(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1851-1852)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 905) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à 2 heures et quart.
- La séance est ouverte.
M. Vermeire lit le procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. A. Vandenpeereboom présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Plusieurs propriétaires et directeurs de carrières à Soignies et aux Ecaussinnes demandent que les pierres de taille soient rangées dans la troisième classe des marchandises sous le rapport des péages à fixer pour les expéditions par le chemin de fer de l'Etat. »
M. Debroux demande le renvoi à la commission centrale chargée d'examiner le projet de loi concernant le tarif des marchandises, avec invitation de faire un prompt rapport.
- Adopté.
« Les membres du conseil communal de Louvain présentent une réclamation contre les paroles prononcées à la chambre par M. de Man d'Attenrode au sujet de l'emploi des subsides accordés à cette ville pour travaux d'assainissement. »
M. le président. - Une réclamation semblable à celle-ci a été adressée à la chambre à l'occasion d'un discours de M Allard et la chambre a passé à l'ordre du jour. Je propose à la chambre de prendre la même résolution et de passer à l'ordre du jour.
- L'ordre du jour est adopté.
M. Tremouroux demande un congé.
- Accordé.
M. Vermeire. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi relatif aux brevets d'invention.
- Ce rapport sera imprimé, distribué, et la discussion fixée à la suite de l'ordre du jour.
M. Bruneau. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi ayant pour objet d'apporter des modifications au régime de transit.
- Ce rapport sera imprimé, distribué et placé à la suite de l'ordre du jour.
M. le président. - Proposition de MM. Mercier et consorts relative au tracé du chemin de fer dr Bruxelles à Namur :
« Les soussignés demandent que la pétition soit de nouveau renvoyée à M. le ministre des travaux publics avec prière de faire exécuter les sections du chemin de fer de Bruxelles à Wavre et de Wavre à Gembloux selon le texte et l'esprit des conventions, et les explications données parle gouvernement dans son exposé des motifs du projet de loi.
« Mercier, Mascart, Tremouroux, comte F. de Mérode, Armand de Perceval. »
M. de Perceval a déposé une autre proposition ainsi conçue :
« Attendu que les conventions passées entre le gouvernement et la compagnie concessionnaire du chemin de fer du Luxembourg ne laissent aucun doute sur l'interprétation que leur donnent les pétitionnaires de la ville de Wavre, la chambre passe à l'ordre du jour. »
M. de Perceval. - La proposition que j'ai eu l'honneur de signer avec MM. Tremouroux, Mercier, de Mérode et Mascart a soulevé des scrupules dans l'esprit de plusieurs honorables membres ; et l'honorable M. Devaux s'est rendu l'interprète de ces scrupules dans la séance d'hier. Je suis loin de les partager, cependant je veux jusqu'à certain point y avoir égard. Voilà pourquoi j'ai cru devoir présenter à la sanction de la chambre une rédaction nouvelle. Je n'ai pas besoin d'entrer dans de longs développements pour faire ressortir l'utilité de ma proposition ou pour mieux dire de mon ordre du jour motivé.
Il est la conséquence logique, rationnelle de la convention dont nous demandons la loyale mise en exécution, et de tous les discours qui ont été prononcés hier. Je dois en excepter néanmoins, à mon grand regret, celui de l'honorable ministre des travaux publics. Je me réserve de répondre aux orateurs qui jugeraient à propos de combattre ma proposition et de soutenir les prétentions insoutenables du gouvernement.
M. Delehaye. - J'ai examiné attentivement les discours prononcés hier et je partage complètement l'opinion émise par l'auteur de la proposition.
Je crois, en effet, messieurs, qu'il est entré dans l'esprit du législateur et que ceci est conforme à tout ce qui a été posé relativement au chemin de fer de Wavre, que la route entre Bruxelles et Namur passât par Wavre.
A cet égard, je pense qu'il ne peut y avoir le moindre doute ; ou il faudrait que les orateurs qui se sont prononcés à cet égard lors de la discussion sur la loi des travaux publics, se fussent singulièrement trompés, ou il faut que les intentions du gouvernement aient été mal expliquées. Si l'on ne me dit pas que les explications du gouvernement ont été mal expliquées, je crois qu'il ne peut pas y avoir le moindre doute.
Les termes m'ont paru si clairs, l'intérêt de la ville de Wavre est tellement évident que je crois réellement, et la vérité m'impose cette déclaration, que la route devait passer par Wavre.
Selon moi il n'est pas indifférent que la route traverse Wavre ou que Wavre soit relié au chemin de fer par une voie de raccordement.
On a cité l'exemple de la ville d'Amiens. Il me semble qu'on a été chercher cet exemple un peu loin. En général nous ne connaissons pas les localités et surtout l'intérêt que pouvait avoir la ville d'Amiens à s'opposer ou a ne pas s'opposer à ce qui a été fait.
Je vais, messieurs, citer un exemple ; mais je le prendrai dans le pays même. Je suppose que vous ayez décrété un chemin de fer direct de Bruxelles à Gand, et que, dans l'opinion de la chambre, ce chemin de fer dût passer par Alost. J'admets qu'il n'y avait pas de doute à cet égard, et que cependant le gouvernement, au lieu de faire passer le chemin de fer par Alost, le fasse passer par Termonde et dise à Alost : Vous aurez un chemin de fer de raccordement. Viendra-t-on dire que les intérêts d'Alosl sont sauvegardés, que les intérêts d'Alost ne seront pas menacés ? J'avoue que je ne pourrais admettre un pareil système.
Je crois que cet exemple est frappant de vérité.
M. Bruneau. - Il n'y a pas de comparaison.
(page 906) M. Delehaye. - L’honorable M. Bruneau dit qu'il n'y a pas de coparaison ; sans doute il n'y a pas de comparaison entre mon exemple et celui qu’a donné l'honorable membre, parce qu'il est donné à peu d'entre nous d'apprécier l'exemple donné par l'honorable M. Bruneau, et que chacun peut apprécier l'exemple que je donne. Sous ce rapport l’honorable M. Bruneau a raison de dire qu'il n'y a pas de comparaison entre les deux exemples.
D'honorables membres vous ont dit hier qu'il fallait faire une proposition positive ; ils ont prétendu qu'il fallait présenter une loi interprétative. Je dis, messieurs, qu'ici une loi interprétative n'expliquerait rien du tout. Quand fait-on une loi interprétative et qu'est-ce qu'une loi interprétative ? Une loi interprétative est une loi qui explique le sens d'une autre loi sur laquelle il y a dissentiment entre divers corps qui doivent l'appliquer.
Or, ici qu'avons-nous ? Nous avons un dissentiment entre des membres de la chambre et le ministre des travaux publics. Je suppose qu'une loi soit proposée par un membre, que la chambre et le sénat l'adoptent.
Mas le gouvernement pourra encore soutenir que son opinion est la bonne et que la loi que vous venez de voter ne doit pia être exécutée.
Messieurs, comme vous l'a dit hier l'honorable M. Devaux, la question qui se présente est nouvelle. Cependant la marche que doit suivre la chambre me paraît bien simple. La pétition a été adressée à M. le ministre des travaux publics. M. le ministre vous a expliqué son opinion. Ces explications ne vous satisfont pas. Que devez-vous faire ? Vous devez renvoyer de nouveau la pétition à M. le ministre. Ce renvoi aura pour conséquence d’inviter M. le ministre à examiner de nouveau la question. Si M. le ministre persiste, chacun de nous sera libre de tirer de cette circonstance telle conclusion qu’il jugera convenable ; il trouvera matière à proposer un blâme contre le gouvernement, à rejeter le budget, à le poursuivre du chef d’un acte que vous trouvez contraire à la loi.
Il n'y a pas d'autre disposition à prendre. La proposition de mon honorable ami M. de Perceval ne me paraît pas plus acceptable que celle qui a été faite hier. Les termes mêmes de cette proposition prouvent qu'elle n'est pas admisible.
L'honorable M. de Perceval dit : « Attendu qu'il n'y a aucun doute sur le sens de la loi. » Mais, messieurs, rien n'est moins exact, car la plupart des orateurs qui ont pris la parole dans la séance d'hier sont en dissentiment complet avec le gouvernement sur le sens de la loi.
Je dis donc, messieurs, que, de quelque manière que vous envisagiez la question, il n'y a qu'une seule résolution à prendre, c'est de renvoyer de nouveau la pétition à M. le minislre, qui saura parfaitement pourquoi le renvoi est ordonné.
M. le ministre comprendra, en effet, que la chambre lui renvoie de nouveau la pétition, parce qu'elle n'est pas satisfaite des premières explications. Eh bien, le gouvernement examinera de nouveau la question, et il est fort possible qu'après avoir médité les différentes observations qui ont été présentées, il prenne une résolution conforme à ce que désirent les honorables membres qui appuient la pétition.
M. de Theux. - Messieurs, je ne serai pas long. Je veux seulement dire quelques mots sur le dissentiment qui s'est élevé entre le gouvernement et certains orateurs, sur les attributions de la chambre. Je n'entends même entrer en aucune manière dans le fond de la question : les intérêts de Wavre ont été défendus par des personnes qui connaissent mieux les localités, qui se sont plus spécialement occupées de cette affaire. Mais je crois devoir ajouter quelques mots sur la question de prérogatives, parce que toute question de prérogatives est extrêmement grave et qu'il est très dangereux de laisser poser, en pareille matière, un antécédent, soit par une résolution, soit par des discours auxquels il n'aurait pas été répondu.
M. le ministre des travaux publics a dit que, suivant mon opinion, la chambre pourrait aller jusqu'à prendre une résolution pour fixer le sens de la loi sur le régime hypothécaire. Je n'ai, messieurs, qu'une seule réponse à faire, c'est qu'il n'est rien qu'on ne puisse pousser à l'absurde.
Ce n'est pas de cette manière qu'on peut combattre une opinion. Assurément, messieurs, il n'entre pas dans mes intentions d'ériger la chambre en bureau de consultations d'avocats sur le sens des lois civiles, qu'il n'appartient qu'aux tribunaux de fixer sauf recours à la législation en dernier ressort, lorsqu'il y a dissentiment entre les tribunaux eux-mêmes.
Jamais une pareille absurdité n'est entrée dans ma pensée. Tout ce que j'ai dit, c'est que lorsqu'une loi a été votée et lorsqu'elle doit être exécutée administrativement, le cabinet reste responsable de l'exécution qu'il donne à cette loi, et que les chambres ont par-devers elles un moyen de donner suite à une opinion qu'elles croient fondée sur la loi et sur les intérêts de l'Etat. Voilà la seule chose que j'aie avancée. Il ne s'agissait que de cela.
On peut relire les paroles que j'ai prononcées hier ; je n'ai pas été au-delà. Je ne me suis pas même prononcé sur les termes de la proposition de l'honorable M. Mercier et de ses collègues ; je n'ai pas discuté la forme de la proposition ; je n'ai discuté que le seul point de théorie.
Eh bien, messieurs, ce que j'ai avancé hier, je vais le prouver en peu de mots.
La Constitution dit qu'on a le droit d'adresser des pétitions aux chambres.
Il est une chose qui est passée en fait : c'est que la chambre discute le mérite des pétitions. Si elle ne les croit pas fondées, elle passe à l'ordre du jour. Si elles ont une apparence de fondement, la chambre demande des explications au gouvernement ; le gouvernement donnera, des explications, mais par là, le droit e la chambre n'est pas épuisé. Si la chambre trouve que les explications du gouvernement ne sont pas satisfaisantes, assureémet elle a le droit de déclarer qu'elle ne trouve pas ces explications satisfaisantes. Si elle vient à cette declaration, elle peut faire un pas de plus : elle peut ordonner un nouveau renvoi au cabinet et demander de nouvelles explications.
Je crois que dans certaines circonstances et notamment dans le cas présent, il serait beaucoup plus convenable de suivre cette marche que de prononcer à priori une condamnation absolue.
Voilà donc un droit qu'on ne peut pas contester à la chambre. Si, par ses explications ultérieures, le cabinet persiste dans son opinion et que, d'autre part, la chambre, à la suile d'un nouvel examen, persiste dans la sienne, un dissentiment est constaté entre le cabinet et la chambre.
Maintenant, lorsque le dissentiment est bien constaté entre le cabinet et la chambre, il y a des moyens d'arriver à un résultat, suivant la gravité du dissentiment, suivant les dispositions dont la chambre et le cabinet sont animés.
Je n'irai donc pas plus loin. Je maintiens que les explications données par le cabinet ne terminent pas le débat et que la chambre, après avoir discuté ces explications, peut décider qu'elle ne les trouve pas satisfaisantes, si elle ne préfère prendre une résolution plus grave.
Quant à présent, je crois que si l'on déclarait que les explications ne sont pas satisfaisantes, les députés de l'arrondissement de Nivelles pourraient se déclarer satisfaits.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je ne veux m'occuper que de la question de principe et non de la question du fond. Je suis très disposé à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour que les intérêts de la ville de Wavre ne soient pas méconnus. Même avant cette discussion, j'avais cru devoir appeler l'attention de mon honorable collègue sur la difficulté qui vous occupe aujourd'hui. Mais, je le répète, c'est de la question de principe que j'ai signalée hier à l'attention de la chambre que je veux dire encore quelques mots.
L'honorable M. de Theux n'est plus aujourd'hui aussi absolu qu'hier. Hier l'honorable membre a dit en termes exprès qu'on ne pouvait contester à la chambre le droit de décider en qiuel sens elle avait entendu les dispositions d'une loi qu'elle avait adoptée. C'est cette doctrine que j'ai combattue, et l'honorable M. de Theux me permettra de le lui dire, cette partie de son discours est un peu affaiblie au Moniteur.
M. de Theux. - Je n'y ai pas changé un mot.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'aurai mal compris alors, Car ce qui est reproduit dans les Annales, diffère assez de ce que je crois avoir entendu. J'ai repoussé l'opinion que la chambre peut se prononcer sur le sens qu'elle a entendu attacher aux lois qu'elle a votées. C'est là que j'ai contesté. Ainsi, disais-je, si des controverses s'élèvent sur la loi hypothécaire, est-ce que la chambre pourrait declarer que c'est dans tel sens qu'elle avait entendu la disposition qui fait l'objet de la dispute ? L'honorable M. de Theux avoue que cela est impossible. Mais, je tire ici, selon lui, de l'opinion que je combats, des conséquences absurdes ; l'on peut ainsi pousser tous les principes à l'absurde. L'honorable membre se trompe. Je suis dans la vérité. La question pourra se présenter ; par exemple, quand on examinera la pétition d'un individu se plaignant de n'avoir pas reçu soit une pension soit une indemnité qu'il réclamait à charge de l'Etat. Cela arrive assez souvent. Le gouvernement, dans la limite de ses pouvoirs, jugerait que le pétitionnaire n'a pas droit à une pension ou à une indemnité : on proposerait de faire décider par la chambre que la pension ou l'indemnité est due... (Interruption.)
Vous vous récriez, parce que vous êtes frappé des conséquences extrêmement graves que je vous signale. Mais je demande pourquoi ou ne formulerait pas une conclusion de ce genre, si on a le droit de formuler la proposition que nous avons combattue, qui consiste à dire que tel est le sens de la loi, que tel est le sens des obligations qui dérivent d'un contrat ? Si la Chambre prenait une telle résolution, n'est-il pas évident qu'elle prendrait la place du pouvoir exécutif, qu'elle exercerait précisément les attributions du gouvernement ?
L'honorable M. de Theux est aujourd'hui à peu près d'accord avec nous. Il se borne à soutenir que la chambre peut trouver que les explications qui lui ont été données par le ministre ne sont pas suffisantes.
Sans doute, vous avez le droit de demander de nouvelles explications ; mais après cela la chambre ne formulera pas de résolution directe ; c'est ce que l'honorable M. de Theux reconnaît.
La chambre pourra par divers moyens manifester son sentiment et atteindre le gouvernement ; elle pourra blâmer ultérieurement le ministre des travaux publics pour avoir mal exécuté la loi, pour l'avoir mal interprétée ; elle pourra le faire directement par voie de blâme ; elle pourra le faire indirectement par un vote sur une allocation à l'occasion de la discussion du budget.
Tout cela est positivement dans le droit de la chambre. Mais ce que je ne comprends pas, c'est que l'honorable M. de Theux ne semble pas repousser les propositions qui sont soumises à la chambre. Elles impliquait, en effet, la proposition de l'honorable M. Mercier, de même que celle de l'honorable M. de Perceval, la doctrine que M. de Iheux combat avec moi. On provoque une résolution de la chambre. Que constituerait-elle ? L'interprétation d'une loi, d'un contrat ? Ce ne sera pas une loi, car la chambre seule ne peut pas faire une loi. Serait-ce l'interprétation d'un contrat ? Est-ce que la chambre se constitue en cours de justice ?. La chambre ne peut pas décider qu'une compagnie tierce, ici intéressée, (page 907) a conracté des engagements. La compagnie aurait incontestablement le droit, nonobstant une résolution de la chambre, de récuser l’interprétation qui aurait été donnée à la loi ou aux conventions, et de se pourvoir devant la justice ordinaire pour faire statuer sur la contestation. La chambre ne peut pas prendre de résolution pareille ; indépendamment de la question de prérogative, elle ne foit pas prendre des décisions qu’elle serait impuissante à faire exécuter. C’est là la doctrine que j’ai défendue, et je crois qu’on l’entend ainsi maintenant sur tous les bancs de la chambre.
M. de Theux (pour un fait personnel). - Je répondrai d'abord à M. le ministre des finances qui vient de dire que j'ai changé un passage au Moniteur. Je déclare que je n'ai changé qu'un seul mot, c'est un mot que je n'avais pas prononcé. Le sténographe me faisait dire dans mon discours que la chambre avait le droit d'émettre une opinion sur le point de savoir si les conditions du contrat de concession sont observées. Or, j'ai dit : « Si les conditions de la loi de concession sont ou non observées. »
Vous voyez que cela ne change en rien le sens de mon observation. Au reste il n'entre pas dans mes habitudes de changer mes discours ; tels que je les ai prononcés, je les maintiens ; si un mot a été mal entendu par MM. les sténographes, naturellement je le rétablis.
M. le ministre des finances vient de reconnaître que d'après mon discours tel que le reproduit le Moniteur nous ne sommes plus en dissidence. Quand j'ai dit que la chambre avait le droit d'interpréter les lois qu'elle avait portées, afin d'en bien déterminer le sens, j'ai entendu que la chambre avait bien le droit de dire dans quel sens elle avait voté la loi et quel était le sens naturel de cette loi. Or, si la chambre déclare son dissentiment avec le cabinet en déclarant qu'elle ne trouve pas les explications satisfaisantes, elle entendra dire qu'elle interprète la loi de concession autrement que le cabinet. Le cabinet aura à examiner ultérieurement soit le sens de la loi soit si d'autres mesures sont à prendre. La chambre, en suite des nouvelles explicatons, examinera si elle doit prendre d'autres résolutions.
Voilà la marche que j'ai indiquée ; je ne fais pas de proposition formelle, je laisse ce soin à d'autres membres qui voudront s'en charger.
Je crois que ceci est la marche la plus convenable à suivre, si tant est que la chambre ait la conviction que la manière dont le cabinet entend exécuter la loi n'est pas en harmonie avec ce qui a été décidé par le législateur. Je ne pousserai pas plus loin cette discussion.
M. Delfosse. - On paraît généralement d'accord que la proposition de l'honorable M. de Perceval n'est pas plus acceptable que celle de l'honorable M. Mercier.
La chambre ne doit pas, à l'occasion d'une pétition, enjoindre ni inviter le gouvernement à agir dans un sens plutôt que dans l'autre ; si la chambre entrait dans cette voie, le sénat pourrait, à l'occasion de la même pétition, si elle lui était adressée, enjoindre ou inviter le gouvernement à agir dans un sens opposé. Que ferait alors le gouvernement ?
Lorsque l'une des trois branches du pouvoir législatif prend une résolution de nature à lier l'Etat, surtout au point de vue financier, cette résolution doit être soumise aux deux autres branches de ce même pouvoir. Il suffit du vote d'une seule pour que la résolution n'ait aucune suite.
Ici on s'adresserait,au gouvernement seul et on lui reconnaîtrait en quelque sorte le droit de prononcer. S'il y avait dissentiment entre les deux chambres, le gouvernement serait donc juge et donnerait raison à l'une et tort à l'autre. Il ne faut pas s'engager dans une voie qui pourrait conduire à un tel résultat.
Ce qu'il y a de mieux à faire, c'est d'adopter la proposition de mon honorable ami M. Delehaye, c'est de renvoyer de nouveau la pétition à M. le ministre des travaux publics. Le renvoi aura pour moi ce sens que le gouvernement devra examiner de nouveau et sérieusement la pétition du conseil communal de Wavre. Je n'attache à ce vote aucune idée de blâme.
En procédant ainsi, nous resterons dans les termes de l'article 43 de la Constitution.
M. le président. - Voici la proposition déposée par l'honorable M. Delehaye :
« Attendu que les explications données par M. le ministre des travaux publics ne sont pas satisfaisantes, la chambre lui renvoie de nouveau la pétition des membres du conseil communal de Wavre. »
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, en répondant hier à l'honorable M. Mercier, j'ai eu l'occasion d'annoncer à la chambre que je ne voyais d'autre issue à ce débat que le renvoi pur et simple, pour nouvel examen, au ministre des travaux publics, et d'après les explications qui viennent d'être échangées, c'est encore, me semble-t-il, la seule résolution que la chambre puisse prendre. C'est même dans cette intention que jusqu'à présent je n'ai pas donné mon approbation aux plans qui m'ont eté soumis par la compagnie du Luxembourg. Ces plans sont encore en ce moment au département des travaux publics et n'ont pas été renvoyés à la compagnie du Luxembourg, précisément parce que j'ai voulu m'éclairer par les discussions de la chambre.
Cependant je dois rentrer dans le fond du débat pour fournir à la chambre quelques nouvelles explications qui la convaincront peut-être que la question, quand on l'examine de près, se réduit à des termes fort simples.
Il s'agit, à mon sens, d'une question de tracé. Il s'agit de savoir quel tracé on suivra pour l'exécution de la section du chemin de fer de Bruxelles à Wavre. Je demande à mes honorables contradicteurs dans quelle disposition la convention de 1846, dans quel article de la convention de 1851, le tracé de la section de Bruxelles à Wavre a été décrit.
Le tracé qu’on invoque aujourd’hui ne figue que dans l’exposé des motifs qui accompagnait la loi de 1846 ; ce tracé n’est certainement pas indiqué dans l’article premier de la convention de 1846 qu’on invoque.
Je suppose qu'une compagnie se fût chargée d'exécuter un chemin de fer de Bruxelles sur Gand en passant par malines et que cette compagnie se fût également réservé le droit de se raccorder à un point intermédiaire entre Termonde et Gand. Je suppose qu’à la suite de négociations très longues, cette compagnie indiquât pour l’exécution de la section de Bruxelles à Malines un tracé beaucoup plus économique, beaucoup plus facile et qui doit lui éviter des frais considérables. Je demande à la chambre s’il entrerait dans la pensée d'un seul membre de cette chambre de contester au gouvernement le droit d'accepter le tracé qui lui serait indiqué par la compagnie ?
Si Malines voulait, dans cette circonstance, échapper au danger de voir des convois directs circuler sur la ligne de Bruxelles à Gand, Malines devrait s'opposer à ce qu'on appelle le raccordement et ce qui constitue en réalité la ligne directe ; Malines devrait s'opposer au raccordement qui irait s'embrancher sur la ligne de Termonde à Gand. Or, ce droit, ni la chambre, ni le gouvernement ne le possèdent à l'égard de la compagnie du Luxembourg.
La compagnie s'est réservé, en 1846, le droit d'établir une ligne directe entre Bruxelles et Namur. Il est évident que si la Chambre pouvait persister dans une résolution qui aurait pour effet d'obliger la compagnie du Luxembourg à faire cette dépense supplémentaire d'un million, il en résulterait pour d'autres compagnies avec lesquelles le gouvernement a traité, des charges extrêmement lourdes. Ainsi, par exemple, le gouvernement a traité avec la compagnie de Charleroy à Louvain. Si le tracé, tel qu'il a été indiqué dans l'exposé des motifs en 1846, est adopté, c'est-à-dire, si la station de Wavre vient à être placée à 15 ou 16 mètres au-dessus du niveau de la ville, dans une position pour ainsi dire inaccessible pour les habitants de Wavre, que devra faire la société de Charleroy à Louvain, elle qui doit toucher Wavre avant d'atteindre Louvain ?
Mais la société de Charleroy, pour avoir une station commune, devrait établir sa station également à 15 ou 16 mètres au-dessus du niveau de la ville de Wavre ; elle devrait franchir une rampe considérable et descendre par un remblai énorme dans la vallée de la Dyle ; c'est-à-dire s'imposer aussi une dépense supplémentaire de 4 à 500,000 fr. et tout cela inutilement, tout cela en pure perte.
J'ai ici une noie qui résume parfaitement la question.
(L'orateur donne lecture de la note.)
Il est donc évident que l'intérêt de Louvain et de Charleroy est que la ligne s'exécute dans les conditions les plus économiques possibles, que cet intérêt est d'accord avec celui de la compagnie du buxembourg.
Si la ville de Wavre devait éprouver quelque dommage réel, quelque dommage sérieux par suite de l'exécution de la ligne de Bruxelles à Wavre, si la section de Bruxelles à Wavre avait été indiquée, quant à son tracé, dans la convention, on comprendrait l'obligation que le gouvernement viendrait imposer à la compagnie du Luxembourg.
Messieurs, je ne veux pas en dire davantage sur cette question. Elle fera l'objet d'un nouvel examen dans lequel toutes les raisons seront discutées et pesées ; mais je ne puis, quant à présent, que me référer aux motifs que j'ai exposés.
M. Delehaye. - Messieurs, je crois que je suis entièrement d'accord avec l'honorable M. Delfosse, est également d'avis qu'il convient de renvoyer la pétition à M. le ministre des travaux publics ; seulement il voudrait qu'on prononçât le renvoi purement et simplement, afin d'obtenir de nouveaux renseignements. Eh bien, qu'est-ce que je dis ? Attendu que les explications données ne sont pas satisfaisantes, nous prions M. le ministre d'en fournir de nouvelles.
C'est absolument la même chose, car évidemment si nous étions satisfaits des explications données, nous n'en demanderions pas de nouvelles. Eh bien, messieurs, pour mettre tout le monde d'accord, je consens volontiers au renvoi pur et simple, afin d'avoir de nouveaux renseignements.
M. le président. - Voici la nouvelle proposition déposée par M. Delehaye.
« La pétition est renvoyée de nouveau à M. le ministre des travaux publics pour avoir des explications ultérieures.
M. de Perceval. - Messieurs, j'accepte la proposition de l'honorable M. Delehaye.
Je ne vois aucun inconvénient à me rallier aux considérations qu'il a présentées à l'appui de cette proposition. J'attendrai les explications que l'honorable ministre des travaux publics s'engage maintenant à nous fournir de nouveau, afin de voir quelle marche j'aurai à suivre pour que les lois soient respectées et pratiquées.
M. Mercier. - Messieurs, lorsque j'ai déposé, avec quatre honorables collègues, la proposition dont la chambre est saisie, nous avions l'intime conviction qu'il n'y a point matière à interprétation dans les conventions dont il s'agissait de faire l'application. J'entends très bien l'objection faite par M. le ministre des finances qu'il faut éviter une intervention indirecte de la chambre dans des mesures qui regardent le pouvoir exécutif, mais la proposition est justifiée à nos yeux sur ce que (page 908) nous ne croyons pas, qu'après un examen sérieux le doute soit possible.
M. le ministre des travaux publics a demandé comment on prouvera que les travaux doivent être exécutés de la manière que nous avons indiquée.
Le texte de la loi et des conventions est évidemment conforme à l'opinion que nous avvns manifestée ; pour en être convaincu, il suffit de suivre avec quelque attention la filiation qui existe entre la loi du 20 décembre 1851, la convention du 30 juin précédent, les articles 1 et 14 du cahier des charges du 20 février 1846, annexé à l'arrêté royal du 18 juin suivant et les explications données dans l'exposé des motifs de la loi.
Les articles 1 et 14 du cahier des charges du 20 février 1846 déterminent de la manière la plus claire le tracé qui doit être suivi ; l'article 14 veut que les études de l’avant-projet servent de base aux projets définitifs et complets ; or il n'y avait à cette époque aucun autre avant-projet que celui qui est indique dans l'exposé des motifs de la loi de 1846, et dont j'ai cité un extrait dans notre dernière séance.
Messieurs, je suis autorisé par mes collègues à déclarer que nous n'insistons pas sur notre proposition, telle qu'elle est rédigée. Le sens que l'honorable M. Delehaye a attribué à sa proposition suffit pour que M. le ministre des travaux publics fasse un nouvel et sérieux examen de la question. Nous retirons donc notre proposition, et nous nous rallions à celle de l'honorable M. Delehaye.
M. Moncheur. - Je dois dire deux mots en faveur d'un intérêt qui n'a pas encore eu d'interprète jusqu'à présent dans cette discussion.
La pétition de Wavre va être sans doute renvoyée de nouveau à l'honorable ministre des travaux publics. Eh bien, dans cette hypothèse, je dois appeler l'attention de M. le ministre sur un point extrêmement important pour les intérêts de la province que j'ai l'honneur de représenter plus spécialement dans cette enceinte.
D'après la combinaison des chemins de fer de Bruxelles au Luxembourg et de Louvain à la Sambre, il est un fait incontesté, c'est que Wavre devait être le point de bifurcation de la ligne de Namur vers Bruxelles et de la ligne de Namur vers Louvain, de manière que les relations commerciales de Namur avec Louvain et Anvers pouvaient avoir lieu par la voie la plus courte. Or, messieurs, ces relations sont excessivement nombreuses et importantes, et il serait d'un grand intérêt de chercher à les développer plutôt qu'à les amoindrir.
Eh bien, si l'on n'exécute que le tracé qui est projeté aujourd'hui, c'est-à-dire, par Otiignies, il y aura un détour de plus de 8,000 mètres pour la voie ferrée entre Namur et Louvain, et ce détour occasionnera un surcroît de frais de transport considérable pour les marchandises arrivant à Namur, de Louvain ou d'Anvers ou vice-versa.
Je prie donc, dans tous les cas, l'hanorable ministre des travaux publics de sauvegarder les droits acquis à la ville de Namur, par les lois de concession de 1846, qui sont encore en vigueur, et faire, le cas échéant, en stipulant que, si les relations ne peuvent pas être directes, par la voie la plus courte, comme elles ont été décidées par les lois de 4846, au moins, pour ne pas léser lesdits droits à cet égard, les péages seront réduits de manière à ne pas dépasser ce qu'ils auraient été si la voie avait été construite par Wavre comme elle devait l'être, et comme je pense, du reste, que la société du Luxembourg s'est obligée à le faire.
Je ne doute pas que l'honorable ministre des travaux publics comprend parfaitement ma pensée.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Oui.
M. Moncheur. - Ainsi, la chambre étant disposée à aller aux voix, je n'en dirai pas davantage.
M. de La Coste. - Puisque M. le ministre des travaux publics est revenu sur le fond de la question, je dois faire observer qu'il est évident que le nouveau tracé, s'il est conforme à un plan qui a été distribué, ne remplirait pas les conditions que le ministère lui-même indique dans ses explications. En effet, M. le minisire dit :
« Aux termes de l'article premier de la convention du 13 janvier 1852, la compagnie du Luxembourg est tenue d'exécuter la ligne de Bruxelles à Namur, y compris les sections de Wavre à Gembloux et de Gembloux à Namur, qui primitivement faisaient partie de la concession octroyée à la société dite du chemin de fer de Louvain à la Sambre. »
Ainsi, messieurs, de l'aveu de M. le minisire, il doit y avoir une section de Wavre à Gembloux, tandis que, d'après le plan distribué il y aurait un chemin très sinueux qui viendrait se joindre au chemin direct de Bruxelles à Namur, et qui serait censé remplacer à la fois la section de Bruxelles à Wavre et la section de Wavre à Gembloux.
Or, c'est là évidemment un système qui n'a pu être dans l'idée de ceux qui ont écrit les conditions acceptées par la société.
Du reste, messieurs, il me semble qu'avant de se former une opinion sur la question dans son ensemble, il faudrait savoir comment M. le ministre entend combiner l'exécution de tous les travaux qui doivent ici se rencontrer avec le chemin de fer de Bruxelles à Wavre, c'est-à-dire la route de Louvain à Charleroy et celles de Louvain à Manage et à Namur ; il faudrait savoir si l'avantage fait à la société du Luxembourg, le million qu'on lui donne, ne sera pas un million pris aux autres sociétés. Il faudrait qu'on prouvât non seulement que la société du Luxembourg gagnera un million, mais que le public n'y perdra pas. La' ociété est tenue de remplir ses conventions ; si nous pouvons lui faire un avantage sans blesser aucun intérêt, rien de mieux ; mais il ne faut pas lui donner un million au détriment du public.
Quant à la forme, il y a eu tant de propositions différentes que je n’insisterai pas sur celle de l’honorable comte de Theux, qui me paraîtrait cependant la meilleur. Nous avons, en effet, besoin de nouvelles explications. Je ne crois pas, du reste, qu’il soit inconstitutionnel, comme on l’a dit, que la chambre, sous une forme quelconque, exprime son opinion, soit en votant un ordre du jour, soit en expliquant le renvoi de la pétition au ministre.
Il faudrait alors dire que nous sommes sortis de la Constitution chaque fois que nous avons voté un ordre du jour pour approuver la marche du gouvernement. Si nous pouvons, sans l'aveu du sénat et la sanction de la Couronne, voter un ordre du jour pour approuver la marche du gouvernement, nous pouvons bien aussi en voter un pour exprimer une opinion contraire. Mais puisque la chambre incline pour un atermoiement et que cet atermoiement, quelque forme qu'on lui donne, signifie que la chambre n'est pas satisfaite dis explications données et qu'elle en demande d'autres, je me rangerai à l'avis qui a été énoncé par l'honorable M. Delehaye.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Nous désirons que la chambre soit convaincue d'une chose : c'est que l'opinion du gouvernement n'est en aucune manière hostile à la localité dont on défend ici exclusivement l'intérêt. Le gouvernement a à examiner les questions au point de vue de l'intérêt général ; voilà son seul but, son seul devoir. L'intérêt d'une localité a été parfaitement défendu dans cette enceinte. Des observations ont été présentées au gouvernement. Le gouvernement peut en tenir compte dans le nouvel examen qu'il fera de la question. ous ne pouvez pas aller au-delà. Que la pétition soit renvoyée au gouvernement pour qu'il en fasse l'objet d'un nouvel et sérieux examen ; nous n'y voyons aucune espèce d'inconvénient.
Le gouvernement n'a pas de parti pris contre la ville de Wavre, pour laquelle il professe au contraire une grande sympathic.Pourquoi supposerait-on que le gouvernement voulût faire tort à la ville de Wavre ? Le gouvernement examinera toutes les questions au point de vue de l'intérêt public, et s'il peut faire droit en même temps à l'intérêt spécial de la ville de Wavre, il le fera avec empressement.
Voici la proposition que j'ai l'honneur de faire à la chambre : Renvoi pur et simple à M. le ministre des travaux publics, avec demande d'un nouvel examen.
M. Coomans. - Messieurs, il me semble que M. le ministre de l'intérieur diminue un peu la portée des déclarations qui ont été faites tout à l'heure par M. le ministre des travaux publics, et la signification donnée à la proposition de l'honorable M. Delehaye.
D'après l'honorable M. Rogier, le gouvernement n'aurait plus à nous entreienir de cette affaire : le gouvernement déciderait en dernier ressort ; il se réserverait même le droit de décider dans un sens contraire à celui que l'immense majorité de la chambre entend donner à l'ordre du jour. Cela ne se peut pas (interruption) ; ceci est une question de bonne foi (interrruption) ; je vais vous démontrer immédiatement que cela ne se peut pas, et par vos propres aveux.
Vous n'ignorez pas que la chambre est quasi unanime pour donner raison aux réclamalions des Wavriens ; et par conséquent, je le déclare ici, les députes qui défendent spécialement les intérêts de la ville de Wavre, et ceux qui voient une grave question de principe dans cette affaire, sont tous intéressés à ne pas laisser subsister d'équivoque. Pendant le discours de M. le ministre des travaux publics, j'ai pris note à l'instant de ces mots-ci :
« Je n'ai pas décidé la question ; et je n'ai pas voulu la décider, parce que j'ai voulu attendre le résultat de la délibération de la chambre. » (Interruption.)
Ce sont les mots que j'ai inscrits sous votre dictée, M. le ministre.
Vous n'avez pas voulu terminer définitivement cette affaire (et je vous en félicite) parce que vous avez cru de votre devoir d'attendre le résultat de la délibération de la chambre. Que signifie cela ? Cela signifie que, dans votre pensée, il eût été inconvenant, pour ne pas me servir d'un mot plus sévère, d'aller à rencontre de l'opinion bien manifeste de la chambre ; votre intention, et je vous en loue, est de prendre conseil de la chambre et de suivre son avis ; c'est bien votre intention, sinon, M. le ministre, je ne vois pas pourquoi vous auriez attendu le résultat de la délibération de la chambre. (Interruption.) Le mot « délibération » a été prononcé ; mes oreilles sont plus fidèles que le Moniteur.
Je constate donc qu'avec de la bonne foi, la question est déjà en quelque sorte jugée, au'moins dans l'esprit de M. le ministre des travaux publics, puisque l'opinion de la chambre n'est pas douteuse.
Dans tous les cas, la question du tracé est réservée, et de nouvelles explications doivent nous être fournies avant que le gouvernement se lie envers la compagnie concessionnaire. Tel est le sens que j'attache à l'ordre du jour motivé par M. Delehaye.
- Plusieurs membres. - Et nous aussi.
M. Delfosse. - Il me semble qu'on peut, sans inconvénient, adopter la proposition de l'honorable M. Delehayc, telle qu'elle a été modifiée en dernier lieu. Nous voulons tous qu'il y ait un nouvel et sérieux examen de la pétition du conseil communal de Wavre ; le gouvernement est d'accord avec nous sur ce point. Lorsque le gouvernement aura examiné, pourquoi le gouvernement ne viendrait-il pas faire connaître à la chambre le résultat de cet examen ? Il me semble que la chambre doit être informée du résultat de l'examen qu'elle aura provoqué ; cela est tout naturel.
(page 909) Lorsque nous connaîtrons la résolution du gouvernement, chacun de nous pourra, s'il le croit utile, user de son droit d'initiative ; dans ce cas on procéderait conformément au règlement, il y aurait examen en sections ou commissions ; des questions de cette gravité ne doivent pas être tranchées légèrement et incidemment.
- On demande la clôture.
M. le président. - Voici la proposition de M. Dclehaye, telle qu'elle a été modifiée :
« Renvoi à M. le ministre des travaux publics, à fin d'explications ultérieures. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - A fin d'examen ultérieur.
M. le président. - Je lis la proposition telle qu'elle a été déposée sur le bureau,
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'ai demandé à l'honorable M. Delehaye quelle était sa rédaction définitive ; l'honorable membre m'a montré cette rédaction où il ne s'agissait que d'un examen ultérieur. C'est cette rédaction que j'ai appuyée, elle est de nature à satisfaire tout le monde, à moins qu'on ne veuille attacher à ce débat une portée qu'il ne peut avoir.
M. Delehaye. - Messieurs, ce que vient de dire l'honorable ministre de l'intérieur est exact ; mais comme l’a parfaitement expliqué mon honorable ami, M. Delfosse, la chambre, en ordonnant un nouveau renvoi de de la pétition à M. le ministre des travaux publics, à fin de nouveau examen, déclare, par là même, qu’elle attend du gouvernement de nouvelles explications. A quoi tendrait le nouveau renvoi à M. le ministre des travaux publics, si ce n'est que la chambre manifeste, par cette décision, le désir d'oblenir des explications ultérieures ?
Je n'y attache pas d'autre sens, ma proposition ne peut surprendre personne ; elle me semble tellement claire, tellement précise, que je persiste à la maintenir telle que je l'ai présentée.
M. Roussel. - Il y a encore un motif pour conserver la rédaction de M. Delehaye si bien justifiée par l'honorable M. Delfosse. C'est que cette rédaction constitue une réserve formelle dans la question grave qui avait été soulevée à la fin de la séance d'hier, question sur laquelle je n'entends pas céder.
En effet, je n'admettrai jamais que le ministère puisse s'affranchir du droit de surveillance que la chambre exerce sur l'exécution des lois qu'elle a votées, ce qui tombe sous la responsabilité ministérielle et non dans le cas d'interprétation de la loi.
Les mots : « explications nouvelles » qui se trouvent dans la proposition de M. Delehaye répondent à cette réserve implicitement contenue dans la transaction provisoire que nous allons conclure en adoptant l'amendement.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il me semble qu'on est d'accord et qu'il ne peut pas y avoir de discussion sérieuse sur tel ou tel terme de la proposition. Qu'on renvoie pour examen ultérieur, c'est ce que nous avons accepté, c'est le sens naturel que comporte la proposition. Il est également clair que lorsque le gouvernement aura reçu la pétition pour examen ultérieur, si le ministre ne vient pas donner spontanément des explications, chaque membre de la chambre aura le droit, quand il le voudra de lui demander des explications sur le résultat de l'examen auquel il se sera livré. Cela me paraît très simple, cela ne peut pas se passer autrement. (Interruption.)
Le sens véritable de la proposition, c'est le renvoi pour examen ultérieur, sauf à donner ou à réclamer des explications ; c'est le droit de la chambre, cela va de soi. (Interruption.) C'est là le seul sens que puisse avoir la proposition si elle est renvoyée pour examen au gouvernement. Je le répète, chaque membre de la chambre a le droit de se lever quand il le veut pour demander des explications. Ainsi l'une ou l'autre expression conduit au même but.
M. Delehaye. - Je déclare de nouveau, comme mon honorable ami M. Delfosse, qu'il n'y a pas du tout d'idée de blâme dans la proposition qui tend à renvoyer la pétition au gouvernement, et par suite à demander des renseignements. Il est impossible de renvoyer cette pétition au gouvernement, sans avoir l'idée d'obtenir des renseignements ultérieurs.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Nous demandons le renvoi pour examen ultérieur. Il est entendu que le gouvernement fera connaître le résultat de cet examen ultérieur. Cette déclaration doit suffire. Le ministre fera connaître le résultat de l'examen ; dès lors, retranchez les explications, parce que ce mot semble impliquer, aux yeux d'un certain nombre de membres, une sorte de blâme que nous devons repousser.
M. le président. - La proposition est donc modifiée en ce sens qu'il y aurait renvoi nouveau de la pétition au ministre, à fin d'examen ultérieur.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il est bien entendu que le ministre fera connaître à la chambre le résultat de cet examen.
M. de Theux. - Je ne veux dire qu'un seul mot. Il faut que la chambre s'explique clairement. L'honorable M. Delfosse l'a dit de la manière la plus positive et avec beaucoup de vérité, le renvoi aurait l'air d'un acte évasif s'il n'était accompagnée de nouvelles explications. C'est tellement vrai que le ministre à fin de discussion arrive à reconnaître que dans tous les cas dos explications doivent être données. Il faut que la chambre dise ce qu'elle entend ; je ne vois pas pourquoi elle ne le dirait pas.
- Plusieurs membres. - La clôture ! la clôture !
M. Le Hon. - Pour clore une discussion, il faut que l'on s'entende bien sur le sens de ce qu'on doit voter. M. Delehaye propose le renvoi « à fin d'ultérieures explications », et sans aucune pensée de blâme à l'égard du ministre des travaux publics. M. le ministre de l'intérieur propose, de son côté, que le renvoi ait lieu » à fin d'examen ultérieur », par le motif que la demande de nouvelles explications emporterait indirectement l'idée d'un blâme. Pour presque tous les membres, la proposition principale et l'amendement ministériel sont une seule et même chose, exprimée en termes différents. Le choix entre les deux rédactions sera donc une appréciation purement grammaticale, puisque, dans un cas comme dans l'autre, il y aura, de la part du gouvernement, des communications nouvelles données à la chambre. Cependant, au dire du ministre de l'intérieur, si cet amendement est rejeté, si la chambre adopte le mot « explications » plutôt que le mot « examen », vous aurez émis un vote de blâme. Telle ne peut être la portée du vote, car telle n'est pas l'intention qui l'aura dictée. Il y a donc encore quelque chose à éclaircir dans le débat, et quelques explications nouvelles suffiront probablement.
M. Dumortier. - La question est excessivement simple, à ce point que si on ne voulait pas chercher à l'embrouiller, il n'y aurait pas d'objection possible. Qu'est-ce qui se fait en matière de pétitions ? Le rapport fait, la chambre passe à l'ordre du jour ou ordonne soit le dépôt au bureau des renseignements, soit le renvoi pur et simple au ministre, soit le renvoi avec demande d'explications. Voilà ce qu'on fait tous les jours. Qu'est-ce que demande mon honorable collègue, M. Delehaye, que la chambre fasse ce qu'elle fait tous les jours de rapport de pétitions, qu'elle renvoie la pétition dont il s'agit avec demande d'explications. N'est-il pas déraisonnable de vouloir s'opposer à une semblable proposition ? (La clôture ! la clôture !)
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
M. Delfosse. - Je ne vois aucune différence entre les deux propositions. MM. les ministres consentent à examiner et à rendre compte à la chambre du résultat de leur examen. L'honorable M. Delehaye ne demande rien autre chose ; j'engage MM. les ministres à se rallier à la proposition de cet honorable membre.
M. de Mérode. - Ce que dit l'honorable M. Delfosse ne peut être accepté. Les mots sont positifs d'un côté et ne le sont pas de l'autre. Ce qui est plus positif me convient mieux que ce qui l'est moins. Je ne considère pas le moins positif au même point que le plus positif. Voiià pourquoi je voterai pour la proposition de M. Dalehaye.
M. Delehaye. - C'est la même chose.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Puisque les auteurs de la proposition déclarent que examen ultérieur et explications signifient la même chose, à leurs yeux, nous n'avons plus de raison d'insister pour qu'on adopte un mot plutôt que l'autre, mais c'est sous la réserve des explications données par les auteurs de la proposition que nous n'insistons pas.
-La proposition de M. Delehaye est mise aux voix et adoptée.
M. Bruneau (pour une motion d’ordre). - Dans une des dernières séances l'honorable M. Osy a interpellé le gouvernement sur la suite donnée à différentes concessions de chemin de fer, et entre autres du chemin de fer direct de Bruxelles à Gand par Alost.
Je n'ai pas cru devoir alors prendre part au débat, parce que je connaissais les négociations qui étaient pendantes à cette époque ; aujourd'hui on m'a assuré que ces négociations avaient abouti et que la compagnie avait déposé le troisième million de cautionnement qui lui avait été imposé par la convention provisoire.
Je désire savoir si effectivement ce complément du cautionnement est versé et si les travaux pourront bientôt commencer.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - On a déposé aujourd'hui à titre provisoire dans les caisses de l'Etat le million indiqué comme cautionnement supplémentaire à effectuer par la compagnie chargée d'exécuter le chemin de fer direct de Bruxelles sur Gand par Alost. L'arrêté définitif de concession ne peut être pris que quand le cahier des charges aura été rédigé et approuvé, c'est par suite de l'inexécution de ces formalités que le travail se trouve arrêté. Mais je crois que d'ici à quelques semaines l'arrêté définitif de concession pourra être pris.
M. Pierre. - J'ai l'honneur, messieurs, de déposer le rapport de la section centrale, chargée d'examiner le projet de crédit extraordinaire de 100,000 fr. au département de l'intérieur, en faveur de la voirie vicinale dans le Luxembourg.
(page 910) M. le président. - Le rapport sera imprimé et distribué.
M. Pierre. - Le projet qui vous est soumis, messieurs, a un caractère d'urgence que l’on ne peut méconnaître. Il ne s'agit pas seulement de la voirie vicinale, il s'agit encore de pourvoir à la plantation des pummes de terre, dont l'époque arrivera prochainement. Le moindre retard aurait des résultats fâcheux et très préjudiciables. Je crois donc devoir vous prier de porter cet objet à l'ordre du jour de lundi prochain,
M. Van Iseghem. - Je désire connaître les conclusions.
M. le président. - C'est l’adaplion du projet en portant le crédit à 150 mille francs.
- La discussion est fixée à lundi.
M. Mercier. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale qui a examiné le budget de la dette publique.
- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à la suite de l'ordre du jour.
La séance est levée à 4 heures.