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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 27 avril 1853

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Dumon (page 1161) fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.

- La séance est ouverte.

M. Ansiau lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dumon présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Les bourgmestre, échevins, conseillers communaux et d'autres électeurs de Montignies-lez-Lens demandent que les élections aux chambres se fassent dans la commune la plus centrale des circonscriptions électorales de 40,000 âmes ou bien au chef-lieu du canton. »

- Renvoi à la commission des pétitions du mois de mars.


« Des électeurs à Pessoux demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton. »

« Même demande d'électeurs à Wavre. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Rutte demande qu'il ne soit apporlé aucune modification à la loi électorale. »

« Même demande d'habitants de Châtillon. »

« Même demande des bourgmestre, échevins, conseillers communaux et d'autres électeurs à Villers-l'Evêque. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Beersse demande qu'une indemnité soit accordée aux habitants de cette commune dont les récoltes ont été ravagées par l'ouragan du 4 juin 1852. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Clermont présente un mémoire sur les résultats pour la Belgique des traités de 1842 et de 1845 qui ont été conclus avec la France, et demande l'abrogation du traité de 1845. »

- Même renvoi.


« Le sieur Van Lierde réclame l'intervention de la chambre pour obtenir le payement d'une livraison de pain qu'il a faite à la garnison d'Alost, en 1830. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal de Haelen prie la chambre d'accorder à la compagnie Lebon la concession d'un chemin de fer de Jemeppe à Diest. »

- Même renvoi.


- M. Van Remoortere demande un congé de quelques jours pour cause d'indisposition.

- Ce congé est accordé.


- M. de Sécus demande un congé pour affaires de famille.

- Ce congé est accordé.

Projet de loi sur l’organisation de l’armée

Rapport de la section centrale

M. Manilius, au nom de la section centrale qui a examiné le projet de loi sur l'organisation de l'armée, dépose le rapport sur ce projet de loi.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport.

M. le président. - A quel jour la chambre veut-elle fixer la discussion ?

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - D'après ce que M. le rapporteur a bien voulu me dire, le rapport sera imprimé après-demain. Je demanderai donc que la chambre veuille bien fixer la discussion à mardi.

- Cette proposition est adoptée,

Projet de loi portant le budget de la dette publique de l’exercice 1854

Rapport de la section centrale

M. Rousselle, au nom de la section centrale qui a examiné le projet de budget de la dette publique, dépose le rapport sur ce budget.

- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce rapport et met la discussion de ce budget à la suite de l'ordre du jour.

Motion d'ordre

Inondations dans la vallée de l’Escaut

M. Magherman (pour une motion d’ordre). - (page 1162) Nous sommes arrivés à la fin du mois d'avril : lorsque à cette époque de l'année les rives de l'Escaut ne sont pas complètement délivrées de leurs eaux, on peut dire avec assurance que la récolte des herbes est compromise. Or, depuis Tournai, jusqu'à une lieue en amont de Gand, les herbes sont encore couvertes d'un pied d'eau. Cet état de choses ne peut être attribué aux pluies récentes. Mais il existe depuis le commencement de l'hiver : alors que l'Escaut était à Gand bien au-dessous de la jauge d'hiver, et que l'Escaut inférieur était complètement débarrassé, les eaux de l'Escaut supérieur n'ont pas diminué.

Vous savez qu'il y a là un danger immense, un dommage considérable pour les propriétaires de ces riches prairies. Il s'agit de plusieurs millions.

Déjà, en 1851, la législature a voté une somme de 1,500,000 fr. pour améliorer le régime de l'Escaut.

Je ne prétends pas qu'il faille débarrasser la vallée de l'Escaut supérieur pour amener ses eaux dans la ville de Gand et dans la vallée de l'Escaut inférieur (erratum, page 1181) alors que ces dernières localités elles-mêmes souffrent des inondations.

Mais enfin, quand la ville de Gand est depuis deux mois sous la jauge d'hiver, quand l'Escaut inférieur est complètement débarrassé, sans être ingénieur, il doit être permis de croire qu'il y a moyen de faire écouler dans l'Escaut inférieur une quantité d'eau suffisante pour soulager la vallée supérieure de l'Escaut.

Le législateur, en votant un crédit d'un million et demi, pour améliorer le régime de l'Escaut, n'a certes pas voulu que son vote fût une lettre morte. Je demande qu'on fasse usage de ce crédit pour soulager l'Escaut supérieur. Sans vouloir indiquer le moyen d'améliorer la situation du haut Escaut, je dois cependant dire qu'avec de la bonne volonté, il doit être possible de faire quelque chose pour le haut Escaut, alors que la ville de Gand et la vallée du bas Escaut sont complètement débarrassées.

Je demanderai à M. le ministre des travaux publics quelles sont les intentions du gouvernement, et si le haut Escaut doit rester dans cet état calamiteux jusqu'à ce que le canal de Schipdonck soit achevé.

Il résulte, messieurs, de l'état de choses que je viens de signaler que le canal de Schipdonck par lui-même ne pourra pas soulager la partie supérieure de l'Escaut. Car la ville de Gand est depuis longtemps débarrassée de ses eaux et la partie supérieure de l'Escaut est restée constamment la même. Il faut donc que l'exécution du canal de Schipdonck soit combinée avec les travaux à exécuter à l'Escaut supérieur. Je désire, que ces travaux commencent le plus tôt possible dans la mesure que j'ai indiquée tout à l'heure. C'est en ce qui concerne ces travaux que je prie M. le ministre des travaux publics de vouloir s'expliquer.

M. de Naeyer, rapporteur. - Je demande la parole.

M. le président. - Je suppose qu'on ne va pas discuter en ce moment la question de l'amélioration du cours de l'Escaut.

La parole est à M. le ministre des travaux publics.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Autant que l'honorable préopinant, le gouvernement déplore les ravages que causent périodiquement dans nos campagnes et surtout dans les Flandres les débordements de nos rivières et surtout les débordements de l'Escaut et de la Lys. L'administration lutte pour ainsi dire incessamment contre ce fléau ; mais il faut bien le dire, ses efforts d'ici à longtemps seront impuissants à en conjurer tous les effets. Car c'est lorsqu'il s'agit de modifier profondément le régime d'un fleuve ou d'une rivière qu'il faut procéder avec la plus grande maturité, avec la plus grande prudence. C'est ainsi que la loi de 1846 a voulu que le gouvernement consultât, lorsqu'il y a lieu d'exécuter des ouvrages dans le cours de l'Escaut, les administrations communales d'Audenarde et de Tournai. C'est ce qui a été fait.

Les administrations communales d'Audenarde et de Tournai ont été consultées.

Un avant-projet de barrage a été transmis au département le 16 de ce mois. Les administrations communales de Tournai et d'Audenarde ont émis l'avis que la construction de ce barrage aurait un effet favorable, et il sera mis prochainement en adjudication. Ce barrage doit être établi près de Vurste.

L'honorable membre a désiré savoir si le gouvernement aurait tenu en quelque sorte en réserve le crédit de 1,500,000 fr. que la loi a mis à sa disposition en faveur de l'Escaut. Je puis le rassurera cet égard. Je puis déclarer de la manière la plus positive que le gouvernement n'attendra pas, pour utiliser la somme de 1,500,000 fr., destinée spécialement à l'Escaut, que le prolongement du canal de Deynze à Schipdonck soit exécuté.

D'après la note que j'ai ici sous les yeux, et que je me suis fait adresser par l'administration, des travaux à exécuter à l'Escaut, moyennant la somme de 1,500,000 fr. allouée à cette rivière, qui doivent avoir pour résultat d'activer l'écoulement des eaux, seront entrepris à partir de 1854 et poursuivis de manière à ce qu'ils soient achevés pour l'époque à laquelle le canal de Schipdonck à Heyst, destiné à débarrasser le bassin de Gand d'une partie des eaux de la Lys, sera ouvert jusqu'à la mer.

Cette explication doit, me paraît-il, suffire à l'honorable membre.

- Plusieurs membres. - La clôture !

M. le président. - Il y a deux orateurs inscrits, La parole est a M. de Naeyer.

M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, il n'entre aucunement dans mes intentions d'affaiblir les considérations, très légitimes, très justes, qui viennent d'être présentées par l'honorable M. Magherman, quant aux inondations de l'Escaut. Cette situation de la vallée de l'Escaut est grave et digne de toute la sollicitude du gouvernement ; aussi je suis convaincu que cette sollicitude du gouvernement ne fera pas défaut aux grands et nombreux intérêts qui sont ici en souffrance.

Mais je dois faire remarquer que les inondations ne sont pas un fléau qui afflige uniquement la vallée de l'Escaut.

Le même fléau exerce ses ravages presque partout dans les Flandres, mais il est surtout désastreux pour la vallée de la Dendre. J'ai reçu encore ce matin la nouvelle de la rupture d'une digue en amont de l'écluse de Pollaere. Il y a là une immense étendue de terrains très fertiles et très riches qui présente aujourd'hui l'aspect d'un vaste lac. La vallée de la Dendre est dans une situation toute spéciale, sur laquelle je tiens à appeler l'attention du gouvernement.

Il existe dans cette partie du pays une industrie très ancienne et très importante, qui a pour objet l'engraissement du bétail dans les prairies et qui contribue, pour une forte part, à approvisionner le marché de Bruxelles. Elle consiste à acheter du bétail maigre au printemps, et sous ce rapport elle rend déjà de très grands services aux petits cultivateurs ; on place ce bétail dans les prairies dès le mois de mars ou d'avril et il y séjourne tout l'été, jusqu'au mois de juillet ou jusqu'au mois d'août, époque où il est arrivé à un degré suffisant d'engraissement pour être livré à la boucherie.

Eh bien, messieurs, les engraisseurs ont été obligés, à la suite du débordement extraordinaire de la rivière, de retirer le bétail des prairies et de le nourrir à l'étable. Je laisse à ceux qui ont des connaissances agronomiques, à juger combien cette situation est onéreuse dans une saison de l'année où les fourrages sont très rares, et par conséquent d'un prix élevé.

Il est à remarquer, messieurs, que, même après la retraite des eaux, les prairies vont rester humides encore bien longtemps, et alors le piétinement des animaux, qu'on sera cependant forcé d'y envoyer de nouveau, va causer le plus grand dommage. Je dis que c'est là une circonstance spéciale qui rend ici les inondations encore plus désastreuses qu'elles ne le sont pour les prairies destinées à être fauchées.

Je pense que cet état de choses mérite toute la sollicitude du gouvernement, d'autant plus que la principale cause des inondations de la vallée de la Dendre doit aussi être attribuée au fait de l'administration, puisque dans un mémoire très remarquable qui a été publié il y a quelques semaines par M. l'ingénieur en chef de la Flandre orientale, il est démontré à la dernière évidence que le régime de la Dendre a été complètement bouleversé par des barrages anormaux dont le radier s'élève à plus d'un mètre au-dessus du niveau naturel du lit de la rivière. Il est bien loin de mes intentions de vouloir faire de cet état de choses un reproche quelconque à l'administration actuelle et encore moins à l'honorable ministre des travaux publics. Je me rappelle avec bien du plaisir que dans une occasion encore récente, cet honorable ministre disait que toute la sollicitude du gouvernement est acquise à l'amélioration de la Dendre. Je suis pleinement convaincu que ces paroles étaient vraies et sincères, car j'ai une entière confiance dans la loyauté de caractère de l'honorable chef du département des travaux publics ; je crois donc entrer dans ses vues en signalant à son attention la calamité qui afflige en ce moment la vallée de la Dendre, et je le supplie de bien vouloir faire emploi le plus tôt possible du premier crédit de 500,000 francs qui a été mis à sa disposition, pour remédier aux inondations, dont les progrès sont vraiment effrayants et qui font chaque année subir des pertes incalculables aux propriétés riveraines de la Dendre.

- La clôture est demandée.

M. Dumortier (sur la clôture). - Il est impossible de prononcer la clôture d'une discussion de cette importance. Veuillez remarquer, messieurs, que l'interpellation de l'honorable député d'Alost ne concerne pas une digue rompue dans un village, mais qu'elle concerne une inondation qui s'étend sur 25 lieues de terrain et qui persiste, par le fait du gouvernement... (Interruption) si vous voulez, par le fait de la chambre, d'accord avec le gouvernement.

M. le président. - Vous n'avez la parole que sur la clôture.

M. Dumortier. - C'est sur la clôture que je parle. (Interruption.)

Je suis fort surpris de ce mouvement ; si le désastre dont il s'agit avait lieu dans les localités des honorables membres qui rient, certes ils ne riraient pas.

Je dis qu'en présence d'un désastre aussi épouvantable, je ne conçois pas qu'on ne veuille pas laisser marcher la discussion et nous permettra de réclamer le redressement d'un grief sérieux. C'est le moment ou jamais d'appeler l'attention du gouvernement sur uu pareil malheur.

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

Proposition de loi sur la garde civique

Discussion des articles

Article 3

M. le président. - La discussion est ouverte sur l'article 3 et sur les amendements y relatifs. Ces dispositions sont ainsi conçues :

« Art. 3. La garde civique se divise en garde active et en garde non active.

(page 1163) Elle est active dans les communes ayant au moins une population de 5 mille âmes, etc.

« (Le reste comme à l'article de la loi.) «

- Amendement présenté par M. Vander Donckt :

« Elle est active dans les communes dont la population agglomérée excède le nombre de 5 mille âmes. »

- Amendement présenté par MM. de Renesse, de Theux, Rodenbach et de Pitteurs :

« Elle est active dans les communes ayant au moins une population agglomérée de 10 mille âmes, et dans les villes fortifiées ou dominées par une forteresse. »

- Sous-amendement présenté par M. de La Coste.

« 1° Au lieu de 6 mille âmes dites 12 mille.

« 2° Après le mot « forteresse » ajouter : « Pour autant que le gouvernement le juge nécessaire. »

- Amendement présenté par MM. de T'Serclaes et Van Overloop :

« Ajouter à la fin du deuxième paragraphe :

« Un arrêté royal décrète suivant les circonstances la mise en activité dans ces communes. »

« Modifier la disposition finale du troisième paragraphe en ces termes :

« Dans ces dernières communes, la garde civique peut aussi être appelée à l'activité lorsque la nécessité s'en fait sentir, et en vertu d'un arrêté royal qui constate cette nécessité, la députation permanente du conseil provincial entendue. »

- Amendement présenté par M. de Muelenaere :

« Elle (la garde) peut être active dans les communes ayant au moins une population agglomérée de 10 mille âmes et dans les villes fortifiées ou dominées par des forteresses. »

M. de Man d'Attenrode (pour une motion d'ordre). - Parmi les amendements qui ont été présentés, il y en a deux qui dominent toute la discussion. Ce sont les amendements qui tendent à modifier l'organisation de la garde civique : l'un présenté par l'honorable député de Malines, M. de Perceval, qui tend à réduire à 20 ans le service dans la garde civique ; l'autre, présenté par l'honorable M. Dumortier, qui fractionne la garde en deux bans. Ces deux propositions ne font pas partie de la nomenclature des propositions présentées par la section centrale. Il me semble que pour discuter librement les propositions de la section centrale, il y a lieu d'abord de vider les questions soulevées par ce que j'appellerai les amendements-principes de MM. de Perceval et Dumortier.

Voici sur quoi je me fonde pour demander qu'il en soit ainsi : j'ai proposé qu'à l'âge de 30 ans les gardes ne soient plus astreints aux exercices ; la section centrale propose l'âge de 35 ans. Si la proposition de l'honorable M. de Perceval était adoptée, j'aurais quelque chance de voir adopter l'âge de 30 ans.

Je propose donc qu'avant de statuer sur les modifications introduites par la section centrale, la chambre veuille bien se prononcer sur les propositions présentées par MM. de Perceval et Dumortier.

M. le président. - Voici l'ordre que je me proposais de suivre : j'aurais d'abord mis en discussion l'article 3. Avant de savoir si, comme le propose l'honorable M. Dumortier, la garde sera divisée en deux catégories, on doit décider quelles sont les communes où il y aura une garde civique. C'est la première question à résoudre.

Après que la chambre aurait résolu cette première question, je me proposais de mettre aux voix la division de la garde civique en deux catégories, puis la proposition de M. de Perceval, qui modifie l'article 8 en ce sens que : « les gardes civiques seraient congédiés à 40 ans. »

Après avoir mis aux voix ces questions, je comptais suivre les propositions de la section centrale et les amendements qui s'y rapportent. C'est l'ordre logique. (Adhésion.)

M. de Man d'Attenrode. - Je suis satisfait des explications données par M. le président.

M. le président. - Ainsi la motion d'ordre est retirée.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Je suis persuadé que la chambre voudra mettre le plus promptement possible un terme à cette discussion, non seulement pour ménager le temps, mais dans l'intérêt de l'institution de la garde civique qui souffre cruellement de ces longs débats. Je serai donc très bref sur les amendements.

Quant à l'article 3, sans autre préambule, je déclare que le gouvernement se rallie volontiers à la rédaction proposée par la section centrale : c'est-à-dire que la garde civique sera active dans les communes d'une population de 6,000 âmes et au-dessus.

Rien ne prouve mieux la nécessité d'en finir promptement que cette longue série d'amendements auxquels donne lieu chaque article. La section centrale croyait avoir satisfait aux réclamations les plus raisonnables. Eh bien, chaque jour, ce sont de nouveaux amendements ; la loi entière finit par être mise en question.

Sans doute, c'est le droit de chacun de présenter des amendements ; mais il est désirable que l'on se renferme dans de justes bornes ; je déclare donc que le gouvernement se rallie à la proposition de la section centrale, d'après laquelle la garde sera active dans les communes de six mille âmes, excepté dans les cas de nécessité dont le principe est déjà consacré par la loi et l'appréciation laissée au gouvernement.

Un mot sur les modifications proposées ; d'après l'une de ces modifications émanée de l'honorable M. Vander Donckt, la garde ne serait active que dans les communes où il y a 5,000 âmes de population agglomérée. Il y a beaucoup de communes qui ont 5,000 habitants, mais dont la population n'est pas agglomérée. Cette observation a été faite, si j'ai bonne mémoire, dans la première discussion de la loi de 1848, et la chambre a repoussé cette distinction. Dans les communes de cette catégorie composées d'un centre aggloméré et de plusieurs hameaux, il est tout aussi nécessaire de pouvoir y maintenir l'ordre que si la population y était concentrée sur un seul point.

Je demande donc que l'addition du mot « aggloméré » ne soit pas admise par la chambre.

Puisque j'ai la parole sur l'article 3, permettez-moi de répondre à une observation qui a été faite dans la discussion.

Ou a prétendu qu'il faut organiser la garde dans les communes où la population excède le chiffre déterminé par la loi de 1848.

Messieurs, pour moi, cette observation s'applique autant à l'avenir qu'au passé. J'ai toujours pensé que la disposition contenue dans l'article 3 n'était qu'une faculté donnée au gouvernement d'organiser la garde civique dans les communes dont la population atteint le chiffre déterminé par la loi pour que cette organisation puisse avoir lieu. Je ne me croirai pas plus lié dans l'avenir que le gouvernement ne l'a été dans le passé pour rendre la garde active dans les communes de plus de 6,000 âmes. Quand le gouvernement pensera qu'il n'y a pas de motif suffisant pour en venir à cette mesure, il ne l'organisera pas.

Je pense donc que personne n'a violé la loi, et je regrette la discussion qui a eu lieu dans la séance d'hier à cet égard.

Quoi qu'il en soit, j'ai cru devoir expliquer la pensée du gouvernement. Le chiffre de 6 mille âmes proposé par la section centrale étant adopté, il ne s'ensuivra pas que le gouvernement se croira obligé d'organiser la garde civique dans toutes les communes dont la population atteindra ce chiffre.

En ce qui concerne les nouveaux amendements, un honorable membre en a présenté un, d'après lequel l'organisation de la garde civique ne serait obligatoire que dans les communes dont la population agglomérée s'élève à 10 mille âmes. Je fais très volontiers la part des désirs que chacun de vous peut avoir de soulager les populations de sa commune et de sa province des charges résultant de la garde civique, mais il faut se renfermer dans les limites que l'intérêt public et la raison commandent de ne pas dépasser.

Quelle serait la conséquence de la proposition de quelques représentants ? De fixer à 10,000 âmes le chiffre de la population au-dessous duquel la garde civique ne serait pas rendue active ? J'ai fait le relevé de la population de toutes les communes du royaume, et il y a telle province qui n'aurait plus de garde civique, la province de Limbourg, par exemple ! Cela est-il acceptable ? N'y a-t-il pas pour la province de Limbourg nécessité d'avoir une garde civique ? ne peut-il s'y présenter des éventualités telles que le gouvernement se trouve obligé de l'y organiser ? Hasselt et Tongres ne peuvent-elles pas avoir besoin de posséder une force capable de faire respecter l'ordre ? Je suis convaincu que la portée de la proposition dépasse les prévisions des honorables membres qui l'ont présentée. Je ne pense pas qu'ils aient pu avoir pour but de mettre le gouvernement dans l'impossibilité de prendre les mesures nécessaires pour assurer le maintien de l'ordre dans une province aussi important que celle du Limbourg, dans une province frontière.

Messieurs, il ne faut pas aller jusque-là, vous avez une garantie suffisante par la proposition de la section centrale de fixer à 6 mille âmes la population des communes où l'on pourra organiser la garde civique active.

Vous avez de plus la garantie que, même avec cette limite, le gouvernement ne se croit en aucune manière obligé d'organiser la garde civique là où il y a une population de 6,000 âmes agglomérée ou non agglomérée.

D'après les concessions qui sont faites à cet égard et les considérations que je viens de présenter, la chambre n'a qu'une chose utile à faire, selon moi, c'est de se rallier à la proposition de la section centrale.

M. de Renesse. - Messieurs, d'après l'article 3 de la loi du 8 mai 1848, la garde active ne devait être organisée que dans les communes ayant au moins une population de 3,000 âmes, et dans les villes fortifiées ou dominées par une forteresse.

Cette disposition formelle de la loi n'ayant pu jusqu'ici être mise à exécution dans plus de deux cents communes sur 276 où la garde est active, la section centrale a reconnu que pour la plupart des communes d'une moindre importance, cette organisation de l'activité y offrait effectivement des difficultés, et qu'elle y paraissait moins nécessaire que dans les communes plus populeuses ; elle a donc cru devoir porter à 6 mille le chiffre de 3 mille âmes mentionné à l'article 3.

Je pense que ce chiffre est encore trop peu élevé et que l'on rencontrera les mêmes difficultés d'exécution de l'organisation de la garde active, si l'on voulait soumettre un trop grand nombre de nos communes à l'institution d'une force publique active dont elles ne reconnaissent pas la nécessité et qui leur imposerait des charges nouvelles.

Depuis 1830, nos communes ont été obligées, soit par des lois d'un intérêt général, soit pour des besoins locaux, d'augmenter leurs impositions ; il ne faut pas constamment rechercher les moyens pour encore élever ces charges, afin de les doter d'obligations nouvelles dont elles croient pouvoir se passer.

Si l'on veut une garde civique active, mais pas comme actuellement en grande partie seulement active sur le papier, il ne faut l'organiser (page 1164) que dans les communes d'une population plus importante où la nécessité d'une pareille institution peut être utile, et où l'on peut plus facilement créer les ressources pour sa dépense.

D'après un document présenté à la chambre, le 22 mars 1849, la garde active se composerait de plus de 113 mille hommes ; cependant, après plus de 5 années d'existence de cette loi, la garde civique active est loin d'être organisée ; elle n'existe que sur les contrôles dans un grand nombre de communes.

Si, dans les grandes communes populeuses, il peut parfois être nécessaire de pouvoir disposer d'une certaine force publique à cause de la nombreuse classe ouvrière des fabriques qui, dans des circonstances extraordinaires, se coalise et pourrait occasionner des troubles, ce danger n'est pas à craindre dans la plupart des communes d'une population au-dessous de 10 mille âmes ; là, la population ouvrière, plus particulièrement occupée des travaux agricoles, ne donne jamais lieu à la moindre crainte, elle ne se met pas en grève, elle ne réclame pas des augmentations de salaires, elle n'impose jamais des conditions.

Si l'on veut persister à organiser la garde civique active dans les communes d'une population trop peu importante, cette organisation y éprouvera les mêmes obstacles qui, jusqu'ici, ont été opposés à la formation de cette garde active ; or, l'inexécution d'une loi produit toujours un mauvais effet, et détruit toute sa force morale.

Pour organiser une nombreuse garde civique active, il faudrait, en outre, faire de nouvelles dépenses pour son armement ; d'après un document produit à la chambre en 1849, il serait nécessaire de pouvoir disposer d'une somme d'au-delà de 3 millions de francs, pour des objets d'armement et d'équipement ; l'on dépenserait ainsi peu utilement cette somme lorsque surtout l'armement et le matériel de la guerre laissent à désirer ; d'après ma conviction la plus intime, l'on devrait plutôt appliquer toutes les ressources du pays, pour donner à l'armée tout ce qui lui est indispensable pour sa bonne et solide organisation.

Si le gouvernement veut faire une chose utile à l'intérêt de la garde civique sédentaire dans les communes où la garde active n'est pas organisée, qu'il y encourage l'établissement des sociétés de carabiniers, à l'instar de la grande société de tir que notre honorable collègue et ami M. Lesoinne cherche à organiser, avec tant de persévérance, dans toutes les provinces du royaume.

Ces compagnies ou sociétés de tir rendront plus de services au pays, qu'une garde civique active mal organisée, n'ayant pas l'habitude des armes.

D'après ces considérations, d'accord avec plusieurs de nos honorables collègues, nous avons cru qu'il ne serait utile d'organiser la garde civique active que dans les communes d'une population assez importante, où cette institution de force publique peut rendre des services réels et où, par conséquent, l'on a aussi un grand intérêt à en supporter les charges. Nous avons donc l'honneur de proposer « que la garde ci-cique ne serait active que dans les communes ayant une population agglomérée de 10,000 âmes, et dans les viiles fortifiées, ou dominées par une forteresse. »

M. Vander Donckt. - M. le ministre de l'intérieur s'est donné la peine de combattre mon amendement avant qu'il fût développé. Vous me permettrez cependant quelques observations à l'appui de cet amendement.

M. le ministre demande que le mot « aggloméré » soit supprimé de cet amendement. Mais dès lors, il se réduirait à des proportions nulles ; il serait moindre que celui de la section centrale auquel le gouvernement a déclaré se rallier.

Si l’honorable ministre avait assisté hier à la discussion...

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - J'y étais.

M. Vander Donckt. - Dès lors, si l'honorable ministre a assisté à la discussion, il a dû entendre faire au ministère précédent le reproche de ne pas avoir exécuté la loi.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - J'en ai parlé tout à l'heure.

M. Vander Donckt. - Eh bien, que vous propose aujourd'hui M. le ministre de l'intérieur ? Il vous propose de rester dans les mêmes errements d'où la chambre entend faire sortir le gouvernement et la garde civique.

L'honorable mininistre vous dit qu'il ne se propose pas non plus de mettre la garde civique en activité dans les communes de 6,000 âmes, bien que l'obligation en sera inscrite dans la loi. Mais je demande dans quel but cette obligation est insérée dans la loi : c'est bien pour l'exécuter. Aujourd'hui que nous sommes appelés à voter des modifications à la loi, c'est bien afin d'y tenir la main, d'en exiger l'exécution.

Or, je crois que l'intention de la chambre n'est pas que la garde civique soit rendue active dans les localités où aujourd'hui elle ne l'est pas, pas plus que la chambre n'entend la supprimer dans les localités où elle existe. Décidons donc en principe que la garde civique restera organisée et active dans les localités ou elle l'est aujourd'hui et qu'elle ne sera pas rendue active là où elle ne l'est pas aujourd'hui. Si des réclamation surgissent, si des localités pétitionnent, la question nous sera soumise ; le gouvernement fera instruire l'affaire, pourra consulter les administrations locales, les députations permanentes et en définitive, l'affaire, étant instruite, vous sera soumise pour savoir s'il y a lieu de rendre la garde civique inactive dans les localités où aujourd'hui elle est en activité. Je ne crois du reste pas que d'aucune localité soit émanée une pétition qui demande la suppression de la garde civique dans les localités où elle est en activité.

Ainsi, n'importe le chiffre de population que vous allez fixer comme limite, il me suffit de voir stipuler dans la loi que la garde civique ne sera pas mise en activité là où elle est sédentaire et qu'elle ne sera pas supprimée dans les communes où elle est aujourd'hui en activité.

Voilà, je crois, la question réduite à sa plus simple expression. Il ne s'agira plus alors de reprocher au gouvernement de ne pas exécuter la loi, de ne pas user de modération dans l'exécution de la loi.

Je crois que le gouvernement est le mieux à même de nous fournir des données certaines sur les localités où la garde civique doit être maintenue et sur les localités où elle doit rester inactive.

Je me permettrai encore quelques observations sur le mot « aggloméré ». J'ai inséré ce mot dans mon amendement, parce que c'est dans les agglomérés, dans les localités populeuses que se trouvent les grands établissements industriels, les fabriques, les ateliers et les réunions nombreuses de la classe ouvrière. C'est là surtout que la garde civique est nécessaire ; c’est là surtout que les émeutes se font quelquefois en moins de vingt-quatre heures, et si vous n’avez pas alors une force à leur opposer, ces émeutes peuvent prendre des dimensions très vastes.

Dans les localités, au contraire, auxquelles l'honorable ministre a fait allusion, dans les localités agricoles, qu'importe que des hameaux même populeux fassent partie d'un centre commun, pourvu que les habitations soient disséminées sur une étendue de terrain fort large ? Je n'y vois pas le moindre danger. Ce n'est pas dans les campagnes qu'éclatent ordinairement les troubles ou les émeutes ; c'est surtout dans les grands centres industriels, c'est surtout, comme je viens de le dire, dans les localités où les populations agglomérées, les populations ouvrières se trouvent réunies dans de vastes établissements. C'est pour ces motifs que j'ai préféré comme base l'aggloméré plutôt que la population même de la commune.

Pour le moment je bornerai là mes observations.

M. de Muelenaere. Messieurs, avant la séance, j'ai déposé sur le bureau un amendement qui, à une légère modification près, reproduit littéralement celui de l'honorable comte de Renesse.

Cette modification s'applique aussi à toutes les autres propositions qui ont été déposées.

Elle ne constitue pas un changement à la loi de 1848 ; ce n'est qu'une simple interprétation du véritable sens et de l'esprit de cette loi.

A mes yeux, il est évident que le paragraphe 2 de l'article 3 de la loi du 8 mai 4848 n'a pas imposé au gouvernement une obligation absolue ; il a conféré au gouvernement la faculté d'organiser dans certaines communes la garde civique, sauf à faire de cette faculté un usage prudent et convenable.

Si la loi de 1848 avait prescrit d'une manière impérieuse l'organisation de la garde civique dans toutes les communes ayant une population de 3,000 habitants, comme on a semblé le croire, vous serez tous d'avis avec moi que le législateur de 1848 serait tombé dans l'absurde et que la prescription de la loi eût été non seulement ridicule, mais complètement impossible.

C'est la discussion à laquelle nous avons assisté hier qui m'a suggéré cet amendement, et je pense que cette discussion a rendu l'adoption nécessaire, pour que dans l'avenir il ne puisse plus y avoir aucun doute à cet égard.

La section centrale vous propose aujourd'hui le chiffre de 6,000 habitants par commune pour l'organisation de la garde civique ; il me semble qu'il doit être bien entendu que, sous la loi nouvelle, comme sous la loi ancienne, ce n'est là pour le gouvernement qu'une simple faculté, car si la loi nouvelle devait être considérée comme ayant un caractère impératif, il est évident que, loin d'avoir fait droit aux griefs signalés par les pétitionnaires, la position nouvelle serait beaucoup plus fâcheuse pour les communes que la position ancienne.

En effet, messieurs, il existe dans les Flandres un grand nombre de communes rurales, ayant une population agglomérée de plus de 6,000 habitants, dans lesquelles, fort sagement, le gouvernement ne s'est jamais avisé d'organiser la garde civique, et qui, si l'on rendait la disposition impérative, tomberaient sous l'application de la loi nouvelle.

Je vais même plus loin à cet égard, et quel que soit le chiffre qu'on établisse dans la loi nouvelle, il me semble encore indispensable que le gouvernement demeure juge de la question de savoir si la garde civique doit être organisée dans toutes les communes sans exception, ou s'il y a des circonstances particulières qui doivent être prises en considération.

Je dis que dans toutes les (erratum, page 1181) hypothèses le gouvernement doit rester juge de la question.

Et en effet, messieurs, ne perdons pas de vue qu'en faisant une loi de ce genre, il est impossible que le législateur se préoccupe de la situation exceptionnelle dans laquelle peuvent se trouver quelques localités du royaume.

C'est au gouvernement seul qu'incombe cette tâche, c'est au gouvernement à rechercher la situation réelle de chacune des communes et à exécuter la loi d'après les principes de justice et d'équité.

Au surplus je me rallie à l'amendement proposé par l'honorable M. de Renesse.

Je pense que, sauf les villes fortifiées ou les villes dans l'enceinte ou à proximité desquelles il existe une forteresse, le chiffre de 10,000 habitants n'est pas trop élevé.

(page 1165) Je connais des communes rurales où la population n'est pas loin de s'élever au chiffre de 10,000 habitants et dans lesquelles, lors même que dans quelques années ce chiffre se trouverait atteint ou même dépassé, le gouvernement, je l'espère, ne s'aviserait jamais d'organiser la garde civique, parce qu'à cause de leur situation particulière, l'organisation de la garde y serait impossible ou du moins entièrement inutile.

- L'amendement de M. de Muelenaere est appuyé.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, pour abrégar la discussion, je déclare que je ne vois pas d'inconvénient à ce qu'on substitue les mots : « elle peut être active » à ceux-ci : « elle est active. »

M. de La Coste. - Je pense, messieurs, qu'il y aura à décider d'abord si on adopte la proposition de prendre pour base la population agglomérée. Mon amendement, d'ailleurs, est applicable, soit qu'on se préoccupe de l'agglomération, soit qu'on n'ait égard qu'à la population générale. Cet amendement se divise en deux parties ou plutôt j'ai présenté deux amendements : le premier consiste à porter le chiffre proposé par l'honorable comte de Renesse, de 10,000 à 12,000.

En voici le motif :

Lors même qu'on adopterait le principe de l'agglomération, il y aurait toujours plus ou moins de difficulté dans son application, et il vaut mieux fixer un chiffre qui prévienne ces difficultés en laissant un peu plus de latitude que celui de dix mille ; il vaut mieux aussi admettre un chiffre qui ne soit pas trop à l'extrême limite de celui des populations que l'on croit n'avoir pas besoin d'une garde civique active et pouvoir en conséquence être dispensées des charges qui y sont attachées.

Or, messieurs, il y a plusieurs villes dont la population est sur cette limite, qui s'en rapprochent, ou ne l'excèdent que de quelques centaines d âmes.

En portant le chiffre à 12,000, ces communes se trouveront décidément affranchies, et le but des auteurs de l'amendement sera plus sûrement atteint.

Messieurs, la seconde partie de mon amendement est peut-être devenue sans objet, d'après la déclaration que vient de faire l'honorable ministre de l'intérieur : M. le ministre admet que la disposition de la loi ne soit que facultative quant aux communes de plus de 6,000 âmes, mais je ne sais s'il l'admet également pour les villes fortifiées et les communes dominées par une forteresse. Mon amendement, à cet égard, consiste à ajouter après la mention desdites communes, les mots : « pour autant que le gouvernement le juge nécessaire, »

C'est là surtour, messieurs, que le gouvernement doit avoir sa liberté d'action, car il s'agit d'un intérêt militaire d'une mesure en rapport avec celles qui concernent la défense de l'Etat ; c'est donc le gouvernement qui doit être juge de l'opportunité de l'application de la loi aux communes dont il s'agit, et il doit être libre de les en dispenser. Si l'honorable ministre de l'intérieur entend l'amendement de M. de Muelenaere, auquel il s'est rallié, dans ce sens général, je retirerai la seconde partie de mon amendement.

M. le président. - L'amendement de M. de Muelenaere s'applique aux villes fortifiées comme aux autres.

M. de La Coste. - Alors je retire la deuxième partie de mon amendement, je maintiens seulement le chiffre de 12,000.

M. de T’Serclaes. - L'amendement que M. Van Overloop et moi nous proposons à la chambre renferme deux parties : la première rentre tout à fait dans l'ordre d'idées développé par M. le comte de Muelenaere ; mus par les mêmes motifs que celui-ci et dans la vue de faire cesser le doute soulevé dans la séance d'hier, doute que ne permettent point les termes de la loi de 1848, mais que l'application de celle-ci autorise, nous demandons que l'on ajoute au deuxième paragraphe de l'article 3 de la loi actuelle les mots : « Un arrêté royal décrète, suivant les circonstances, la mise en activité de la garde civique dans ces communes, de façon à ce que cet article se présente comme suit :

« § 1. La garde civique se divise en garde active et en garde non active.

« § 2 Elle est active dans les communes ayant au moins une population de... âmes et dans les villes fortifiées ou dominées par une forteresse. Un arrêté royal décrète, suivant les circonstances, la mise en activité dans ces communes. »

Le Roi commandant les forces de terre et de mer, nous voulions que la responsabilité de la mise en activité de la garde civique fût clairement mise à la charge du gouvernement, que celui-ci eût à cet égard pleine latitude, et que cette reponsabilité n'existât pas seulement en fait mais fût écrite dans la loi : nous voulions, en un mot, que l'on sût à qui s'en prendre, si l'on s'avisait d'organiser aujourd'hui le service actif de la garde civique, à Saint-Nicolas, par exemple, où jusqu'à présent l'on n'en a point senti l'utilité. Nous n'insistons point sur cette première partie de notre amendement, parce que la pensée et les motifs sont les mêmes que dans celui de M. de Muelenaere, et quoique nous préférions notre rédaction à celle de l'honorable comte de Muelenaere, nous nous rallions volontiers à celle-ci.

Nous proposons en second lieu de modifier la disposition de l'article 3 de la loi actuelle :

« Elle est non active dans les autres communes ; elle y est néanmoins organisée jusqu'à l'élection inclusivement, et chargée du service des patrouilles, lorsque l'autorité communale le juge nécessaire. Dans ces dernières communes, elle n'est appelée à l'activité qu'en vertu d'un arrêté du gouvernement. »

Au lieu de ces formules, nous désirons que l'on s'exprime ainsi :

« La garde civique est non active dans les autres communes ; elle y est néanmoins organisée jusqu'à l'élection inclusivement, et chargée du service des patrouilles, lorsque l'autorité communale le juge nécessaire. Dans ces dernières communes, la garde civique peut aussi être appelée à l'activité lorsque la nécessité s'en fait sentir, et en vertu d'un arrêté royal qui constate cette nécessité, la députation permanente du consul provincial entendue. »

Cette dernière modification nous semble parfaitement nécessaire si la chambre adopte l'amendement de l'honorable comte de Muelenaere auquel le gouvernement s'est rallié. Il est essentiel d'établir une distinction entre les formalités à remplir pour la mise en activité de la garde civique dans les grandes communes et les formalités à remplir pour la mise en activité de la garde civique dans les autres communes, où la mise en activité n'est point la règle, mais l'exception. C’est cette distinction que la deuxième partie de notre amendement a pour but d'établir.

Ainsi, messieurs, abandonnant la première partie de l'amendemeat, nous modifions en ces termes le paragraphe 3 de l'article 3 actuel de la loi.

« Dans ces dernières communes la garde civique peut être appelée à l'activité lorsque la nécessité s'en fera sentir et en vertu d'un arrêté royal qui constate cette nécessité, la députation permanente entendue. »

Je pense, messieurs, que l'honorable ministre de l'intérieur ne fera aucune difficulté à se rallier à cette rédaction qui rend l'ensemble de l'article plus logique et introduit une distinction convenable, des garanties utiles.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - « Dans ces dernières communes » il me semble que cela s'applique aux communes d'uae population inférieure à celles où la garde civique est active.

M. de T'Serclaes. - Précisément, l'amendement s'applique au paragraphe 3 de la loi actuelle, qui parle des communes où la garde civique n'est point active en règle générale, n'est point active en principe, comme vient de le dire M. le ministre de l'intérieur.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Le dernier paragraphe de l'article se rapporte évidemment aux cas urgents dans lesquels le gouvernement peut appeler, improviser en quelque sorte la garde civique pour maintenir l'ordre.

Il est évident qu'il ne le fera qu'en cas de nécessité ; c'est le sens de l'article ; et il est inutile d'insister sur ce point.

Mais je dois combattre la proposition de faire intervenir la députation permanente : le gouvernement doit être ici entièrement libre ; puisque c'est un acte qui concerne l'exercice de la force publique dans lequel le gouvernement ne peut subordonner la liberté de son action à l'avis de qui que ce soit.

J'ajouterai que, dans mon opinion, la dernière disposition du troisième paragraphe de l’article 3 suffit au gouvernement, pour qu'il pui'se maintenir en activité la garde civique dans les communes qui n'auraient pas 6,000 habitants, et où elle se trouverait actuellement organisée en vertu du deuxième paragraphe du même article.

M. de T'Serclaes. - Je retire la partie de ma proposition qui concerne l'intervention de la députation permanente. J'approuve entièrement l'observation faite à cet égard par M. le ministre de l'intérieur : la chambre comprendra qu'en présence d'un arbitraire pratiqué et avoué naïvement, on puisse quelquefois dépasser le but, en s'efforçant de l'atteindre.

Mais je ne me rallie pas aux autres observations que M. le ministre der l'intérieur a énoncées. Dans les communes où la populuion est inférieure au chiffre déterminé par la loi, il faut que la nécessité de la mise en activité soit constatée solennellement. La règle dans les autres communes sera l'organisation complète, le roi la décrète quand il lui plaît, le gouvernement est responsable. Dans les petites communes, c'est l'opposé qui est la règle, et il faut des garanties. Du reste, l'ensemble de la rédaction de l'article sera plus clair, ce nous semble, si vous adoptez la modification proposée.

M. Julliot. - Messieurs, le principe de la garde civique est inscrit dans la Constitution, nous devons donc nous abstenir de le discuter.

J'ai hâte, messieurs, de rendre hommage à la conduite digne et ferme que j'ai vu tenir sous mes yeux par ia garde civique de Bruxelles et autres grandes villes, dans des moments critiques et difficiles ; mais si les villes importantes sont intéressées à avoir une garde nombreuse en permanence, il n'en est pas de même pour une foule de localités secondaires, où elle est inutile et non viable.

La Constitution se borne à consacrer le principe, elle en abandonne l'étendue à l'application par la loi, et c'est là où nous devons y voir clair.

L'article 123 de la Constitution, qui crée la garde civique mobilisée comme partie intégrante de l'armée, a été voté sous l'impression de l'idée que, dans des cas donnés, une armée de bourgeois pouvait triompher d'une armée de troupes disciplinées militairement. Et cela s'est vu, en effet, depuis cette époque sur différents points de l'Europe, mais toujours à l'intérieur des pays mêmes.

Ces milices citoyennes sont beaucoup moins heureuses dans les guerres qui se font en règle et en campagne. Pour ma part, je regrette qu'on n'ait pas consacré un caractère exclusivement communal à l'institution de la garde civique, du moment qu'il fut reconnu qu'il en fallait une.

(page 1166) Je crois donc que nous ferons bien de nous rapprocher autant que possible de ce caractère.

Ne pouvant donner de l'essor à mes idées, sur le principe, je suis gêné dans cette discussion. Il faut une garde civique dans toutes les communes. C'est l'activité seule qui est en discussion.

Toujours est-il que tout en tenant une main solide à l'article 122 comme à toute la Constitution, j'avoue que si c'est une tête couronnée qui a inventé les gardes nationales en permanence, elle ne devait pas bien comprendre l'utilité de la division du travail, et de la division des pouvoirs.

Ce n'était, à coup sûr, ni un économiste ni un profond politique. Il aurait reconnu, avec moi, que ceux qui délibèrent ne doivent pas exécuter et que ceux qui sont appelés à exécuter ne doivent jamais délibérer.

Enfin il se serait aperçu qu'à côté des bataillons où les hommes se taisent et les armes à chaque mouvement raisonnent, il plaçait des bataillons où les hommes raisonnent et les armes se taisent.

C'est vous dire que je ne suis pas de ceux qui pensent que l'insurrection violente contre la loi doive être terminée par l'arbitrage officieux, la diplomatie et les compromis ; non, j'abandonne ce système aux philanthropes.

Messieurs, l'élément le plus dissolvant des institutions d'un pays, c'est la non-exécution des lois.

Quand un peuple s'habitue à ne pas se soumettre à une loi, il n'en recherche pas le motif, mais il se prépare à les méconnaître toutes, il se familiarise avec le mépris du principe d'autorité et se laisse entraîner à toutes les contraventions qui peuvent le soustraire à un service, à une gêne ou une privation, et quand le mal se généralise, c'est le désordre dans la société.

Or, la garde civique a été organisée une première fois en 1831, la loi n'a pas été exécutée ; puis elle a été modifiée en 1848, et cette loi encore n'est pas exécutée, car par son article 3 elle prescrit que la garde sera immédiatement activée dans 263 communes, et elle n'a été appliquée que dans 39 communes.

Elle n'est pas plus exécutée dans ses détails, car dans plusieurs communes la formation des compagnies viole la loi ; on nous propose de laisser ce point à l'arbitraire du gouvernement, ce qui peut aussi présenter ses dangers.

Il y a plus, la loi a cru devoir comminer une pénalité contre celui qui, sans être empêché, ne se rendrait pas aux élections. Eh bien, le grand nombre ne s'y rend pas et on viole encore la loi en ne poursuivant pas, comme cela se pratique généralement.

Je me demande donc si les modifications proposées feront exécuter la loi, et je dis que non ; je ne sais même comment l'honorable ministre de l'intérieur acceptera la discussion qui a eu lieu hier, car on est à peu près convenu qu'on fera encore une loi qu'on n'exécutera pas.

L'honorable comte de Muelenare nous a bien dit que l'exécution de la loi était restée facultative, mais je ne vois nulle part cet article dans la loi.

Soyez persuadés, messieurs, que quand un gouvernemert avide de besogner, un gouvernement qui a la passion de faire sentir son action sous toutes les formes et dans tous les lieux, n'exécute pas une loi, c'est qu'il éprouve des difficultés sourdes, une opposition morale quelconque qui dénote peu d'enthousiasme dans la population pour la loi inexécutée ; il n'y pas d'autre explication possible.

D'ailleurs, messieurs, les fêtes de septembre nous rappellent chaque année que, quand un peuple se croit menacé dans ses affections les plus chères, il ne lui faut pas tant d'exercice pour tirer le coup de fusil avec succès.

Messieurs, remarquez bien que l'appréciation des services à rendre par la garde civique s'est modifiée dans l'esprit du gouvernement, et je l'engage vivement à en tenir compte lui-même ; vous savez que l'organisation de l'armée de 1845 ne résumait que 80,000 hommes à renforcer par 20,000 hommes de garde civique mobilisée.

Eh bien, messieurs, la grande commission militaire instituée par l'honorable M. Rogier et dont cet homme d'Etat ne répudiera certes pas le travail, opine...

M. le président. - C'est la discussion générale.

91. Julllot.— Pardon, M. le président, je suis plein de soumission, mais ces arguments tombent d'aplomb sur l'amendement de l'honorable comte de Renesse ; je démontre que le gouvernement renonçant aux vingt mille gardes civiques en campagne, on peut exempter un plus grand nombre de communes. Je continue.

...Qu'il est uiile de dispenser la garde civique de la guerre en rase campagne, qu'il vaut mieux la remplacer par 20,000 hommes de troupe de ligne et le gouvernement se rallie à cette idée.

Il est donc incontestable que cette nouvelle phase doive influer sur la loi a voter.

Car par ce fait, la garde civique gagne un caractère communal beaucoup plus prononcé qu'elle n'avait avant.

C'est à ce point de vue que j'appuie l'amendement proposé par mon honorable ami le comte de Renesse et autres ; cet amendement, qui ne va pas assez loin, exempte de l'activité les populations agglomérées qui ne dépassent pas 10 mille âmes.

Je voterai encore avec M. de Perceval, et la section centrale, enfin avec tous ceux qui rapprocheront la loi d'une exécution assurée.

On me dit que l'entretien de la garde civique coûtera au pays 4 millions de francs, quand la loi sera exécutée telle qu'elle est.

Mais ne vaudrait-il pas mieux consacrer une partie de cette somme à l'armée et réduire la loi dans des proportions exécutables ?

Je répète que d'après les tendances du gouvernement lui-même, la garde civique aura pour mission principale de maintenir l'ordre à l'intérieur et de faire respecter la loi.

Ainsi, la Constitution veut une garde civique, donc il en faut, mais pas trop n'en faut.

Je ne puis admettre qu'il soit utile d'imposer des charges écrasantes à toutes ces communes de 3ème et 4ème ordre qui n'ont pas d'émeutes à craindre et qui n'auront jamais à payer des indemnités du chef de ces exercices un peu sauvages, auxquels le peuple ne se livre que quand il y est poussé par quelque main invisible.

Rendons donc la loi si peu onéreuse que possible, mais exécutons-la, et n'entraînons pas les communes moyennes, déjà assez obérées, à des dépenses qu'elles ne sauraient supporter et contre lesquelles elles protesteraient de toutes leurs forces, si vous ne voulez pas dépopulariser l'institution dans son principe même.

L'honorable ministre de l'intérieur nous a dit qu'avec l'amendement de M. de Renesse, le Limbourg perdrait toute garde civique ; mais après nous avoir fait perdre la moitié de la province, nous vous donnons volontiers la garde civique comme accessoire.

Nous savons heureusement tous qu'au jour du danger, il y aurait en Belgique, au besoin, autant de soldats que d'hommes valides pour défendre nos foyers et notre indépendance.

J'engage le gouvernement à nous faciliter une loi qu'il pourra exécuter ; il n'a exécuté la loi que dans 39 communes, dont quelques-unes assez petites ; qu'il se borne, au besoin, à l'exécuter dans 20 ou 30, soit ; mais qu'il accorde sa loi avec l'exécution qu'il se propose, car, encore une fois, je proteste contre la non-exécution des lois.

J'engage le gouvernement à réfléchir et à coordonner son appréciation au fait qu'il pose lui-même, en renonçant aux 20,000 hommes en campagne. Je conjure surtout l'honorable ministre de l'intérieur, lui, homme nouveau, à ne pas se laisser imprégner dans cette question par des amours-propres passés, présents ou futurs, qui lui sont étrangers.

Je dis aux députés des grandes villes d'où nous viennent les pétitions pour le statu quo, je leur dis : « Vous avez tant de choses que nous n'avons pas, et nous ne vous jalousons pas ; mais ne prétendez pas nous mettre la loi chez nous ; vous avez vos universités, vos académies, vos conférences scientifiques, votre gaz et vos statues ; conservez aussi votre garde civique pour vous tenir complets ; mais laissez-nous en repos et faire notre ménage, il ne vous en coûtera rien, et vous éviterez de nous être désagréables. Votez donc pour vous, mais votez aussi pour nous. »

- La clôture est demandée.

M. Rogier (contre la clôture). - Je demande que la chambre ne prononce pas la clôture ; j'ai quelques observations à présenter sur l'article 3 ; je serai très court.

M. de Theux (contre la clôture). - Messieurs, j'ai signé avec, l'honorable M. de Renesse un amendement ; j'ai quelques faits nouveaux à produire à l'appui de cet amendement. Je demande que la discussion continue.

- La clôture est mise aux voix et n'est pas prononcée.

M. Rogier. - Messieurs, il est un point sur lequel nous sommes d'accord : c'est que la loi ne peut pas être appliquée à toutes les communes ayant une population de 3,000 âmes.

Personne ne demande cela ; personne ne demande non plus que la loi soit appliquée indistinctement à toutes les communes de 6,000 habitants, ni même à toutes les communes de 10,000 habitants.

Il faut mesurer la portée des propositions qui sont faites. J'accorde au gouvernement la faculté d'appliquer ou non la loi dans certaines communes. Aux termes de l'article 3 de la loi, la garde civique est active dans les communes ayant une population de trois mille habitants ; la disposition est impérative. Lorsque la loi donne une faculté au gouvernement, elle le dit. Il suffira, pour éclaircir tous les doutes, de rédiger le commencement de l'article de la manière suivante :

« Elle peut être active dans les communes ayant une population de 3,000 âmes au moins. »

Si vous n'adoptez pas cette rédaction, si vous dites : Elle peut être active dans les communes d'une population de six mille âmes, de dix mille on de douze mille, qu'arrivera-t-il ? C'est que dans les communes, inférieures à cette population, où aujourd'hui la garde civique est organisée et fonctionne bien, vous allez la supprimer. Or, vous ne pouvez, vouloir cela.

Il y a aujourd'hui 8 ou 9 communes d'une population inférieure à 6,000 âmes, où la garde civique est organisée, habillée, armée, où elle fonctionne bien, où l'on n'a pas réclamé, et où par conséquent vous n'avez pas de motif pour vouloir sa suppression.

J'appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le danger qu'il y aurait à se rallier sans modifications aux amendements proposés. Il faut que le gouvernement ait la faculté de ne pas organiser la garde civique dans les communes supérieures à 3,000 habitants, mais il faut aussi que dans les communes d'une population inférieure à 6,000 âmes, où la garde civique est organisée, il puisse la maintenir.

Je citerai parmi les communes que l'amendement frapperait les communes des environs de Bruxelles qui viennent concourir aux revues générales avec les légions de la capitale ; ainsi les communes (page 1167) d'Anderlecht, d'Etterbeek et de Saint-Gilles n'ont pas chacune 6,000 habitants ; et cependant elles ont chacune une garde civique parfaitement organisée ; je demande que la garde civique soit maintenue dans ces communes.

Il est d'autres communes du royaume qui sont dans le même cas. Je pourrais citer la ville de Chimay, dont la garde civique est commandée par un chef honorable et respectable. Je me rappelle que la ville de Chimay avait demande, dans le temps, la prompte organisation de cette garde ; eh bien, si l'amendement était adopté sans modification, la garde civique disparaîtrait pour Chimay. Elie disparaîtrait aussi pour Arlon ; et vous auriez dans le Luxembourg ce que M. le ministre de l'intérieur a repoussé pour le Limbourg, vous auriez toute une province sans garde civique.

En un mot, on ne peut pas adopter en règle absolue que la garde civique n'existera pas dans les communes d'une population inférieure à 6,000 habitants.

Mon observation s'applique également à l'amendement qui tendrait à rendre de droit la garde civique inactive dans les communes d'une population inférieure à 10,000 âmes ; vous frapperiez également des communes où la garde civique est parfaitement organisée et où l’on n'a pas réclamé. Voudrait-on aussi supprimer cette organisation ? Je ne le pense pas. Eh bien, si l'amendement de MM. de Renesse et de Theux est adopté, cette suppression aura lieu.

En vertu de mon amendement, s'il est adopté, dans les communes où l'organisation de la garde civique existe et qui ont plus de 5 mille âmes, le gouvernement maintiendra l'organisation ; dans les autres communes où on ne l'a pas organisée pour une raison ou pour une autre, le gouvernement se dispensera de pousser à leur organisation ; il aura toujours le droit de l'organiser dans ces commusies, seulement il pourra se dispenser de le faire.

Ce qui est obligation pour lui aujourd'ui deviendra facultatif ; mais les communes ne pourront pas invoquer contre le gouvernement une exemption mentionnée dans la loi.

D'honorables membres ont présenté un amendement dans le même esprit. M. de La Coste, je crois, a proposé un amendement qui a le même but que le mien.

M. le président. - De l'amendement de M. de La Coste il ne reste plus que ceci : 12 mille au lieu de 6 mille.

M. Mercier. - Sans me prononcer sur le chiffre de population nécessaire pour que la garde civique soit active, je ferai une observation qui s'applique à l'amendement de la section centrale. Je suis d'avis que te n'est pas à la population entière qu'il faut avoir égard, mais seulement à la population agglomérée des communes, et que, par conséquent, il y a lieu d'ajouter le mot « agglomérée » après celui « population » dans l'amendement de la section centrale.

Messieurs, en général, comme on l'a fait remarquer, les troubles n'ont lieu que dans les grands centres de population, ils ne sont certainement pas à craindre dans les communes dont la population est de 6,000 âmes, mais dont la population agglomérée est inférieure à la moitié de ce chiffre. J'en connais dans cette position.

Il peut arriver des rixes dans des hameaux de communes, mais non des troubles ; deux gendarmes suffiront pour y rétablir l'ordre ; il est inutile qu'il y ait une garde civique pour cette seule éventualité. Si le mot « aggloméré » n'était pas inséré dans la disposition, il y aurait une garde civique active dans ces communes d'une population agglomérée de moins de deux mille âmes, tandis que d'autres d'une population agglomérée de cinq mille âmes n'en auraient pas. Je propose donc cette modification appliquée à tous les amendements proposés.

M. de Theux. - L'amendement proposé par M. le comte de Renesse est puisé dans un principe reconnu par la loi de 1848 elle-même. Cette loi, après avoir décrété l'organisation de la garde civique dans toutes les communes du royaume, a cependant déclaré que, dans les communes d'une population inférieure à 3,000 âmes, la garde serait non active, et active seulement dans les communes d'une population supérieure. Pourquoi cette distinction de la loi de 1848 ? Evidemment parce que le législateur a reconnu que la garde civique ne doit être active que là où il y a nécessité ou ulilité évidente ; hors de là, elle ne doit être rendue active que dans des circonstances extraordinaires ; par exemple, le cas d'événements graves, tels que celui de chèreté extraordinaire de vivres, de manque de travail dans une localité d'une population même inférieure à 3,000 âmes, ayant une grande industrie en état de chômage.

Ce qui a été reconnu par le législateur a été reconnu par le gouvernement ; à la suite de circonstances bien graves, ainsi quand toute l'Europe était en armes et agitée ou en état de révolution, il a trouvé les dispositions de la loi exorbitantes, car plus de 80 communes d'une population supérieure à trois mille âmes sont restées sans garde civique active.

Depuis lors plusieurs communes où la garde civique avait été rendue active, ont trouvé qu'elle n'avait plus aucune nécessité, aucune utilité. Ils s en plaignent ; ces plaintes sont fondées, la raison le dit ; la garde civique ne doit être mise en activité que là où il y a nécessité ou grande utilité ; hors de là c'est une charge gratuite que vous imposez aux populations. Il y a dans le pays un grand nombre de communes d'une population de dix mille âmes agglomérées ou non, des villes mêmes qui, n'étant pas un grand centre industriel, ne courent aucun danger de voir la tranquillité troublée, où la police locale et la gendarmerie suffisent au maintien de l'ordre.

Mais, dit-on, vous supprimez la garde civique dans plusieurs villes où elle est en activité ; mais parce que la garde est organisée, on n'en ressent pas moins que c'est une charge inutile. Le gouvernement a ordonné de l'organiser, il a bien fallu exécuter l'ordre qu'il transmettait en verlu d'une loi. Il ne s'en suit pas que la charge soit acceptée avec plaisir.

On a parlé de Chimay, qui aurait demandé que la garde civique fût organisée dans son sein. J'apprends à l'instant que tout s'est borné à organiser les cadres ; il n'y a ni exercices, ni manœuvres, c'est une garde civique sur le papier. Nous disons que dans une commune d'une population inférieure à 10 ou 12 mille âmes, la garde civique est dans la plupart des cas complètement inuti'e. Si dans une circonstance quelconque le gouvernement reconnaît l'utilité de rendre active la garde civique pour maintenir l'ordre, l'article 5 lui en donne le droit ; seulement il faut qu'il ait reconnu qu'il y ait nécessité, hors de là c'est une charge inutile qu'on fait peser sur les communes.

Nous ne sommes pas à une époque où il faut imposer de ces charges aux communes.

La liberté, si c'est quelque chose, c'est le droit de disposer de sa personne, de sa fortune. Ni grevez pas de charges personnelles ou pécuniaires les habitants des communes où il n'y a aucune nécessité de le faire, réservez ces charges pour le cas où une nécessité vient à se révéler, une disette ou un renchérissement de denrées alimentaires, un chômage, un danger quelconque, mais réel ; alois qu'on mette en activité la garde civique.

Si dans quelque commune une industrie importante vient à chômer, à interrompre sa prospérité, et qu'un grand nombre d'ouvriers, prives tout d'un coup de leurs moyens d'existence peuvent amener une perturbation momentanée, le gouvernement usera de la faculté que lui donne l'article 3.

Pour le moment, je vous supplie de ne pas donner aux communes une charge complètement inutile. Il suffit que le gouvernement soit armé pour le cas de nécessité ou d'une utilité reconnue.

- Plusieurs membres. - La clôture !

M. Moncheur. - Je demanderai si M. Rogier a déposé son amendement, et si cet amendement fait partie de la discussion.

M. le président. - Cet amendement vient d'être déposé ; il est ainsi conçu : « Elle (la garde) peut être active dans les communes d'une population de 3,000 âmes et au-dessus. »

M. Moncheur. - Je demande à dire quelques mots sur cet amendement. Il est impossible d'empêcher de parler sur un amendement qui vient d'être déposé.

M. le président. - C'est l'amendement de M. de Muelenaere, moins le chiffre.

- La clôture est prononcée.

M. le président. - Les amendements qui ont été présentés soulèvent trois questions : 1° La loi sera-t-elle impérative ou facultative ? 2° Ajoutera-t-on le mot « agglomérée » ? 3° Quel sera le chiffre de la population ? Je mettrai d'abord aux voix la rédaction suivante : « Elle (la garde) peut être active » au lieu de « elle est active. »

- La chambre consultée adopte la rédaction : « Elle (la garde) peut être active » et l'addition du mot « agglomérée. »

M. le président. - Reste la question de chiffre. Je commencerai par le chiffre le plus élevé.

- Le chiffre de 12,000 proposé par M. de La Coste est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Le chiffre de 10,000, proposé par MM. de Renesse, de Theux, Rodenbach et de Pitteurs est mis aux voix et adopté par 41 voix contre 39.

Ont voté pour l'adoption : MM. Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Boulez, Brixhe, Clep, Coomans, de Brouwer de Hogendorp, de Chimay, de Decker, de Haerne, de La Coste, Delehaye, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Muelenaere, de Naeyer, de Pitteurs, de Portemont, de Renesse, de Royer, de Ruddere, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, Dumon, Dumortier, Faignart, Jacques, Jouret, Julliot, Landeloos, Magherman, Malou, Mercier, Moncheur, Orban, Osy, Pirmez, Rodenbach, Thibaut, Thienpont et Vanden Branden de Reeth.

Ont voté contre : MM. Van Iseghem, Verhaegen, Visart, Ansiau, Anspach, Cans, Closset, Dautrebande, David, de Baillet (H.), de Baillet-Latour, de Bronckaert, Deliége, de Perceval, Dequesne, de Steenhault, Lange, Lejeune, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Maertens, Manilius, Mascart, Moreau, Moxhon, Orts, Peers, Pierre, Rogier, Roussel (Ad.), Rousselle (Ch.), Sinave, Thiéfry, Vandenpeereboom (Ernest), Vander Donckt, Vaa Grootven, Van Hoorebeke et Delfosse.

- L'amendement de MM. Van Overloop et de T'Serclaes est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

M. le président. - Nous passons à la proposition de M. Dumortier.

M. Dumortier avait d'abord proposé, dans la séance du 12 avril, l'amendement suivant :

« La garde civique sera divisée en deux bans, l'un actif, l'autre sédentaire. »

Plus tard, M. Dumortier a modifié sa proposition en ce sens :

(page 1168) « Art. 1er. la garde civique active sera divisée en deux bans organisés par compagnies séparées.

« Le premier ban se compose des célibataires et veufs sans enfants, qui n'auront pas attrint leur 35ème année au 1er janvier précédent.

« Le second ban comprend tous les autres gardes.

« Art. 2. Hors des cas prévus par les articles 79 et 80 de la loi du 8 mai 1848, le second ban ne peut être soumis chaque année qu'à deux réunions annuelles, soit pour revue, soit pour inspection d'armes.

« Art. 3. Indépendamment des réunions ci-dessus, le premier ban pourra être soumis à un exercice mensuel pendant les mois de mars à septembre.

« Les gardes jugés suffisamment instruits sont dispensés d'y assister.

« Les officiers, sous-officiers et caporaux pourront seuls être astreints à un second exercice mensuel durant la même période. »

M. Dumortier. - Messieurs, je ferai d'abord remarquer à la-chambre que les trois articles dont M. le président vient de donner lecture, contiennent des principes qui s'appliquent à un grand nombre d'articles dent nous aurons à nous occuper. Je ne crois pas devoir entrer, en ce moment, dans l'examen de toutes les propositions qu'ils renferment. Ainsi, il y en a quant à l'âge, il y en a quant au service. Je me réserve d'examiner ces points lorsqu'ils se présenteront. Pour le présent nous n'avons qu'à examiner la division en deux bans.

Dans la section centrale, à laquelle j'ai été appelé comme auteur de l’amendement, j'ai déclaré et je réitère cette déclaration, que par le mot de ban, je n'entends pas parler d'un premier ban chargé de la défense du territoire, comme cela existait en 1830, mais uniquement d'une organisation séparée des compagnies qui doivent faire partie du service le plus développé et dos compagnies qui auront le moins d'exercices. Je désire donc que ce mot « ban » soit supprimé et remplacé par un autre ; je propose de dire : « en deux séries organisées par compagnies séparées ».

Le principe consiste donc dans l'organisation de la garde civique par compagnies séparées, suivant qu'elles seront admises aux exemptions que vous voulez accorder aux personnes les plus âgées, ou suivant qu'elles seront au contraire formées de personnes qui n'auront pas ces exemptions.

Le motif, messieurs, qui m'a fait faire cette proposition est très simple.

Dars la chambre j'ai entendu beaucoup de membres émettre le vœu que les personnes auxquelles leur âge donne un caractère plus imposant dans la garde civique, ne fussent pas exclues des grades de la garde civique. Or, il me paraît incontestable que le système dont vous avez émis le principe, le système d'exemption à accorder au-delà d'un âge déterminé, amènera ce résultat certain qu'il est facile de prévoir, c'est que toutes les compagnies vont à l'avenir être commandées par des jeunes gens. Et pourquoi ? Parce que les personnes qui auront atteint l'âge de l'exemption du service le plus actif, à cause précisément qu'elles sont exemptes de ce service, ne voudront plus accepter l'épaulette d'officier qui les astreindrait à tous les exercices.

Il en résultera cette singulière anomalie, contraire à la volonté exprimée par la chambre, qu'il ne se trouvera plus pour commander les compagnies que les personnes qui sont astreintes au plus grand service ; et alors vous aurez des compagnies composées en majorité de 35 à 50 ans, qui seront commandées par des jeunes gens de 21, 22, 23, 24 ans ; ce seront, comme disait l'honorable M. de Perceval avec raison, les fils qui commanderont leurs pères. Vous allez infailliblement arriver à ce résultat.

Dans le système que je propose au contraire, ce résultat n'est plus possible. Les ressources qui sont astreintes au service le plus rigoureux formeront leurs compagnies ; les autres formeront de leur côté leurs compagnies. Les jeunes gens choisirait pour leurs officiers des jeunes gens et les hommes qui ont atteint l'âge de l'exemption du plus grand service, choisiront des pères de famille pour commander leurs compagnies. Des lors vous avez dans la garde civique les éléments que vous-mêmes avez témoigné le désir d'avoir.

C'est là le seul but que j'ai voulu atteindre par mon amendement. La chambre jugera s'il est fondé. Mais quant à moi, je vous prédis qu'à l'avenir, s'il n'est pas adopté, toutes les compagnies seront commandées par des jeunes gens et que les personnes qui, dans des circonstances difficiles, peuvent imposer et dont plusieurs orateurs, et M. le ministre de l'intérieur en particuier, ont désiré le maintien, se trouveront par le fait, ne plus faire partie des officiers.

Car enfin quel est celui qui arrive à l'âge de l'exemption, à l'âge où il n'est plus astreint qu'à deux revues par an, dira : Je consens à faire, comme officier, tous les exercices mensuels auxquels les jeunes gens sont astreints, alors que, par mon âge, j'en suis exempt ? Il est évident qu'on n'acceptera plus et que, dès lors, vous aurez une garde civique commandée exclusivement par des jeunes gens.

Je n'ai pas peur des jeunes gens ; au contraire, je les aime ; mais il ne faut pas non plus vicier l'institution en faisant de la garde civique une garde d'hommes âgés commandés par des jeunes gens. Je veux bien laisser la part à chacun et alors je crois que tout sera au mieux possible.

M. Rousselle. - Messieurs, dans la section centrale je me suis opposé à la proposition de l'honorable M. Dumortier. Il a presenié.dans la section centrale les mêmes considérations qu'il vient de reproduire devant la chambre. Qu'il appelle la division qu'il propose, ban, série ou catégorie, pour moi c'est absolument la même chose ; L'honorable M. Dumortier veut mettre les jeunes gardes civiques dans des compagnies séparées de celles où il placerait les gardes plus âgés. C'est à ce système que je m'oppose autant que je le puis.

Nous faisons une loi sur la garde civique, non pas en vue d'un service tout militaire, en vue d'avoir une force armée pour la défense du pays, en vue de faire respecter l'intégrité de notre territoire, mais en vue du maintien de l'ordre intérieur. Dans cette position il importe que les jeunes marchent avec les vieux, puisqu'il s'agit de faire un service de police intérieure et de conserver les propriétés.

Pour cette loi, messieurs, tous les votes que j'ai émis dans la section centrale, tous ceux que je me propose d'émettre en séance publique, sont dictés par le désir de se rapprocher du vœu du Congrès national. Or le Congrès national a, une première fois, organisé la garde civique, et sur la question qui nous occupe, voici ce que disait la commission qui a élaboré le projet devenu la loi du 31 décembre 1830 :

« La loi exige le concours de la législature pour mobiliser et, par conséquent, pour diviser la garde civique en bans. Il n'est peut-être pas inutile d'ajouter que la division est subordonnée à l'état de guerre, parce qu'en temps de paix la fusion de tous les gardes offre plus de sécurité ; que l'ardeur de la jeunesse a besoin d'être tempérée par la prudence et l'expérience de l'âge mûr. »

Voilà, messieurs, ce que le Congrès a voulu. Je n'ai pas eu le temps de rechercher qui était le rapporteur...

- Plusieurs membres. - M. de Brouckere.

M. Rousselle. - Maintenant, messieurs, quels sont les motifs que l'honorable M. Dumortier fait valoir à l'appui de sa division ? Il dit : « Mais il ne convient pas que les pères soint commandés par leurs fils. » Messieurs, cet argument me touche peu, car le cas doit être excessivement rare, si même il existe ; mais, comment se composent aujourd'hui les cadres de la garde civique ? Ehl mon Dieu ! il y a mélange des plus ardents et des plus mûrs, et ce mélange je crois que vous devez le conserver. Si vous mettez d'un côté tous les jeunes et d'un autre côté tous les vieux, je vous demande ce qui arriverait lorsqu'il s'agirait de marcher contre une émeute ? Il y a ici des hommes d'expérience, qui ont vu des mouvements dans leurs communes, et qui n'ignorent point par quels moyens on comprime ces mouvements ; ils savent parfaitement que c'est bien moins par la force des armes que par la persuasion.

Or, messieurs, les jeunes gens sont bien plus facile à se laisser entraîner à faire usage de leurs armes que les hommes plus âgés. Je dis donc qu'il importe de maintenir les uns et les autres dans les mêmes cadres, dans les mêmes rangs comme ils le sont dans l'organisation actuelle, conforme, en ce point, à l'organisation de 1830.

M. Dumortier. - Messieurs, je ne répondrai que deux mots à l'honorable préopinant, c'est que son système est diamétralement opposé à l'opinion qu'il professe. Il est évident que si vous maintenez dans les mêmes compagnies les hommes qui jouissent de l'exemption et ceux qui n'en jouissent pas, les premiers ne consentiront pas à accepter des grades qui leur imposeraient un service beaucoup plus dur que celui auquel ils sont soumis. Il ne restera donc, pour former les cadres, que les jeunes gens, et c'est précisément ce que l’honorable membre ne veut pas.

Mais l'honorable membre n'a pas réfléchi à une chose, c'est qu'en vertu de la loi sur la garde civique le Roi n'a pas le libre choix des chefs de la garde ; si mi proposition n'est pas admise, le Roi devra mettre des jeunes gens à la tête de la garde civique, il devra confier à des jeunes gens les fonctions de colonels et de commandants de villes.C'est alors que vous tomberez en plein dans le danger signalé par l'honorable membre.

Je n'ai pas peur des compagnies de jeunes gens quand j'ai à la tête de la garde civique un homme qui sait commander. Les compagnies de jeunes gens sont les compagnies les mieux disciplinées, qui respectent le mieux la voix des chefs ; ce sont les meilleures compagnies pourvu que le chef soit capable. Mais des compagnies d'hommes âgés, commandés pa rdes jeunes gens, voilà ce qui est véritablement dangereux. Eh bien, c'est précisément ce qui arrivera si vous admettez un système dont la conséquence inévitable sera de faire refuser les grades par tous les hommes âgés de plus de 35 ans. Les cadres seraient composés de jeunes gens et comme les chefs de la garde sont nommés sur une liste de candidats présentée par les officiers, le Roi sera forcé de confier à des jeunes gens le commandement de la garde civique.

On parle du Congrès national. Personne plus que moi ne respecte le Congrès national, mais quel était le système du Congrès ? Mais je l'ai déjà fait connaître dans une précédente séance : le Congrès n'exigeait que deux exercices par an, et nous verrons, quand nous en serons à cette question, si l'honorable M. Rousselle voudra encore du système du Congrès national.

M. Rousselle. - Je ne suis pas pour les exercices.

M. Dumortier. - Le Congrès n'avait fait de la garde civique une charge pour personne. La loi de 1848, au contraire, en multipliant les exercices outre mesure, et le zèle trop grand de quelques officiers ont amené ce résultat, qu'on redoute aujourd'hui les exercices et que tout ceux qui pourront s'en exempter ne manqueront pas de le faire. Eh bien, vous aurez alors à la tête des compagnies des jeunes gens et rien que des jeunes gens.

Or, pour que la garde civique remplisse un rôle véritablement utile, il faut surtout qu'elle agisse par la force morale, par la persuasion et pour cela il faut qu'il y ait chez tout le monde et surtout chez les chefs le désir d'éviter l'emploi des armes. Quant à moi, si je ne redoute pas les compagnies de jeunes gens lorsqu'elles sont bien commandées, je ne (page 1169) désire pas voir la garde civique commandée exclusivement par des jeunes gens. Or, le résultat infaillible du rejet de mon amendement,ce serait de voir la garde civique presque partout commandée par des jeunes gens. C'est pour prévenir cet inconvénient que j'ai présenté mon amendement.

La chambre jugera dans sa sagesse s'il y a lieu de l'admettre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, je ne puis pas me rallier à cet amendement.

D'abord, la division en compagnies jeunes et en compagnies vieilles aurait pour effet de désorganiser la garde civique ; d'y détruire un élément essentiel qu'on a voulu y amener, c'est-à-dire, l'expérience de l'âge ; de lui ôter cette force de cohésion qui ne peut résulter que d'une grande agglomération d'individus d'âges différents.

L'honorable membre dit que les cadres sont exposés à se désorganiser si on maintient le régime de la loi actuelle. C'est tout le contraire ; en maintenant le régime de la loi actuelle, légèrement amendée, nous avons la certitude morale que les cadres ne seront pas désertés, pourvu qu'on maintienne au moins un exercice et deux revues obligatoires. L'expérience du passé prouve que dans les élections, les deux tiers des suffrages se portent sur des gardes ayant dépassé l'âge de 30 ans. Le danger qu'on signale, n'est donc pas à redouter.

Du reste, il est un fait qui réfute mieux que tous les raisonnements l'amendement de l'honorable M. Dumortier ; ce n'est pas la première fois qu'on essaie d'organiser la garde civique en deux bans ; en 1835, on a voulu l'organiser d'après le système qu'on propose aujourd'hui. L'essai a été tenté dans 36 communes au centre desquelles se trouvait Tournai ; ; eh bien, il est une seule de ces communes où la garde civique a pu être maintenue et où elle a rendu de grands services : c'est Bruxelles ; dans toutes les autres communes, notamment à Tournai où la garde civique avait à sa tête un colonel parfaitement au courant de toutes les mesures qui importaient à l'organisation, dans toutes ces communes,, la garde civique s'est évanouie. Elle n'a plus existé que sur le papier.

M. Dumortier. - Parce que les villes ont refusé de faire les élections. !

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Non ; mais parce que les cadres, à la faveur de la division en deux séries, se trouvaient dans un état de désorganisation tel que personne ne voulait plus en faire partie ; et quand les villes ont vu que personne ne faisait plus de service et qu'il n'y avait plus d'élections possibles, elles se sont dit : Nous ne voterons plus de fonds.

Voilà le résultat de votre organisation de 1835, rajeunie en 1853. Voilà ce qui arrivé, si bien qu'en 1848, lorsque le colonel de la garde civique de Tournai a essayé, à la demande du gouvernement, de ramasser quelques débris de sa garde civique de 1835, il n'a plus rien trouvé ; la garde civique y avait disparu, tout comme ailleurs.

Par ces considérations, je pense que la chambre ne peut pas accueillir la demande de l'honorable M. Dumortier.

M. Dumortier. - Messieurs, il est bien vrai qu'à la suite de la loi de 1835 beaucoup de villes ont refusé de réorganiser la garde civique. Mais savez-vous quel en a été le motif ? Le motif, c'est une disposition analogue à l'amendement de la section centrale, amendement auquel M. le ministre de l'intérieur vient de se rallier, c'est parce qu'on mettait à la charge des communes les frais de la garde civique, sans leur donner une compensation dans la taxe payée par les individus qui n'en font pas partie, c'est parce que les communes, ayant à payer de ce chef des sommes considérables, ont refusé d'organiser la garde civique.

Si donc quelqu'un cherche à désorganiser la garde civique, ce n'est pas moi, c'est M. le ministre de l'intérieur. L'expérience le prouvera.

Remarquez bien que c'étaient les communes mêmes qui, au point de vue de leur budget, avaient intérêt à n'avoir pas de garde civique ; c'étaient les communes, dis-je, qui devaient faire procéder aux élections. Eh bien, que s'est-il passé à Tournai dans la légion que j'avais l'honneur de commander ? C'est que les élections n'ont pas été faites ; les administrateurs communaux qui devaient y faire procéder ont dit aux gardes : « Il n'y a plus d'élections. »

Et cependant une partie notable des compagnies y a toujours été maintenue dans un ordre parfait et elle a fait les exercices jusqu'aujourd'hui sans interruption, quoi qu'en dise M. le ministre de l'intérieur.

C'était là de l'anarchie. Cette anarchie a cessé par la loi de 1848 qui a prescrit que les élections seraient faites sous la présidence des chefs de la garde. Et pourquoi cette disposition a-t-elle été introduite ? c'est parce qu'on savait que dans la plupart des villes, c'étaient les administrations communales qui avaient refusé de faire les élections.

Je m'attendais à ce que mon amendement serait combattu ; les amendements qui viennent de ce côté de la chambre, n'ont pas de faveur près du cabinet.

Je le répète, j'ai présenté une amendement pour empêcher que l'élément jeune ne remplisse exclusivement les cadres ; j'ai cru que l'élément de respectabilité qui est puisé dans un âge plus mûr, ne devait pas en être banni. Si vous en jugez autrement, soit ; j'ai présenté mon amendement ; si vous l'adoptez,tant mieux, si vous le rejetez, je m'en lave les mains.

- L'amendement de M. Dumortier est mis aux voix et n'est pas adopte.

M. le président. - Vient maintenant l'amendement présenté par M. de Perceval.

Cet amendement est ainsi conçu :

« L'article 8 de la loi sur la garde civique est modifié comme suit :

« Les Belges et les étrangers, admis à établir leur domicile en Belgique, en venu de l'article 13 du Code civil, âgés de 21 à 40 ans, sont appelés au service de la garde civique, dans le lieu de leur résidence réelle.

« Ceux qui résident... (le reste comme à l'article de la loi du 8 mai 1848.) »

La parole est à M. Van Grootven.

M. Van Grootven. - Messieurs, je voterai en faveur de l'amendement de l'honorable M. de Perceval ; je le préfère à celui de l'honorable M. Lesoinne qui, à mes yeux, présente des inconvénients sérieux.

La proposition que je soutiens laisse, sauf la réduction d'âge, la loi intacte ; elle n'en détruit pas l'économie. Que veut, en effet, l'auteur de la proposition ? Il demande de maintenir sous les armes tous les citoyens âgés de 21 à 40 ans et de libérer du service tous ceux qui auront dépassé cet âge.

L'adoption de cet amendement ne réduit pas considérablement l'effectif de la garde : C'est à peine s'il le diminue d'un sixième.

La pensée de l'honorable député de Malines avait présidé à l'organisation de la garde communale dite schuttery, laquelle n'était composée que de célibataires, n'était point divisée en catégories et où le service n'avait lieu que jusqu'à 35 ans. Cet état des choses ne présentait aucun inconvénient et n'a donné lieu à aucune réclamation quant à l'âge des gardes. L'amendement de l'honorable M. de Perceval va beaucoup plus loin, puisqu'il prolonge le service jusqu'à 40 ans, et qu'il maintient même les hommes mariés exemptes par la loi hollandaise.

Je comprends mieux le système défendu par l'honorable M. Dumortier qui opère une division de la garde en deux séries ayant leurs compagnies séparées, leurs chefs distincts et des exercices différents. Dans ce système l'on ne serait pas constamment exposé à voir les cadres renouvelés comme vous l'auriez infailliblement avec celui proposé par l'honorable M. Lesoinne.

Cet honorable membre demande que les gardes de 20 à 35 ans soient astreints aux douze exercices, tandis qu'il exempte en quelque sorte complètement ceux de 35 à 50 ans. Il veut aussi deux catégories,ce qui, dans mon opinion, occasionnerait de continuels changements de cadres aussi bien pour les officiers que pour les sous-officiers et simples gardes.

Il n'y a qu'un système complet à mes yeux ; c'est celui qui maintient sous les armes, et aux mêmes conditions, tous les citoyens de 21 à 40 ans.

L'amendement de M. Lesoinne produit cet effet qu'il présente tous les inconvénients de la division en deux bans sans la compensalion des avantages que cette division pourrait produire. Ainsi, par exemple, les hommes de plus de 35 ans devenus, pour ainsi dire, inactifs, continuent néanmoins à avoir droit à l'élection, et pourraient, par conséquent, imposer aux gardes actifs âges de moins de 33 ans le choix d'officiers qui n'auraient ni leur confiance ni leurs sympathies.

Je pense qu'il est inutile d'insister davantage sur les inconvénients que présente cette proportion, et j'estime, messieurs, que la chambre ferait chose à la fois utile et sage en sanctionnant un système uniforme, complet et qui, dans ma pensée, ne doit point détruire l'économie da la loi actuelle.

M. Loos (pour une motion d’ordre). - Je crois que la chambre ferait sagement de commencer par l'amendement qui propose d'atténuer le service pour les gardes de 35 ans. J'étais partisan de l'amendement de M. de Perceval, mais si cet amendement était adopté et qu'on veut atténuer le service à l'âge de 35 ans, je n'aurais pas eu la liberté de voter comme je l'entends. Je crois qu'il faut intervertir l'ordre de la discussion et commencer par voter sur l'atténuation de service à 35 ans pour revenir ensuite à l'amendement de M. de Perceval.

M. Van Grootven. - Nous avons bien fait de commencer par aborder l'amendement de M. de Perceval qui est celui qui s'éloigne le plus de la loi. C'est tout un système nouveau aussi bien que la proposition de M. Lesoinne.

M. le président. - La motion de M. Loos aurait dû être faite plus tôt. Je crois eu outre qu'elle n'est pas fondée.

- La motion de M. Loos est mise aux voix ; elle n'est pas adoptée.

La discussion continue.

M. Roussel. - Je ne puis donner mon vote à l'amendement de M. de Perceval. Je vais en déduire brièvement les motifs dans lesquels j'ai quelque confiance.

Le premier de ces motifs, c'est que le service de la garde civique modéré, tempéré suivant les âges, est une prestation commune dont on ne peut affranchir une catégorie de citoyens, quand il n'est pas démontré que ces citoyens ne sont plus capables de ce service. Or, à 40 ans l'on peut encore faire le service de la garde civique, tel que la réforme va le mitiger J'ai plus de 40 ans et je n'en ai pas encore 50, mais je ne me considère pas comme incapable de participer aux revues et aux autres prises d'armes qui seront demandées par la loi nouvelle à la garde dans la localité que j'habite.

Je dois le confesser, même dans le cas d'émeutes, je serais heureux de contribuer à prévenir les résultats fâcheux qu'elles pourraient avoir pour mon pays.

En vain dira-t-on que j'ai le droit de prendre place dans les rangs comme volontaire. Je ne veux pas de cette grâce et de cette compassion (page 1170) pour mon patriotisme ; je demande qu'à mon âge on me reconnaisse la capacité légale de faire ce qu'aucun homme de cœur ne refuserait à sa patrie, eût-il 50 et même 55 ans.

- Un membre. - Allez jusqu'à 60 ans.

M. Roussel. - Je ne vais pas jusqu'à 60 ans, parce qu'il faut une limite raisonnable ; mais je m'arrête à 50, parce que les hommes du Congrès national, ceux qui nous ont constitué en nation ont fixé cet âge. Ils avaient d'excellentes raisons pour agir ainsi.

En effet, dans nos corps de magistrature, dans nos réunions scientifiques, dans nos corporations, le nombre des hommes âgés de 40 ans est considérable ; c'est l'âge fixé pour l'entrée à la cour de cassation et au sénat et dans cette chambre même vous comptez un bon nombre d'hommes de cet âge.

Et l'on voudrait déclarer qu'à cet âge la capacité de porter une arme pour le pays et de coopérer à sa tranquillité, que cette capacité a disparu !

Je ne pourrais pas admettre l'amendement de M. de Perceval s'il était motivé sur l'intérêt des individus en faveur desquels il est proposé, car les hommes de 40 ans sont ceux qui ont le plus d'intérêt à figurer dans les rangs de la garde citoyenne pour préserver leurs propriétés, leurs familles des désastres qui résultent du désordre et des commotions politiques ou sociales.

Je demande si, en présence du principe de l'égalité de tous devant la loi écrit dans la Constitution, on peut décharger définitivement du service de la garde civique les hommes de plus de 40 ans, alors qu'il n'est pas démontré qu'ils en sont physiquement incapables.

M. de Perceval. - Ils payeront l'impôt.

M. Roussel. - Non, car nous supprimerons cet impôt. D'ailleurs, ce n'est pas la même chose de payer un impôt ou de donner au besoin son sang pour son pays.

Je demande si l'intérêt public n'est pas engagé, et si nous pouvons décider qu'un service comme celui de la garde civique ne sera pas rempli par tous ceux qui en sont capables. Je demande si les hommes de 40 à 50 ans ne sont pas ceux qui habitent depuis le plus longtemps la commune, qui y ont le plus de connaissances, le plus d'amis, qui ont rendu le plus de services, et qui peuvent le mieux réussir par la persuasion à apaiser une émeute ou à rétablir l'ordre.

Vous devez vous conformer aux traditions de notre immortel Congrès, et maintenir dans les rangs de la garde des hommes dignes à tous égards d'y figurer, et qui n'ont pas besoin d'une grâce spéciale pour être bons patriotes et zélés citoyens.

Je vous prie, messieurs, de réformer, c'est-à-dire, de réhabiliter l'institution de la garde civique ; je vous prie de ne pas la démolir.

- La proposition de M. de Perceval est mise aux voix et adoptée par 40 voix contre 33, un membre (M. Lelièvre) s'étant abstenu.

Ont voté pour l'adoption : MM. Van Overloop, Van Renynghe, Vermeire, Boulez, Brixhe, Clep, Coomans, de Decker, de Haerne, Delehaye, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Portemont, de Renesse, de Ruddere de Te Lokeren, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, Dumon, Jacques, Julliot, Landeloos, Loos, Maertens, Magherman, Malou, Mascart, Moncheur, Moxhon, Rodenbach, Thibaut, Thienpont, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Ernest Vandenpeereboom, Van Grootven.

Ont voté contre : MM. Visart, Ansiau, Anspach, Cans, Closset, Dautrebande, David, Hyacinthe de Baillet, de Baillet-Latour, de Bronckaert, de Chimay, de La Coste, Deliége, de Royer, de Steenhault, Faignart, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Manilius, Mercier, Moreau, Orts, Peers, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rogier, Ad. Roussel, Ch. Rousselle, Thiéfry, Vander Donckt et Delfosse.

M. le président. - M. Lelièvre est invité à faire connaître les motifs de son abstention.

M. Lelièvre. - Je me suis abstenu, parce qu'avant de me prononcer sur l'âge, j'ai voulu savoir ce qui sera statué sur l'étendue des obligations que l'on voulait imposer aux hommes âgés de plus 40 ans. D'un autre côté, l'amendement de M. de Perceval imposant douze exercices aux gardes âgés de plus de 35 ans, me paraissait inadmissible. Du reste, ignorant si, comme je le demandais, le service des hommes âgés de plus de 40 ans sera réduit à deux revues seulement, sans exercice, je devais nécessairement m'abstenir.

- La suite de la discussion est renvoyée à demain.

La séance est levée à 5 heures.