(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)
(Présidence de M. Delfosse.)
(page 635) M. Dumon procède à l'appel nominal à une heure et un quart.
La séance est ouverte.
M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Dumon présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la chambre.
« Des électeurs à Cortemarcq demandent que les élections aux chambres puissent se faire dans la commune, que les districts électoraux soient composés de 40,000 âmes, ayant chacun à nommer un représentant, et que le nombre des électeurs d'une commune soit fixé d'après le chiffre de sa population et pris parmi les plus imposés. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des électeurs à Meyghem demandent que les élections aux chambres puissent se faire au chef-lieu du canton et que le cens électoral pour les villes soit augmenté. »
- Même renvoi.
« Des électeurs à Barvaux-Condroz demandent que les élections aux chambres puissent se faire au chef-lieu du canton. »
« Même demande des électeurs à Wespelaer et à Laroche. »
- Même renvoi.
« Le sieur Vermark présente des observations relatives à la loi sur la milice, et demande que son fils soit exempté du service militaire. »
- Même renvoi.
« Plusieurs habitants du canton de Westerloo prient la chambre de rejeter le projet de loi relatif à la concession d'un chemin de fer de Lierre à Turnhout, à moins que la ligne à concéder ne passe par Steyem, Tongerloo, Gheel et Casterlé. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi.
« Les distillateurs d'Eeeloo et d'Evergem demandent que les distilleries urbaines et les distilleries agricoles soient placées dans des conditions égales. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi.
« Les huissiers près le tribunal de première instance de Turnhout demandent l'établissement d'une caisse des pensions, en faveur des huissiers, la diminution du nombre des huissiers, la substitution d'une indemnité annuelle et fixe au salaire éventuel qu'ils reçoivent pour les exploits en matière de police et pour le service des audiences, et l'autorisation d'instrumenter dans les matières du ressort de la justice de paix. »
- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
« Les membres des conseils communaux de Meerlebeke et de Neyghem demandent l'achèvement de la route pavée entre Ninove et Hal, et réclament l'mterven'ion de la chambre pour que le gouvernement fasse étudier le tracé de cette route par Neyghem et Meerlebeke. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Delesalle réclame l'intervention de la chambre pour obtenir le remboursement du coût de la patente de marchand déballant, qu'on l'a obligé à prendre pendant son séjour à Binche. »
- Même renvoi.
M. Roussel, au nom de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de révision des deux premiers livres du Code pénal, dépose le rapport sur ce projet amendé par le sénat et sur les amendements qui y ont été présentés dans la chambre.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution du rapport, et sur la proposition de M. le rapporteur fixe la discussion au jeudi 24 de «e mois après la nomination du greffier de la cour des comptes.
M. de Man d'Attenrode. - J'ai l'honneur de faire à la chambre la proposition de loi suivante.
Cette proposition de loi tend à déterminer le produit net, qui sert de base à la redevance proportionnelle des mines.
(Le texte de cette proposition de loi n’est pas repris dans la présente version numérisée.)
(page 636) M. le président. - Quand la chambre veut-elle entendre les développements de cette proposition ?
M. de Man d'Attenrode. - Je suis à la disposition de la chambre ; mais il me semble qu'il conviendrait de ne pas interrompre la discussion du budget des travaux publics.
Je propose donc de fixer les développements de ma proposition immédiatement après la discussion du budget.
- Cette proposition est adoptée.
« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Traitement des fonctionnaires, employés et gens de service.
« Charge ordinaire : fr. 503,610. »
« Charge extraordinaire : fr. 23,000. »
M. Osy. - Après la déclaration faite par le gouvernement qu'il nommera une commission pour l'examen de tout ce qui concerne le chemin de fer, je n'aurai pas de proposiiton à faire dans la discussion du budget. Mais je prendrai la confiance de faire quelques observations
A l'article 2. le gouvernement demande une somme de plus de 500,000 fr. pour les frais de l’administration centrale. A cette administration se trouvent 146 employés. D’après la note remise à la section centrale, sur ces 146 employés, il s’en trouve 45 rien que pour vérifier la comptabilité du chemin de fer, indépendamment de huit employés (qui ne sont pas compris dans ces 146) chargés de vérifier la comptabilité des postes.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Ceci est antérieur à mon entrée aux affaires.
M. Osy. - Je prie M. le ministre des travaux publics d'être persuadé que ce que je dis n'est pas dirigé contre l'administration actuelle. Si cela a existe, j'espère que cela n'existera plus à l'avenir.
Je dis donc, messieurs, que sur 146 employés qui se trouvent aujourd'hui à l'administration centrale, il y en a 45 pour la seule vérification de la comptabilité du chemin de fer.
Messieurs, à la cour des comptes il n'y a que 36 employés pour vérifier toute la comptabilité de l'Etat, et celle de toutes les provinces. Je vous demande si en présence de ce fait, nous ne devons pas être frappés de ce nombre considérable de fonctionnaires employés pour le chemin de fer.
Je veux croire que ces employés sont tous occupés ; mais je suis persuadé que, s'il a fallu en créer un aussi grand nombre, c'est que la comptabilité du chemin de fer est beaucoup trop compliquée. Je crois qu'il faut la simplifier ; je crois qu'il faut qu'elle soit tenue commercialement, et alors», non seulement nous ferons une économie sur ces 45 employés, mais nous serons certains que la comptabilité étant beaucoup plus simple, elle sera plus claire, et la vérification pourra s'en faire plus facilement qu'aujourd'hui. Car je vous rappellerai que, pendant la discussion générale, j'ai dû faire observer que, pour nous rendre compte seulement des résultats du tarif des voyageurs, il a fallu plus de huit mois pour qu’on annonçât qu’on allait s’en occuper.
Or, je crois qu'il ne faut pas huit mois pour rendre compte d'une exploitation de 18 mois. Je suis persuadé que si la comptabilité était tenue comme se tient une comptabilité commerciale ou industrielle, on aurait pu nous faire ce rapport en huit jours.
J'engage M. le ministre des travaux publics à soumettre également cette question de comptabilité à la commission qu'il créera : il est nécessaire, je le répète, qu'on y introduise la simplicité et la clarté.
- L'article est adopté.
« Art. 3. Frais de route et de séjour du ministre, des fonctionnaires et des employés de l'administration centrale : fr. 27,600. »
- Adopté.
« Art. 4. Salaire des hommes de peine, des ouvriers, etc. : fr. 24,400. »
- Adopté.
« Art. 5. Matériel. Fournitures de bureau, impressions, achats et réparations de meubles, chauffage, éclairage, menues dépense : fr. 50,000. »
- Adopté.
« Art. 6. Entretien ordinaire et amélioration des routes, construction de routes nouvelles, études de projets, etc. : fr. 2,577,438. »
M. de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, nous avons aujourd'hui, en Belgique, 795 lieues de routes pavées et empierrées appartenant à l'Etat. En 1830, au moment de notre séparation de la Hollande, la longueur des routes de l'Etat n'était que de 466 lieues. L'accroissement a, par conséquent, été de 329 lieues, c'est-à-dire de plus de 70 p. c.
Parmi ces 329 lieues de routes construites depuis 1830, 10 lieues et demie seulement se trouvent établies sur le territoire de la Flandre orientale ; cela ne forme pas même le 31ème de l'accroissement.
Toutefois, messieurs, les routes provinciales, les routes concédées et les routes communales ont reçu dans notre province un accroissement beaucoup plus considérable que les routes de l'Etat. En effet, les voies de communication pavées, autres que celles appartenant à l'Etat, ont aujourd'hui dans la Flandre orientale une longueur de plus de deux cents lieues.
En 1830, leur longueur n'était que de 39 lieues, il y a donc ici une augmentation, pour ces trois catégories de routes que je viens d'indiquer, de 161 lieues, tandis que l'augmentation de longueur des routes construites par l'Etat dans la Flandre orientale n'est que de 10 lieues et 1/2, ce qui revient à dire que l'étendue des travaux exécutés par l'Etat se trouve relativement à ce qui a été fait par la province, par les communes et par les particuliers, dans la proportion de 1 à 15.
Eh bien, messieurs, si la même proportion existait dans les autres provinces nous aurions un résultat prodigieux, car il en résulterait que les 329 lieues de routes construites par l'Etat ne formeraient que la seizième partie du développement apporté depuis 1830 à nos voies de communication pavées ou empierrées. Il faudrait donc multiplier 329 par 16 pour avoir le développement total, ce qui donnerait plus de 5,000 lieues, c'est-à-dire, si je ne me trompe, la moitié de la distance à parcourir pour faire le tour du globe terrestre. Ce résultat paraît prodigieux, je le répète, mais il serait mathématiquement, géométriquement exact, si proportionnellement à ce qui a été fait par l'Etat, les provinces, les communes et les particuliers avaient concouru partout à la construction des routes d'une manière aussi large, aussi efficace que dans la Flandre orientale.
Messieurs, nous venons de voir le beau côté de la question ; jetons aussi un coup d'oeil sur le revers de la médaille, c'est-à-dire sur la dépense.
L'administration des travaux publics a dépensé en Belgique depuis 1830, à la construction de routes, environ 30 millions dont 24 ont été employés a des travaux exécutes directement par l'Etat, et dont le restant a été distribué en subsides.
En outre, le département de l'intérieur, depuis 1841, si je ne me trompe, a accordé en subsides pour la voirie vicinale, jusqu'à la fin de 1852, une somme de 4,300,000 francs. Il y a donc une dépense totale de 34,300,000 francs à charge du trésor public.
Comme les allocations pour la voirie vicinale appartiennent au département de l'intérieur, je n'examinerai pas ici de quelle manière la répartition en a été faite entre les provinces. Mais combien croyez-vous que la Flandre orientale ait obtenu dans les 30 millions alloués au budget des travaux publics ? Messieurs, tout compté, nous avons eu 2,035,000 francs, c'est-à dire pas même la quatorzième partie.
Et cependant, messieurs, il est constant qns notre province paye le sixième de tous les impôts, et comme sa population est à peu près de 800,000 habitants, il est encore constant qu’elle fournit plus du sixième du contingent de la milice nationale, c’est-à-dire le plus terrible des impôts.
Ainsi, messieurs, quand il s'agit des charges publiques, nous y contribuons pour une sixième part, largement calculée ; quand il s'agit de la répartition des faveurs du budget, comme la construction de toutes, on se contente de nous accorder la quatorzième part.
Messieurs, notre province a-t-elle mérité d'être traitée de cette manière ? Avons-nous refusé notre concours sur les ressources qui nous sont propres ? Avons nous été en retard de nous imposer des sacrifices et des sacrifices considérables pour améliorer nos voies de communication ? Aucunement ; et déjà, messieurs, vous devez en avoir la conviction par les renseignements que je vous ai donnés sur les travaux qui ont été exécutés dans la Flandre orientale.
Notre province a dépensé depuis 1830 trois millions environ pour la construction de routes de l'Etat, des routes provinciales et des routes concédées, elle a accordé, en outre, 500,000 à 600,000 fr. de subsides pour le pavage des chemins vicinaux, faisant encore abstraction de la (page 637) voirie vicinale par le motif indiqué ci-dessus, il demeure constant que, pour toutes les autres routes (c'est-à dire les routes de l'Etat, les routes provinciales, et les routes concédées) la part contributive de notre province, étant de 3 millions, est supérieure d'une moitié à la part contributive de l'Etat qui n'est que de 2 millions.
A-t-on agi ainsi dans les autres provinces ? Le Brabant, renfermant la capitale du royaume, est évidemment dans une position spéciale. Mais dans toutes les autres provinces, on a suivi un principe diamétralement opposé à celui qui a été applique à la Flandre orientale. Partout les sommes fournies par l'Etat pour la construction des routes ont dépassé considérablement celles qui ont été fournies par les provinces. J'ai sous les yeux un état qui le prouve à la dernière évidence. Il n'y a pas, d'ailleurs, de contestation possible sur ce point.
Je puis même citer quatre provinces qui ne payent ensemble que le cinquième des impôts du pays et qui ont obtenu du gouvernement, pour la construction de leurs routes, 17,800,000 fr., c'est-à-dire les 3/5 de la somme totale qui est de 30 millions.
Ainsi, en payant le 1/5 des impôts, on obtient 3/5 dans les faveurs, tandis que nous payons la sixième partie des impôts, et nous n'obtenons que la quatorzième partie des faveurs. Evidemment, cela n'est pas juste. Il y a là une inégalité révoltante.
Si un pareil système avait été appliqué pendant un ou deux ans, on pourrait se taire ; mais il y a vingt-deux ans que ce système est mis en pratique. Cela devient vraiment intolérable.
Et pour quelle somme les quatre provinces auxquelles j'ai fait allusion, ont-elles contribué sur les ressources qui leur sont propres ? Pour 5,400,000 fr. C'est-à-dire, pas même pour le tiers de la part contributive de l'Etat qui est de 17,800,000 fr.
Chez nous c'est l'inverse : nous donnons 3 millions pour en obtenir deux. Donc la part contributive de l'Etat est pour nous d'une moitié inférieure à celle de la province. J'ajouterai que dans les quatre provinces auxquelles je viens de faire allusion, les barrières ne rapportant pas assez pour couvrir les frais d'entretien ordinaire des routes de l'Etat, le gouvernement, après avoir dépense environ 18 millions pour la construction des routes doit encore faire une dépense de 180,000 fr. pour leur entretien ordinaire.
Je désire que ma pensée ne soit pas dénaturée. On me rendra cette justice que, dans aucune circonstance, je n'ai cherché à entraver, ni par ma parole, ni par mon vote, l'exécution de travaux d'utilité publique, n'importe dans quelle province ils fussent projetés.
Je ne viens donc pas m'élever contre la construction des routes dans les autres provinces ; je ne dis pas qu'en y a fait trop, mais je dis qu'on n'a pas fait assez chez nous ; je dis que le système suivi à notre égard est le renversement complet des règles de la justice distributive.
L'injustice devient encore plus criante, quand on tient compte des sacrifices considérables que nos communes se sont imposés. Les communes de la Flandre orientale ont contribué pour environ 300,000 fr. dans les frais de construction de routes de l'Etat, provinciales ou concédées ; en outre, elles ont fait paver 106 lieues de chemins vicinaux. Cette dernière dépense s'est élevée à plusieurs millions, dont les communes ont fourni au moins les deux tiers. Cela est positif : on n'a qu'à consulter l'exposé administratif de la Flandre orientale pour en être convaincu. Pour faire face à cette dépense énorme, les communes ont dû non seulement épuiser toutes leurs ressources ordinaires, mais faire encore des emprunts très considérables, qui grèvent singulièrement leurs budgets.
En outre, nos communes se sont imposé des centimes additionnels extraordinaires affectés exclusivement au pavage des chemins vicinaux, et qui depuis plusieurs années s'elève à environ 100,000 fr. par an, Remarquez qu'il ne s'agit pas ici de l'entretien de la voirie vicinale, car dans la plus grande partie de nos provinces, cet entretien est à la charge des riverains ; pour le reste il y est pourvu par des centimes additionnels spéciaux ; ici il s'agit uniquement de centimes additionnels extraordinaires affectés exclusivement à l'amélioration de la voirie vicinale, amélioration qui ne peut se faire dans notre province d'une manière efficace que par le pavage.
Cependant les communes qui s'imposent des sacrifices aussi considérables sont des communes pauvres, puisqu'elles n'ont pas de biens communaux, qu'elles doivent demander toutes leurs ressources à l'impôt ; et qu'elles succombent sous le poids des charges locales et notamment des frais énormes occasionnés par l'entretien des indigents.
Pour vous faire comprendre combien cette situation est onéreuse, je citerai un seul chiffre, c'est que les répartitions personnelles ou octrois par abonnement, charge qui grève exclusivement nos communes rurales, s'élèvent annuellement, dans la Flandre orientale, à la somme énorme de 763 mille francs par an, c'est-à-dire à une somme supérieure au contingent des contributions directes de toute la province de Luxembourg.
Messieurs, en présence de tous ces faits tout raisonnement est complètement inutile ; il est évident qu'il y a ici une criante injustice à réparer. Aussi longtemps que je siégerai dans cette enceinte, je ne cesserai de la signaler et d'en réclamer la réparation. Je regrette de devoir dire que l'honorable ministre des travaux publics ne paraît pas avoir eu jusqu'ici le temps de s'occuper de cet objet. En effet, M. le ministre nous à dit dans une de nos précédentes séances que depuis deux ans il a eu à distribuer environ 2 millions pour la construction de routes ; or sur cette somme il n'a pas été accordé un centime à l'arrondissement que je représente ; c'est un partage qui, pour nous, revient à zéro ; cela ne nous arrange pas du tout.
Quant à la part de toute la Flandre orientale, elle se réduit à 40 mille francs qui ont été alloués pour élargir le Pont-Neuf à Gand, et 50 mille francs employés pour le redressement de la route d'Audenarde à Grammont, donc ensemble à une somme de 90,000 francs environ, ce que forme la 22ème partie des fonds distribués par l'honorable ministre des travaux publics ; auparavant on nous accordait la 14ème pari, il y a progrès, on nous accorde maintenant la 22ème part. Mais certes, voilà un progrès qui ne nous plaît en aucune manière.
Je ne veux pas incriminer les intentions de M. le ministre des travaux publics, je conçois qu'assiégé par un déluge de réclamations et de projets de tout genre, il n'a pas pu faire tout à la fois.
Mais j'ai confiance dans la droiture de ses intentions et dans la loyauté de son caractère, je suis pleinement convaincu que l'honorable ministre prendra en sérieuse considération les faits que je viens de signaler et qu'il adoptera, à l'égard de notre province, un système plus juste et plus équitable ; aussi, je crois entrer entièrement dans ses vues, en lui faisant connaître quelques projets revêtus d'un caractère incontestable d'utilité publique et dont la construction intéresse plus particulièrement mon arrondissement, d'autant plus que M. le ministre vient de nous dire qu'en ce qui concerne la construction des routes dans la Flandre orientale, ce sont les projets qui lui font défaut.
Je lui indiquerai d'abord la route de Ninove à Hal, qui est projetée depuis dix à quinze ans, et qui produirait de très grands avantages :
1° Parce qu'on prolongerait ainsi jusque dans les Flandres une ligne de communication existant déjà entre Hal, Nivelles et les Quatre-Bras ;
2° Parce que cette route traverserait une foule de communes tant du Brabant que de la Flandre orientale où les chemins de terre sont réellement impraticables pendant la plus grande partie de l'année ;
3° Parce qu'elle aurait pour résultat de relier entre elles plusieurs autres routes en les coupant en quelque sorte perpendiculairement ; savoir les routes de Bruxelles à Mons, d'Assche à Enghien, de Bruxelles à Audenarde. d'Alost à Grammont.
4° Parce qu'elle servirait à établir une voie de communication directe entre deux centres de population assez importants : Ninove d'un côté et Hal de l'autre.
Enfin, parce qu'elle formerait un affluent au chemin de fer de l'Etat d'un côté, et au chemin de fer de Dendre-Waes de l'autre côté.
Sous ce rapport surtout, elle mérite de fixer toute l'attention du gouvernement.
Ainsi voilà un projet tout fait, il ne s'agit que de l'exécuter. Ce projet est formulé depuis dix à quinze ans.
J'ajouterai que, dans le Brabant, la première section de cette route existe, et qu'il s'agit de la prolonger jusqu'à Ninove. Or, il me paraît évident que le gouvernement devrait s'en charger avec le concours des localités intéressées. Les considérations que j'ai exposées plus haut sont évidemment de nature à justifier l'exécution de ce projet, aux frais du trésor public, avec le concours, bien entendu, des localités intéressées.
Il y a quelques jours, j'ai eu occasion d'indiquer un autre projet formé depuis bien longtemps : c'est la route de Ninove vers Herzeele et Osterzeele ; cette voie de communication est aussi construite en grand partie, mais il y a encore des lacunes assez considérables surtout du côté de Ninove ; or, il est indispensable de combler ces lacunes, et de cette manière on formera encore un affluent très important au chemin de fer de Dendre-Waes, en reliant à la station de Ninove un graud nombre de communes.
La station de Denderleeuw est appelée à devenir l'une des stations les plus importantes de la vallée de la Dendre, puisque c'est là que le chemin de fer direct de Bruxelles à Gand et celui d'Ath à Termonde viendront se croiser. Cette station doit donc être reliée aux localités avoisinantes, et pour cela il est encore indispensable de construire, une nouvelle route pavée dans la direction de Herzeele. Je pourrai présenter des observations analogues relativement à plusieurs autres stations du chemin de fer de Dendre et Waes ; les voies de communication pavées destinées à former des affluents au chemin de fer de Dendre et Waes doivent d'autant plus attirer l'attention du gouvernement que d'après les arrangements conclus avec la société concessionnaire, le trésor public est directement intéressé à augmenter les recettes du chemin de fer dont il s’agit. Je m’absdtiendrai d’entrer dans plus de détails et d’indiquer pour le montant plusieurs autres projets également d’une utilité incontestable.
J'ai entrepris une tâche ingrate et pénible en faisant valoir nos griefs. Je désire ardemment trouver bientôt l'occasion de remplir une tâche plus agréable en remerciant M. le ministre, d'avoir au moins commencé à faire droit à nos justes réclamations.
M. de Breyne. - A l'occasion du chapitre II du budget des travaux publics, je dois appeler l'attention du gouvernement sur certains points du pays qui sont dans une position exceptionnelle, puisque certains arrondissements ne jouissent aucunement des faveurs résultant de l'établissement du chemins de fer.
(page 638) Dans la Flandre occidentale, il y a deux arrondissements dont les chef-lieux sont à 5 et à 7 lieues du chemin de fer, et qui par conséquent ne participent aucunement aux avantages que donnent ces voies aujourd'hui si recherchées de transport public.
De là résultent peur les industriels de ces contrées des désavantages que tout le monde peut apprécier. Il est possible que nous soyons appelés un jour à jouir du chemin de fer. Mais je ne vois pas encore le moment où cette faveur nous sera accordée. C'est pourquoi j'appelle l'attention du gouvernement sur les routes pavées, qui provisoirement doivent nous tenir lieu de chemins de fer. Parmi les routes pavées, qui sont à l'étude depuis bien des années, j'en citerai une qui est décrétée depuis plus de deux ans, et qui intéresse les arrondissements de Dixmude et d'Ypres. C'est la route de Clercken à Poelcapelle. Cette route n'est pas seulement d'intérêt général ; elle est surtout dans l'intérêt du gouvernement, parce qu'elle doit traverser une forêt domaniale, propriété dont elle augmenterait beaucoup la valeur, et qui, mise en vente, n'a pas trouvé d'acquéreur, parce qu'il n'y avait pas de moyens d'en écouler les produits.
J'appellerai aussi l'attention de M. le ministre sur une section d'une grande route de l'Etat, de la route de Dixmude à Roulers. Il s'agit de la partie de cette route qui, entre Dixmude et le village d'Eessen, a seulement une largeur de 2 mètres 50 cent, à 2 mètres 75 cent. Aux deux extrémités de cette section, se trouvent deux grandes industries : une distillerie de première classe et une sucrerie de betterave. Ces deux établissements sont dans les mains de la même société, et dès lors vous sentez quels sont les transports journaliers sur cette section.
Il s'agit donc d'élargir une grande route de l'Etat sur une distance de 3 à 4 mille mètres et dont la dépense ne peut être considérable. Il s'agit de faciliter les communications et d'enlever les occasions journalières de dangers multipliés.
Indépendamment de cela, il y a une route de grande communication qui intéresse les arrondissements de Dixmude, Furnes, Roulers, Thielt et Bruges.
C'est la route qui doit relier cette de Dixmude à Roulers avec celle de cette dernière ville à Thourout, et ouvrir une nouvelle voie de commnication vers Thielt et la Flandre orientale. Cette route est vivement demandée par trois grandes communes, Werken, Handzaeme et Cortemark, dont l'une a une population de plus de quatre mille âmes.
Ces communes appuient leur demande non pas de quelques milliers de francs, mais par des subsides de 30 et 40 mille fr.
En dernier lieu, je dois aussi réclamer l'attention de M. le ministre en faveur d'une route qui intéresse également les arrondissements d'Ypres et de Dixmude. Cette route prendrait pour point de départ le hameau de Kortekeer sur la route dYpres à Furnes et en passant par les villages d'Oostvleteren et de Reninghe, irait rejoindre au hameau Luzerne la route d'Ypres à Dixmude.
Qu'il me soit permis d'ajouter que la commune de Reninghe est une tles plus importantes de ces contrées et qu'elle se trouve dans une situation tout exceptionnelle, par suite de sa position topographique.
Pour vous donner une idée de l'importance qu'elle attache à pouvoir être retirée de son état d'isolement, la commune de Reninghe offre depuis plusieurs années un subside de 60 mille francs pour la construction d'une voie de communication que le gouvernement, aidé de la province, ne peut lui refuser.
Je désire donc que M. le ministre prenne en considération la position exceptionnelle de l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter et veuille bien faire droit à nos justes réclamations.
M. Magherman. - Il est d'une bonne administration, non seulement d'entretenir les routes, mais aussi de les améliorer, lorsque les travaux de construction primitive n'ont pas été faits avec tous les soins désirables.
C'est ainsi que j'ai vu avec plaisir que des arrêtés royaux ont décrété sucessivement le redressement des côtes les plus dangereuses de la route de Grammont à Audenarde.
Un arrêté d'une date récente vient encore d'ordonner l'exécution d'une nouvelle amélioration à cette route, de manière que les dangers qu'elle présentait à la circulation vont disparaître en grande partie.
Je remercie M. le ministre de la sollicitude qu'il a mise à l'amélioration de cette importante voie de communication qui traverse uiie partie notable de l'arrondissement d’Audenarde ; et je l'engage à étendre cette amélioration à toute la route.
Je désire vivement de voir apporter de semblables améliorations à une autre route qui à tous égards est bien plus importante et eu a plus besoin que la route dont je viens de parler. J'entends indiquer la route de Renaix à Leuze.
La partie de cette chaussée, située sur le territoire du Haiiiaut, n'est qu'une suite de montagnes, dont quelques-unes, sans être longues, présentent des pentes très rapides et des dangers réels à la circulation, principalement en hiver. Lorsque cette chaussée a été construite, vers la fin du régime autrichien, on a'est borné à suivre le terrain naturel, sans faire presque aucun travail de déblai et de remblai. Sur une étendue de quinze kilomètres, on compte une montagne par kilomètre ; elles ne sont pas longues et seraient d'une correction assez facile.
Il est d'autant plts nécessaire de les redresser, qu'il se fait sur cette chaussée une circulation très active. C'est un des affluents les plus importants du chemin de fer de Tournai à Jurbise. C'est pour la ville de Renaix l'intermédiaire le plus court vers le chemin de fer. En attendant que cette ville jouise de l'avantage d'être dotée d'un semblable moyen de ccmmunicalion accélérée, il importe de lui faciliter l'accès des chemins de fer existants.
Aujourd'hui à cause des accidents de terrain, les messageries publiques mettent de 2 1/2 à 3 heures à parcourir 18 kilomètres.
Il se fait en outre sur cette route un transport très considérable de houille et de chaux. Il n'est pas rare d'y rencontrer des trains de six et dix voitures qui se suivent et qui sont forcées de dételer leurs chevaux pour s'entr'aider à gravir les plus fortes montagnes. Le tableau annexé au budget qui est en discussion donne une idée de l'active circulation qui se fait sur cette route. Les trois barrières qui s'y trouvent donnent un produit annuel qui dépasse 10,000 francs. Et si les voitures qui transportent la chaux employée à l'agriculture n'étaient exemptées du péage, ce produit dépasserait au moins 15,000 francs.
En redressant les principales côtes de cette route, on rendra un service important non seulement aux parties du Hainaut que traverse cette route, mais encore aux cantons où se trouvent les houillères et les fours à chaux vers lesquels elle conduit, et à la partie méridionale de la Flandre orientale, dont les cultivateurs fréquentent beaucoup cette route pour leurs approvisionnements de chaux et de charbon. J'appelle toute l'attention de M. le ministre des travaux publics sur ce point.
M. Deliége. - Messieurs, il existe à l'endroit appelé Stinval dans le canton de Louveigné sur la route de première classe allant vers Malmedy et vers Stavelot, une montagne très rapide. Cette montagne a des pentes de 12 à 15 p. c. Elle a fixé depuis longtemps l'attention du gouvernement. Plusieurs plans ont été faits. Les communes intéressées ont offert de contribuer à la dépense.
Je demande si le commerce de la province de Liège peut s'attendre à voir bientôt mettre la main à l'œuvre. La dépense sera très minime ; elle est évaluée, je crois, à 20 ou 30 mille fr. Il s'agit de localités qui ne peuvent s'attendre à voir arriver chez elles un chemin de fer et la route dont il s'agit est un affluent très utile pour le railway de l'Etat.
Je prie M. le ministre de vouloir nous dire s'il sera possible cette année de faire quelque chose pour cette partie importante de la province de Liège.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, je vais d'abord avoir l'honneur de faire connaître à la chambre un relevé qui indique le montant des subsides accordés par le gouvernement pour les routes concédées, le montant de la dépense y compris les indemnités de terrains, lorsqu'il s'est agi de routes à construire par l'Etat lui-même, et enfin le montant des fonds qui ont été alloués par l'Etat en ce qui concerne les routes provinciales.
Je crois, messieurs, que ces chiffres redresseront dans une certaine mesure les assertions de l'honorable M. de Naeyer.
D'après ce relevé, quant aux routes de l'Etat construites de 1830 jusqu'en 1848, la Flandre orientale a obtenu, comme part des sacrifices de l'Etat, 1,543,592 fr. La dépense totale a été de 1,761,604 fr.
La part contributive de la province a été, pour les routes de l'Etat construites jusqu'en 1848 (mon tableau s'arrête là) de 194,812 fr. ; la part contributive des communes a été de 23,200 fr.
Les provinces qui ont obtenu une part plus considérable sont celles de Liège, de Limbourg, de Luxembourg et de Namur.
La province de Liège a obtenu 3,286,061 fr., celle de Limbourg 3,291,159 fr., celle de Luxembourg 5,163,671 fr et celle de Namur 3,046,461 fr.
Mais il est à remarquer que la part contributive de l'Etat est toujours et nécessairement en rapport avec les sacrifices que supportent les provinces et les communes, et aussi en rapport avec les besoins des localités. Ces besoins entrent pour beaucoup dans les déterminations et les résolutions du gouvernemeat.
A Liège, la province a contribué dans le coût total des routes de l'Etat pour 1,159,365 fr. et les communes pour 367,073 fr.
Dans le Limbourg, la province est intervenue dans la dépense totale pour 782,690 fr. et les communes pour 105,324 fr.
Dans le Luxembourg, la province est intervenue pour 264,556 fr. et les communes pour 104,383 fr.
Enfin la province de Namur figure dans la dépense totale pour un chiffre de 537,934 fr. et les communes pour 65,800 fr.
Quant aux routes concédées, la Flandre orientale a reçu de l'Etat une somme de 359,168 fr. La province a contribué dans la dépense pour 155,000 fr. et les communes pour 65,500 fr.
Quant aux routes provinciales, la part contributive de l'Etat n'a été en réalité que de 43,800 fr., mais je vois que les communes n'y figurent que pour 144,428 fr. et la province y figure pour le reste.
Messieurs, il est à remarquer que si depuis deux années aucune route n'a été construite dans la Flandre orientale pour compte de l'Etat, c'est parce qu'il ne reste plus aucune grande communication à entreprendre dans cette province. Il reste à faire, je le reconnais volontiers, des routes vicinales de grande communication qui ont une importance très réelle ; mais dans la construction de ces routes, le gouvernement ne pourra intervenir qu'au moyen de subsides, et quant aux subsides le gouvernement n'en refuse jamais lorsqu'on lui en fait la demande justifiée. Or je dois dire qu'il n'existe en ce moment-ci aucune demande de subside pour la construction de routes dans la Flandre orientale.
Du reste j'ai pris acte des projets que l'honorable membre a signalés (page 639) et qui ne sont point arrivés à mon département ; je conçois l'importance de certaines routes, je conçois que la construction des chemins de fer peut influer sur la classification de certaines routes et peut même motiver la construction de routes nouvelles.
L'honorable M. de Breyne a signalé à mon attention certaines routes qui sont ou en cours d'exécution ou en projet. Ainsi, quant à la route de Poelcappelle par la forêt d'Houthulst et Ciercken à la route de Dixmude, le tracé de cette route n'est pas encore définitivement arrêté, mais on s'occupe de l'étude des modifications réclamées et j'espère qu'il sera possible d'adjuger cette année une partie des travaux.
Quant aux autres, je ne les signale pas sur le tableau que j'ai sous les yeux, soient qu'elles n'aient pas encore été étudiées, soit qu'elles n'aient pas encore été soumises à mon département. {Interruption.) Je trouve pour la Flandre occidentale quelques routes très importantes, dont la dépense s'élève à des sommes considérables. De ce nombre sont :
La roule d'Ingelmunster à Vive-St Eloy ; dépense, fr. 282,000
La route de Deerlyck par Vichte et Tieghem ; dépense, fr. 183,000
La route de Wervicq à la route d'Ypres à Menin, dépense fr. 109,000
La route de Bloemendael vers Eerneghem, dépense fr. 127,000
La route de Nieuport à Pervyse, dépense fr. 159,700
L'honorable M. de Breyne voit, par cette énumération, qu'il y a encore beaucoup à faire dans la Flandre occidentale.
Quant au projet dont a parlé l'honorable M. Deliége, jespère, comme le crédit de 1 million est parfaitement intact, j'espère être en mesure de faire droit aux réclamations de l'honorable député de Liège, d'autant plus qu'en effet ce redressement est signalé comme une chose très utile.
M. de Naeyer, rapporteur. - Je pense, messieurs, que lorsque M. le ministre aura pris lecture des chiffres que j'ai posés dans mon discours et qui sont extraits de documents officiels, il sera convaincu que la Flandre orientale a été très mal traitée quant à la répartition des sommes mises à la disposition du département des travaux publics pour la construction de routes. C'est facile à concevoir quand vous prenez en considération que sur les 329 lieues de routes construites par l'Etat, il n'y en a que 10 1/2 dans la Flandre orientale, et voilà ce qui explique pourquoi la Flandre orientale n'est pas intervenue pour une part très forte dans la construction de routes de l'Etat.
Mais ce qu'on perd toujours de vue, et la chose est extrêmement importante, c'est que toutes les routes provinciales de la Flandre orientale ont été construites, pour ainsi dire, exclusivement aux frais du budget provincial ; ces routes, qui ont une étendue de plus de 122 kilomètres, ont coûté à notre province seule la somme énorme de 2,881,766 francs et l'Etat n'a fourni pour nos routes provinciales que 83,800 fr.
C'est là un fait unique, un fait qui ne s'est pas produit dans les autres provinces.
La Flandre orientale a commis ce que je pourrais appeler l'imprudence, d'emprunter deux millions pour la construction de ces routes, avant de mettre la main à l'œuvre ; le gouvernement a dit : Vous avez de l'argent, nous ne devons pas intervenir.
La province aurait pu agir d'une manière plus adroite en demandant des ressources à l'Etat au lieu d'en créer tout d'abord par la voie des emprunts ; mais je crois que le gouvernement ne doit pas justement accorder de l'argent au plus malin, mais qu'il doit examiner, avant tout, quels sont ceux qui ont le plus de titres, et surtout, envisageant l'ensemble de nos voies de communication nouvellement établies, il aurait dû prendre en mûre considération les sacrifices énormes que la Flandre orientale s'est imposés et proportionner son intervention à ces sacrifices.
M. le ministre dit qu'il n'y a plus de routes gouvernementales à exécuter dans la Flandre orientale ; je crois qu'il en est à peu près de même dans toutes les provinces : les grandes voies de communication, ce sont aujourd'hui les chemins de fer ; mais les routes les plus importantes, après le chemin de fer, ce sont celles qui forment affluent au chemin de fer. Cela est aujourd'hui reconnu par tout le monde.
Eh bien, sous ce rapport, il y a encore beaucoup à faire ; toutes les routes que je viens d'indiquer à M. le ministre des travaux publics ont ce caractère ; je pourrais en citer beaucoup d'autres, mais je crois que nous ne devons pas sortir de notre arrondissement, dont nous connaissons plus particulièrement les besoins et dont nous sommes plus spécialement chargés de défendre les intérêts.
M. le ministre dit que le gouvernement ne pourra plus intervenir dans la construction de routes que par voie de subside ; je ne puis pas encore admettre ce principe. Je crois que le gouvernement peut encore de temps à autre construire des routes lui même, car s’il ne s'agissait plus que de subsides, alors il vaudrait tout autant rayer l'allocation pour les routes du budget des travaux publics, et la mettre à la disposition du département de l'intérieur, qui est déjà chargé de distribuer les subsides pour la voirie vicinale, car les routes qu'on peut encore construire sont en général des chemins vicinaux de grande communication.
De cette manière il y aurait plus d'unité dans ce service. Il y aura donc encore des routes construites par l'Etat, et le gouvernement doit se charger principalement de celles qui forment affluent au chemin de fer.
Or, je le répète, les projets que j'ai recommandés tout particulièrement à la sollicitude de M. le ministre appartiennent tous à cette catégorie.
M. Orban. - Messieurs, je viens vous entretenir un moment d'une question différente de celles qui viennent d'être traitées. Il ne suffit pas, ce me semble, de créer des routes, il ne suffit pas même d'en doter les différentes parties du pays dans des proportions à peu près égales ; pour être juste, il faut encore assurer la circulation de ces routes aux différentes catégories de citoyens à des conditions égales. L'égalité proportionnelle de l'impôt est un des premiers droits des contribuables comme un des premiers devoirs du législateur.
Or, messieurs, le droit de barrière, tel qu'il est perçu et établi par la loi, est d'une inégalité, et, par conséquent, d'une injustice flagrante. Ce droit est le même sur toutes les routes et pour une égale distance parcourue, et c'est dans cette égalité apparente que résident l'inégalité et l'injustice.
Ce droit est le même pour une égale distance parcourue sur toutes les routes du pays.
Cependant il est évident que toutes les routes ne se présentent pas dans des conditions égales pour la circulation et que le même service rendu n'y est pas imposé de la même manière. Il y a d'abord deux grandes catégories de routes : ce sont les routes pavées et les routes empierrées. Il est certain que la traction sur les routes pavées s'opère d'une manière plus avantageuse que sur les routes empierrées ; que la même force motrice suffit pour traîner un poids beaucoup plus considérable sur les routes pavées dont la surface est dure et résistante, que sur les routes empierrées dont la surface est infiniment plus raboteuse et plus molle, se détériore encore par suite des influences atmosphériques.
Ajoutez à cela que dans les époques de rechargement annuel, la circulation devient presque impossible pendant plusieurs mois sur les routes empierrées. L'on ne parvient à vaincre les obstacles que présente la circulation qu'en augmentant le nombre de chevaux. De sorte que par une bizarre inconséquence, l'impôt dont vous grevez la circulation sur les routes augmente précisément à l'époque où la route rend le moins de services.
Il serait d'aurant plus juste d'établir un droit de barrières différentiel sur ces deux catégories de routes, qu'en définitive les routes pavées, en même temps qu'elles sont meilleures, ont coûté davantage au trésor public.
Il est une autre considération dont il serait tout aussi indispensable de tenir compte pour fixer équitablement le droit de barrière, c'est que certaines routes sont accidentées par des pentes et rampes qui rendent la circulation difficile et coûteuse, tandis que d'autres présentent une surface horizontale où la traction se fait avec facilité et sans effort.
Il est évident que le nombre des chevaux nécessaires pour traîner un chargement augmente avec les difficultés de cette nature. Est-il juste d'établir le droit de barrière sur le nombre de chevaux employés, alors que l'imperfection de notre route a seule déterminé l'emploi de ce nombre de chevaux ? Encore une fois c'est augmenter le droit de barrière sur les routes en raison inverse des services rendus par celles-ci.
Il y aurait un moyen très simple de faire droit au grief que je viens de signaler ; ce serait d'établir les bureaux de barrière sur les routes où se présentent des pentes et rampes à gravir à des distances plus considérables que sur les routes horizontales. Ainsi, l'on payerait le même droit pour un parcours plus considérable, afin de compenser l'inconvénient et les charges de la circulation.
Les deux causes d'aggravation du droit de barrière que je viens de signaler se réunissent dans la province de Luxembourg, pays de montagnes, où les routes sont toujours en pentes et en rampes, et où il n'exise que des routes empierrées et pas un kilomètre de route pavée.
C'est donc à bon droit que je viens signaler à la chambre cette injusice.
Messieurs, un autre inconvénient vient encore se joindre à ceux que je viens de signaler, et quoiqu'il serait peut-être difficile d'en tenir compte isolément, il fait ressortir davantage la nécessité et la convenance d'avoir égard aux considérations que j'ai d'abord fait valoir et d'admettre deux modifications que je viens d'indiquer : je veux parler de la qualité des chevaux employés au roulage.
Il est certain qu'entre les chevaux dont on se sert dans les Ardennes, par exemple, et en général dans les pays montagneux, et les chevaux qu'on élève dans les Flandres et dans plusieurs de nos provinces, il y a une différence extrêmement considérable, vu qu'un cheval flamand représente une force motrice trois ou quatre fois plus considérable qu'un cheval ardennais. Cependant, chacun de nos chevaux ardennais est obligé d'acquitter au bureau de barrière un droit égal à celui que paye le cheval des Flandres.
Me plaçant au point de vue de la province de Luxembourg, qui se trouve particulièrement intéressée dans la question, j'ai encore une autre considération à faire valoir : c'est la nature et la valeur des transports opérés.
Dans le Luxembourg, province essentiellement et presque exclusivement agricole, nous n'avons guère à transporter que les productions du sol dont le poids est extrêmement considérable, eu égard à leur valeur. Nos principaux transports consistent en bois, charbons, écorces, et quant aux produits de nos industries, ils consistent particulièrement en ardoises, en poteries, qui ne sont guère moins pondéreux.
Or, il est évident qu'il y a une certaine injustice encore à faire payer le même droit, pour la circulation sur les routes, à des chargements qui représentent des valeurs fort peu considérables qu'a des chargements (page 640) consistant en denrées et en productions industrielles d'une grande valeur, tels qu'on en effectue ailleurs.
Je sais bien qu'il serait impossible encore une fois de tenir compte de cette considération isolément dans la fixation du droit de barrière ; mais c'est un motif de plus pour qu'on prenne en considération les deux premiers motifs pour alléger le droit de barrière, que j'ai signalés.
Au surplus, ce que je réclame n'a rien d'extraordinaire.
Je ne demande pas l'égalité de l'impôt, j'en appelle à l'égalité proportionnelle, car en réalité rien n'est plus inégal que cette égalité apparente dans le droit de barrière. Je ne demande que ce qui existe pour les autres natures de péages, pour les péages sur le chemin de fer et pour les péages sur les canaux et rivières.
En effet, pour les chemins de fer, établissez-vous partout les mêmes droits ? Non : vous tenez compte des détours auxquels sont astreints les voyageurs. Vous avez créé, en d'autres termes, le système des distances légales.
Eh bien nos montagnes, les pentes et rampes de nos routes peuvent être assimilées aux détours auxquels les voyageurs sont soumis sur le chemin de fer ; ce sont des détours en sens vertical, tandis que le chemin de fer présente des détours en sens horizontal. Il y a autant de justice de tenir compte des unes que des autres dans la fixation des péages.
Pour les péages sur les canaux, la même inégalité existe ; vous n'établissez pas le même droit pour les distances égales parcourues sur les voies navigables de l'Etat ; vous avez établi un droit différentiel motivé sur la situation de l'industrie, sur mille autres considérations dont aucune n'a la même force que celle que je viens de signaler pour établir un droit différentiel sur les routes pavées et sur les routes empierrées, sur les routes horizontales et sur les routes montagneuses.
J'espère que M. le ministre des travaux publics aura égard aux considérations que je viens de faire valoir.
Je dois le dire, la surtaxe en fait de droit de barrière dont sont grevées la province de Luxembourg et les autres parties du pays qui se trouvent dans les mêmes conditions, y neutralise en partie le bienfait des routes, et la preuve en est palpable ; souvent, en effet, l'on voit des voitures éviter les routes au lieu de les suivre, pour éviter le payement des droits de barrière.
M. le ministre en se rendant à mes instances, en abaissant le droit de barrière dans le sens de mes observations, ne fera que suivre l'exemple donné par un grand nombre de receveurs des droits de barrières. Ces agents sont tellement convaincus que pour certaines catégories de transports, pour les charbons de bois, par exemple, le payement intégral des droits de barrière serait impossible, que presque tous acceptent des transactions, pour réduire de commun accord les droits de barrière et pour empêcher que ce genre de transport ne déserte les routes soumises à des péages.
M. de Renesse. - Messieurs, je compte présenter quelques observations sur l'élagage des arbres plantés le long des routes et canaux de l'Etat ; déjà, dans cette enceinte, et même dans une autre, à plusieurs reprises, le système d'élagage des arbres suivi depuis quelques années, par l'Etat, a été critiqué avec beaucoup de raison : l'on semble cependant persister dans l'exécution du procédé de M. Stephens, quoique l'expérience doive avoir démontré que ce système est généralement condamné par tous ceux qui s'occupent de la culture des arbres et qui soignent leurs plantations. La cinquième section de la chambre avait émis l'opinion que ce système devait être abandonné, qu'il était condamné ; à cette observation, M. le ministre des travaux publics a cru devoir répondre par une note insérée au rapport de la section centrale : elle était ainsi conçue : « L'on ne peut que répéter ce qui a été dit à l'occasion du budget de 1852, que des instructions positives ont été données à l'administration des ponts et chaussées pour que les élagages soient effectués selon l'ancienne méthode en usage dans chaque province ; et, si quelques élagages ont encore eu lieu suivant le procédé Stephens, ce n'a pu être que sur quelques parties de routes et sur un nombre d'arbres fort restreint. »
Contre l'exactitude de cette note, remise à M. le ministre des travaux publics, je crois devoir présenter quelques observations, quant au district que j'ai l'honneur de représenter et il est probable que d'autres de nos honorables collègues pourront aussi assurer, à l'égard de leurs localités, que jusqu'ici le système de M. Stephens a été généralement appliqué à l'élagage des arbres plantés sur les routes de l'Etat.
j'ai pu constater par moi-même, au printemps de 1852, que dans le Limbourg, les arbres sur toute la route de Tongres à Liège et de Tongres vers Saint-Trond ont été maltraités, car c'est le mot, par le malheureux procédé que l'administration supérieure a cru devoir prescrire depuis 6 à 7 ans.
C'est en acquit de mon devoir de représentant, ayant à cœur les intérêts du pays que je crois devoir m'opposer de tous mes moyens, pour que dorénavant on ne suive plus ce système d'élagage à l'égard des arbres appartenant à l'Etat, ce qui amènerait infailliblement plus tard une notable perte pour le trésor.
J'ai l'intime conviction, qu'en suivant ce procédé, repoussé par la généralité des propriétaires, même par beaucoup d'ingénieurs des ponts et chaussées et par des hommes marquants, qui ont écrit sur l'agriculture et l'arboriculture, l'Etat finirait par compromettre toutes les belles plantations sur nos routes et le long de nos canaux ; cependant, si ces plantations étaient soignées, si pour l'élagage des arbres l'on suivait les procédés employés par les habitants aisés de nos provinces, et je pense que les propriétaires, dans les diverses parties du pays, connaissent assez leurs intérêts pour employer un bon système d'élagage, l'Etat pourrait retirer des ressources très considérables de la vente des arbres, et au lieu d'en obtenir, actuellement, environ 80,000 fr. par année, ce revenu pourrait être porté par après à plusieurs centaines de mille francs ; car l'on présume que les plantations de l'Etat pourraient dépasser 1,500,000 arbres, dont la valeur, au bout de 60 années, se monterait de 40 à 50 millions ; tandis qu'en maintenant un mauvais système, les arbres traités d'après cette méthode ne pourront plus être vendus qu'à des prix réduits, ils ne conviendront plus, en grande partie, que pour bois à brûler ou pour en faire des élançons, là où il y a des houillères.
Par le déboisement consécutif de beaucoup de nos forêts, il est d'ailleurs de l'intérêt du pays que l’Etat soigne tout particulièrement les propriétés boisées et les plantations le long des routes et canaux.
L'on a distribué aux membres de la chambre, une note insérés an Moniteur « des intérêts matériels » ; elle contient des observations très fondées contre le système d'élagage, suivi depuis quelques années, et l'opinion très détaillée de M. du Breuil, professeur d'agriculture et d'économie rurale, à l'école du département de la Seine-Inférieure, l'un des hommes les plus compétents en matière d'arboriculture qui, en présentant des objections très sérieuses contre le procédé Stephens, déclare positivement, que la forme pyramidale donnée indistinctement à toutes les espèces d'arbres forestiers, plantés le long des routes, est une forme contre nature, excepté pour le peuplier d'Italie ; pour que les arbres puissent donner un résultat favorable à la production du bois, il faut que ces arbres aient le tronc à la fois le plus long, le plus gros, le plus droit possible, et surtout, dépourvus de ces noeuds cariés qui lui ôtent toute sa valeur ; aussi l'auteur de la note insérée dans le Moniteur des intérêts matériels a fait lithographier d'après nature deux arbres, traités l'un d'après le système Stephens, et l'autre dirigé d'après les règles de la science forestière ; la seule inspection de ces deux spécimens d'arbres suffit pour démontrer à l'évidence que le procédé Stephens doit être abandonné, qu'il est nuisible aux intérêts de l'Etat, et que si on le suivait encore pendant quelques années, il n'y aurait plus moyen de tirer un profit raisonnable des plantations d'arbres maltraitées d'après ce système.
Je crois donc devoir insister auprès de l'honorable ministre des travaux publics, pour que le procédé d'élagage indiqué par M. Stephens, et qui a été critiqué avec raison, par beaucoup de propriétaires ayant la longue pratique de l'arboriculture, ne soit plus appliqué aux arbres de l'Etat, et qu il soit ordonné de rectifier, s'il est possible, d'après l'ancienne méthode, l'élagage des arbres qui auraient été traités d'après ce système.
Avant de terminer, je crois devoir présenter à M. le ministre une observation, par rapport à la plantation des arbres sur les accotements du chemin de fer ; il me semble que, dans l'intérêt de l'Etat, l'on pourrait tirer un meilleur parti et surtout plus utile, en remplaçant les espèces de bois tendres, par des plantations de jeunes chênes, dont on ferait des têtards après quelques années de croissance ; ils pourraient par la suite servir au remplacement des billes de la voie ferrée ; actuellement, les plantations le long du railway de l'Etat ne peuvent produire que peu de ressources par leur vente, devant être abattus avant leur entière croissance, puisqu'en général l'on craint que de grands arbres le long du chemin de fer ne présentent un certain danger, si par des ouragans il étaient renversés sur la voie, tandis que les têtards de chênes ne peuvent produire ce grave inconvénient, et fourniraient d'excellents bois de fascinage.
- L'article 7 est adopté.
« Art. 8. Entretien et réparation des palais, hôtels, édifices et monuments appartenant à l'Etat.
« Charge ordinaire : fr. 90,000.
« Charge extraordinaire, fr. 60,000. »
- Adopté.
M. le président. - Plusieurs amendements sont présentés à la section 3 du chapitre II. M. Vanden Branden de Reeth propose l'amendement suivant : (Nous publierons cet amendement.)
MM. Malou, Alph. Vandenpeereboom, de Breyne, Van Iseghem, Clep et Van Renynghe proposent l'amendement suivant :
« Entretien et travaux d'amélioration de l'Yser canalisé et des canaux de Plasschendaele à la frontière de France vers Dunkerque, dont l'administration est reprise par l'Etat à dater du 1er janvier 1853 : fr. 50,000 fr. »
MM. Rodenbach, Dumortier et de Muelenaere proposent, par sous-amendement, d'ajouter le Mandel :
« Entretien et travaux d'amélioration de l'Yser canalisé, du Mandel et des canaux de Plasschendaele à la frontière de France vers Dunkerque, dont l'administration est reprise par l'Etat à dater du 1er janvier 1853. »
M. Vanden Branden de Reeth a la parole pour développer son amendement.
M. Vanden Branden de Reeth. - Messieurs, la question de la reprise de l'administration de la Grande Nèthe par l'Etat, n'est pas une question nouvelle, elle a déjà été agitée à diverses reprises dans une autre enceinte, dans le conseil provincial d'Anvers, mais je crois que (page 641) c’est à l'occasion du budget des travaux publics, qu'elle doit être soulevée dans cette chambre pour y recevoir enfin une solution définitive.
L'omission de la Grande-Nèthe dans la section où se trouvent portées les rivières pour l'administration desquelles nous portions chaque année une allocation au budget des travaux publics, me semble une lacune. C'est pour la combler que j'ai proposé mon amendement. Par cet amendement je prie la chambre de comprendre la Grande Nèthe parmi les rivières mentionnées à la troisième section du chapitre II et de vouloir accorder un crédit de 10.000 fr. pour frais d'administration pour 1853.
J'ai maintenant à faire valoir les principaux motifs qui militent en faveur de l'adoption de ma proposition. Ces motifs en grande partie se trouvent exposés dans la pétition qui vous a été adressée par le conseil provincial d'Anvers et qui a été renvoyée à la section centrale du budget des travaux publics ; d'un autre côté, j'ajouterai que le discours prononcé dans la discussion générale par l'honorable comte de Mérode -Westerloo a rendu ma tâche facile.
Messieurs, toutes les législations qui nous ont régis et celle qui nous régit encore, c'est-à-dire les législations française, hollandaise et belge, reconnaissent unanimement que les rivières navigables et flottables font partie du domaine national, et que les cours d'eau sans importance, les rivières non navigables ni flottables, en un mot les ruisseaux font partie du domaine communal et sont réglementés par des ordonnances spéciales. C'est là un principe qui n'est pas contesté, je pense. Quant à la Grande Nèthe, on n'a jamais prétendu qu'elle avait cessé de faire partie du domaine national.
Mais en vertu d'une disposition de la loi fondamentale de 1815 qui accordait au souverain un pouvoir exorbiiant et quelque peu arbitraire, un arrêté du 19 décembre 1819 a imposé à la province d'Anvers les frais de l'administration de la Grande Nèthe. La Constitution belge ne me semble pas avoir consacré un semblable principe. Il me paraît, en effet, contraire à toute notion d'équité et de justice distributive qu'une province puisse être forcée de payer les frais d'administration d'une propriété qui ne lui appartient pas, surtout lorsqu'un système opposé est appliqué à la plupart des autres rivières.
On peut donc envisager la question qui nous occupe de deux manières :
Au point de vue de la légalité stricte et au point de vue de l'équité.
Comme législateurs c'est sur ce dernier terrain que nous devons nous placer, parce que là nous trouvons des principes fixes et immuables et qui ne sont pas de nature à faire naître dans nos esprits un doute perpétuel.
Car voici ce qui arriverait si nous voulions résoudre la question qui nous occupe en nous plaçant au seul point de vue de la stricte légalité.
Un arrêt de la cour d'appel deGand a décidé que l'arrêté de 1819 dont je parlais tout à l'heure avait encore force de loi en Belgique, tandis qu'un arrêt de la cour d'appel de Liège déclare le contraire et décide que cet arrêté n'est plus applicable.
Ainsi sur la même question, vous avez blanc et noir, oui et non. Vous avouerez que c'est là une triste solution donnée à une question qui intéresse à un si haut point les riverains de la Nèthe, qui tous les ans souffrent des inondations causées par cette rivière. Tandis que si nous nous plaçons au point de vue de l'équité, la question se simplifie, et j'ajouterai que pour la Grande Nèthe, nous rencontrerons des faits spécaux qui démontrent à l'évidence que l'Etat ne peut pas se refuser à reprendre l'administration de cette rivière.
L'opinion que je soutiens en ce moment n'est pas une opinion personnelle ou isolée, elle se trouve confirmée par le témoignage des hommes les plus compétents en pareille matière. C'est ainsi que M. l'ingénieur de l'Etat Kummer, dans un rapport adressé à l'inspecteur des ponts et chaussées en 1846, déclarait que la reprise de la Grande-Nèthe était la conséquence nécessaire de la reprise de la Petite-Nèthe canalisée. D'un autre côté, l'honorable prédécesseur de M. le ministre des travaux publics, M. Rolin disait dans une dépêche du 4 juillet 1850, qu'il y avait des motifs sérieux et puissants pour que la question de la reprise de la Grande-Nèthe soit résolue affirmativement.
Pourquoi M. Kummer s'exprimait-il ainsi ? C'est qu'il y avait des faits spéciaux qui démontraient à l'évidence que la reprise devait s'effectuer.
C'est ainsi que plusieurs écluses forment un écoulement commun aux eaux des deux rivières, que le canal et les bassins de Lierre et plusieurs usines sont alimentés par l'eau de ces deux rivières.
Mais voici ce qui est plus important : c'est à l'action combinée des eaux de la Grande et de la Petite Nèthe que sont dues les inondations qui périodiquement désolent les contrées voisines de la Grande Nèthe. Ainsi, il est démontré, je le crois, que ces deux rivières doivent être placées sous la même administration, sous un seul et même régime.
Pourquoi l'honorable M. Rolin de son côté a-t-il trouvé qu'il y avait tant de motifs sérieux et puissants pour reprendre la Grande-Nèthe ? Vous le savez, messieurs, des travaux importants ont été exécutés par le gouvernement dans la Campine limbourgeoise et dans la Campine anversoise.
Je citerai notamment le canal de la Meuse à l'Escaut et ses divers embranchements ; les nombreux travaux de défrichement exécutés sur plusieurs points et qui ont créé de nouvelles sources de revenus publics.
Eh bien, messieurs, c'est la Grande Nèthbe qui reçoit les eaux que déversent la plupart de ces travaux. Ainsi ces entreprises faites dans un but d'intérêt général, qui répandent la richesse dans une partie du pays, sont devenues, pour une autre partie du pays, une ruine, un véritable fléau. Le gouvernement ne peut laisser subsister un pareil état de choses !
Malheureusement l'opinion de M. le ministre des travaux publics n'est pas en tout conforme à celle de son prédécesseur ; c'est ce qui résulte d'une dépêche de M. le ministre des affaires étrangères à la députation provinciale d'Anvers. Dans cette dépêche du 23 décembre 1851 M. le ministre fait connaître à la députation : Que le vote de 600,000 fr. pour l'amélioration des cours d'eau non repris impliquait le maintien de la Grande Nèthe entre les mains de la province, en même temps que celui de la Senne.
D'abord, je ferai remarquer que M. le ministre, pour donner plus de force à son opinion, établit une comparaison entre la Senne et la Grande Nèthe, et je vous dirai que cette comparaison péchant par sa base, nous donne complètement raison.
J'ai posé en commençant ce principe : que les rivières navigables et flottables appartiennent à l'Etat, et que les rivières qui ne sont ni navigables ni flottables font partie du domaine communal et provincial. Tout le monde sait que depuis la construction du canal de Bruxelles au Ruppel, qui remonte au seizième siècle, la Senne n'est plus navigable, tandis que la Grande Nèthe est toujours une rivière navigable.
D'un autre côté je dois protester contre l'interprétation que donne M. le ministre à la loi sur les travaux publics du 20 décembre 1851. La chambre n'a pas entendu, par une loi de crédit, trancher une question de principe.
La chambre ne l'a pas voulu et j'ajouterai qu'elle ne l'a pas pu ; car, dans une question de cette importance, il faut un débat contradictoire.
Or, j'en appelle au souvenir de la chambre, jamais il n'y a eu sur cette question de débat contradictoire. La chambre, en allouant un crédit pour les rivières reprises par l'Etat et pour celles qui ne l'étaient pas, s'est bornée à constater l'état de choses existant à l'époque du vote.
Je prie donc la chambre de prendre mes observations en sérieuse considération. Les maux que je signale sont réels et la situation s'aggrave tous les jours par suite de l'état d'abandon dans lequel on laisse la Grande Nèthe.
Pour vous prouver, messieurs, quelle serait la position des riverains de cette rivière, si ma proposition n'était pas accueillie, je terminerai en vous donnant lecture du dernier paragraphe de la pétition qui vous a été envoyée par le conseil provincial d'Anvers. Voici comment s'expriment les pétitionnaires :
(L'orateur donne lecture de ce passage.)
M. Osy. - Je viens appuyer la proposition de l'honorable préopinant. Je crois qu'il est temps d'en finir avec cette question. Depuis nombre d'années la province d'Anvers et la Flandre occidentale ont demandé que le gouvernement reprit la Nèthe et l'Yser. Je crois que ce sont les seules rivières que l'Etat n'ait pas reprises.
Le 4 juillet 1850, l'honorable M. Rolin avait adressé une dépêche en ce sens a la députation provinciale d'Anvers. L'honorable ministre des travaux publics décide le contraire, s'appuyant sur les termes de la loi du 20 décembre 1851 sur les travaux publics. Mais dans la discussion de cette loi, il n'a rien été dit qui soit contraire à la reprise de la Nèthe et de l'Yser par l'Etat. Au contraire, l'honorable M. Rolin avait trouvé que cette mesure était juste. « Il y a des motifs sérieux, pressants (écrivait-il à la députation permanente d'Anvers) pour que la question de la reprise des deux Nèthes soit décidée affirmativement. »
Je crois qu'il est temps d'en finir avec cette question. Je demande le renvoi des propositions relatives à la reprise des rivières par l'Etat à la section centrale qui aura la complaisance de nous faire, pendant la discussion, un rapport sur ces propositions. Alors la question sera élucidée et nous verrons ce qu'il y aura à faire.
En attendant le rapport de la section centrale, que nous recevrons très certainement sous peu de jours, la discussion serait suspendue.
M. Malou. - Messieurs, d'accord avec d'honorables collègues, j'ai l'honneur de proposer à la chambre de décréter la reprise par l'Etat de la rivière canalisée l'Yser et de la grande ligne de navigation de Plasschendaele à la frontière de France.
Il ne me sera pas difficile, messieurs, de démontrer à la chambre que cette reprise n'est que la conséquence logique et juste de tous les actes posés par le gouvernement et par la législature depuis 1830.
Avant 1830, un arrêté de 1819 avait décentralisé complètement l'administration des travaux publics ; tout avait été remis aux provinces.
A partir de 1837, on a successivement repris pour l'Etat les grandes voies de navigation naturelles ou artificielles qui existent en Belgique. On l'a fait parce que l'expérience avait démontré que l'abandon de cette partie du domaine public aux administrations provinciales était un obstacle à l'amélioration de ces moyens de communication, et d'autre part qu'il en résultait entre certaines provinces une inégalité manifeste, une injustice qu'il était important de faire cesser.
Ainsi, d'une part les provinces ne pouvaient pas consacrer aux grandes voies de communication par eau, les sommes qu'il était nécessaire d'y affecter pour que ces voies naturelles puissent rendre tous les services que l'industrie et le commerce sont en droit d'en attendre.
(page 642) D'autre part, il y avait parmi les travaux publics abandonnés aux provinces des voies productives et d'autres qui étaient onéreuses.
Successivement le système introduit en 1837 a été appliqué à toutes, à celles qui étaient onéreuses aux provinces comme à celles qui étaient productives pour elles. C'est ainsi, pour citer un fait, qu'en 1844 la chambre, sur la proposition que j'ai faite au nom de la section centrale, a décrété la reprise du canal de Mons à Condé.
Examinez sur la carte du royaume les voies naturelles de navigation, les voies artificielles de grande communication, et vous verrez que toutes, sauf deux, ont été reprises en vertu des lois proposées par le gouvernement ou émanées de l'initiative de la chambre.
Il est juste de faire cesser ces deux exceptions. Il est juste surtout de faire cesser l'exception, en ce qui concerne l'Yser canalisé et la ligne de navigation de Plasschendaele à la frontière de France ; et en voici les motifs.
Le bassin de l'Yser n'est pas exclusivement en Belgique ; une grande partie se trouve en France. En laissant incomplet le système de 1837, vous imposez à une seule province, dans l'intérêt de tous, la servitude internationale de recevoir les eaux du fonds supérieur. Dans la situation actuelle des choses, c'est la province de la Flandre occidentale qui supporte tous les inconvénients résultant de l'invasion subite des eaux venant de la partie française du bassin de l'Yser.
Je recommande à l'attention de la chambre cette considération spéciale à l'Yser, parce qu'il n'est pas juste qu'après avoir repris toutes les rivières, on laisse à la charge d'une seule province les conséquences onéreuses de cette servitude internationale.
Je disais tout à l'heure, messieurs, que le système introduit en 1837 avait pour but et a eu pour résultat d'appliquer à l'amélioration de ces voies navigables les ressources générales daus la mesure des intérêts généraux.
Si vous ne complétez pas ce système, vous aurez affecté à un certain nombre de voies de communication les ressources de l'Etat et vous laisserez les autres livrées à l'incertitude et je dirai à l'insuffisance des ressources locales.
Je demande que toutes les voies navigables dont les conditions sont les mêmes, soient placées dans un état d'égalité vis-à-vis de la loi du budget, l'un des plus importants au point de vue des intérêts matériels. De grands intérêts agricoles sont engagés dans cette question.
La rivière l'Yser est soumise aujourd'hui, à raison de l'insuffisance des ressources qu'on peut y appliquer, à des perturbations continuelles ; toute la vallée est, souvent au milieu de l'été, périodiquement inondée ; les récoltes y sont détruites.
Par la loi de 1851, la chambre a alloué un subside pour les travaux d'amélioration. C'est sans doute quelque chose ; mais ce n'est pas assez, si l'on veut arriver à un résultat satisfaisant.
La proposition qui vous est soumise, sous un autre rapport, n'est pas moins digne de la sollicitude de la chambre. La ligne de navigation de Mons, du Hainaut vers la France, vers le littoral français, se trouve aujourd'hui dans des conditions différentes, quant à la profondeur des eaux. Il y a certaines parties de cette grande ligne de navigation, où les navires doivent prendre des allèges qui leur sont inutiles quelques lieues plus loin.
Malgré ces conditions défavorables, l'exportation des houilles du Hainaut vers Dunkerque, vers le littoral français est encore assez considerable ; et cependant dans la partie comprise entre Plasschendaele et Nieuport, il y a une différence de près d'un mètre dans l'étiage des deux parties du canal.
Remarquez, messieurs, que les houilles qui sont exportées dans ces conditions tombent dans la zone maritime, c'est-à-dire dans la zone française, où l'on doit payer le droit de 50 centimes, la zone de faveur ne commence qu'à la Lys, qu'au bureau de Halluin.
Si vous pouviez améliorer les conditions de la ligne de navigation le long du littoral, vous auriez fourni à l'exportation des houilles un stimulant nouveau et qui certainement serait efficace.
On m'objectera peut-être, messieurs, que les conséquences de cette reprise seront des dépenses considérables pour l'Etat, ou bien que d'autres réclamations surgiront en foule.
Je réponds d'abord à cette dernière objection. Je demadle que l'on m'indique quelles sont les rivières canalisées, quels sont les canaux de grande communication qu'il s'agit de reprendre pour compléter le système de 1837. S'il en est d'autres, je suis prêt à les admettre également parce que ce que je défends en ce moment, non un intérêt local, mais un principe de justice.
Quant aux dépenses qu'il s'agirait de faire, je reconnais qua dans un avenir assez proche, la conséquence de la reprise de l'Yser et des canaux sera une dépense pour l'Etat. Je ne dis pas que cette dépense doit être immédiate ; mais elle devra avoir lieu, parce qu'il est juste et nécessaire qu'elle ait lieu.
Mais, messieurs, après avoir tant fait pour améliorer nos voies navigables, il serait étrange, vraiment, lorsqu'il s'agit ici d'une dépense d'un million tout au plus, que l'on peut échelonner sur un certain nombre d'années, il serait étrange, dis-je, que l'on se refusât à faire cette dépense ; les pertes auxquelles on doit remédier, pertes au point de vue agricole, entraves au point de vue de l'intérêt commercial et de l'exportation, sont telles que cette légère dépense ne pourrait arrêter un instant.
En résumé, messieurs, je demande qu'on applique à la province de la Flandre occidentale la règle que l'on a admise pour toutes les autres, et si plus tard il est reconnu nécessaire de faire quelques dépenses par suite de la reprise de ces rivières et canaux, la chambre aura à examiner de quelle manière, dans quel temps, sur quels budgets ces dépenses devront être échelonnées ; mail il est juste, il est urgent qne ces améliorations se réalisent.
M. Roussel (pour une motion d'ordre). - Messieurs, la deuxième section avait demandé au gouvernement une réponse relativement à la question de savoir s'il ne conviendrait pas qu'une loi réglât la part contributive de l'Etat, des provinces et des communes riveraines et non riveraines dans les travaux destinés à prévenir les inondations et indiquât en même temps quelle serait l'autorité chargée de la direction de ces travaux. Nous voyons affluer en ce moment une grande quantité d'amendements au budget, lesquels ont pour but de faire statuer par la chambre sur des demandes qui me paraissent, par leur nature, assez étrangères au budget des travaux publics lui-même. Il s'agit de faire décréter la reprise par l'Etat d'un certain nombre de cours d'eau. Cette matière me semble devoir faire l'objet d'un projet de loi distinct dans lequel seraient réunies toutes les solutions données aux demandes de même nature. Quant à nous, députés de Bruxelles, nous pourrons y ajouter probablement la demande de la reprise de la Senne. (Interruption.) Nous justifierons ultérieurement cette demande s'il y a lieu, mais, pour le moment, il s'agit d'une question de forme, c'est-à-dire de savoir quelle marche on suivra pour donner satisfaction aux réclamations présentées aujourd'hui. Est-on recevable à présenter, par voie d'amendement au budget, des demandes de reprise de cours d'eau comme celles qui nous sont soumises et celles qui vont sans doute nous arriver, par exemple de la part de l'honorable M. David qui demandera probablement, comme il l'a déjà fait, la reprise de l'Emblève par l'Etat ? Telle est la seule question soulevée par la motion d'ordre.
Elle tend donc à simplifier les travaux de la chambre en faisant prononcer le renvoi des diverses propositions au gouvernement pour qu'il présente, s'il y a lieu, un projet de loi qui comprendrait en même temps toutes les reprises justifiées de cours d'eau par l'Etat et la solution de la question posée à la page 2 du rapport de la section centrale.
Remarquez, messieurs, que tout ce qui concerne les inondations n'est pas suffisamment réglé aujourd'hui, non pas ce qui concerne les indemnités aux victimes des inondations, mais ce qui regarde les moyens à employer pour prévenir ces calamités publiques, et la part d'intervention des communes, des provinces et de l'Etat dans les travaux ayant cette destination. Je parle de l'intervention pécuniaire et de l'intervention dans le travail scientifique, car il s'établit fréquemment des différends sur le point de savoir de quelle manière les travaux doivent être organisés et dirigés.
Toutes ces choses, messieurs, ont entre elles une grande analogie. Je crois qu'on ne peut pas, sérieusement, prétendre qu'une discussion doive s'établir sur de semblables demandes à l'occasion du budget. Il faut un projet spécial où les intérêts de toutes les parties du pays reçoivent une satisfaction égale et qui puisse donner lieu à une discussion approfondie et à l'adoption de mesures d'ensemble.
M. A. Vandenpeereboom. - Messieurs, je viens combattre la motion d'ordre de l'honorable M. Roussel. Jusqu'ici tous les antécédents sont en faveur du système que nous défendons, c'est-à-dire que dans toutes les circonstances où soit des rivières soit des canaux ont été repris par l'Etat, c'est toujours à l'occasion de la discussion d'un budget que cette reprise a eu lieu. C'est ainsi que la reprise du canal de Mons à Condé, citée par mon honorable ami, M. Malou, a eu lieu à l'occasion de la discussion d'un budget des voies et moyens. C'est ainsi que dans d'autres circonstances encore, quand des demandes tendant à remettre à l'Etat l'administration d'une rivière ont été formulées, elles l'ont été dans la discussion d'un budget. (Interruption.)
Ainsi, comme le font remarquer MM. Loos et de Perceval, la Petite Nèthe a été aussi reprise à l'occasion de la discussion d'un budget des travaux publics.
Je ne vois donc pas, messieurs, pourquoi l'on ne suivrait pas aujourd'hui la marche que l'on a toujours suivie. Nous ne demandons pas que l'on décide hic et nunc que l'administration des canaux et rivières dont il s'agit, sera reprise par l'Etat, nous demandons seulement à pouvoir développer nos amendements et à faire valoir les motifs à l'appui de notre opinion ; nous demandons ensuite le renvoi de notre amendement à la section centrale, qui fera son rapport et nous soumettra telles propositions qu'elle jugera convenables.
M. le président. - Voici une nouvelle proposition :
« Les soussignés ont l'honneur de proposer à la chambre que les canaux navigables, la Lieve et la Langeleede, situés dans la Flandre orientale, soient repris par le gouvernement, en même temps que la Nèthe et l'Yser.
« (Signé) Magherman, Vander Donckt, Thiekpont. de Naeyer. »
Voici maintenant la motion d'ordre de M. Ad. Roussel : « Je propose que tous les amendements présentés ou à présenter pour la reprise de cours d'eau soient renvoyés au gouvernement à l'effet de faire l'objet d'un projet de loi général comprenant toutes les reprises de cours d'eau, et le règlement des moyens préventifs des inondations. »
(page 645) M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je crois, messieurs, qu|on pourrait renvoyer tous les amendements à la section centrale, qui entendrait le gouvernement dans ses explications et qui ferait un rapport ; mais il devrait être bien entendu que la discussion du budget continuerait, que les articles ne seraient pas réservés.
Il y a, messieurs, pour résoudre cette question, d'abord, une distinction fondamentale à établir : il y a les cours d'eau navigables et flottables et les cours d'eau qui ne sont ni navigables ni flottables. Quant à ces derniers, je crois que tout le monde est d'accord pour reconnaître qu'il ne peut pas s'agir, en ce moment pour l'Etat d'en effectuer la reprise.
Quant aux cours d'eau navigables et flottables, il y a encore une nouvelle distinction à faire : il y a de ces cours d'eau dont l'importance est toute locale, il y en a d'autres dont l'importance est plus considérable et dont la reprise peut, jusqu'à un certain point, se justifier par des considérations d'intérêt public.
Il est évident, messieurs, que quand on considère la question à un point de vue général, il y a tout un ensemble de principes à établir par la loi. C'est, quant aux rivières non navigables ni flottables, un objet dont le département de l'intérieur s'occupe, qui fut le sujet d'une instruction dans les provinces, sur lequel les ingénieurs en chef et les gouverneurs ont été consultés.
Le gouvernement ne serait pas en mesure de proposer en ce moment un système d'ensemble, mais on pourrait renvoyer les diverses propositions à la section centrale, sauf à ne rien préjuger cette année. Dans quelques semaines, dans quelques jours peut-être, le gouvernement présentera le budget des travaux publics pour 1854 ; la question pourra être examinée alors d'une manière utile, après avoir été instruite par la section centrale et parle gouvernement.
M. le président. - MM. David et Closset ont déposé l'amendement suivant :
« Chapitre II. Section III. Art. 28. Entretien et travaux d'amélioration de la Vesdre et de l'Emblève : fr. 30,000. »
M. Rousselle. - Messieurs, ce que vient de dire M. le ministre des travaux publics fera que je serai très court pour appuyer la motion d'ordre qu'il vient de présenter.
M. le ministre demande que toutes les propositions soient renvoyées à l'examen de la section centrale ; j'appuie ce renvoi ; mais j'ajoute ceci : c'est que la section centrale proposera à la chambre, s'il y a lieu, un projet de loi séparé, distinct du budget.
Je demande que la section centrale fasse une proposition distincte du budget, afin de laisser les trois branches du pouvoir législatif parfaitement libres de se prononcer sur un objet de la plus grande gravité.
Il s'agit de mettre à néant un arrêté royal de 1819, porté en vertu de la loi fondamentale de 1815.
Je demande donc encore que la section centrale se fasse reproduire cet arrêté et voie s'il n'y a pas dans ses dispositions d'autres rivières qui devraient èlre aussi reprises par l'Etat.
M. Loos. - Messieurs, je crois que le renvoi au gouvernement ou à la section centrale, dans les termes qu'il est demandé, est une fin de non-recevoir. La question, quant aux cours d'eau navigables et flottables, est étudiée au département des travaux publics en ce qui concerne la Grande Nèthe. C'est à ce point que le prédécesseur de M. le ministre des travaux publics, l'honorable M. Rolin, a fait connaître déjà quelle était l'opinion du ministère des travaux publics à ce sujet.
Je crois donc que la question, en ce qui concerne la Nèthe et probablement en ce qui concerne l'Yser, se trouve suffisamment étudiée et pourra recevoir une solution à propos de la discussion du budget.
Je demande, en conséquence, que la section centrale puisse faire demain, ou après-demain, son rapport au sujet de la reprise de l'administration de la Nèthe et de l'Yser.
M. Dumortier. - Messieurs, je demande l'exécution de l'article 43 du règlement. Cet article porte :
« La chambre ne délibère sur aucun amendement, si, après avoir été développé, il n'est appuyé au moins par cinq membres. Si la chambre décide qu'il y a lieu de renvoyer l'amendement dans les sections ou à une commission, elle peut suspendre la délibération. »
Le règlement exige donc que les amendements soient développés et appuyés ; je demande, en conséquence, que la discussion continue et que les auteurs des amendements qui ne les ont pas encore développés, soient autorisés à le faire. On ne peut pas renvoyer à la section centrale un amendement qui n'est pas connu.
M. Magherman. - Messieurs, je n'ai demandé la parole que pour dire que la proposition que j'ai présentée de concert avec l'honorable M. Vander Donckt et d'autres honorables amis se trouve absolument dans le même cas que celle qui a été déposée par l'honorable M. Malou. La demande de la reprise par l'Etat des canaux dont il s'agit dans notre proposition, a été faite depuis longtemps au gouvernement sur les réclamations dn conseil provincial.
L'affaire est donc instruite, et l'on peut se prononcer en connaissance de cause, tout comme pour l'Yser et la Nèthe.
M. Coomans. - Messieurs, il me semble qu'on pourrait déjà prendre une décision, relativement aux deux propositions les plus sérieuses, sinon les seules sérieuses qui aient été faites, en ce qui concerne l'Yser et la Nèthe ; car, messieurs, il se pourrait que ce débat durât encore plusieurs heures, de manière que la section centrale ne pourrait pas s'occuper demain des amendements que nous avons eu l'honneur de proposer.
M. Lelièvre. - Je pense que le parti le plus sage est de renvoyer les amendements à l'examen de la section centrale. Toutefois je tiens à conserver mon tour de parole dans la discussion générale, parce que je dois adresser une interpellation à M. le ministre des travaux publics. En conséquence, si on trouvait bon d'entendre préalablement les auteurs des amendements, je désire qu'on me maintienne la parole à mon tour d'inscription pour une simple interpellation à faire à M. le ministre.
M. Vander Donckt. - Messieurs, je ne conçois réellement pas comment on accorderait une préférence à une motion, tandis qu'on la refuserait aux motions des autres membres. S'il s'agissait de priorité, c'est notre motion qui devrait aller avant les autres propositions. Depuis un grand nombre d'années, le conseil provincial de la Flandre orientale, à plusieurs reprises, a demandé à l'unanimité des voix que le gouvernement reprît la Lieve et la Langeleede. J'ai déjà dans une séance précédente fait connaître les motifs de cette demande. La Flandre orientale a subi l'injustice de voir que depuis 1830 le gouvernement a repris l'Escaut et la Lys qui étaient une source ds revenu pour la province, tandis que la Lieve et la Langeleede constituent une change annuelle pour le budget provincial.
Je demande que notre proposition suive la même cours que les propositions relatives à la Nèthe et à l'Yser.
M. le président. - L'article 43 du règlement porte que la chambre ne délibère sur aucun amendement s'il n'a été développé et appuyé. Le renvoi pur et simple d'un amendement à la section centrale peut-il être considéré comme une délibération ? Je ne le pense pas.
On a plus d'une fois renvoyé à la section centrale des amendements qui n'avaient pas été développés.
M. Roussel. - Le but de ma motion d'ordre n'était pas d'allonger le débat ; je voulais au contraire couper court à toute discussion. Voici donc ce que je proposerai : je demanderai le renvoi des amendements et de ma motion d'ordre à la section centrale. Je suis convaincu que la section centrale dont j'ai l'honneur de faire partie, après avoir examiné tous les amendements avec soin, ne pourra pas faire de proposition utile au milieu de ce déluge d'amendements qui nous arrivent de toute part.
Elle devra donc vous proposer le renvoi au gouvernement afin qu'après instruction et délibération, celui-ci nous présente un projet d'ensemble pour la reprise des rivières et cours d'eau, pour lesquels il reconnaîtra cette mesure indispensable.
Ce que je demande est juste ; il est impossible que pareille reprise se décide sans une instruction convenable et spéciale, faite par le gouvernement et par des agents à ce qualifiés. Tel est l'objet de ma proposition.
Il est donc inutile que l’on délibère plus longtemps sur ma motion. Si la chambre le croit nécessaire, elle peut la renvoyer à la section centrale qui, j'en suis persuadé, devra bien finir par s'y rallier.
- Un membre. - La section centrale ne connaîtra pas les motifs sur lesquels s'appuient les auteurs des amendements, s'ils ne les développent pas.
M. le président. - Les auteurs des amendements seront appelés dans le sein de la section centrale et pourront présenter leurs observations.
M. Malou. - Si l'honorable M. Roussel qui vient de se rasseoir désire que sa proposition soit enterrée, je n'ai pas de raison de m'y opposer ; mais je désire n'être pas enterré avec lui. Je demande que, conformément aux précédents et au règlement, lorsqu'un amendement a été proposé, on délibère sur la suite qu'il convient d'y donner.
Deux propositions ont été faites par M. de Reeth et par plusieurs collègues et moi, qui ont été développées et appuyées, je demande que la chambre se prononce sur la demande de renvoi et qu'on ne préjuge pas les conclusions de la section centrale.
Si les amendements sont nombreux, les motions le sont aussi, la plupart tendent à préjuger la décision à prendre ; l'une consiste à disjoindre les propositions du budget. Quant à la proposition de M. Roussel, je ne vois pas ce que la chambre et la section centrale peuvent y faire, c'est un ajournement non motivé ou c'est au contraire une atteinte au droit de la chambre et du gouvernement : il invite le gouvernement à user dans un sens déterminé de son initiative ou il ne signifie rien. Si c'est quelque chose qui ne sorte pas du droit de la chambre qui ne soit pas attentatoire aux droits du gouvernement, la section centrale en délibérera. J'insiste pour qu'après les développements on prenne une décision sur la suite à donner aux amendements. Je demande que la chambre statue sur l'amendement de mon honorable ami M. de Reeth et sur le mien.
M. le président. - Deux amendements, celui de M. Vanden Branden de Reeth et celui de M. Malou et autres ont été développés et appuyés. On en demande le renvoi à la section centrale.
M. de Perceval. - Pour simplifier le travail de la chambre non moins que celui de la section centrale, je modifierai la motion faite par M. Roussel, et je proposerai de ne renvoyer à la section centrale que les amendements qui se rapportent aux cours d'eau navigables et flottables, car ce sont les seuls qui aient, dans mon opinion, un caractère vraiment sérieux.
(page 644) M. Manilius. - Je crois que la discussion de la motion est épuisée : par la résolution qu'on prendra sur les amendements on aura satisfait à la demande de M. Roussel, car il doit être permis à chacun de faire des amendements à propos du budget ; s'ils sont nombreux, on les examine un peu plus légèrement.
On en a vu se produire en plus grand nombre qu'aujourd'hui ; on a délibéré, et les résolutions ont toujours été prises assez sagement pour qu'on ne change pas de voie. Je m'oppose à la motion et je demande l'ordre du jour.
M. Dumortier. - Je m'oppose à la motion de M. Malou ; il ne veut pas être enterré par la motion de mon ami M. Roussel, mais la sienne tend à enterrer les amendements autres que le sien. On a proposé de renvoyer à la section centrale les amendements qui ont été développés, de sorte que les autres ne le seraient pas. Ce serait là une inégalité devant la loi.
M. Malou. - Ils le seront.
M. Dumortier. - C'est autre chose ; toujours est-il qu'il veut une faveur pour son amendement tandis que les autres seraient envoyés à l'enterrement, ce dont je ne me soucie pas.
M. Malou. - Je demande la parole pour une rectification. J'ai proposé de prononcer sur le renvoi de l'amendement de M. de Reeth et du mien à la section centrale, mais d'entendre ensuite les auteurs des autres amendements et de statuer sur le renvoi ou de toute autre manière.
M. le président. - Comme je l'ai déjà dit, la chambre a plus d'une fois renvoyé à la section centrale des amendements dont elle n'avait pas entendu les développements ; elle peut du reste décider qu'elle entendra les développements des amendements proposés avant de se prononcer sur le renvoi. Je pourrais, comme on le propose, consulter d'abord la chambre sur le renvoi à la section centrale des amendements qui ont été développés et appuyés.
On pourrait statuer ensuite sur la marche à suivie quant aux autres smendements.
M. A. Vandenpeereboom. - J'étais inscrit pour développer l'amendement que j'ai présenté avec plusieurs collègues ; je demande à en exposer les motifs afin que la section centrale puisse quand elle l'examinera, juger si nos propositions peuvent être admises.
M. le président. - Vous conserverez votre tour de parole, vous serez libre de présenter vos observations dans la discussion générale ou d'attendre le rapport de la section centrale.
La proposition suivante vient d'être déposée :
« J'ai l'honneur de proposer la reprise de la Haine par l'Etat.
« (Signé) Ch. Rousselle. »
- La chambre, consultée, renvoie à la section centrale les deux amendements qui ont été développés et appuyés, décide qu'elle ne se prononcera sur le renvoi des autres amendements que lorsqu'ils auront été développés et appuyés, et décide que la proposition de M. Ad. Roussel ne sera pas renvoyée à la section centrale.
M. Roussel. - Je retire ma proposition.
M. le président. - La discussion est reprise sur l'ensemble de la section 3 du chapitre II.
M. A. Vandenpeereboom. - Je me suis fait inscrire pour faire valoir quelques motifs à l'appui de l'amendement que j'ai soumis à la chambre avec plusieurs de nos collègues.
Cet amendement a un double but : il tend à ce que l'administration de la rivière l'Yser d'abord et des canaux de Plasschendaele, Nieuport et Furnes ensuite, soit reprise par l’Etat.
Ces canaux ont été creusés et la canalisation de l'Yser a été exécutée aux frais des communes de Gand, Bruges et Ypres, à l'époque de la splendeur de nos communes flamandes, et ces voies de communication ont été reprises par le gouvernement central à la fin du siècle dernier.
Enfin, messieurs, ce n'est qu'en 1819 que l'entretien de presque tous nos canaux et rivières a été imposé aux provinces.
Je n'examinerai pas, avec d'autres orateurs, la question de savoir si ces voies navigables ont été remises aux provinces d'une manière régulière.
Pour moi la question n'est pas là ; elle est de savoir si des provinces, fraction du pays, doivent être chargées d'entretenir des voies de communication navigables qui intéressent le pays entier.
J'ai dit que l'amendement présenté par plusieurs de mes collègues et par moi avait un double objet : il s'agit d'abord de la reprise de l'Yser. Je vous prie, messieurs, de remarquer qu'il s'agit ici d'une rivière navigable, qui a en Belgique un cours de 8 à 9 lieues et, qui se trouve, par suite de cette circonstance, dans une position tout à fait exceptionnelle.
En 1819, un grand nombre de rivières ont été cédées aux provinces. Mais toutes les rivières navigables cédées alors ont été reprises depuis par le gouvernement, à l'exception toutefois de la Nèthe et de l'Yser. Pourquoi cette exception ? La règle générale aujourd'hui est que les rivières navigables et flottables doivent être administrées par l'Etat, et je ne vois pas pourquoi deux voies navigables seulement se trouvant dans cette situation feraient exception à la règle générale, pourquoi l'on aurait deux poids et deux mesures.
En ce qui concerne l'Yser, je ferai remarquer encore que cette rivière est pour ainsi dire internationale, et que cette situation ne peut être perdue de vue, car la Flandre occidentale subit, par suite de la situation de ce fleuve, une servitude très grande, qui est aggravée encore par des travaux hydrauliques et d'irrigation qu'on exécute dans le nord de la France.
Quant aux canaux dont nous demandons la reprise, il est impossible de ne pas l'admettre, quand on considère leur caractère international ; les canaux de Plasschendaele, Nieuport et Furnes sont en effet des voies navigables, qui relient Bruges et Gand et tout l'intérieur du pays aux canaux du nord de la France par Dunkerque.
Je pense, messieurs, que ce court exposé fera comprendre que les voies navigables dont nous demandons la reprise sont d'un intérêt général, d'un intérêt international même, et qu'il est juste dès lors que le gouvernement les administre parce qu'il est juste que l'Etat administre ce qui est utile et nécessaire à tous.
En terminant, je ferai remarquer que si l'Etat ne consentait pas à reprendre ces voies de navigation, il en résulterait pour le commerce un préjudice énorme. La province de la Flandre occidentale n'est plus en état de supporter les frais qu’exige leur entretien, et par conséquent, cette province, pour l'Yser, comme la province d'Anvers pour la Nèthe serait forcée de négliger complètement les travaux d'entretien même les plus urgents ; il résulterait donc de cet état de choses un préjudice considérable pour la navigation et le commerce du pays. J'espère que, pour ces motifs, la chambre voudra bien accueillir nos propositions.
M. Rodenbach. - Je n'entrerai pas dans de longs détails pour développer l'amendement que j'ai l'honneur de déposer, conjointement avec mes honorables collègues MM. Dumortier et de Muelenaere.
Nous demandons pour le Mandel, ce qu'ont demandé pour l'Yser les honorables représentants ds l'arrondissement d'Ypres. Tous les ans, il y a des débordements qui ruinent un grand nombre d'habitants de ces contrées. Les dépenses auxquelles donnerait lieu la reprise par l'Etat serait peu considérable. Mais c'est un motif de plus pour qu'il se charge de ces dépenses ; et si les habitants de cette partie du pays sont moins riches que les riverains de l'Yser, ils ont d'autant plus de titres à la protection du gouvernement. Chaque année, les inondations du Mandel ruinent un grand nombre de personnes, déjà elles en ont réduit plusieurs à la misère. C'est en vain qu'à diverses reprises on a réclamé des subsides en leur faveur.
On a beaucoup fait, en Belgique, pour la construction des chemins de fer. Je suis moi-même grand partisan de ces voies rapides de communication. J'ai constamment appuyé la construction des chemins de fer qui pouvaient être utiles à notre pays.
Un honorable député de Saint-Nicolas vous l'a dit, on a fait aussi, depuis notre révolution, plusieurs centaines de lieues de routes pavées. L'Etat avait en 1830 466 lieues de routes pavées ; il en a aujourd'hui 795 ; on a fait de très grands travaux de tout genre, mais pour les canaux de l'espèce de ceux dont les honorables députés d'Ypres, et dont mes honorables collègues du district de Roulers et de Thielt sollicitent avec moi l'amélioration, pour les canaux agricoles, le gouvernemeni n'a pour ainsi dire rien fait. Il a négligé ces canaux qui sont d'une si grande utilité pour l'agriculture ; il a laissé ruiner, il a jeté en quelque sorte dans la misère de nombreuses populations aussi bien pour la Mandel que pour l'Yser, et voilà pourquoi je crois qu'il est plus que temps que le gouvernement s'occupe aussi de ces canaux agricoles.
On a beaucoup fait pour éblouir, pour pouvoir dire que la Belgique a d'immenses chemins de fer, qu'elle a des centaines de lieues de routes pavées ; mais pour ce qui est nécessaire à la classe qui mérite une protection spéciale, je dois le répéter, on n'a rien fait.
Je me bornerai pour le moment à ces courts développements. Si l'on renvoie notre amendement à la section centrale, nous l'y développerons davantage, si cela est nécessaire, nous y prouverons la nécessité que le gouvernement s'occupe enfin des canaux agricoles.
- L'amendement de MM. Rodenbach, Dumortier et de Muelenaere est appuyé et renvoyé à l'examen de la section centrale.
M. le président. - Voici un nouvel amendement de M. Orban :
« Je propose de charger le gouvernemeut des travaux à faire à la rivière d Ourthe. »
M. Van Renynghe. - Pour ne pas abuser des moments de la chambre, je ne prendrais pas la parole, si je n'avais un nouvel argument à faire valoir à l'appui des considérations péremptoires que d'honorables préopinants ont si bien développées pour faire ressortir l'opportunité et l'équité de l'amendement en discussion, relatif à la reprise par l'Etat de l’Yser, qui est navigable depuis son entrée en Belgique jusqu'à la mer. On n'a parlé que des inondations fréquentes qui désolent la riche vallée de l'Yser ; mais celles non moins fréquentes et peut être plus désastreuses qui menacent continuellement le bassin que parcourt l'ancien canal de Poperinghe, aujourd'hui presque entièrement envasé, ne méritent pas moins d'attirer l'attention de la chambre.
Comme les eaux de l'Yser, celles de ce canal prennent leur source en France et descendent de montagnes, situées dans ce pays limitrophe, quelquefois avec une violence telle qu'elles détruisent tout ce qui s'oppose à leur passage.
La ville de Poperinghe a subi des inondations qui ont envahi ses habitations, déraciné, sur une de ses places publiques, des arbres de haute futaie, dévasté une partie de ses récoltes et occasionné des dommages incalculables à plusieurs de ses établissements industriels. Cette ville, effrayée de tant de désastres, a cru devoir faire des (page 645) énormes pour les prévenir. Le seul moyen d'éviter ces calamités, était de recreuser son ancien canal, dont les eaux se déversent dans l'Yser en amont d'Elsendam. A cette fin elle a voté un subside de cent mille francs, somme exorbitante, eu égard à ses grands besoins et à son peu de ressources.
Malgré son offre généreuse, cette ville n'a pu être secondée dans ses efforts parce que le génie civil objectait et avec raison que, aussi longtemps que les grands travaux projetés pour l'écoulement des eaux de l'Yser ne seraient pas exécutés, le recrrusement de ce canal ne pourrait avoir lieu sans augmenter instantanément les eaux surabondantes de l'Yser, et ajouter ainsi une calamité de plus à celles que déjà ces eaux occasionnnent.
Mais, malheureusement, en attendant que ces grands travaux s'exécutent, la ville de Poperinghe, malgré les sacrifices qu'elle veut s'imposer, reste sous le coup de nouveaux désastres et peut-être plus ruineux que les précédents.
Le subside considérable voté par une petite ville, pour obvier aux inconvénients graves que je viens de signaler, prouve suffisamment l'urgence des moyens qu'il faut employer.
Par ce que j'ai eu l'honneur de dire, le but de l'amendement tendrait non seulement à faciliter l'écoulement des eaux de la vallée de l'Yser, mais aussi celui des eaux du bassin du canal de Poperinghe.
Je ne doute aucunement, messieurs, que ce que je recommande à votre attention et à votre sollicitude, ne corrobore les observations qui ont été faites par d'honorables collègues à l'appui d'un amendement qui ne demande que justice et qui, pour ce motif, je l'espère du moins, sera sanctionné par la législature.
M. E. Vandenpeereboom. - Je désire appeler l'attention du gouvernement sur une question nouvelle, qui n'est pas sans importance, puisqu'elle intéresse tout à la fois le revenu public et l'alimentation de nos populations. Je veux parler du repeuplement des eaux de nos rivières, de nos canaux, de nos polders et de nos côtes.
Il y a deux moyens pour arriver à ce repeuplement : l'un lent, incomplet, es serait une bonne loi sur la pêche ; l'autre, rapide et efficace, c'est-à-dire le repeuplement artificiel du poisson. Rien n'empêcherait, je le pense, de mettre simultanément en oeuvre ces deux moyens.
L'élève du poisson, ce que l'on a coutume d'appeler la pisciculture, est une science d'une origine très ancienne. Vous le savez, les Romains avaient des piscines, dont l'histoire constate les prodigieux produits. De temps immémorial, à Comachio, en Italie, il existe des établissements de pêcherie, produisant du poisson, non seulement pour la consommation des localités voisines, mais encore faisant l'objet d'un commerce très important.
Mais aujourd'hui ane conquête nouvelle se présente : c'est la fécondation et l'éclosion artificielle du poisson. En France, des faits nombreux se sont produits à cet égard, et je crois devoir vous en dire quelques mots.
Deux pêcheurs de la Bresse, les nommés Gein et Remy, frappés des causes multiples qui faisaient que le jeune poisson se perdait, entreprirent des essais en petit et suivant leurs ressources pour la conservation du frai et de l'alevin. Ils arrivèrent, en peu de temps, à des résultats si remarquables, que des ingénieurs distingues, attachés au canal du Rhône au Rhin, adoptèrent leurs procédés, les étendirent et firent à leurs propres dépens des essais en grand qui conduisirent à une complète réussite.
La science développa bientôt ces découvertes. Elle trouva de nouveaux moyens de reproduction ; elle en fit la description et étendit le cercle des études faites par ces ingénieurs. Le gouvernement français, frappé de tous ces utiles travaux, ouvrit une enquête qui fut, de tous points, favorable. A la suite de cette enquête, il fut ouvert un crédit de 22,000 fr. pour premier établissement et de 8,000 fr. pour entretien annuel, afin d'appliquer, sur une vaste échelle, ces ingénieux procédés.
Tous ces faits sont détaillés dans le savant rapport de M. Coste, membre de l'Institut de France. Ce rapport aura pu échapper à beaucoup d'entre nous, pendant les préoccupations des vacances. Il porte la date du mois d'août 1852, et se trouve reproduit dans le Moniteur Belge du 9 du même mois.
Il est prouvé par ce rapport qu'à l'aide de moyens peu coûteux et très faciles, on peut arriver à deux récolles de poisson au lieu d'une. Il est prouvé encore que l'on peut obtenir l'acclimatation de poissons étrangers et la métisation, si je puis m'exprimer ainsi, c'est-à-dire le croisement de races diverses.
Le gouvernemeut français recueillit bientôt les fruits de ses premiers essais. En effet, je lisais, il y a quelques jours, dans un journal :
« On s'occupe beaucoup, depuis quelque temps, de la multiplication artificielle de diverses espèces de poissons par les procédés mis en pratique, avec succès, par les pêcheurs Gehin et Remy. Le gouvernement, après avoir récompensé ces hommes simples, mais utiles, a fait étudier leur procédé et poursuit, aujourd'hui, le repeuplement des rivières et canaux par l'établissement de vastes pêcheries à Huningue, d'où l'alevin, après l'éclosion et la première éducation, sera porté à tous les affluents de la Saône au Rhin. »
Vous voyez donc, messieurs, que ce n'est plus un objet de science, une expérimentation de cabinet ; il s'agit d'une vaste application d'une méthode artificielle da repeuplement aux rivières et canaux de la France.
D'autres pays se sont aussi préoccupés de cette conquête nouvelle.
Car je lis dans un journal également de date récente, qu'en Hollande, une commission vient de s'assembler, pour s'occuper de cet objet.
Je crois que notre inaction, en présence de ces découvertes, en présence de ces faits acquis, seraient coupable, et que le gouvernement doit s'occuper da cette intéressante question.
M. Rogier. - Il l'a déjà fait.
M. E. Vandenpeereboom. - Nous ne voyons pas de résultais ; du reste, s'il s'en est déjà occupé, mes observations ne pourront que l'engager à persévérer dans ses recherches.
Il me semble, messieurs, que nous, qui avons tant de cours d'eau, de si nombreux canaux d'évacuation, qui sont, pour ainsi dire, de vastes viviers, nous devrions nous occuper non pas à étudier silencieusement cette question, mais à la faire entrer dans la pratique ; que nous devrions, à l'exemple de ce qu'a fait la France, nommer une commission d'hommes compétents pour examiner de près et sur les lieux, cette découverte. Nous avons dans nos corps savants des personnes qui s'occupent spécialement de cette partie de l'histoire naturelle, de l'étude des poissons.
Nous avons dans notre savant corps des ponts et chaussées des ingénieurs actifs, des hommes d'initiative, nous en avons la preuve dans les canaux de la Campine. Eh bien, deux de ces hommes pourraient être chargés par le gouvernement d'aller sur les lieux, en France ; de se mettre en rapport avec M. Coste et d'autres savants, qui se sont occupés de cet objet ; de prendre le plan des outils et des engins ; et ainsi, cette utile découverte pourrait, sans peine et à peu de frais être appliquée en Belgique.
Mon but, en demandant la parole, a été d'attirer l'attention de M. le ministre sur ee point. Si le gouvernement s'est déjà préoccupé de cette question, je l'engage à entrer dans la voie des faits. Le crédit porté au budget pour dépenses imprévues serait peut-être suffisant pour couvrir la première dépense, qui, d'ailleurs, ne peut être considérable. S'il ne l'était pas, si M. le ministre des travaux publics nous déclarait que la somme entière pour dépenses imprévues lui est nécessaire pour d'autres usages, je proposerais un amendement pour mettre à la disposition du gouvernement les fonds nécessaires pour faire cette étude et même pour commencer des essais pratiques.
M. Delehaye. - Cela coucerne-t-il le département des travaux publics ?
M. E. Vandenpeereboom. - On demande si cette question concerne le département des travaux publics. Je le pense, et d'ailleurs mes observations s'adressent au gouvernement tout entier.
Messieurs, vous mettez à la disposition du gouvernement tout ce qui est nécessaire pour utiliser le chemin de fer, vous lui accordez des crédits pour plantations de routes. Eh bien ! donnez à M. le ministre des travaux publics de quoi faire produire davantage à nos rivières, canaux et côtes.
Au reste, peu m'importe le ministère qui s'occupera de la question ; pourvu qu'elle soit examinée. Car je suis certain, qu'après enquête, on arrivera à constater de très grands résultats. Je le repète, il s'agit d'une question importante, surtout dans un pays où l'abstention de la viande est encore proverbe et généralement observée, pendant un tiers de l'année.
M. le président. - Un nouvel amendement vient d'être déposé sur le bureau. Il esi ainsi conçu :
a J'ai l'honneur de proposer la reprise par le gouvernement de la rivière la Senne.
« (Signé) Verhaegen. »
M. Dumortier. - Messieurs, ce que vient de dire l'honorable M. E. Vandenpeereboom mérite très certainement toute l'attention du gouvernement. La Belgique contient des canaux considérables et en très grande quantité.
Il n'y a pas de pays, à l'exception peut-être de la Hollande, qui contienne, en proportion de son territoire, un nombre aussi considérable de canaux que la Belgique. Or, ces canaux sont aujourd'hui à un état presque improductif, et il est certain qu'avec une dépense peu considérable, avec une minime dépeune, il serait possible de leur faire produire un revenu très avantageux pour le trésor public.
J’appuie donc les observations qui ont été faites par mon honorable collègue M. Vandenpeereboom, et moi-même j'avais l'intention de parler à la chambre de cette question, dont je me suis beaucoup occupé.
Mais il ne m'est pas indifférent de savoir quel est le minstère qui aura ce point dans ses attributions.
Le soin de faire rapporter les canaux ne peut appartenir à un autre qu'à celui qui a les canaux dans ses attributions. Donner au ministère de l'intérieur le soin de faire rapporter les canaux, c'est s'exposer à n'arriver à aucun résultat utile. Comme me le fait observer l'honorable M. Manilius, ce serait une scission ; il n'y a qu'un ministre qui puisse être appelé à pourvoir à ce besoin : c'est celui des travaux publics.
J'ajouterai que la dépense nécessaire en cette circonstance serait une dépense excessivement minime. La France a dû faire une dépense plus considérable, parce qu'il a fallu faire les expériences, qu'il a fallu tout créer.
Mais maintenant que le système de reproduction du poisson par voie artificielle est connu, vous n'aurez qu'une dépense de peu d'importance à faire, pour arrivera un résultat très favorable.
Voyez les Flandres ; elles sont remplies de canaux. Voyez la Campine, elle est remplie de canaux. Nous avons des canaux de toutes parts. Eh (page 646) bien, la pêche de tous ces canaux pourrait donner un produit très considérable au trésor, s'ils contenaient du poisson de valeur en assez grande quantité pour faire un revenu réel à celui qui s'adonnerait à la pêche.
J'insiste donc vivement pour que cette question ne soit pas perdue de vue et pour que le gouvernement s'en occupe activement.
Je dirai maintenant deux mots de l'amendement que j'ai eu l'honneur de présenter, avec mes honorables amis M. Rodenbach tt M. de Muelenaere, a sujet de la canalisation de la rivière la Mandel.
Cette demande n'est pas nouvelle ; elle est très ancienne, et, il y a bien des années, M. l'ingénieur Vifquain, dans son rapport sur les cours d'eau de la Belgique, démontrait l'urgente nécessité de faire des travaux à cette rivière. Cet ingénieur, messieurs, s'appuyait sur plusieurs motifs, mais celui qui vous touchera le plus, ce sont les inondations périodiques qui font un tort considérable à tous les riverains. Je pense donc que sous ce rapport la question est tout à fait instruite.
D'un autre côté je prie la chambre de se rappeler que dans la discussion du projet de loi de travaux publics, il a été déposé par l'honorable M. Rodenbach et moi un amendement tendant à mettre cette dépense à la charge de l'Etat.
Il nous a été répondu que la dépense devait se faire, mais qu'elle se ferait sur les budgets annuels. Nous demandons aujourd'hui l'exécution de cette promesse et nous insistons sur cette considération que la question a été étudiée par l'ingénieur en chef de la Belgique, par un homme dont le nom est des plus célèbres. Je pense donc que notre demande ne peut pas être repoussée, et je doute qu'il y ait un seul projet aussi urgent que celui-là.
Maintenant je dirai quelques mots d'une autre dépense ; je veux parler de l'Escaut. Dans une autre séance, mon honorable collègue et ami, M. Magherman, a demandé au gouvernement quel emploi il fait des fonds votés pour l'amélioration du régime de l'Escaut, fonds qui s'élèvent à 1,500,000 fr.
M. le ministre n'a donné aucune espèce de réponse à l'honorable M. Magherman, d'où je conclus qu'on n'a rien fait pour l'Escaut. Je me trompe, je crois qu'il a été fait quelque chose. (Interruption.) Je désire alors que nous sachions ce que l'on va faire. Je ne puis admettre sous aucun rapport le système qui a été développé ici par M. le ministre des travaux publics lorsqu'il est venu dire qu'un vote de la chambre avait supprimé l'arrêté qui ordonnait une enquête.
Je crois qu'en toute matière et surtout en matière de canaux et de rivières les enquêtes sont indispensables et que livrer nos rivières aux expériences de quelques ingénieurs c'est s'exposer, dans l'avenir, aux plus amères déceptions au point de vue du régime des eaux.
Messieurs, s'il était nécessaire d'entrer à cet égard dans de grands développements, je démontrerais que dans la plupart des pays où des travaux ont été faits sans une profonde maturité, ces travaux ont amené, au bout d'un demi-siècle, des résultats éminemment désastreux.
J'ai déjà eu l'honneur de le dire très souvent à la chambre, il y a une grande différence entre les rivières qui charrient leurs eaux sur le gravier et celles qui charrient leurs eaux sur le limon. Ces dernières sont d'une nature telle que si vous multipliez les barrages,vous arrivez inévitablement, au bout d'un certain nombre d'années, à exhausser le lit du fleuve et alors qu'avez-vous fait ? Vous avez fait des marais de toutes les prairies voisines. Aussi longtemps qu'une rivière est abandonnée à son cours naturel, elle entraîne son limon jusqu'à la mer, mais aussitôt que vous venez établir des barrages, et des barrages sans fin, évidemment vous n'avez qu'un but, c'est d'arrêter le cours du fleure, d'empêcher sa rapidité ; eh bien, dès lors le limon se dépose et le lit du fleuve remonte incessamment. C'est inévitable, l'histoire de toutes les époques est là pour vous le dire. Allez voir l'Italie ; les premiers travaux des ingénieurs italiens ont eu pour objet la canalisation du Pô ; eh bien ! qu'est-il arrivé ?
C'est que la partie inférieure du lit du fleuve est beaucoup plus élevée que les terrains voisins ; et pourquoi ? Parce que le Pô charrie des eaux limoneuses et que, dans un intérêt de navigation, on a arrêté le cours des eaux ; le limon s'est successivement déposé et a relevé le lit du fleuve au point que ce lit est aujourd'hui plus élevé que les terres avoisinantes.
Eh bien ! nous ne voulons pas qu'une pareille chose arrive chez nous, nous ne voulons pas que, sous prétexte de faire certaines améliorations dans l'intérêt de la navigation, on vienne détruire les magnifiques prairies qui bordent l'Escaut, richesses de la nature bien plus considérables que celles qui peuvent être procurées par d'autres moyens. Il n'est pas juste de sacrifier à un intérêt de navigation, ces prairies si riches qui s'étendent au-delà de 30 lieues de parcours du fleuve.
Il y a 18 à 20 ans, un projet fut présenté à la chambre, dans le but d'opérer ce qu'on appelait alors la canalisation de l'Escaut. Ce projet consistait à établir quelques coupures, à construire des barrages sur un grand nombre de points du cours de l'Escaut. Nous demandâmes le renvoi du projet aux localités que la chose concernait. Le projet fut examiné par les villes de Tournai et d'Audenarde, que la question intéressait au plus haut point. Je regrette que l'honorable M. Liedts qui était alors membre de la chambre, ne soit pas présent : il confirmerait tout ce que je viens de dire.
Tous les intéressés, tous les propriétaires de ces magnifiques prairies qui, je le répète, s'étendent sur un espace de plus de 30 lieues, se sont élevés d'une voix unanime contre le projet qui était présenté. Quand le projet fut soumis aux délibérations de la chambre, les députés de Tournai et d'Audenarde ont fait entendre les mêmes réclamations, et finalement la chambre a décidé que le projet ne serait pas exécuté.
Or, que se passe-t-il maintenant ? C'est que le gouvernement vient faire en détail et par partie ce que la chambre a rejeté dans son ensemble ; c'est qu'au moyen de chaque écluse qu'on place, on complète successivement le système qu'on avait si vivement attaqué et qui avait été rejeté.
Quel peut être le résultat pratique de ce système ? Dans les premiers temps, ce système paraît magnifique ; les eaux, dans certaines prairies basses, trouvent un écoulement plus facile ; mais le jour arrivera où vous aurez amené l'exhaussement du lit du fleuve ; et comment alors faire écouler les eaux des prairies basses ? Cela deviendra absolument impossible. Vous travaillez pour le jour présent, et vous sacrifiez l'avenir de ces riches prairies dont le produit annuel est évalué de 10 à 15 millions !
Il est donc indispensable d'examiner une pareille question d'une manière excessivement sérieuse.
Il ne faut pas abandonner des intérêts aussi majeurs au caprice de quelque ingénieur qui peut avoir en vue l'intérêt de la navigation sans se soucier de ceux de l'agriculture ; de pareils intérêts méritent d'être entendus, et je désire vivement qu'avant de faire emploi des fonds que la chambre a votés pour faciliter l'écoulement des eaux de l'Escaut, une discussion s'engage dans cette enceinte, qu'on entende les intéressés, que l'on comprenne enfin qu'il ne fallait pas toucher témérairement au régime d'un fleuve aussi important, de l'artère capitale de la Belgique, du fleuve qui conduit les eaux au grand port d'Anvers et dont l'embouchure vous appartient.
Il est impossible d'entreprendre de pareils travaux, en l'absence de toute délibération de la législature. Je demande qu'on ne joue pas à de pareilles chances ; je demande qu'on ne compromette pas des intérêts si graves sous prétexte d'améliorer la navigation.
Autrefois les inondations de l'Escaut n'étaient pas d'une très longue durée. Personne ne s'en plaignait. Je parle surtout du haut Escaut. Les prairies magnifiques de l'Escaut sont dans cette position qu'il leur faut, pour être fécondes, des irrigations en hiver et au printemps. L'Escaut est comme le Nil ; comme lui il charrie des eaux limoneuses nécessaires à la fécondation du sol. Lorsqu'il n'y a pas de débordements, les prairies souffrent et la récolte est manquée. Quand, au contraire, les irrigations se prolongent trop longtemps, l'herbe se pourrit, et la récolte est encore manquée.
Je le répète, c'est le même régime que pour le Nil : il faut une irrigation, une irrigation féconde, prolongée ; mais il ne faut pas qu'elle se prolonge au-delà de la pousse des herbes ; si elle se prolonge au-delà, la récolte est perdue.
Maintenant que faut-il faire ? Il faut éviter les redressements qu'on a l'intention d'exécuter. Ces redressements auraient deux inconvénients. Le premier, d'empêcher l'irrigation des prairies de l'Escaut ; le second est de faire affluer immédiatement toutes les eaux vers la ville de Gand, qui ne pourrait les absorber. Autrefois cet inconvénient n'était pas à craindre : il y avait à Antoing une éclusette pour permettre le passage des eaux que l'Escaut peut charrier d'une manière régulière.
Mais vers l'année 1836, on fit avec la France une convention par laquelle il fut stipulé que le gouvernement belge élargirait considérablement l'écluse d'Antoing ; non seulement on a élargi l'écluse d'Antoing, mais on a commis une faute bien grande : on en a abaissé le radier, de façon que la quantité d'eau qui entre par l'écluse d'Antoing est double de celle qui y entrait par le passé. La vallée de l'Escaut reçoit donc le double des eaux qu'elle recevait autrefois, mais on n'a pas donné à cette vallée des moyens d'écoulement proportionnés à l'arrivée des eaux de la France.
En France, on a dans ces dernières années exécuté des travaux considérables aux affluents de l'Escaut. On a canalisé la Sensée, et l'on en a asséché les marais ; on a canalisé la Scarpe, et l'on en a asséché les marais. Tous ces assèchements ont été faits aux dépens de l'Escaut belge ; car pour les opérer il faut faciliter l'écoulement des eaux. Cet écoulement ne pouvait pas se faire avec facilité avant que l'écluse d'Antoing ne fût élargie et que son radier ne fût abaissé. Mais ce jour là toutes ces prairies s'asséchèrent et nous reçûmes de France des eaux avec une abondance incomparablement plus grande que par le passé.
La vallée de l'Escaut, depuis Tournai jusqu'à Audenarde et depuis Audenarde jusqu'à Gand, reçoit donc toutes les eaux de la France, et elle les reçoit par le fait du gouvernement.
Ce n'est pas le fait de la nature, c'est le fait du gouvernement et du gouvernement seul, c'est le gouvernement qui a mis la vallée de l'Escaut dans cette position ; c'est au gouvernement à l'en tirer.
On ne demandait pas chez nous que le gouvernement élargît l'écluse d'Antoing et abaissât le radier ; c'est le gouvernement français qui l'a demandé, dans l'intérêt de l'assèchement des marais de la Sensée, de la Scarpe et de l'Escaut français ; le gouvernement belge a accueilli cette demande, il a consenti à sacrifier des intérêts nationaux aux exigences d'un pays voisin.
Si c'est le gouvenerment qui nous a causé préjudice, c'est au gouvernement à faire cesser le préjudice : c'est de toute évidence. Nous ne demandions pas qu'on élargît l'écluse d'Antoing et qu'on abaissât le radier. Le mal est fait, le gouvernement en est l'auteur, c'est donc au gouvernement à le réparer.
Maintenant, le moyen ? Messieurs, il est très simple. D'abord il est incontestable, comme je viens de le dire, que le mode qu'on semble vouloir (page 647) employer, les coupures et les écluses sont très dangereux pour l'avenir. Les coupures auront pour résultat de précipiter le cours du fleuve et d'empêcher les débordements qui fertilisent les prairies. Quant aux écluses, le résultat inévitable sera que dans un temps donné le dépôt continu du limon ou sédiment fera élever le lit du fleuve, et les prairies se trouveront au-dessous. Les personnes qui se sont occupées de questions géologiques trouvent dans les feuilles dans les prairies beaucoup de constructions au-dessous du lit des fleuves, dans mes études j'ai eu souvent occasion de trouver des constructions de l'époque romaine au-dessous du lit des fleuves, la raison en est facile à comprendre ; c'est que le lit des fleuves quand ils sont entravés tend toujours à s'élever. C'est là ce qu'il faut empêcher.
Pour faciliter la navigation de Tournai à Audenarde, une écluse avait été faite à Warcoing ; nous nous sommes élevés contre cette construction ; qu'a fait le gouvernement ? Il vient d'en établir une autre à Espierres à une demi-lieue de la première. Où donc voulez-vous arriver avec cette écluse ? Ce qui arrivera, c'est que vous entraverez le régime du fleuve, et c'est ce régime que nous tenons à conserver intact ; si vous ne voulez pas causer un préjudice immense au fleuve lui-même, ce qu'il faut faire, c'est de cesser cette création d'écluses et de faciliter l'évacuation des eaux en aval ; il faut que l'eau entrant dans l'Escaut qui arrive en trop grande abondance puisse s'écouler sans nuire à la ville de Gand au bas Escaut, et je suis convaincu qu'il est facile d'arriver à ce résultat, d'empêcher les inondations dangereuses et de conserver les inondations utiles sans nuire à Gand, sans nuire au bas Escaut.
Nous avons aux portes de Gand un exemple du dépôt de limon, de sédiment, qui se forme quand le cours du fleuve est arrêté. Pour les besoins de la navigation et de l'industrie qui a une grande importance à Gand, les eaux sont toujours arrêtées à l'entrée de la ville. Qu'en est-il résulté ? C'est que le lit de la rivière s'est relevé considérablement, à tel point que quand on a voulu faire une dérivation du haut dans le bas Escaut, on a dû aller chercher les eaux à une ou deux lieues au-dessus de Gand, à Zwynaerde.
- Une voix. - C'est à trois quarts de lieue.
M. Dumortier. - Cela ne fait rien ; j'improvise, je peux bien faire une erreur de chiffre, mais le résultat est le même ; toujours est-il que l'ingénieur chargé du travail a reconnu que le lit était trop élevé aux portes de Gand par suite des atterrissements pour y prendre les eaux et qu'il a dû remonter à trois quarts de lieue pour les chercher.
Nous avons demandé à plusieurs reprises qu'on nous débarrassât des eaux pendant l'été, mais qu'on ne le fît pas pendant l'hiver ; pendant l'hiver nous ne voulons pas qu'on les fasse écouler ; c'était une de nos craintes qu'on le fît, car si vous le faisiez vous convertiriez en détestables terres labourables de magnifiques prairies. Ce qu'il faut faire, c'est de nous débarrasser des eaux pendant le printemps et l'été, quand la navigation commence au mois d'avril, et alors il n'y a plus de danger à laisser écouler les eaux dans le bas Escaut ; les grandes marées, si dangereuses pour les Flandres à l'équinoxe, ont disparu à tel point que le lit du bas Escaut, comme l'a démontré l'ingénieur Wolters dans un rapport, présente quotidiennement un vide de 1,200,000 mètres cubes d'eau.
Permettez-nous de prendre une petite place dans ce vide, nous ne demandons pas à la prendre à l'époque où cela peut vous gêner, car à l'époque où cela vous nuirait nous en souffririons aussi, nos prairies deviendraient stériles.
Eh bien, croyez-vous que ce soit là une dépense d'un grand nombre de millions ? Cela ne coûterait pas plus de 200 à 300 mille francs ? Vous n'avez pas même à creuser le canal de Zwynaerde à Melle.
M. de Decker. - Nous y voilà.
M. Dumortier. - Cela vous étonne ?
M. de Decker. - Non, c'est la dixième fois au moins que je l'entends.
M. Dumortier. - Soit, tant que je serai représentant, je soutiendrai la même thèse parce qu'elle est juste. Vous représentez le pays des eaux inférieures et cela vous oblige à recevoir les eaux supérieures. Ce principe, qui est de droit, je ne l'invoque pas contre vous ; nous n'en réclamons pas l'application.
M. de Decker. - Vous voulez déplacer l'inondation.
M. Dumortier. - Pas du tout ; mais vous, ce que vous ne voulez pas, c'est de nous aider à nous débarrasser de nos eaux quand elles nous sont nuisibles et que chaque jour il s'opère un vide de douze cent mille hectolitres ; quand il y a un moyen facile de le faire par le canal de Zwynaerde à Melle. C'est le premier qui avait été admis par la commission nommée en 1845 ; mais son projet ne s'est pas exécuté.
Voulez-vous un système plus simple : l'Escaut entre dans la ville de Gand par deux points différents. Vous avez le bras qui traverse la ville et se prolonge dans l'intérieur. Sur ce bras se trouvent plusieurs usines qui entravent singulièrement le cours des eaux, mais vous en avez un qui traverse les anciennes fortifications et passe par la porte de Bruxelles.
En face de la grande écluse où dans les grandes marées s'arrête le cours du fleuve, la chute en été est de 8, 10 et 15 pieds. Que le gouvernement ordonne l'élargissement de l'écluse et de ce bras extérieur, et nous ne demandons rien de plus ; vous mettrez des écluses pour empêcher de nuire au bas Escaut, nous ne nous y opposons pas, nou sne voulons par lui nuire ; les portes de l'écluse seront entre les mains de l'ingénieur de la Flandre orientale, il ne laissera pas écouler les eaux quand elles pourront nuire ; mais quand elles ne peuvent pas nuire, nous demandons à écouler nos eaux par le lit du fleuve. N'est-ce pas une demande raisonnable ?
Vous avez voté l'élargissement de l'écluse d'Antoing, vous ne pouviez vous en dispenser, c'était une nécessité internationale ; mais vous ne pouvez, par contre, vous refuser a nous débarrasser des inondations résultant d'un acte que vous avez posé quand vous pouvez le faire sans causer le moindre tort au bas Escaut qui tous les ans offre un vide de 1,200,000 mètres cubes d'eau par jour d'après l'ingénieur Wolters à l'époque où nous vous demandons de nous livrer passage.
Je me résume en demandant que rien ne se fasse sur le haut Escaut, sans que la chambre ait examiné ce qu'il y a à faire.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Les villes de Tournai et d'Audenarde sont toujours consultées.
M. Dumortier. - Dans ce cas, je n'ai rien à dire ; mais ce que je demande, c'est que le gouvernement ne se laisse pas aller à l'opinion de certains ingénieurs qui se placent au point de vue de la navigation plutôt qu'à celui de l'agriculture. Je demande que les conseils des prairies soient consultés ; car il importe d'avoir l'avis des personnes intéressées. Je demande que l'on élargisse le bras qui va de la porte de St-Lievin à celle de Bruxelles, de manière que, lorsque les eaux sont défavorables au haut Escaut, on puisse assécher nos prairies, et réparer le dommage qui nous est causé, si on ne veut faire le canal de Zwynaerde à Melle. Car il est impossible de laisser plus longtemps toute ce magnifique vallée de l'Escaut dans l'état où l'a mise l'élargissement de l'écluse d'Antoing par le fait du gouvernement.
M. Verhaegen. - Dans un moment où plusieurs provinces viennent demander de mettre à la charge de l'Etat l'entretien de leurs rivières, on ne trouvera pas extraordinaire que la province de Brabant vienne demander qu'il en soit de même quant à la rivière la Senne.
Un point qui me paraît très important, c'est qu'au point de vue légal, il n'y a aucune différence entre les rivières navigables et flottables et celles qui ne le sont pas. Il n'existe aucune loi (je défie ceux qui soutiennent la thèse contraire de m'en signaler une) qui mette à la charge de l'Etat l'entretien des rivières navigables et des fleuves. Je suis donc en droit de dire qu'au point de vue légal on ne peut rien réclamer à l'Etat du chef des rivières navigables ou flottables. Il est vrai que ces rivières sont sous la direction de l'Etat, c'est-à-dire que l'Etat a la haute tutelle sur les administrations provinciales, quant à ces rivières, et cela comme on le comprend facilement, dans un intérêt général.
Si maintenant l'on réclame la mise à charge de l'Etat de certaines rivières navigables et flottables, ce n'est pas en raison de la circonstance que ces rivières sont navigables et flottables, mais c'est parce qu'il résulte des inondations que produisent ces rivières des inconvénients contre lesquels réclament les provinces. C'est donc uniquement sur des motifs d'équité que sont fondées les réclamations.
A ce point de vue, si les réclamations en faveur des autres rivières sont fondées, à plus forte raison peut-on en dire autant de ma réclamation en faveur de la Senne. On sait (les membres de la chambre le savent de reste) que la Senne amène périodiquement des désastres considérables ; la vallée de la Senne en souffre tous les ans.
Ces inondations causent des dommages considérables. Mais entre la Senne et les autres rivières, il n'y a qu'une différence, c'est que, pour la Senne, les inondations sont dues à des constructions faites par le gouvernement, tandis que, pour les autres rivières, c'est la nature qui produit les inondations.
- Un membre. - C'est la même chose pour toutes les rivières.
M. Verhaegen. - Soit ! Eh bien, je demande qu'on nous mette sur la même ligne.
Il est notoire que les travaux du chemin de fer à Cureghem, le canal de Charleroi et la construction à Hal d'un viaduc, constituent de barrages permanents qui empêchent l'écoulement des eaux et amènent des inondations périodiques. C'est le fait du gouvernement. Nous sommes en droi tde demander, au nom de l'équité, que le gouvernement répare le préjudice qu'il cause.
Ce peu de mots suffiront pour appuyer l'amendement qui, je l'espère, sera renvoyé à la section centrale.
-Ce renvoi est prononcé.
M. Lelièvre. - Je désire que M. le ministre des travaux publics veuille bien nous dire de qui en est des travaux qui doivent être faits pour la dérivation de la Sambre à Namur. Ces travaux ont été décrétés par la loi de 1851 et ils ne sont pas même commencés. Je prie en conséquence M. le ministre de s'occuper immédiatement de cet objet important et de nous dire les motifs qui ont jusqu'à présent arrêté l'exécution de travaux urgents. Il est indispensable qu'on mette sans délai la main à l'œuvre pour prévenir les inondations dont notre arrondissement a souvent été victime.
M. Rousselle. - La section centrale pourra commencer demain l'examen des amendements. Mais je demande qu'elle ne fasse pas son rapport avant que la chambre ait statué sur le renvoi des autres amendements.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je dois répondre à l'interpellation de l'honorable député de Namur.
Il y a un projet d'ensemble sur les travaux à exécuter à Namur ; il comporte une dépense de 600,000 fr. Comme il y a des travaux à exécuter à la Sambre, à Charleroi, j'ai demandé à l'administration provinciale et à l'administration communale de Namur si elles n'avaient pas l'intention de contribuer aux travaux qui devaient être faits à Namur, (page 648) dans l'intérêt de Namur, et qui consiste surtout dans la dérivation à faire dans les fossés de la place de Namur, si son administration ne voudrait pas contribuer pour une somme quelconque dans cette dépense.
Si l'on n'a pas encore adjugé ces travaux, si l'on n'a pas mis la main à l'œuvre, c'est que, jusqu'à présent, ni la députation permanente ni l'administration communale de Namur ne se sont engagées à intervenir ponr quoi que ee soit dans la dépense.
M. le président. - La chambre n'est plus en nombre.
M. Coomans. - Il est bien entendu que la chambre ne s'associe pas à la motion de l'honorable M. Rousselle, qui me semble un nouvel essai d'ajournement.
M. le président. - Comme je viens de le dire, la chambre n'est plus en nombre ; nous ne pouvons donc voter sur la motion d'ordre de M. Rousselle. La section centrale en aura connaissance par les Annales parlementaires de même que des observations de M. Coomans.
M. Orban. - Il est bien entendu également que la section centrale ne pourra pas proposer le rejet d'amendements qui n'ont pas encore été développés.
M. le président. - La section centrale connaît son devoir ; elle saura le remplir.
- La séance est levée à 4 heures et demie.