Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 16 novembre 1852

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1852-1853)

(Présidence de M. Delfosse.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 79) M. Dumon procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

- La séance est ouverte.

M. Ansiau donne lecture du procès-verbal de la séance précédente : la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dumon fait connaître l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur Vanden Haute prie la chambre de rejeter le projet de loi relatif à la répression des offenses envers les chefs de gouvernements étrangers, et demande une loi qui autorise le gouvernement à décerner chaque année des récompenses et des subsides aux écrivains et aux journaux qui se seraient distingués par leurs écrits en faveur de la religion, de l'ordre social et politique et du progrès des sciences. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet.


« Plusieurs habitants de Jemmapes prient la chambre de rejeter le projet le projet de loi relatif à la répression des offenses envers les chefs de gouvernements étrangers. »

- Même renvoi.

« Les membres de la chambre de commerce de Mons, présentant des observations sur le projet de loi relatif à la concession d'un chemin de fer du bassin du Centre à la Sambre vers Erquelinnes, demandent que ce projet de loi impose aux concessionnaires l'obligation de construire le chemin de fer de Mons à Maubenge simultanément avec celui de Manage à Erquelinnes et celle de verser au trésor un cautionnement pour garantir l'accomplissement de cette première obligation. »

M. Rousselle demande le renvoi de cette pétition à la section centrale qui sera chargée de l'examen du projet.

- Adopté.


« Les exploitants des houillères du bassin de Mons présentent des observations contre le projet de loi relatif à la concession d'un chemin de fer du bassin du Centre à la Sambre vers Erquelinnes. »

- Même renvoi.


« Le sieur Thibault, l'un des demandeurs en concession d'un chemin de fer de Mons à Haumont, près Maubeuge, prie la chambre de se faire mettre cette demande sous les yeux et de rejeter la condition de préférence stipulée en faveur des concessionnaires du chemin de fer de Manage à Erquelinnes. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la concession d'un chemin de fer du bassin du Centre à la Sambre vers Erquelinnes.


« Le sieur Letoret, qui a demandé la concession d'un chemin de fer de Mons à Maubeuge et Haumont, déclare protester contre la préférence qui a été donnée par M. le ministre des travaux publics à la demande de concession des sieurs de Wyckerslooth et consorts. »

- Même renvoi.

« Le sieur Vandepitte demande que le gouvernement fasse enlever, sur une étendue de 50 mètres, des deux côtés de son moulin, les arbres qu'on a plantés le long de la chaussée de Rumbeke à Iseghem. »

M. Rodenbach. - Il paraît, messieurs, que le pétitionnaire s'est adressé au gouvernement et qu'il n'a pas reçu de réponse ; je demanderai le renvoi à la commission des pétitions, avec invitation de faire un prompt rapport. »

- Adopté.


« Le sieur Vander Cruyssen réclame l'intervention de la chambre pour obtenir une place de surveillant au chemin de fer de l'Etat. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Nélissen, ancien brigadier à la 12ème batterie de siège, du 2ème régiment d'artillerie, congédié pour infirmités contractées par le fait du service, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir une pension ou un secours. »

- Même renvoi.


« Le major en non-activité de Brochowski prie la chambre de faire régulariser sa position. »

« Même demande des capitaines Michalowski et Godeleski, du lieutenant Packowski, du sous-lieutenant Loboradzki et du médecin de bataillon Jastrzembski, tous officiers en non activité. »

M. Rodenbach. - Je demande le renvoi de cette requête à la commission des pétitions, avec invitation de faire un prompt rapport.

M. de Baillet-Latour. - J'appuie la proposition de M. Rodenbach, et je me réserve de demander des explications au gouvernement au sujet de ces pétitions, lorsque le rapport sera fait. La position de ces officiers mérite l'attention toute particulière de la chambre.

M. de Perceval. - Je me joins volontiers aux deux honorables collègues qui viennent de prendre la parole, et j'appuie les requêtes adressées à la législature par un grand nombre d'officiers belges, d'origine polonaise. Ce n'est pas le moment de discuter la position étrange qui a été faite par le gouvernement à ces officiers qui n'ont cessé de servir avec honneur dans notre armée ; je me bornerai à demander aujourd'hui qu'il soit présenté un rapport sur ces pétitions.

- La proposition de M. Rodenbach est adoptée.

En conséquence, la requête est renvoyée à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


« Le lieutenant en non-activité Raczynski prie la chambre de faire régulariser sa position et demande à être libéré du service militaire. »

« Même demande du sous-lieutenant en non-activité Karski. »

- Même décision.


« Le lieutenant en non-activité Xiezepolski demande la continuation de sa solde entière jusqu'au moment où sa position aura été régularisée. »

- Même décision.


« Le sieur De Cordes demande que la grande compagnie du Luxembourg termine et mette en exploitation pour le mois de mai 1853 la ligne de chemin de fer de Bruxelles à Wavre. »

-Renvoi à la commission des pétitions.

« Les membres du conseil communal et plusieurs habitants de Sainte-Marguerite demandent qu'on rétablisse dans cette commune le bureau des douanes qui a été supprimé en 1849. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Lameere, Mertens et autres membres de l'association typographique de Louvain déclarent adhérer à la pétition des typographes relative à la convention littéraire conclue avec la France. »

- Même renvoi.


« Un grand nombre d'habilants de Dinant demandent la révision de la loi sur la garde civique. »

« Même demande d'un grand nombre d'habitants de Bruxelles et de ses faubourgs. »

- Même renvoi.


« Les commissaires de police des communes de Saint-Josse-ten-Noode, Molenbeek-St-Jean et Ixelles, remplissant les fonctions du ministère public près les tribunaux de simple police, demandent une indemnité du chef de ces dernières fonctions. »

- Même renvoi.


« Le sieur Baize, ancien brigadier des douanes, réclame l’intervention de la chambre pour obtenir la révision de sa pension. »

- Même renvoi.


« Le sieur Goemaere, imprimeur libraire, éditeur à Bruxelles, prie la chambre de l'indemniser des pertes que lui occasionne la convention littéraire conclue avec la France, si elle donnait son approbation à ce traité. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal d'Ensival réclame contre l'interprétation donnée par le gouvernement à l'article 23 de la loi organique de l'instruction primaire et prie ia chambre de se prononcer à ce sujet. »

-Même renvoi.


« Le sieur E.-F. Van Waesberghe, fabricant de poteries, à Eecloo, fait connaître qu'il n'a point retiré sa demande de naturalisation et prie la chambre d'y donner suite. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.

« Le sieur Fresch, professeur à Uccle, né à Metz (France), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.

Projet de loi sur l'aliénation de biens domaniaux

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Liedts) présente un projet de loi ayant pour objet d'autoriser le gouvernement à aliéner des biens domaniaux, en exécution de la loi de février 1843.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce projet et le renvoi à l'examen des sections.

Projet de loi ratifiant une acquisition faite, au nom de l'Etat, d'un hôtel enclavé dans le palais du Roi

Dépôt

(page 80) >M. le ministre des finances (M. Liedts). présente un projet de loi portant ratification d'une acquisition faite, au nom de l'Etat, d'un hôtel enclavé dans le palais du Roi, suivant procès-verbal d'adjudication du 28 septembre dernier.

- Même décision.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de la guerre

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Liedts). présente, en son nom et au nom de M. le ministre de la guerre, une demande de crédit supplémentaire pour la liquidation de divers travaux extraordinaires en voie d'exécution et pour faire face, pendant les derniers mois de 1852, aux dépenses qui résultent des mesures prises comme conséquence de ces travaux.

- Même décision.

Projet de loi autorisant le gouvernement à à admettre à la pension de retraite certains officiers d'origine étrangère

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, nous sommes également chargés, M. le ministre de la guerre et moi, de présenter aux chambres un projet de loi ayant pour objet d'autoriser le gouvernement à admettre à la pension de retraite les officiers d'origine étrangère qui ont été mis dans la position de non-activité par l'arrêté royal du 4 avril 1852. Il s'agit des officiers dont la pétition a été analysée dans la séance de ce jour. Le gouvernement serait autorisé à liquider leur pension, en leur attribuant les avantages que la loi du 8 mai 1848 accorde aux officiers de l'armée après 40 années de service et 10 ans de grade.

- Ce projet de loi sera imprimé et distribué. La chambre le renvoie à l'examen des sections.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des affaires étrangères

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Enfin, M. le ministre des affaires étrangères et le ministre des finances ont été chargés de présenter aux chambres un projet de loi qui ouvre au département des affaires étrangères un crédit de 52,000 fr. destiné à solder des dépenses de matériel, des frais à rembourser aux agents du service extérieur, et certaines dépenses imprévues s'appliquant à l'exercice 1852 et aux exercices antérieurs.

- Ce projet de loi sera imprimé et distribué.

M. Osy. - Je demande que le projet soit renvoyé à l'examen de la section centrale du budget des affaires étrangères.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi qui transfère le chef-lieu du canton de justice de paix d'Oosterzeele

Dépôt

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, le roi m'a chargé de présenter aux chambres un projet de loi, ayant pour objet de transférer dans la commune de Bollelaere le chef-lieu du canton de justice de paix d'Oosterzeele.

- Ce projet sera imprimé et distribué.

La chambre le renvoie à l'examen d'une commission qui sera nommée par le bureau.

Projet de loi interprétatif de l'article 18 de la loi du 12 mars 1818, sur l'art de guérir

Dépôt

M. le ministre de la justice (M. Faider). - Messieurs, je suis également chargé de présenter à la chambre un projet de loi portant interprétation de l'article 18 de la loi du 12 mars 1818, sur l'art de guérir. Cette interprétation est nécessitée par un arrêt de la cour de cassation rendu en audience solennelle.

- Ce projet sera imprimé et distribué.

La chambre le renvoie à l'examen d'une commission qui sera nommée par le bureau.

Proposition de loi relative à la garde civique

Développements et prise en considération

M. le président. - La parole esi a M. Landeloos.

M. Landeloos. - Messieurs, en 1848, la section centrale n'a pu, à cause des circonstances, examiner avec assez de maturité certaines dispositions du projet destiné à réorganiser la garde civique.

On ne doit donc pas s'étonner si la mise a exécution de la loi du 8 mai 1848 a soulevé des réclamations nombreuses.

Il n'a pas été tenu un compte suffisant du caractère de nos populations ; on ne s'est pas assez rappelé que si personne, en Belgique, ne recule devant aucun sacrifice, a l'approche du danger, lorsqu'il s'agit de défendre les institutions que le pays s'est librement données, chacun aussi dans les temps ordinaires ne subit qu'avec répugnance des charges dont l'utilité est très problématique.

En parcourant les diverses dispositions de la loi du 8 mai 1818, ne serait-on pas tenté de croire qu'on a perdu de vue que l'institution de la garde civique avait un double but : le maintien de l'ordre et la défense de l'indépendance nationale en prêtant son concours à l'armée ?

Pour atteindre le premier but il suffit de créer en quelque sorte plutôt une force morale qu'une force matérielle.

C'est par l'ascendant que cette force morale exerce sur les masses, c'est par des moyens de persuasion que la garde civique peut ordinairement parvenir à prévenir les troubles, et si, pour les apaiser, il devient malheureusement indispensable d'avoir recours à des mesures coercitives, il est inutile que ceux qui sont chargés de cette pénible mission soient pourvus d'une instruction militaire qui leur permette de se mesurer avec des troupes régulières ; des notions moins étendues suffisent.

Il en faut davantage pour attteindre le second.

Ceux qui sont destinés à concourir avec l'armée à la défense de l'indépendance nationale contre une invasion étrangère doivent acquérir une instruction qui leur permette d'être pour elle un appui, un élément de succès, et non une cause d'embarras.

Il est donc inutile d'astreindre tous les membres de la garde civique aux mêmes obligations, aux mêmes exercices.

D'ailleurs c'est moins le nombre qu'une bonne organisation qui rend la lutte possible et le succès probable.

La loi en vigueur n'a pas établi de différence entre des classes de citoyens fort distinctes.

Elle a assujetti aux mêmes obligations tous ceux qui ont atteint 21 ans, et qui n'ent pas dépassé la cinquantaine, pourvu qu'ils aient les moyens de se pourvoir d'un uniforme.

Cette disposition a eu pour effet un double résultat ; elle a répandu le mécontentement parmi ceux qui sont destinés exclusivement à veiller au maintien de l'ordre.

Et l'instruction de ceux qui sont susceptibles d'être appelés par la mobilisation à seconder les efforts de l'armée en a éprouvé évidemment quelque atteinte.

La proposition de loi que nous avons l'honneur de vous soumettre, en dispensant dans les circonstances ordinaires une classe de citoyens, de la charge onéreuse des manœuvres, fera cesser, si vous l'adoptez, une des causes qui ont soulevé le plus mécontentement contre une institution consacrée par la constitution.

Elle aura pour résultat de dégrever les contribuables d'une partie des charges que l'article 73 fait peser sur eux.

Et l'institution de la garde civique elle-même, loin d'éprouver quelque atteinte, trouvera dans cette réforme une force plus grande.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - Messieurs, je désire vous présenter quelques observations, tant sur la loi de la garde civique, que sur la demande de révision qui est soumise en ce moment à vos délibérations.

Je comprends qu'il ne résulte, du moins je pense que ce sont vos usages, je comprends, dis-je, qu'il ne résulte d'une prise en considération aucun préjugé pour, ou contre, la révision qu'il s'agit de faire prévaloir.

Cependant, en supposant qu'il n'en résulte aucun préjugé, il me semble utile, au point de vue du gouvernement, d'exprimer dès à présent quelques idées sur la demande elle-même qui vient de vous être présentée.

Je le crois d'autant plus, que cette demande de prise en considération n'est, en quelque sorte, que l'accompagnement de certaines pétitions qui sont arrivées devant vous, et qui tendent à représenter la garde civique comme une charge incompatible avec nos mœurs, avec l'esprit de nos populations. Si tel est le sens des pétitions qui vous ont été adressées, si tel pouvait être le sens de la prise en considération, bien que je ne le pense pas, je croirais de mon devoir de vous soumettre dès à présent quelques réflexions.

M. Rodenbach. - Je demande la parole.

M. le ministre de l'intérieur (M. Piercot). - S'il est un pays en Europe où la garde civique, où la garde nationale, si vous le voulez, semble devoir échapper à un esprit de critique sévère, ou à ces tentatives qui la remettraient chaque année en question, c'est à coup sûr la Belgique. En Belgique, la garde civique n'a jamais été, comme on l'a dit dans d'autres pays, un instrument de destruction. En Belgique, la garde civique n'a pas été seulement un élément d'ordre et de conservation ; mais, chacun de nous s'en souvient, car quelques années à peine nous séparent de ces grands événements qui ont bouleversé l'Europe ; en Belgique, le pouvoir, l'indépendance nationale, la royauté constitutionnelle ont trouvé dans la garde civique leur plus ferme appui, leur auxiliaire le plus inébranlable.

Ce n'est donc pas saus une certaine émotion que le gouvernement a entendu dans quelques pétitions un langage qui n'est justifié ni par les antécédents de la garde, ni par un examen consciencieux des faits.

Le droit de pétition est, sans doute, un droit sacré. Je le respecte. Mais il faudra voir, en remontant à la source de ces réclamations, si elles sont inspirées par un esprit suffisamment éclairé des faits ; si elles ne doivent pas leur origine à un désir que nous devons savoir combattre, celui de s'affranchir de toute espèce de devoir public, au lieu de prêter généreusement son appui aux institutions de l'Etat.

Nous connaissons tous le dévouement par lequel la garde civique s'est recommandée non seulement à la reconnaissance du pays, mais à l'admiration de l'Europe.

N'avons-nous pas vu, en 1848, quand on a fait la dernière tentative, que j'appelle heureuse, de réorganiser la garde ; n'avons-nous pas vu tous les citoyens, à l'envi, accourir sous le drapeau national, et offrir au gouvernement le concours de leur patriotisme ? Et que voudrait-on faire aujourd'hui, si l'on s'en rapportait à ces pétitions ? On arriverait, je le crains bien, à l'amoindrissement de la garde civique.

D'un autre côté, le gouvernement a fait la part des réclamations qui lui ont paru justes. Il a cherché à adoucir, autant que possible, le service exigé des gardes. Il l'a réduit au strict nécessaire des exercices, et il a facilité l'exemption à tous ceux dont l'instruction a semblé suffisante. C'est ainsi qu'il a concilié le maintien de l'institution avec les convenances personnelles des habitants.

(page 81) Au moyen de ces ménagemeats apportes dans l'exécution de la loi, la plupart des réclamations ont cessé, et je crois pouvoir énoncer, que dans nos villes, et surtout dans les grandes cites, l'opinion attend avec calme que le gouvernement étudie les améliorations dont la loi sur la garde civique pourrait encore être l'objet.

L'opinion de tous les hommes qui s'occupent sérieusement de l'administration publique, est, à mon avis, que, dans les circonstances où nous sommes, on doit éviter avec soin tout ce qui pourrait tendre à affaiblir l'esprit de la garde civique. Ne devons-nous pas, au contraire, faire comprendre aux quelques voix qui réclament, que ce n'est pas après quatre années d'existence qu'on réforme une grande institution ; qu'il faut la laisser encore fonctionner quelque temps, jusqu'à ce que le gouvernement ait pu se rendre un compte exact des modifications qu'il importe d'y apporter.

D'après les observations que j'ai l'honneur de vous soumettre, vous comprenez assez que le gouvernement ne recule pas devant l'examen qu'on provoque. Il désire seulement vous prémunir contre ces tendances qui, sous prétexte d'alléger le fardeau d'un service très utile au pays, s'attaquent avec légèreté à une institution qui intéresse à un si haut degré notre existence politique et la conservation de l'ordre intérieur.

M. Rodenbach. - Il paraît que M. le ministre ne s'oppose pas à la prise en considération de la proposition de l'honorable M. Landeloos.

Lorsqu'on a fait rapport à la chambre sur un grand nombre de pétitions, j'ai pris la parole, et j'ai avancé que, dans certains pays étrangers la garde civique avait été plutôt défavorable qu'utile à l'indépendance du pays ; mais je n'ai fait aucune allusion à la Belgique ; au contraire, j'ai toujours rendu justice à la garde civique et à son patriotisme, et notamment en 1848, lorsqu'il s'agissait de maintenir notre nationalité, j'ai même voté la loi : ainsi loin d'avoir été inconstitutionnel dans l'opinion que j'ai émise, j'ai même voté la loi.

Il n'en est pas moins vrai que, depuis 2 ou 3 ans, il ne s'agit pas de pétitions isolées, mais qu'il nous arrive un grand nombre de pétitions de toutes les villes où la garde civique est organisée. Les pétitionnaires, qui sont en grand nombre (on peut le vérifier dans les documents de la chambre), demandent en général qu'on adoucisse davantage le service de la garde. Pour un grand nombre de familles, l'indemnité perçue à défaut de service, en vertu de l'article 73 de la loi, est devenue une charge exorbitante ; pour des veuves dénuées de fortune, elle s'élève jusqu'à 50 francs ; c'est un nouvel impôt indirect.

On demande, en général, l'organisation en deux bans : on demande que les pères de famille, qui doivent consacrer leur temps à gagner honorablement la vie de leur famille, ne soient pas assujettis à des exercices fréquents, comme cela est arrivé dans des villes que je ne veux pas nommer, où l'insigne honneur qu'ont les officiers de porter l'épaulette leur donne une ardeur militaire que n'ont pas les simples gardes, surtout lorsqu'ils sont mariés. Sous ce rapport, il y a excès, il y a abus. Probablement lorsqu'on aura examiné le projet en sections, le ministre sera convaincu qu'il y a des plaintes et même des plaintes fondées. Je ne dis pas qu'il faille brusquement modifier la loi. Mais il n'en est pas moins vrai que cette loi, comme elle existe maintenant, comme elle est exécutée, n'est pas populaire. Je soutiens également que cette institution n'est pas aussi fortement dans nos mœurs qu'en France et dans d'autres pays. En Belgique, je le répète, les pères de famille qui font partie de cette garde n'ont pas cette ardeur militaire, cette ardeur belliqueuse. (Interruption.) Je vous parle de la garde civique composée de pères de famille et non de l'armée ; je soutiens que c'est là en général l'opinion du pays, et l'on pourra d'ailleurs s'en convaincre par l'examen des pétitions qui nous arrivent.

Du reste, je comprends très bien, et j'admets avec M. le ministre de l'intérieur, que cette loi ne peut être modifiée brusquement, qu'il faut examiner avec la plus grande attention les changements à y introduire.

Je crois en avoir dit assez pour le moment. J'appuie de toutes mes forces la prise en considération de la proposition des honorables députés de Louvain.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Messieurs, je prie la chambre de remarquer que M. le ministre de l'intérieur ne s'est en aucune manière opposé a la prise en considération de la proposition. Il a seulement exposé dans quel sens il adhère à cette prise en considération.

Ainsi, M. le ministre de l'intérieur n'acceptera ni proposition ni pétitions qui auront pour objet de bouleverser la garde civique ; mais d'accord avec nous tous, il examinera si, dans l'organisation actuelle, il y a possibilité d'introduire quelques améliorations de détails.

Voilà le sens des observations de M. le ministre de l'intérieur, et je suis persuadé que ses paroles auront l'adhésion de toute la chambre.

- La proposition est prise en considération et renvoyée à l'examen des sections.


M. le président. - Le bureau a composé la commission chargée d'examiner le projet de loi interprétatif de l'article 18 de la loi du 12 mars 1818, relative à l'art de guérir, de MM. de Theux, Lange, Le-beau, Lelièvre, Orls, Vandenbranden de Recth et Vander Donckt.

Voici comment le bureau a composé la commission chargée de l'examen du projet de loi transférant le chef-lieu du canton de justice de paix d'Oosterzeele dans la commune de Bottelaere : MM. Maertens, Maghermam, de Naeyer, T'Kint de Naeyer, de Portemont, Thienpont et Van Grootven.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l’exercice 1853

Discussion générale

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du budget des voies et moyens.

Les amendements proposés par la section centrale sont présentés de concert avec le gouvernement. La discussion est donc ouverte sur le projet proposé par la section centrale.

M. Osy. - J'appuie les propositions que nous fait la section centrale pour l'augmentation présumée des revenus de la douane et du chemin de fer. Ces propositions émanent de la section dont je faisais partie ; l'honorable rapporteur a très bien développé en section et dans son rapport les motifs qui font présumer que ces deux revenus produiront les chiffres proposés par la section centrale.

Le gouvernemenl ayant adhéré à ces chiffres, je crois qu'il reste peu de chose à dire sur cet objet.

La section dont je faisais partie avait également fait une proposition pour augmenter les revenus de l'Etat : elle tendait au rétablissement du timbre des journaux.

La section centrale a été d'avis qu'il vaudrait mieux que cette proposition fît l'objet d'une loi spéciale, et je partage cette manière de voir ; mais j'espère que le gouvernement examinera la question, car le rétablissement du timbre des journaux procurerait au trésor un revenu de 400,000 à 500,000 francs, et comme nous désirons tous avoir une presse sérieuse, nous ne devons pas encourager de petits journaux qui n'ont pas de consistance et qui font plus de mal que de bien au pays.

J'appellerai l'attention du gouvernement sur un autre revenu. Nous sommes à la veille de voir le 4 1/2 p. c. au pair et je crois que le gouvernement devrait se préoccuper du point de savoir si le moment ne sera pas favorable, sous peu, pour convertir le 5 p. c. Depuis quelques jours le 5 p. c. tend à tomber au pair, tandis que le 4 1/2 p. c. est près d'y atteindre. Cela prouve que l'opinion générale du pays est que la conversion se fera, qu'elle doit se faire. Eh bien, messieurs, cette mesure procurerait au trésor 800,000 à 900,000 francs. Nous devons donc y penser sérieusement.

Dans un pays voisin, la conversion s'est faite peut-être un peu tôt et a donné lieu à quelques difficultés passagères ; mais depuis lors l'argent est devenu d'une abondance extrême, et les fonds publics ont considérablement haussé, de même que toutes les valeurs industrielles. Dans un pays voisin du nôtre et plus petit que la Belgique, on songe même à réduire le 4 p. c. qui n'est encore qu'à 95. Messieurs, la conversion doit se faire dans un moment opportun et promptement, car je crois que le moment apportun n'est pas loin ; elle doit se faire lorsque les deux chambres sont réunies, afin que le gouvernement puisse obtenir, dans un bref délai, le projet de loi et procéder à l'opération sans difficulté.

Je demanderai aussi au gouvernement de nous proposer en temps utile une nouvelle loi sur la réforme commerciale, pour que nous puissions l'examiner mûrement. L'année dernière on nous a dit que les droits différentiels avaient été presque entièrement abolis par des traités de commerce. Il a été pris alors, en ce qui concerne les sucres, une mesure relative à la relâche à Cowes, question sur laquelle il y avait beaucoup d'opposition ; on a demandé que la mesure fût étendue au café ; je prierai M. le ministre des finances d'examiner si le temps n'est pas venu de donner plus de liberté pour ce grand article de commerce.

Le gouvernement a refusé de faire droit à notre demande en ce qui concerne le café, parce qu'il voulait faire une expérience ; eh bien, beaucoup de navires ont relâché en Angleterre et ont payé les droits ordinaires ; je pense donc que l'expérience est assez complète pour que le gouvernement puisse prendre une décision quant au café. Je conviens que si la mesure est étendue au café, il pourra y avoir uns légère diminution dans le produit, mais on pourrait peut-être augmenter le droit d'une bagatelle et alors le trésor ne perdrait rien. Je demande donc que le gouvernement veuille bien nous présenter un projet de loi assez à temps pour que nous puissions examiner s'il n'y a pas lieu de faire un pas de plus vers l'abolition des droits différentiels.

M. Lelièvre. - A l'occasion du budget des voies et moyens, je crois devoir appeler l'attention de M. le ministre des finances sur certaines difficultés assez sérieuses que présente l'exécution de la loi du 17 décembre 1851, relativement au droit de mutation par décès en ligne directe.

Le droit admis d'abord par la chambre des représentants était un véritable droit de succession, et en conséquence il était certain que la déclaration exigée du contribuable devait se faire au bureau du domicile du défunt ; de même, c'était le tribunal du lieu de l'ouverture de la succession qui était compétent pour connaître de tout ce qui concernait l'expertise quant à la forme et au fond.

(page 82) Mais le sénat et ensuite la chambre des représentants ont changé la nature de l'impôt. Ils ne l'ont plus considéré que comme un droit de mutation par décès. Aussi il n'atteint plus que certains biens, c'est-à-dire les immeubles, rentes et créances hypothécaires. La nature du droit étant ainsi complètement changée, on se demande avec fondement si, soit relativement au bureau où doit se faire la déclaration, soit relativement à la compétence du tribunal appelé à connaître de l'expertise, le droit de mutation en ligne directe ne tombe pas sous les dispositions de la loi, s'occupant des mutations par décès, et si, en conséquence, ce n'est pas le tribunal de la situation des biens qui est compétent pour nommer le tiers expert, aux termes de l'article 19 de la loi.

Cette difficulté est soulevée fréquemment en pratique, et il est important de la résoudre tant dans l'intérêt des contribuables que dans celui du trésor, dont l'action peut être entravée à chaque instant. Je prie M. le ministre des finances de bien vouloir examiner la question qui domine toute la loi de 1851 et qui est très importante au point de vue du prompt recouvrement de l'impôt ; il est essentiel que les employés de l'enregistrement aient à cet égard des instructions précises qui fassent cesser le doute sérieux qui s'élève en cette matière.

Il s'agit de savoir si les expressions mutation par décès qui, sous la loi de 1817, ne concernaient que les immeubles délaissés par une personne ayant son domicile hors du royaume, ne comprennent pas, sous la loi de 1851, ce qui est recueilli en ligne directe, d'après la nature du nouvel impôt. La solution de cette question ne peut être différée si l'on veut prévenir des contestations sérieuses qui entravent la perception des droits dus au trésor.

M. Delehaye. - La loi des droits différentiels a perdu énormément de son importance puisque déjà une très grande quantité d'articles ont été soustraits à son action ; je demande cependant que l'administration des douanes ne continue pas à interpréter cette loi d'une manière opposée à sa lettre et à son esprit. Vous savez, messieurs, que la loi des droits différentiels avait pour but de favoriser les relations directes avec les pays de production et d'augmenter notre marine.

Eh bien, la douane a interprété la loi de manière à empêcher complètement que ce but soit atteint. Voici ce qui s'est passé : Eh bien, la douane a interprété la loi de manière à empêcher complètement que ce but soit atteint. Voici ce qui s'est passé : (erratum, page 91) des négociants de Gand, voulant profiter du bénéfice de la loi des droits différentiels, ont fait des achants de bois, dans le Nord, aux lieux mêmes de production. A leur retour, trouvant les eaux du canal de Terneuzen abaissées par ordre du gouvernement belge, les capitaines des navires, ne pouvant entrer dans le caal, ont dû décharger leur cargaison et l’expédier vers le port de Gand par radeaux.

Il en est résulté pour les négociants des pertes considérables ; d'abord, ils ont dû subir les frais de déchargement ; ils ont perdu plusieurs jours, des formalités sans nombre leur ont été imposées ; et, enfin, au lieu de jouir de la réduction de droits en vertu de la loi des droits différentiels, on leur a imposé le haut droit, comme si les bois avaient été pris dans l'un des entrepôts non favorisés. Par le déchargement forcé imposé aux navires par le fait du gouvernement, le péage sur l'Escaut au profit de la Hollande n'a pas dù être payé, donc bénéfice pour notre trésor ; c'était là une nouvelle considération qui eût dù engager l'administration belge à ne pas exiger un droit que la lettre comme l'esprit de la loi ne permettaient point de réclamer.

Une pareille mesure n'étant applicable qu'au port de Gand, vous comprenez, messieurs, que notre commerce a dû en éprouver un préjudice considérable.

La plupart des capitaines lésés n'appartiennent pas au pays ; mais ils ont confié leurs intérêts à des Belges, des demarches ont été faites, mais on s'est continuellement retranché derrière la lettre de la loi, bien qu'elle ne soit pas entièrement favorable à l'interprétation qui a été adoptée.

Il me semble que lorsque le gouvernement, par un fait qu'il pose, met un industriel dans l'impossibilité de jouir d'un avantage que la loi lui accorde, c'est au gouvernement de subir les conséquences du ce fait.

Vous savez, messieurs, qu'il existe entre le port de Gand et les autres ports du royaume une certaine rivalité, et que fort rarement on verra le commerce de Gand prendre fait et cause pour le commerce d'Ostende ou pour celui d'Anvers, et vice-versa ; mais dans la circonstance actuelle la réclamation est tellement juste que le commerce d'Anvers et celui d'Ostende ont condamné la manière dont on avait interprété la loi sur les droits différentiels.

Le fait que je signale est arrivé il y a déjà quelque temps ; il s'est passé sous l'administration précédente. J'ai trop de confiance dans les lumières de M. le ministre des finances actuel, je suis trop convaincu de son patriotisme et de l'intérêt qu'il porte à l'industrie et au commerce, pour ne pas croire qu'il donnera à la loi l'interprétation qui seule peut être acceptée.

Je suis persuadé, d'un autre côté, que si l'on consultait, non pas seulement le commerce de Gand qui seul est intéressé dans cette question, mais encore le commerce d'Anvers et celui d'Ostende, il n'y aurait qu'une voix pour reconnaître le juste fondement de la réclamation sur laquelle j'ai eu l'honneur d'attirer l'attention de la chambre.

J'espère donc que M. le ministre des finances ne tardera pas à rendre justice à ceux qui réclament.

Au reste, la chambre elle-même sera incessamment appelée à statuer sur ce point, une pétition lui ayant été adressée pour le redressement de ce grief.

M. Osy. - L'honorable préopinaut peut être persuadé que chaque fois que l'intérêt général sera en jeu, je prendrai fait et cause pour tous les ports. Dans cette circonstance, l'honorable M. Delehaye a parfaitement raison. Un navire, naviguant dans l'Escaut, est forcé, par suite d'un accident de mer, à décharger à Flessingue ; les marchandises, arrivant à Anvers, sont regardées, à cause du cas de force majeure, comme venant du pays de production. Et un navire arrivant de Riga à Terneuzen trouve les eaux du canal très basses, parce que vraisemblablement il faut faire baisser les eaux dans l'intérêt du canal ; il voit que son navire ne peut pas arriver jusqu'à Gand et il décharge à Terneuzen ; et à Gand on fait payer aux marchandises importées par ce navire le droit qui frappe les arrivages des entrepôts d'Europe.

Evidemment il y a là deux poids et deux mesures. Il faut traiter le canal de Terneuzen comme l'Escaut. J'ai demandé cela l'année dernière, et je suis persuadé que M. le ministre des finances partagera notre manière de voir, quand il aura pris connaissance des faits.

M. Orts. - Messieurs, l'honorable M.Osy, en énumérant les objets qui, selon lui, peuvent augmenter les revenus du trésor, a appelé l'attention du gouvernement sur une question assez grave et sur laquelle je viens dire à mon tour deux mots, pour que l'opinion isolée, manifestée, par l'honorable M. Osy, ne puisse pas, du moins en ce qui me concerne, avoir le caractère d'une opinion unanime.

L'honorable M. Osy a recommandé au gouvernement d'étudier la question de savoir jusqu'à quel point il conviendrait de rétablir le timbre sur les journaux.

Je ne m'oppose pas le moins du monde à ce que le gouvernement étudie cette question qui est grave et intéressante ; mais je désire vivement que le gouvernement n'étudie pas la question du point de vue où l'honorable M. Osy s'est placé, c'est-à-dire qu'il ne cherche pas dans le timbre sur les journaux un moyen de tuer certains journaux qui peuvent ne pas convenir aux uns et qui conviennent aux autres, qui sont dans tous les cas une conséquence de la liberté constitutionnelle de manifester ses opinions en toute matière ; liberté qui doit être respectée aussi longtemps que les opinions manifestées ne tombent pas sous l'application des lois pénales.

M. le ministre des affaires étrangères (M. H. de Brouckere). - Je déclare que c'est dans ce sens que le gouvernement examinera la question.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Messieurs, il a été présenté, à l'occasion du budget, bien plus que sur le budget même, différentes observations que je vais avoir l'honneur de rencontrer.

Le premier orateur qui a pris la parole a bien voulu attirer l'attention du gouvernement sur la conversion du 5 p. c. Je ne vois aucun inconvénient à ce qu'un membre de la chambre exprime ici son opinion sur cette question ; mais l'honorable M. Osy reconnaîtra qu'il y en aurait un très grand à ce que le gouvernement déclarât à la chambre ce qu'il se propose de faire, quant à la conversion de la rente a 5 p. c.

Je demande donc la permission de ne pas faire connaître l'opinion du gouvernement sur cette question ; je me bornerai à dire qu'elle fait l'objet de notre attention, comme toutes les autres questions qui intéressent le trésor public.

Le même orateur désire que le gouvernement présente en temps opportun une loi destinée à prendre la place. de celle du 1er mars 1851, qui contient une réforme partielle de notre système commercial.

Je puis donner à l'honorable membre l'assurance que je n'ai pas perdu de vue cet objet ; dès mon entrée au ministère, j'ai hâté les travaux de révision de la loi ; je n'ai pas encore fixé mon opinion sur les diverses questions que cet objet soulève.

L'honorable M. Lelièvre, à son tour, a demandé que le gouvernement fît examiner dans quelle localité doivent se faire les déclarations relatives aux mutations par décès, en exécution de la loi sur les successions qui a été votée par les chambres l’année dernière ; s'il faut, en d'autres termes, que la déclaration se fasse au lieu du décès ou au lieu de la situation de l'immeuble.

Au premier abord, je suis porté à croire que cette question n'est pas du ressort de l'administration des finances ; cette administration peut examiner la question, mais je crois que la décision appartient aux tribunaux.

Du reste, si après un mûr examen cette première appréciation se change en conviction, j'aurai à examiner s'il ne convient pas de saisir les chambres d'un projet de loi ; si, au contraire, je vois, d'après les contestations qui sont soumises aux tribunaux, qu'une jurisprudence est sur le point d'être fixée, et comme d'ailleurs l'honorable M. Lelièvre ne manifeste aucune préférence pour le lieu du décès ou pour le lieu de la situation des immeubles, je laisserai les tribunaux fixer la jurisprudence, et décider souverainement la question.

L'honorable M. Delehaye, en parlant de la loi sur les droits diférentiels, exige qu’un mavire chargé de marchandises, pour jouir du moindre droit, fasse le trajet des pays de production en ligne directe et sans faire de relâche.

Or, il paraît qu'on a considéré comme une relâche, le fait qui consiste en ce qu'un navire chargé de bois du Nord aurait été obligé, par te fait de l'administration, de se servir d'alléges pour transporter les marchandises dont il était chargé, attendu que, l'administration ayant fait baisser les eaux du canal de Terneuzen, le bâtiment ne pouvait y entrer.

(page 83) J'avoue que les faits présentés ainsi me paraissent tellement en opposition avec le véritable esprit de la loi sur les droits différentiels, que je suis porté à croire qu'il y a certains faits dont l'honorable membre n'a pas connaissance ; car, je le répète, admettre comme une relâche volontaire le fait de ne pouvoir entrer à Terneuzen alors que les eaux auraient été baissées par ordre direct de l'administration, ce serait violenter le sens de la loi sur les droits différentiels, ce serait permettre à l'administration de percevoir à son gré les hauts droits, ce serait, en un mot, lui donner la faculté de priver des navigateurs de la jouissance des droits de faveur réservés aux importations directes.

Je me réserve d'examiner les faits qui ont accompagné l'arrivage de ce navire ; et s'ils sont tels que l'honorable membre les a présentés, je puis lui promettre que justice sera faite à qui de droit

Je me bonnerai à ces observations qui répondent à celles qui ont été présentées jusqu'ici.

M. Delehaye. - La déclaration de l'honorable ministre des finances me satisfait complètement. Je suis persuadé que les faits se sont passés comme j'ai eu l'honneur de le dire à la chambre. J'apporterai pour preuve de ce que j'ai avancé, que les capitaines des navires auxquels j'ai fait allusion ont pris les précautions nécessaires ; ils ont fait constater l'identité des droits par les consuls qui se trouvaient sur les lieux.

Les autres observations de M. le ministre confirment qu'il sera rendu justice à qui de droit.

- La discussion générale est close.

Discussion du tableau des recettes (I. Impôts)

Contributions directes, douanes et accises

Foncier

« Principal : fr. 15,500,000.

« 3 centimes additionnels ordinaires : fr. 465,000.

« 2 centimes additionnels pour non-valeurs : fr. 310,000.

« 10 centimes additionels extraordinaires : fr. 1,550,000.

« 3 centimes additionnels supplémentaires sur le tout : fr. 534,750.

« Total : fr. 18,359,750. »

M. A. Vandenpeereboom. - Messieurs, la répartition de la contribution foncière, fixée depuis longtemps en principal à 15,500,000 francs, est faite aujourd'hui, entre les neuf provinces, d'après la péréquation arrêtée par la loi du 9 mars 1848. Cette loi n'est pas, comme les lois de 1841 et 1845 de péréquation de la contribution foncière, une loi temporaire et dont les effets cessent à une époque déterminée ; cette loi, au contraire, est permanente, et la répartition de l'impôt foncier entre les neuf provinces restera telle qu'elle a été arrêtée en 1848, jusqu'au moment où une nouvelle disposition législative viendra modifier cet état de choses.

Les questions de péréquation de la contribution foncière ont à diverses reprises donné lieu, dans cette enceinte, à de longues discussions et à de très longs discours. Mon intention n'est pas de suivre cet exemple ni même de soulever en ce moment un débat sur cette question importante. Je n'ai pris la parole que pour demander au gouvernement si, dans son opinion, il ne serait pas équitable de revoir la loi de péréquation de 1848 et même s'il ne serait pas nécessaire de songer à une révision générale du cadastre.

Je ne me dissimule pas, messieurs, que c'est là un travail long et coûteux ; mais si ce travail doit avoir pour résultat de redresser de nombreuses injustices, je pense que des considérations de cette nature ne peuvent être ni un empêchement ni un obstacle.

À l'époque où les évaluations cadastrales furent arrêtées, on chercha dans les diverses provinces à établir autant que possible une proportion égale entre ces évaluations et la valeur locative des immeubles. Je suis convaincu qu'alors les évaluations cadastrales approchaient de la vérité.

Mais depuis lors la valeur locative des immeubles s'est accrue dans tout le pays ; toutefois cet accroissement n'a pas été uniforme.

D'après des calculs et des données statistiques que j'ai lieu de croire exacts, le rapport du fermage, c'est-à-dire du revenu réel au revenu cadastral, est loin d'être aujourd'hui le même dans toutes nos provinces. Ainsi tandis que la différence entre la valeur locative des immeubles et le revenu cadastral peut être évaluée pour les provinces de Liège, de Brabant et du Limbourg, à 100 p. c. ; pour le Luxembourg, à 133 p. c. ; pour la province de Namur, à 200 p. c, cette différence n'est que de 75 p. c. dans la province d'Anvers, 71 p. c. dans le Hainaut, 66 p. c. dans la Flandre orientale et seulement 50 p. c. dans la Flandre occidentale.

La contribution foncière, pour être équitablement répartie, doit être payée par les contribuables, autant que possible, proportionnellement à leurs revenus réels ; or, en est-il ainsi aujourd'hui que la base de l'impôt foncier est restée presque invariable, tandis que le prix du fermage s'est accru partout, mais dans des proportions si différentes ?

Un propriétaire qui posséderait trois biens ruraux évalués chacun à un revenu imposable de 1,000 fr., mais situés dans trois provinces différentes, dans les provinces de Namur, de Brabant et de la Flandre occidentale par exemple, pourrait louer le premier, 3,000 fr.,le deuxième 2,000 fr., le troisième 1,500 fr. seulement. Et cependant, il payerait pour chacune de ces propriétés le même impôt, c'est-à-dire que la propriété située dans la Flandre occidentale payerait proportionnellement à son produit réel, le double de la propriété située dans la province de Namur.

Du reste, le gouvernement a parfaitement compris que le rapport du revenu cadastral à la valeur vénale des immeubles a subi d'importantes variations ; aussi, lors de la discussion de la loi des successions, n'a-t-il pas cru pouvoir consentir à accepter pour base de l'évaluation des immeubles soumis à ce droit le revenu cadastral multiplié par un chiffre uniforme.

L'arrêté royal du 28 juillet 1852 fixe au contraire des multiplicateurs différents afin d'atteindre autant que possible la valeur vénale réelle des immeubles soumis aux droits de succession et situés dans les diverses communes du pays ; la différence entre les chiffres prouve que le rapport du revenu cadastral à la valeur vénale a subi des modifications importantes et différentes dans les diverses parties du pays.

C'est ainsi que pour obtenir la valeur vénale des immeubles situés dans certaines communes de l'arrondissement de Charleroy et de la province de Namur, il faut multiplier le revenu cadastral par 120 et même par 150, tandis que, pour atteindre le même résultat dans la Flandre occidentale, le multiplicateur officiel ne dépasse jamais le chiffre de 50, à deux ou trois exceptions près.

La disposition légale que l'arrêté royal du 28 juillet dernier met à exécution a été prise dans l'intérêt du trésor, mais elle a été dictée aussi par un esprit de justice et d'équité. La législature a voulu que le droit de succession fût perçu sur la valeur vénale réelle des immeubles composant la succession.

Si le principe déposé dans l'article 3 de la loi du 17 décembre 1851 est de nature à établir d'une manière équitable la valeur des immeubles soumis aux droits de succession, pourquoi ne pas réviser dans le même esprit et dans le même but les évaluations cadastrales qui servent de base à l'impôt foncier ?

Je crois, messieurs, ne pas devoir examiner quant à présent plus profondément cette question. Je me contente de la signaler à l'attention de M. le ministre des finances qui, je l'espère, pour poser un acte de justice, ne reculera pas devant les difficultés que la révision générale du cadastre peut occasionner.

- La discussion est close.

L'article est mis aux voix et adopté.

Personnel

« Principal : fr. 8,500,000.

« 10 centimes additionnels extraordinaires : fr. 850,000.

« fr. 9,550,000. »

- L'article est mis aux voix et adopté.

Patentes

« Principal : fr. 3,050,000.

« 10 centimes additionnels extraordinaires, fr. 305,000.

« 3,355,000. »

M. Vermeire. - Messieurs, la première et la quatrième section ont émis le vœu qu'il soit présenté un projet de loi révisant la législation sur les patentes.

La section centrale, partageant ce vœu, a transmis ces observations à M. le ministre des finances ; et voici ce que cet honorable ministre a répondu :

« Le département des finances s'occupe de l'élaboration d'un nouveau-projet de loi sur les patentes. Il reste à recueillir des renseignements sur les transformations qu'ont subies, depuis plusieurs années, différentes branches de l'industrie et du commerce. C'est un travail d'autant plus considérable, qu'il s'agit de classer environ mille professions de diverse nature. L'administration mettra toute la diligence possible à le terminer dans le plus bref délai. »

Le 24 novembre 1848, le ministre des finances de cette époque nous présentant un projet de loi qui portait quelques modifications à la loi des patentes, disait dans son exposé des motifs:

« La nécessité d'apporter de notables modifications à la législation en vigueur sur le droit de patente est reconnue. Le gouvernement s'est occupé de cette question ; les études préparatoires sont maintenant terminées, et un travail complet pourra être soumis aux chambres législatives pendant la session actuelle. »

Ainsi, messieurs, en 1848, le gouvernement promettait de déposer un travail complet sur la question dans la session courante, et en 1852 le gouvernement se borne à nous promettre de déposer ce travail dans le plus bref délai. Je demanderai à M. le ministre des finances s'il ne pourrait pas déterminer le délai dans lequel le travail du département des (page 84) finances pourra être complété, et fixer l'époque à laquelle il pourra présenter ce projet qui est si vivement et si impatiemment attendu dans tout le pays.

Personne ne peut nier que le droit de patente est très inégalement réparti. Il y a là de ces inégalités qu'il suffit d'indiquer pour que tout le monde soit convaincu qu'une révision ne peut être trop promptement effectuée.

Un seul exemple le prouvera : un artisan travaillant avec 2 ouvriers paye pour chaque ouvrier un droit de patente de 6 fr. 60 c. Un grand fabricant ayant mille ouvriers payera pour chaque ouvrier 35 centimes. Ainsi voila un impôt progressif en sens inverse de celui qu'on a tant prôné dans ces derniers temps ! Un haut fourneau ayant coûté 250 à 300 mille francs et pouvant produire pour 300 à 400 mille francs de fer par an, payera une patente de 60 francs en moyenne ; un batelier naviguant sur le canal de Charleroy paye à peu près la même patente, et un batelier naviguant sur un autre canal peut payer jusqu'au double de cette somme. Ce sont de ces énormilés qui ne peuvent tarder de disparaître.

Je crois ne pas être trop exigeant en demandant à M. le ministre s'il ne peut pas nous donner une réponse moins vague, plus précise que celle qui se trouve consignée dans le rapport de la section centrale.

M. le ministre des finances (M. Liedts). - Il me serait impossible de fixer l'époque précise où le gouvernement pourra présenter le projet de loi dont vient de parler l'honorable preopinant. Quand je suis arrivé au ministère, j'ai fait examiner où l'on en était parvenu dans la réunion des matériaux de ce projet ; le bureau qui était chargé du travail préparatoire avait sans doute eu à s'occuper d'autres questions urgentes ; car il était loin d'être sur le point de le terminer. Je viens d'imprimer une nouvelle activité à ce travail et d'exprimer le désir de le voir terminer dans le plus bref délai possible ; toutefois, je ne saurais préciser l’époque à laquelle il pourra être mené à fin, ni fixer le moment où un projet de loi pourra être présenté à la chambre.

- L'article est mis aux voix et adopté.

Redevances sur les mines

« Principal : fr. 180,000.

« 10 centimes ordinaires pour non-valeurs : fr. 18,000.

« 5 centimes sur les deux sommes précédentes pour frais de perception : fr. 9,900.

« fr. 207,900. »

- Adopté.

Droit de débit des boissons alcooliques

Droit de débit des boissons alcooliques : fr. 900,000. »

- Adopté.

Droit de débit des tabacs

« Droit de débit des tabacs : fr. 300,000. »

- Adopté.

Douanes

« Droits d'entrée (16 centimes additionnels), au lieu de 11,800,000 (d'accord avec le gouvernement) : fr. 12,440,000.

« Droits de sortie (16 centimes additionnels) : fr. 100,000.

« Droits de transit (16 centimes additionnels) : fr. 30,000.

« Droits de tonnage (16 centims additionnels), au lieu de 360,000 (d'accord avec le gouvernement) : fr. 395,000.

« Timbres : fr. 35.000.

« Total : fr. 13,000,000. »

- Adopté.

Accises

« Sel (sans additionnels) : fr. 4,350,000. »

- Adopté.


« Vins étrangers (26 centimes additionnels et timbres collectifs) : fr. 2,300,000. »

- Adopté.


« Eaux-de-vie étrangères (sans additionnels) : fr. 270,000. »

- Adopté.


« Eaux-de-vie indigènes (sans additionnels) : fr. 5,000,000. »

M. Mercier, rapporteur. - De nombreuses pétitions ont été adressées à la chambre et au gouvernement relativement au préjudice que font éprouver aux fabricants de boissons distillées les villes et communes à octroi par les droits disproportionnés qu'elles imposent à l'entrée et les décharges excessives qu'elles accordent à la sortie des genièvres. Un débat s'est élevé à ce sujet l'année dernière et le gouvernement a pris l'engagement de faire des expériences pour reconnaître la quantité d'eau-de-vie qu'on obtient par hectolitre de matière macérée, et d'en faire connaître le résultat avant le 31 décembre de cette année. Ce résultat ne pouvait pas être constaté immédiatement, parce que les expériences devaient être faites à différentes époques de l'année pour être exactes.

Je demanderai à M. le ministre si elles sont maintenant complètes et si bientôt le département des finances et de l'intérieur seront en mesure de faire justice aux réclamants. Il y a iniquité à faire acquitter sur les eaux-de-vie fabriquées au-dehors des communes à octroi un droit plus élevé que celui qu'elles perçoivent sur celles qui proviennent des établissements situes dans leur enceinte, et à restituer à l'exportation de ces dernières un droit supérieur à celui qui est établi à la fabrication. Si M. le ministre n'est pas en mesure de répondre immédiatement à cette question, je le prierai de prendre des informations pour nous en communiquer le résultat à une de nos prochaines séances.

M. Coomans. - Je désirerais soumettre au gouvernement une demande de renseignements. Le prédécesseur de M. le ministre des finances nous a promis à différentes reprises une réforme douanière ; je désirerais savoir où en sont les études sur ce projet de loi.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La réforme douanière est un projet immense, et je doule que le cabinet qui est aux affaires en ce moment l'entreprenne tout entier. Cependant, dans cette réforme, il y a des parties qui sont facilement réalisables, et qui laissent intacts les différents systèmes qui se combattent dans cette enceinte. Tel est le projet de loi sur les droits que payent à la sortie certaines de nos marchandises. Il existe dans notre tarif une catégorie de marchandises qui est grevée d'un droit de sortie, contrairement au véritable intérêt national. Le travail qui concerne cetlte partie de la réforme touche à son terme. J'espère que dans le courant du mois prochain un projet de loi pourra être présenté à la chambre.

Quant aux droits d'entrée, je le répète ; le projet n'est pas mûr, je doute que le gouvernement actuel l'entreprenne ; il n'a pris à ce sujet aucun engagement. Les circonstances actuelles ne sont pas d'ailleurs favorables à cette partie de la réforme.

- L'article « Eaux-de-vie » est adopté.


« Bières et vinaigres (36 centimes additionnels et timbres collectifs) : fr. 6,700,000. »

- Adopté.


« Sucres : fr. 3,500,000. »

- Adopté.


« Timbres sur les quittances : fr. 5,000. »

- Adopté.


« Timbres sur les permis de circulation : fr. 4,000. »

- Adopté.

Garantie

« Droits de marque des matières d'or et d'argent : fr. 150,000. »

- Adopté.

Recettes diverses

« Droits de magasin des entrepôts, perçus au profit de l'Etat : fr. 225,000. »

- Adopté.

« Recettes extraordinaires et accidentelles : fr. 30,000. »

- Adopté.

Enregistrement et domaines

Droits additionnels et amendes

« Enregistrement (principal et 30 centimes additionnels) : fr. 10,500,000. »

- Adopté.


« Greffe (principal et 30 centimes additionnels) : fr. 300,000. »

- Adopté.


« Hypothèques (principal et 26 centimes additionnels) : fr. 1,680,000. »

- Adopté.


« Successions »

La section ceotrale demande que l'article « Successions » soit divisé au budget en trois parties :

« Successions (principal et 30 c. additionnels).

« 1° Successions : fr. 6,400,000.

« 2° Droit de mutation sur les successions en ligne directe : fr. 1,300,000.

« 3° Droit dû par les époux survivants : fr. 200,000. »

- L'article « successions » est adopté en ces termes.


« Timbre (principal sans additionnels) : fr. 2,850,000. »

M. Osy. - L'honorable M. Orls vient de dire qu'il ne prenait la parole que pour prémunir la chambre contre une opinion isolée (celle que j'ai émise en faveur du rétablissement du timbre des journaux). Ce n'est pas une opinion isolée. Si l'honorable membre veut jeter les yeux sur le rapport de l'honorable M. Mercier, il y lira ce qui suit :

« Timbre. La première section propose le rétablissement du droit de timbre sur les journaux, par cinq voix et une abstention ; en conséquence, elle ajoute la disposition suivante au paragraphe premier de l'article premier du projet de loi :

(page 85) « Toutefois, l'article 2 de la loi du 5 mars 1839 relatif au droit de timbre sur les journaux et écrits périodiques, abrogé par la loi du 25 mai 1848, est remis en rigueur. »

« La troisième section demande également. le rétablissement du timbre des journaux, par cinq voix contre une, deux membres s'abstenant.

« La sixième section désire qu'on examine s'il n'y a pas lieu de rétablir le droit de timbre sur les journaux. Cette proposition est adoptée par quatre voix contre deux. »

Vous voyez que sans que la chambre ait été saisie de l'examen de cette question, il y a déjà dans trois sections une majorité pour le rétablissement du timbre des journaux ; ce n'est donc pas une opinion isolée. Je soutiens l'opinion qui a prévalu dans ma section.

Je n'affirme pas qu'il y ait une majorité acquise, dans la chambre, au rétablissement du timbre des journaux. Je ne mets pas le gouvernement en demeure de présenter un projet de loi en ce sens. Cependant il pourrait prendre en considération l'opinion de trois sections.

M. Orts. - Je n'entends pas du tout discuter la question de l'opportunité de rétablissement du timbre des journaux. Je sais que la plupart des mesures qui ont été votées en 1848 sont regrettées par ceux qui les ont votées. Comme je n'ai pas voté celle-là, je n'ai pas de regret à avoir. Je me réserve d'examiner la question quand elle sera soumise à la chambre.

Quand j'ai parlé d'une opinion isolée, l'honorable M. Osy avait demandé le rétablissement du timbre des journaux, non comme mesure fiscale, mais comme moyen de supprimer certains journaux qui, d'après lui, sont mauvais. C'est cette opinion que j'ai qualifiée d'isolée. Je persiste à espérer qu'elle restera isolée.

M. Rodenbach. - Lorsqu'on a discuté la question de la suppression du timbre des journaux, j'ai été partisan de cette mesure, j'en suis encore partisan. Cette industrie (car c'est une industrie considérable) a besoin d'être encouragée. Lorsque l'impôt du timbre existait, le journalisme payait au fisc jusqu'à 40 et même 60 p. c. de son bénéfice net. Il n'y a pas en Belgique une industrie qui paye un impôt aussi considérable.

On parle souvent d'idées avancées, d'idées libérales : la suppression du timbre est une idée assez large ; c'est tout à fait en faveur de la presse, c'est même en faveur des classes inférieures de la société, car depuis la suppression du timbre il y a infiniment plus de journaux dans les villes ; il y en a même dans les campagnes où on ne lisait aucun journal quand l'impôt du timbre existait puisqu'on soutient que les journaux sont un moyen de civilisation (je suis aussi de cet avis), le moment serait inopportun pour rétablir le timbre, car la suppression de tous les journaux à bon marché serait la conséquence de cette mesure.

Si nous avons besoin d'augmentation d'impôts, il ya d'autres matières imposables. C'est le luxe qu'il faut imposer et non la nourriture intellectuelle de la classe moyenne ; celui qui n'a pas le moyen de s'abonner à des journaux de 40 à 60 francs, celui qui ne peut s'abonner qu'à un journal de 7 à 12 fr., a, tout aussi bien que les personnes riches, droit à être protégé.

Ainsi, l'opinion que j'ai émise, je la soutiens plus encore qu'auparavant. Nous ne devons pas diminuer la somme de nos libertés : il faut, au contraire, l'augmenter, et la presse peut y contribuer.

- L'article est mis aux voix et adopté.


« Naturalisations : fr. 5,000. »

- Adopté.


« Amendes en matière d'impôts : fr. 140,000. »

- Adopté.


« Amendes de condamnation en matières diverses : fr. 120,000. »

- Adopté.

Discussion du tableau des recettes (II. Péages)

Domaines

« Rivières et canaux : fr. 2,800,000.

« Routes appartenant à l'Etat : fr. 1,500,000.

« Total : fr. 4,300,000. »

- Adopté.

Travaux publics

Postes

« Taxe des lettres et affranchissements : fr. 2,760,000.

« Port des journaux et imprimés : fr. 200,000.

« Droits sur les articles d'argent : fr. 20,000.

« Remboursements d'offices étrangers : fr. 200,000.

« Emoluments perçus en vertu de la loi du 19 juin 1842 : fr. 60,000.

« Total : fr. 3,240,000. »

M. Mercier, rapporteur. - Messieurs, dans une de nos dernières séances, un débat s'est élevé sur les résultats de la réforme postale. Je n'ai pas cru devoir y prendre part, parce qu'il m'a paru que le moment de s'occuper de cette question se présenterait mieux lors de la discussion du budget des voies et moyens.

Un honorable membre a émis l'opinion qu'en diminuant la taxe des lettres, on augmentait les produits de la poste. Malheureusement l'expérience de l'Angleterre et la nôtre ne sont pas de nature à entretenir cette illusion.

En Angleterre, on se flattait aussi, lorsque la réforme a été introduite, d'obtenir après quelques années d'application du nouveau système un produit beaucoup plus considérable. Or aujourd'hui même le produit net de la poste ne donne pas la moitié de ce qu'il était en 1839.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Les produits de 1852 excèdent la moitié de ceux de 1839.

M. Mercier. - Je n'ai pas les produits de 1852 ; s'ils dépassent la moitié de ceux de 1839, c'est probablement de peu de chose, car la progression des années antérieures n'a pas été bien considérable. Je tiens en mains les résultats de l'année 1850, et dans cet exercice ils n'ont pas atteint tout à fait la moitié de ceux de 1839 ; j'admets, puisque M. le ministre l'affirme, qu'en 1852 ou plutôt en 1851, le chiffre est plus élevé ; mais il est certainement loin d'attteindre le produit obtenu en 1839, année qui a précédé immédiatement la réforme.

Je parle du produit net ; quant au produit brut, il était encore inférieur à celui de 1839, tandis que les frais se montaient au double.

En Belgique, le produit, en 1847, avant la réforme, a été de 3,764,000 francs.

Il y eu, de 1830 à 1847, une progression constante dans le produit des postes. Cette progression, pour les trois dernières années, a été, en moyenne, de 154,000 francs.

J'estime que dans les années 1848 et 1849 la progression, par suite des événements, se serait arrêtée. Mais elle aurait infailliblement repris son cours à partir de 1850. Pendant les quatre années de 1850 à l'exercice dont nous discutons le budget, nous aurions donc obtenu une augmentation de produits de 616,000 fr., ce qui aurait porté le produit total à 4,380,000 fr.

Or les prévisions pour l'exercice 1853 ne sont que de 3,400,000 fr.

Le trésor éprouverait donc par la différence du produit brut un préjudice de 980,000 fr.

L'augmentation de dépenses ne peut être calculée d'une manière rigoureusement exacte ; je la porte très modérément à 200,000 fr. La perte totale résultant de la réforme s'élève, par conséquent, à 1,180,000 fr.

La progression n'eût-elle été que de 100,000 francs, la perte serait encore de 964,000 fr.

Ainsi, messieurs, les faits prouvent qu'en diminuant la taxe des lettres, on n'augmente pas le produit. Il est facile d'ailleurs de le comprendre. Un million de lettres à 10 centimes ne donnent qu'un produit de 100,000 fr. ; ainsi les 4 millions de lettres transportées en 1851 dans le rayon de 30 kilomètres n'ont fourni qu'un produit de 400,000 fr., si elles n'ont pas dépassé le poids déterminé par la loi.

On a demandé si le cas prévu par la loi de 1849 n'était pas encore réalisé ; c'est-à-dire, si le produit net ne s'élevait pas encore à 2 millions, le gouvernement pouvant dans cette éventualité fixer à 10 centimes la taxe des lettres dont la destination est au-delà du rayon de 30 kilomètres.

Messieurs, nous sommes encore très loin d'atteindre ce résultat.

La dépense de la poste pour l'année 1852 ne sera connue qu'à l’expiration de cet exercice ; celle qui a été faite sur le budget de 1851 est de 1,660,000 fr. D'après des renseignements que j'ai recueillis au département des travaux publics, mais que M. le ministre m'a donnés sous réserve d'un examen plus approfondi, il faut ajouter d'autres dépenses qui sont confondues avec celles du chemin de fer.

Ce surcroît de dépenses est évalué à 430,000 fr., ce qui porte la dépense totale du service des postes à 2,090,000 fr.

Comme le produit n'est que de 3,400,000 fr., il s'ensuit que l'excédant de la recette sur la dépense effective est de 1,310,000 fr. Il s'en faut donc encore de 690,000 fr., soit 700,000 fr., que le chiffre de deux millions soit atteint.

M. Vermeire. - Vous raisonnez sur des hypothèses.

M. Mercier. - Je raisonne pour la plus grande partie sur des données exactes, sur des chiffres certains et non sur des hypothèses. Le chiffre de 430,000 fr. est seul basé sur des données que je veux bien considérer comme approximatives, quoiqu'il ait été fourni par l'administration elle-même. Ce chiffre fût il un peu moins élevé, rien ne serait changé à mon raisonnement, et nous serions encore loin d'atteindre le produit net de 2 millions dont parle la loi, et cela suffit quant à présent.

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - J'ai fait connaître, il y a quelques jours, à la chambre, qu'en effet le cas prévu par l'article 10 de la loi de 1849 sur la réforme postale n'était pas encore réalisé ; que dès lors le gouvernement ne croyait pas devoir généraliser l'application de la taxe à 10 centimes. En ne comptant pas même, dans la dépense afférente à la poste, les frais imputables sur le budget du chemin de fer, le produit net ne s'élèverait, pour l'exercice 1851, qu'au chiffre de 1,700,000 fr.

En ce qui concerne ces frais, il serait très difficile d'en déterminer exactement le montant. Tout calcul doit être nécessairement très approximatif. Ou peut en juger par uu seul fait. Les bureaux ambulauis sont aujourd'hui au nombre de 17. Ils effectuent en moyenne un parcours de 700 lieues environ par jour. L'on comprend sans peine que rien que du chef de l'entretien, du renouvellement et de la traction, une somme considérable est prélevée sur l'allocation du chemin de fer ; d'autres articles de dépenses pourraient être discutés, mais, je le répète, il serait difficile de produire à cet égard des calculs complètement exacts.

(page 86) Puisque j'ai la parole,je tiens à répondre un mot à l'allégation de l'honorable M. Mercier qui a pris pour base de ses calculs sur les résultats de la poste en Angleterre l'année 1850. Je tiens en mains un tableau d'où il résulte que pour l'année finissant au 1er janvier 1852 le produit brut de la poste en Angleterre dépassait déjà le produit brut de l'année 1839, c'est-à-dire de l'année antérieure à l'introduction de la réforme postale.

Pour l'année finissant au 1er janvier 1852, le revenu brut a été de 2,422,168 liv., tandis qu'en 1839 le montant du produit de la poste ne s'élevait qu'à 2,339,737 liv.

Quant au produit net, il est également constaté par ce dernier tableau statistique.

Il tend aussi à se rapprocher beaucoup du produit net de 1839. En 1839, ce produit net s'est élevé à 1,652,000 liv.

La différence aujourd'hui est de 500,000 liv., c'est-à-dire du tiers du produit, et non de la moitié.

Je crois pouvoir me borner à ces explications.

M. le président. - La parole est à M. Rodenbach.

M. Rodenbach. - Je m'en rapporte entièrement aux chiffres qu'a donnés M. le ministre des travaux publics.

- Plusieurs membres. - A demain !

Proposition de loi

Dépôt

M. le président. - Il vient d'être déposé sur le bureau une proposition de loi. Les sections seront convoquées demain pour examiner s'il y a lieu d'en autoriser la lecture.

- La séance est levée à 4 heures et demie.