(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)
(Présidence de M. Delfosse.)
(page 1183) M. Dumon fait l'appel nominal à 1 heure et un quart.
- La séance est ouverte.
M. Ansiau lit le proces-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
Pièces adressées à la chambre
M. Dumon présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le conseil communal de Nodebais déclare adhérer à la pétition du conseil communal de Jodoigne relative à la construction d'un chemin de fer de Jemeppe à Diest, avec embranchement de Gembloux à Fleurus. »
« Même adhésion du conseil communal de Tourinnes-la-Grosse. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur de Proost demande la construction du chemin de fer projeté de Jemeppe à Diest. »
« Le conseil communal de Dasècles prie la chambre d'accorder au sieur Maertens la concession d'un chemin de fer de St-Ghislain à Tournai. »
- Même renvoi.
« Le docteur Van Swygenhoven demande une loi pénale contre les parents qui exposent leurs enfants à des catastrophes dont la mort est la suite la plus naturelle. »
« Le conseil communal et des électeurs de Brusseghem demandent que les élections aux chambres se fassent par agglomération de communes ou au chef-lieu du canton et que le cens électoral différentiel soit rétabli ou bien que les districts électoraux soient composés de 40,000 âmes, nommant chacun un représentant. »
- Renvoi à la commission des pétitions du mois de mars.
« Des électeurs à Koningsloo demandent que les élections aux cham res se fassent au chef-lieu du canton. »
- Même renvoi.
« Les bourgmestre et conseillers communaux de Thys demandent qu'il ne soit apporté aucune modification à la loi électorale. »
- Même renvoi.
« Les gardes peuvent être exercés au maniement des armes ou aux manoeuvres douze fois par an. Ce nombre d'exercices ne peut être dépassé, si ce n’est en vertu d’une autorisation écrite du collège des bourgmestre et échevins.
« Ces exercices ont lieu le dimanche et ne peuvent durer plus de deux heures, à partir du moment fixé par le billet de convocation.
« Les gardes jugés suffisamment instruits, et ceux qui ont accompli leur 35ème année, sont dispensés d'y assister. »
Amendement à la proportion de la section centrale, paragraphe dernier, présenté par M. Lesoinne :
« Les gardes jugés suffisamment instruits et ceux qui ont atteint leur trent-cinquième année ne peuvent être astreints à plus d’un exercice par an.
Sous-amendement à l'amendement de M. Lesoinne, présenté par M. Osy :
« Les gardes jugés suffisamment instruits et ceux qui ont atteint leur trentième année ne peuvent être astreints à plus d'un exercice ou manœuvre par an. Ils ne sont tenus qu'à une inspection d'armes par an. »
M. le président. - La section centrale ayant décidé que les manœuvres seraient comprises dans les exercices, cette partie de l'amendement de M. Osy disparaît.
Il ne reste de cet amendement que la proposition de substituer 30 ans à 35 ans. C'est l'amendement proposé par M. de Man.
- Amendements présentés par M. de Man d'Attenrode :
« Art. 83 (proposé par la section centrale) :
« § 1er. Substituer les mots : six fois, aux mots : douze fois.
« § 2. Substituer 30 ans à 35 ans (disposition analogue à celle qui a été présentée par M. Osy).
« Art. 84 (paragraphe nouveau) :
« Les gardes qui ont atteint leur 30ème année sont dispensés d'y assister. »
M. Osy vient de déposer un-autre amendement, ayant pour objet de retrancher les mots= « ont lieu le dimanche » et du deuxième paragraphe de l’article 83, proposé par la section centrale.
M. Coomans. - Je dois faire observer qu’il ne reste plus rien du premier amendement de l’honorable M. Osy, attendu que la chambre a maintenu hier les deux inspections d'armes. Or, comme la première partie de l’amendement de M. ? Osy est relative à l’inspection d’armes et qu'il y a été fait droit, ainsi que vient de le dire M. le président, je pense que cet amendement peut être écarte de la discussion.
M. le président. - J'ai dit qu'il ne restait de l'amendement de M. Osy que la proposition de substituer 30 ans à 35 ans, et qu’elle se confondait avec l’amendement de M. de Man.M. L
M. Lelièvre. - Je dois appeler l'attention de M. le ministre sur une question qui avait déjà été soulevée lors de la discussion de la loi du 8 mai 1848.
L'on avail demandé si les officiers jugés suffisamment instruits sont exempts d'assister aux exercices.
Le ministre alors en fonctions avait répondu que les officiers ne pouvaient être traités plus sévèrement que les autres gardes, et qu'en conséquence, ils devaient également pouvoir être dispensés d'assister aux exercices.
Cependant ces observations et explications n'ont pas été admises en pratique, et la cour de cassation, par arrêts des 17 février 1851 et 3 mai 1852, a décidé que les examens auxquels les officiers sont astreints en vertu de l'article 54 n'ont pas pour conséquence de les exempter d'assister aux exercices.
Il est résulté de cet état de choses, que nombre d'officiers se voyant dans une position plus défavorable que celle où se trouvaient les simples gardes, ont donné leur démission et que la garde civique s'est ainsi vue privée d'hommes importants, qui pouvaient lui donner quelque relief.
Il est évident que c'est là un abus qu'il est indispensable de faire disparaître dans l'intérêt même de l'institution. Il faut qu'au moyen de certains examens spéciaux que pourront subir les officiers, ils puissent être dispensés d'assister à tous les exercices, et qu'ainsi la promesse faite par le gouvernement en 1848 soit remplie.
Je ferai, du reste, remarquer que l'honorable ministre de la justice portant la parole, comme avocat général, devant la cour de cassation, estimait que les expressions de l'article 83, « gardes suffisamment instruits », comprenaient tous les membres de la garde, et par conséquent, même les officiers.
Il est nécessaire qu'on prems des mesures pour faire cesser l'abus que j'ai signalé, et je recommande cet objet important à l'attention du gouvernement.
Une autre observation concerne l'amendement proposé par l'honorable M. Van Grootven. Les deux heures d'exercice datent du moment fixé par le billet de convocation. Ils est clair, selon moi, que la promenade militaire doit être comprise dans le temps d'exercice. En conséquence, si l'on entend faire rentrer en ville sous les armes les membres de la garde, le temps nécessaire à cette fin est compris dans les deux heures dont s'occupe notre disposition. La marche militaire fat partie de l'exercice. Quoique cette conséquence se déduise nécessairement de la disposition proposée, une explication de M. le ministre de l’intérieur sur ce point serait très utile pour l'exécution de la loi.
Enfin messieurs, je pense qu'à l'égard des gardes âgés de plus de trente-cinq ans, il faut adopter la proposition de la section centrale qui ne les astreignait plus qu'à deux revues.
Il est évident qu'il est impossible d'obliger les gardes jusqu'à quarante ans à douze exercices. Il est à remarquer que l'article 41 du décret du Congrès du 31 décembre 1830 réduisait le service des gardes du second ban à deux revues sans plus. En fixant sur ce ppied les limites du service, nous ne faisons que nous conformer aux intentions du Congrès constituant qui a introduit la garde civique dans nos institutions. Je pense même qu'on pourrait facilemnt admettre qu'a partir de 30 ans les gardes ne seront plus astreints qu'a deux revues.
Il est évident que si à 30 ans un garde n'est pas suffisamment instruit, il ne le sera jamais. En consequence, il me semble qu'un peut appliquer aux gardes de cette catégorie les intentions bienveillantes du décret de 1830.
Je crois, du reste, que l'adoption de l'amendement de l'honorable M. de Perceval doit nécessairement amener la modification que je signale ; sans cela, M. de Perceval aurait fait aux gardes âgés de plus de 35 ans une posilion plus défavorable que celle résultant de la proposition de la section centrale, et puis l'exemption de tout service à 40 ans exige qu'à partir de 30 ans ou de tout autre âge à déterminer par la chambre, le sort des gardes soit amélioré. Du reste, lorsque à dater de 21 ans, on a été exercé conformément à la loi, il est évident qu'à 30 ans on a bien le droit d'obtenir une amélioration de position.
M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, nous en sommes arrivés à l'examen de la question de savoir s'il y a lieu de modifier l'article 83 de la loi de 1848.
Cette disposition est rigoureuse ; elle prête à l'arbitraire ; aussi suis-je convaincu que c'est son application qui a en grande partie amené les reclamations nombreuses qui ont été déposées sur le bureau.
Que dit l'article 83 ?
« Les gardes sont exercés au maniement des armes et aux manœuvres au moins 12 fois par an, etc. »
(page 1184) De sorte que la loi existante ne limite pas même à 12 fois le nombre des exercices ; leur nombre est abandonné à la volonté du gouvernement. Aussi a-t-on réclamé.
On a réclamé, non pas contre le service, mais contre le nombre illimité des exercices, contre des corvées dont l'utilité est fort contestable.
Voyons maintenant ce qu'a fait la section centrale ? La section centrale a d'abord déterminé une époque, un âge après lequel les exercices cesseraient d'être obligatoires ; cet âge est celui de 35 ans ; elle a déterminé cet âge parce qu'elle a admis le service obligatoire de 21 à 50 ans, elle a ainsi admis le principe que les gardes seraient dispensés du service pendant le second terme de leur disponibilité.
Quant au nombre des exercices, au lieu d'admettre un nombre illimité, comme le fait la loi, la section centrale propose de le fixer à 12.
Pour ma part, je vous le déclare, messieurs, ces concessions ne me suffisent pas. J'ai donc déposé des amendements qui ont été discutes en section centrale, mais qui n'ont pas été admis par elle.
Ces propositions qui font partie de la discussion par suite d'une de vos décisions, je les renouvelle aujourd'hui.
En quoi consistent-elles ? Je demande de faire cesser l'instruction à l'âge de 30 ans. Je suis d'autant plus fondé à faire cette proposition, que la chambre a adopté celle de l'honorable M. de Perceval. La section centrale a admis le principe de faire cesser les exercices pendant le second terme de la durée du service, à 35 ans, c'est-à-dire après les avoir soumis aux exercices pendant 15 années, de les en dispenser pendant les dernières années de service.
Maintenant que le service ne sera plus que de 20 années, je demanderai comme elle que pendant la seconde moitié de leur disponibilité les gardes ne soient plus soumis aux exercices. Je ne vois aucune nécessité de soumettre les gardes aux exercices pendant 20 ans. Neuf années ne suffisent-elles donc pas ? Avant 1830 il y avait une garde communale dont le service était de 10 années ; on n'était passible des exercices que pendant les 5 premières. Soumettre les gardes aux exercices pendant 9 ans de 21 à 30 ans est plus que suffisant.
Après 9 ans l'on est suffisamment instruit, ou bien on ne le sera jamais.
Ma deuxième proposition tend à limiter le nombre des exercices à six par année. Mais veuillez le noter, il y a encore deux revues obligatoires et deux inspections d'armes.
Je limite le nombre des exercices à six, et je crois ce nombre suffisant. Voici pourquoi.
Exiger que les gardes civiques sachent l'école du soldat, les charges et les feux avec la même perfection que dans l'armée active, est une chose impossible.
Si vous le voulez, douze exercices ne suffisent pas.
Si vous ne le voulez pas, et vous ferez fort bien de ne pas l'exiger, parce que ce serait une vexation inutile, six exercices suffirent. Six exercices suffisent pour préparer la garde civique à défendre l'ordre public.
J'admets que beaucoup de gardes ont atteint une instruction fort remarquable, mais cette instruction ils l'ont acquise par leur bonne volonté, ils y ont été poussés par un amour-propre fort louable.
En fixant le nombre des exercices à six, ceux des gardes qui voudront perfectionner leur instruction seront libres de le faire comme par le passé.
Mais vous n'aurez pas inutilement soumis les gardes, qui ont moins d'attrait pour l'exercice du soldat, a des corvées inutiles et vexatoires.
M. Coomans. - L'honorable M. Lelièvre désire que les officiers jugés suffisamment instruits ne soient pas astreints aux exercices. Il m'apprend que tel est l'avis de M. le ministre actuel de la justice, du moins que l'honorable M. Faider s'est prononcé dans ce sens devant la cour de cassation. Pour moi, je ne puis pas admettre cette interprétation de la loi.
Si les officiers sont dispensés d'assister aux exercices, je vous le demande, messieurs, qui commandera les exercices, qui apprendra l'exercice à ceux qui ont besoin de le savoir ?
Si vous ne maintenez à la tête des gardes que ceux qui ne savent pas l'exercice et que vous les chargiez de commander à des gens qui ne le savent pas non plus, je vous le demande encore, à quel étrange résultat arriverez-vous ? Je m'explique.
Il est bien entendu que dans le système de la section centrale, adopté jusqu'aujourd'hui par la chambre, ne seront plus astreints aux exercices que les gardes non instruits dépourvus des notions indispensables aux fantassins.
Maintenant l'honorable M. Lelièvre veut que ces gardes qui n'ont pas d'instruction soient commandés ou instruits par des officiers qui n'en ont pas davantage. Vous n'y consentirez pas, messieurs, car ce serait ridiculiser positivement la garde civique d'adopter une semblable proposition, et je suis très surpris que l'honorable M. Faider ait pu autoriser une pareille interprétation de l'article 83.
Je dis que cet article ne s'applique pas aux officiers, d'abord parce qu'il ne parle que des gardes, ensuite parce que les officiers ont des devoirs spéciaux ; ils ne s'appartiennent pas ; ils appartiennent à la compagnie, tandis que les simples gardes sont leurs maîtres, et que leur absence n'entrave pas l'accomplissement de la tâche dévolue à leurs camarades.
Il est donc bien entendu (j'y tiens comme à une condition d'existence de la garde) que les officiers suffisamment instruits ne seront pas libérés des exercices, au contraire. Je voudrais plutôt congédier ou affranchir des exercices les officiers incapables qui ne peuvent enseigner aux autres ce qu'ils sent obligés d'apprendre eux-mêmes.
M. Rogier. - J'ai demandé la parole lorsque j'ai entendu un honorable député de Louvain appuyer les pétitions qui ont été adressées à la chambre contre la garde civique sur l'abus qui aurait été fait de l'article 83. De cet article, qui autorise les chefs à exercer les gardes au moins douze fois par an, il aurait été fait un abus tel qu'il y aurait eu une sorte de rébellion dans la garde.
L'honorable M. de Man aura perdu de vue, n'aura pas examiné assez attentivement le tableau des exercices dans toutes les communes où la garde civique est en activité ; autrement il aurait vu que le nombre des exercices a tellement diminué d'année en année, que presque nulle part il n'est plus de douze, et que dans certaines communes il est descendu jusqu'à un.
M. Coomans, rapporteur. - Non !
M. Rogier. - Qui dit non ?
M. Coomans, rapporteur. - Moi !
M. Rogier. - A ce « non » un peu brutal, voici ce que j'oppose, à moins que vous contestiez les chiffres de M. le ministre, que vous ne prétendiez qu'ils sont autant de mensonges. Vous en êtes bien capable. (Interruption.)
M. Coomans. - Si cela convient à la chambre, cela m'est indifférent.
M. le président (s'adressant à M. Rogier). - Je ne pense pas que M. Coomans ait voulu vous imputer une intention mauvaise.
M. Rogier. - Il m'a donné un démenti.
M. le président. - Ce démenti s'adressait, non pas à vous, mais à un document statistique.
M. Rogier. - J'avais dit que d'après le tableau, fourni par M. le ministre de l'intérieur, le nombre des exercices, loin d'excéder le chiffre minimum de 12 fixé par la loi, était resté notablement au-dessous de ce chiffre dans la plupart des communes où la garde civique est organisée. On m'a répondu non. C'était donc un démenti donné à mon assertion.
Il faut avoir raison par les chiffres de toutes les critiques exagérées dirigées conlre les chefs de la garde civique qu'on représente comme ayant en général molesté les citoyens.
Le tableau que j'ai sous les yeux divise les gardes en trois classes : les moins instruits, les plus instruits et la classe moyenne. Eh bien ! voici quel a été le nombre d'exercices pour chacune de ces trois classes.
A Anvers, en 1852 la classe la plus instruite n'a pas été réunie une seule fois, la classe moyenne a été réunie deux fois et la classe la moins instruite a été réunie deux fois en 1852 et 6 fois en 1851.
M. de Man d'Attenrode. - C'est à cause des pétitions.
M. Rogier. - Eh bien ! je vais citer des chiffres qui se rapportent à une époque antérieure aux pétitions.
En 1849, il y avait des pétitions à cette époque, mais c'était pour demander l'organisation de la garde civique, en 1849, à Anvers la classe moyenne et la classe la moins instruite ont été réunies 4 fois pour les exercices ; la classe la plus instruite n'a pas été réunie du tout, ni en 1849, ni en 1850, ni en 1851, ni en 1852 La classe la moins instruite a été réunie 4 fois en 1849, 11 fois en 1850, 6 fois en 1851, 2 fois en 1852.
Prenons maintenant la ville de Bruxelles.
A Bruxelles, la classe la plus instruite a été réunie, en 1849, 6 fois ; en 1850, une fois ; en 1851, une fois ; en 1852, pas du tout. La classe moyenne a été réunie, en 1849, six fois ; en 1850, cinq fois ; en 1851, neuf fois : en 1852, une fois.
Voilà, messieurs, avec quelle rigueur la loi a été exécutée. Que l'on parcoure toutes les communes et l'on verra qu'à très peu d'exceptions près le nombre d'exercices ne s'est pas élevé, en moyenne, à six par an.
M. de Man d'Attenrode. - Eh bien, nous sommes d'accord.
M. Rogier. - Ne dites donc pas que c'est la rigueur avec laquelle l'article 83 a été appliqué, qui a provoqué les pétitions. L'article 83 a été appliqué avec une extrême modération.
En 1848, il est possible que l'on ait atteint partout le chiffre 12, je n'en sais rien, mais ce qui est certain, c'est que nulle part on n'a réclamé et qu'à partir de 1849, le nombre d'exercices a toujours été en diminuant, à tel poinl que dans beaucoup de communes il n'y a plus eu d'exercices du tout. Ailleurs, il y en a eu 2, 3, 4 ou 5.
Je dis qu'en présence de ces chiffres on a eu tort d'accuser les chefs de la garde civique d'avoir donné à la loi une exécution forcée, exagérée.
Y avait-il, messieurs, tendance à augmenter le nombre d'exercices ? Evidemment non. En 1848, lorsque beaucoup de citoyens maniaient le fusil pour la première fois, il a fallu nécessairement les exercer plus souvent que les années suivantes : à mesure qu'un garde vieillit dans ls métier, il s'instruit et les exercices deviennent moins fréquents.
Sous ce rapport je ne serais pas effrayé de voir le minimun d'exercices réduit à six, puisque en fait ce chiffre a été rarement atteint ; seulement, (page 1185) il peut y avoir des inconvénients la première année ; si on ne peut pas convoquer assez souvent les gardes qui ne connaissent pas encore le maniement des armes, on devra les retenir plus longtemps en activité.
Voila l'inconvénient qui pourrait résulter d'un nombre trop restreint d'exercices.
M. Osy. - Messieurs, l'honorable M. Lesoinne avait présenté un amendement aux termes duquel les gardes qui ont atteint leur trente-cinquième année ne peuvent être astreints à plus d'un exercice par an. D'après la proposition de la section centrale, les gardes jugés suffisamment instruits et ceux qui ont accompli leur trente-cinquième année, sont dispensés d'assister aux exercices. Comme l'honorable M. de Man, je demande qu'on substitue l'âge de 30 ans à celui de 35 ans. Quand un garde a fait le service pendant dix ans, il peut se reposer.
Nous avons décidé que les gardes de 40 ans seraient rayés du contrôle ; on doit décider dès lors qu'à l'âge de 30 ans on sera dispensé du service.
Je viens de déposer sur le bureau un amendement aux termes duquel les mots : « ont lieu le dimanche et » sont retranchés de l'article. Je ne veux pas qu'on dise dans la loi que les exercices ne pourront pas se faire le dimanche, je désire qu'on ne mette rien dans la loi. Les chefs de la garde jugeront s'il n'y a pas lieu de prendre un jour de la semaine. Ce service, fait le dimanche, contrarie beaucoup de personnes, à cause des devoirs religieux qu'elles ont à remplir.
D'ailleurs, quand on a travaillé toute la semaine, on est charmé de se distraire et d'avoir du repos le dimanche. Je suis persuadé que tout le monde applaudira à cette proposition.
J'appuie l'amendement de M. de Man, qui tend à réduire à six le nombre des exercices. Six exercices suffisent dans le courant de l'année pour apprendre le maniement des armes. L'honorable M. Rogier a dit lui-même qu'il n'y en avait pas eu davantage. Pourquoi dès lors laisser à l'arbitraire des chefs de la garde la faculté de faire faire douze exercices ?
M. Lelièvre. - Messieurs, il est une idée que l'on prête aux partisans de la réforme de la garde civique, c'est qu'ils veulent désorganiser l'institution et la ruiner.
Or, ce me semble, rien n'est plus propre à accréditer cette opinion que les allégations de l'honorable M. Coomans. Je suis convaincu que cela n'entre pas dans les intentions de l'honorable membre, mais ce qu'il vient de nous dire conduit à l'idée dont je viens de parler, contre sa volonté.
S'agit-il de simples gardes ? On cherche par tous moyens à améliorer leur position et j'adhère volontiers à toutes augures propres à atteindre ce but.
S'agit-il au contraire des officiers ? On veut les grever outre mesure et les accabler de charges onéreuses.
Mais il arrivera de là que les officiers, trouvant leur position intolérable et plus défavorable que celle des simples gardes, se démettront de leurs fonctions, et l'institution sera privée du concours d'hommes qui étaient capables par leur position et leur mérite de la faire honorer. Il est donc évident qu'une sévérité excessive vis à-vis des officiers est de nature à désorganiser la garde.
Pour moi, messieurs, je suis animé d'un égal esprit de bienveillance envers les officiers et les simples gardes dans l'intérêt d'une institution fjtie j'ai à cœur de maintenir.
L'honorable M. Coomans nous dit que les ofiieiers non instruits ne sont pas à même de présider aux exercices.
Il s'est mépris sur le sens de mes paroles, j'admets que les officiers, par cela seul qu'ils sont revêtus de ces fonctions, sont tous capables de commander lors des exercices ; mais ce que je prétends, c'est qu'il n'est pas nécessaire que tous les officiers quelconques assistent aux exercices ; je dis qu'il doit suffire que les officiers, cri nombre suffisant pour le commandement, assistent aux exercices. Ainsi, dans mon opinion, les gardes seront commandés par les adjudants-majors et les adjudants sous-officiers payés pour leur donner l'instruction convenable, ou bien ils seront commandés par les officiers convoqués par tour de service.
Mes observations restent donc entières, et il existe dès lors un abus sur lequel j'ai appelé avec raison l'attention du gouvernement.
M. de La Coste. - Messieurs, on a parlé tout à l'heure d'accusations dirigées contre les chefs de la garde. Il me semble que cette manière d'envisager nos observations n'est pas exacte et pourrait donner lieu à de très fausses idées. Moi-même j'ai parlé hier de quelques abus, sans citer personne, sans citer même les localités où ils peuvent exister. J'en ai parlé, parce que j'ai une certitude morale qu'ils existent ou qu'ils ont existé. La chambre appréciera ce témoignage ; mais telle est ma conviction. Je n'en conclus pas cependant que tous les actes qui excitent des réclamations fondées soient dignes de blâme. Il est un sentiment fort ordinaire et fort légitime, et tous ceux d'entre nous qui ont été dans la vie administrative l'ont éprouvé, c'est le désir de relever l'institution, l'administration à la tête de laquelle on se trouve placé. Eh bien, quand des officiers pleins de zèle et de bonne volonté trouvaient dans la loi des moyens de donner aux gardes un degré d'instruction, que nous considérons comme superflu, il était assez naturel qu'ils en fissent usage.
Qu'on ne prenne donc pas nos observations pour des marques d'hostilité contre une classe de fonctionnaires pour lesquels nous n'avons que la plus grande estime, lorsqu'ils remplissent honorablement leurs devoirs.
Je me permettrai de donner ici une explication ; j'ai voté contre la proposition de l'honorable M. de Perceval ; j'aurais peut-être pu aussi bien m'abstenir. Car voici quelle était mon opinion : j'aurais désiré qu'on portât le chiffre proposé par l'honorable député de Malines à 45 ans ; je n'en ai pas fait la propositiou formelle, parce que je craignais, en jetant un nouvel amendement dans cette discussion, de la compliquer. Pour moi, il rassemble que jusqu'à l'âge de 45 ans, il y encore chez l’homme assez de force corporelle pour remplir un service que nous voulons rendre fort doux. Ce n'est guère que vers l'âge de 45 ans que l’on commence à observer un déclin marqué dans les forces, et une plus grande disposition au repos.
La chambre, du reste, a prononcé, et si je reviens sur ce point, c'est parce qu'il me semble que la proposition de l'honorable M. de Man peut fort bien être considérée indépendamment de la limite extrême de quarante ans.
En effet, il ne s'agit pas d'établir dans la loi une certaine symétrie, en classant les gardes par dizaine d'années ; il s'agit de voir si ceux qui ont été exercés pendant près de dix ans, c'est-à-dire pendant le double du temps qu'on exigeait sous le régime précédent, peuvent être présumés en savoir assez pour être dispensés des exercices pendant la second terme de leur service ; on peut répondre affirmativement à cette question ; quand on a été exercé pendant environ dix ans, cela doit suffire pour établir une semblable présomption.
Remarquez qu'en cela même nous ne nous écartons pas de l'intention primitive du légslateur ; car quel était l'état des choses en 1848 ? Personne n'était exercé, tous ceux qui entraient dans la garde, qu'ils eussent 21, 30 ou 40 ans, étaient en général dépourvus d'instruction ; il n'en est plus ainsi, tous les gardes dont l'âge est plus ou moins avancé, excepté ceux qui changent de résidence, et viennent d'une commune où la garde n'est point active, ont acquis un degré d'instruction suffisant sur lequel on peut se reposer. Je pense donc qu'il n'y a maintenant aucune difficulté à admettre les amendements de M. de Man.
M. Coomans, rapporteur. - Les explications que vient de donner l'honorable M. Lelièvre atténuent beaucoup la gravité de sa proposition. S'il ne s'agit plus que d'alléger le service des officiers, de les affranchir à tour de rôle de l'obligation d'instruire leurs camarades, je puis me rallier à sa manière de voir. Je ferai remarquer toutefois qu'une difficulté restera debout.
Si tous les officiers sont suffisamment instruits (j'aime à croire qu'ils le sont tous, tel est le vœu formel de la loi, puisqu'elle réforme ceux qui ne le sont pas suffisamment), alors auxquels accordera-t-on le bénéfice de l'exemption en cas de réclamations simultanées ? Accorder aux officiers le droit qu'ont les gardes de ne pas assister aux exercices dès qu'ils ont été jugés assez instruits, c'est créer des difficultés que je ne me chargerais pas de résoudre si j'avais voix au chapitre. Je regrette que l'honorable M. Rogier, qui est le premier auteur de l'interprétation accueillie par M. Lelièvre, n'ait pas donné un mot d'explication à ce sujet. Si c'est, en effet, M. Rogier qui a prétendu, en qualité de ministre, que l'article 83 s'appliquait aux officiers comme aux simples gardes, il était naturel qu'un jurisconsulte (aux connaissances duquel nous rendons tous hommage) ait interprété la loi ainsi. Mais je ne crois pas que tel soit le sens de la loi de 1848.
J'ai relu les discussions de cette époque et je ne crains pas d'affirmer qu'en ce point l'opinion de M. Rogier est restée isolée. La loi n'a pas pu vouloir que les officiers jouissent des avantages des épaulettes sans en supporter les charges. Dans tous les cas, je désire que cette grave question soit tranchée, car il y va de l'existence même de l'institution.
Quand M. Rogier affirmait tout à l'heure que le minimum de 12 exercices fixé par la loi n'avait pas été atteint dans presque toutes les communes où la garde civique est active, je l'ai interrompu par l'innofensif monosyllable : non, dans lequel l'honorable député d'Anvers a vu un « démenti brutal ». Telle n'était pas ma pensée ; je rectifiais une erreur, je n'entendais pas m'inscrire en faux contre mon honorable collègue. Puisqu'il dénature ainsi mes intentions (non pour la première fois, je le constate à regret), il m'autorise à dire qu'il n'y a de brutal dans cette discussion que le langage du député d'Anvers. Devait une assertion inexacte, j'ai dit brièvement : « non », mot qui nous échappe à chaque instant dans les conversations les plus amicales, et que j'ai préféré à une périphrase, pour abréger l'interruption.
Du reste, je vais justifier pleinement ce « non ». En 1832, alors que la garde civique avait été déjà soumise à un très grand nombre d'exercices, voici quelles ont été les corvées qui lui ont été infligées dans plusieurs localités. En 1852, les hommes les plus instruits, ceux de la première classe, ont eu beaucoup plus de réunions générales que ne l'a dit M. Rogier. Ils ont eu à Bouillon 20 exercices, à Diest 12, à Dinant 12, à Hasselt 12, à Ostende 12, à Tirlemont 12, à Verviers 24, ailleurs 36 et 40. Je pourrais continuer les citations du même genre.
M. Rogier. - Non !
M. Coomans. - Vous l'entendez, messieurs, M. Rogier me dit : « Non ! » à son tour, et avec mauvaise humeur encore. Me fâcherai-je ? Non. Je ne vois rien de « brutal » dans son interruption. Seulement elle est mal fondée. Car dans 20 villes sur 42 il y a eu 12 exercices et au-delà. Pour ne pas abuser des moments de la chambre et par politesse envers M. Rogier, je ne continuerai pas des citations oiseuses, empruntées à des pièces que la chambre a sous les yeux. Les chiffres que j'ai cités s'appliquent à l'année 1852, et à la classe des gardes les plus instruits.
(page 1186) - Un membre. - Vous avez raison.
M. Coomans. - Sans doute, messieurs ; mon pauvre petit « non » de tout à l'heure n'est-il pas suffisamment justifié ? Ensuite remarquez que ces 12, 20, 30, ces 36, ces 40 exercices qui ont eu lieu pendant plusieurs années, ne sont pas les seules contrariétés dont la garde civique ait eu à se plaindre ; très souvent elle a été convoquée deux ou trois fois pour le même exercice.
De quoi se plaint-on surtout ? Est-ce de l'exercice même ? Non, c'est de la perte de plusieurs matinées, de plusieurs journées, sans profil pour personne ; l'exercice contremandé est tout ausi contrariant que l'exercice à faire. Sur le terrain on s'tamuse, et l’on prend patriotiquement son parti : mais quand le drapeau noir est hissé en signe de contre-ordre, on est parfois embarrassé de l'emploi de son temps. On a renoncé à des projets formés d'avance ; on a quitté des amis, on a ajourné un voyage ; au lieu d'une matinée bien employée, fût-ce sur le champ de manœuvre, on passe les heures à regretter des plans dérangés, et à s'ennuyer chez soi, en attendait la corvée du dimanche suivant ou un nouveau contre-ordre. Si tous les exercices manqués étaient ajoutés aux exercices accomplis, les chiffres fournis par M. le ministre grossiraient étrangement.
Du reste, je ne sais pas quel grand intérêt a l'honorable membre de prouver sans cesse que la loi du 8 mai a été violée quant au nombre d'exercices qu'elle prescrivait comme sous d'autres rapports.
Tout ce qu'il dit prouve la nécessité de la réforme que nous demandons. La loi prescrit un minimum d'exercice. L'honorable membre assure que cette prescription a été méconnue, il s'en vante, il en fait un argument contre nous ! Il devrait s'appliquer plutôt à démontrer que la loi a été exécutée par lui, puisqu'il la trouve si belle elsi bonne.
Je dirai un mot de l'amendement de l'honorable baron de Man. Il ne présente en réalité aucun inconvénient, attendu que le collège des bourgmestre et échevins conserve la faculté de dépasser le chiffre de six proposé par l'honorable membre.
Puisque nous reconnaisons que les exercices et les revues ne doivent être ordonnés au-delà du nombre de six, qu'en cas de nécessité reconnue, pourquoi ne pas laisser le collège des bourgmestre et échevins juge de cette nécessité ? Chaque fois qu'elle sera démontrée, le collège donnera l'autorisation désirée, et le but que nos honorables contracteurs disent vouloir atteindre sera rempli.
M. Rogier. - Je dois un mot de réponse à l'interpellation de l'honorable M. Coomans. Lors de la discussion de l’article 83 au sénat un membre me demanda comment j’entendais les mots : « garde suffisamment instruits » ; si les officiers et sous-officiers justifiant d’une instruction suffisante pourraient être dispensés des exercices ; je répondis à l’instant même que la tolérance introduite en faveur des simples gardes devait s’étendre aux officiers et sous-officiers.
J'ajoutai qu'il fallait compter sur la bonne volonté de ceux qui avaient l'honneur de porter l'épaulette, qui avaient reçu une marque de confiance de la part des gardes.
En second lieu, en supposant, ce qui en fait n'a jamais eu lieu et n'aura pas lieu, en supposant l'absence de tons les officiers instruits et exercés, il resterait encore les officiers qui ne pourraient pas se dispenser du service ; ce sont ceux qui reçoivent une indemnité, qui reçoivent aussi leur nomination du Roi ; ceux-là seraient tenus, sous peine de destitution, d'assister aux exercices. Or, ce sont les adjudants qui assisteraient dans tous les cas aux exercices, si l'on peut supposer que tous les autres officiers s'entendent pour s'en abstenir, ce qui n'arrive jamais.
Aujourd'hui, messieurs, il ne faut pas croire que tous les officiers de toutes les compagnies se rendent à tous les exercices. Ce service se fait pour les officiers à tour de rôle, de même que dans l'armée nous ne voyons pas tous les officiers des compagnies assister à tous les exercices de ces compagnies. Cela se passe en général d'une manière facile, et'uLe manière commode pour les officiers. Du moins ils ne se plaignent pas.
Ainsi, je crois que mon interprétation, qui cependant est contestable (la cour de cassation ne l'a pas partagée), peut être maintenue, sans que la garde civique coure de grands risques, attendu, je le répète, qu'il se présentera toujours un nombre suffisant d'officiers.
Messieurs, j'ai dit tout à l'heure que le chiffre minimum de 12 exercices par an n'avait pss été atteint dans la plupart des villes, preuve que la loi sur la garde civique n'a pas été exécutée avec cette rigueur dont on a parlé.
J'ai dit dans la plupart des villes ; je n'ai pas pu les citer toutes. L'honorable M. Coomans vient d'en nommer deux ou trois ; mais ce sont celles qui forment exception, et encore dans ces villes, il n'en est que deux où le nombre d'exercices a dépassé 12. C'est la petite ville de Bouillon en 1852 et la ville de Verviers. Mais pour la ville de Verviers, voici la note que je trouve : « Le chef de la garde fait remarquer que presque tous les gardes font partie de la première classe, et que, malgré le nombre d'exercices plus fréquents là qu'ailleurs, aucune pétition contre la loi ou son exécution n'a été présentée. »
Mais partout ailleurs le chiffre de 12 n'a pas été dépassé.
M. Coomans. - Il y en a 20 où le chiffre de 12 exercices a été atteint.
M. Rogier. - En 1852 ?
M. Coomans. - Non, je parle des diverses années.
M. Rogier. - Dans les premières années, c'est possible. Encore le chiffre de 20 ne représente que la moitié des villes. Mais je dis que le nombre d'exercices a toujours été en diminuant d'année en année.
Dans la ville de Louvain dont les quatre représentants se sont mis à la tête du projet de reforme qui nous entraîne à de si longues discussions, voyons s'il a été fait abus de l'article 83.
Voici pour les années 1819, 1850,1851 et 1852.
En 1849, le nombre d'exercices a été de 5 pour toutes les classes, et remarquez que le minimum fixé par la loi était de 12.
En 1850, 5, 4, 4.
En 1851, 8, 4, 4.
En 1852, 5 pour les trois classes.
Je demande si la ville de Louvain a été tellement maltraitée que ce qui s'y est passé ait pu donner lieu au grand nombre de pétitions qui nous sont arrivées de cette ville. Je ne veux pas fatiguer la chambre de chiffres. Chaque membre a le tableau sous les yeux ; il peut voir que partout on est resté au-dessous du minimum fixé psr la loi. J'ai donc dû relever le reproche adressé à ceux qui ont exécuté la loi, comme ministres ou comme chefs.
On commence par reprocher d'avoir voulu une exécution à outrance. Voilà le point de départ.
La section centrale, à la fin de son rapport, dit que c'est parce qu'on a exécuté la loi avec exagération qu'on a provoqué sa révision.
On dit ensuite : La loi est si mauvaise que pour l'exécuter on a dû rester en dessous de ses prescriptions. Il est impossible de concilier ces reproches.
Si l'on est resté en dessous des prescriptions de la loi, il ne faut pas faire un reproche d'exagération à ceux qui, comme ministre, ou comme chefs, ont mis la main à l'exécution de la loi. Le fait est que, de part et d'autre, on y a mis la plus grande modération. Si les circonstances ne deviennent pas plus graves, cette modération ne fera que s'accroître.
Les chefs n'ont aucun intérêt à provoquer dans les rangs de la garde du mécontentement, des plaintes.
On dit qu'il n'y a pas eu plus de six exercices en moyenne, mais qu'il y a eu plus de convocations. Dire qu'une convocation équivaudrait comme charge à un exercice, ce serait aller loin. Ainsi une convocation a lieu un dimanche. Ce jour-là, il pleut à verse ; trouverait-on bien de réunir les gardes, parce qu'on les a convoqués ? Je crois que les gardes préfèrent être délivrés de la charge de passer plusieurs heures à la pluie, et qu'ils aiment mieux rester chez eux. Il y a donc plus de convocations que d'exercices, cela est possible. Je viens de citer un cas. En voici un autre. Des gardes sont convoqués. Ils trouvent bon de s'affranchir par leur absence de l'obligation qui leur est imposée. Les gardes négligents sont de nouveau convoqués. Je ne parle pas des convocations, mais des exercices. Je soutiens que, dans presque toutes les communes, on n'a pas dépassé le nombre de six exercices. Il y en a trois ou quatre seulement où ce chiffre a été dépassé.
Maintenant, je viens à la proposition qui vous est faite, et qui consiste à affranchir les hommes soit de 35 ans, soit de 30 ans de tout exercice.
La différence entre le système actuellement pratiqué et le système des propositions soumises à la chambre est très mince ; je l'ai déjà dit dans la première discussion. En quoi les auteurs des amendements différent-ils de l'opinion du gouvernement, dans la réalité des faits, tels qu'ils se passent aujourd'hui ? D'après le système basé sur les faits existants, tout garde quelque soit son âge, qui a fait preuve de connaissances suffisantes est exempté du service, sauf l'obligation pour lui de se rendre une fois par an à une réunion qui est facultative pour le chef qui peut en outre l'en dispenser. Voilà comment les choses se passent.
Je demande si cette obligation constitue une charge tellement forte que vous deviez, au grand préjudice de la garde, en dispenser de plein droit les gardes de 30 ans ou de 35 ans. Vous voulez bien les astreindre à assister à deux revues. Indépendamment de cela, nous demandons qu'ils soient astreints à faire acte de présence une fois par an, dans l'un ou l'autre rassemblement auquel ils seront convoqués.
Je crois que vous ne pouvez pas rester en dessous de cette obligation. Si les gardes perdaient entièrement l'habitude de se trouver avec leurs collègues, quand ils arriveraient aux revues, ils y arriveraient en quelque sorte comme des étrangers, ou comme des gardes privilégiés. Ils formeraient constamment une catégorie à part, tandis que si, une fois par an, vous les réunissez pour une manœuvre générale, du moins ils auront continué de faire partie de la garde, pour quelque chose déplus sérieux qu'une simple revue.
Quelque désireux qu'on soit d'adoucir le service de la garde civique, eu ne peut raisonnablement vouloir moins que ce qui existe aujourd'hui, ce qui existera d'après les explications qui ont été données. Désormais tout garde, n'ayant même que 22 ans, qui aura fait preuve de connaissances suffisantes sera exempté des exercices et des manœuvres. Seulement il devra se présenter une fois par an si le chef est d'avis qu'il y a utilité de convoquer tous les gardes pour une grande manœuvre.
Il devra faire acte de présence à deux revues, si le chef de la garde (page 1187) juge utile qu'il y ait deux revues. Consultez le tableau, vous verrez que dans beaucoup de communes, il n'y a eu qu'une seule revue par an. Vous ne pouvez vouloir moins que cela.
Avec cette explication, vous comprendrez que l'âge de 35 ans, ou de 30 ans, n'y fait absolument rien ; un homme de 35 ans est parfaitement en mesure de se rendre à un exercice, à une manœuvre, comme il sera parfaitement en mesure d'assister à une ou deux revues. C'est précisément parce qu'il est astreint à cette dernière obligation qu'il ne doit pas perdre l'habitude de se trouver avec ses collègues.
C'est pour cela que je demande que l'on puisse convoquer une fois par an pour un exercice les gardes qui ont fait preuve de connaissances suffisantes, quel que soit leur âge.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, je crois que la chambre pourrait abréger beaucoup ce débat sur l'article 83, si elle voulait bien consentir à ne plus revenir sur ces abus vrais ou supposés qui ont fait jusqu'à présent les frais de la discussion.
L'honorable rapporteur de la section centrale a dit en terminant que cette discussion sur les abus anciens ne pouvait plus offrir aujourd'hui pour la chambre qu'un très médiocre intérêt, et je le comprends. Pourquoi, messieurs ? Parce que nous sommes tous déterminés à proposer des remèdes contre la possibilité des abus. Des lors, à quoi bon se demander sans cesse combien il y a eu d'exercices à Louvain, à Audenarde, n'importe où ? Cela est-il encore intéressant pour la chambre ? Je ne le pense pas ; parce qu'encore une fois nous allons faire justice de la possibilité de toute espèce d'abus.
Voyons donc en quoi consistent les remèdes que vous devez employer pour les prévenir.
Je dois d'abord répondre à la question posée par l'honorable M. Lelièvre et qui concerne les officiers. J'avoue franchement que je ne comprends pas comment on pourrait admettre en principe que les officiers seront dispensés d'assister aux exercices. Je n'ai pas besoin de revenir sur les observations pleines de sens qui tantôt ont été échangées entre plusieurs membres. Il est évident que les officiers ne peuvent pas être compris dans ces mots : les gardes peuvent être dispensés d’assister aux exercices quand ils sont suffisamment instruits. Si les officiers n'assistaient pas aux exercices, qui donc exercerait les gardes ?
Mais l'honorable M. Lelièvre a demandé, par une seconde question, si la loi ne devait pas être entendue en ce sens au moins que tous les officiers ne devraient pas assister aux exercices.
Eh bien, je réponds que ceci amoindrit beaucoup l'importance de la question posée par l'honorable M. Lelièvre, et que, dans l'exécution, c'est au chef de la garde à indiquer par quels officiers les gardes seront instruits ; et il désignera ceux qu'il jugera convenables. C'est une mesure d'exécution qui n'a jamais présenté la moindre difficulté.
Maintenant arrivons à la véritable question.
Je me suis rallié au système qui a été proposé par la section centrale, qui veut douze exercices au maximum par année, et qui veut étendre jusqu'à 35 ans l'obligation des exercices. Aujourd'hui, messieurs, on semble désirer encore un adoucissement à ce service, et l'on demande d'abord, c'est l'honorable M. de Man qui en fait la proposition, que le nombre des exercices maximum soit réduit à 6. On demande en second lieu que l'âge, au lieu de 35 ans, soit fixé à 30 ans.
Eh bien, je pense que ni l'une ni l'autre de ces propositions ne doit être admise. Pourquoi ? Par la raison toute simple que le nombre d'exercices maximum indiqué à douze, est précisément proposé dans la vue d'exercer les hommes qui n'ont pas l'instruction suffisante, et que le nombre d'exercices, indiqué à quinze, pour que ces exercices soient efficaces, a été calculé per les auteurs de la proposition comme devant s'appliquer à ceux des gardes dont l'instruction est tout à fait incomplète, et cela est si bien ainsi que dans la loi, comme dans la proposition de la section centrale, le remède contre les exercices répétés se trouve à côté du principe.
Les hommes qui ont l'instruction suffisante seront nécessairement affranchis de tout exercice, il dépend des gardes de se faire instruire et par conséquent d'échapper à l'obligation des douze exercices, même avant l'âge de 30 ans.
Je ne vois donc pas pourquoi on insisterait sur ce point et je me résume en demandant à la chambre qu'elle veuille bien maintenir la proposition de la section centrale qui porte le nombre d'exercices à douze et l'âge à 35 ans.
On s'est demandé s'ii ne fallait pas abaisser le nombre d'années pour les exercices obligatoires jusqu'à l'âge de 30 ans, depuis l'adoption de la proposition de l'honorable M. de Perceval. Mais je ne vois pas que l’abaissement du nombre d'années d'exercices soit une conséquence de l'adoption de cette proposition.
L'obligation d'assister aux exercices jusqu'à l'âge de 35 ans est basée sur d'autres considérations. Elle est basée sur la nécessité de faire donner aux gardes une instruction non pas très complète, mais une instruction ordinaire.
Je demande donc que la proposition de la section centrale en cette partie soit maintenue.
L'honorable M. Osy a demandé que l'on supprime du deuxième paragraphe les mots : « le dimanche ». Il ne voudrait pas que l'on pût exercer les gardes le dimanche. Cette proposition est faite, dit-on, dans l'intérêt des convenances personnelles des gardes et de l'accomplissement des devoirs religieux.
Messieurs, j'ai toujours pensé que cette obligation d'exercer les gardes le dimanche avait été inscrite dans la loi par considération pour les convenances des gardes. Pourquoi ? Parce que la plupart de ceux qui composent la garde civique appartiennent à cette partie de la société qui a des occupations régulières dans le courant de la semaine, et qui, par conséquent, trouve beaucoup plus commode de remplir les devoirs attachés à la garde civique le dimanche. Jusqu'à présent cela n'a donné lieu à aucune plainte.
Cependant, messieurs, j'avoue que le gouvernement est assez désintéressé dans la question : il importe fort peu qu'on exerce les gardes le dimanche, le lundi ou le mardi, l'essentiel c'est qu'ils soient exercés ; mais, je le répète, je crois que les gardes aiment beaucoup mieux consacrer deux heures aux exercices le dimanche que de le faire dans la semaine, lorsqu'ils ont leurs occupations.
Dans tous les cas, cela ne s'oppose en aucune manière à l'accomplissement des devoirs religieux. On choisit pour les exercices des heures qui satisfont à tous les intérêts.
M. de La Coste. - L'honorable M. Rogier a mis en cause les députés de Louvain. Qu'ont-ils fait ? Ils ont remis à la chambre, sous une forme propre à amener une décision, une question qui était depuis longtemps pendante, et à laquelle beaucoup de membres s'étaient intéressés. Qu'en est-il résulté ? Cette proposition qui, suivant l'honorable M. Rogier, ne devait pas nous occuper pendant une demi-séance, la chambre s'en est emparée : ce n'est plus maintenant l'œuvre des députés de Louvain ; ils ont même abandonné leur proposition primitive ; c'est l'œuvre de la chambre. L'affaire ne concerne pas plus spécialement la ville de Louvain qu'elle ne concerne personnellement l'honorable M. Rogier, parce qu'il a présenté la loi de 1848.
Maintenant il nous dit que des tempéraments ont été introduits, qu'on a réduit les exercices ; cela prouve qu'on peut les réduire, et ce que nous voulons c'est qu'on fasse légalement ce qui, jusqu'à présent, s'est fait sans une sanction légale et même, il faut le dire, en dehors de la loi, bien que ce fût pour en rendre l'exécution plus facile. Je bornerai là mes observations.
M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, j'ai eu l'honneur de vous proposer de fixer à six te nombre d'exercices, et savez-vous, messieurs, ce qui m'a inspiré cette idée. Eh bien ? c'est M. le ministre de l'intérieur. Voici ce qu'il disait dans la première discussion :
« Le gouvernement est prêt à introduire administrativement dans les exercices tous les adoucissements imaginables ; en moyenne 5 ou 6 exercices par an, voilà à quoi cela se réduit. »
Eh bien, ce sont ces paroles qui m'ont déterminé à proposer six exercices. Je suis donc étonné que l'honorable M. Piercot ne se rallie pas à ma proposition.
L'honorable M. Rogier nous disait tantôt que le nombre des convocations pour les exercices était de six ou sept par an, que c'était là une moyenne et que cela était exact.
On pourrait induire de là que les réclamations des membres de la garde civique sont réellement absurdes.
Eh bien, je vais expliquer pourquoi ces réclamations sont parfaitement fondées.
D'après la loi de 1848, les gardes sont tenus à douze exercices par an, au minimum, pendant 30 années de leur vie ; qu'ont fait les gardes afin d'échapper à cette corvée fort désagréable ? La plupart se sont livrés à des exercices fréquents, dont le nombre s'est élevé au moins à 30 ou 40 par an, afin de jouir des bénéfices de la disposition qui dit que les gardes suffisamment instruits seront libérés des exercices.
Eh bien, quand ils se sont présentés pour être admis dans cette première classe où M. le ministre de l'intérieur disait qu'on est dispensé de tout exercice, il est arrivé qu'on s'est refusé à les y admettre. On s'est refusé à former cette première classe. Elle n'a commencé à exister que l'année dernière par suite d'une circulaire que de vives réclamations avaient porté le gouvernement à publier.
Le nombre d'exercices a donc été infiniment plus considérable qu'on ne l'a dit, et c'est précisément parce que les gardes qui avaient acquis une instruction suffisante n'ont pas pu entrer dans la première classe, que nous avons vu arriver ici un si grand nombre de pétitions.
Plus tard on a nommé des commissions pour examiner les gardes qui se présentaient comme étant suffisamment instruits ; mais qu'a-t-on fait ? On les a exemptés pour une année seulement ; l'année suivante ils ont été obligés de subir un nouvel examen et pour peu que leur instruction laissât à déiirer on les a de nouveau soumis aux exercices. Or, tout le monde sait que l'on oublie très facilement le maniement des armes si on ne se livre pas à des exercices très fréquents.
Or, je le déclare ici sans détour, je dis que ces exercices si fréquents en temps de paix sont complètement inutiles. Ce qui le prouve, c'est ce qui s'est passé en 1848, et j'insiste sur ce fait, auquel on n'a pas répondu : la garde civique, à cette époque, n'avait pas été soumise à tous ces exercices, et cependant elle a fait face à toutes les éventualités de la manière la plus satisfaisante. Si des événements semblables se reproduisaient, la garde civique serait plus instruite, mais je ne sais pas si elle serait encore animée du même enthousiasme. Du reste, messieurs, que vous prescriviez six exercices ou que vous en prescriviez douze, les gardes n'en seront pas plus instruits. Car enfin il ne suffit pas de douze exercices pour connaître avec quelque perfection l'école du soldat et surtout pour ne pas l'oublier ; il faudrait pour cela s'exercer fréquemment et d'une manière continue, car le maniement des (page 1188) armes et les manœuvres, je le répèle, constituent un exercice dont on perd promptement l'habitude.
Je demande donc, messieurs, que le nombre d'exercices soit fixé à 6. Nous nous rapprocherons ainsi du système du Congrès, qui ne voulait que deux réunions par an, rien de plus. C'est d'après ce système que la garde civique était organisée en 1848 et elle a rendu d'immenses services, je le répète.
- La clôture est demandée.
M. Dumortier (sur la clôture). - Messieurs, je suis auteur de l'amendement qu'on discute en ce moment ; j'aurais désiré dire quelques mots pour le justifier.
M. Rogier. - Je désire demander à M. le ministre de l'intérieur s'il se rallie à la proposition de la section centrale qui consiste à exempter de tout exercice les hommes âgés de 35 ans.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je maintiens l'amendement de M. Lesoinne.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
M. le président. - Nous procéderons paragraphe par paragraphe.
Le paragraphe premier est ainsi conçu :
« Les gardes peuvent être exercés au maniement des armes ou aux manœuvres douze fois par an. Ce nombre d'exercices ne peut être dépassé, si ce n'est en vertu d'une autorisation écrite du collège des bourgmestre et échevins. »
M. de Man d'Altenrode propose de substituera six fois à douze fois.
Je vais mettre cet amendement aux voix.
- - Plusieurs membres. - L'appel nominal.
- L'amendement de M. de Man d'Attenrode est mis aux voix par appel nominal.
67 membres sont présents.
39 adoptent.
28 rejettent.
En conséquence, l'amendement est adopté.
Ont voté l'adoption : MM. de Royer, de Ruddere, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, Dumortier, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lelièvre, Maertens, Magherman, Malou, Matthieu, Mercier, Moncheur, Orban, Osy, Rodenbach, Thibaut, Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Clep, Coomans, H. de Baillet, de Chimay, de Decker, de Haerne, de La Coste, Delehaye, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Muelenaere, de Naeyer et de Portemont.
Ont voté le rejet : MSI. Devaux, d'Hoffschmidt, Dumon, Jacques, Lejeune, Manilius, Mascart, Moreau, Moxhon, Orts, Rogier, A. Roussel, Thiéfry, E. Vandenpeerehoom, Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Veydt, Visart, Ansiau, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bronckaert. Deliége, de Perceval, Dequesne et Delfosse.
- Le premier paragraphe de l'article 83, ainsi amendé, est mis aux voix et adopté.
L'amendement, proposé par M. Osy, au deuxième paragraophe de l'article, est mis aux voix et adopé.
Le deuxième paragraphe, ainsi amendé, est adopté.
Au troisième paragraphe, MM. de Man et Osy proposent de substituer 30 ans à 35 ans.
Cet amendement est mis aux voix.
Plus de cinq membres demandent l'appel nominal.
Il y est procédé.
67 membres répondent à l'appel.
30 répondent oui.
37 répondent non.
En conséquence la chambre n’adopte pas.
Ont répondu oui : MM. de Royer, de Ruddere de Te Lokeren, de Theux, de Wouters, Dumortier, Jacques, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Lelièvre, Matthieu, Moncheur, Osy, Rodenbach, Thibaut,Thienpont, Vanden Branden de Reeth, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Clep, Coomans, Hyacinthe de Baillet, de Decker, de Haerne, de La Coste, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Muelenaere, de Naeyer et de Portemont.
Ont répondu non : MM. de T'Serclaes, Devaux, d'Hoffschmidt, Dumon, Lange, Lejeune, Maertens, Magherman, Malou, Manilius, Mascart, Mercier, Moreau, Moxhon, Orban, Orts, Rogier, Ad. Roussel, Thiéfry, Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Veydt, Visart, Ansiau, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bronckaert, de Chimay, Delehaye, Deliége, de Perceval, Dequesne et Delfosse.
L'amendement présenté par M. Lesoinne au troisième paragraphe est mis aux voix. Plus de cinq membres demandent l'appel nominal.
Il est procédé au vote par appel nominal. En voici le résultat :
67 membres répondent à l'appel ;
54 membres répondent oui ;
13 membres répondent non.
En conséquence, la chambre adopte.
Ont répondu non : MM. de Ruddere, Jacques, Landeloos, Osy, Thibaut, Vanden Branden de Reeth, Vermeire, de La Coste, de Man d'Attenrode, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval et de Portemont.
Ont répondu oui : MM.de Royer, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, de Wouters, d'Hoffschmidt, Dumon, Dumortier, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lejeune, Lelièvre, Maertens, Magherman, Malou, Manilius, Mascart, Matthieu, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Orban, Orts, Rodenbach, Rogier, Roussel (Ad.), Thiéfry, Thienpont, Vandenpeereboom (Ernest), Vander Donckt, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Veydt, Vilain XIIII, Visart, Ansiau, Clep, Coomans, Dautrebande, David, de Baillet (H.), de Baillet-Latour, de Bronckaert, de Chimay, de Decker, de Haerne, Delehaye, de Liedekerke, Deliége, Dequesne et Delfosse.
L'ensemble de l'article, tel qu'il a été amendé, est ensuite adopté.
M. le président. - Vient maintenant le paragraphe 2 que M. Coomans propose d'ajouter à l'article 65 :
« Les armes des gardes affranchis des exercices resteront déposées dans un local à désigner par le collège des bourgmestre et échevins. »
M. Coomans, rapporteur. - Il me semble que cet amendement vient à tomber par suite du vote de la chambre. Je désirais que les armes des gardes affranchis des exercices fussent déposées dans un local convenable, à désigner par l'autorité communale. Mais comme les gardes âgés de 35 ans resteront soumis à un exercice, je ne m'oppose plus à ce qu'ils conservent leur fusil.
M. le président. - L'amendement est retiré.
M. le président. - Nous reprenons l'article 9 tenu en suspens jusqu'après le vote de l'article 83.
« L'inscription se fait tous les ans, du 1er au 31 décembre pour les hommes appelés par leur âge à servir l'année suivante.
« La liste des gardes âgés de 35 ou de 40 ans, et ayant ainsi droit à une exemption partielle ou totale du service, est formée à la même époque. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je demande la parole sur la modification proposée par la section centrale. Cet article 9, comme mesure d'ordre, pouvait avoir un caractère d'utilité si déjà il n'avait été pourvu à son objet par les dispositions qui ont été adoptées. L'honorable membre ne sait probablement pas que les inscriptions se font, non pas in globo, mais annuellement et qu'il y a autant de registres que d'années pour l'inscription des gardes civiques. Chaque année a son registre qui porte les inscriptions qui lui sont propres. Il n'est donc pas nécessaire de renouveler les inscriptions pour reconnaître les hommes de 35 ans. Pour les gardes qui auront atteint cet âge, il suffira de laisser de côté le registre de l'année où ils sont tous inscrits.
M. Coomans. - Cette observation rend inutile l'amendement proposé par la section centrale. Du reste, je dirai à l'honorable ministre que je n'en suis pas l'auteur, sans pourtant rejeter ma part de responsabilité pour toutes les décisions de la section centrale.
M. Mercier. - Je crois devoir soumettre une observation sur la rédaction de cet article.
D'après l'amendement qui vient d'être adopté il n'y a plus que des exemptions partielles pour les gardes. Il faut donc supprimer au paragraphe 2 les mots « ou totale ».
M. le président. - Il y a l'exemption définitive à partir de 40 ans. Le but de la section centrale en proposant cette disposition a été de fixer une seule époque pour l'exemption partielle ou définitive de tous les gardes nés dans le courant de la même année.
M. Coomans, rapporteur. - Il me semble que notre honorable président vient de prononcer le mot propre qui est « exemption définitive. »
M. Mercier. - C'est tout différent.
M. Coomans, rapporteur. - C'est au fond la même chose. Mais le mot « définitive » est plus exact.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il me semble que l'honorable auteur de la proposition vient de reconnaître qu'elle est inutile.
M. le président. - C'est une proposition de la section centrale.
M. Coomans, rapporteur. - Je n'ai pas qualité pour la retirer.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Pour démontrer l'inutilité de la proposition, je n'ai qu'à invoquer les faits. A l'appui des faits, j'ajouterai que, depuis longtemps, cette règle est tracée par les circulaires administratives.
M. Rogier. - L'inscription de toutes les personnes appelées à faire le service de la garde civique se fait à l'administration communale. Mais, l'annotation des gardes qui, ayant atteint l'âge de 35 ans, sont dans une catégorie spéciale pour le service, doit se faire sur les contrôles qui se tiennent à l'état-major. Au reste, la loi n'a pas besoin de le prescrire. Cela va de soi.
M. Coomans, rapporteur. - Le but de la section centrale a été d'organiser les sorties en masse, afin qu'il n'y ait pas de sorties individuelles qui pourraient apporter le trouble dans le service de la garde. Après cela, si M. le ministre de l'intérieur trouve que le but est atteint, l'amendement de la section centrale devient inutile. Mais il est évident que la pensée qui l'avait dicté était prudente.
- L'art. 9 est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
M. le président. - L'article 84 devient inutile, par suite du vote émis sur l'article 65. Mais il y a un amendement présenté par (page 1189) M. Vander Branden de Reeth. Il consiste à ajouter à l'article 84 un paragraphe conçu en ces termes :
« Chaque année, pendant la première quinzaine du mois de mai, un avertissement remis au domicile des gardes indique, pour toute la durée de la saison, les jours et heures fixés pour les exercices, les revues et les inspections d'armes. »
- La section centrale propose le rejet de cet amendement.
M. Vanden Branden de Reeth. - Je désire dire quelques mots seulement en faveur de cet amendement, bien qu'il ait été repoussé par la section centrale. Je dois dire que cette décision m'a étonné ; voici pourquoi : quel était le but que s'était proposé la chambre, et auquel la section centrale a voulu s'associer ? Evidemment, c'était d'alléger le service de la garde civique, de supprimer tout ce qui pouvait gêner inutilement la liberté individuelle.
C'est ainsi que la section centrale ne voulait pas du seul exercice que proposait l'honorable M. Lesoinne pour les hommes âgés de 35 ans, et j'étais complètement de son avis. C'est ainsi qu'elle ne voulait que d'une seule inspection d'armes, et c'est seulement à la suite d'explications données par M. le ministre de l'intérieur que l'on a admis les deux inspections. C'est ainsi encore que la chambre vient de fixer à six le nombre des exercices pour les gardes âgés de 21 à 35 ans.
Je me suis demandé à quoi servirait de limiter le nombre des exersises, si par un mode de convocation vicieux, suivi dans beaucoup de localités, vous veniez paralyser les bonnes intentions du législateur, si, pour une seule réunion, vous pouvez convoquer les gardes deux ou trois fois. En théorie, l'on viendra vous dire que l'on ne peut convoquer les gardes que six fois par an, et une seule fois quand ils ont 35 ans. Mais, dans la pratique, vous pourrez les convoquer trois ou quatre fois pour chaque exercice.
C'est ce que j'ai voulu éviter par mon amendement ; je ne crois pas qu'il puisse donner lieu au moindre inconvénient. On me fait une seule objection. C'est celle-ci : si, le jour fixé pour un exercice, il pleut, qu'adviendra-t-il ? Je ne puis trouver cette objection sérieuse ; car lorsque l'on nous fait faire des exercices militaires, lorsque (pour me servir d'une expression que l'on a employée et que je répète parce qu'elle rend ma pensée) on nous fait jouer au soldat, peut-on admettre que quelques gouttes de pluie empêchent de se rendre aux exercices, qui ont lieu en été, et l'on sait qu'alors la pluie n'est guère froide.
Il y a quelques jours, lorsqu'il s'est agi de congédier les hommes de 40 ans, l'honorable M. Closset demandait si les Belges seraient tellement dégénérés qu'à 40 ans leur bras ne pût plus supporter le poids d'un fusil. Je vous demanderai si vous avez une si mauvaise idée de la vigueur des soldats citoyens que vous supposiez que quelques gouttes de pluie les empêchent de se rendre aux exercices.
Je pense, messieurs, qu'il y a des motifs très réels pour appuyer mon amendement et je crois devoir insister, à moins que l'honorable ministre de l'intérieur ne me donne l'assurance formelle qu'en vertu de la loi, il peut prescrire certaines dispositions administratives qui soient de nature à faire cesser cet inconvénient. Alors je n'aurai plus aucun motif d'insister et je retirerai mon amendement.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - C'est précisément ce que je voulais dire. Il faut, messieurs, laisser quelque chose à faire à l'exécution. Il est des choses qui sont impossibles à prévoir. Comment voulez-vous qu'en prévoie la pluie, et quoi qu'on puisse en penser, il conviendra à un très petit nombre de gardes de rester dans la boue plutôt que d'être ajournés à quelques jours.
Il me semble qu'avec les précautions que prennent les chefs qui, je le répète, n'aiment pas à abuser, avec les précautions nouvelles que le gouvernement pourra recommander, on peut bien laisser à l'administration le soin de ne pas déranger utilement les gardes. Mais il ne faut pas vouloir non plus que les gardes soient exposés à compromettre leur santé en assistant aux exercices au milieu de l'eau.
Quant aux revues, impossible de les fixer d'avance, aussi cela dépend entièrement des circonstances.
M. Vanden Branden de Reeth. - Je n'insiste pas, je retire mon amendement.
M. Coomans. - En présence du retrait de l'amendement, je puis me dispenser, messieurs, de vous présenter les observations qu'il m'avait suggérées.
Je dirai seulement que la section centrale, sans se dissimuler l'inconvénient des exercices et des revues contremandés, et tout en désirant qu'on pare autant que possible à cet inconvénient, n'a pas pu accepter l'amendement de l'honorable député de Malines, parce qu'il pourrait se faire qu'il n'y eût pas d’exercices du tout dans le cours d’une saison, si la pluie coïncidait chaque fois avec les jours fixés pour les réunions générales, dès la première quinzaine de mai.
J'ai demandé la parole pour proposer un simple changement de rédaction à l'article.
Lorsque l'inspection d'armes était personnelle, il était bon de l'inscrire à l'article 84, afin qu'on ne pût pas la confondre avec les exercices et les revues. Mais aujourd'hui que nous avons changé le caractère de l'inspection d'armes, je crois qu'il est inutile de maintenir les derniers mots de l'article : « Sans préjudice des inspections d'armes ordonnées par l'article 65. »
Ces mots étaient justement inscrits dans la loi primitive, pour le motif que je viens de dire, afin que les inspections d'armes ne fussent pas confondues avec les exercices.
Mais aujourd'hui que cette confusion n'est plus possible, je crois que « brevitatit causa » il faut effacer les derniers mots de l'article 84, et dire simplement : « Il peut y avoir, par année, outre les exercices prescrits par l'article 83, deux revues ou réunions générales. »
- Un membre. - Cela est évident.
M. Coomans. - Je ne propose aucun changement. Je me borne à effacer une phrase superflue, et à consacrer ainsi les déclarations qu'a faites M. le ministre relativement aux inspections d'armes.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il me semble qu'il n'est pas inutile de conserver ces mots : « sans préjudice des inspections d'armes ordonnées par l'article 65 », parce qu'enfin ces inspections sont conservées. L'article 84 dit qu'il peut y avoir, outre les exercices prescrits par l'article 83, et outre les inspections probablement, deux revues générales. Si l'on voulait retrancher ces mots, parce qu'ils sont inutiles, on pourrait aussi relranchcr les mots : « en outre les exercices prescrits par l'article 65. » Les uns seraient aussi inutiles que les autres. Dès lors je demande la conservation des mots relatifs aux inspections, quand ce ne serait que pour ôter toute espèce de doute dans l'esprit des gardes.
M. de Theux. - Il me semble que l'honorable M. Coomans a raison. Cette disposition de la loi supposait une réunion générale de la garde pour faire l'inspection des armes. Comme, aujourd'hui, c'est un autre système qui est adopté, il me paraît que ces mots doivent être effacés.
L'article 65 prescrit deux inspections d'armes. Cet article restera toujours en vigueur. Pour les revues, pour les exercices, il doit y avoir une réunion générale. Mais pour les inspections d'armes, ce ne sont plus des réunions générales. Il faut donc supprimer cette disposition qui formerait antinomie.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je comprends maintenant pourquoi la suppression est demandée : c'est dans la crainte qu'on n'abuse du mode d'inspection autrefois en usage. Mais, d'après les explications qui vous ont été données, on ne peut plus en abuser. Les inspections d'armes auront lieu d'après le mode que j'ai indiqué.
M. de Theux. - Il est plus simple de supprimer la disposition.
M. Coomans, rapporteur. - Nous sommes parfaitement d'accord au fond avec l'honorable ministre de l'intérieur. L'honorable ministre veut qu'il y ait, outre les exercices, deux revues générales, et nous aussi. Quant aux deux inspections d'armes que nous avons votées, elles sont déjà inscrites à l'article 65. Il est donc fort inutile de les rappeler à l'article 83 ; c'est une pure redondance.
J'avoue que le rejet de mon amendement ne donnerait pas lieu à des inconvénients sérieux. Seulement, il y aurait des mots inutiles inscrits dans la loi ; et des esprits peu attentifs pourraient se méprendre sur le caractère que nous voulons donner aux inspections d'armes.
Le législateur de 1848 a eu raison de s'exprimer comme il l'a fait, parce qu'il était dans sa pensée que les inspections se fissent personnellement sous forme de réunions générales. Mais aujourd'hui que nous sommes d'accord avec M. le ministre qu'il n'en sera plus ainsi, je ne vois pas pourquoi, à propos de réunions générales, il faut reparler des inspections d'armes. C'est uniquement pour mettre plus de clarté dans la loi que je propose ce changement de rédaction.
M. David. - Dans le cas où l'on maintiendrait les mots dont l'honorable M. Coomans demande la suppression, il faudra un changement de rédaction. On devra dire : « sans préjudice des deux inspections d'armes ordonnées par l'article 65. » Car nous avons décidé qu'il y aurait deux inspections.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - La seule chose qui me semble importer à la chambre, c'est qu'elle sache que lorsque la loi dira : « sans préjudice des inspections d'armes, » ces inspections auront lieu conformément au mode que j'ai indiqué. Ce ne seront plus des réunions générales ; et c'est là ce qui paraît vous préoccuper.
L'article 84 voulant qu'il y ait des revues annuelles, indépendamment des exercices et des inspections d'armes, doit bien mentionner les deux situations dans lesquels on peut se trouver, et, je le répète, ce qui doit vous importer c'est que ces inspections n'aient plus le caractère d'exercices ou de réunions générales.
M. Rogier. - La suppression que demande l'honorable M. Coomans ne donnerait aucune espèce de garantie à ceux qui craignent qu'on n'abuse des inspections d'armes. Car la disparition de ces mots n'empêchera pas l'article 65 de subsister, et en vertu de l'article 65 on pourrait passer les inspections d'armes par rassemblement public. Il faudrait donc modifier l'article 65 si l'on veut éviter cet inconvénient que l'on craint.
C'est dans l'article 65 qu'il faudrait introduire une modification, mais l'article 84 doit être maintenu tel qu'il existe aujourd'hui. Il a l'avantage de résumer toutes les obligations des gardes.
M. Coomans, rapporteur. - L'honorable M. Rogier se méprend sur ma pensée lorsqu'il croit que j'insiste pour avoir des garanties da l'exécution de la parole de M. le ministre de l'intérieur ; ces garanties me sont complètement inutiles. C'est uniquement pour éviter une redondance que j'ai proposé de supprimer des mots qui ne sont plus à leur place dans la loi réformée ; ils avaient une signification dans la loi de 1848 ; ils l'ont perdue aujourd'hui qu'il est impossible de confondre les inspections d'armes avec les exercices et les revues. Le but unique de l'article 84 est d'établir qu'il y aura des revues outre les exercices ; il (page 1190) n'est pas nécessaire d'y parler des inspections d'armes décrétées par l'article 65.
- L'amendement de M. Coomans est mis aux voix : il n'est pas adopté.
« Art. 87. Tout garde requis pour un service doit obéir sauf à réclamer devant le chef du corps.
« Le chef qui aura donne un ordre illégal pourra être puni conformément à l'article 93. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, je ne comprendrais pas comment la chambre pourrait adopter une disposition de la nature de celle qui est proposée. Faire punir un chef pour un ordre donné mal à propos, c'est, selon moi, détruire l'autorité morale des chefs, et, en même temps, adopter une disposition tout à fait inutile.
Je dis, messieurs, que la disposition serait complétement inutile, parce qu'il n'est pas arrivé encore, que je sache, que des chefs aient ordonné un service illégal. Si cela était arrivé, le gouvernement d'abord aurait été saisi de plaintes ; et la cour de cassation, qui est toujours là pour redresser les griefs, quand ils existent réellement, la cour de cassation aurait pu être saisie à son tour par la garde à la suite d'une décision portée contre lui par le conseil de discipline.
Ainsi, par exemple, un garde est convoqué pour un service qui, selon le chef, est obligatoire, et c'est toujours de bonne foi qu'il l'ordonne ; mais le garde croit que le service n'est pas obligatoire ; le garde s'abstient de comparaître ; il est traduit devant le conseil de discipline ; le conseil de discipline déclare que le garde n'est pas fondé dans sa défense ; le garde est condamné ; il se pourvoit en cassation et, en cette matière, le pourvoi est suspensif ; la cour de cassation donne raison au garde et renvoie l’affaire devant un autre conseil de discipline, qui, lui, se conformée la jurisprudence de la cour de cassation.
Il n'y a donc pas de préjudice possible pour le garde ; la voie de la réparation légale lui est ouverte. Si, au contraire, vous admettez que le chef pourra être puni conformément à l'article 93, parce qu'il aurait, de bonne foi, donné un ordre reconnu contraire à la loi, si vous admettez cela, vous mettrez les chefs dans l'impossibilité de remplir les devoirs qui leur sont imposés. Où est le chef qui osera encore ordonner un service quelconque, dans un cas douteux, s'il est exposé à se voir condamner par un conseil de discipline, dans le cas où il se serait trompé sur d'interprétation d'une disposition légale ?
Mais, messieurs, vous rendez-vous bien compte de la situation du chef qui serait ainsi traduit devant un conseil de discipline ? A la requête de qui serait-il poursuivi ? A la requête d'un garde. Il serait donc poursuivi par l'officier rapporteur, et jugé par qui ? Par ses inférieurs. Il serait jugé par des officiers et par des gardes qu'il doit commander îous les jours. Je ne crois pas qu'un homme qui se respecte consente à se placer dans l'état de suspicion légale où la disposition qu'on propose réduirait les chefs de la garde civique.
Si la chambre avait, je dirai le malheur de se laisser entraîner à voter une semblable disposition, vous verriez arriver les démissions de tous les chefs qui croient à la nécessité d'une bonne discipline.
D'un autre coté le service serait rendu impossible, parce que vous auriez détruit toute espèce d'autorité morale.
Par toutes ces considérations, je vous en prie, messieurs, abandonnez l'idée de vouloir rendre les chefs de la garde civique responsables, devant les conseils de discipline, des ordres qu'ils donnent,
M. Lelièvre. - Le deuxième alinéa de notre article frappe d'une peine le chef qui aura donné un ordre illégal. Je pense qu'il doit bien être entrsdu qu'il ne s'agit pas seulement du chef de la garde ou du corps, mais de tout chef, quoi qu'en soit le grade, qui aurait donné un ordre illégal.
Quant à la disposition elle-même, ce n'est pas moi qui l'ai proposée au sein de la section centrale, mais elle émane d'un ami sincère de l'ordre et de nos libertés constitutionnelles.
Messieurs, dans un gouvernement représentatif, personne n'est inviolable, si ce n'est le roi.
Tous factionnaires quelconques sont responsables des actes qu'ils posent dans l'exercice de leurs fonctions ; or s'il en est ainsi, je ne vois aucune raison d'excepter de cette règle générale les officiers de la garde civique.
Certes, messieurs, les chefs de la garde sont soumis au droit commun, et dès lors je ne vois pas comment on pourrait les soustraire aux conséquences d'un ordre illégal.
Supprimer la disposition en discussion, ce serait réellement consacrer l'inviolabilité des chefs en question.
Sans cela les gardes seraieut absolument sans garantie contre des abus de pouvoir. Ainsi, les chefs prolongeraient la durée des exercices au-delà de deux heures, ils vexeraient les gardes de toute autre manière et tout cela resterait sans répression !
Il ne peut en être ainsi ; mais, dans l'armée même, il y a lieu à une répression disciplinaire contre les chefs qui donnent des ordres illégaux, Là aussi, il y a responsabilité, pourquoi donc n'en serait-il pas de même dans l'espèce dont nous nous occupons ?
Nul ne peut se soustraire à la loi, et tout acte illégal engage nécessairement la responsabilité de celui qui le pose.
La disposition de la section centrale ne présente rien que de raison fiable, elle est la conséquence des principes ordinaires du droit, elle est la seule garantie contre des vexations dunt l'expérience a révélé la possibilité.
Du reste, messieurs, les tribunaux apprécieront les circonstances, la bonne ou la mauvaise foi des chefs, et ils ne condamneront que s'il existe des faits graves de nature à démontrer la culpabilité des inculpés, A cet égard, on peut, en cette occurrence comme en d'autres, avoir confiance dans la justice du pays, tandis que le système contraire consacrerait une inviolabilité qui est repoussée par nos lois et nos institutions libérales.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - On donne à mes paroles une portée qu'elles ne peuvent pas avoir. Je ne suis l'avocat d'aucune espèce d'inviolabilité, excepté une seule que tout le monde respecte ; mais je dis que les chefs de la garde civique ne doivent pas être placés dans un état de suspicion légale, d'abord parce que je sais fort bien qu'ils ne méritent pas la censure qu'on veut faire peser sur eux, ensuite, parce qu'il y a plus d'un moyen de faire justice d'un chef qui aurait méconnu ses devoirs.
Il y a, messieurs, l'action du gouvernement, qui a bien quelque chose à dire en cette matière : les chefs da la garde sont nommés par le gouvernement qui a bien sur eux quelque autorité, et je ne connais aucun chef de la garde civique qui fût en position de résister à l'action du gouvernement, lorsqu'il aurait mérité une juste réprimande.
Un autre remède, messieurs, c'est l'élection pour ceux des chefs qui appartiennent à l'élection ; croyez-vous qu'ils seraient encore réélus s'ils s'étaient rendus coupables de donner des ordres illégaux ? Les gardes sauraient bien en faire justice.
Ce sont là autant de garanties qui protègent les gardes et qui retiennent les chefs dans la limite de leurs attributions légales.
M. Manilius. - Messieurs, dans la partie de la loi que nous maintenons, il y a un article qui organise les conseils de discipline. Eh bien, tous les officiers, jusqu'aux grades supérieurs même, sont susceptibles d'être poursuivis devant ces conseils de discipline, s'ils ont donné un ordre contraire aux intérêts de la garde. Les chefs supérieurs de la garde seuls pourraient être atteints par la proposition que je combats, et je la combats par le moyen qui me paraît le plus simple ; je demande que cette proposition soit ajournée, jusqu'à ce que nous puissions examiner, d'après le vœu du Congrès, de quelle manière on organisera la responsabilité des agents du pouvoir.
Voici ce que porte l'article 139 de la Constitulion :
« Le Congrès national déclare qu'il est nécessaire de pourvoir, par des lois séparées et dans le plus court délai possible, aux objets suivants :
« 1°....
« 5° La responsabilité des ministres et autres agents du pouvoir. »
Or, quand nous ferons cette loi pour régler la responsabilité des ministres et autres agents du pouvoir, je demande qu'on s'occupe en même temps des agents qui sont à la tête de la garde civique.
M. Coomans. - Messieurs, il m'est impossible de ne pas défendre vivement la proposition de la section centrale. Les observations de l'honorable M. Lelièvre ont, du reste, betucoup simplifié ma tâche. Je présenterai quelques nouvelles observations très sommaires.
M. le ministre de l'intérieur prétend que nous avons aujourd'hui des garanties suffisantes contre les excès de pouvoir que se permettraient les chefs ; je demanderai où sont ces garanties ; si elles existent, je m'en contenterai ; mais, comme je n'en vois pas, je désire qu'elles soient inscrites dans la loi, ou, pour le moins, qu'on les énonce à la tribune, comme une indication propre à éclairer les gardes et leurs chefs sur leurs devoirs respectifs.
L'honorable ministre dit que, relativement aux officiers supérieurs, ces garanties existent. Je ne sais jusqu'à quel point le gouvernement dispose des officiers supérieurs de la garde civique. Mais je ferai remarquer qu'il y a d'autres officiers que le gouvernement ne nomme pas et sur lesquels son action est nulle, ou à peu près. M., le ministre de l'intérieur ne raisonne que dans l'hypothèse d'un officier supérieur excédant ses pouvoirs ; alors je conçois que le gouvernement puisse prendre certaines mesures plus ou moins sévères et efficaces à son égard ; mais sil s'agit d'un capitaine, que le gouvernement ne nomme pas, d'un lieutenant, d'un sous-lieutenant, d'un sergent, d'un caporal même, je demanderai quel moyen sérieux vous avez d'empêcher que des ordres illégaux ne soient donnés et exécutés.
S'il faut respecter le grade d'officier (ce qui est tout à fait dans ma pensée), il faut respecter aussi les droits des gardes qui sont tous les égaux des officiers, et qui méritent d'autant plus d'égards que leur rôle est plus modeste.
Aujourd'hui que nous avons de fait exclu de la garde les officiers âgés de plus de 35 ans, une garantie légale devient d'autant plus nécessaire ; car je crois avec l'honorable M. Dumortier que la plupart des officiers seront des jeunes gens. Il faudra d'autant plus se prémunir contre les excès de zèle, et sanctionner l'observation des mesures que nous prenons en faveur de la masse de la milice bourgeoise.
M. le ministre de l'intérieur dit qu'en cas d'abus, les élections feront justice d'un officier qui se les permettrait.
Mais faut-il, messieurs, que le garde vexé attende 5 ans pour obtenir justice ? Car les élections ne se présentent que tous les cinq ans. Ne craignez-vous pas que le garde vexé ne perde patience, de quelque dose d'abnégation patriotique qu'il soit doué.
Je le demande donc de nouveau à M. le ministre de l'intérieur ; où sont les garanties qu'il trouve aujourd'hui suffisantes ?
M. de T’Serclaes. - Les agents du pouvoir sont responsables.
(page 1191) M. Coomans. - Il y a, me dit-on, la responsibilité des agents du pouvoir ; sans doute, mais un officier de garde civique est-il un agent du pouvoir ? C'est la première fois que j'entends donner cette qualification aux officiers de la garde civique, notamment à ceux que le gouvernement ne nomme pas.
Le gouvernement n'a rien à ordonner aux officiers au-dessous du grade de major ; ils relèvent de leurs chefs et non pas du gouvernement, et quand il plaira à un sous-officier d'abuser de ses pouvoirs, M. le ministre de l'intérieur se trouvera peut-être dans l'impossibilité de faire droit aux réclamations des gardes.
M. le ministre de l'intérieur nous objecte que des officiers peuvent donner de très bonne foi des ordres illégaux ; eh bien, si des ordres illégaux ont été donnés de bonne foi, ces officiers ne seront pas punis. Personne n'est puni, lorsqu'il agit de bonne foi, et la section centrale a rédigé sa proposition de manière à laisser beaucoup de marge aux con-seils de discipline ; elle ne dit pas qu'un officie r qui aura donné un ordre illégal sera puni ; elle dit qu'il pourra être puni : ce qui est bien différent.
Il me semble que ces courtes observations sont de nature à engager la chambre à adopter la proposition de la section centrale. Vous ne sauriez la repousser, messieurs, sans consacrer, en quelque sorte, l'inviolabilité des officiers de la garde civique, à moins, je le répète, que vous ne jugiez suffisants les moyens de répression dont M. le ministre et les chefs supérieurs disposent aujourd'hui.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, on me demande où sont les garanties des gardes contre ceux des officiers qui donneraient des ordres illégaux. Ces garanties, je viens de les faire connaître, et les gardes ont d'ailleurs le moyen de faire juger les questions douteuses quand ils sont cités devant les conseils de discipline pour avoir manqué à un service commandé.
Le principe est qu'il faut obéissance au chef. Mais si le garde convoqué trouve néanmoins convenable de s'abstenir, ce qui arrive quelquefois, il est poursuivi. Le conseil acquitte ou condamne. S'il est acquitté, il n'a plus rien à dire ; s'il est condamné, il a la faculté de se pourvoir devant la cour de cassation. Telles sont les véritables garanties qu'a le garde qui se croit victime d'un ordre illégal.
Ce n'est pas tout ; il y a une véritable impossibilité pratique dans la mesure que vous proposez. Comment voulez-vous que s'instruise une procédure de ce genre ? Un garde qui se plaint, ira-t il réclamer auprès du capitaine ? Celui-ci dénoncera-t il son major ou son colonel ? L'officier rapporteur devra-t-il porter plainte devant le conseil de discipline contre son chef ?
La hiérarchie peut-elle encore être respectée, alors que vous larisez un chef à la merci d'un garde qui portera plainte contre lui devant l'officier rapporteur ? Et les officiers porteront-ils plainte contre le colonel parce qu'il aura, dans l'opinion du garde, donné un ordre illégal, parce que le garde prétendra avoir été victime d'une fausse appréciation de la loi, parce que le chef aura erré sur un point de droit ; parce qu'un garde froissé, enfin, par des considérations purement personnelles, aura cru pouvoir se porter accusateur de son chef ?
Est ce en vue de circonstances pareilles, et pour des cas aussi rares que vous devez porter le trouble dans l'ordre hiérarchique, affaiblir les liens de la discipline à ce point que vous ne trouveriez plus de chefs qui voulussent prendre la responsabilité d'un commandement hérissé de tant d'obstacles ?
Je crois, messieurs, que vous feriez une chose dangereuse en introduisant un pareil principe dans une loi qui a un caractère quasi-militaire.
M. Lelièvre. - Je n'ajouterai plus qu'un mot à mes observations précédentes. Je demanderai si le chef qui donne un ordre illégal et vexatoire ne commet pas une véritable contravention. Or, s'il en est ainsi, il doit nécessairement pouvoir être poursuivi ; et en cela, on ne fait pas aux chefs une position exorbitante. Ils doivent répondre de leurs actes devant la justice du pays, devant la loi. Eh bien, tous sont soumis aux lois et au besoin, il pourra y avoir recours devant la cour de cassation.
Remarquez, du reste, qu'il ne s'agit pas d'atteindre des chefs ayant agi de bonne foi. Les conseils de discipline appréciant les circonstances ne condamneront qu'en cas de dol ou de faute grave assimilée à la mauvaise foi.
Ainsi, messieurs, il ne s'agit que de soumettre les chefs de la garde à la loi commune et rien de plus. Or, une disposition qui ne fait qu'atteindre des faits illégaux, des contraventions caractérisées ne saurait être repoussée et il n'y a rien d'exorbitant à placer les chefs dont nous nous occupons dans une position que ne peuvent décliner les factionnaires les plus élevés dans un pays civilisé.
M. Rogier. - Je veux dire un mot contre la proposition de la section centrale. Elle est complètement inutile. Si elle n'est pas inutile elle est dangereuse. L'article 93 porte que toutes contraventions aux dispositions précédentes et au règlement de service sont passibles du conseil de discipline dont l'organisation est réglée au titre 10. Cet article s'applique aux officiers et sous-officiers comme aux gardes.
Votre proposition est donc inutile. Elle a de plus ce danger de provoquer des procès au sein de la garde civique.
Vous allez donner ouverture aune masse de réclamations ; on se donnera le plaisir de poursuivre son caporal, son sergent, son sergent-major, son capitaine, son major et jusqu'à son colonel. Ce sera une série de conflits perpétuels.
Le gouvernement d'ailleurs n'est pas désarmé vis-à-vis des officiers élus ; il y a un article 55 qui permet aux gouverneurs de suspendre leurs officiers élus. Il y a là pour les gardes une garantie vis-à-vis de tous les officiers qui abuseraient de leurs pouvoirs.
M. Coomans, rapporteur. - Messieurs, vous me permettrez de réfuter des assertions inexactes. L’honorable préopinant prétend que la loi autorise le gouvernement à suspendre les officiers élus. Mais il faut pour cela deux conditions, c’est qu’il y ait plainte de la part du chef de corps et sur l’avis conforme du collège des bourgmestre et échevins. Si le chef du corps ne porte pas plainte contre l’officier élu, si le chef du corps est lui-même l’auteur primitif de l’ordre illégal qu’il a fait transmettre par son inférieur, enfin si l’avis du collège échevinal n’est pas conforme à celui du ministre, quid juris ?
M. Orts. - Il faut que l'honorable membre refuse toute confiance à l'autorité suprême de la garde, sans l'ordre de laquelle des poursuites ne peuvent jamais être intentées par les officiers rapporteurs, ou qu'il accepte la loi ancienne comme suffisante, comme donnant toute garantie. Je vais le prouver. L'honorable M. Rogier a rappelé déjà l'article 93 qui prévoit toute contravention à la loi sur la garde civique et aux règlements de service. L'honorable rapporteur n'est pas satisfait ; c'est, dit-il, dans le cas de cet article, le chef de corps qui traduit devant le conseil de discipline. Si le chef lui-même est coupable, il ne se traduira évidemment pas lui-même et la contravention restera impunie.
Le scrupule de l'honorable rapporteur est facile à lever, car, d'après l'article 91, le commandant supérieur a le droit de renvoyer devant le conseil de discipline et d infliger même des arrêts aux officiers lorsqu'ils s'écartent de la loi.
Voici le texte :
« Le commandant supérieur et les chefs de corps peuvent infliger les arrêts de un à trois jours pour toute infraction commise par des officiers à la présente loi, sans préjudice du renvoi, s'il y a lieu, devant le conseil de discipline. »
Donc, le commandant supérieur saura toujours redresser les griefs dont l'honorable membre craint l'impunité.
Se défie-t-il du commandant supérieur de la garde civique ? Qu'il le dise. Mais, on ne peut avoir, ce me semble, plus de garantie que les garanties actuelles, à moins de permettre aux gardes de traduire directement leurs chefs devant le conseil de discipline ; et cela c'est l'anarchie parmi les baïonettes, ni plus, ni moins.
- L'article est mis aux voix.
Il n'est pas adopté.
M. le président. - Nous passons à l'amendement proposé par M. de Man à l'article 93 :
« En cas d'absence réelle, durant 48 heures au moins, notifiée par le garde à son capitaine, aucune peine ne peut être appliquée. »
M. de Man d'Attenrode. - Cet amendement a une grande importance comme toutes les questions qui touchent à la liberté individuelle.
D'après l'interprétation donnée à la loi de 1848, il ne suffit pas de prévenir qu'on s'absente pour prévenir le désagrément des poursuites devant le conseil de discipline ; il faut demander un congé et il faut de plus l'obtenir comme un fonctionnaire civil ou un militaire. Cependant, lors de la discussion de la loi de 1848, on avait déclaré qu'elle serait interprétée d'une manière toute différente. Voici le langage que tenait à ce propos l'honorable M. Manilius :
« On peut facilcment obtenir des exemptions pour le service. Une simple déclaration suffit pour faire obtenir une dispense, lorsqu'il y a quelque nécessité pour le garde de ne pas faire son service. Ainsi qu’un un garde s'absente, il n'a pas besoin de dispense, il doit prévenir, voilà tout. Dans ce cas, il n'est pas poursuivi pour manquement au service ; ou s'il est poursuivi, il est acquitté par le conseil de discipline. (Moniteur, page 1253).
Eh bien, messieurs, cette déclaration, qui n'a été contredite par aucun ministre, ni pas aucun membre de cette chambre, ,’a pas empêché les chefs de la garde civique de traîner devant les conseils de discipline les gardes qui se sont trouvés absents sans avoir obtenu de congés.
Vous avez sans doute encore présent à la mémoire ce qui s'est passé l'année dernière à Namur ; un chirurgien dentiste qui avait à se rendre à Liége, bien qu’il eût prévenu le capitaine de sa compagnie, fut traduit devant le conseil de discipline, et, malgré un certificat du commissaire de police de Liège et de son hôtelier, fut condamné à uns amende et subsidiairement à la prison s'il ne satisfaisait pas à l'amende. Je connais des personnes qui habitent la campagne pendant l’été à 40 lieues de distance de la ville où elles sont appelées soit par leur santé, soit pour la surveillance de leurs propriétés, et qui ont été traduites devant les conseils de discipline pmr n'avoir pas comparu aux exercices.
Ces rigueurs vous le comprendrez, messieurs, sont faites pour soulever le mécontentement. Je suis convaincu que personne dans cette chambre ne voudrait soutenir de sa parole une interprétation aussi vexatoire donnée à la loi sur la garde civique.
Dans les pays où l'ordre a été plus menacé qu'ici, à Paris par exemple, jamais la loi sur la garde nationale n'a été interprétée de cette manière.
Il suffit de prévenir le sergent-major de sa compagnie que l'on a (page 1192) l'intention de s'absenter, il suffit que cette absence soit réelle, peu importe sa durée, pour que l'on soit dispensé du service de la garde nationale.
Si cette interprétation donnée à la loi n'a pas ébranlé l'institution de la garde nationale en France, pourquoi serait-elle de nature à l'ébranler dans le pays ?
Je le dis en terminant, ces rigueurs sont intolérables, elles sont injustifiables dans notre paisible Belgique. Elles ne sont faites que p.our anéantir cette institution.
M. Manilius. - On vient de m'interpeller sur ce que j'ai dit, en 1848, au sujet de la conduite à tenir envers les gardes qui s'absentent un jour de service commandé. Je suis encore aujourd'hui dans les idées que j'ai exprimées alors ; et c'est ainsi que les choses se passent à Gand et dans toutes les communes où la garde civique est organisée. Partout la loi est appliquée sagement, modérément.
A mon avis, il ne doit pas en être autrement. Mais il n'y a guère de règle sans exception, et si à cette règle il y a quelques exceptions, la faute en est aux gardes qui, pour justifier une absence, allcgueiit des motifs futiles que n'admet pas le conseil de discipline.
Si le garde pense que le conseil de discipline lui a fait une fausse application de la loi, il peut se pourvoir en cassation. Ceci n'a rien qui doive nous surprendre. Tous les jours il arrive qui les tribunaux se trompent ; la cour d'appel réforme leurs décisions, et, quand il y a eu violation ou fausse, application de la loi, il y a recours en cassation.
M. Lelièvre. - Je pense que l'adop'ion de l'amendement de l'honorable M. de Man ne conduirait pas aux résultats qu'il en attend, et que même elle produirait des conséquences opposées. En effet, d'après la teneur de l'amendement, il n'y a absence légitime que lorsqu'elle dure pendant deux jours. Mais cette condition n'est pas nécessaire. En effet, du moment où il y a absence réelle sans fraude et sans but de se soustraire au service, je pense qu'il doit y avoir acquittement.
C'est donc ici une question de fait qui doit être laissée à l'appréciation des juges, qui poseront les circonstances, et à la conscience desquels il faut bien se référer.
Je connais le cas qui s'est présentéàï Namur, et auquel fait allusion l'honorable M. de Man, et je suis d’avis que dans l’affaire du sieur Marcq, le conseil de discipline s’est trompé dans son appréciation de la conduite de l'inculpé. Mais, messieurs, il est impossible de prévoir dans la loi des questions de ce genre, parce que leur solution dépend des circonstances particulièrcs de l’affaire. Il s'agit donc ici d'une question qu'il faut bien abandonner à la corscierce des magistrats, parce que la loi ne peut à cet égard poser un principe uniforme.
Pour moi, messiems, toute absence quelconque, du moment qu'elle ne présente aucun caractère frauduleux, est un juste motif qui dispense d’assister à l'exercice, et la mauvaise foi pourrait seule engager la responsabiliié du garde.
(page 1221) M. de La Coste. - C'est ici, sans aucun doute, un des points sur lesquels il est le plus nécessaire de prendre une décision.
D'après les faits qui me sont connus, la jurisprudence à cet égard varie de ville à ville, de compagnie à compagnie. Je sais des cas où les gardes sont obligés de faire près de cinquante lieues, aller et retour, pour remplir les obligations qui leur sont imposées. Evidemment, c'est là une rigueur qu'on ne saurait justifier.
J'ai reçu personnellement différentes réclamations à cet égard : il s'est présenté chez moi un négociant qui se plaignait de ce que, chaque fois qu'il s'absentait un dimanche, il risquait de subir des condamnations. Je connais des gardes qui ont séjour à la campagne et à la ville et qu'on oblige à faire un long voyage pour se rendre aux exercices à Bruxelles ou dans les faubourgs à l'époque où leurs intérêts ou leur genre de vie habituel les appellent à la campagne.
Je pense qu'il y a là un remède à appliquer et qu'il ne suffit pas d'un recours en cassation. Tout le monde n'est pas d'humeur processive ; le plus souvent on aime mieux souffrir quelques inconvénients assez graves que d'avoir recours à la justice ; la cour de cassation d'ailleurs n'est pas juge du fait ; elle n'intervient que dans les questions de droit.
(page 1192) M. Coomans, rapporteur. - L'amendement qui est en discussion n'a pas la signification que semble y attribuer l'honorable M. Lelièvre ; il ne signifie pas qu'il faudra s'absenter pendant deux fois 24 heures pour n'être pas puni ; il signifie seulement qu'en cas d'absence réelle pendant deux fois 24 heures, le garde sera à l'abri de toutes poursuites.
Les autres cas d'absence sont réservés, ils resteront soumis à l'appréciation des chefs et des conseils de discipline. Il serait absurde de ne pas admettre d'autres excuses légitimes qu'une absence de deux fois 24 heures au moins.
L'honorable M. Manilius a parfaitement justifié l’amendement, puisqu'il a dit que c’était ainsi que s'exécutait la loi dans la pratique. Pourquoi ne pas décréter un état de choses approuvé par l'expérience ?
Le gouvernement lui-même a reconnu qu'il serait vexatoire d'obliger les gardes à faire de longs voyages pour se promener l'arme au bras pendant deux heures, d'empêcher les gardes de s'absenter, lorsque leurs affaires ou leurs convenances les appelait ailleurs. Si le gouvernement nous donnait l'assurance que des instructions dans ce sens conciliateur seront adressées aux chefs de corps, j'engagerais mon honorable ami à retirer son amendement. Mais je dois insister sur ce point : cette rigueur extrême que, dans certaines localités, on a déployée contre les gardes absents ou désireux de s'absenter, a été une des causes principales des plaintes qui se sont produises. Si cette cause est enlevée, l'exécution de la loi sera plus facile, et tout le monde aura à s'en féliciter. En temps normal, quand tout est tranquille, où est le mal qu'une compagnie de cent hommes soit réduite à cinquante, pour les pacifiques promenades de la garde ? Où est le mal que des pères de famille, des jeunes gens même s'absentent un jour de revue ou de manœuvre fût-ce pour une partie de plaisir ? La patrie sera-t-elle en danger si quelques lacunes se remarquent dans les rangs de la milice bourgeoise ?
N'oublions pas que la garde civique a été instituée pour les temps difficiles, les temps de guerre ou de troubles. En dehors de cela, il faut qu'elle reste à l'état d’institution paternelle, et que des corvées inutilement imposées ne dégoûtent pas les meilleurs citoyens d'un service dont nul ne conteste l'utilité éventuelle.
Si vous vouliez bien me le permettre, messieurs, je comparerais la garde civique à un parapluie qu'il faut déployer en cas de mauvais temps, et refermer dès que l'orage est passé ! L'invention est bonne, à certaines heures, nous le savons par expérience, mais ceux qui tiennent le parapluie ouvert, à bras tendu, lorsque le soleil fécondant de la paix luit dans un ciel serein, ceux-là sont des hommes trop prudents, j'allais dire déraisonnables.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je crois qu'il faut au moins que le parapluie soit en bon état pour servir en cas de mauvais temps.
On vient de faire appel à l’exécution que la loi doit recevoir. Je n’aurais pas besoin de donner de nouvelles instructions ; car la loi s’écécute de manière bienveillance ; elle continuera de s’exécuter de la même manière.
Quand un garde trouvera convenable de s'absenter, quand il aura un motif plausible quelconque à invoquer, on ne lui demandera pas d'explication ultérieure ; il n'aura que la peine d'informer son capitaine. Il y a eu trois cas de difficulté sous ce rapport ; l'un à Namur, l'autre dans un faubourg de Bruxelles, le troisième à Liège : voici dans quelle circonstance.
Un garde s’était absenté un jour d’exercice, et avait prévenu son capitaine de son absence. Mais le jour mène de ce service obligatoire il avait été vu à une demi-lieue de la ville.
Iî avait été reconnu dans un état de liberté parfaite, et par conséquent on a pu penser que ce garde n'avait employé qu'un prétexte pour se soustraire à un service obligatoire, et le conseil de discipline l'a condamné.
C'était d’ailleurs un garde routinier du fait, et les conseils de discipline ne sont jamais sévères que quand il y a de mauvaises résistances à vaincre. Voilà, dans des cas très rares, ce qui a pu arriver. Mais je le répète, qu'on soit parfaitement tranquille ; le gouvernement n'a pas l'intention d'apporter ds restrictions à ce genre de faculté que chucun doit pouvoir exercer d'une manière convenable, sans nuire à ses affaires.
M. Rogier. - Il existe déjà une instruction qui autorise les chefs à accorder des dispenses aux gardes qui veulent s'absenter ; si même l'absence a une certaine durée, le garde n'a pas besoin d'obtenir de dispense. On constate que l'absence a duré un certain temps et le garde n'est passible d'aucuns poursuite. Voilà le résumé d'une instruction du 2 avril 1852 que j'ai trouvée dans le bulletin administratif. C'est le chef qui accorde la dispense et si l’absence est longue, le garde a à faire constater que cette absence a été longue et qu'il n'a pas été de retour avant la convocation.
Messieurs, il est impossible qu'un garde, par le simple fait d'une notification, s'exempte de tout service. Car il pourrait arriver qu'un jour de revue, personne ne se présentât. Chaque garde annoncerait qu'il s'absente pendant deux jours et tout serait dit.
D'autre part, en supposant que l'assertion da garde soit mensongère, que l'absence n'ait pas eu lieu, quelle sera la peine ? Il faut une pénalité contre le garde qui, ayant annoncé qu'il s'absente pendant deux jours, ne le ferait pas. Je crois, mesieurs, que les dispositions existantes suffisent et que la disposition qu'on propose est inutile.
M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, j'avais commencé par être satisfait de ia réponse que nous a faite M. le ministre de l'intérieur. Il nous a déclaré qu'il suffisait de prévenir de son absence pour échapper à une poursuite devant le conseil de discipline. Mais M. le ministre l'a déclaré un peu plus tard : on fera ce qu'on a fait. Or, messieurs, j'ai établi dans mon premier discours qu'on avait mal fait, et ce qui le prouve, c'est la circulaire que vient de citer l'honorable M. Rogier. Cette circulaire prouve qu'il y a eu des abus tet qu'où a voulu en prévenir le retour.
Si M. le ministre de l'intérieur veut se rallier à l'interprétation qui a été donnée à la loi par les honorables MM. Manilius et Lelièvre, je consens à retirer ma proposition.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Tout cela est une question de bonne foi. Un chef apprécie les motifs qu'on fait valoir et il exempte, s'il y a lieu. Dans la pratique, il n'y a pas de difficulté.
M. de Man d'Attenrode. - Je retire mon amendement en prenant acte des paroles de M. le ministre de l'intérieur. Il a déclaré, en effet, qu'il suffisait de prévenir, quand on avait l'intention de s'absenter, pour empêcher les poursuites du conseil de discipline.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Il suffit de prévenir qu'on a un cas légitime d'absence, et je dis que l'appréciation est une question de bonne foi.
M. le président. - M. Laubry demande un congé pour cause d'indisposition.
- Ce congé est accordé.
M. le président. - L'article 108 est supprimé et remplacé par les dispositions suivantes :
« Sont dispensés de service les citoyens âgés de plus de 35 ans, qui, changeant de domicile, passaet d'une commune où il n'existe pas de garde civique, dans une commune où elle est organisée.
« Seront également dispensés du service dans les communes où il n'est pas organisé, les ciloyers qui, à la première organisation de la garde civique, auront atteint l'âge de 40 ans. »
M. Mascart. - L'honorable M. Van Grootven a voulu exempler du service celui qui est arrivé à l'àge de 35 ans sans avoir jamais fait partie de la garde civique. Il a pensé qu'il ne fallait plus à cet âge apprendre la charge eu douze temps afin de pouvoir tuer son prochain avec plus de régularité. Mais je demanderai ce qui adviendra quand un garde par une manœuvre très facile transférera son domicile d'une localité où la garde civique est active dans une localité où elle ne l'est pas, et que, peu de temps après, il le transférera de nouveau dans la commune (page 1193) où il l'avait primitivement ? Je suppose, par exemple, qu'yn garde civique transfère son domicile de Louvain, où la garde civique est organisée, à Haverlé, oùu elle ne l'est pas, et que peu de temps après il rentre à Louvain ; sera-t-il par ce fait exempté du service ?
M. Roussel. - Si j'ai bien compris la disposition que nous discutons, ce cas sera un cas de fraude ; or jamais on ne peut échapper à une disposition de la loi au moyen d'une fraude.
Le garde qui aurait eu recours à une pareille manœuvre serait rétabli sur les contrôles lorsqu'il reprendrait son premier domicile. Cela me paraît évident.
M. Coomans, rapporteur. - Il me paraît que l'interprétation donnée par l'honorable M. Roussel est la vraie. I.a section centrale a cru que lorsqu'un homme est arrivé à l'âge de 35 ans, sans avoir jamais appris l'exercice, il ne doit plus être astreint à un apprentissage ingrat et difficile. Il est évident que s'il l'a appris dans une commune quelconque avant l'agi de 35 ans, il restera soumis au service. Personne ici s'entend favoriser les manœuvres frauduleuses.
Puisque j'ai la parole, je ferai une observation sur le dernier paragraphe, dont le chiffre de 40 ans vient à tomber par suite du vote que nous avons émis hier.
Cette dernière disposition était rédigée en vue de l'ensemble du projet de la section centrale qui maintenait les gardes sur les contrôles jusqu’à l’âge de 50 ans. Puisque la chambre a décidé que les gardes seront libérés à 40 ans, je proposerai de substituer dans le dernier paragraphe le chiffre de 35 à celui de 40.
M. Rogier. - Il me semble, messieurs, que l'amendement de M. Van Grootven ne peut pas être adopté, li a été proposé en vue d'un cas tout à fait exceptionnel : un individu vient de la campagne s'établir en ville ; il est censé ne pas connaître le maniement des armes ; c'est un cas spécial. La loi ne doit pas s'en occuper. Tous ceux qui viennent d'une commune où la garde civique n'est pas organisée, ne doivent pas être présumés ne pas connaître l'exercice. Un ancien militaire qui habite une commune rurale viendra se fixer dans une ville ; l'exempterez-vous du service comme ne connaissant pas l'exercice ?
Cet article, messieurs, donnera certainement lieu à la faude qui a été signalée par l'honorable représentant de Bruxelles. Elle s'est pratiquée sur une très large échelle avant 1848, et rien n'est plus facile. Ainsi, par exemple, si une disposition adoptée dans une séance précédente est maintenue, il n'y aura pas de garde civique à Schaerbeek ; eh bien, un habitant de Bruxelles prend son domicile à Schaerbeek pendant quinze jours et il se fait exempter ainsi da service à sa rentrée dans Bruxelles. Vous ne pouvez pas, messieurs, accorder une prime à de semblables manœuvres. Il faut laisser les choses telles qu'elles sont et ne pas distinguer entre celui qui vient d'une commune où la garde civique est organisée et celui qui vient d'une commune où elle n’est pas organisée.
M. de Theux. - Il me semble, messieurs, que les deux opinions seraient conciliées si l'on disait simplement : « pourront être exemptes par le chef du corps. » Ce serait uue faculté et ou examinerait les circonstances.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, cela me paraît assez dangereux : ce serait placer les chefs dans une situation fort difficile et donner lieu à des actes de pure complaisance ou bien à des actes qui pourraient grever arbitrairement des citoyens.
Je crois, messieurs, que vous devez repousser la proposition, non seulement parce qu'elle donnerait lieu à des fraudes, mais encore parce qu'elle établirait un véritable privilège en faveur de quelques personnes qui trouveraient fort commode de venir jouir des avantages d'une ville sans supporter les charges qui y sont attachées.
D'ailleurs, il s'agit évidemment a'un cas fort rare dont il me semble que la loi ne doit pas s'occuper.
M. Coomans, rapporteur. - Remarquez, messieurs, que vous avez exempté des exercices (moins un) les gardes âges de 35 ans ; si donc vous obligez un homme de 35 ans, qui n'a pas encore appris le maniement des armes (et ce sera le cas le plus général dans les communes où la garde n'est pas encore organisée) ; si vous le forcez à faire le service, vous aurez une garde civique qui ne sera pas sérieuse ; comment voulez-vous, en effet, lorsque vous reconnaissez que six et même douze exercices, pendant 15 ans, ne suffisent pas pour faire de bons soldats, comment voulez-vous en faire avec un seul exercice pendant cinq ans ?
Quand vous aurez forcé un homme de 35 ans à apprendre l'exercice pour faire le service pendant 5 ans (et il l'apprendra très mal), je ne vois pas quelle utilité en retireront le pays et la garde civique. En outre pourquoi l'obliger à se munir d'un uniforme qu'il ne portera que cinq fois ?
Toutes les objections faites par M. le ministre de l'intérieur et par l'honorable M. Rogier me sembleraient très bonnes dans le système qui rendait le service obligatoire jusqu'à 50 ans ; alors celui qui avait 35 ans restait encore 15 ans en activité ; aujourd'hui il n'y restera plus que 5 ans et il fera un seul exercice par an.
Vraiment je ne comprends pas que des amis de la garde civique veuillent faire entrer dans ses rangs des hommes qui ne connaissent pas le maniement des armes et qu'on ne peut assujettir qu'à un exercice par an. La garde civique doit être sérieuse. Elle perdrait ce caractère si elle renfermait beaucoup d'hommes à qui les principes élémentaires du métier sont inconnus.
M. Malou. - Je crois, messeurs, que ce débat provient en grande partie de ce qu'on a substitué le domicile à la résidence. Dans la loi on n'a égard qu'à la résidence. L'honorable M. Mascart se préoccupe de la fraude qu'on peut tenter pour se soustraire au service, par un changement de domicile : on couperait court à tout cela en mettant dans l'article 87 « changement de résidence » au lieu de « changement de domicile. »
M. Rogier. - Je demande pardon à la chambre de prendre si souvent la parole ; mais l'hoonorable M. Coomans n'a pas répondu à l'objection principale. Il s'agit de cas spéciaux et ce ne sont pas quelques gardes venus d'une autre localité, qui constitueront la garde civique ; mais l'objection principale est celle de l’honorable député de Nivelles, c'est la facilité qu'on aura à l'avenir, en changeant de domicile ou de résidence pendant 15 jours, de se soustraire pour toujours au service de la garde civique.
Quant au moyen qu'a indiqué l'honorable M.de Theux, je le comprends s'il n'est pas inséré dans la loi.
J'admettrai bien qu'un habitant de la province vînt dire : Je n'ai jamais manieéun fusil et j'ai plus de 35 ans, je désire être dispensé du service de la garde civique. Mais vous ne pouvez insérer à cet égard une disposition dans la loi, car alors vous donnerez lieu à ce manège qui est trop attrayant pour que beaucoup de personnes ne s'en servent pas. Nous avons des antécédents. Avant 1848, beaucoup d'habitants des grandes villes prenaient une résidence fictive à la campagne et se faisaient ainsi exempter du service. Il ne faut pas donner ouverture à cet abus pour venir en aide à quelques individus que les chefs de la garde civique pourront au besoin dispenser du service.
Un individu, par exemple, qui a servi dans l'armée, aura-t-il quelque titre à être exempté du service de la garde civique parce qu'il viendra d'une commune où la garde civique n'est pas organisée ? Mais ce serait là un excellent garde civique.
M. Devaux. - Je crois, mesieurs, que nous serions d'accord si l'on mettait non pas : « ceux qui changent de commune », mais : « ceux qui n'ont pas encore servi ni dans la garde civique ni dans l'armée ».
Permettez-moi, messieurs, de faire une observation générale. On cherche à diminuer les obligations des gardes civiques, à rendre le service plus facile. On obtiendrait ce résultat et on préviendrait la nécessité de beaucoup de mesures qu'on veut prendre.
Ce qu'il y a de gênant dans le service de la garde civique, ce sont les exercices. Les villes pourraient faciliter aux gardes le moyen d'apprendre l'exercice, en mettant à leur disposition des salles d'exercice où ils pourraient se rendre sans uniforme. Le gouvernement a un autre moyen bien simple de faciliter cet apprentissage du service. Le gouvernement a dans ses établissements d'instruction des cours de gymnastique. Il pourrait y prescrire l'exercice du fusil. Cet exercice est une excellente gymnastique pour la santé.
Que le gouvernement mette à la disposition des cours supérieurs de ses établissements quelques fusils sans baïonette, qu'il prescrive que l'exercice en fusil fera partie de la gymnastique, et ce sera pour les jeunes gens qui auront appris cet exercice avec plaisir, un moyen facile de s'exempter en peu de temps du service de la garde civique. J'en connais des exemples.
Il ne faudra pas quinze jours pour qu'un garde, ainsi préparé, soit exempté du service.
M. Coomans. - Messieurs, les observations qui viennent d'êtra présentées m'engagent à accepter un amendemml qui m'est suggéré.
Nuus reconnaissons tous que le but qu'ont voulu atteindre les auteurs des amendements, est bon et loyal, mais nous ne voudrions pas favoriser les fraudes qui pourraient résulter de l'adoption de ces amendements. En conséquence, je propose de dire :
« Sont dispenses du service, les citoyens âgés de plus de 35 ans qui, n'ayant jamais fait partie de la garde civique ou de l'armée, passent d'une commune où la garde civique n'existe pas dans une commune où elle est organisée. »
Il me semble que ce moyen de conciliation doit être adopté.
M. le président. - La parole est à M. Orts, qui vient de déposer un amendement.
M. Orts. - Mon amendement est exactement semblable à celui que propose l'honorable M. Coomans. Il est ainsi conçu :
« Sont dispensés du service les citoyens âgés de plus de 35 ans qui, n'ayant jamais fait partie de la garde civique ni de l'armée, passent ea changeant de domicile dans une commune où la garde est organisée. »
M. Coomans. - Je me rallie à cet amendement.
M. Prévinaire. - Je demande qu'on ajoute le mot « active » après les mots « garde civique ».
- De toutes parts. - Il ne peut s'agir que de la garde civique active.
M. Prévinaire. - En ce cas, je n'insiste pas.
- L'amendement de M. Orts est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Quatrième paragraphe de l'article 87, proposé par la section centrale :
« Seront également dispensés du service, dans les communes où il n'est pas organisé, les citoyens qui, à la première organisation de la garde civique, auront atteint l'âge de 40 ans. »
M. Coomans propose de substituer l’âge de 35 ans à celui de 40 ans.
- Le paragraphe, ainsi amendé, est adopté.
Fixation de l’ordre des travaux de la chambre
(page 1194) M. le président. - Nous sommes arrivés à la fin des propositions de la section centrale et des amendements. A quel jour la chambre veut elle fixer le vote définitif ?
M. Lelièvre. - A lundi.
- D'autres membres- . - A mardi !
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - La chambre a fixé à mardi la discussion de la loi sur l'organisation de l'armée ; je demande avec M. Lelièvre que le second vote ait lieu lundi.
M. de Theux. - Je crois que si nous fixions le second vote à mardi, la discussion sera abrégée. Nous avons le temps de combiner les divers amendements. D'ailleurs, mardi, tout le monde sera à son poste pour la loi de l'organisation de l'armée et dès lors pour le second vote de la loi sur la garde civique.
M. Orts. - Comme on vient de le dire, on a fixé à mardi la discussion ds la loi sur l'organisation de l'armée. Cette discussion a, à mes yeux, une importance qui dépasse celle de la loi sur la garde civique, quoique je regarde cette dernière discussion comme étant aussi très importante. La discussion de la loi d'organisation de l'armée est annoncée depuis longtemps. Un grand nombre de membres se sont préparés. On attend vivement la solution de cette grande question. Il est du devoir de la législature de hâter cette solution autant que possible. Le second vote de la loi sur la garde civique pourra être terminé dans la séance de lundi. (Interruption.) S'il ne suffit pas d'une seule séance, je demande que le second vote n'ait lieu qu'après la discussion de la loi sur l'organisation de l'armée.
M. de Man d'Attenrode. - Je m'oppose à celle proposition. La discussion de la loi sur l'organisation de l'armée peut durer très longtemps ; nous n'aurions plus aussi présente à l'esprit que nous l'avons maintenant, la discussion de la loi sur la garde civique ; j'appuie la proposition faite, de fixer le second vote à mardi. Nous aurons la chance de voter définitivement la réforme de la loi de 1848 en nombre suffisant. Plusieurs de nos collègues se proposent de passer le lundi dans leurs familles.
M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je n'ai qu'une observation à faire, c'est que la séance de mardi sera entièrement enlevée à la discussion de la loi sur l'organisation de l'armée, car au second vote de la loi sur la garde civique on remettra probablement en question plusieurs des dispositions qui ont été adoptées.
- La proposition tendante à fixer à lundi le second vote de la loi sur la garde civique est mise aux voix et n'est pas adoptée.
La chambre décide ensuite que ce second vote aura lieu mardi prochain.
La séance est levée à 4 heures 3/4.