(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)
(Présidence de M. Delfosse.)
(page 1095) M. Maertens procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
La séance est ouverte.
M. Vermeire donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Maertens présente l'analyse des pétitions adressées à la chambre.
« Le sieur Tilmant, ancien receveur des contributions directes, réclame, l'intervention de la chambre pour obtenir une pension et le payement des arriérés de son traitement jusqu'au jour de sa révocation. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« L'administration communale de Grand-Hallet déclare adhérer à la pétition du conseil communal de Jauche, relative à la construction d'un chemin de fer des bassins houillers de Charleroi à Landen. »
« Même adhésion des membres de l'administration communale de Jandrain-Jandrenouille. »
« Même adhésion de l'administration communale de Thisnes. »
« Même adhésion de l'administration communale de Wanzin. »
« Même adhésion de l'administration communale de Merdorp. »
« Même adhésion de l'administration communale d'Embressin. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Reckheim prie la chambre d'accorder au sieur Delaveleye la concession d'un chemin de fer de Hasselt à Maestricht. »
- Même renvoi.
« Des habitants de Webbecom demandent que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton, et que le cens électoral différentiel soit rétabli. »
« Même demande d'électeurs à Hoeleden. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Hees demande que les élections aux chambres se fassent au chef-lieu du canton et que le cens électoral pour tes villes soit augmenté. »
- Même renvoi.
« Des électeurs à Tourinnes-la-Grosse demandent que les élections aux chambres se fassent par fractions de plusieurs communes réunies et que les districts électoraux soient composés de 40.000 âmes, ou bien qu'elles se fassent au chef-lieu de canton. »
- Même renvoi.
« Des habitants d'Eghezée demandent que les districts électoraux pour les nominations aux chambres soient composés de 40,000 âmes, ayant chacun à nommer un représentant, et que l'élection se fasse au chef-lieu du canton. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal d'Oreye demande qu'il ne soit apporté aucune modification à la loi électorale. »
- Même renvoi.
(page 1096) « Le sieur Verhooge, ancien soldat, demande une gratification. »
- Même renvoi.
« Le sieur Vanhees réclame l'intervention de la chambre pour obtenir la restitution dts indemnités du chef de la garde civique, qui lui ont été réclamées en 1850 et en 1851, et demande que la proposition loi modifhnt la loi sur la garde civique, contienne une disposition qui exemple de l'indemnité les familles dont le chef fait partie de la garde dans une commune autre que celle de sa résidence, et ceux qui, à raison de leur âge, ne doivent plus être appelés au service de la garde. »
- Renvoi à la commission des pétitions et à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi modifiant la loi sur la girde civique.
« Le conseil communal de Soignies démande que tous les convois sur la ligne du midi s'arrêtent à Soignies. »
- Renvoi à la commission des pétitions
« Des habitants de Smeerhebbe-Vloersegem demande la révision de la loi sur l'entretien des indigents dans les hospices et dans les établissements de bienfaisance, et présentent des observations contre le projet de loi sur le recrutement de l'armée. »
« Même demande d'habitants de Voorde. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi sur le recrutement de l'armée et à la commission des pétitions.
« Par dépêche du 18 avril, M. le ministre de la justice transmet à la chambre avec annexes une demande de naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« Par dépêche du 15 avril, M. le ministre de l'intérieur transmet à la chambre 112 exemplaires d'une brochure contenant les rapports et les documents offîciels relatifs à l'inoculation de la pleuropneumonie exsudative d'après le procédé de M. le docteur Willems. »
- Distribution aux membres de la chambre et dépôt à la bibliothèque.
« Par message du 10 avril, le sénat informe la chambre qu'il a adopté le projet de loi relatif à la concession d'un chemin de fer de Lierre à Turnhout. »
- Pris pour notification.
Les sections d'avril se sont constituées comme suit :
Première section
Président : M. Thiéfry
Vice-président : M. Mascart
Secrétaire : M. de Perceval
Rapporteur de pétitions : M. H. de Baillet
Deuxième section
Président : M. Delehaye
Vice-président : M. Visart
Secrétaire : M. de Bronkaert
Rapporteur de pétitions : M. de Portemont
Troisième section
Président : M. Lange
Vice-président : M. Moreau
Secrétaire : M. de Naeyer
Rapporteur de pétitions : M. Vander Donck
Quatrième section
Président : M. Loos
Vice-président : M. Van Grootven
Secrétaire : M. Coomans
Rapporteur de pétitions : M. Closset
Cinquième section
Président : M. de Pitteurs
Vice-président : M. Pierre
Secrétaire : M. Thienpont
Rapporteur de pétitions : M. de Ruddere
Sixième section
Président : M. de Renesse
Vice-président : M. de La Coste
Secrétaire : M. Vermeire
Rapporteur de pétitions : M. Julliot
M. Mercier. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur les amendements présentés par le gouvernement au projet de loi relatif au chemin de fer de Manage à Erquelinnes.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et met la discussion de ce projet de loi à la suite des objets à l'ordre du jour.
M. le président. - Nous sommes arrivés à l'article premier.
Voici un amendement déposé par M. Osy :
« Je propose la disjonction du dernier paragraphe de l'article premier. »
La discussion est ouverte sur l'article premier et les amendements.
M. Mascart. - Mon honorable collègue et ami, M. Dautrebande, dans la séance de samedi dernier, a placé sous les yeux de la chambre le tableau des primes accordées pendant la période décennale de 1843 à 1853. Les sacrifices faits par le trésor tout considérables, il faut en convenir, mais c’est encore là le moindre mal.
Je n’hésite pas à le dire : la prime accordée à l'exportation des genièvres est une des causes de la décadence des petites distilleries, agricoles et autres, en ce qu'elle permet aux grands établissements qui en profitent de venir faite sur le marché intérieur une concurrence écrasante à tous ceux qui n'en profitent pas. Sur cette question, on peut le dire, la théorie est justifiée par les faits ; uu simple examen le démontre à la dernière évidence.
Je sais bien que la totalité de la prime ne profile pas à l'exportateur, que c'est le consommateur qui en a la plus grande part. Mais pour rendre la démonstration plus évidente, je supposerai un instant que le genièvre exporté est vendu au même prix que sur le marché intérieur, moins la prime actuelle qui est de fr. 9-27, et les droits d'accise.
Les expériences qui ont été faites dans plusieurs établissements et dans des conditions très ordinaires ont démontré que le rendement est 7. Je dis dans des conditions ordinaires, parce qu'on n'a employé ni fonds de tonneaux, ni clair de drêche, ni jus de betterave, ni mélasse, en un mot, aucune matière saccharine, dont l'emploi aurait fait obtenir un rendement supérieur, et qu'on peut porter à 8, sans crainte de se tromper de beaucoup. J'écarte donc dans l'appréciation du rendement l'avantage plus grand qui résulte pour le distillateur de l'emploi fréquent de ces matières. Je n'admets que l'emploi du grain et des vinasses, je me place, dès lors, dans les conditions ordinaires de production, dans celles où le gouvernement s'est placé, dans lesquelles il devait se placer, parce qu'il n'y a qu'un nombre limité de distillateurs qui puissent faire usage de ces matières.
L'article premier de la loi du 20 décembre 1851 a fixé le taux de la décharge à 30 fr. 70 c.
En 1852, sous l'empire de cette disposition, l'exportation s'est élevée à 8.021 hectolitres et a donné lieu à une restitution de droits de 246,244. fr. 70 c. Quelle somme le trésor avait-il perçue pour ces 8,021 hectolitres exportés ?
Il est impossible de nier que les distillateurs qui travaillent pour l'exportation ne soient placés dans d'excellentes conditions de production et qu'ils ont un rendement qui n'est pas inférieur à 7. Les uns, et ce sont les plus importants, sont à Anvers, où les bonnes céréales étrangères, à peu près les seules qu'ils emploient, sont toujours à un prix moins élevé que sur les autres marchés de la Belgique, parce qu'à Anvers on peut se les procurer directement et de première main ; indépendamment de cet avantage, inhérent à leur situation, ils ont celui de pouvoir faire usage de fonds de bière, de clair de drêche, qu'on trouve dans tous les grands centres de population, et l'avantage plus grand encore des raffineries qui leur procurent de la mélasse.
On peut donc affirmer que les établissements placés dans ces conditions ont un rendement de 7 1/2 au moins, mais je prends le chiffre 7, quoique ce chiffre soit encore contesté par les intéressés. Il répond au droit de fr. 21 45 et la prime alors est de fr 9-27. En multipliant cette prime par les 8,021 hectolitres exportés on trouve que le trésor a fait en 1852 un sacrifice de fr. 74,351-67.
Pour avoir une idée bien nette de l'influence que cette prime a eue sur le marché intérieur, dans la position où je me suis placé, admettons qu'elle ait été perçue par un seul distillateur. Cette supposition ne peut changer en rien les conséquences économiques du fait, et on peut d'autant mieux l'admettre qu'il y a en Belgique une distillerie établie dans des proportions telles qu'elle peut parfaitement réaliser la supposition.
Ce distillateur a fabriqué chaque jour 10,000 litres de genièvre. Pour arriver à ce produit, il a dû avoir une contenance imposable de 1,428 hectolitres 54 litres (1,428,54 lit. X 7 = 10,000) pour laquelle il aura à payer au fisc, par 24 heures de travail, une somme de fr. 2.142 81 c, de sorte que chaque litre est chargé d'un droit de fr. 0 21 04 et l'hectolitre de fr. 21 43.
Cela établi, quelle quantité a-t-il dû exporter pour obtenir la restitution des fr. 2,142 26 c ? Il suffit qu'il ait exporté moins de 7,000 litres. Il lui reste donc 3,000 litres indemnes de droits, presque le tiers de son produit journalier.
Il a donc pu, après avoir vendu en pays étranger, avec ou sans profit net, pourvu qu'il n'ait pas subi de perte, verser sur le marché intérieur 3,000 litres indemnes de droits et y faire une rude concurrence à ses rivaux. On comprend combien cette concurrence serait redoutable puisque pour ces 3,000 litres, il peut faire un rabais de fr. 0 21 04 par litre sur une matière qui n'en vaut que 65.
Voile ce qui arrive quand l'exportateur peut vendre au prix de revient, moins la prime.
Je viens de me placer dans l’hypothèse d'une exportation de 70 p. c. donnant lieu à une restitution intégrale des droits payés sur le tout, de manière que les 30 p. c restant se trouvaient déchargés de tout droit d'accise.
Je le répète, je sais bien que, dans la pratique, il y a beaucoup à rabattre à la position que je viens de faire aux distillateurs exporteurs, mais je suppose que l'exportation soit de 30 p. c, quelle en serait la conséquence au point de vue que nous examinons ?
Pour les 3,000 litres exportés le même distilateur obtiendra une décharge de 921 fr. Dans celle somme il y a une prime de fr. 278 10, qui diminue d'autant les droits payés sur les 7,000 litres livrés à la consommation intérieure, de sortle que chaque litre non exporté se trouve dégrevé d'un droit d'accise de 4 c. et l'hectolitre de 4 fr. Cette prime est très considérable encore : elle est de 20 p. c. du droit payé, elle est supérieure à celle accordée aux distilleries agricoles.
Cette dernière supposition n'est pas gratuite, elle ne peut pas l'être, messieurs, car j'ai vu au centre du pays, dans une ville n'ayant ni chemin de fer, ni canaux, malgré les frais de transport élevés résultant de l'éloignement, j'ai vu le genièvre successivement et constamment fourni à 2 centimes à meilleur compte que le prix de revient des distillateurs agricoles qui avaient pourtant 15 p. c. de déduction. C'est ainsi que les distillateurs exportateurs poursuivent partout l'anéantissement des distilleries qui ne sont pas dans les mêmes conditions que les leurs.
J'ai exposé les conséquences de la prime résultant de la loi du 20 décembre 1851. Si la proposition du gouvernement était adoptée, (page 1097) c'est-à-dire si la décharge était fixée à 26 fr., la prime serait diminuée de moitié à peu de chose près. Le distillateur devrait exporter alors 82 p. c. de ses produits ; 18 p. c, ou près d'un cinquième, serait encore indemne de droits.
Si nous n'avons pas proposé, mon honorable ami M. Dautrebande et moi, la suppression complète de la prime en demandant que la décharge soit fixée à fr. 21-43, c'est que nous avons eu égard au droit qui frappe les cérales étrangères ; ce droit est de 57 centimes par hectolitre de seigle pesant 70 kilog.
Or, 70 kilog. donnent 38 litres au rendement 7. L'hectolitre de genièvre est donc de ce chef chargé du droit d'un franc cinquante centimes ce qui, avec les 21 francs 43 centimes, forme le taux de la décharge proposée, à 7 centimes près.
Vous le voyez, messieurs, nous avons généreusement supposé que le genièvre exporté serait produit en totalité avec des céréales étrangères qui auraient acquitté un droit d'entrée. Nous avons également admis un rendement inférieur au rendement réel obtenu par tous les distillateurs qui font usage de matières saccharines ou vineuses, afin de restituer au distillateur exportateur, au moins l'intégralité des droits payés.
Je termine, messieurs, par une dernière considération.
On a dit, et cela dans l'intérêt des distillateurs agiicoles, qu'en abaissant la décharge, les distillateurs exportateurs seraient forcés de livrer tous leurs produits sur le marché intérieur, parce que le marché étranger leur serait fermé. C'est là une crainte chimérique. L'extension de certains établissements est due tout entière au double avantage dont ils jouissent et par le taux de la décharge et par la protection des octrois. Lorsque ces privilèges auront disparu, les petites distilleries agricoles avec leurs 15 p. c. de déduction pourront peut-être se maintenir.
M. de Steenhault. - Messieurs, je vous ai dit dernièrement pourquoi j'aurais voté contre le projet de loi, si le chiffre du drawback admis était inferieur à celui fixé primitivement par le gouvernement.
Je compte répondre en peu de mots à quelques honorables membres qui paraissent vouloir s'opposer à la réduction de 15 p. c. en faveur des distilleries agricoles.
Je ne pensais pas que nous eussions encore eu à défendre les 15 p. c. de réduction accordés aux distilleries agricoles.
Je considérais cette question comme vidée, et je ne croyais pas qu'après les discussions de 1851, qu'après l'opinion émise à cette époque par l'honorable M. Frère-Orban, qui, comme le fait très bien remarquer l'honorable rapporteur de la section centrale, ne pouvait certes pas être accusé d'être trop favorable aux distilleries agricoles, je ne croyais pas, dis-je, qu'on pût encore revenir là-dessus.
M. Osy reprochait au gouvernement d'avoir été trop loin dans ses innovations. Je ne sais trop comment il s'en tirera, car il paraît que d'autres membres lui reprochent le contraire.
Je regrette, messieurs, de devoir vous présenter des arguments qui ne sont peut-être que des redites ; mais comme ce sont toujours les mêmes qu'on fait valoir contre nous, il faut bien que je suive mes adversaires sur le terrain qu'ils affectionnent et qu'ils ne paraissent pas vouloir quitter.
Le grand argument, l'argument par excellence, le seul pour ainsi dire qui, nouveau Protée, se reproduit toujours sous de nouvelles formes, c'est que toutes les distilleries sont agricoles dans ce sens que leurs résidus servent à la nourriture du bétail.
Cela peut être vrai quant à l'emploi du résidu qui en définitive ne peut servir qu'à cela, mais cela ne prouve absolument rien.
C'est vouloir résoudre la question en s'en écartant complètement.
Ce qu'il faut savoir, ce qu'il faut rechercher, c'est le but que le législateur avait en vue en établissant des conditions hors desquelles on était passible de l'intégralité du droit.
Or, messieurs, cela est clair comme le jour, les discussions en font foi, ce que le législateur a voulu c'est, d'une part, favoriser les améliorations du sol en provoquant la fabrication de plus grandes masses d'engrais qui sont toujours trop peu abondants dans les campagnes ; d'autre part, il a voulu stimuler l'élève et la vente du bétail indigène en favorisant son engraissement.
Ce but-là est-il atteint par la vente des résidus par hectolitres aux maraîchers des environs de la ville ? En aucune façon, messieurs, et je vais vous dire pourquoi, quoique l'honorable M. Delehaye m'en ait défie hier.
D'abord, messieurs, les résidus vendus aux maraîchers ne servent jamais à engraisser du bétail. Ils remplacent une partie de la nourriture que, sans cela, les maraîchers devraient gagner sur des terres qu'ils trouvent plus avantageux d'exploiter en culture maraichère, et voilà tout.
Si vous le voulez, cela constitue pour eux un bénéfice, mais c'est là le seul résultat.
Cela ne provoque en aucune manière ni l'élève, ni l'engraissement, ni la consommation du bétail indigène, qui cependant, de l'aveu même de l’honorable M. Delehaye lui-même, est un objet tellement important que ce fut un des arguments qu'il faisait valoir avant-hier en faveur de la conservation du drawback de 30 fr. Je ne comprendrais pas qu'il fasse ici bon marché d'un fait qui dans un autre but avait pour lui tant d'importance.
Voilà quant au bétail ; voyons à présent si la vente des résidus aux maraîchers a pour conséquence les améliorations du sol, l'augmentation de la production agricole.
Pas davantage, messieurs ; les résidus servant à la nourriture des vaches laitières, et leur nombre étant nécessairement restreint par les besoins de la consommation, il s'ensuit qu'il n'en résulte pas la moindre augmentation de fumure. Les maraîchers n'en tiennent pour cela ni une tête de bétail de plus, ni une tête de moins, et d'ailleurs, veuillez-le remarquer, messieurs, ils n'auraient jamais besoin des distilleries pour se procurer des engrais qui sont toujours abondants dans les centres de population ; leur bas prix est là pour le prouver.
Je le répète, messieurs, c'est pour les maraîchers une économie, mais quant aux avantages à en résulter pour l'agriculture, il n'y en a pas l'ombre.
Ce n'est pas pour eux non plus une nécessité ; on citait hier les maraîchers de Gand. Mais si les distilleries leur étaient absolument nécessaires, comment feraient donc ceux des environs de Bruxelles, de Schaerbeek, par exemple, dont le sol se rapproche de celui des environs de Gand ?
Tout cela, voyez-vous, croule devant un examen impartial des faits.
Le législateur de 1842 ne savait-il donc pas qu'on pouvait vendre les résidus aux maraîchers ? Est-ce donc par plaisir qu'il a imposé certaines conditions autres que celles-là ? Evidemment, messieurs, autant vaudrait dire qu'il n'a pas su ce qu'il faisait.
Comment pourrait-on raisonnablement exiger qu'une distillerie qui n'a rien de commun avec une distillerie agricole que la petite quantité de ses produits, qui n'a aucun de ses embarras, aucune des mauvaises chances que donnent la culture, l'élève et l'engraissement du bétail, soit mise sur le même pied devant la loi ?
Je ne conteste pas certains abus. Je dis qu'il y en a, l'honorable M. Delehaye vous en a signalé un bien grand déjà en vous parlant ds distilleries qui sont tantôt agricoles et tantôt ne le sont pas.
Je sais parfaitement qu'il s'en trouve qui n'ont d'agricole que le nom.
Je ne conçois la distillerie agricole que pour autant quelle soit l'accessoire de l'exploitation. Aujourd'hui bien souvent c'est l'inverse, aussi je souscris d'avance à toute proposition qui tendrait à mieux spécifier dans la loi le caractère d'une distillerie agricole.
Je serais pour ma part heureux de faire cesser les abus qui incontestablement existent aujourd'hui.
L'honorable M. Rodenbach nous disait dernièrement en blâmant les 15 p. c. :
« Il est un autre avantage dont jouissent les petites distilleries : c'est que leur personnel n'est pas aussi considérable ; elles ne sont pas montées sur une aussi grande échelle ; elles coûtent infiniment moins, et elles écoulent leurs produits sur les lieux mêmes, puisqu'elles ne fabriquent que de très petiles quantités. »
Tout ce que je répondrai à cet argument, c'est que c'est la première fois que j'entends dire que les frais généraux s'abaissent en raison de la diminution de la production, du peu d'importance de la fabrication.
Samedi dernier, l'honorable M. Dautrebande qui, lui aussi, veut la suppression des 15 p. c., nous disait qu'ils étaient accordés en compensation des obligations onéreuses qui étaient imposées, des octrois, des primes, et que ces entraves venant à disparaître, il fallait aussi supprimer la réduction.
Que l'honorable membre me permette de lui dire qu'il s'est là complètement trompé.
D'abord, jamais les 15 p. c. n'ont été accordés en compensation des octrois, des primes communales. Ces primes étaient une flagrante iniquité qui, jusqu'ici, dépassait de beaucoup la valeur de la remise du droit, et dont toutes les distilleries extra muros avaient, par conséquent, bien le droit de se plaindre.
Voilà tout.
Du redressement de ce grief, il ne résulte, en aucune fçon, qu’il faille frapper davantage les distilleries agricoles.
Si l'un avait été la conséquence de l’autre, je ne dis pas, mais il n’en est rien.
L'honorable membre citait encore comme un avantage nouveau accordé aux distilleries agricoles, la substitution des 20 hectolitres de cuve à l'alambic de 5 hectolitres. Cet avantage est si peu réel, si peu considérable, que plus d'un distillateur ne demanderait pas mieux que de revenir à la loi de 1842.
Remarquez, messieurs, que l'honorable M. Julliot était dans une profonde erreur en vous disant hier qu'il était possible de distiller davantage depuis la loi de 1851 ; il n'en est rien. Sous ce rapport, les distillateurs sont absolument dans la même position : l'honorable membre citait encore comme un avantage l'emploi des deux chaudières. Messieurs, savez-vous quel est le grand avantage, le seul peut-être que les distillateurs ruraux retirent de cette disposition ? C'est de ne plus devoir empoisonner leurs consommateurs.
Il est impossible de conserver un appareil constamment propre quand il doit servir tour à tour à la bouillée et à la rectification.
Cette rectification était donc imparfaite ; on fabriquait du mauvais genièvre qui souvent contenait même une certaine dose d'oxyde qui se formait dans le serpentin, par exemple, et qui finissait par être entraîné, avec l'alcool.
Voilà, messieurs, à quoi se résumant les grands avantages qui, selon mon honorahle collègue, nécessitent la suppression des 15 p. c.
L'honorable M. Delehaye qui veut à toute fin la suppression des 15 p. c., ne voudrait l'accorder qu'aux distilleries établies dans les bruyères.
Il aurait raison si la chose était possible, mais comment (page 1098) fournirait-il à ces usines les matières premières de leur fabrication, je dirai même ce qui est nécessaire pour leurs autres besoins.
M. Delehaye. - J'ai parlé des Ardennes et de la Campine.
M. de Steenhault. - Je le sais bien ; eh bien, il y a bientôt dix ans, on vint m’offrir de faire partie d'une société qui avait pour but de faire des défrichements drns la Campine à l'aide des distilleries. Les capitaux ne manquaient pas. Nous avons dû renoncer à l'entreprise, parce que nous avons vu qu'il n'y avait aucune chance de succès.
Je termine, messieurs. Je ie reviendrai plus sur les charges qui pèsent sur les distilleries agricoles. Je me réfère, à cet égard, à ce que j'ai dit en 1851. Je parle ici des distilleries véritablement agricoles dont l'outillage est la plupart de temps imparfait, qui souvent se bornent à un appareil placé dans le coin d'une grange. Si vous voulez bien tenir compte des avantages qui en résultent dans certaines localités pour l'agriculture, vous n'hésiterez pas à donner votre assentiment à cette partie de la loi.
M. Rodenbach. - Messieurs, je croyais que la question des distilleries agricoles était épuisée et qu'on n'y reviendrait plus. Mais l'honorable préopinant ayant cité mon nom. je lui répondrai quelques mots, avant de développer l'amendement que j'ai déposé sur le bureau.
Je dirai d'abord que l'honorable membre ne m'a pas parfaitement compris. Lorsque j'ai parlé des petites distilleries, j'ai fait voir que, comme elles ne pouvaient fabriquer qu'une petite quantité de spiritueux.elles pouvaient très facilerrent la vendre dans la localité même et dans les villages circonvoisins d'une ou de deux lieues.
Par conséquent il leur est facile, ils n'ont pas de grands frais de transport, je pense que l'honorable préopinant doit convenir que cela est facile ; il a l'avantage de pouvoir nourrir son bétail et un seul domestique lui suffit pour faire sa besogne sans négliger sa ferme, ce n'est qu'un accessoire.
Ensuite il a un avantage réel de 3 fr. 50 par hectolitre. Je demande si 3 fr. 50 par hectolitre de genièvre n’est pas une faveur exorbitante ? C'est même injuste.
Mais je ne sais, puisque c'est un préjugé de vouloir des distilleries agricoles, mais puisqu'il faut respecter les choses qui existent depuis plusieurs années, qu'on a voulu quand même des distilleries agricoles, il faut tolérer une certaine faveur, mais il en est qui jouissent d'une déduction de 20 et même de 30 p. c. Autant vaudrait ne rien leur faire payer du tout. Je reviendrai là-dessus, quand je développerai mon amendement, qui est de la plus haute importance.
Le reste de la loi, je le crois passable ; mais il n'y a qu'une seule disposition réellement importante, c'est le drawback. C'est là qu'est toute la question ; toutes les autres dispositions sont acceptables ; elles peuvent être votées à l'unanimité par la chambre.
Je prie M. le ministre d'y faire la plus grande attention ; le drawback que j'ai demandé paraît exorbitant ; il est de 30 fr. 70 c. Messieurs, je soutiens que ce n’est pas une prime pour les distillateurs ; il n’obtiennent cela que pour pouvoir exporer outre-mer, envoyer leurs produits en Amérique, en Asie et même en Chine et même en Australie. Car on a expédiedes genièvres dans les cinq parties du monde.
Puisque cette industrie de l'exportation est une industrie nouvelle en Belgique, vous voulez vous-mêmes, vous législateurs belges, cabinet belge, vous voulez empêcher cette étendue commerciale, ce commerce maritime qui doit vous amener d'immenses avantages, qui doit augmenter votre prospérité, qui doit augmenter l'exportation de vos fabricats, qui doit augmenter le bien-être du pays.
On l’a déjà dit, mais il est des choses qu’on ne peut assez répéter, vous savez que la loi force le distillateur de terminer son travail endéans les 24 heures ; il doit employerforce levure pour accomplir cette obligation.
Les Hollandais qui travaillent pour l'exportation, travaillent d'une manière plus économique, ils travaillent lentement, ils ont trois fois 24 heures pour laisser terminer leurs cuves, et ils ne payent aucun droit (je conviens que quand on est amené à faire des sacrifices aussi considérables on doit y regarder à deux fois ; je reconnais donc que la question est grave, ei qu'elle doit être examinée). Il résulte de là que la fabrication d'un hectolitre de genièvre ne coûte au distillateur hollandais que 25 fr. tandis qu'elle coûte 40 francs au distillateur belge. Ce qui constitue un avantage de 15 francs au profit du distillateur hollandais.
Indépendamment de cet avantage, la Hollande a maintenant un commerce considérable ; la somme qu'elle en retire est fabuleuse ; elle a de la levure qu'elle vend en Belgique et en Allemagne, et dont elle expédie par le transit des quantités immenses.
Le faro et les autres bières de Bruxelles ne donnent pas de levure. Ceux donc qui emploient de la levure sont obligés, pour les deux tiers, de la tirer de la Hollande. Voilà pour ces distillateurs un avantage indépendamment de celui de 15 fr. dont je viens de parler, et que je pourrais peut-être porter à un chiffre plus élevé ; mais je ne veux pas exagérer.
Si vous conservez le statu quo, les armateurs d'Anvers seront obligés de faire venir des genièvres de Hollande, qu'ils exporteront au lieu et place de ceux que vous pourriez fabriquer vous-mêmes dans l'intérêt de votre agriculture, plutôt que d'aller les prendre chez vos voisins.
Le ministre avait proposé d'abord 26 fr. ; je ne sais pourquoi dans la section centrale, il est descendu à 24 fr. Mais ii ne s'agit pas de cela ; car je n'attache pas plus d'importance à l'un de ces chiffres qu'à l'autre, puisque tous deux auraient pour résultat l'anéantissement de l'exportation. Elle ne peut être maintenue que si l'on conserve le chiffre de 30 francs 70 centimes.
Je crois que M. le ministre aurait infiniment de peine à nous prouver que l'on pourrait encore exporter. On ne le pourra pas.
On a parlé de sacrifices, on a dit qu'ils augmentaient de mois en mois et notamment que depuis 3 ou 4 mois l'exportation avait augmenté ; mais c'est tout à fait momentané.
M. le ministre a parlé de la maladie de la vigne qui est cause que l'on ne fait plus de trois-six ; on est donc obligé de venir chercher nos alcools pour les exporter en Amérique où l'on a des débouchés ; mais c'est momentané, car déjà les envois s'arrêtent et il n'y a plus que les arrivages en exécution des transactions déjà faites qui continuent. Avant la maladie de la vigne on n'exportait que des genièvres, on n'exportait pas d'alcools.
D'ailleurs, messieurs, déjà la France commence à faire comme vous. Dans le département du Nord on établit des usines sur une grande échelle pour fabriquer des alcools comme vous en faites, en remplacement des trois-six. Et la France a sur vous un avantage considérable, elle a le grain à meilleur marché, elle a la betterave. Il y a dix fois et je dirai peut-être vingt fois plus de betteraves plantées dans le département du Nord qu'en Belgique.
Ainsi ces grandes usines pourront avoir également la betterave en très forte quantité.
Messieurs, nos exportations en France sont aujourd'hui assez considérables.
Mais il ne faut pas s'attendre à ce que cet état de choses continue ; bientôt on en verra le terme. Lors même que la maladie de la vigne continuerait, lors même qu'elle ferait des progrès, ce débouché vous manquera complètement, et il ne vous restera que les débouchés que vous avez d'autre part, dans l'Amérique méridionale, dans l'Amérique septentrionale, et, comme je l'ai dit, à la Chine et dans les îles orientales. Or, ces derniers débouchés, il vous est nécessaire de les conserver.
Messieurs, pour soutenir, pour encourager le commerce maritime, on a sacrifié, si j'ai bonne mémoire, depuis 1830 ou 1831, à l'industrie des sucres 64 millions ; je crois que c'est l'honorable M. Malou, lorsqu'il était ministre des finances, qui est venu vous dire que déjà on avait fait, pour les sucres, un sacrifice qui s'élevait à ce chiffre.
Je crois qu'à présent encore on fait un sacrifice d'un million et demi par an pour le sucre, qui cependant n'est pas un produit favorable à l'agriculture, qui ne donne pas, comme les distilleries, de l'engrais. Et remarquez-le, messieurs, vous manquez d'engrais ; vous devez faire venir du guano du Pérou. Et pour une protection, qui en moyenne s'élève à 50,000 fr. par année, vous iriez sacrifier d'un trait de plume, vous iriez anéantir une industrie aussi importante que celle de la distillation pour l'exportation !
Messieurs, si je défends cette industrie, ce n'est pas que j'aie le moindre intérêt dans la question. Je puis affirmer sur l'honneur, que dans ma famille personne ne travaille pour l'exportation, bien que quelques-uns de ses membres s'occupent de la fabrication des genièvres. C'est donc par un esprit d'équité que je défends avec chaleur le chiffre de 30 fr. 70.
J'ai entendu que l'honorable M. Osy proposait la disjonction du dernier paragraphe de l'article premier. Je crois avec lui que la question n'est pas mûre et que M. le ministre doit l'examiner de nouveau ; car elle est très grave, elle est de la plus haute importance. Le prédécesseur de M. le ministre des finances, l'honorable M. Frère lui-même a soutenu ce chiffre de 30 fr. 70 c, parce qu'il savait que devant exporter vos produits dans les cinq parties du monde, les eaux-de-vie font nécessaires pour compléter les cargaisons.
Vous expédiez à l'étranger des machines, des fabricats de toute espèce et souvent il faut joindre à ces cargaisons des alcools, des spiritueux. Puisque vous ne vous contentez pas d'être simplement un pays manufacturier, que vous voulez devenir un pays éminemment commercial, vous devez savoir au besoin faire un léger sacrifiée. Or, vous devez vous rappeler que dans cette circonstance il s'agit pour nos distillateurs de soutenir la concurrence avec la Hollande.
Les Hollandais peuvent fabriquer à 15 francs meilleur marché que nous et le distillateur belge doit donner, sur le marché étranger, ses produits au même prix que le distillateur hollandais.
Voilà pourquoi le gouvernement doit faire un sacrifiée. Le gouvernement, messieurs, en fait bien d'autres, pour le chemin de fer, par exemple, dans l'intérêt général, dans l'intérêt du commerce (et il s'agit ici du commerce et de l'agriculture}, le gouvernement fait un sacrifice annuel d'au moins 4 millions.
Car je pense qu'en moyenne les transports sur le chemin de fer occasionnent un sacrifice de 75 centimes par habitant.
Je n'en dirai pas davantage. L'article premier n'est pas encore voté ; nous aurons occasion d'y revenir, s'il y a lieu.
M. Mercier. - Selon l'honorable préopinant, la distinction établie par la loi entre les distilleries agricoles et les autres distilleries, serait illogique, absurde même. Je ne partage nullement cette opinion, et je conteste aussi qu'une prime de 3 fr. 21 c. par hectolitre soit accordée aux distillateurs agricoles ; je soutiens même qu'il n'y a pas de prime.
Messieurs, la déduction de 15 p. c. qui est accordée à ces distillateurs, sur la base du droit, mais non sur le droit lui-même, n'est en réalité pas une prime. On dit que les petits appareils fournissent relativement autant de produits que les appareils de grandes dimensions. Je ne le conteste pas, puisque des expériences ont été faites et ont donné ce résultat. Mais ce qui est vrai, c'est que les petits appareils, pour fournir les mêmes (page 1099) produits, devraient se trouver dans les mêmes conditions ; ce qui n'a pas lieu en fait.
En général, messieurs, celui qui satisfait aux conditions de la loi pour obtenir la déduction de 15 p. c. est plutôt agriculteur que distillateur. Pour lui l'agriculture est le principal ; la distillation est l'accessoire. Ses premiers soins sont donnés aux travaux agricoles. De là son infériorité comme industriel.
La déduction de 15 p. c. suppose encore un rendement de 5 litres 95 par hectolitre de matière mise en macération. Eh bien, je suis persuadé que les distillateurs qui satisfont aux restrictions de la loi, et jouissent de la déduction de 15 p. c. n'obtiennent pas en moyenne un produit de 5 litres 95, soit 6 litres par hectolitre de matière. Si l'on pouvait constater la vérité, si l'on pouvait constater les produits mêmes, on trouverait certainement que ces distillateurs, bien loin de payer moins par hectolitre, payent plus que les distillateurs qui, ne satisfaisant pas aux conditions de la loi, ne jouissent pas de la déduction de 15 p.c.
En effet, messieurs, outre le peu de perfectionnement de leurs appareils, outre l'infériorité de leurs connaissances industrielles et la nécessité pour eux de donner la plus grande partie de leur temps aux travaux agricoles, il faut encore considérer que les distillateurs agricoles ne sont pas dans l'habitude d'épuiser les matières qui sont mises en macération.
L'honorable M. Delehaye a paru fort étonné de cette assertion. Je m'étonne à mon tour de son étonnement. Car jamais une discussion n'a eu lieu dans cette enceinte sur cet objet sans que ce fait n'ait été avancé par les distillateurs et par d'honorables membres de cette chambre.
L'honorable M. Delehaye pense que les substances saccharines ne peuvent servir utilement à la nourriture du bétail. Du moins il a émis des doutes à cet égard. Mais en fait il est certain que le distillateur agricole, en laisse subsister une partie pour la nourriture du bétail. C'est un fait qui ne peut pas être contesté. (Interruption.)
Je me borne à établir un fait, c'est qu'une partie de cette subtance reste dans le résidu pour servir à la nourriture des animaux. Je n'ai pas à discuter la question de savoir si ces substances sont ou non utilement employées à cette fin.
L'honorable M. Julliot a pensé qu'une prime était accordée aux distillateurs agricoles ; eh bien, c'est une erreur ; dans la forme il y a une prime apparente, en réalité elle n'existe pas.
Le législateur a été obligé d'adopter la base de la matière macérée, mais il a compris que cette base pouvait être défectueuse dans son application à tous les industriels, et notamment elle l'était envers les distillateurs ageicoles qui, n'ayant pas les mêmes connaissances et ne se trouvant pas dans les mêmes conditions que les autres distillateurs, ne peuvent pas obtenir la même quantité d'alcool. C'est pour ce motif que la déduction a été accordée, et sans cette déduction la position des distilleries agricoles serait tellement défavorable que leur existence serait impossible. (Interruption.)
L’honorable membre dit : « Vous encouragez le mauvais travail. » Mais ici la question industrielle est accessoire, la question agricole est la principale ; il s'agit donc de savoir s'il est utile, oui ou non, d'avoir une grande quantité de petites distilleries, disséminées sur le sol du pays ? Eh bien, depuis 30 ans tous les gouvernements, toutes les législatures qui se sont succédé ont reconnu cetle utilité.
L'honorable M. Julliot a pensé que le trésor était lésé ; il combat les primes, et c'est à ce point de vue qu'il raisonne.
Or, messieurs, ici il n'y a point de prime, puisque les distillateurs agricoles n'obtiennent pas la même quantité d'alcool que les autres distillateurs. C’est à cela que le législateur a eu égard lorsqu'il a accordé la déduction, et il n'y a là ni prime ni protection ; il n'y a là qu'un principe de justice, appliqué aux distilleries agricoles.
(page 1102) M. Deliége, rapporteur. - Messieurs, dans votre séance d'avant-hier MM. Delehaye et Osy se sont plaints amèrement de la mobilité de nos lois fiscales.
L'honorable M. de Breyne, appliquant à une disposition de la loi proposée une phrase du rapport de la section centrale, vous a dit que l'instabilité de nos lois n'inspirait que du mépris pour elles. Il s'est trompé, messieurs, il a appliqué aux primes ce qui ne doit être appliqué qu'à notre système électoral, à nos lois organiques et en général aux lois qui ont un caracère de permanence.
L'honorable M. Loos, appuyant ces orateurs, a ajouté qu'il était à supposer qu'en quatre années les distilleries auraient à subir les effets de 4 lois différentes, qu'il y avait eu une loi sur la prime en 1850, qu'une autre loi générale modifiant la loi de 1842 était intervenue en 1851, que nous en étions à la troisième et que l'amendement de l'honorable M. Delehaye lui faisait supposer que l'industrie des distilleries aurait à subir une quatrième loi dans l'année ou dans les deux ans, au plus tard ; que cela faisait quatre lois en quatre ans. Il vous a demandé pourquoi l'on avait inséré dans l'article premier une disposition quant à la prime, qu'elle n'avait pas été demandée par la chambre, qui s'était bornée à réclamer un projet de loi portant révision des dispositions relatives aux distilleries agricoles et aux octrois communaux, en ce qui touche les eaux-de-vie indigènes, de manière à faire disparaître les abus qui peuvent résulter du régime actuellement en vigueur.
Messieurs, la réponse est très facile. Oa a inséré dans l'article premier une disposition quant à la prime, parce qu'il a été reconnu, par les opérations auxquelles on s'est livré à la demande du gouvernement, qu'il y avait eu erreur dans les deux lois précédentes, la loi de 1850 et la loi de 1851. C'est, messieurs, ce que je vais vous prouver, de manière à ne laisser aucun doute.
Mais, messieurs, il y avait un autre motif encore, c'est que, en trois mois, la même perte qui a eu lieu en 1850 pour le trésor, s'est reproduite et d'une manière plus alarmante encore, puisque, au lieu de 341,000 fr. en un an, on a restitué aux distillateurs une somme de 372,000 fr. en 3 mois.
Il était urgent, en présence de la situation financière, de parer à un pareil inconvénient.
Ainsi trois motifs pour insérer la disposition concernant le taux de la décharge à l'exportation dans la loi que nous faisons. D'abord, c'est une prime : il y a une prime dans le taux actuel de la décharge à l'exportation ; personne ne peut le nier, et le système de primes ne peut certainement être établi en permanence en Belgique ; il est réprouvé par les autres nations, et je ne suppose pas que l'honorable M. Loos lui-même veuille l'établir en permanence en Belgique.
Un second motif : c'est qu'il y a eu erreur, lorsque nous avons fait la loi de 1850, et erreur plus forte encore, lorsque nous avons fait la loi de 1852. Pour vous le démontrer, je dois prouver que le rendement renseigné dans l'article 8 est exact, qu'il esl de sept litres par hectolitre de matières, et ce ne me sera pas bien difficile.
Vous savez comment le gouvernement a agi dans toute cette affaire...
M. Delehaye. - Il a agi avec la plus grande partialité.
M. Deliége, rapporteur. - Il a agi avec la plus grande impartialité.
Car, d'abord je fais remarquer qu'au lieu de faire surveiller les opérations par un distillateur, par un homme, au fait du métier, ayant distillé longtemps, qui a-t-on choisi ? Un habile chimiste, dont la réputation est europèeune, il est vrai, mais qui cependant n'est pas distillateur.
Avec quels grains a-t-on opéré ? Avec du grain de la Champagne dont se servent ordinairement les distillateurs ? Non, on a opère avec du grain du pays.
A-t-on cherché le grain le plus pesant comme les distillateurs le cherchent ordinairement ? Non, on a travaillé avec du grain ayant le poids de 72 kilog. pour les expériences faites en 1851, et le poids de 70 kilog pour les expériences faites en 1852. C'étail le poids moyen des» années 1850 et 1851.
L'on pouvait opérer dans les meilleures distilleries.
Qu'a-t-on fait ? On est allé opérer dans une distillerie où l'on a dû approprier des bacs refroidissoires.
On aurait pu choisir un temps propre ; pas du tout ; il resuite des procès-verbaux des délégués que l'état de l'atmosphère a constamment contrarié les opérations.
On aurait pu choisir une saison favorable ; on a opère en hiver, et on a opéré en été.
On aurait pu travailler dans une seule localité ; on a travaille dans trois localités différentes, à Bruxelles, à Boitsfort et à Hasselt.
L'honorable M. Maertens vous a dit, messieurs, que dès l'instant que les opérations avaient été terminées, la commission avait été en désaccord avec les délégués, que la commission avait élevé des objections.
Mais, messieurs, lorsque vous prenez 9 personnes ayant un intérêt et 9 personnes ayant un intérêt tout à fait opposé, il est évident que ces 18 personnes ne seront pas d'accord ; il est certain qu'elles feront des objections. Mais lorsque ces dix-huit personnes ont choisi des délégués (page 1103) et lorsque ces délégués, étant (erratum, p. 1126) parfaitement d'accord, viennent vous dire que le rendement est de 7 litres, nous pouvons nous en rapporter à leur avis, lorsque, surtout, il n'y a pas de motif de croire qu'ils n'ont pas agi en conscience.
L'honorable M. Delehaye, et ici j'arrive à l'interruption qu'il a faite tout à l'heure, vous a dit qu'on n'avait pas opéré à Gand, qu'on n'avait pas opéré avec les eaux de la Lys et de l'Escaut.
Il est évident que c'est le sucre qui produit l'alcool. Vous savez que la fermentation passe par 4 degrés différents. D'abord la fermentation saccharine ; ensuite la fermentation alcoolique, puis la fermentation acide, et enfin la fermentation putride.
Le second degré de fermentation est la fermentation alcoolique. Serait-il possible que les eaux du Demer à Hasselt, que les eaux de la Senne à Bruxelles et à Boitsfort fussent plus (erratum, page 1126) sucrées que les eaux de la Lys et de l'Escaut ? Cela n'est pas probable.
Le rendement de 7 est avoué par presque tous les distillateurs. Ce n'est pas une invention qui a été faite pour la cause.
Déjà en 1842, l'honorable M. Mercier et l'honorable M. Dumonceau avaient accusé ce chiffre dans cette chambre.
En 1850, l'honorable M. Dautrebande, propriétaire d'une distillerie, nous a dit que le rendement était de 7. Cependant qu'est-il arrivé en 1850 ? Il est arrivé que l'honorable ministre des finances était tellement renseigné par nos distillateurs que lui-même ne croyait pas que le rendement fût de 7.
Qu'a dit cet honorable membre dans la discussion de la loi de 1850 ? il a dit : « Si je suppose un rendement de 5 3/4, j'aurai pour l'impôt 18 fr. 21 c ; si je suppose un rendement de 6, j'aurai pour l'impôt 16 fr. 66 c. La moyenne de ces deux impôts est de 17 fr. 42. »
Tel était, messieurs, le langage de l'honorable M. Frère. C'est ici que l'erreur a été commise, car ajoutant à l'impôt de 17 fr. 42, 4 fr. 58 qui était la prime convenue, nous sommes arrivé au chiffre de 22 fr. que l'on a inséré dans la loi comme taux de la décharge d'exportation, tandis que l'impôt n'était que de 14 fr. 28. Ce n'était donc pas la somme de 17 fr. 42 qu'on devait ajouter à 4 fr. 58, et l'on ne devait pas arriver à 22 fr. On devait ajouter 14 fr. 20 à 4 58 et inscrire dans la loi le chiffre de 18 86 c. Voilà l'erreur qui a été commise.
Ce n'est pas tout : en 1851, à l'insu de la chambre entière, à l'insu du gouvernement la prime a été augmentée : elle a été portée de 7 fr. 72 c. à 9 fr.28 c. Voilà comment les choses ses sont passées.
On a dit : la restitution est de 22 fr. ; on doit en diminuer la prime actuellement existante qui est de fr. 4 58, il reste 17 fr. 42 c. Puisqu'on augmente le droit de 50 p. c, on doit augmenter les 17 fr. 42 c. de 8 fr. 71 c ; cela fait 26 fr. 13 c, plus 4 fr. 58 c. de prime ; on est arrivé ainsi à 30 fr. 70 c.
Or, le droit n'étant pas de 17 fr. 42 c. mais de 14 fr. 28 comme il est aujourd'hui prouvé, on devait ajouter à cette dernière somme 7 fr. 14 et puis la prime de 4 fr. 58, total 26 fr.
De manière que la prime qui était de 7 fr. 72 c, a été portée à 9 fr. 28 c. (14,28 X 7,14/9,28 - 30,70).
Lesdistillateurs ont reçu cette prime indue ; personne ne s'en est plaint dans cette chambre ; nous avons sanctionné cette erreur, parce que nous ne connaissions pas le rendement.
Mais l'honorable M. Loos doit d'abord retrancher des quatre lois qu'il a citées, la loi de 1851, car il est certain que dans cette dernière loi, on n'a rien fait qui pût être préjudiciable aux distillateurs ; au contraire la prime qui était de 7 fr. 72 centiines par hectolitre,a été portée à 9 francs 28 centimes.
Vous voyez qu'en 1851 comme en 1850, il y a eu erreur. A l'une et l'autre de ces épsques, nous n'avons voulu donner qu'une prime de 4 fr. 88 centimes ; et vous avez donné d'abord une prime de 7 fr 72 centimes que vous avez ensuite convertie en une prime de 9 fr. 28.
Voilà ce qui résulte clairement des calculs basés sur un rendement de 7 litres.
Maintenant, messieurs, que l'erreur est parfaitement établie, est-ce que le gouvernement nedsevrait pas chercher à la faire disparaître le plus tôt possible ? L'intention de la chambre avait été manifeste en 1850 et en 1851, par conséquent, il y avait obligation pour le gouvernement, et je crois aussi pour la section centrale, de diminuer la prime ; le seul débat possible est donc entre le chiffre de 26 fr. et le chiffre de 24 fr. entre la prime de 4 fr. 58 c. et celle de 2 fr. 58 c.
Mais, messieurs, vous savez que le système des primes est mauvais, vous savez qu'il consiste à payer une partie de la marchandise que l'on transporte à l'étranger. Vous savez qu'il serait fort facile de donner ainsi beaucoup d'extension à notre navigation, à notre commerce en donnant des primes à tout le monde ; rien ne serait plus facile que de donner à notre navigation une apparence de prospérité qui se changerait bientôt en déception, en ruine pour le trésor public.
Le trésor a besoin de tous ses moyens ; vous avez fait disparaître plusieurs primes ; dernièrement vous avez fait disparaître les primes pour construction de navires ; et antérieurement celles qui étaient accordées pour les fils et tissus de coton. Par conséquent, je crois que nous pouvons, que nous devons réduire cette prime à 2 fr. 58 c, d'autant plus qu'il arrive pour l'industrie des distilleries un fait très beureux, ce fait malheureux pour les contrées vinicoles est la maladie de la vigne ; je crois que cette maladie donnera une certaine impulsion à nos distilleries qui pourront exporter en France et ailleurs, avec la prime de 2 fr. 58 c.
Je volerai donc pour le chiffre de 24 francs proposé par la section centrale.
J'ajouterai que dans les pays voisins, on a aboli les primes pour le genièvre, on les a abolies en Hollande, en Angleterre ; je crois qu'on doit également les abolir en Belgique.
L'honorable M. Loos a demandé que pour l'exportation, on laissât travailler les distilleries en entrepôt ; je supplie M. le ministre d'examiner la question ; d'examiner s'il est possible de laisser travailler en entrepôt ou de laisser aux distillateurs un plus long espace de temps pour la fermentation, sans payer davantage ; s'il est possible de laisser, comme en Hollande, trois jours pour la fermentation afin qu'on puisse produire de la levure.
J'espère que M. le ministre des finances dont nous connaissons la bienveillance et le désir d'être utile au pays, portera toute sa sollicitude sur ce point.
J'en viens à la déduction de 15 p. c. qui est accordée aux distilleries agricoles et qui a été continuée par la section centrale à la majorité de 5 voix contre 2 abstentions.
L'honorable M. Dautrebande voudrait que cette déduction disparût ; il a dit : Vous avez enlevé aux villes les avantages dont elles jouissaient par les règlements sur les octrois, vous devez également faire disparaître cette déduction de 15 p. c.
Cette (erratum, page 1126) déduction, comme on l'a dit dans la discussion, n'a jamais été accordée, à cause des avantages que les règlements sur les octrois offraient aux distilleries. Vous pouvez voir les discussions des différentes lois qui depuis 1822 ont régi la matière, vous vous convaincrez que ce n'est pas en raison des avantages résultant des octrois pour les distillateurs des villes que les 15 p. c. ont été accordés, mais seulement pour que les distilleries agricoles pussent exister.
Vous avez avec raison poussé aux améliorations agricoles, au défrichement, vous avez 375 distilleries agricoles qui sont autant de centres de fertilisation, voudriez-vous les faire disparaître ? Et vous les feriez disparaître en peu de temps, si vous n'accordiez plus les 15 p. c.
Les distilleries agricoles sont dans des conditions mauvaises ; elles sont mal placées pour recevoir les grains qui doivent les alimenter, la plupart du temps elles sont mal placées aussi pour recevoir le combustible nécessaire à leur fabrication et pour le transport de leurs produits. J'en connais plusieurs qui, sous ce rapport, ont le plus grand désavantage.
L'honorable M. Loos m'interrompt et me dit qu'il en connaît aux portes des villes. On pourrait peut être en citer une aux portes de Gand et une aux environs d'Anvers. Mais j'appliquerai ici le principe ; « De minimis non curât Prœtor ».
Ces distilleries agricoles travaillent avec des instruments infiniment moins perfectionnés, elles sont souvent établies dans de mauvais bâtiments, comme l'a dit l'honorable M. de Steenhault ; leurs frais généraux sont plus élevés, car pour les petits établissements les frais généraux sont relativement plus considérables ; votre intention n'est pas, j'en suis certain, d'anéantir 375 distilleries agricoles qui existent dans le pays.
Je crains que ces petites distilleries ne disparaissent. Je crois que le même phénomène qui se remarque en Angleterre apparaîtra en Belgique. En Angleterre 16 grandes distilleries suffisaient en 1842 pour les trois royaumes-unis. Ces grandes distilleries ont un immense avantage sur les petites ; je crains qu'elles ne fassent disparaître nos petites distilleries.
Je crois qu'elles seraient en danger si vous leur retiriez la déduction de 15 p. c.
Je vous supplie donc de vouloir prendre en considération l'état des 375 distilleries agricoles, qu'il est bon de conserver non seulement pour le trésor, mais encore pour l'agricuilure et aussi pour le peuple ; car c'est un bien pour le peuple que ces petits établissements ; ils aident à l'engraissement du bétail. Vous connaissez le prix de la viande. Je crois que nous ne devons pas prendre des mesures qui contribueraient à l'augmenter.
(page 1099) M. Osy. - J'ai eu l'honneur de présenter un amendement ; j'en présenterai, en très peu de mots, le développement.
Lorsque, en 1851, nous nous sommes occupés du projet de loi relatif à l'augmentation des droits sur les distilleries, l'honorable M. Mercier avait posé à M. le ministre des finances la question de savoir si les villes n'accordaient pas aux distilleries urbaines une réduction de droits trop forte et qui fût de nature à nuire aux distilleries extra-muros. C'était la seule question à résoudre lorsque l'honorable M. Frère a présenté ce projet de loi.
L'honorable M. Dautrebande proposa de fixer le rendement à 7, et de fixer à 23 le drawback pour les genièvres sortant du pays. L'honorable M. Frère combattit formellement cette proposition, et l'on adopta le chiffre de 30,70 aujourd'hui en vigueur.
Le gouvernement a fait une enquête industrielle. Mais il n'a nullement fait une enquête commerciale. Aucune chambre de commerce n'a été consultée.
Le gouvernement vous propose de diminuer la décharge de 30-70 à 26, et il se rallie même au chiffre de 24 proposé par la section centrale. Pour moi, je propose la disjonction du dernier paragraphe de l'article premier afin de permettre au gouvernement d'étudier cette question. Si le gouvernement a raison, il pourra admettre la distillerie en entrepôt, comme en Hollande, et il pourra alors accorder aux distillateurs la faculté qu'ils ont de faire l'opération en 72 heures au lieu de 24.
Alors les distilleries auraient beaucoup moins de charges qu'elle n'en ont aujourd'hui. De cette manière, la question sera résolue après examen.
Aujourd'hui, il n'y a que la chambre de commerce d'Anvers qui, craignant qu'une loi en vigueur depuis 15 mois seulement, ne fût modifiée, a dit son opinion dans une pétition qui est déposée sur le bureau. C'est la seule chambre de commerce dont nous connaissions l'opinion. Je demande donc qu'il y ait une enquête commerciale et que l'on étudie la question de la distillerie en entrepôt avec les mêmes avantages qu'en Hollande.
M. le ministre des finances (M. Liedts). - Je suppose que lorsque la discussion sur l'article premier sera close, il faudra mettre aux voix, d'abord les deux premiers paragraphes de l'article premier, puis le dernier paragraphe de l'article 8 qui s'y rattache, et qui est aussi conçu :
« Le rapport entre les contenances soumises à l'impôt et les quantités produites est établi à raison d'un rendement de 7 litres d'eau-de-vie à 50 degrés G. L. à la température de 15 degrés centigrades par hectolitre de ces contenances. »
Le taux de la décharge à 24 ou à 26 fr. est fondé sur ce rendement ; il me semble donc que l'ordre à suivre est celui que je viens d'indiquer. (Adhésion.)
Puisque c'est ainsi entendu je demande à m'expliquer sur l'article premier et sur le dernier paragraphe de l'article 8. (Parlez ! Parlez !)
Pour ce qui concerne le premier paragraphe de l'article premier, j'ai entendu beaucoup discuter sur la déduction de 15 p. c. que la loi accorde aux distilleries agricoles. Mais dans ce premier paragraphe, il n'est nullement question soit de l'augmenter, soit de la diminuer. Le projet de loi maintient le statu quo pour les distilleries agricoles. Aussi longtemps qu'un amendement ne sera pas présenté pour le modifier, je trouve inutile de discuter la question de savoir si elle est trop forle ou trop faible.
Quant à moi, pour justifier le statu quo, j'ai deux motifs péremptoires : le premier, c'est qu'il paraît établi à la dernière évidence que, malgré l'avantage que la loi actuelle fait aux distilleries agricoles, elles restent dans un état stationnaire, aussi bien quant au nombre que quant à la capacité des vaisseaux et à la quantité des matières mises en macération.
La différence depuis 30 ans, aussi bien quant au nombre des distilleries agricoles que quant au nombre d'hectolitres qu'elles mettent en macération est insignifiante. Il y a en plus ou en moins une ou deux distilleries sur 375, et quant aux matières mises en macération elles formaient, en 1843, 21 p. c. de la production totale ; elles sont aujourd'hui de 22 p. c. Vous voyez donc que ces distilleries restent dans un état complètement stationnaire.
Un fait auquel on ne semble pas assez faire attention, c'est que, depuis la loi que vous avez faite, cette industrie ne peut jouir de la déduction de 15 p. c. qu'autant que, comme maximum de sa production elle limite sa macération, par 24 heures, à 20 hectolitres. N'y eût-il dans la loi que cette limitation de travail, que ce maximum mis à sa production, la justification serait complète de la déduction de 15 p. c.
Permettez-moi un exemple : n'est-il pas évident que si (ce que d'ailleurs je ne m'expliquerais pas) il y avait deux catégories de boulangers, l'une de boulangers ne cuisant que dix pains par jour, l'autre de boulangers dont les travaux seraient sans limites, ceux qui ne feraient que dix pains ne pourraient les faire au même prix que ceux qui en produiraient indéfiniment ! Cette comparaison ne manque pas de justesse ; car il y a des distilleries qui produisent par jour dix et vingt fois autant que les distilleries agricoles. Celles-ci pourraient-elles vendre au même prix ? C'est malheureusement impossible.
N'y eût-il, je le répète, que ce motif à donner (et il y en a d'autres), la déduction des 15 p. c. serait complètement justifiée.
Mais, je dois le redire, aussi longtemps qu'un amendement ne sera pas déposé, ce serait perdre du temps que d'examiner s'il y a lieu d'augmenter ou de diminuer cette déduction.
Je viens au rendement, c'est-à-dire au produit maximum que la loi suppose pouvoir être extrait par un distillateur d'un hectolitre de matières macérées.
N'oublions pas dans cette discussion quel était le but qu'il s'agissait d'atteindre par les expériences auxquelles le gouvernement s'est livré pour connaître le rendement d'un hectolitre de matières macérées.
S'agissait-il d'arriver à une aggravation d'impôt ? Nullement. On voulait savoir si, comme on l'avait toujours soutenu dans cette enceinte, il y avait abus dans l'assiette de l'impôt des villes sur les genièvres, au détriment des distilleries extra muros.
C'était le seul problème à résoudre, le seul qui préoccupât le chef de l'administration d'alors. L'administration était à cette époque si loin de penser que l'on arrivait à un rendement de 7 litres par hectoitre de matières macérées, que, de bonne foi, il soutenait que le rendement n'était que 5,75 et c'est sous son administration que les opérations ont été en grande partie poursuivies.
Je dis donc, messieurs, que cela seul est une raison d'impartialité et qu'on a le plus grand tort de soupçonner que l'administration, en faisant ces expériences, avait l'intention préconçue d'arriver à une amélioration pour l'impôt.
Messieurs, jusqu'en 1850 tout le monde était dans le doute sur cette question. On en était réduit aux conjectures. Vous adressiez-vous à un distillateur dans l'intérieur d'une ville, il vous disait que le maximum du rendement était de 5 4/8, de 5 3/4 tout au plus. Vous adressiez-vous à un distillateur agricole ou même à un distillateur non agricole, mais (page 1100) extra-muros dos grandes villes, il vous soutenait que le rendement était au moins de 8 ; et les deux faits ont été soutenus dans une autre enceinte que celle-ci ; ils l'ont été par un honorable sénateur, de bonne foi, j'en suis convaincu, car il parlait sans doute d'après les rapports qu'il avait reçus des distillateurs, mais à une année au plus d'intervalle.
Eh bien ! messieurs, en présence de ces doutes, le gouvernement a voulu connaître la vérité. Il a nommé une commission aussi impartialement composée qu'il était possible de distillateurs mi-partie intra muros, mi-partie extra muros. Un chimiste distingué a élaboré un programme et ce programme fut adopté plutôt par abstention que par vote, parce que la plupart de ces messieurs étaient des hommes d'expérience et non des hommes de science qui déclaraient que quant au programme scientifique, ils n'y entendaient rien. Mais si ces messieurs ne connaissaient qu'imparfaitement la théorie, ils avaient pour eux la pratique qui vaut parfois mieux que la science.
On se mit à l'œuvre et l'on se rendit dans une distillerie de Boitsfort. Les distillateurs présents à l'opération, tous sincèrement animés du désir d'arriver à la solution du problème qui peut-être pour eux n'en était pas un, laissèrent suivre la méthode indiquée dans le programme, et au bout de quelques jours, comme l'atteste le procès-verbal traduit en chiffres et imprimé à la suite du projet, on reconnut que l'on n'arriverait pas à un résultat pratique.
Le distillateur propriétaire de l'établissement s'offrit de continuer l'œuvre, et de travailler pratiquement comme il avait l'habitude de le faire, en employant toutefois les charges de 10, 11, 12, 153et 14 kil. de farine par hectolitre de contenance des cuves. Dès ce moment l'administration se borna, aussi bien que M. le chimiste, à surveiller l'opération de commun accord avec la commission des distillateurs, et ce furent les hommes de l'usine qui travaillèrent comme si c'était pour leur propre compte.
La même chose a eu lieu dans les autres distilleries. A Hasselt on fit plus. Lorsqu'on arriva sur les lieux, la distillerie était en exploitation. On demanda au propriétaire la permission de coopére à cette exploitation qu'il avait faite pour lui et de céder les huit jours de travail qui allaient suivre, à l'administration. Il y consentit et ce furent ces huit jours, avec toutes les matières préparées pour sa propre exploitation, qui servirent de base à l'opération et au rendement.
Chaque jour, l'administration interrogea tous les membres de la commission, leur demanda s'ils avaient quelques objections à faire contre la régularité des opérations. Toujours réponse négative. Tout était convenable, tous était bien.
Mais lorsque l'opération fut finie, et qu'il fut constant, clair comme le jour, que le rendement était de 7,26, alors commencèrent, de la part de ceux qui apercevraient les conséquences d'un chiffre aussi élevé, quelques objections.
Ces objections, messieurs, se trouvent répétées dans une pétition dont quelques membres se sont constitués l'organe. On disait : Mais vous avez eu un chimiste distingué, que nous n'avons pas dans nos usines ; je viens de vous faire voir quelle part ce chimiste, dont le savoir mérite certainement les plus grands éloges, a pu réellement prendre à la partie pratique de ces opérations.
On disait que de nombreux employés de l'administration avaient exercé une surveillance permanente et assidue pour arriver à un grand rendement. Erreur complète ! Ils se sont bornés à prendre note, heure par heure, de toutes les opérations, et à les consigner dans le tableau que vous avez imprimé sous les yeux ; et ces notes, ces démarches, loin de faciliter les opérations et d'augmenter le rendement, pourraient bien avoir contribué à le diminuer.
Les matières étaient, dit-on, de toute première qualité. Aujourd'hui on n'ose plus revenir sur cet argument, car il est constant qu'on n'a pas employé de grains étrangers, qui, d'après le dire de beaucoup de distillateurs, fournissent plus d'alcool que les nôtres ; c'étaient des grains du pays.
On disait que les opérations n'avaient rencontré ni chaleur excessive, ni froid rigoureux. Or, le hasard a voulu que jamais chaleur aussi grande et aussi durable ne se soit présentée que pendant les opérations, et il n'y a pas un praticien qui ne sache que rien n'est plus nuisible à la production de l'alcool que l'excès de chaleur de l'atmosphère.
Messieurs, j'ai eu la visite d'une infinité de distillateurs, et, je dois le dire, je n'en ai pas rencontré qui aient osé contester en ma présence le chiffre de 7. J'en ai cependant trouvé deux, et c'étaient des hommes de bonne foi, dont l'un prétendait qu'il avait plus et l'autre prétendait qu'il avait moins, et ils avaient tous deux raison ; voici comment.
A celui qui avait plus.je demandai quel était le degré de force de son genièvre. Or, tout calcul fait, c'était du genièvre à 47°, tandis que le calcul de la loi était à 50° Gay-Lussac, et, en reduisant ce chiffre de 47 à 50°, on arrivait au chiffre de 7 et une fraction. Ainsi, au lieu de 8, il n'avait réellement que 7 et une fraction.
Celui qui avait moins disait que c'était du genièvre ordinaire à la preuve de 16° des Pays-Bas. Or, il ne savait pas que 16° des Pays-Bas répondent à 52% Gay-Lussac, et que, en réduisant ce chiffre de 52° au chiffre de 50°, son rendement de 6 3/4 s'élevait à 7 litres.
En dehors de ces deux distillateurs, je n'en ai pas rencontré un seul qui vînt soutenir qu'il obtenait moins de 7. Je vais plus loin ; je dirai que celui qui n'obtient pas 7, à l'heure qu'il est, est un homme qui se ruine ; et si je devais faire connaître toute ma pensée, je crois que nous sommes en dessous de la vérité.
M. Liebig, qui certes est un homme qui s'y connaît, porte le rendement à 7.50. Mais je ne veux pas suivre ses calculs. Et pourquoi ? Parce que dans notre pays, d'après nos lois existantes, l'opération doit se terminer en 24 heures et que l'on peut soutenir avec quelque raison, d'après l'affirmation d'hommes très entendus, qu'il y a une perte de 3 p. c. par cette limitation du travail à 24 heures.
Maintenant, messieurs, le résultat obtenu, impartialement, loyalement, en présence de tous ceux qui sont intéressés dans la question, a donc été de 7 litres 26 centilitres.
On a fait au gouvernement la remarque que de temps en temps, il fallait employer de l'eau et que les jours ou l'on ne pouvait pas employer de !a vinasse et où il fallait faire l'opération avec de l'eau, le produit était moindre.
Le gouvernement a tenu compte de cette observation et il a réduit le rendement à 7 fr. 21 c. Voilà le vrai chiffre. Puis, pour soumettre à la chambre un chiffre transactionnel, nous sommes descendus à 7, en négligeant la fraction de 21 centimes.
Un honorable député de Gand disait hier, avec beaucoup de bonne foi j'en suis convaincu, que ces opérations devaient bien ne pas être si irréprochables puisque quelques distillateurs les avaient critiquées dès l'abord ; en effet, messieurs, et je crois l'avoir déjà fait remarquer, il y a des distillateurs qui trouvaient que le rendement de 7 était trop élevé, mais d'autres, également membres de la commission, disaient qu'il l'était trop peu.
Le gouvernement, arbitre impartial, n'a voulu ni de 6 3/4, ni de 6 1/2, ni de 7 1/2, il a voulu la vérité ; le rendement de 7 litres, soyez-en bien convaincus, c'est le rendement minimum.
J'arrive, messieurs, au taux de la décharge.
Lorsque vous avez fait la loi de 1851 vous avez cru et le gouvernement le croyait avec vous, que le rendement réel n'était que de 5 litres 75 et partant de cette base, vous avez tenu ce raisonnement : si antérieurement à la loi que nous faisons, on a accordé aux exportateurs une prime de fr. 4 58 nous voulons leur conserver cet avantage et, puisque le rendement est de 5 75 nous fixons proportionnellement le taux de la décharge à 30 fr. 70.
Mais aujourd'hui, messieurs, il est démontré que le rendement réel est de 7 ; la prime que comprend la décharge n'est donc pas de fr. 4 58 comme vous l'avez cru, comme le ministre, à cette époque, le croyait lui-même, mais il est évident que la prime est par hectolitre de fr. 9-26.
Messieurs, si cette erreur commise par tout le monde n'avait aucune conséquence pour le trésor, je ne sais pourquoi l'on viendrait la relever aujourd'hui ; mais malheureusement il n'en est pas ainsi : depuis le mois d'octobre dernier et avant même que l'on eût terminé les expériences, que l'on eût pu prévenir les dispositions de la loi future, l'exportation a pris un tel accroissement, que si elle continue, la prime à payer enlèvera certainement au trésor, au minimum 500 à 000 mille francs par an ; c'est ainsi qu'avant même que le projet de loi fût rédigé, c'est à-dire du 1er octobre 1852 au 31 janvier dernier, soit pendant 4 mois, il a été exporté 7,582 hectolitres donnant lieu à une décharge de 232,767 fr.
Messieurs, je dois ici répéter ce que j'ai eu l'honneur de vous dire hier. En 1850 vous avez abaissé la prime de 28 fr. à 22 fr. Quelle a été l'unique cause de la loi que vous avez portée à cette époque ? C'est la décharge énorme que, pendant l'année précédente vous aviez été obligés d'accorder. Cette décharge, pour 1849 est élevée à 341,000 fr. Eh bien, je le répète, le trimestre qui vient de s'écouler dépisse déjà tout ce que l'on avait accordé en décharge pendant toute l'année 1849. De telle sorte que si l'on va progressivement ainsi, ce sera peut-être un million qu'emportera la décharge à l'exportation.
On a donc tort, messieurs, de faire au gouvernement un reproche d'avoir introduit cet article dans la loi, car il y a ici deux faits nouveaux qui lui en ont fait une obligation : le premier, c'est la connaissance exacte du rendement, et le second, c'est cette exportation démesurée qui s'annonce.
Si on réduit le drawback, a-t-on dit, on nuira à l'agriculture. Messieurs, cet argument aurait eu autrefois une bien plus grande valeur qu'aujourd'hui. Il est bien constant aujourd'hui que le pays ne produit plus, année moyenne, les grains nécessaires à la consommation. Les distilleries emploient généralement de l'orge et du seigle étrangers. Vient en deuxième lieu, je le sais, l'engraissement du bétail.
Eh bien, messieurs, en supposant que l'alcool tiré de la mélasse n'entre dans l'exportation que pour une faible partie ; en supposant, en d'autres termes, que tout le résidu provenant des distilleries qui travaillent pour l'exportation peut être consommé par le bétail (car vous savez probablement que le résidu provenant de la mélasse ne peut servir à sa nourriture) en supposant, dis-je, que tout le résidu des distilleries travaillant pour l'exportation, provînt de grains, ce serait donc bien peu de chose pour notre agriculture.
Pour vous en donner une idée, il me suffit de vous dire que l'exportation moyenne, depuis dix ans, a été de 4,000 hectolitres, et que le pays seul en consomme 280,000 hectolitres.
Je demande, alors que le bétail a le résidu provenant de ces 280,000 hectolitres, ce que peut faire le résidu de 2,000 ou 3,000 hectolitres en moins. L'agriculture y est donc fort peu intéressée.
Ce qu'on paye en prime n'est pas une perte, dit-on ; vous le recevez à votre douane.
C'est encore une erreur ; d'après le calcul que j'ai fait, quand le trésor (page 1101) aurait payé 500,000 fr. en primes, il aurait, en supposant que tout le grain employé vînt de l'étranger et par le chemin de fer, reçu à la douane 100,000 fr. : cela ferait pour le trésor une perte sèche de 400.000 fr.
Messieurs, l'on cherche surtout à faire croire que si nous diminuons la prime, il ne se fera plus d'exportations.
D'abord, cet argument, parce qu'il prouve trop ne prouve rien. Car s'il est vrai pour le genièvre, il devrait être vrai pour tous les produits du pays ; prenez, par exemple, les meubles en acajou ; si nous n'en exportons pas plus, c'est qu'il n'y a pas de prime ; s'il y avait une prime, il est probable que vous lutteriez avantageusement avec toutes les nations du monde. (Interruption.)
Je dis que les tableaux prouvent à l'évidence que l'exportation n'est pas en raison de la prime.
Ainsi, jusqu'en 1841, la prime a été de fr. 6 21 par hectolitre, et avec cette prime on a exporté, pendant certaines années, 1,200 hectolitres. Arrive une prime de 9 fr. 7 c. l'exportation diminue. La prime est portée à 13 fr. 71 c et l'exportation ne grandit pas ou ne grandit que de fort peu de chose.
La prime reste pendant 8 ans à 13 fr. 71 c, et vous vous attendez sans doute à une progression ascendante, d'année en année, dans le chiffre des exportations ; pas du tout : l'exportation fait des sauts incroyables ; vous voyez se succéder les chiffres de 1,100, 1,900, 4,00, 2,900, etc. Que résulte-t-il de là ? C'est que l'exportation ne dépend pas de la prime.
En 1851, la prime tombe à fr. 7-71. Vous croyez que l'exportation va s'en ressentir ; au contraire, elle s'élève à 4,641 hectolitres.
Ainsi, l'exportation des spiritueux dépend moins de la quotité de la prime que de circonstances que le commerce seul est en état d'apprécier.
Le grand mal, c'est qu'après avoir joui de la prime, certains industriels viennent faire concurrence aux distillateurs des parties du pays où l'on n'exporte pas.
Chose singulière : c'est parce que le genièvre est soumis à un impôt au profit de l'Etat que nous payons une prime.
Je suis convaincu d'une chose : c'est que si le droit d'accise n'eût pas existé, c'est que si tout le monde eût pu fabriquer du genièvre, on n'aurait pas songé à demander une prime.
La prime n'est, après tout, dit-on, qu'une indemnité pour compenser la différence qui existe entre notre législation et celle de la Hollande.
On charge là le législateur de 1833 d'une grande responsabilité. Il a cru faire chose agréable à tout le monde, en faisant disparaître une loi tracassière, vexatoire, inquisitoriale, et aujourd'hui vous lui imputez à faute de l'avoir fait disparaître ; c'est parce qu'il l'a fait disparaître, que vous exigez des primes.
L'honorable M. Rodenbach me fait un signe négatif ; miis c'est cependant au fond de son argumentation. Il est évident que si la loi de 1822, qui régit la Hollande était rétablie ici, vous ne conserveriez plus de primes, à moins d'être inconséquents avec vous-mêmes. (Interruption.)
Avec la loi de 1822, on ferait de la levure, me dit-on. Mais nous avons vécu pendant 8 ans sous cette législation, et je ne pense pas que les distilleries aient produit de la levure ; elles n'en produiraient pas davantage, si demain la loi de 1822 était rétablie. (Interruption.)
Il en est du genièvre comme de la bière. Parce qu'un novateur trouvera un avantage à modifier la fabrication de la bière, le brasseur de telle ou telle localité ne changera pas pour cela sa méthode.
D'ailleurs, messieurs, si je ne n'avais qu'à consulter les intérêts du trésor, j'applaudirais fort à cette idée.
La Hollande avec la loi de 1822, fait produire au genièvre le double de ce que nous en obtenons. Et à cette occasion qu'on me permette de faire remarquer à l'honorable membre qui m'a interrompn combien il a été maladroit en partant de la fiscalité de notre loi. Il n'est pas de pays en Europe où le genièvre soit moins imposé que chez nous.
En Hollande, comme je l'ai déjà dit, il produit le double ; en Angleterre, il paye quatre fois autant. (Interruption de M. Delehaye.) Vous avez dit, que pour voir jusqu'à quel point on pouvait saigner l'industrie, on avait fait des expériences.
Maintenant il a été fait une proposition qui mérite d'être examinée. Il s'agit de savoir si l'on peut permettre aux distillateurs, travaillant uniquement pour l'exportation, de travailler en entrepôt. C'est une question très sérieuse que je me promets d'étudier attentivement.
Certainement si cela est possible, je ne demanderai pas mieux que de voir les distillateurs de n'importe quelle localité travailler des grains pour l'exportation. Mais je dois le dire, si cela est possible, ce ne sera qu’avec une législation au moins aussi préventive, pour ne pas employer un autre mot, que la loi de 1822. Il faut qu’il y ait ue garantie complète que l’alcool, ainsi produit, ne pourra pas se répendre dans le pays et passera en totalité à l’étranger. Ce n’est pas là une question qu’on puisse résoudre à l’improviste, mais je m’engage à l’examiner avec attention.
Pour me résumer, je dirai que je regrette de ne pas pouvoir me rallier à la proposition de M. Osy. Si je venais demander de compléter le déficit au moyen de centimes additionnels ou d'une loi spéciale, à concurrence de 600 ou 700 mille francs, je crois qu'on me saurait fort mauvais gré de n'avoir pas fait connaître à temps que c'étaient les distilleries travaillant pour l'exportation qui avaient fait cette brèche au trésor.
- Un grand nombrede membres. - La clôture ! la clôture !
M. Prévinaire. - Il s'est produit dans cette discussion un fait assez grave qui n'a pas été expliqué, c'est pour qu'il le soit que je m'oppose à la clôture. Le projet portait le taux de la décharge à 26 fr., la section centrale a proposé de le réduire à 24 fr. M. le ministre s'est rallié à cette proposition sans indiquer les motifs pour lesquels il avait adopté cette opinion qui est contraire à celle qu'il avait déposée dans le projet de loi. Je désirerais qu'il les fît connaître.
M. Loos (contre la clôture). - La chambre n'est pas dans l'habitude de clore une discussion après un ministre ; il est d'usage d'entendre encore au moins un orateur ; pour ma part, je désirerais entretenir la chambre pour reproduire un argument auquel il n'a été répondu par personne.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
M. le président. - Je vais mettre aux voix d'abord le premier paragraphe de l'article premier, moins les mots : « et le dernier alinéa de l'article premier de la loi du 20 décembre 1851. »
Viendrait ensuite le deuxième paragraphe de l'article premier, puis la proposition de disjonction faite par M. Osy.
En cas de rejet de cette proposition, je mettrai aux voix le dernier paragraphe de l'article 8, et enfin le dernier paragraphe de l'article premier avec les amendements qui s'y rapportent.
« Art. 1er, § 1er. Le paragraphe 3 de l'article 5 de la loi du 27 juin 1852 (ceci réservé et le dernier alinéa de l'article premier de la loi du 20 décembre 1851) sont abrogés et remplacés par les dispositions suivantes :
- Adopté.
« §2. Les distillateurs intéressés soit directement, soit indirectement dans l'exploitation ou dans la propriété de plusieurs distilleries, n'ont pas droit à la déduction de 15 p. c. si ces établissements saut éloignés de moins de 5 kilomètres l'un de l'autre. »
- Adopté.
La disjonction du troisième paragraphe (taux de la décharge) proposée par M. Osy est mise aux voix ; elle n'est pas adoptée.
« Dernier paragraphe de l'article 8 : Le rapport entre les contenances soumises à l'impôt et les quantités produites est établi à raison d'un rendement de 7 litres d'eau-de-vie, à 50 degrés G. L. à la température de 15 degrés centigrades par hectolitre de ces contenances. »
- Adopté.
M. le président. - Nous passons au dernier paragraphe de l'article premier qui fixe le taux de la décharge.
Trois chiffres sont proposés :
Celui de 30 fr. 70 c, par M. Rodenbach ;
Celui de 24 fr. par la section centrale (le gouvernement s'est rallié à ce chiffre) ;
Celui de 23 fr., par MM. Allard et Mascart.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je demande la parole sur la position de la question. D'après les antécédents, il conviendrait de commencer par le chiffre le plus élevé, 30 fr. 70 c, proposé par M. Rodenbach ; mais comme cette proposition est le statu quo, il n'y a pas lieu de la mettre aux voix, car il sera maintenu si les deux autres chiffres sont rejeté :.
M. Loos. - Ce que propose M. le ministre me paraît assez rationnel, mais c'est contraire aux usages de la chambre ; toujours on met d'abord aux voix les chiffres les plus élevés, nous ne devons pas nous occuper du mode de voter qui peut être plus ou moins favorable à telle ou telle opinion, ce sont les règlements de la chambre qui doivent prévaloir.
M. Delehaye. - Je ne puis mî rallier à cette observation. Vous êtes appelés à modifier une loi. Toutes les dispositions que vous ne modifierez pas seront maintenues. Je pense donc qu'il faut commencer par mettre aux voix le chiffre de 26 francs. S'il est rejeté, on votera sur le chilfre de 24. Si tous les chiffres proposés sont rejetés, le chiffre de la loi actuelle (30.70) sera maintenu.
M. Vilain XIIII. - Il me semble que, dans cette occasion, la chambre doit faire l'inverse de ce qu'elle fait ordinairement ; c'est-a-dire qu'elle doit commencer par le chiffre le moins élevé. Sinon, beaucoup de membres seront embarrassés. Ainsi, je veux voter pour le chiffre le plus faible. Qu'on mette aux voix le chiffre de 26, je me lèverai contre avec les membres qui veulent le statu quo, c'est-à-dire le chiffre de 30.70. Si nous ne commençons pas par le chiffre le plus faible, toutes les opinions ne pourront se faire jour.
M. de Haerne. - C'est très juste !
M. Loos. - Il en est de même pour ceux qui désirent le chiffre le plus élevé : si vous commencez par le chiffre le plus faible, et qu'il soit rejeté, je devrai voter contre le chiffre de 26, quoique je le préfère au chiffre de 24. Je n'aurai donc pas toute ma liberté.
M. le président. - Je crois aussi qu'il faut commencer par le chiffre le plus élevé, celui de 30 fr. 70 c, parce que ceux qui veulent ce chiffre voudront aussi, s'il est rejeté, les chiffres qui viennent après ; pour ces membres, si vous commencez par le chiffre le plus faible, la liberté du vote ne sera pas entière.
M. Vilain XIIII. - Je vous demanderai, M. le président, la permission de répondre à votre argumentation. Si l'on met aux voix le chiffre le plus bas, ceux qui désirent le maintien du statu quo voteront contre. Le chiffre 23 étant rejeté, on mettra aux voix le chiffre 24. lls voteront également contre. Plus on rejettera de chiffres, plus on arrivera vers le statu quo. On votera contre tous les chifires jusqu'à ce qu'on (page 1102) arrive à 30-70, tandis que si l'on mettait aux voix le chiffre de 30-70, on obligerait tous ceux qui veulent un chiffre plus bas à voter contre.
M. le président. - C'est justement ce qu'ils doivent faire dans l'intérêt de leur opinion.
M. Verhaegen. - Je crois que nous devons suivre la marche indiquée par M. le président : l'usage de la chambre est de commencer toujours par le chiffre le plus élevé, et l'inconvénient signalé par l'honorable M. Vilain XIIII n'existe pas, car ceux qui veulent le chiffre le plus faible voteront successivement contre tous les autres. On mettra aux voix 30, 70, ils voteront contre ; 26, ils voteront contre, et on arrivera à 24, puis à 23.
M. Mercier. - Je ferai observer à la chambre, que si tous les chiffres étaient successivement rejetés le chiffre de 30.70 serait maintenu, parce qu'il est dans la loi. Je pense donc qu'il faut commencer par le chiffre le plus faible.
M. de Theux. - Je comprends très bien, messieurs, que lorsque le gouvernement demande une allocation et qu'il y a des amendements, on commence par le chiffre le plus élevé parce qu'alors le terrain est tout à fait déblayé ; il n'y a rien, il s'agit d'établir quelque chose. Ici au contraire, il y a une loi qui existe et cette loi doit êlre abolie si l'un des amendements est adopté. Il ne faut donc pas mettre aux voix l'existence de la loi mais il faut mettre aux voix les amendements à la loi. Or c'est le chiffre le plus bas qui s'éloigne le plus de la loi existante et qui, par conséquent, doit être mis aux voix le premier.
M. de Steenhault. - Je crois qu'il faut commencer par le chiffre de 26 francs et laisser le chiffre de la loi actuelle complètement à l'écart.
M. le président. - Il n'y a que deux systèmes possibles, il faut commencer par le chiffre le plus élevé ou par le plus bas, par 30 fr. 70 ou par 23.
- La chambre, consultée, décide qu'elle votera d'abord sur le chiffre le plus bas.
Le chiffre de 23 fr., proposé par MM. Dautrebande et Mascart, est mis aux voix par appel nominal.
81 membres prennent part au vote.
52 votent contre le chiffre.
29 votent pour.
En conséquence, le chiffre de 23 fr. n'est pas adopté.
Ont voté l'adoption : MM. Orban, Pierre, Pirmez, Thienpont, Tremouroux, Vander Donckt, Vilain XIIII, Ansiau, Boulez, Brixhe, Cans, Closset, Dautrebande, David, de Baillet-Lalour, de Brouwer de Hogendorp, de Mérode-Westerloo, de Pitteurs, Dequesne, de Ruddere, de Sécus, de Wouters, d'Hoffschmidt, Jacques, Julliot, Lebeau, Lejeune, Lesoinne et Mascart.
Ont voté le rejet : MM. Moreau, Osy, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Adolphe Roussel, Ch. Rousselle, Thiéfry, Vanden Branden de Reeth, Alp. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Van Grootven, Van Overloop, Van Remoortere, Verhaegen, Vermeire, Veydt, Visart, Allard, Anspach, Hyacinthe de Baillet, de Breyne, de Bronckaert, Dechamps, de Chimay, de Decker, de Haerne, de La Coste, Delehaye, de Liedekerke, Deliége, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Portemont, de Royer, Desmaisières, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, Dumon, Dumortier, Faignart, Jouret, Landeloos, Lange, Le Hon, Loos, Maertens, Malou, Mercier et Delfosse.
Il est procédé au vote, par appel nominal, sur le chiffre de 24 fr. proposé par la section centrale et auquel se rallie le gouvernement.
En voici le résultat :
81 membres ont pris part au vote.
54 ont voté l'adoption.
27 ont voté le rejet.
En conséquence, le chiffre de 24 fr. est adopté.
Ont voté l'adoption : MM. Moreau, Orban, Pierre, Pirmez, Ch. Rousselle, Thienpont, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vander Donckt, Vilain XIIII, Visart, Allard, Ansiau, Anspach, Boulez, Cans, Closset, Dautrebande, David, de Baillet-Latour. de Brouwer de Hogendorp, de Chimay, de Haerne, de La Coste, de Liedekerke, Deliége, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Naeyer, de Perceval, de Pitteurs, de Portemont, Dequesne, de Royer, de Ruddere, de Sécus, Desmaisières, de Theux, de Wouters, d'Hoffschmidt, Dumon, Dumortier, Jacques, Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Mascart, Mercier et Delfosse.
Ont voté le rejet : MM. Osy, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Ad. Roussel, Thiéfry, Alphonse Vandenpeereboom, Ernest Vandenpeereboom, Van Grootven, Van Overloop, Van Remoortere, Verhaegen, Vermeire, Veydt, Brixhe, Hyacinthe de Baillet, de Breyne, de Bronckaert, Dechamps, de Decker, Delehaye, de Steenhault, de T'SercIaes, Faignart, Loos, Maertens et Malou.
La chambre adopte ensuite la rétablissement dans le premier paragraphede l'article premier des mots : «. et le dernier alinéa de l'article premier de la loi du 20 décembre 1851. »
L'article premier est adopté dans son ensemble.
- La séance est levée à 5 heures.