudra bien examiner la question.

- L'article est mis aux voix et adopté.


« Naturalisations : fr. 5,000. »

- Adopté.

« Amendes en matière d'impôts : fr. 140,000. »

- Adopté.

« Amendes de condamnation en matières diverses : fr. 120,000. »

- Adopté.

Discussion du tableau des recettes (II. Péages)

Enregistrement et domaines

« Rivières et canaux : fr. 3,000,000.

« Routes appartenant à l'Etat : fr. 1,650,000.

« Ensemble : fr. 4,650,000. »

- Adopté.

Travaux publics. Postes

« Taxe des lettres et affranchissements : fr. 2,960,000.

« Port des journaux et imprimés : fr. 240,000.

« Droits sur les articles d'argent : fr. 30,000.

« Remboursements d'offices étrangers : fr. 250,000.

« Emoluments perçus en vertu de la loi du 19 juin 1842 : fr. 60,000.

« Ensemble : fr. 3,540,000. »

- Adopté.

Marine

« Produit du service des bateaux à vapeur entre Ostende et Douvres : fr. 200,000. »

- Adopté.

Discussion du tableau des crédits (III. Capitaux et revenus

Travaux publics

« Chemin de fer : fr. 18,000,000.

« Télégraphes électriques : fr. 175,000.

« Ensemble : fr. 18,175,000. »

M. Coomans. - Je demanderai au gouvernement s'il ne serait pas possible d'établir, dans les villes dotées d'un télégraphe, un bureau central.

Dans nos grandes villes, le bureau du télégraphe électrique se trouve dans les faubourgs. Ceux qui veulent en faire usage doivent se livrer à une course assez désagréable. Je suis persuadé que la clientèle des télégraphes électriques s'accroîtrait s'il y avait un bureau central dans chacune de nos grandes villes.

M. Prévinaire. - Je voulais présenter la même observation que l'honorable M. Coomans.

Je suis dans le cas d'apprécier souvent combien la proximité d'un bureau est utile, d'abord, à ceux qui ont besoin de se servir du télégraphe et combien l'établissement d'un bureau central serait fructueux pour le gouvernement.

Il arrive souvent que vous n'avez que quelques minutes et que vous n'avez pas le temps de transmsltre votre dépêche, tandis que si vous aviez un bureau à proximité, vous pourriez en user fréquemment. Conçoit-on, par exemple, que pour les communications entre deux places aussi importantes que Bruxelles et Anvers, vous deviez aller chercher le télégraphe à la station du Nord et que la dépêche que vous transmettez arrive hors de l'enceinte d'Anvers ?

Il n'y aurait rien de plus simple que d'avoir à Bruxelles, sur la place de la Monnaie, un bureau central communiquant d'un côté avec Paris, de l'autre avec un bureau qui serait placé au centre d'Anvers à la Bourse ou à la place de Meir.

Je suis convaincu que vous auriez 25 dépêches de plus par jour. Quant à moi, je consentirais à faire un forfait avec le gouvernement ; je lui assurerais le revenu actuel augmenté dans la progression qui s'est fait remarquer d'année en année et je me contenterais du revenu qui serait dû uniquement à l'établissement du bureau central dont les frais seraient à ma charge.

J'engage l'honorable ministre des travaux publics, dans l'intérêt du trésor, à faire notamment à Bruxelles, ce qui existe dans d'autres villes, à établir un bureau central. A Londres, par exemple, vous avez, un bureau central où tous les télégraphes électriques vont aboutir.

Enregistrement et domaines

« Domaines (valeurs capitales) : fr. 825,000.

« Forêts : fr. 900,000.

« Dépendances des chemins de fer : fr. 80,000.

« Etablissements et services régis par l'Etat : fr. 285,000.

« Produits divers et accidentels : fr. 300,000.

« Revenus des domaines : fr. 200,000.

« Ensemble : fr. 2,590,000.

- Adopté.

Trésor public

« Produits divers des prisons (pistoles, cantines, vente de vieux effets) : fr. 110,000.

« Produits de l'emploi des fonds de cautionnements et de consignations : fr. 568,000.

« Produits des actes des commissariats maritimes : fr. 50,000.

« Produits des droits de chancellerie : fr. 30,000.

« Produits des droits de pilotage et de fanal : fr. 590,000.

« Produits de la fabrication de monnaies de cuivre : fr. 140,000.

« Produits de la retenue de 1 p. c. sur les traitements et remises : fr. 220,000.

« Ensemble : fr. 1,708,000.

« - Adopté.

Discussion du tableau des crédits (IV. Remboursements

« Contributions directes, etc.

« Prix d'instruments fournis par l'administration des contributions, etc. : fr. 1,000.

« Frais de perception des centimes provinciaux et communaux : fr. 100,000.

« Ensemble : fr. 101,000. »

- Adopté.

Enregistrement et domaines

« Reliquats de comptes arrêtés et non arrêtés par la cour des comptes. Déficit des comptables : fr. 50,000.

« Recouvrements d'avanees faites par les divers départements : fr. 450,000. »

- Adopté.

M. Osy. - Messieurs, on a déposé sur le bureau des tableaux pour tous les recouvrements à faire pour les différents ministères. Je les ai parcourus et j'ai trouvé entre autres que la ville de Bruxelles doit au gouvernement 1,632,000 fr., qu'elle conteste la somme et qu'elle prétend ne devoir que 375,000 fr. Je vois en note que le gouvernement a institué une commission mixte chargée d'examiner la question. En attendant, la ville paye tous les ans au gouvernement une certaine somme, mais seulement sur le capital de 375,000 fr. qu'elle reconnaît devoir.

Messieurs, cette note se trouve depuis des années sur le tableau qui nous est remis annuellement lors de la discussion du budget. Je demanderai à M. le ministre des finances de hâter l'examen de cette affaire. Car vous voyez qu'il s'agit d'une somme, assez considérable, et il me paraît qu'il serait convenable de régler enfin de différend.

En parcourant ce tableau, j'ai trouvé qu'on avait fait sur le crédit, que j'ai appelé le crédit Merlin, une avance de 100,000 fr. à une maison qui avait fait un établissement dans la Californie. Cette avance devait être remboursée le 1er octobre 1851, et lorsque la commission des finances, à la session dernière, vous a fait rapport sur cette avance, il nous a été dit que la somme allait être remboursée. Eh bien, je vois qu'au lieu de rembourser, on a fait un nouvel arrangement pour donner cinq ans de répit. Cependant nous avons vu, par le rapport de la commission des finances, qu'une personne du pays avait été caution pour cette somme. Il me paraît, messieurs, qu'il faudrait voir si la caution, est solvable avant de faire un tel arrangement avec le débiteur.

(page 1471) Je parlerai encore d'un autre prêt qui a été fait. On a prêté à une maison d'une de nos villes moyennes une somme de 50,000 fr. à charge d'employer des ouvriers et cette somme devait être remboursée partiellement par dixièmes pendant 5 ans. Ce prêt a été fait en 1848, voilà les 5 ans expirés et je ne vois pas qu'on ait remboursé un centime.

Il y a à cet égard dans la note une observation très singulière : lorsqu’on a fait le prêt, au lieu de prendre hypothèque, on s’est borné à stipuler que l’emprunteur s’engageait à donner hypothèque ; eh bien, messieurs, l’hypothèque n’a jamais été donnée, le remboursement n’a jamais été fait, les ouvriers qu'on devait employer n'ont pas été employés et les 50,000 francs seront, je pense, perdus pour l'Etat.

Je recommande également cette affaire à M. le ministre. Je ne donne pas de noms propres, mais si M. le ministre ne reconnaissait pas les débiteurs, je me charge de les lui indiquer après la séance.

Pour l'affaire cotonnière qui a eu lieu en 1847, les remboursements devaient se faire en 1848 et en 1849 ; eh bien, messieurs, au lieu de rembourser on a fait un arrangement à dix ans sans intérêt.

Il y a, messieurs, un grand nombre d'autres débiteurs et j'engage beaucoup M. le ministre des finances à en parcourir la liste et à faire rentrer autant que possible les avances faites sur ces malheureux millions depuis 1847.

- Le chiffre est mis aux voix et adopté.

Trésor public

« Recouvrements d'avances faites par le ministère de la justice aux ateliers des prisons, pour achat de matières premières : fr. 830,000. »

- Adopté.

« Remboursement par les provinces des centimes additionnels sur les non-valeurs de la contribution personnelle : fr. 35,000. »

- Adopté.

« Recettes accidentelles : fr. 250,000. »

- Adopté.

« Abonnement des provinces, pour réparations d'entretien dans les prisons : fr. 20,300. »

- Adopté.

« Chemin de fer rhénan. Dividendes de 1854 : fr. 125,000. »

- Adopté.

« Prélèvement sur les fonds de la caisse générale de retraite, à titre de remboursement d'avances : fr. 13,000. »

- Adopté.

« Part réservée à l'Etat, par la loi du 5 mai 1850, dans les bénéfices annuels réalisés par la Banque nationale : fr. 160,000. »

- Adopté.

« Fonds spécial.

« Produit des ventes de biens domaniaux, autorisées par la loi du 3 février 1843 : fr. 1,000,000. »

- Adopté.

Vote des articles et sur l'ensemble du projet">

Les divers articles du projet de loi de budget sont ensuite successivement adoptés. Ils sont ainsi conçus :

« Art. 1er. Les impôts directs et indirects, existants au 31 décembre 1853, en principal et centimes additionnels ordinaires et extraordinaires, tant pour le fonds de non-valeurs qu'au profil de l'Etat, ainsi que la taxe des barrières, seront recouvrés, pendant l'année 1854, d'après les lois et les tarifs qui en règlent l'assir le et la perception.

« Le principal de la contribution foncière est réparti entre les provinces, pour l'année 1854, conformément à la loi du 9 mars 1848. »


« Art. 2. D'après les dispositions qui précèdent, le budget des recettes de l'Etat, pour l'exercice 1854, est évalué à la somme de cent vingt-cinq millions deux mille cent cinquante francs (125,002,150), et les recettes spéciales, provenant des ventes de biens domaniaux, autorisés par la loi du 3 février 1843, à la somme de un million de francs (1,000,000 de francs).


« Art. 3. Pour faciliter le service du trésor, pendant le même exercice, le gouvernement pourra, à mesure des besoins de l'Etat, mettre en circulation des bons du trésor jusqu'à concurrence de la somme de vingt-deux millions de francs. »


« Art. 4. La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1854. »


- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi qui est adopté à l'unanimité des 73 membres présents.

Ce sont : MM. de Brouwer de Hogendorp, de Decker, Delehaye, de Liedekerke, Deliége, de Mérode (Félix), de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, Dequesne, de Renesse, de Ruddere, de Sécus, Desmaisières, de Steenhault, de T'Serclaes, Devaux, de Wouters, Dumortier, Jacques, Janssens, Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lesoinne, Maertens, Malou, Manilius, Mascart, Matthieu, Mercier, Moreau, Orban,Osy, Peers. Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Roussel (Adolphe), Sinave, Thibaut, Thiéfry, Tremouroux, Vandenpeereboom (E.), Vander Donckt, Van Grootven, Van Iseghem, Van Overloop, Van Remoortere, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Visart, Ansiau, Boulez, Brixhe, Clep, Closset, Coomans, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Breyne, de Bronckaert et Delfosse.

- La séance est levée à 4 heures.