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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 28 avril 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1174) M. Dumon fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.

- La séance est ouverte.

M. Ansiau lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

M. Dumon présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

Pièces adressées à la chambre

« Le sieur Becher, concessionnaire de la route d'Acoz à Florennes, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir une indemnité du chef du préjudice que va lui causer la construction du chemin de fer de Châtelineau vers Florennes, par la vallée d'Acoz. »

M. de Baillet-Latour. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport. J'éveillerai l'attention du gouvernement sur la réclamation du pétitionnaire ; elle consiste à obtenir une indemnité du préjudice que lui causera la concession du chemin de fer d'Acoz à Florennes. Le gouvernement a stipulé déjà à différentes compagnies concessionnaires à payer des indemnités à des concessionnaires de routes longeant les concessions accordées. Je ne citerai que celle de Pepinster à Spa, dont les entrepreneurs ont joui pendant vingt ans, et le réclamant d'aujourd'hui n'a joui de sa concession que depuis peu d'années ; il me semble de toute équité que le gouvernement cherche quelque moyen de ne pas nuire aux uns en favorisant les autres.

M. Lelièvre. - J'estime également que la réclamation du pétitionnaire est fondée et en conséquence je me joins à l'honorable M. de Baillet pour demander que la commission des pétitions s'occupe du rapport dans un bref délai.

- Cette proposition est adoptée.


« Le sieur Beumers, ancien douanier pensionné, demande une place de facteur rural, d'éclusier ou d'employé dans l'administration des chemins de fer. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« L'administration communale d'Ath présente des observations relatives à la proposition de supprimer l'article 73 de la loi sur la garde civique. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion des modifications proposées à la loi sur la garde civique.


« Des électeurs à Calmpthout demandent que les districts électoraux pour les nominations aux chambres soient composés de 40,000 âmes et que l'élection se fasse au chef-lieu de canton. »

- Renvoi à la commission des pétitions du mois de mars.


« Le bourgmestre, un échevin, des conseillers communaux et d'autres électeurs à Etalle demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu de canton. »

« Même demande d'électeurs à Esschen. »

- Même décision.


« Les membres du conseil communal et d'autres habitants de Meere demandent la révision de la loi sur l'entretien des indigents dans les hospices et dans les établissements de bienfaisance et des modifications à la loi électorale pour que l'élection se fasse au chef-lieu du canton et que le cens électoral pour les villes soit augmenté, et présentent des observations contre le projet de loi sur le recrutement de l'armée. »

- Renvoi aux commissions des pétitions du mois de mars et d'avril et à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi sur le recrutement de l'armée.


« Le sieur Gilbert présente des observations concernant le projet de loi sur le recrutement de l'armée. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi.


« Des propriétaires à Anvers prient la chambre d'adopter la proposition de loi sur l'abolition de quelques taxes communales, au moins en ce qui concerne les engrais. »

- Renvoi à la section centrale qui est chargée d'examiner la proposition de loi.

Rapport sur une pétition

M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, conformément à la décision de la chambre du 15 de ce mois, j'ai l'honneur de vous présenter, au nom de la commission des pétitions, un prompt rapport sur la demande de la dame Marguerite Janne, veuve du sieur Jean-Joseph Gérard, ancien garde du génie de deuxième classe, qui réclame l'intervention de la chambre pour obtenir une pension aux frais du trésor public.

La pétitionnaire expose à l'appui de sa demande que son époux, décédé le 25 août dernier, comptait alors 22 années de services publics, et qu'elle se trouve aujourd'hui dans une position extrêmement malheureuse, attendu que le département de la guerre refuse de lui accorder une pension à laquelle elle croit néanmoins avoir des titres, et qu'elle est privée de toute autre ressource pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille composée de 6 enfants on bas âge.

Quant aux droits invoqués par la pétitionnaire pour être pensionnée aux frais de l'Etat, ils sont fondés spécialement sur ce que les gardes du génie de première et deuxième classe, que la loi du 21 mai 1838 assimile, pour le règlement de leur pension, au rang de lieutenant et de sous-lieutenant, ont été exclus, en vertu d'une décision prise illégalement, suivant elle, par le département de la guerre, de la faculté de participer à la caisse des veuves et orphelins nonobstent les réclamations qu'ils ont formées depuis 1840.

La commission vous propose le renvoi de cette pétition au département de la guerre.

Projet de loi portant le budget du ministère de la justice de l’exercice 1854

Rapport de la section centrale

M. Delehaye. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le budget de la justice pour l'exercice 1854.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.

Projet de loi prorogeant la loi du 12 avril 1835 relative aux péages du chemin de fer

Dépôt

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - J'ai l'honneur de déposer un projet de loi qui a pour objet de proroger la loi du 12 avril 1855, concernant les péages du chemin de fer.

Je pense qu'on pourrait renvoyer ce projet à l'examen de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi relatif au tarif des marchandises.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation du projet de loi qu'il vient de déposer.

L'examen en est renvoyé à la section centrale qui a examiné le projet de tarif des marchandises.


M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - J'ai l'honneur de déposer également le rapport sur l'application de la loi du 12 avril 1851 relative au tarif des voyageurs.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

Rapport sur une pétition

M. Van Iseghem. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission permanente d'industrie sur la pétition de quelques industriels de diverses localités et sur celle de 700 ouvriers mécaniciens.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre dix jour.

Proposition de loi sur loi sur la garde civique

Discussion des articles

Article 9

M. le président. - La loi fixe la même époque de l'année pour tous ceux qui doivent entrer dans la garde civique. La section centrale propose de fixer également une seule époque pour ceux qui doivent en sortir. Mais je pense qu'on devrait attendre pour discuter l'article 9 qu'on ait voté sur l'article 83 qui dispense partiellement du service les gardes âgés de 35 ans. (Adhésion.)

Nous laissons l'article 9 en suspens.

Article additionnel

Nous passons à la proposition de M. Lelièvre :

« La décision de la députation permanente du conseil provincial, prise en exécution de l'article18 de la loi du 8 mai 1848, est motivée, à peine de nullité.

« Elle contient les nom, prénoms et domicile du garde partie en cause.

« Elle est signifiée au garde qui a succombé, dans la forme prescrite par l'article 98 de la même loi. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je n'ai fait contre cette proposition qu'une seule objection, c'est qu'elle me paraît à peu près inutile, puisque s'il peut y avoir des cas où la cour régulatrice puisse être appelée a intervenir, l'expérience a démontré qu'ils sont fort rares. On a pensé qu'il y avait des cas où la députation pourrait se tromper sur un point de droit. L'honorable M. Lelièvre, rappelant ce qui s'est passé dans une autre occasion, quand on a discuté la loi sur la garde civique, insiste pour que le remède contre un abus de droit soit introduit dans la loi. Si la chambre partage l'opinion qu'il y a utilité de faire intervenir la cour régulatrice dans des cas donnés, quoique fort rares, le gouvernement ne voit aucune difficulté à l'adoption de la disposition.

Ces dispositions sont empruntées à la législation sur la milice. Je ne vois pas la nécessité de discuter plus longtemps là-dessus. Si l'on croit la chose utile, bien que les cas soient extrêmement rares, qu'on adopte la mesure proposée.

M. Lelièvre. - M. le ministre de l'intérieur s'clant rallié à mes amendements, je puis me dispenser de les justifier. Je crois, toutefois, devoir faire observer que la Cour de cassation est appelée à statuer non seulement lorsqu'il s'agit de questions de droit, mais aussi lorsqu'il (page 1175) s’agit de l'inobservation de formates substantielles. Ainsi, lors même que les députations ne statuent qu'en fait, il y a possibilité de se pourvoir, si la procédure est vicieuse et dans le cas où les formes essentielles n'auraient pas été observées.

Je suppose, par exemple, le cas qui s'est présente récemment, où la députation exempte un garde du service, en se fondant sur des dépositions d'hommes de l'art qui n'ont pas prêté le seraient prescrit par la loi.

En ce cas, il y a lieu à pourvoi, lors même qu'il n'y a eu qu'une question de fait soumise à la députation du conseil provincial. Du reste, diverses questions de droit peuvent aussi se présenter en cette matière, comme je l'ai démontré précédemment.

Ces observations me paraissent suffire, pour justifier un amendement qui reçoit l'assentiment du gouvernement.

- La disposition est adoptée.

Article nouveau proposé par M. Lelièvre

« Le gouverneur de la province et le garde qui a succombé peuvent attaquer la décision de la députation, par la voie du recours en cassation.

« Le pourvoi doit être formé, à peine de déchéance, par le gouverneur, dans les quinze jours à partir de la décision et par le garde, dans les quinze jours à partir de la signification à lui faite, conformément à l'article précédent.

« Le pourvoi n'est pas suspensif. »

M. de Muelenaere. - Par cet article, on vous propose d'autoriser le garde, lésé dans ses droits, à se pourvoir en cassation contre la décision de la députation permanente. Je m'explique parfaitement le motif qui peut avoir engagé mon honorable ami M. Lelièvre à vous faire cette proposition. Mais ce que je m'explique moins bien, c'est que dans la partie finale de cet article on déclare que le pourvoi ne sera pas suspensif. Ce cas-là se présentera fort rarement, et dans des affaires comme celles-ci, il est évident que jamais un garde ne se pourvoira en cassation, sans qu'il se croie parfaitement sûr de son droit, et sans qu'il considère la décision de la députation comme ayant à son égard le caractère d'une vexation presque personnelle.

Dès lors, si le pourvoi en cassation n'est pas suspensif, il devient par cela même sans objet : le garde sera obligé de s'équiper, de se procurer l'uniforme et de faire des frais complètement frustatoires, si le pourvoi est admis et si, en définitive, on fait droit à sa réclamation. Le pourvoi doit donc être suspensif, si l'on ne veut pas qu'il devienne complètement inutile.

Or, cela ne peut offrir aucun inconvénient.

En effet, ces pourvois seront excessivement rares, et d'ailleurs d'après les articles proposés par l'honorable M. Lelièvre, la procédure sera fort sommaire ; conformément à un paragraphe de l'article suivant, la cour de cassation doit statuer, toutes affaires cessantes ; de manière que probablement ces sortes d'affaires, dans le cours d'un mois, auront été définitivement décidées. Dès lors évidemment le service de la garde civique n'en souffrira pas, et puisque vous voulez donner au garde qui se croit lésé une garantie, par le pourvoi en cassation, cette garantie doit être réelle et elle ne peut être telle qu'à la condition que la décision du conseil de recensement soit provisoirement suspendue, tandis que si vous déclarez que le pourvoi n'est pas suspensif, vous n'aurez rien fait. La garantie que vous aurez voulu accorder d'une main, vous l'aurez annulée de l'autre.

Je demande donc que le pourvoi soit suspensif.

M. Lelièvre. - Il m'est impossible de me rallier à l'amendement de l'honorable M. de Muelenaere. En effet, messieurs, de quoi s'agit-il dans l'espèce ? Uniquement d'appliquer à la garde civique une mesure admise en matière de milice par la loi de 1849. Or dans cette dernière loi il est formellement énoncé que le pourvoi en cassation n'est pas suspensif. Nous introduirions donc dans la loi une véritable anomalie, si nous admettions dans l'espèce une règle contraire à celle décrétée précédemment.

Du reste n'oublions pas qu'en règle générale le pourvoi contre des décisions sur appel ne suspend pas l'exécution des sentences qui ont été rendues. C'est là un principe de droit commun, or comme il s'agit d'appliquer à la garde civique le droit commun, il est rationnel que les décisions émanées des députations, à l'instar des arrêts des cours d'appel, ne puissent provisoirement être suspendues par l'effet d'un pourvoi.

Ce n'est qu'exceptionnellement et en matière répressive seulement qu'une règle contraire est reçue, mais c'est là une dérogation aux principes généraux qui ne saurait être étendue et qui dès lors doit être restreinte aux matières criminelles.

D'un autre côté, remarquez, messieurs, que la procédure en cassation étant sommaire, la décision de la cour régulatrice ne se fera pas attendre, de sorte que les inconvénients signalés par l'honorable M. de Muelenaere n'existeront certainement pas, et très rarement il y aura lieu en fait à exécution provisoire.

N'oublions pas les motifs qui justifient la mesure. Il s'agit purement et simplement de placer les gardes sous l'empire du droit commun ; or d'après le droit commun, en matière civile le pourvoi n'est pas suspensif. Rien donc ne permet d'adopter une autre disposition dans la matière qui nous occupe, et je ferai remarquer que souvent l'exécution provisoire des décisions sur appel en matière ordinaire a des conséquences autrement dangereuses que dans l'espèce, et cependant cette considération n'a jamais été suffisante pour admettre le principe que l'honorable M. de Muelenaere désire faire adopter dans l’espèce.

Je crois donc devoir m'opposer à une mesure qui établirait une contradiction entre la loi sur la garde civique et celle sur la milice avec laquelle la première a une analogie complète, mesure qui, du reste, serait contraire aux principes généraux du droit. D'ailleurs, il n'est pas possible, d'après les règles d'une bonne justice, que l'on puisse, par un pourvoi même futile, se soustraire à l'accomplissement d'un service public, alors surtout qu'il s'agit d'une décision émanée d'un collège composé de sept juges statuant en degré d'appel, et qu'ainsi le demandeur en cassation a contre lui une décision à laquelle il est juste que des effets immédiats soient attribués, puisqu'elle présente tous les caractères d'une décision imposante, qui, provisoirement, doit être considérée comme la vérité.

Le milicien qui est incorporé et astreint à un service onéreux se trouve, par suite de l'exécution provisoire de l'ordonnance de la députation, dans une position bien plus défavorable que le garde civique. En ce dernier cas, l'exécution provisoire a des conséquences bien plus importantes, et cependant le législateur de 1849 a appliqué le principe général en cette matière. Il n'y a nulle raison dès lors de faire en matière de garde civique une exception qui serait injustifiable en raison comme en droit.

M. de Muelenaere. - Je connais parfaitement les règles et les principes de droit que vient de développer l'honorable M. Lelièvre. Mais lorsque le pourvoi en cassation n'est pas suspensif, c'est qu'il y a des garanties pour que le plaideur ne soit pas lésé dans ses droits.

La procédure que nous constituons ici est une procédure entièrement exceptionnelle et d'une espèce toute particulière. Comme l'a fait observer tout à l'heure l'honorable ministre de l'intérieur, ces cas se présenteront très rarement.

Quant à moi, je n'aurais pas attaché une grande importance à ce qu'on conférât cette garantie au garde civique, à ce qu'on lui donnât la faculté de se pourvoir en cassation ; mais puisqu'on lui accorde cette faculté, il faut que le législateur fasse chose sérieuse.

Or, si vous déclarez que le pourvoi n'est pas suspensif, vous annulez la garantie que vous voulez donner aux gardes.

Car la décision du conseil de recensement recevra son exécution nonobstant le pourvoi ; et d'après cette décision, le garde sera obligé de s'équiper et de se soumettre provisoirement à toutes les dispositions de la loi.

Qui le rendra indemne si, quinze jours après, il obtient une décision de la cour de cassation qui admet son pourvoi ?

Si le pourvoi est utile, il faut qu'il soit elficace, et il ne peut être efficace qu'à la condition qu'il soit suspensif ; sans cela j'aimerais mieux que la disposition du pourvoi ne fût pas insérée dans la loi. Car ce serait exposer le garde à des frais complètement inutiles, à des frais frustra-toires.

M. Rogier. - Messieurs, je ne suis pas frappé de la grande utilité de la proposition de l'honorable représentant de Namur. Il introduit pour bien peu de chose une longue procédure nouvelle dont le législateur de 1848 et ceux qui avaient précédé n'avaient pas cru la garantie nécessaire pour les gardes. En effet, il semble que lorsqu'il s'agit d'un service aussi peu onéreux que celui de la garde civique, le garde se trouve suffisamment garanti quand, après avoir été soumis à l'examen d'un conseil de recensement composé d'une manière impartiale, il a son recours devant la députation, corps électif qui n'a aucun intérêt à vexer les citoyens.

A la différence de ce qui se passe pour le milicien qui, une fois incorporé, ne peut plus se présenter devant le conseil de milice, le garde peut, chaque année, adresser sa réclamation au conseil de recensement et à la députation ; chaque année le conseil peut prononcer la radiation du garde qui aurait des motifs d'exemption à faire valoir, et si la réclamation est repoussée, il a son recours devant la députation.

Je crains que nous n'occupions beaucoup trop la cour de cassation, surtout si la partie de l'amendement de M. Lelièvre, combattue par M. de Muelenaere, était repoussée. Si le pourvoi élait suspensif, il pourra se faire que beaucoup de gardes se passent la fantaisie de parcourir tous les degrés de juridiction. Toute espèce de facilité, sous ce rapport, est donnée au garde qui, dans la perspective de n'être pas appelé, pourra se pourvoir alors même qu'il n'aurait aucune chance de voir sa réclamation accueillie.

Je fais cette observation sans la prétention de la voir accueillir. Mais je crois qu'il n'était pas nécessaire d'introduire des garanties que les lois antérieures n'avaient pas crues utiles. Tout d'ailleurs n'est pas garantie pour le garde dans cette procédure. Elle peut l'exposer à des vexations qu'il n'encourt pas aujourd'hui. Quand il est exempté par le conseil de recensement il sait à quoi s'en tenir. Si le pourvoi est admis pour lui et contre lui, le chef pourra le traîner jusque devant la cour de cassation. Ainsi, cette garantie que vous voulez donner au garde peut tourner contre lui dans un grand nombre de cas.

La nécessité de ce pourvoi n'a pas été établie, il n'est jamais survenu de réclamation contre une décision de la députation. En général la députation offre toute garantie, c'est un corps électif indépendant. Du reste je considère comme peu important l'amendement de l'honorable M. Lelièvre ; il serait à désirer que les autres modifications eussent un caractère aussi inoffensif.

(page 1170) M. le ministre de la justice (M. Faider). - Si l'on effaçait de la proposition de M. Lelièvre la disposition qui déclare que le pourvoi n'est pas suspensif, il me serait impossible de m'associer à l'admission du pourvoi en cassation contre les décisions de la députation permanente, parce qu’il deviendrait un véritable hors-d'œuvre et que les pourvois en cassation suspensifs deviendraient tellement nombreux, qu'il ne serait plus possible d'y faire droit ; la plupart du temps ils ne seraient pas sérieux, ce seraient des expédients, des moyens dilatoires afin d'ajourner l'exécution de la décision de la députation permanente.

En matière criminelle le pourvoi est suspensif ; c'est ce qui est écrit à l'article 101 de la loi sur la garde civique que vous amendez dans ses dispositions essentielles. Quand une peine est prononcée par un conseil de discipline, le pourvoi est suspensif, c'est le principe commun en matière criminelle, mais en même temps il est stipulé que s'il succombe il est passible d'une amende égale au quart du tarif ordinaire, soit 35 francs et quelque chose.

Dans ce système, il n'y a rien que de conforme à ce qui se pratique ordinairement, aux principes en matière criminelle, en matière pénale avec stipulation d'une amende pour pourvoi en cassation non fondé.

En matière administrative quand il s'agit de corps administratifs qui prennent une décision, on a admis le principe posé en matière civile, le pourvoi non suspensif. Les dispositions de la loi sur la milice, du 18 juin 1849, l'article 4 de cette loi déclare que le pourvoi n'est pas suspensif ; je demande à la chambre, pour rester conséquente avec les principes admis en ces matières, de déclarer que le pourvoi n'est pas suspensif.

Car si vous déclarez le pourvoi suspensif, alors que déjà le garde jouit non seulement de l'exemption absolue du timbre, d'enregistrement, mais encore de toute amende quelconque, vous facilitez outre mesure cette faculté qui ne doit jamais être qu'une exception du recours en cassation. Il est entouré de difficultés, en matière civile comme en matière correctionnelle, on a établi une amende, une foule de formalités, des consignations à peine de déchéance, qui rendent le pourvoi en cassation exceptionnel, c'est-à-dire que lorsqu'une question a été débattue et jugée par deux corps judiciaires ou par deux corps administratifs, il y a une énorme présomption que la décision est juste et le pourvoi ne peut être suspensif ; eh bien, cette exception, vous la consacrez suivant les principes généraux, en déclarant que le pourvoi n'est pas suspensif ; si vous déclarez qu'il l'est, vous faites du pourvoi en cassation un moyen banal ; vous ne pouvez pas réduire la cour de cassation à ces proportions.

M. Lelièvre. - Si la loi du 8 mai 1848 n'a pas admis le pourvoi en cassation, ce n'est pas parce qu'elle en a compris l'inutilité, mais uniquement parce que, d'après la législation en vigueur à cette époque, l'on n'admettait pas de recours en cassation contre les décisions de l'autorité administrative, notamment en matière de milice.

Ce n'est que postérieurement et en 1849 qu'on a introduit le principe libéral et protecteur des intérêts des citoyens relatif au pourvoi en cassation afin qu'il n'existât aucune autorité dont les décisions pussent être soustraites à la censure de la cour régulatrice appelée à réprimer les violations de la loi.

Ce principe, introduit par des considérations d'ordre supérieur, n'est donc passé définitivement dans nos lois que postérieurement à la loi de 1848, et remarquez qu'il a été admis dans toutes les matières dont nous nous sommes occupés dans les dernières années.

Ainsi il a été introduit en matière de patentes et il le sera encore dans la loi sur la contribution personnelle. Il est donc rationnel d'admettre la même règle en matière de garde civique, sans cela les soldats citoyens ne jouiraient pas des garantes que consacre le droit commun, et ils se trouveraient placés dans une position exceptionnelle que rien ne justifierait.

Quant à l'utilité de mes amendements, elle n'est pas contestable ; en effet savez-vous, messieurs, ce qui résulterait de leur rejet ? C'est que les gardes civiques seraient privés de toutes les garanties protectrices de leurs intérêts et les droits mêmes de la société pourraient éprouver des atteintes sérieuses. Ainsi les députations pourraient violer la loi, fouler aux pieds toutes les formalités qui sont la garantie d'une bonne justice, sans que leurs décisions pussent être annulées.

Ainsi une députation ne motivera pas sa décision, elle se fondera sur des déclarations de témoins qui n'auront pas prêté serment, elle violera les droits de la défense, et tout cela pourrait se faire impunément. Vraiment cela ne serait pas concevable. La mesure que je propose est donc essentielle pour assurer l'cxécutiou de la loi, pour donner aux citoyens et à la société les garanties tutélaires qui doivent entourer toutes décisions administratives et judiciaires.

Messieurs, ne perdons pas de vue le principe élevé que nous avons sanctionné en décrétant le recours en cassation. Nous avons voulu établir l'uniformité de la jurisprudence et proclamer que les autorités administratives non moins que l'autorité judiciaire sont soumises à la loi commune, et que nulle violation des lois ne pourra être commise sans que la cour de cassation, qui exerce la suprême juridiction, soit appelée à la réprimer. Eh bien, messieurs, ce principe libéral doit surtout être appliqué lorsqu'il s'agit des intérêts de la milice citoyenne.

Et non seulement le pourvoi en cassation garentira l'observation des formes, mais souvent il sera d'une importance notable lorsqu'il se présentera des questions de droit dont les députations peuvent avoir à connaître, Cela n'est pas sans exemple en cette matière ; et l'honorable M. Rogier doit se rappeler qu'en 1849 un garde de Tirlemont provqua du gouvernement l'annulation d'une ordonnance de la députation du Brabant qui avait statué sur une question de droit concernant l'interprétation de la loi de 1848. Eh bien, le ministre de l'intérieur se vit alors obligé de répondre que d'après la jurisprudence alors en vigueur, les décisions des députations étaient souveraines et inattaquables.

Ce n'est pas tout. La cour de cassation a eu à s'occuper récemment d'un pourvoi en cassation dirigé contre une ordonnanec de la députation du conseil provincial de Namur, qui avait exempté un milicien comme incapable de servir, pour cause d'infirmité, et la députation s'était fondée sur la déclaration d'un médecin qui n'avait pas prêté serment dans la forme légale, c'est-à-dire en invoquant la divinité. Une foule de cas semblables peuvent se présenter en matière de garde civique. Il est donc évident que la mesure que je propose est loin d'être inutile, et du reste il n'est pas possible qu'on fasse aux gardes civiques une position spéciale en dehors des principes devenus des règles du droit commun en matière administrative. Nous devons, messieurs, mettre en harmonie les diverses parties de la législation, et cette considération importante milite en faveur de ma proposition à laquelle j'espère que la chambre se ralliera sans hésiter.

Un garde civique obligé de servir est certainement lésé dans ses intérêts, sa liberté individuelle éprouve une atteinte. Il s'agit dès lors d'un droit civil à l'égard duquel il est juste qu'il jouisse des garanties ordinaires.

Sous ce rapport encore, ma proposition ne me semble pas pouvoir être sérieusement contestée. En présence de la législation nouvelle, elle tend à combler une lacune que rien ne saurait justifier.

M. le président. - Voici l'amendement qui a été présenté par M. de Muelenaere :

« Le pourvoi est suspensif. »

- L'amendement est appuyé.

M. de Muelenaere. - Messieurs, j'ai déjà fait remarquer que nous nous trouvons ici en présence d'une procédure tout à fait exceptionnelle qui n'a aucune analogie avec la procédure en matière civile ; elle participe plus de la procédure en matière répressive. Il est absurde, dans une matière quelconque, lorsqu'on admet le pourvoi en cassation, de ne pas le rendre suspensif, chaque fois qu'il en résultera un dommage plus ou moins irréparable pour la personne qui a usé du moyen que la loi lui confère.

Or, tout à l'heure, j'ai dit que si le pourvoi n'était pas suspensif, la décision du conseil de recensement serait exécutée en son entier, que l'individu serait astreint aux frais d'équipement et à faire provisoirement le service de la garde.

Eh bien, la décision de la Cour de cassation viendra-t-elle rendre cet individu indemne des pertes que vous lui aurez occasionnées ? Il est donc indispensable qu'en pareille matière le pourvoi soit suspensif.

« Mais, dit M. le ministre de la justice, ce pourvoi deviendra banal. » Messieurs, pour ma part je ne crains pas qu'il y eût trop de pourvois ea cassation en pareille matière. Ces pourvois, je l'ai déjà dit, n'auront lieu que dans des cas tout à fait exceptionnels. Bien que la loi dispense les actes de la procédure des frais de timbre et d'enregistrement, il incombe cependant encore beaucoup d'autres frais à payer par celui qui se pourvoit en cassation. Evidemment on n'aura pas recours à ce moyen, à moins de considérer la décision du premier juge comme une sorte de vexation à son égard. Dès lors de deux choses l'une, je le répète, ou il ne faut pas admettre le pourvoi en cassation, auquel, pour ma part, je tiens fort peu, ou bien il faut déclarer que le pourvoi est suspensif, car sans cela, la nouvelle disposition est complètement inutile, pour ne pas dire ridicule.

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Je répondrai à l'honorable M. de Muelenaere que, dans tous les cas où le pourvoi n'est pas suspensif, un dommage plus ou moins irréparable est possible ; en matière de milice, un individu qui aura été déclaré passible du service, par une décision de la députation permanente, devra abandonner son industrie et ses foyers et se rendre à son corps, malgré le pourvoi en cassation. Voilà ce qui se pratique et ce dont on ne se plaint pas ; car, en définitive, la déclaration que le pourvoi n'est pas suspensif prévient les pourvois inutiles ou imprudents.

On dit ici, messieurs, qu'un garde civique qui aura été déclaré passible du service devra se munir d'un uniforme, malgré le pourvoi en cassation. Je demande combien de fois un pareil cas peut se présenter ? Il se présentera très rarement et on porterait une atteinte très sérieuse à des principes conservateurs, en déclarant que le pourvoi est suspensif.

C'est précisément parce qu'on suppose que les pourvois sont rares et qu'ils ne doivent pas être faits à la légère et imprudemment, qu'on déclare que le pourvoi n'est pas suspensif.

En matière criminelle il est évident qu'on ne pourrait pas exiger l'application du même principe parce que le dommage causé par l'application d'une peine est tout à fait irréparable ; déclarer, en pareille matière, le pourvoi non suspensif ce serait rendre le condamné victime d'une disposition inhumaine.

Mais ici la matière est bien plus administrative que pénale. Je n'admets nullement, sous ce rapport, l'appréciation de l'honorable comte de Muelenaere, et je dis que la matière ne se rapproche pas même de la matière disciplinaire. Or vous savez, messieurs, qu'en matière disciplinaire, (page 1177) on applique bien plus les principes de la matière civile que les principes de la matière pénale.

Je suis, du reste, d'accord avec l'honorable comte de Muelenaere, que, dans les conditions où la proposition est faite, les pourvois seront peu nombreux, car il est évident qu'on ne donnera guère lieu à des réclamations fondées sur la violation expresse de la loi ou sur l'oubli de formes simples et faciles.

- L'amendement de M. de Muelenaere est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

L'article est mis aux voix et adopté.

Projet de loi, amendé par le sénat, prorogeant la loi sur les concessions de péages

Rapport de la section centrale

M. Vermeire dépose le rapport de la section centrale du budget des travaux publics, sur le projet de loi relatif aux concessions de péages, amendé par le sénat.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et met le projet de loi à l'ordre du jour à la suite des objets qui s'y trouvent déjà portés.

Proposition de loi sur la garde civique

Discussion des articles

Articles additionnels

« Art... La déclaration du recours est faite au greffe du conseil provincial par le demandeur en personne ou par un fondé de pouvoir spécial, et, dans ce dernier cas, le pouvoir est annexé à la déclaration. Celle-ci est inscrite dans un registre à ce destiné. »

- Adopté.


« Art... Le pourvoi est signifié, conformément au paragraphe 2 de l'article premier, dans les dix jours, à peine de déchéance, au garde contre lequel il est dirigé.

« La cour de cassation statue toutes affaires cessantes. »

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, 'cet article devra subir une modification. « Le pourvoi est signifié conformément au paragraphe 2 de l'article premier » ; évidemment cela se rapportait à l'article premier de la proposition de l'honorable M. Lelièvre. Il faut dire : « Le pourvoi est signifié dans la forme rappelée au troisième alinéa de l'article... »

Cela dépend du chiffre que recevra l'article premier nouveau présenté par M. Lelièvre.

M. le président. - Le bureau, pourra faire droit à cette observation.

- La disposition est adoptée.

Articles additionnels

« Article... nouveau présenté par M. Lelièvre. Tous les actes de cette procédure sont exempts de frais de timbre, d'enregistrement et d'amendes.

« Le rejet du pourvoi ne donne pas lieu à l'indemnité énoncée à l'article 58 de la loi du 4 août 1832. »

- Adopté.


« Article... nouveau présenté par M. Lelièvre. Si la cassation est prononcée, la cause est renvoyée à la députation permanente d'un autre conseil provincial. Si la seconde décision est attaquée par les mêmes moyens que la première, il est procédé conformément à l'article 23 de la loi du 4 août 1832. »

- Adopté.

Article 35

La chambre passe à la discussion sur l'article 35, ainsi conçu :

« Le chef de la garde civique convoque les gardes à domicile et par écrit, au moins cinq jours avant celui de l'élection. Cette réunion est considérée comme service obligatoire, mais les gardes ne sont pas tenus de s'y rendre en uniforme. »

M. le président. - La modification proposée par la section centrale consisij dans l'addition des mots « mais les gardes ne sont pas tenus de s'y rendre en uniforme. »

M. Osy propose à cet article un amendement consistant dans la suppression des mots : « cette réunion est considérée comme service obligatoire. » Si cet amendement était adopté, il faudrait retrancher le dernier paragraphe de l'article 48, aux termes duquel la liste des électeurs défaillants doit être jointe au procès-verbal.

M. Osy. - On l'a dit, dans la discussion, ce qu'il y a de plus fâcheux, c'est d'avoir des lois qu'on n'exécute pas, ou qu'on ne peut pas exécuter. Voilà cinq ans que la loi de 1848 existe, je crois que dans très peu d'endroits on astreint les gardes à se rendre aux élections en uniforme. La section centrale propose de supprimer cette disposition. J'approuve entièrement cette proposition.

D'après l'article 35, il y a obligation pour les gardes d'aller aux élections ; l'article 95 prononce une amende contre ceux qui ne s'y rendent yas. Ce sont encore de ces articles qu'on n'a pas appliqués, qu'on ne peut pas appliquer, parce qu'ils atteindraient un trop grand nombre de gardes.

Si la participation aux élections de la garde civique est considérée comme un service public, à plus forte raison doit-il en être ainsi des élections aux chambres, au conseil provincial, au conseil communal. Vous n'ayez pas la peine de l'amende contre les électeurs qui ne se rendent pas à ces élections, il est cependant bien plus utile de s'y rendre que d'aller voter, par exemple, pour un caporal de la garde civique.

N'avons-nous pas vu récemment, dans la capitale où le collège électoral se compose de 10,000 électeurs, un sénateur élu par 1,300 électeurs seulement ! De deux choses l'une, punissez les électeurs qui ne se rendent pas aux élections pour les chambres, ou si vous ne le faites pas, ne rendez pas obligatoire la participation aux élections de la garde civique ; car celles-ci ont bien moins d'importance que celles-là.

Il est évident que si l'on devenait indifférent aux élections pour les chambres, celles-ci seraient composées de personnes qui pourraient très facilement bouleverser le pays. Il est donc de l'intérêt du pays que les électeurs se rendent aux élections. J'espère que les provinces n'imiteront pas l'exemple qui vient de leur être donné par la capitale.

Mais il entre dans l'esprit de notre législation de s'en rapporter aux électeurs pour l'accomplissement de ce devoir civique. Je ne vois pas pourquoi il serait dérogé à cette règle pour les élections de la garde civique. Je propose donc la suppression, dans l'article 35, des mots qui rendent obligatoire la participation aux élections.

M. David. - Les modifications regrettables et dangereuses que nous avons jusqu'à présent apportées à la loi, ont réduit la garde civique à un effectif qui n'est presque plus perceptible à l'œil nu. Ces modifications, quoique entraînant l'anéantissement de la milice citoyenne d'une manière déguisée et indirecte, étaienl néanmoins faites avec une certaine dose de franchise, et de nature à être appréciées assez facilement. En effet, nous avons exempté les villes en dessous de 10,000 habitants, d'organiser la garde en garde active ; d'un autre côté, nous avons dispensé les hommes de 40 ans de tout service. Chacun peut à peu près se rendre compte de cette modification au point de vue de la réduction de la garde active.

Mais, quant à l'amendement de l'honorable M. Osy, il est bien difficile d'en apprécier toute la portée ; il tend à anéantir le reste microscopique de ce qu'on laisse encore exister de la garde civique.

Tour toute espèce d'élections, il y a parfois infiniment de négligence et d'indifférence. Cependant lorsqu'il y a lutte dans les élections politiques pour la chambre et du sénat, etc., etc., on sait fort bien s'y rendre, et fort peu d'électeurs y manquent.

M. de Man d'Attenrode. - Bruxelles a prouvé le contraire.

M. David. - Quant à la garde civique, les choses ne se passent pas ainsi. P eu d'hommes désirent devenir officier, il n'y a pas d'excitation à l'égard des grades. Il y aura dans les compagnies quelque jeunes gens zélés qui se rendront aux élections et qui nommeront les officiers. Les individus peu zélés, peu jaloux d'exercer leurs droits civiques, ne s'y rendront pas et se plaindront bientôt d'être commandés par une coterie composée de ces hommes zélés, capables de bien faire marcher la compagnie et tenant à nos institutions démocratiques. Voilà des germes de désorganisation pour ce qui reste de la garde civique.

Je ne puis donc accepter l'amendement de l'honorable M. Osy. Je demande en quoi ce service est si gênant ; il s'agit de se rendre tous les cinq ans aux élections, à moins de démissions ou de décès qui sont fort rares. C'est un service extrêmement léger, d'autant plus que dorénavant les gardes seront dispensés de la gêne de se mettre en uniforme, le reste n'est point une gêne, mais est, au contraire, une simple promenade de quelques instants. L'obligation pour tous de se rendre aux élections est vitale pour l'institution de la garde civique ; j'adjure donc la chambre de ne point adopter le dangereux amendement de l'honorable M. Osy.

M. Coomans, rapporteur. - J'ai demandé la parole pour réclamer contre les assertions incroyables de l'honorable M. David. La garde civique conservera plus des trois quarts de son effectif, après l'adoption de l'amendement de l'honorable M. de Perceval.

M. David. - Vous réduisez la garde d'un tiers en congédiant les gardes de 40 ans.

M. Coomans, rapporteur. - Vous vous trompez, monsieur. L'exemption des gardes de 40 ans diminuera à peine d'un cinquième l'effectif de la garde, et je crois que les 4,000 hommes que Bruxelles possédera encore seront perceptibles autrement qu'à l'œil nu, du moins par ceux qui y voient clair.

C'est une grosse erreur d'affirmer que nous avons supprimé hier la garde civique dans les localités qui n'ont pas plus de 10,000 âmes. Il n'en est rien, attendu que le gouvernement pourra toujours, par arrêté royal, ou maintenir la garde civique là où elle existe ou l'établir là où elle ne fonctionne pas encore. Tel est le sens de l'article 3 de la loi.

Ainsi donc, s'il convient au gouvernement de maintenir la garde civique dans les communes ayant une population de moins de 10,000 âmes, libre à lui. Nous n'avons pas supprimé de garde civique. Seulement nous avons dit que pour qu'il y en ait une dans les communes de moins de 10,000 âmes, il faut un arrêté royal.

L'honorable M. David prétend encore que c'est une peine bien légère que de se rendre une fois tous les cinq ans aux élections. Je crois que l'honorable M. David, quoique partisan très zélé de la garde civique, n'est pas garde civique ; s'il l'était, il saurait que l'on est appelé à l'élection bien plus souvent que tous les cinq ans. Au commencement surtout, les élections ont été très nombreuses parce qu'il a fallu mettre à la réforme un certain nombre d'officiers qui ne justifiaient pas des connaissances élémentaires du métier.

Voilà donc une cause d'élections nouvelles. La mort et d'autres circonstances ont aussi amené des corvées de ce genre. Quel qu'en soit le nombre, je constate qu'il est beaucoup plus grand que ne l'affirme l'honorable M. David.

M. le président. - Je dois faire remarquer que la discussion porte, non sur la question de savoir si l'on a bien ou mal voté quant à l'article 3, mais sur la question de savoir si les gardes devront se rendre aux élections, si celles-ci seront considérées comme un service obligatoire.

(page 1178) >M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - L'observation très judicieuse de M. le président me dispense de répondre à l'observation que vient de faire l'honorable M. Coomans. Mais je dois dire quelques mots de l'article en discussion. Je n'ai fait aucune observation sur le paragraphe tel qu'il est proposé par la section centrale, parce qu'il me semble que rien n'exige qu'on vienne en uniforme aux élections, et parce qu'en fait je crois que les choses se passent ainsi dans la plupart, sinon dans toutes les localités.

Mais je dois m'opposer très fortement à la proposition de l'honorable M. Osy.

On demande, et plusieurs des honorables membres qui partagent ses opinions en matière de garde civique, demandent que la loi ait un caractère sérieux, qu'aucune partie de ses dispositions ne soit livrée à l'aventure, à l'inexécution. Je partage les vues de plusieurs honorables membres sur ce point. Mais il m'est permis de dire à mon tour qu'il faut être conséquent avec soi-même et vouloir du sérieux dans toutes les parties d'une loi.

Cette observation m'amène à combattre la proposition de l'honorable M. Osy, qui désirerait que le service requis pour les élections ne fût pas obligatoire.

Messieurs, il faut savoir par les antécédents comment les choses se passent en matière d’élections pour la garde civique. Il n’en est pas ici comme des élections qui ont un caractère purement politique. Ici, je le comprends, les citoyens sont suffisamment excités par la volonté d’exercer un droit qui flatte leur amour-propre et qui est d’ailleurs fortement engagé dans les intérêts les plus essentiels de notre ordre constitutionnel. Mais il n’en est pas de même lorsqu’il s’agit de concourir à un acte qui a pour résultat d’imposer aux citoyens une charge, une obligation personnelle. L’expérience a prouvé, quoi qu’on puisse en penser, que dans la garde civique les élections devraient être environnées de garanties réelles pour que les citoyens se rendissent à leur poste.

Une des plus graves difficultés qu'on a rencontrées autrefois dans les actes qui devaient assurer l'exécution de la loi sur la garde civique, c'était précisément l'impossibilité d'attirer aux élections un nombre suffisant de gardes civiques, pour qu'elles eussent un caractère réel ; c'est par là que les anciennes lois sont tombées. On ne venait pas aux élections, parce qu'elles n'avaient pas le caractère obligatoire qu'elles ont eu depuis 1848. Vous savez quel a été le résultat, la garde a disparu.

Il faut pour l'exécution des dispositions en matière de garde civique, un lien plus fort que celui de laà bonne volonté ; en général, quand il n'y a que la bonne volonté, le désir d'être utile qui stimule les hommes, on sait fort bien qu'on s'affranchit volontiers de ces obligations.

Je ne sais jusqu'à quel point, par exemple, le patriotisme pousserait les hommes à payer les impôts, qui sont aussi une charge indispensable, si, à côté de l'appel au patriotisme, ne se trouvaient les moyens de faire payer ceux qui s'y refusent. Il en est de même des dispositions qui concernent la garde civique.

Je puis dire, parce que l'expérience l'a prouvé, qu'il faut autre chose que le stimulant dont on parlait tantôt, le stimulant du pur patriotisme, pour concourir à l'exécution de la loi.

Je pense donc que à vous n'attachez pas un caractère obligatoire aux élections, vous n'aurez pas de gardes pour y assister ; et qu'il vaudrait mieux, je le répète, décréter, par un simple article, que la garde civique est supprimée. Je demande ce que deviendraient les exercices imposes par la loi, et auxquels vous, qui vous opposez à certaines dispositions de la loi, vous voulez soumettre la garde civique, si ces exercices n'avaient pas pour sanction que ceux qui s'y refusent, seront poursuivis conformément à la loi. Soyons donc conséquents. Voulez-vous que ce qui restera de la garde civique ait un caractère sérieux ? Eh bien, ajoutez-y la seule sanction que nous puissions invoquer, la menace d'être poursuivi si l'on ne se rend pas aux élections.

M. de Renesse. - Je n'ai demandé la parole que pour répondre à une assertion de l'honorable M. Coomans. Il prétend que l'amendement que j'ai signé hier avec les honorables MM. de Muelenaere, de Theux, de Pitteurs et Rodenbach, permettrait encore au gouvernement de conserver une garde civique active dans les communes ayant une population de moins de 10,000 âmes. Telle n'a pas été notre intention. Nous croyons, mes honorables collègues et moi, avoir suffisamment expliqué que notre intention était que la garde civique ne puisse être organisée dans les communes dont la population agglomérée est de moins de 10,000 hommes.

M. le président. - La chambre sait ce qu'elle a voté ; cela est d'ailleurs consigné. On ne peut plus discuter sur ce point.

M. David. - Un des motifs qu'a allégués l'honorable M. Coomans, pour appuyer l'amendement de l'honorable M. Osy, peut précisément être retourné contre lui. Il vous a dit que probablement on ne savail pas combien il y avait eu de mutations pendant les années précédentes parmi les officiers à cause de leur peu d'instruclion, et par conséquent de déplacements pour assister aux réunions.

Or, cet inconvénient ne se présentera plus dans l'avenir, les officiers en activité maintenant étant parfaitement instruits.

Les mutations ne seront plus aussi fréquentes, parce que les gardes, ayant pu apprécier leurs officiers, pourront les élire de nouveau, ce sont maintenant des hommes qui connaissent leur service, les manœuvres et le commandement.

Vous voyez, messieurs, que, de ce côté, les élections tendent à devenir d'année en année moins fréquentes et moins onéreuses.

L'honorable M. Coomans, et avec raison, reconnaît que le gouvernement pourra, au besoin, organiser la garde civique dans les communes au-dessous de 10,000 âmes. Mais que viendrait-on dire si le gouvernement rendait la garde civique active dans telle localité plutôt que dans telle autre ? On l'acuserait immédiatement de partialité. Le gouvernement n'usera donc jamais de cette faculté que dans un moment de danger.

Vous n'ignorez pas, messieurs, ce qui s'est passé dans certaines communes : pour faire tomber la garde civique dans ces localités, les gardes refusaient de se rendre aux élections : faute d'électeurs pas d'élections, faute d'élections pas d'officiers, faute d'officiers pas de garde civique. Eb bien, messieurs, si la loi ne commine pas des pénalités contre les gardes qui s'obstinent à ne point se rendre aux élections, vous n'aurez pas d'élections possibles.

Je demande donc, messieurs, que vous n'adoptiez pas le dangereux amendement de l'honorable M. Osy, amendement qui renferme le dissolvant le plus actif de la garde civique qui ait été inventé dans le cours de cette discussion.

- La clôture est demandée.

M. Rogier (sur la clôture). - Messieurs, hier nous avons adopté un article des plus importants, presque sans discussion ; je demande qu'on veuille bien m'entendre sur la disposition dont il s'agit en ce moment et qui est également très importante. Ce n'est pas pour mon plaisir que je prends part cette discussion ; il me serait bien plus agréable de rester muet sur mon banc que de faire des efforts, souvent inutiles, pour maintenir intacte l'institution de la garde civique.

- La clôture est mise aux voix ; elle n'est pas prononcée.

M. Rogier. - Messieurs, pour ceux qui n'ont pas dans la garde civique une entière confiance, cet article est très habilement rédigé, et s'il est adopté il entraîne l'extinction de la garde civique, je ne dirai pas de ce qui restera de la garde civique, car j'espère bien que le gouvernement n'acceptera pas un reste de garde civique, qu'il voudra l’institution tout entière ou pas d'institution. Je dis cela dans l'espoir qu'on reviendra, au second vote, sur les dispositions qui ont été adoptées hier et sur lesquelles il paraît, d'ailleurs, que ceux qui ont voté de la même manière ne sont pas d'accord.

L'honorable M. Osy craint d'ajouter aux charges des citoyens, en les forçant de se rendre aux élections des officiers et des sous-officiers ; l'honorable M. Osy nous proposait dernièrement de forcer les citoyens à aller aux élections pour les chambres de commerce. On lui objectait qu'il, y avait déjà beaucoup d'élections, qu'il ne fallait pas les multiplier inutilement ; il n'en persista pas moins à vouloir déranger les citoyens pour les envoyer élire des membres d'une chambre de commerce consultative. (Interruption.) Je vous promets que si vous n'avez pas de moyen coercitif on ne se rendra pas plus aux élections pour les chambres de commerce qu'on ne se rend aux élections pour les tribunaux de commerce.

Le service de la garde civique nous ne vous le représentons pas comme une partie de plaisir ; nous reconnaissons volontiers que c'est une charge dont beaucoup de citoyens, d'ailleurs irréprochables voudraient bien être dégrevés ; nous reconnaissons qu'il est plus agréable, dans certains cas, de rester chez soi que de sortir pour un service public ; mais c'est précisément parce que c'est une charge qu'il faut comminer une pénalité contre ceux qui cherchent à s'y soustraire.

Croyez-vous que tous les jurés consentiraient à s'acquitter de leurs fonctions s'il n'y avait pas de pénalité pour les y forcer ?

Hier, messieurs, vous avez éliminé des élections un élément extrêmement utile t-l qui, à mes yeux, doit exercer une influence prépondérante : à l'avenir les hommes de 40 à 50 ans ne concourront plus aux éleclions ; c'est une chose extrêmement regrettable. Maintenant vous voulez qu'on ne soit plus obligé de se rendre aux élections ; mais à qui donc livrez-vous le choix des cadres ? Ce sera quelquefois à 2 ou 3 individus à qui il conviendra de se partager les grades. Cela s'est vu : avant 1848 on a vu des élections se faire par deux ou trois individus qui se partageaient les grades.

La même chose arrivera si vous ne maintenez pas la disposition existante.

Il faut donc, messieurs, maintenir cette disposition si vous ne voulez pas réduire la garde civique à une institution purement illusoire. Je reconnais que ceux qui ne veulent pas de garde civique auront raison de voter pour la proposition de M. Osy, mais ceux qui veulent conserver l'institution et lui conserver un caractère sérieux, ceux-là doivent repousser cette proposition.

- La proposition de M. Osy est mise aux voix par appel nominal :

84 membres sont présents.

15 répondent oui.

69 répondent non.

En conséquence la chambre n'adopte pas.

Ont répondu oui ; MM. de Portemont, de Ruddere de Te Lokeren, Desmaisières, de Theux, Julliot, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Malou, Osy, Rodenbach, Thibaut, Vanden Branden de Reeth, Coomans, de Liedekerke, de Man d'Attenrode.

(page 1179) Ont répondu non : MM. Dequesne, de Renesse, de Royer, de Steenhault, de T'Serclaes, Devaux, de Wouters, d'Hoffschmidt, Dumon, Faignart, Jacques, Jouret, Lange, Lebeau, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Magherman, Manilius, Mascart, Matthieu, Mercier, Moncheur, Moreau, Orban, Orts, Peers, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rogier, Ad. Roussel, Ch. Rousselle, Sinave, Thiéfry, Thienpont, Tremouroux, Ernest Vandenpeereboom, Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van lseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Verhaegen, Veydt, Vilain XIIII, Visart, Ansiau, Anspach, Brixhe, Cans, Clep, Dautrebande, David, Hyacinthe de Baillet, de Baillet-Latour, de Bronckaert, de Brouwcr de Hogendorp, de Chimay, de Haerne, de La Coste, Delehaye, Deliége, de Muelenaere, de Naeyer et Delfosse.

Article 59

L'article 59 de la section centrale est mis aux voix et n'est pas adopté.

Article 65

« Art. 65. Le chef de la garde est tenu de passer ou de faire passer par les chefs de légion, ou par les chefs de bataillon, ou par les commandants de compagnie, une fois par année, l'inspection des armes et de l'équipement. »

(Le deuxième paragraphe est supprimé. Le reste comme à l'article de la loi.)

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, j'avais donné, tant à la chambre qu'à la section centrale des explications qui m'avaient paru aplanir toutes les difficultés que soulevaient les inspections des armes. J'ai dit comment se faisaient ces inspections et comment elles se feront à l'avenir.

Ces inspections se sont faites dans beaucoup de localités, dans un endroit déterminé ; les gardes y apportent ou y font apporter leurs armes, on en fait l'inspection ; on les remet ensuite aux gardes eux-mêmes, ou à la personne qu'ils envoient pour les reprendre. C'est encore ainsi que les choses se passeront dans l'avenir.

La section centrale n'admet qu'une seule inspection d'armes, au lieu de deux. Il ne s'agit pas ici de l'adoucissement d'une charge, puisqu'il est impossible de considérer comme une charge ces inspections, telles qu'elles ont été et seront faites ; mais un intérêt financier est engagé dans la question. L'inspection est une mesure administrative qui a uniquement pour but l'entretien des armes. Si les armes ne sont pas bien conservées, l'Etat aura à supporter, dans une foule de circonstances, les fâcheuses conséquences qui en résulteront.

J'espère que les explications que j'ai données, engageront la chambre à ne pas adopter la proposition de la section centrale. Est-ce une charge considérable qu'on impose aux gardes de remettre ou de faire remettre, deux fois l'an, leurs armes dans un lieu désigné ? C'est là une obligation si légère que je ne comprendrais pas qu'une assemblée législative marchandât sur un fait aussi simple. J'insiste donc pour le maintien de deux inspections par an.

M. Coomans. - Messieurs, la seule considération que le gouvernement invoque contre la suppression de l'une des deux inspections d'armes est une considération financière, c'est-à-dire que l'Etat est intéressé à la bonne conservation des armes. Si cet intérêt existait réellement, je me laisserais fléchir et j'accepterais la rédaction primitive de l'article.

Mais je dois faire remarquer à M. le ministre de l'intérieur que le garde, par l'article précédent, étant responsable de ses armes, de tout ce que le gouvernement lui confie, l'argument financier tombe. Dès que l'Etat ne peut pas essayer de pertes par suite de la négligence des gardes, je ne comprends plus l'insistance du gouvernement. Je comprenais deux inspections d'armes, lorsqu'il s'agissait d'inspecter l'uniforme autant que l'arme même ; mais lorsqu'il est reconnu, d'après les déclarations lienveillmles du gouvernement, que le garde pourra se borner à faire remettre son fusil et ses objets d'équipement à son chef. Il ne reste plus que la considération financière, laquelle disparaît devant l'article 64, qui rend le garde responsable du bon entrelieu des objets que le gouvernement lui a confiés.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - La considération financière est plus puissante qje ne le pense l'honorable preopinant. Qu'arrivera-t-il si les armes sont mal entretenues ? Il faudra rendre le garde responsable.

Ce n'est pas tout d'écrire un principe dans la loi, il faut l'exécuter. Il faudra poursuivre l'application de la loi, c'est-à-dire s'exposer aux conséquences qui résultent de poursuites inefficaces ; les gardes peuvent se trouver en état d'insolvabilité, opposer de la résistance. Voyez les conséquences de la suppression du nombre des inspections d'armes.

Vous exposez le garde à des poursuites, et s'il est solvable, à payer les frais de réparation et les frais que la poursuite entraîne.

Il y a un autre intérêt encore ; c'est l'intérêt de l'Etat d'avoir la certitude que les armes déposées entre les mains des gardes sont toujours en bon état d'entretien et qu'elles ne seront pas hors d'état de servir le jour où il faudra faire appel à la garde civique. Il ne faut pas que ce jour-là l'Etat doive recourir à la justice pour savoir si l'action en indemnité aura un résultat utile.

Nous ne sommes pas déterminés par le désir de faire prévoloir un système plutôt qu'un autre.

Mais ne vaut-il pas mieux prémunir le girde contre les conséquences de sa négligence, assurer le bon état des armes et s'assurer que l'Etat ne sera pas exposé à éprouver dts pertes par suite de l'inefficacité des poursuites en justice.

M. Coomans, rapporteur. - Puisque le gouvernement insiste sur le maintien des deux insoections, pour mon compte, j'y acquiescerai dans le sens que M. le ministre indique. Seulement, je désire que dans le cas où la chambre affranchirait un certain nombre de gardes des exercices, conformément aux conclusions de la section centrale, les armes ne restent pas entre leurs mains, qu'elles soient déposées dans un lieu à désigner par le collège des bourgmestre et échevins ; si la chambre admettait une catégorie de gardes privilégiés, il se pourrait qu'il n'y eût plus de revues, parce qu'elles ne sont pas obligatoires ; comme ces gardes n'auront pas à exhiber leurs armes aussi souvent que les autres dans les exercices, il vaut mieux que ces armes restent sous les yeux de l'autorité.

M. le président. - M. Coomans a présenté un amendement dans le sens qu'il vient d'indiquer, mais cet amendement ne doit venir qu'après l'article 83.

M. Rogier. - Cette disposition est inapplicable.

Maintenant il y a encore un motif pour ne pas réduire les deux inspections à une seule ; ce n'est pas seulement le garde qui est responsable, mais le chef ; il faut bien qu'il puisse s'assurer du bon entretien des armes puisqu'il en est responsable. C'est un motif pour maintenir les deux inspections. Il en faudrait plutôt quatre qu'une, dans l'intérêt du trésor.

Je le repète, poar que le chef puisse couvrir la responsabilité qui lui incombe, il faut qu'il puisse passer plus souvent l'inspection des armes.

- Plusieurs membres. - La clôture, la clôture !

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

L'article 65 proposé par la section centrale est mis aux voix.

- Il n'est pas adopté.

La section centrale a proposé la suppression du deuxième paragraphe, ainsi conçu :

« Ces inspections ont lieu autant que possible le dimanche. »

M. de Theux. - Cette disposition devient inutile puisque le» armes peuvent être envojées par un domestique pour être examinées.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je ne vois aucune difficulté à maintenir l'article de la loi tel qu'il est, on en fera usage suivant le» circonstances.

- La suppression proposée par la section centrale est mise aux voix et prononcée.

Article 73

M. le président. - La chambre passe à l'article 73 dont la section centrale propose la suppression.

M. Pierre propose un amendement portant que le montant des cotisations ne peut dépasser le montant des dépenses occasionnées par la garde civique.

Cet amendement ne vaudrait que dans le cas où l'article 73 serait maintenu.

M. de Man, qui avait proposé de réduire le maximum de la cotisation, s'est rallié à la proposition de la section centrale ; si cette proposition n'est pas admise, il maintient son amendement.

M. Vander Donckt. - Messieurs, la section centrale propose la suppression de l'article 73, et fait des frais généraux de la garde civique une charge communale. Déjà, dans une séance précédente, l'honorable M. Rogier a traité cette question, il a déclaré voter pour le maintien de cet article. Je viens parler dans le même sens, je n'ai qu'une seule observation à faire. Je citerai un exemple : dans une ville un chef de famille, ou même une veuve qui a un ou plusieurs fils dans la garde civique, est d'abord obligé de les habiller, ce qui entraîne à des frais assez considérables. J'en connais même qui ont été obligés d'emprunter de l'argent pour satisfaire au vœu de la loi.

Non seulement cela. Mais lorsque les jeunes gens se rendent aux inspections d'armes, aux élections ou autres réunions, il faut bien que le gousset soit garni. C'est encore une dépense pour la famille. Il y a là encore une charge assez lourde qui pèse sur les gardes, ou plutôt sur les chefs des familles qui ont dans leur sein des personnes faisant partie de la garde civique.

La section centrale a proposé la suppression de l'article ; elle veut que les frais de la garde civique constituent une charge communale. Ainsi, les personnes, qui font personnellement le service et les frais d'habillement de la garde civique devront, en outre, contribuer aux dépenses générales ; ce qui constitue une criante injustice. Le législateur de 1848 était beaucoup plus juste, lorsqu'il répartissait ainsi une charge qui incombe à tous : aux uns la prestation personnelle et les dépenses d'habillement, aux autres, c'est-à-dire aux familles aisées dont aucun membre ne fait le service, les autres frais de la garde civique.

Dans une des dernières séances on a comparé cette loi à la législation sur la milice. On a dit que le milicien paye de sa personne et de sa bourse.

Si l'habillement du garde civique était à la charge de la commune, il y aurait de l'analogie, car l'Etat habille ses miliciens. Mais la charge de l'habillement pèse sur les gardes, et l'on veut en outre leur imposer encore une part dans les charges générales. C'est ce que je ne puis admettre.

Je crois qu'en bonne justice distributive, vous devez maintenir l'article 73.

M. Pierre. - Messieurs, l'article 73 de la loi du 8 mai 1848 contient une disposition très équitable ; il importe de la maintenir. Elle impose une indemnité annuelle aux familles n'ayant point daus leur sein d'hommes eu activité de service dans la garde civique. La suppression de cette cotisation aurait pour résultat d'en charger la caisse (page 1180) communale. Ce nouveau mode de faire face aux dépenses de l'institution serait, messieurs, souverainement injuste. Cela est de la dernière évidence, comme vient de vous le dire l'honorable M. Vander Donckt. Vous feriez peser, doublement et de deux manières bien distinctes, le service de la garde sur les hommes qui en font partie. Vous les imposeriez corporellement et pécuniairement tout à la fois, et cela pour affranchir de l'impôt, qui, je vous le demande ? Précisément les classes aisées. Cette simple énonciation ne suffit-elle pas pour condamner le système que l'on voudrait établir ? J'en appelle, pour la réponse, à votre équité distributive. Je propose donc le maintien de l'article en discussion. J'y ajoute cependant un paragraphe additionnel. M. le président vous en a donné lecture.

De toutes les modifications qu'il s'agit d'introduire à la loi, aucune n'est plus convenable que celle faisant l'objet de ma proposition.

Le motif déterminant sur lequel elle se base est consigné au rapport de la section centrale. Je reconnais avec elle la mauvaise application de l'article dont il s'agit ; je ne diffère avec elle que sur le moyen d'y remédier. Dans quelques localités on exagère les cotisations ou du moins on les porte au-delà du taux indispensable. Il en résulte un bénéfice pour la caisse communale. Ce bénéfice, assez souvent, est peu élevé, minime même, je dois en convenir ; il n'en est pas pour cela plus régulier, plus légal. C'est évidemment, en fait, un détournement de fonds spéciaux de leur destination réelle, véritable, et qui doit demeurer exclusive. Il importe d'empêcher la continuation de cet état de choses. Tel est le but de la disposition additionnelle que je propose. Les considérations sommaires que je viens de produire me paraissent militer suffisamment en faveur de son adoption.

M. Rodenbach. - Dans la discussion générale du projet de loi dont nous nous occupons, on a fortement critiqué l'article 73 de la loi. On a dit qu'il s'exécutait d'une manière arbitraire, que l'on appelait des vieillards, des femmes, des personnes peu aisées à couvrir les frais de la garde civique. Lorsque ces frais constitueront une charge communale, les personnes les plus imposées en supporteront la plus grande part, et il n'y aura plus aucune réclamation ; tandis qu'aujourd'hui, je le répète, la répartition se fait de la manière la plus arbitraire. C'est une commission nommée par l'administration communale, qui vous met, sans qu'il y ait aucune base à sa décision, dans la première, la deuxièle ou la troisième classe, et contre ses décisions arbitraires, il n'y a aucun recours. C'est l'une des dispositions de la loi qui ont fait le plus crier contre l'institution de la garde civique.

Je pense donc qu'il y a lieu d'adopter la proposition que fait la section centrale de supprimer cette disposition. Je l'appuie, plutôt dans l'intérêt de l'institution que dans l'intérêt de ceux qui seront dégrevés par cette décision.

M. H. de Baillet. - Je crois ponvoir faire remarquer que la taxe imposée aux familles aisées sera considérablement diminuée, puisque les personnes de 40 à 50 ans vont passer de la classe des gardes dans celle des contribuables. Le nombre des personnes appelées à payer la taxe étant plus considérable, il en résulte que la taxe à payer par chacun sera moins élevée.

M. Loos. - Le plus sûr moyen de détruire la garde civique, c'est de mettre les frais à la charge des communes ; car c'est associer les communes au désir de ceux qui veulent l'anéantissement de la garde.

D'un autre côté, ce serait une injustice criante ; en effet, vous imposez aux citoyens des frais d'équipement et des prestations personnelles, c'est-à-dire l'obligation de venir un certain nombre de fois faire acte de présence sous les armes, et vous les feriez ensuite participer encore par le budget communal dans les dépenses générales de la garde. C'est donc une triple charge que vous leur imposez.

En définitive pourquoi ? Pour mai'ntenir l'ordre, auquel tout le monde est intéressé sans doute. Mais les plus grands propriétaires y sont plus intéressés que d'autres.

En définitive, les familles aisées qu'on impose sont intéressées au maintien de l'ordre à un plus haut degré que la plupart de ceux qui font le service.

En fait de garde civique comme en toute chose, il faut de la justice distributive. C'est une charge pour le pays ; c'est une charge pour les communes où elle est organisée, il faut qu'elle soit également répartie. On ne peut la répartir également qu'en appelant les familles aisées à couvrir les frais auxquels elle donne lieu.

Je le repète, messieurs, mettre ces frais à charge du budget communal, c'est intéresser les communes à l'annihilation de la garde civique.

J'ai un mot à répondre à ce que vient de dire l'honorable M. Rodenbach : il a dit que cette taxe à défaut de service dans la garde civique se répartit avec beaucoup d'arbitraire et sans aucun recours. Cela n'est pas exact. Il y a appel à la députation permanente. J'ajouterai que dans une commune que je connais fort bien les réclamations auxquelles donne lieu la répartition de cette taxe sont fort peu nombreuses. Cela prouve qu'elle se fait équitablement.

M. Coomans, rapporteur. - On se permet, dans ce débat, certaines accusations obliques, certaines insinuations qu'il est temps de relever.

L'honorable M. Loos vient de dire, en s'adressant aux bancs où je siège : « Ceux qui ne veulent pas de la garde civique. » Il y a un moment, l'honorable M. Rogier disait : « Ceux qui n'ont pas confiance dans la garde civique. » Je proteste contre ces reproches détournés. Je veux, nous voulons tous une garde civique ; mais je ne veux pas du superflu.

Je ne veux pas une garde civique de fantaisie ; je veux le nécessaire et je proscris les corvées inutiles.

La preuve que j'aime la garde civique, c'est que je ne suis pas de ceux qui s'appliquent à la vexer. Il paraît étrange d'ailleurs que les partisans d'une petite armée et d'un faible budget de la guerre soient précisément ceux qui prétendent exagérer les forces de la garde civique. Que l'on s'abstienne donc d'incriminer nos intentions.

M. Rodenbach. - L'article 122 de la Constitution exige qu'il y ait une garde civique.

M. Loos. - Si tout le monde en voulait comme cela, il n'y en aurait plus.

M. le président. - On ne doit pas interrompre l'orateur.

M. Coomans. - Oui, la garde civique est constitutionnelle ; je l'ai proclamé aussi haut que vous autres. Par conséquent il n'est pas permis de dire, dans cette enceinte, que nous ne voulons pas de la garde civique, car c'est dire que nous ne voulons pas de la garde civique, c'est dire que nous ne voulons pas de la Constitution, et semblable reproche sera toujours repoussé par nous avec la plus grande énergie.

Messieurs, il s'agit ici d'un impôt sur le revenu. (Interruption.) C'est un véritable impôt sur le revenu, impôt injustifiable et qu'on ne peut admettre, à moins d'une nécessité absolue et parfaitement démontrée. S'il existe dans les communes rurales, c'est forcément. Il n'en est pas de même ici ; la garde civique n'entraînant pas à des dépenses considérables, il n'est pas nécessaire d'avoir recours à des moyens extraordinaires et vexatoires pour les couvrir.

De plus, la garde civique est instituée dans l'intérêt de la généralité des habitants d'une commune ; c'est donc la généralité qui doit en faire les frais. Quoi ! on vient nous dire que la garde civique est instituée dans l'intérêt d'une certaine classe de la population, et que cette classe seule doit supporter les charges qui en résultent !

M. Loos. - Je n'ai rien dit de semblable.

M. Coomans. - Je combats votre pensée, sinon vos paroles. Si vous reconnaissez que la garde civique est instituée dans l'intérêt d'une ville entière, c'est la ville entière qui doit en supporter les frais. Nos grandes villes se livrent à une foule de dépenses qui ne sont pas d'intérêt général, qui ne sont que d'intérêt particulier, qui, parfois même, ne favorisent que les plaisirs d'une partie de la population ; et ces dépenses, on les fait supporter par la ville entière ; et quand il s'agit d'une institution d'intérêt général, on veut que la dépense soit supportée par certaines classses de citoyens ? Rien n'est plus injuste et plus illogique. Si l'on m'y provoquais, je citerais tout de suite une foule de dépenses qui n'ont lieu que dans l'intérêt ou pour les plaisirs d'une faible partie de la population, dépenses considérables que vous faites supporter par la population entière.

Voilà un mauvais principe que j'ai déjà attaqué. Mais nul ne peut nier que la milice bourgeoise n'existe dans l'intérêt de tous, autant dans celui des ouvriers que dans celui des rentiers ; la généralité des habitants en profite ; par conséquent, c'est elle aussi qui doit en supporter les charges.

Messieurs, nous réclamons depuis des années la suppression des octrois, et quel est l'argument qu'on oppose toujours à notre juste demande ? Si l'on supprime les octrois, nous dit-on, il faudra recourir à un impôt sur le revenu ; il faudra étendre le principe de l'impôt prélevé pour la garde civique, et l'on recule devant ce système. J'avoue que l'objection est sérieuse, mais je m'étonne de la rencontrer dans la bouche des mêmes hommes qui font l'éloge de la taxe personnelle, prélevée au profit du budget de la garde civique. Si cette taxe est bonne pour couvrir les frais de la garde civique, elle devrait l'être aussi pour couvrir les autres dépenses communales. Messieurs, j'appelle votre attention sur cet argument.

M. le président. - La parole est à M. David.

M. David. - Je la cède à M. Verhaegen.

M. Verhaegen. - Je n'ai que quelques mots à dire en réponse au discours que vous venez d'entendre. On proteste de ses bonnes intentions pour la garde civique ; on veut, dit-on, une garde civique. Mais d'après tout ce qui se passe on veut une garde civique sur le papier, on n'en veut pas en réalité. Chaque fois qu'on rencontre une disposition qui est de nature à maintenir l'institution de la garde civique, on la bat en brèche.

Il s'agit encore ici d'une disposition capitale ; et on la combat. Je suis de cet avis qu'on a émis tantôt, que si vous supprimez la rétribution spéciale pour la garde civique, vous sapez l'institution.

En effet si l'on met à la charge des communes les frais de la garde civique, il en sera des communes ce qui en a été de certains particuliers, qui ont trouvé la charge trop lourde et ont pétitionné contre la garde civique.

Messieurs, n'est-il pas juste que ceux qui trouvent une garantie dans, la garde civique payent, proportionnellement aux avantages qu'ils en retirent, les frais de cette institution ? Le propriétaire n'est-il pas intéressé à ce qu'il y ait une bonne garde civique et par conséquent le propriétaire ne doit-il pas payer si quote-part dans les frais de cette garde ? Voilà où est la question.

C'est un impôt sur le revenu, dit l'honorable M. Coomans ; termes de nature à effrayer. Mais cet impôt est-il injuste et n'avons-nous pas plusieurs impôts sur le revenu ?

Dans toutes les communes rurales vous avez un impôt sur le revenu, et c'est même le seul impôt communal. Je ne crois pas que vous soyez (page 1181) adversaire de cet impôt. Pourquoi donc cette espèce d'impôt, que vous appelez impôt sur le revenu, serait-il plus condamnable, lorsqu'il s'agit de parer aux frais de la garde civique, que lorsqu'il s'agit de subvenir aux besoins de la commune ?

Le droit de patente, qu'est-il ? C'est un impôt sur le revenu des travailleurs, c'est un impôt sur le travail, car il a pour base le débit présumé. Le condamnez-vous ? Evidemment non.

Ce ne sont donc que des phrases ; ce sont des prétextes pour battre en brèche une institution qui ne vous plaît pas, mais que vous êtes obligé de maintenir ostensiblement, parce que la Constitution le veut.

M. de La Coste. - L'honorable député de Bruxelles vient de parler comme si nous n'avions pas 8 années d'expérience depuis la dernière loi sur la garde civique. Ce n'est pas par des motifs de théorie, je suppose, que les membres qui proposent l'abolition de la rétribution ont fait cette proposition ; c'est parce que l'expérience l'a condamnée, parce que l'expérience a démontré que c'était une source d'abus, en ce qu'elle donnait trop de facilité à augmenter les dépenses, à les enfler sans nécessité, soit pour créer certaines petites places de faveur, soit pour d'autres motifs.

Ainsi, si vous voulez maintenir la garde civique, si vous voulez diminuer les objections qu'elle rencontre en ce moment, il faut couper court à ces abus.

Les communes régleront ces dépenses avec économie lorsqu'elles devront les couvrir au moyen des ressources de leur budget.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - L'observation que vient de présenter l'honorable M. de La Coste ne doit pas faire sur vous une grande impression, par le motif que les communes ne peuvent pas abuser du droit qu'elles ont d'établir une taxe sur les familles aisées, car leur rôle de répartition est soumis à l'autorité supérieure, et, en effet, il n'est pas arrivé que les communes aient excédé notablement le montant de la taxe. En général cette taxe est renfermée dans la limite des besoins, et ces besoins sont loin d'être exagérés.

Le gouvernement a fait imprimer des tableaux qui vous prouvent que dans aucune commune, pas même dans les grandes villes où l'on est accoutumé à désirer un peu de luxe, on n'a exagéré les véritables proportions de cette dépense ; voyez Bruxelles, Anvers et Gand. Dans toutes ces communes la dépense est peu considérable et, je le répète, elle n'excède pas les véritables besoins. Permettez-moi maintenant de dire un mot sur la question.

Messieurs, le gouvernement a peu d'intérêt à faire prévaloir un système plutôt qu'un autre. Ce qu'il désire, c'est que les frais de la garde civique soient couverts. Ils le seront, soit par la voie actuellement pratiquée, soit par une autre voie, à savoir les impositions générales.

Ce qui m'a fait douter un instant, et j'ai eu l'honneur d'exprimer mon avis à cet égard au sein de la section centrale, ce qui m'a fait douter de l'utilité de la conservation du mode actuel, c'est d'abord que j'ai attribué en grande partie à l'établissement de cette taxe les réclamations qui nous sont arrivées contre la garde civique elle-même. Un autre motif, messieurs, c'est la difficulté extrême de répartir cette taxe dans les grandes communes. Dans les petites communes une taxe sur le revenu est une chose fort simple, mais dans les grandes communes où les fortunes sont extrêmement difficiles à apprécier, il est impossible de bien répartir une semblable taxe. J'ai eu l'honneur de prendre part à la répartition de la taxe dont il s'agit, et je sais ce qu'il en coûte aux administrations des grandes villes pour arriver sous ce rapport à un résultat quelque peu équitable. La taxe a 5 degrés, par exemple, de 10 à 50 fr ; on impose la cote la plus élevée aux familles qu'on suppose le plus riches ; mais où est donc la richesse ? La trouverez-vous dans les cotes des contributions ? Mais cela ne représente qu'une partie de la fortune. La répartition est donc abandonnée à l'appréciation de chacun, et il y a autant de répartitions que de répartiteurs. On n'arrive, en cette matière, qu'à commettre, je ne dirai pas des injustices, parce qu'on n'a pas l'intention d'être injuste, mais de ces inégalités qui révoltent toujours ceux qui en sont victimes.

Je conviens, messieurs, qu'il y a quelque chose de fâcheux à faire payer en quelque sorte deux fois la même famille, une fois par la prestation personnelle et une fois par la part de l'impôt que les frais de la garde civique absorbent. C'est là un inconvénient, mais les inconvénients que je signalais tout à l'heure sont infiniment plus graves.

Voilà, messieurs, les motifs qui m'ont guidé, mais, je le répète, le gouvernement est parfaitement désintéressé dans la question. Que vous adoptiez un mode ou l'autre, l'essentiel est que les frais soient couverts et, quant à moi, je ne crains pas que les communes laissent tomber la garde civique, car, encore une fois, le gouvernement est là pour les contraindre à pourvoir aux dépenses obligatoires qu'elles n'auraient pas la force de porter à leur budget.

- La discussion est close.

La proposition de la section centrale est mise aux voix par appel nominal.

82 membres prennent part au vote.

49 adoptent.

33 rejettent.

En conséquence, la proposition est adoptée.

Ont voté l'adoption : MM. de Portemont, de Renesse, de Royer, de Ruddere, Desmaisières, de Theux, de T'Serclaes, d'Hoffschmidt, Dumon, Faignart, Jacques, Julliot, Landeloos, le Bailly de Tilleghem, Lelièvre, Magherman, Malou, Matthieu, Mercier, Moncheur, Orban, Osy, Pirmez, Rodenbach, Roussel (Adolphe], Thibaut, Thienpont, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Van Iseghem, Van Overloop, Van Renynghe, Vilain XIIII, Visart, Boulez, Brixhe, Clep, Coomans, de Chimay, de Decker, de Haerne, de La Coste, Delehaye, de Liedekerke, Deliége, de Man d'Attenrode, de Muelenaere, de Naeyer et Delfosse.

Ont voté le rejet : MM. Dequesne, Devaux, Dumortier, Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Loos, Maertens, Manilius, Moreau, Moxhon, Orts, Peers, Pierre, Prévinaire, Rogier, Rousselle (Ch.), Sinave, Thiéfry, Vandenpeereboom (E.), Vander Donckt, Van Grootven, Van Hoorebeke, Verhaegen, Veydt, Ansiau, Anspach, Cans, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Bronckaert et Dequesne.

Article 83

M. le président. - Nous arrivons à l'article 83.

M. Osy. - Messieurs, l'article 75 de la loi a été supprimé ; il est fait mention de cet article dans l'article 74 ; il faudra donc y supprimer cette mention.

M. Coomans. - Messieurs, l'observation de l'honorable M. Osy est juste, il suffirait de dire : « En vertu de l'article 93. »

- Adopté.

La chambre remet la suite de la discussion à demain.

La séance est levée à 4 heures et demie.