(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 2051) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.
M. de Perceval donne lecture du procès-verbal de la séance de samedi ; la rédaction en est approuvée.
M. A. Vandenpeereboom présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Delgeur, professeur à l'école de commerce et d'industrie à Malines, né à Rotterdam (Pays-Bas), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Le sieur Verbrugge, garde particulier à Caggevinne-Assent (Pays-Bas), demande la naturalisation ordinaire avec exemption du droit d'enregistrement. »
-Même renvoi.
Par dépèche du 20 août, M. le ministre de la justice adresse à la chambre un exemplaire du premier semestre de 1851 du recueil des circulaires de son département.
—Dépôt à la bibliothèque.
M. le Bailly de Tilleghem, retenu par une indisposition, demande un congé de quelques jours.
M. Coomans, forcé de s'absenter, demande un congé de quelques jours.
M. Dechamps, empêché par une indisposition, demande un congé de quelques jours.
- Ces congés sont accordés.
M. le président. - La discussion continue sur les articles 5 et 6.
La parole est à M. Cools.
M. Cools. - Messieurs, j'arrive assez tard pour prendre part à la discussion du chemin de fer de Dendre-et-Waes. Ne voulant pas fatiguer la chambre par des redites, je reprendrai cette discussion au point où elle était parvenue à la fin de la dernière séance.
Permettez-moi d'abord une seule observation dans l'intérêt du district qui m'a envoyé dans cette enceinte. Je n'en dirai que deux mots.
Je trouve qu'on a donné un nom bien pompeux au projet qui se discute : chemin de fer de Dendre-et-Waes. Je demande en quoi le projet sera profitable au pays de Waes. A l'exception d'une seule commune, pour autant cependant que la section de Termonde à Lokeren s'exécute, ce qui paraît encore douteux, tout le reste du pays n'en profitera en aucune manière.
Du reste, mon projet n'est pas de me plaindre. Je ferai seulement cette remarque : C'est que le projet de 1848 nous était beaucoup plus favorable. Il y figurait un canal de Stekene à Saint-Nicolas. Eh bien, messieurs, nous poussons la longanimité tellement loin que, bien loin de demander des travaux nouveaux, nous ne demandons pas même qu'on réalise les promesses qui ont été faites il y a trois ans. On me permettra cependant cette observation ; c'est que le gouvernement, en 1848, en disposant du canal de Stekene au Moervaert, dont il a été si souvent question, dans nos débats, comme d'une propriété à lui appartenant, en proposant de prolonger ce canal jusqu'à Saint-Nicolas de manière que cette nouvelle section ne pouvait être d'aucune utilité si la première n'était pas maintenue dans un état parfait de navigabilité, nous a donné gain de cause pour une question que nous avons soulevée bien souvent.
Je me borne à cette simple remarque ; dans un autre moment, à la session prochaine, je tirerai de ce fait des conséquences auxquelles le gouvernement ne pourra se soustraire, lorsque nous viendrons réclamer de l'équité de la chambre la réparation d'une injustice dont nous nous plaignons depuis longtemps.
Je viens à l'objet en discussion.
On a discuté longuement, samedi dernier, sur le point de savoir si la convention serait profitable ou nuisible à l'Etat. Je crois qu'après avoir relu avec attention les discours qui ont été prononcés pour et contre, on en revient à l'idée émise dans la discussion générale par l'honorable M. Malou, que réellement la vérité absolue est introuvable. Cependant cette discussion doit avoir fait une pression assez forte sur les esprits ; il est impossible qu'on ne soit pas frappé des chances nombreuses de perte ou de gain que le gouvernement va courir ; il est impossible que les esprits ne soient pas plus ou moins indécis.
Eh bien, messieurs, dans cette situation, je crois que le seul point a examiner c'est, non pas de savoir si le chemin s'exécutera ; je crois que sous ce rapport-là, les opinions sont toutes formées ; il est question depuis trop longtemps de relier Alost à Gand et à Bruxelles pour que l'on puisse croire que les travaux ne seront pas décrétés ; la question à examiner c'est donc celle-ci : Convient-il d'accepter la proposition telle qu'elle est faite, ou bien d'exécuter tout le réseau aux frais de l'Etat, ou bien encore d'adopter une combinaison mixte dont on pourrait convenir ? Je compte soumettre à cet égard une proposition à la chambre. Permettez-moi d'abord, messieurs, de la justifier par quelques courtes considérations.
Lorsqu'on veut, sans se donner trop de peine, sans recourir à des calculs bien compliqués, trouver la combinaison qui offre les chances les moins défavorables, je crois qu'il faut se poser la question suivante :
Attribuant à la ligne d'Ath à Lokeren tous les produits quelconques qu'on veut y rattacher et en faisant les calculs de la manière qu'on le propose, vaut-il mieux prendre le quart de ces produits en laissant à la compagnie le soin d'exécuter les travaux de construction ou bien prendre la totalité des produits, en se chargeant soi-même des frais de construction au moyen d'un capital à se procurer par la voie de l'emprunt ?
Vous voyez, messieurs, que tout d'abord je me place sur le terrain choisi par le gouvernement lui-même et que sans hésiter je vais aux deux points extrêmes : d'une part la convention telle qu'on la propose, de l'autre l'exécution de tout le réseau aux frais de l'Etat.
Si je procède ainsi, messieurs, c'est que je crois que de cette manière-là il sera très facile de s'entendre. En effet tout se simplifie ; il y a bien encore des chances assez nombreuses, mais ces chances on peut les déterminer d'une manière précise, on peut les faire toucher, en quelque sorte, au doigt. Il suffit pour cela de donner 3 ou 4 chiffres qui ne sont pas sujets à contestation, que tout le monde doit accepter, car ils sont le résultat de simples additions ou soustractions que tout le monde peut faire.
Ces chiffres, que j'indiquerai à l'instant même, sont les résultats auxquels on aboutit en opérant sur les quatre données qui figurent dans le compte simulé, fourni par le gouvernement et imprimé à la suite du rapport de la section centrale. Je dis, messieurs, que dans le compte simulé, fourni par le gouvernement, il n'y a pas plus de quatre éléments ; il y a, d'abord, le capital à dépenser pour la construction, ensuite les frais d'exploitation ; en troisième lieu, le produit de la ligne principale ; et puis finalement l'augmentation du produit qu'on prévoit sur les autres lignes qui sont réservées à l'Etat. Eh bien, de ces quatre chiffres, on peut déjà en élaguer deux ; ce sont les frais d'exploitation et l'augmentation de produit qu'on prévoit sur la généralité du réseau du pays.
Je dis qu'on peut les élaguer ou plutôt on peut les accepter tels que le gouvernement les propose.Oh ! sans doute, messieurs, si l'on examine la convention prise isolément, l'on peut se demander : Sera-t-elle avantageuse ou nuisible ? Il est sans doute très important de se demander si les frais d'exploitation, par exemple, sont bien évalués. Mais ce n'est pas la question que je veux examiner. Qu'il y ait perte ou profit, je me demande si ces pertes ou ces profits seront plus considérables ou moindres dans le cas où le gouvernement ferait le tout pour son propre compte, que dans le cas où l'on se prononcerait pour la convention ? Or, à ce point de vue, il est parfaitement indifférent d'évaluer les frais d'exploitation à un chiffre quelconque, puisque, dans l'une et l'autre hypothèse, c'est le gouvernement qui doit supporter ces frais.
Pour me faire mieux comprendre, je vais raisonner sur des faits. Je suppose qu'avec les frais d'exploitation, évalués à 770,000 francs - c'est le chiffre du gouvernement - et avec un produit donné sur la ligne principale, on arrive à ce résultat : c'est que si on se prononce pour la convention, telle qu'on nous la propose, le gouvernement ferait un profit de 100,000 francs ; tandis que s'il fait le tout pour son propre compte, il n'y aurait ni profit, ni perte ; c'est-à-dire qu'entre l'une et l'autre hypothèse, il y aurait un écart de 100,000 francs.
Eh bien, je suppose maintenant que le chiffre de 770,000 francs ne soit pas exact ; qu'il s'élève, par exemple, à 870,000 francs, quel sera le résultat de l'opération ?
C'est que, dans la première hypothèse, le gouvernement ne fera ni profit, ni perte ; et que, dans la deuxième hypothèse, il fera une perte de 100,000 francs ; c'est à-dire qu'entre l'une et l'autre hypothèse, il y aura toujours le même écart de 100,000 francs.
Je sais bien qu'a la rigueur 100,000 francs sur un capital d'un million ou 100,000 francs sur 700,000 francs, par exemple, n'est pas exactement la même chose ; nous n'avons pas à nous occuper de détails.
Le même raisonnement s'applique à l'augmentation de produit qu'on prévoit sur les lignes secondaires. Il ne reste ainsi que les deux grands chiffres : le produit présumé sur la ligne principale et les frais de construction de la route. Quant ces chiffres-là, il faut y regarder de plus près.
Je commence par supposer que les calculs, en ce qui concerne les frais de conslruction, sont bien établis ; que toute la ligne s'achèvera au moyen d'un capital de 21 millions ; j'admets, en outre, que si le gouvernement devait faire la construction, il devrait se procurer ce capital au moyen d'un emprunt à 5 p. c, et consacrer de plus 1 p. c. à l'amortissement : ce qui fait 6 p. c. Vous voyez que je calcule largement.
(page 2052) Eh bien, ceci posé, prenant la première hypothèse indiquée par le gouvernement, celle où la ligne principale donnerait un produit de 5 1/2p.c, on arrive forcément à ce résultat ; c'est qu'avec la convention, il y aurait pour l'Etat un profit de deux cent mille francs.
C'est le chiffre du gouvernement.
Mais d'un autre côté renversant les chiffres, on arrive, dans le cas où le gouvernement construirait lui-même, à ce résultat qu'il y aurait pour l'Etat un profit de 140 mille fr., c'est-à-dire qu'entre les deux hypothèses il y aurait une marge de 60 mille francs. Je ne garantis certainement pas qu'il y aura d'une part 200 mille fr., et de l'autre 140 mille fr., de bénéfice, mais ce que je suis admis à dire, d'après les règles de l'arithmétique la plus élémentaire, c'est qu'entre ces deux chiffres, quels qu'ils soient, il y aura un écart de 60 mille fr., à l'avantage de la convention.
Or, je dis que pour une opération de cette importance une différence de 60 mille fr. est réellement insignifiante. Voyons maintenant l'hypothèse où la ligne principale donnerait un produit de 7 p. c, et pour ne pas répéter toujours les mêmes phrases je désignerai les deux hypothèses par A et B, par A la convenlion proposée, par B l'exécution par l'Etat. Avec un produit de 7 p. c. il y a de l'avantage à l'hypothèse B une marche de 210 mille fr., en d'autres termes avec un produit de 7 p. c. sur la ligne principale, le gouvernementen accordant la concession au lieu d'exécuter lui-même se fait un tort de 210 mille fr. tous les ans.
Je vais plus loin ; je suppose que la ligne principale donne un produit de 10 p. c ; on peut aller jusque-là, car on ne sait pas où peut conduire le système de prélèvement sur les lignes de l'Etat.
Si la ligne principale, dis-je, donne 10 p. c, il y a en faveur de l'hypothèse B, une marge de 640 mille fr. par an, c'est-à-dire que le gouvernement se ferait tort de 640 mille fr. en accordant la concession.
Voyons les hypothèses défavorables, celles où l'Etat perdrait en faisant lui-même.
La première est celle où la ligne ne donnerait qu'un produit de 4 p. c. alors les termes sont renversés ; on arrive à cette conséquence qu'il y a pour l'hypothèse A un avantage de 420 mille fr. Reste à savoir dans ce cas si l'entreprise s'achèverait.
Prenons immédiatement de toutes les hypothèses les plus mauvaises possible ; supposons que la ligne donne un produit très faible, soit 4 p. c. et admettons qu'il faille dépenser pour achever le réseau un capital très considérable, par exemple 25 millions.
Je vous démontrerai à l'instant qu'il est presque impossible qu'on descende aussi bas, mais c'est une hypothèse que je pose. Il y a à l'avantage de la convention A profit annuel de 500 mille francs, mais si, avec le capital donné de 25 millions, les produils augmentent, si on arrive à 5 1/2 p. c, la marge n'est plus que de 125 mille francs. Si on va plus loin, si on obtient 7 p. c, alors c'est l'hypothèse B qui reprend le dessus, et il y a, en faveur de l'exécution aux frais de l'Etat, un avantage de 250 mille francs. Je m'arrêterai là.
Maintenant je demande quelle conséquence il y a à tirer de ces chiffres. D'abord celle-ci, comme tout le monde en est déjà convaincu, c'est que pour peu que les produits sur la ligne principale augmentent ou diminuent légèrement, les chances de gain ou de perte augmentent dans une proportion énorme. Mais il y a aussi une autre conséquence à tirer, et elle constitue pour nous un enseignement, c'est qu'il n'y a qu'une ou deux choses qui soient contre nous, tandis qu'il y en a quatre ou cinq qui sont à l'avantage de l'exécution aux frais de l'Etat.
Je dis que les chances pour l'exécution aux frais de l'Etat sont bien plus nombreuses que les chances opposées, et voici pourquoi : tous les calculs du gouvernement sont basés sur la supposition d'un produit de 5 1/2 p. c. Comme l'honorable M. Malou l'a fait observer dans la dernière séance, ces 5 1/2 p. c. reviennent à 7 1/3 p. c. sur la totalité, mais sur quelle totalité ? Sur celle des produits bruts. Il faut lenir compte des frais d'exploitation. Or, si on évaluait les frais d'exploitation sur la ligne spéciale de la même manière qu'on le fait pour la ligne de l'Etat, il ne resterait plus comme bénéfice au profit de la société, non plus 5 1/2 p.c, mais 3 9/10 pour cent.
Or, 3 9/10 p. c, c'est à peu près la moyenne des bénéfices que l'Etat réalise sur son propre chemin de fer.
Il y aurait déjà à se demander si la moyenne pour l'Etat sur toutes les lignes bonnes ou mauvaises ne dépasse pas 3 9/10 p. c. Il n'est pas àsSupposer qu'un chemin de fer parcourant les parties les plus riches, les plus populeuses du pajs, ne devrait pas donner un produit supérieur.
Et ce n'est pas tout. Ce produit que nous évaluons à 3 9/10 p. c, de quoi se compose-t-il ? De prélèvements sur la généralité du pays. Je sais bien que la ligne principale doit céder quelque chose, il faut également tenir compte de la manière dont on veut calculer le produit de la station de Termonde.
Mais, malgré tout cela, il est démontré pour tout le monde que la ligne principale prendra beaucoup plus qu'elle ne donnera. Il est évident que si elle ne prenait rien, ces 3 9/10 pourraient descendre à 3 p. c. Or quelqu'un peut-il supposer que le produit de la ligne d'Ath à Lokeren donnerait un produit de 3 p. c seulement ? Or, 3 p. c. sans les prélèvements, et 3.9 p. c. avec les prélèvements correspondent avec les 5 1/2 du gouvernement et cependant, comme on l'a vu tout à l'heure, j’ai abaissé mes calculs à 4 p. c, ainsi beaucoup au-dessous des calculs du gouvernement.
Il résulte pour moi, à l'évidence, de ceci que si nous avions à choisir entre la combinaison du projet et l'exécution entière aux frais de l'Etat, il n'y aurait pas à hésiter. L'Etat ferait comparativement une excellente opération, en faisant le tout pour son compte.
Je ne veux pas arriver jusque-là. Je croîs que le gouvernement doit exécuter la plus grande partie. Mais, pour diminuer autant que possible les chances aléatoires de profit et de perte, je crois qu'il faut exécuter certaine partie du chemin de fer, et c'est la proposition que je ferai à la chambre.
Voici ce que je propose : Je propose de supprimer l'article 3 du projet du gouvernement et de le remplacer par la disposition suivante, qui serait comprise parmi les allocations figurant à l'article 5 (7 du projet de la section centrale) :« Construction d'un chemin de fer allant de Bruxelles à Gand par Alost, avec embranchement sur Termonde et Lokeren. Premier crédit, 5,000,000. »
Je partage ainsi tout ce qui est au nord d'Alost de ce qui est au midi, et j'ai mes raisons pour cela.
L'honorable M. Malou avait proposé de concéder toute la ligne d'Alost à Lokeren. Mais si l'Etat exécutait pour son propre compte la ligne de Bruxelles à Gand, la ligne de l'honorable M. Malou serait coupée en deux. Il y aurait deux tronçons de ligne. Or, dans des conditions pareilles, il n'est pas possible qu'on trouve une compagnie concessionnaire.
Les calculs seraient d'ailleurs trop compliqués, tandis qu'il est presque certain que si la section principale de Gand à Bruxelles avec l'embranchement sur Termonde et Lokeren était exécutée, on trouverait à l'instant même une compagnie qui se chargerait de l'achever entre Alost et Ath.
Mais j'ai encore une autre raison : c'est que la partie du pays comprise entre Alost et Ath se trouve dans une position toute spéciale ; il y a deux projets en présence. Je laisse au gouvernement la faculté de choisir. Il y a un projet de chemin de fer entre Alost et Ath ; il y a aussi le projet de canal d'Alost à Jemmappes. Peut-être que le canal pourrait être tout aussi avantageux au pays d'Alost et, dans tous les cas, il produirait des avantages plus grands pour le Hainaut.
Comme je l'ai dit, je ne prescris rien à cet égard. Je laisse une liberté entière au gouvernement. Il fera pour cette partie du pays telle convention qu'il croira convenable, je me contente de déposer un amendement en ce qui concerne la première partie.
M. le président. - Voici l'amendement de M. Cools :
« Je propose de supprimer l'article 3 (projet du gouvernement) et de le remplacer par la disposition suivante qui serait comprise parmi les allocations figurant à l'article 5 (du projet de la section centrale) : construction d'un chemin de fer allant de Bruxelles à Gand par Alost, avec embranchement sur Termonde et Lokeren ; premier crédit 5,000,000.
« En cas d'opposition à la proposition qui précède, je propose comme sous-amendement à l'amendement de M. Malou, de substituer le mot Ath au mot Lokeren. »
M. de T'Serclaes. - Messieurs, je m'étais fait inscrire, il y a longtemps, pour motiver mon vote,. Dans une des séances précédentes, j'ai pu énoncer brièvement, par une abstention, ma manière de voir sur la question des travaux publics dans son ensemble, je n'ai donc plus besoin d'y revenir. En remarquant, dans chacune de nos séances, les charges de l'Etat s'accroître, les millions s'ajouter aux millions, en vue d'une utilité, d'une opportunité trop souvent contestables, j'ai hâte, comme nous-tous, que l'on en vienne au dénouement. Désespérant de persuader au ministère, à la chambre, que nous ne procédons pas ici, comme il convient à des mandataires fidèles du pays, avec intelligence, sagesse, mesure, avec dignité, j'en viens aux observations que je désire soumettre à la chambre et au gouvernement, à l'occasion du chemin de fer de Dendre-et-Waes.
Le discours que vous venez d'entendre de mon honorable collègue, M. Cools, que je revois avec plaisir sur son banc, expose une partie des arguments qui naissent du sujet ; cependant, je traiterai de nouveau, mais avec un peu plusde développements, la partie spéciale qu'il a examinée dans son exorde. J'ose demander à la chambre quelques instants de bienveillante attention.
Le chemin de fer d'Ath à Lokeren, dit de Dendre-el-Waes, est le seul parmi les innombrables travaux publics dont nous nous occupons, où soit mentionné le nom du district qui m'a délégué : il me sera permis de dire après l'honorable M. Cools, de le répéter avec énergie et non sans un sentiment pénible, que sa part est minime, que sa part est tout à fait au-dessous de l'importance de ses besoins et de ses intérêts. « L'important, l'intéressant » pays de Waes, comme on l'a appelé dans cette discussion, est bien pauvrement traité !
Lorsque la nation est dans l'anxiété, vos yeux se reportent volontiers, messieurs, sur cette population sage, laborieuse, résignée, féconde en ressources, alors on voit l'un de nos principaux ministres la citer avec orgueil comme un exemple, un modèle au reste du pays, mais lorsqu'il s'agit de partager les dépouilles opimes du budget, alors ce sont les intérêts qui crient le plus haut, les intérêts les plus arrogants qui l'emportent. Est-ce là le moyen de s'attacher les populations, de les rendre plus dévouées au maintien de la cause nationale ? C'est ce que la suite nous apprendra.
Et d'abord, il est douteux que l'embranchement de Termonde à Lokeren se fasse jamais. J'admets qu'il sera réellement utile à une ville industrieuse de l'arrondissement de St-Nicolas, mais quand sera-t-il exécuté ?
(page 2053) Lisez ce que la section centrale en dit à la page 22 de son rapport :
« On demande :
« 3° S'il ne convient pas d'affecter une partie du cautionnement à l'exécution de la section de Termonde à Lokeren.
« Le ministre a déclaré que la compagnie commencerait par construire la ligne d'Alost sur Termonde ; que la suite des travaux serait réglée de concert avec le gouvernement. »
Vous le voyez, messieurs, rien n'est déterminé encore, on n'est sûr de rien. Ah ! la dérivation de la Meuse, la concession du chemin de fer de Luxembourg, voilà des choses sérieuses, mais le reste, ou ne se fera pas, j'en ai la conviction, ou ne se fera que moyennant de nouveaux et grands sacrifices, à faire par la nation, dans un avenir on ne peut plus obscur et incertain.
A-t-on étudié les difficultés du passage des cours d'eau dans l'arrondissement et près la ville de Termonde ? A-t-on comparé les résultats probables de l'exploitation, avec les produits de l'administration habile et économique qui dirige le chemin de fer reliant Anvers à Gand ?
Avant que ces questions et plusieurs autres aient été résolues, je ne puis admettre comme une compensation pour le pays de Waes, le chemin de fer de Termonde à Lokeren.
Il y d'autres voies de communication à construire dans le district de Saint-Nicolas, bien d'autres satisfactions à lui donner ; et pour les moyens d'écoulement des eaux et pour ses besoins divers, sous le rapport judiciaire, financier et de police. Afin de ne pas sortir du sujet qui nous occupe, pourquoi l'agriculture n'aurait-elle, pas comme l'industrie minière, ses voies ferrées traversant ces villages si nombreux, si peuplés ?
Depuis nombre d'années, nous réclamons le concours de l'Etat pour un travail de haute utilité, d'une utilité générale, je n'heésite pas à le dire et j'espère vous le démontrer sans peine, nos demandes n'ont obtenu aucun succès : le peu de mots que je compte en dire présentement, ne tendra qu'à poser nos réserves, comme l'honorable M. Cools vient de le faire, pour le prochain budget du ministère des travaux publics : le canal de Stekene appartient à l'Etat, le gouvernement l'abandonne, chaque jour il devient de plus en plus impropre à la navigation.
Voici quelques détails sur son importance : la houille dont on a dit spirituellement qu'elle domine aujourd'hui comme souveraine en Belgique, la houille y est intéressée pour un mouvement annuel de 3 millions 500,000 kilogrammes, dont une grande partie passe en Hollande. On a transporté en 1850, 20,000 hectolitres de chaux ; des grès, des pierres de taille, des matériaux de construction en grand nombre, des objets de faïence, des poteries, etc. Quatorze navires, une barque en service régulier appartenant à la localité, naviguent sur le canal ; le mouvement des navires étrangers aux localités varie, mais il est considérable : quant au transport des produits agricoles pondéreux, tels que les engrais, le bois, les grains et graines, il est facile de se figurer quel il doit être dans le pays agricole par excellence.
Je pourrais ajouter beaucoup d'autres renseignements tirés des délibérations des communes, du conseil provincial de la Flandre orientale, des journaux flamands qui se sont occupés in extenso du canal de Stekene, et que nous ne lisons pas en attendant que la loi sur l'enseignement moyen ait initié la partie la plus influente du pays à la langue de la partie la plus populeuse.
Plût au ciel que nous puissions bientôt voir luire ce jour, où le sentiment national aura mis dans l'esprit et le cœur de tous, sur le même pied, sur le même rang d'influence et d'avantages, les deux populations également éclairées, également civilisées qui forment la patrie commune !
Tous les moyens de publicité loyale ont été mis en œuvre pour attirer l'attention du ministère et de la représentation nationale : c'a été en vain jusqu'à présent. Or, si par un mouvement que la Providence peut ménager, la prédominance appartenait un jour à la population flamande, trouveriez-vous équitable, messieurs, que l'on regarde comme indignes d'attention des griefs réels, par le motif qu'ils auraient été formulés en français ? Je ne puis le croire, et en parlant comme je le fais, je fais un appel à tout ce qu'il y a dans la chambre de sentiments véritablement belges.
Nous obtenons moins aujourd'hui qu'en 1818, on vient de vous le démontrer, le pays de Waes en général, les riverains du canal en particulier ; c'est clair comme le jour. L'art premier, paragraphe 3 du projet présenté dans la séance du 23 février 1848 n°132 portait en toules lettres....
« Construction de canaux agricoles dans les Flandres et spécialement du canal de Stekene à St-Nicolas par Sinay et canalisation de la Mandel, 1,400,000 francs. »
Donc il fallait, dans la pensée du gouvernement, dévaser et creuser à neuf le canal qui se jette dans le Moervaert.
Comparons la population de la localité qui est le plus directement intéressée ici, la population de Stekene, à celle par exemple des villes du Luxembourg pour lesquelles la chambre vient de faire beaucoup : Je prends le recencement général et officiel de 1850 ; la population agglomérée de cette commune se composait de 5,511 habitants, il y avait 1,067 maisons. Arlon, chef lieu de la province ne compte que : 5,405 habitants et 589 maisons ; Bastogne 2,480 habitants et 310 maisons ; Marche, 1933 habitants et 372 maisons ; Neufchâteau, 1,751 habitants et 308 maisons ; Bouillon, 2,877 habitants et 481 maisons.
Citerai-je encore une localité du Luxembourg, avec titre et rang de ville dans le recueil officiel, Durbuy, qui comprend 71 maisons et 370 habitants, tandis que Saint-Gilles-Waes, simple commune qui sollicite, comme les autres, le dévasement du canal de Stekene, compte 3,971 habitants et 717 maisons ?
Nous pouvons encore comparer la commune de Stekene avec la ville d'Audenarde, à qui nous avons concédé un chemin de fer dans la séance du 22, je viens de relater les chiffres de Stekene et de St-Gilles.
Voici les autres : Audenarde compte 5,907 habitants et 806 maisons, donc quelques âmes en plus que Stekene, et beaucoup moins de maisons :
Deynze : 3,710 habitants et 710 maisons, donc chiffres fort inférieurs à ceux de Saint-Gilles-Waes.
Ces chiffres parlent assez par eux-mêmes, messieurs, je ne dois pas ajouter que la richesse et l'activité marchent de pair avec la population et le nombre des maisons. Cela est hors de doute pour ce qui concerne l'arrondissement de St-Nicolas. En résumé, il faut bien convenir que si notre régime est le gouvernement des majorités, cette règle reçoit pour une partie de nos Flandres, une bien fâcheuse exception.
Je finis par une considération d'intérêt national : notre territoire est bordé par un district jadis vivement disputé entre la Belgique et la Hollande, la Flandre zélandaise ; ce district est très important par son activité et les besoins de sa consommation : nous pourrions facilement approvisionner de nos produits une partie de cette population ; nous pourrions établir avec ce pays des relations de commerce beaucoup plus fructueuses que par le présent. Le centre de ces affaires est Stekene, point peu éloigné de la capitale de la Flandre zélandaise ; le moyen le plus facile c'est le canal qui prolonge le Moervaert, c'est la voie qui existe depuis des siècles, communiquant avec Lokeren et Gand. On a dépensé des millions pour mettre le bassin de Liége en rapports directs avec Maestricht. On demande avec énergie que la Campine et Anvers, suivant le mot très connu d'un monarque chef d'un royaume voisin, tendent une main de fer au Brabant septentrional. Pourquoi l'Etat refuserait-il une modique somme de 30,000 fr. afin de renouer par le pays de Waes des relations plus étroites avec la Flandre zélandaise, au moins jusqu'à la populeuse commune de Stekene ? Nous attendons de l'impartialité, de la justice du gouvernement et des chambres que nos incessantes réclamations seront accueillies lors de la discussion du budget des travaux publics pour 1852. J'ai dit.
(page 2057) M. Vermeire. - Messieurs, dans le discours que j'ai eu l'honneur de prononcer dans la discussion générale, j'ai annoncé que lorsque nous en serions à examiner la concession de Dendre-et-Waes, j'aurais à faire quelques demandes à l'honorable ministre des travaux publics.
Lorsque nous avons examiné cette concession en sections, j'ai demandé que la ligne entre Termonde et Alost fût construite la première. Ainsi que vient de le dire l'honorable M. de T'Serclaes, la réponse qui a été faite à la section centrale par l'honorable ministre des travaux publics est que les travaux commenceront sur la section d'Alost à Termonde.
Je remercie l'honorable minisire de cette explication. Cependant je désirerais, dans l'intérêt de l'arrondissemnent de Termonde, qu'elle pût être complétée, c'est-à-dire qu'au lieu de commencer les travaux sur cette section, celle-ci dût être achevée et mise en exploitation la première, ou du moins simultanémint avec d'autres sections.
Si j'insiste tant, messieurs, sur cette nécessité, c'est que si éventuellement le chemin de fer direct de Bruxelles à Gand et celui d'Alost à Ath devaient être exploités avant la section de Termonde à Alost, tous les intérêts commerciaux et industriels de notre arrondissement seraient déplacés.
On a fait sonner bien haut, messieurs, l'importance des diverses villes et des divers districts auxquels on va donner des chemins de fer. Qu'il me soit permis d'indiquer en peu de mots quelle est l'importance de l'arrondissement de Termonde.
(page 2058) Cet arrondissement, sur une étendue restreinte de 30,000 hectares, a 130,000 habitants. Sa production agricole dépasse annuellement 17 millions. Il y a, dans l'arrondissement 790 établissements industriels, plus 6,000 patentables et un mouvement commercial et industriel qui est évalué à plus de 42 millions annuellement.
Comme l'honorable ministre des travaux publics me fait un signe d'assentiment à la demande que je lui ai faite, je n'insisterai pas davantage sur ce point.
L'administration communale, de concert avec la chambre de commerce de Termonde, s'est également adressée à M. le ministre des travaux publics pour lui demander le passage de l'Escaut par le chemin de fer sur le pont actuel de Termonde.
Ces deux administrations ont signalé les grands inconvénients qu'il y aurait à jeter un nouveau pont sur l'Escaut, soit en amont, soit en aval du pont actuel.
Parmi les inconvénients qui résulteraient de la construction d'un pont en aval du pont actuel, le principal est que la navigation serait rendue très difficile pour les bateaux ordinaires et impossible pour les navires de mer qui ne pourraient plus atteindre le port actuel.
En amont il y aurait d'autres inconvénients. Dans ce cas, il faudrait jeter deux nouveaux ponts sur la Dendre, puis il faudrait faire des travaux dans le lit de l'Escaut, travaux qui seraient contraires à la position stratégique de la place de Termonde ; ensuite le génie militaire ne permettrait pas ces travaux dans le lit de l'Escaut, en dehors de la portée de canon.
Ces nouveaux ponts d'ailleurs gêneraient considérablement la navigation qui est très active sur les deux rivières, et pour vous en donner un exemple je vous dirai qu'il passe annuellement, sur la Dendre seulement, 4,000 bateaux jaugeant plus de 300,000 tonneaux, et que le passage sur l'Escaut est au moins du double.
J'espère que M. le ministre voudra bien prendre ces observations en considération et faire en sorte que le chemin de fer passe sur le pont actuel. Or, d'après le plan, ce passage peut se faire dans des conditions ordinaires d'une bonne exploitation.
Messieurs, puisque j'ai la parole, je demanderai à faire quelques observations sur les discours prononcés dans la dernière séance par les honorables MM. Dumortier et Malou. Je ne répondrai rien au discours de l'honorable M. de Brouwer, parce que le temps m'a manqué pour vérifier tous les chiffres produits par l'honorable membre.
Cependant, qu'il me soit permis de dire que l'honorable M. de Brouwer compte que l'exploitation des vingt et une lieues de chemin de fer à construire devrait coûter 50,000 francs par lieue ; il me semble qu'en évaluant les dépenses à ce taux, on les exagère beaucoup ; dans la supposition que l'exploitation du chemin de fer de la Dendre coutât le même prix que l'exploitation du chemin de fer du pays de Waes, et on sait que plus un chemin de fer s'allonge, plus le coût de l'exploitation diminue, sur l'unité donnée ; mais en admettant, dis-je, ce chiffre, soit 8 fr. par convoi-lieue, il en résultera que l'exploitation de la ligne de la Dendre coûterait annuellement 330,000 fr. et comme on est généralement d'accord que cette section produira au gouvernement, pour sa part, 450,000 fr., le gouvernement, sans être obligé de faire aucune dépense, se procurera un bénéfice de 130 mille francs annuellement. Or les bénéfices que doit produire la ligne directe de Bruxelles à Gand étant plus considérables que ceux de la ligne de la Dendre, il en résulte, d'après moi, qu'ils ne sont point surtaxés. Ainsi, messieurs, j'ai la conviction intime que les chiffres présentés par M. le ministre des travaux publics en ce qui concerne les produits, sont plutôt au-dessous qu'au-dessus de la réalité.
L'honorable M. Malou, en commençant son discours, a dit qu'il ne se fait pas illusion sur le sort de son amendement ; je désire beaucoup, messieurs, pour ma part, que cette prévision se réalise et j'espère que la chambre, à une grande majorité, rejettera la proposition de l'honorable membre,
L'honorable M. Malou n'est pas hostile, dit-il, au chemin de fer de la vallée de la Dendre parce que c'est une contrée qui offre d'immenses ressources et que c'est encore la plus belle ligne qui reste à faire dans l'intérieur du pays ; mais l'honorable membre voudrait seulement concéder cette ligne.
Si elle est si productive, il faudrait, non pas la concéder mais l'exécuter aux frais de l'Etat. Or ce n'est pas là ce qu'il a proposé.
L'honorable membre croit que la convention peut compromettre notre revenu actuel et qu'elle n'est que l'aliénation déguisée d'une partie des recettes du chemin de fer de l'Etat, au profit de la compagnie.
Quant à moi, je crois, messieurs, d'après toutes les démonstrations qui ont été faites, que le gouvernement a ici la belle part, d'autant plus qu'il n'est pas obligé de faire de nouvelles dépenses. Je ferai remarquer, messieurs, que M. le ministre des travaux publics a réfuté d'après moi, par des chiffres incontestables, l'opinion de l'honorable M. Malou, et qu'il a prouvé bien mieux que je ne viens de le faire, que dans tous les cas il y aura un bénéfice pour le trésor d'au moins 180,000 fr. par an.
Maintenant, que fait l'honorable M. Malou pour détruire la démonstration faite par M. le ministre des finances ? Il dit que cette démonstration mathématique ne fait qu'embrouiller davantage la combinaison, la couvrir en quelque sorte de fleurs, ou la cacher sous un voile épais. Cette manière de réfuter ne me semble pas péremptoire et je crois qu'on aurait fait mieux d'opposer des chiffres aux chiffres pour en contester la valeur.
Pour ne pas abuser des moments de la chambre, je me résume en disant que je suis favorable à la combinaison arrêtée entre le gouvernement et la compagnie.
En effet, cette combinaison que j'appellerai heureuse concilie tous les intérêts.
Elle augmente les ressources du trésor.
Elle relie au réseau national du chemin de fer des contrées importantes, telles que la vallée de la Dendre et l'important pays de Waes.
Elle satisfait les intérêts de la ville et de l'arrondissement d'Alost, sans préjudice pour la ville et l'arrondissement de Termonde.
Elle raccourcit la distance entre la capitale et les deux Flandres ; enfin, elle ne peut que rendre plus fréquentes les relations entre ces diverses contrées et ajouter considérablement à leur bien-être.
Messieurs, j'avais dit tantôt que j'aurais répondu également quelques mots à l'honorable M. Dumortier, je ne serai pas long dans cette réponse, je ferai seulement observer à la chambre qu'il arrive assez souvent que quand le gouvernement présente un projet de loi de travaux publics à exécuter par l'Etat, l'honorable M. Dumortier demande qu'ils soient concédés à une compagnie particulière et, d'autre part, que quand le gouvernement présente un projet de loi pour concéder des travaux publics à une compagnie particulière, l'honorable M. Dumortier en demande l'exécution par l'Etat.
M. Dumortier. - Je demande la parole.
M. Vermeire. - L'honorable membre, tout en réfutant les argumentations de M. le ministre des travaux publics et des défenseurs de la concession, a dit qu'il ne comprenait rien à la convention.
Puisqu'il en est ainsi, messieurs, je crois que les arguments de l'honorable membre ne sont pas sérieux, et pour ce motif je me dispenserai de les rencontrer.
(page 2053) M. Manilius renonce à la parole.
M. de Haerne. - La chambre me paraissant désireuse d'aller aux voix, je renonce également à la parole.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je demande la permission de faire quelques observations sur la proposition déposée par l'honorable M. Cools.
La proposition de l'honorable M. Cools a pour objet de faire décréter le principe de l'exécution par l'Etat de la ligne de Bruxelles à Gand et de l'embranchement sur Lokeren. Cette proposition aurait pour résultat d'augmenter dans une proportion assez forte le chiffre de l'emprunt et, par conséquent, il y aurait aussi nécessité de créer des ressources pour faire face à la nouvelle dépense qu'on imposerait de ce chef à l'Etat.
Il est évident que si ce principe était admis, il ne pourrait pas être appliqué d'une manière restreinte. On ne concevrait pas pourquoi une fraction importante du réseau que le gouvernement propose de construire par voie de concession, serait éliminée de cette proposition. Il faudrait en revenir à la proposition plus large qui a été indiquée et qui consisterait à faire construire par l'Etat toute la ligne, tant la ligne d'Ath à Lokeren, que celle de Bruxelles à Gand par Alost. Ce serait là une conséquence nécessaire d'une pareille proposition ; ce serait alors une dépense nouvelle de 21,500,000 francs qui se trouverait à la charge de l'Etat.
Serait-il bien prudent de remplacer la proposition que le gouvernement vous a soumise, par celle de M. Cools, manifestement onéreuse à l'Etat ? Ne sera-t-il pas encore temps de mettre les dépenses dont il s'agit à la charge de l'Etat, si la compagnie qui offre d'exécuter les travaux ne remplit pas ses engagements ? Si l'Etat emprunte, il faudra faire face aux intérêts et à l'amortissement, ce sera une dépense certaine, fixe, invariable, quels que soient les événements ; l'Etat courra toutes les chances de l'entreprise ; il aura la chance aléatoire et en compensation, la certitude de devoir faire le service des capitaux empruntés.
Que veut-on en définitive par le mode de concession qui est soumis à votre examen ? On veut emprunter un capital de 21,500,000 francs, pour exécuter 22 lieues de ce chemin de fer, dans une contrée où une pareille voie de communication sera un véritable bienfait.
Que propose-t-on pour servir les intérêts et l'amortissement de ce capital ? Car j'imagine qu'aucun de vous n'a la prétention d'acquérirr 22 lieues de chemin de fer gratis, bien que l'on puisse croire, à entendre divers orateurs opposés à ce projet, que le gouvernement possède et (page 2054) refuse d'employer un moyen magique, à l'aide duquel on obtiendrait 22 lieues de chemin de fer sans rien débourser.
Il faut apparemment payer quelque chose pour cela. Que veut-on donner en payement ? On propose d'abandonner les trois quarts du produit des stations nouvelles que la compagnie va créer ; en d'autres termes, on propose d'abandonner à la compagnie les trois quarts d'un produit que vous n'avez pas aujourd'hui. (Interruption.)
Je vous parle du produit des sections nouvelles ; vous n'avez pas ce produit. Je vous concède que certaines stations, rapprochées des points qui sont desservis actuellement par le chemin de fer, comme celle d'Audegem, par exemple, empruntent une partie de leur produit à ce rapprochement, et que par conséquent il y aura une réduction de produits dans ces stations ; mais c'est là une affaire insignifiante, tout à fait secondaire, et il reste vrai, d'une manière générale, qu'il s'agit de laisser à la compagnie une quotité des produits nouveaux qui seront obtenus par les travaux qu'elle va créer.
Grâce à l'exécution de ce railway, vous aurez des relations qui vous manquent aujourd'hui, et l'on vous demande d'abandonner les trois quarts du produit des stations nouvelles. Voilà le texte de la concession. C'est là pour quelques membres une invention extraordinaire et incompréhensible. J'en suis fâché, mais je ne puis être de leur avis ; à mon sens, rien n'est plus simple et plus facile à concevoir.
Ce mode de concession n'est pas applicable à toute espèce de chemin de fer à construire dans le pays ; je ne l'admettrais peut-être pas dans toutes les circonstances ; mais il s'agit ici d'un cas exceptionnel où l'on ne pourrait appliquer les systèmes déjà connus. Le problème à résoudre était celui-ci : trouver le moyen de conserver à l'Etat le produit des stations qu'il possède actuellement, c'est-à-dire des stations de Bruxelles, de Gand et de Termonde : établir cependant, par voie de concession, un railway nouveau entre ces divers points, et relier, en outre, les diverses localités qui sont situées entre Ath et Lokeren.
Quel moyen s'offrait de concéder dans de pareilles conditions ? On ne pouvait pas appliquer le mode de concession pure et simple ; c'eût été déposséder l'Etat du produit des stations de Gand, de Bruxelles et de Termonde ; on ne pouvait pas non plus recourir au mode de concession qui a été appliqué au chemin de fer de Jurbise à Tournay ; c'eût été l'abandon de la moitié du produit de ces mêmes stations.
Le problème a été résolu par une combinaison fort ingénieuse et très simple : « Conservez les produits des stations de Bruxelles et de Gand et les accroissements dont elles sont susceptibles ; gardez le produit actuel de la station de Termonde, et abandonnez-moi les trois quarts des recettes des stations nouvelles. » La condition ainsi posée est fort claire. Qu'y a-t-il là d'obscur et d'incompréhensible ?
Mais, dit-on, c'est un contrat aléatoire que l'on sanctionnera ; et pour mieux montrer tout ce qu'il a d'immoral, on s'écrie que c'est une loterie ; le mot est de l'honorable M. Malou ; il n'en est pas plus raisonnable pour cela.
En vérité, il faudrait supprimer dans le Code civil tous les contrats aléatoires ; il faut supprimer toutes les concessions, il faut supprimer la concession du chemin de fer de Tournay à Jurbise, et la proposition de l'honorable M. Malou lui-même, relative au chemin de fer de Dendre-et-Waes, si l'on ne veut plus faire de contrats aléatoires, sous prétexte que ce sont des loteries !
Il y a quelque chose d'inconnu dans les résultats de la convention ; cela est vrai ; mais il en est ainsi dans toute espèce de concession. Il s'agit de faire à cet égard un calcul de probabilités. L'honorable M. de Brouwer s'est occupé de ce côté de la question ; M. le ministre des travaux publics s'en est occupé aussi ; et l'on n'arrive pas, en définitive, à des résultats bien opposés. Que remarque-t-on quand on examine les chiffres produits de part et d'autre ? C'est que la compagnie, d'après les données qui paraissent généralement admises, et que je ne veux ni discuter ni contredire, aura 5 1/2 ou 6 p. c. des capitaux qu'elle engagera dans cette opération.
Six pour cent pendant 90 ans, durée de la concession, ce serait sans doute très beau, car le capital serait vite amorti. Mais, si la compagnie fait une pareille recette, le quart restant qui appartient à l'Etat, l'indemnisera de ses dépenses d'exploitation. Ainsi, dans cette hypothèse, l'Etat ne perdra rien. Si, au contraire, toutes les espérances de la compagnie ne se réalisent pas, l'Etat fera encore une bonne opération, car il acquerra vingt-deux lieues de chemin de fer au prix de la différence qui pourra exister entre les recettes qui lui sont attribuées et les dépenses d'exploitation qu'il devra supporter.
Au surplus lorsque l'on indique les résultats probables de l'opération dans la vue de faire ressortir les avantages que la convention fait à la compagnie, on ne tient compte que des chances favorables. Mais, toutes les années seront-elles bonnes ? N'y aura-t-il ni troubles, ni guerres, ni événements calamiteux quelconques, qui, pendant la durée de la concession, viendront altérer les recettes ? Ne serait-il pas juste de tenir compte aussi de ces chances défavorables ? Ne seraient-elles pas pour l'Etat s'il empruntait ? N'est-il pas évident que vous vous affranchissez de tous les risques en concédant d'après le système proposé ? Si vous exécutiez les travaux, vous seriez toujours obligés, quels que fussent les événements, de payer les intérêts et l'amortissement des capitaux que vous auriez empruntés.
Mais, dit-on, vous abandonnez une partie de votre chemin de fer, vous l'inféodez ; vous concédez un droit de parcours, une sorte de droit de vaine pâture au profit de la compagnie ; et l'on ne sait quelles peuvent être les conséquences d'une telle convention.
Messieurs, la compagnie exécute 22 lieues de chemin de fer, et vous lui concédez les trois quarts des produits que pourront procurer les hommes et les choses allant de l'une de vos stations aux stations qu'elle va créer et réciproquement. Elle vous donne 22 lieues, mais vous en avez 120. Quelle est la population qui se trouve établie sur la ligne du railway nouveau ? Toute la question est là, c'est la limite naturelle des droits que nous concédons. Or, il y a une population de 60,000 âmes établie sur le railway nouveau, et décidément, vous n'aurez pas sur vos 120 lieues un mouvement plus considérable que celui qui peut être donné par une population|de 60,000 âmes, et au départ et au retour.
La limite naturelle du mouvement est là ; vous ne pouvez pas faire que cette population donne un mouvement plus considérable que des populations semblables qui sont dans des conditions analogues.
Voilà la limite qui permet de déterminer assez approximativement quel sera le bénéfice que peut espérer la compagnie de son opération. La limite est le chiffre de la population qui est de 60,000 âmes.
Supposez que la population augmente d'une manière notable, qu'elle vienne à décupler, vous aurez le mouvement que peut donner une population de 600,000 âmes au lieu de 60,000. Mais encore une fois, ce sera là la limite naturelle de la concession que vous faites à la compagnie. Il est incontestable pour moi que la convention proposée ne peut pas être onéreuse pour l'Etat, d'autant moins que l'Etat n'abandonne pas même, à vrai dire, une partie des produits actuels, mais seulement des produits nouveaux que la compagnie lui crée en construisant 22 lieues de chemin de fer qui reviendront à l'Etat, et qui seront dès à présent un bienfait pour les populations. Les localités étant données, notre railway existant, il était difficile d'imaginer une combinaison plus simple et plus ingénieuse pour concéder une nouvelle ligne de chemin de fer.
M. Malou. - J'aborde tout de suite le dernier argument produit par M. le ministre des finances.Il y a une limite,vous a-t-il dit, au bénéfice de la compagnie et cette limite c'est la population. Sans doute, la population est une limite, mais la distance la modifie. Si vous offrez le parcours de 125 lieues ou de mille lieues, il y a une différence ; la population vaut en raison de la distance que vous lui donnez. Il faut combiner ces deux éléments. L'argument n'est donc pas admissible.
Je donne d'autant plus que le parcours que j'offre est plus étendu. Je ne sais comment on peut contester cette observation. Si votre chemin, au lieu de s'étendre jusqu'à Verviers s'étendait jusqu'à Berlin, diriez-vous qu'en donnant le parcours jusqu'à Berlin, vous ne donnez pas plus qu'en donnant le parcours jusqu'à Verviers.
- Un membre. - C'est clair.
M. Malou. - Il est clair en effet que quand une compagnie construit une ligne plus petite, s’agençant dans une ligne plus grande appartenant à l'Etat, l'Etat donne plus qu'il ne doit donner, quand il lui abandonne les trois quarls du produit de ses voyageurs sur toutes ses lignes.
On dit que tout le monde a admis comme produit des années normales 5 1/2 et 6 p.c. Je ne puis et ne veux pas entrer plus avant dans ce calcul, j'ai plusieurs raisons pour cela ; d'abord c'est que, dans le principe, quand il s'est agi de la concession, j'ai eu connaissance de quelques données qu'il ne m'appartient pas de publier. (Interruption.) Mais ce que j'ai le droit de dire, je considère comme un devoir pour moi de le dire.
Une deuxième raison, c'est que je désire que la combinaison ne réussisse pas et je ne veux pas comme on dit vulgairement « faire l'article ».
Serait-il plus onéreux pour l'Etat de l'exécuter lui-même ? Si tout le monde admet que la ligne peut produire 5 1/2 à 6 p. c, il est plus avantageux de la construire aux frais de l'Etat.
Je suppose que vous empruntiez à 5 p. c ; au moyen de la dotation de l'amortissement, vous aurez remboursé votre capital en 30 ou 35 années ; ici, vous faites un emprunt dont l'intérêt et l'amortissement seront prélevés pendant 90 ans, c'est-à-dire pendant un terme triple.
Sauf les mauvaises chances, me dit M. le ministre ; sans doute, mais avec les bonnes chances. Si nous prenons un produit présumé de 5 à 6 p. c, nous pouvons le considérer comme moyenne.
Je viens appuyer, par suite des considérations que j'ai déjà présentées à la chambre, l'amendement de M. Cools pour l'exécution de la ligne directe de Bruxelles à Gand.
L'on a reconnu à toutes les époques que si la ligne directe de Bruxelles à Gand devait se faire qu'aucune combinaison ne pouvait donner de garanties, c'était par l'Etat, que l'Etat n'éprouverait pas de perte quand il s'agit d'une ligne ayant pour objet de relier deux de nos stations les plus importantes dont l'une est la capitale.
Permettez-moi de vous présenter un exemple qui prouvera le danger d'adopter une combinaison dont on ne peut pas apprécier toutes les conséquences.
Je suppose qu'on vienne proposer à l'Etat de construire la ligne de Bruxelles à Gand, à la condition que, pendant dix années, le produit moyen de Bruxelles à Gand appartiendra à la compagnie et que la ligne devra appartenir à l'Etat à l'expiration des dix années ; ne diriez-vous pas que par l'abamdon du produit d'une ligne existante pendant dix années pour avoir un ligne nouvelle, le gouvernement a fait une excellente affaire ?
Ne pourrait-on pas par des argumens plus concluants soutenir qu'une pareille combinaison est très avantageuse ?
Cependant l'Etat aurait fait, dans ce cas, un emprunt à des conditions excessivement onéreuses. Pourtant cette combniison serait plus (page 2055) séduisante que celle où l'on vous demande un libre parcours sur les lignes actuelles et futures de l'Etat pendant 90 ans.
Je m'arrête un instant, et je termine par là mes observations sur le cautionnement de la compagnie de la Dendre. Voici comment les faits se sont passés :
La compagnie avait déposé 2 millions, un pour le chemin de fer et l'autre pour la voie de navigation.
Je dois faire observer que par la proposition qui vous est soumise, le million déposé comme garantie d'exécution d'une ligne de navigation, devient un moyen d'exécution de la ligne de chemin de fer.
Ces deux millions se trouvent encore aujourd'hui en la possession du gouvernement. C'est à lui que le cautionnement a été donné, on ne peut pas en disposer sans le concours du gouvernement.
Dès lors il me semble que le gouvernement doit connaître à quelles conditions on en dispose.
Les documents soumis à l'examen de la chambre prouvent que le gouvernement a seulement exigé, de la part de la compagnie, la nouvelle preuve qu'elle peut disposer de la somme de deux millions sans s'enquérir des conditions auxquelles la compagnie les avait acquis. Je dis que si vous agissiez ainsi, vous poserez en fait qui peut avoir des conséquences excessivement regrettables. Et, en effet, lorsque la concession nouvelle aura eu des suites, qu'arrivera-t-il ? Que la compagnie ancienne de la Dendre devra rendre compte à ses actionnaires de la restitution du cautionnement par la transaction qui est intervenue pour obtenir la disposition de cette somme de deux millions. S'il ressort de là que la somme dont le gouvernement est détenteur a fait l'objet d'une transaction telle que les actionnaires de l'ancienne compagnie de la Dendre aient dû en sacrifier une très grande part, on dit à peu près la moitié, je vous le demande, quelle position le gouvernement belge aura-t-il après avoir laissé se consommer, à l'égard d'une somme qu'il détenait encore une transaction de cette nature ?
Du reste, si les explications que l'on donnera sont aussi peu précises qu'elles l'ont été samedi, je crois que dans quelque temps on pourra renouveler l'interpellation avec plus de succès, et je suis très disposé à le faire.
En effet, après que le compte aura été rendu aux anciens actionnaires.de la compagnie de la Dendre, je serai en mesure, je l'espère du moins, d'en connaître les résultats.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - A l'objection que j'ai tirée de ce que la limite naturelle du produit est la population, l'honorable M. Malou me répond que la compagnie, par compensation du parcours sur 20 lieues de chemin de fer, aura le parcours sur tout le réseau des chemins de fer, soit 120 lieues. Ceci ne prouve absolument rien. Il s'agit de savoir quelle est la distance moyenne que parcourt un voyageur, en Belgique.
Vons aurez beau concéder à la compagnie le parcours de tous vos chemins de fer, ce parcours, par suite de conventions que vous auriez avec la Prusse, l'Autriche et la Russie, s'étendît-il jusqu'à Saint-Pétersbourg que vous n'auriez pas fait grand-chose ; car il n'en résulterail pas, j'imagine, que les habitants de Ninove, de Lessines ou d'Alost se donneraient le plaisir de se mettre en route pour Saint-Pétersbourg.
Il n'ya qu'un seul point à examiner et le voici : Combien, en moyenne, un voyageur fait-il de lieues en Belgique par le chemin de fer ? Or il fait, en Belgique, 6 lieues ; encore ce chiffre comprend-il les voyageurs internationaux dont le nombre exerce sur la moyenne une influence assez notable.
On peut affirmer que, déduction faite des voyageurs internationaux, la moyenne n'est pas de plus de cinq lieues.
Nous pouvons savoir également quel est le parcours moyen des marchandises. Y compris le transit, et surtout le transit d'Anvers à Cologne, la moyenne est de 15 lieues environ ; déduction faite de ce transit, il est de 8 ou 10 lieues peut-être.
Ainsi, c'est une pure fantasmagorie que de parler d'un parcours de 125 lieues ou de 1,000 lieues. Vous n'aurez pour le parcours entier que de rares voyageurs. Vous n'aurez en général des voyageurs que pour une partie du parcours. Le mouvement sera d'autant plus grand qu'il sera plus rapproché des lignes nouvelles ; il ira en diminuant à mesure qu'il s'en éloignera.
Si le gouvernement empruntait, dit l'honorable M. Malou, pour exécuter la ligne, il ferait une meilleure affaire qu'en la concédant. Eh ! sans doute, en ce cas, l'Etat aurait toutes les bonnes chances, mais il aurait aussi les mauvaises. Si le résultat était certain, indubitable, s'il pouvait être déterminé d'une manière mathématique ; si l'on pouvait établir que les recettes seront toujours, quoi qu'il arrive, invariablement égales au moins aux intérêts des capitaux empruntés, déduction faite des frais d'exploitation, il n'y aurait aucun inconvénient, mais aussi il n'y aurait aucun avantage pour l'Etat à exécuter ce chemin de fer. C'est pour n'avoir pas la chance de perte qu'il renonce à la chance de gain ; c'est pour cela qu'au lieu d'emprunter sous l'obligation actuelle et certaine de devoir servir les intérêts des capitaux, il emprunte sous la condition d'abandonner une part de profits qui est aléatoire.
Et encore, l'Etat limite indirectement les chances favorables pour la compagnie ; il s'y associe, en quelque sorte, car si la compagnie devait faire des bénéfices beaucoup plus considérables que ceux qui sont dans les prévisions des parties contractantes, la clause de rachat est là ; elle opérera, quoi qu'en ait dit l'honorable M. Malou, et la compagnie ne s'exposera pas à tomber sous l'application de la pénalité stipulée en cherchant à augmenter frauduleusement les recettes pour accroître la moyenne que l'Etat devrait lui payer pour prix du rachat. Tout le monde comprend que si la fraude ne peut pas profiter à la compagnie dans un cas, elle ne saurait pas lui profiter dans l'autre. Elle ne saurait être efficace, ni comme but, ni comme moyen.
D'ailleurs, les fraudes signalées sont bien difficiles à admettre. On ne peut raisonnablement les supposer. Comment procéderait-on ? La compagnie déterminerait des tiers à rompre charge à Alost, par exemple, pour des marchandises expédiées de Bruxelles à Gand ou de Gand à Bruxelles. Mais le tarif y fait obstacle. Si l'on rompait charge à Alost, il faudrait payer les frais fixes, qui augmenteraient le prix plus que si les marchandises avaient été expédiées directement en transit. Cette opération est donc impossible.
Il faudrait, en outre, pour que ces fraudes pussent se pratiquer, que la compagnie reçût des fonds dont elle ne rendît pas compte à ses actionnaires ; ou bien, il faudrait qu'elle vînt dire à ses actionnaires : « Nous avons fait une fraude, et ainsi nous avons augmenté doleusement la recette. Nous sommes obligés de donner une part du détournement à M. un tel, qui a bien voulu devenir notre complice. » Est-ce admissible ?
Et puis on oublie que pour ne pas même laisser place à une objection tirée des fraudes possibles, le gouvernement s'est réservé la nomination du comptable et du directeur. Ainsi un agent comptable, nommé par le gouvernement, opère la recette ; tout le produit, déduction faite des frais d'administration, doit être réparti aux actionnaires ; comment réussirait-on à en détourner une partie au profit de tiers complices de la fraude ?
Reste la question du cautionnement, dont a parlé l'honorable membre en terminant.
L'honorable membre se met fort en peine des anciens actionnaires de la compagnie de la Dendre ; il dit que le gouvernement devrait intervenir dans leur intérêt. Un pareil devoir ne nous incombe pas
Nous n'avons pas à nous occuper des intérêts de l'ancienne compagnie de la Dendre, par une très bonne raison, c'est qu'elle est déchue puisqu'elle n'a pas rempli ses engagements, et que son cautionnement, sauf les formalités à remplir, peut être considéré comme étant la propriété de l'Etat.
Cependant le mode que nous avons adopté aura permis à l'ancienne compagnie de stipuler en sa faveur quant au cautionnement qu'elle a déposé. Nous nous sommes, en effet, borné à accepter l'offre de la compagnie nouvelle de nous procurer le désistement de la compagnie ancienne. C'est tout ce que pouvait faire le gouvernement. Des onditions de la transaction, je ne sais pas, je ne veux pas savoir le premier mot. Mais ce que je sais, ce que l'honorable M. Malou sera probablement fort heureux d'apprendre, c'est que, d'après les renseignements que l'on me donne, les actionnaires anciens ont approuvé la cession. Ceux au nom de qui il parle sont satisfaits.
M. Malou. - Je parle en mon nom.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous parlez dans l'intérêt des anciens actionnaires de la Dendre.
M. Malou. - Je parle dans l'intérêt de ce que je troure juste et vrai. Je ne m'occupe pas d'autre chose.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne dis pas que vous soyez l'avocat des anciens actionnaires de la Dendre. Mais vous défendez leurs intérêts. A la séance de samedi, vous avez dit que le gouvernement ne pouvait honorablement leur faire les conditions qu'il leur a faites. A votre sens, le gouvernement n'avait donc pas le droit, malgré les stipulations les plus formelles, de disposer du cautionnement ? Quelle idée vous faites-vous, au surplus, du gouvernement ? Est-ce qu'il doit être le tuteur des compagnies financières qui se forment en Belgique ? Est-ce que le gouvernement peut se constituer juge de leurs intérêts ? Et si elles trouvent bon de céder un cautionnement qu'elles avaient perdu, à un prix quelconque, à un prix que je ne connais pas, qu'importe au gouvernement ? Le gouvernement pouvait confisquer ce cautionnement, et vous voudriez qu'il intervînt dans le marché auquel ce cautionnement a pu donner lieu. Le gouvernement ne pouvait avoir qu'une chose en vue : l'application du fonds de ce cautionnement aux travaux du chemin de fer qui avait été primitivement promis. Or, ces fonds seront appliqués absolument et identiquement aux mêmes travaux.
Pour la concession nouvelle, qui est une extension de celle de 1845, il y a un cautionnement nouveau d'un million, qui viendra s'ajouter au cautionnement de 2 millions qui se trouve déjà dans les caisses de l'Etat.
M. Le Hon. - Messieurs, après toutes les contradictions que la chambre a entendues, il me serait difficile de produire de nouveaux chiffres, qui ne vinssent pas compliquer les détails administratifs de la question. Je me bornerai, comme rapporteur de cette partie de la loi, à repondre deux mots à l'honorable M. Malou, et à vous expliquer l'amendement de la section centrale qui met à néant celui qu'a présenté l'honorable M. Dumortier.
Quoi qu'on en ait dit, le système de la convention, pour ceux qui ont pris la peine de lire l'expose des motifs, et les développements dans lesquels est entrée la section centrale, est un système parfaitement simple, parfaitement clair.
Comme cela est démontré à l'évidence dans le rapport, et comme vient de le répéter M. le ministre des finances, l'Etat voit s'ajouter à son (page 2056) réseau vingt et une lieues de chemin de fer, sans débourser un centime, et la compagnie concessionnaire qui exécute et paye, doit trouver, sur une ligne de quatorze lieues, des produits susceptibles de couvrir les intérêts, l'amortissement et les bénéfices du capital de 21 à 22 millions qui aura créé ces vingt et une lieues de nouvelles voies ferrées.
Voilà tout le but, tout le secret de la combinaison du transit réciproque, que quelques orateurs ont critiquée sans la comprendre et dont les résultats, dans l'ordre des probabilités, sont aussi appréciables que ceux de toute entreprise.
Il n'y a là ni loterie dont l'Etat prendrait pour lui toutes les mauvaises chances, ni aliénation déguisée, au profit d'un intérêt particulier, d'une partie du budget des voies et mojens ; ces inventions d'un spirituel orateur n'ont rien de sérieux.
L'honorable M. Malou vous a dit tout à l'heure que pour déterminer les avantages que la loi accordait à la compagnie, il fallait multiplier tous les transports de ou vers les cinq stations de la ligne de Dendre-et-Waes par les 125 lieues de parcours que le transit leur ouvrait.
Je lui dirai à mon tour que pour se faire une idée exacte et vraie des recettes probables de l'Etat, dans le système de la convention, il faut multiplier les vingt et une lieues de transit qui vous sont assurées par le nombre très considérable de convois qui traversent dans tous les sens la. ligne concédée.
Si vous n'avez qu'une part des produits du transport de tout ce qui part des cinq stations ou de tout ce qui leur est destiné, mouvement nécessairement limité par la population, la consommation et le commerce de ces localités, vous jouissez du produit intégral de tout ce qui passe sur les nouvelles lignes, par voie de transit, de quelque point des stations de l'Etat qu'il arrive, et ce produit entre tout entier dans le trésor public. Le partage dans la proportion de 3/4 pour la compagnie et d'un quart pour l'Etat, n'a lieu qu'à raison des cinq stations citées plus haut, pour les voyageurs et les marchandises dont elles sont les lieux de départ ou de destination.
Si quelque chose doit déterminer la chambre à se défier de l'opposition qu'on fait à cette partie de la loi, c'est assurément le désaccord complet qui règne entre ceux qui l'attaquent.
L'honorable M. Osy, très expert en vérification de chiffres, comme chacun sait, évalue les recettes du chemin de Dendre-et-Waes à l, 771,719 fr. (171,719 fr. de plus que le gouvernement ;, et la part de l'Etat à 442,932 fr. (42,932 fr. de plus que la prévision du ministre).
M. Osy trouve aussi un revenu net de 246,531 fr. pour le trésor, sur le chemin direct de Bruxelles à Wetteren par Alost.
Mais l'honorable membre, qui a divisé la dépense totale des chemins de fer de l'Etat, en 1849, par 119 lieues au lieu de 125, a élevé à 940,120 fr. la dépense d'exploitation de la ligne nouvelle que le gouvernement porte à 770,000 fr. dans un état très détaillé.
Il arrive, à l'aide de cette erreur, relevée dans la section centrale, à une perte de 250,657 fr. En établissant le calcul sur un chiffre exact, la perte signalée par M. Osy se réduirait à 80,537 ; et on arriverait à un bénéfice en tenant compte des recettes supplémentaires que l'honorable membre a omises.
Certes, M. Osy n'est pas suspect de partialité en faveur du projet de loi.
Je prends maintenant les calculs de l'honorable M. de Brouwer de Hogendorp. Il n'admet, lui, qu'un produitde 1,533,000 fr. (c'est 238,719 fr. de moins que M. Osy).
Il fixe la part de l'Etat, dans ce produit, à 283,000 fr. (c'est 159,932 fr. de moins que l'évaluation de M. Osy).
Ensuite, il porte la somme totale des dépenses d'exploitation à 756,500 fr., c'est-à-dire à 183,020 en dessous du chiffre posé par l'honorable M. Osy et à 13,500 fr. en dessous de celui du gouvernement ; et avec toutes ces différences bizarres dans les détails, l'honorable membre arrive à cette autre différence essentielle dans le résultat : il accusa un déficit de 504,000 francs.
En présence d'appréciations si contradictoires, fondées sur des données si incomplètes et si arbitraires, tout homme impartial se dira qu'il faut chercher la vérité au milieu des faits réellement officiels, au centre de l'administration où sont réunis tous les éléments d'un travail complet, où se trouvent des ingénieurs expérimentés et des administrateurs responsables, chargés, non de discourir, mais de calculer avec soin des prévisions qu'ils ont à réaliser en faits.
Or, quand à côté des présages sinistres de quelques opposants, je place les explications fortement raisonnées du gouvernement et les calculs, à base officielle, qui nous conduisent, non à une perte certaine de 504 mille francs ni de 250,657 francs, mais à un bénéfice probable de 200 mille francs et, au minimum, de 100 mille francs dans un cas où la compagnie n'aurait qu'une part insuffisante de 900 mille francs dans les produits, je reste convaincu que les dangers dont on nous menace ne sont nullement à craindre, et je me prononce avec confiance pour le système de la loi.
C'est à ces rapprochements bien simples et, selon moi, bien décisifs, messieurs, que je bornerai mes observations contre la critique des bases du projet. Je dispenserai la chambre des arguments et des chiffres qui pousseraient plus loin cette démonstration.
Je finis par de courtes explications sur l'amendement que vous présente la section centrale.
L'honorable M. Dumortier a demandé, dans la dernière séance, la suppression pure et simple de l'article 13 de la convention.
Il ignorait sans doute que la section centrale dans son rapport avait substitué une disposition nouvelle à cet article et qu'elle avait déposé cet amendement sur le bureau dans la séance précédente.
Il s'agit là d'une disposition essentielle destinée à prévenir toute fraude au préjudice de l'Etat. Comme peu de membres paraissent avoir connaissance de la portée de cette modification, voici comment les motifs en sont résumés dans le rapport.
« La section centrale est d'avis que, nonobstant les chances favorables des probabilités invoquées par M. le ministre des travaux publics, ces chances seraient infailliblement compromises si la société pouvait, par des traités, des arrangements particuliers ou des manœuvres quelconques, détourner vers l'une ou l'autre des stations concédées, des transporls qui, partant d'une station de l'Etat, seraient, réellement, en destination d'une autre station de l'Etat. Ce danger est grave et il ne lui a pas paru que l'action constante des agents du gouvernement dans les stations ; que le pouvoir de nommer et de révoquer le directeur et l'agent comptable de la compagnie, ainsi que de déléguer auprès d'elle un commissaire spécial ; enfin que la disposition comminatoire de l'article 13, paragraphe2, de la convention fussent de nature à prévenir ou suffisants pour réprimer une fraude occulte, habile aux expédients, procédant par intermédiaires, empruntant des formes spécieuses ; fraude aussi contraire à l'esprit de ce système de concession que préjudiciable au revenu public.
« Le gouvernement exploite et administre, il est vrai ; c'est lui qui fait les recettes. Il pèse sur les agents de la perception et du contrôle de toute l'autorilé qu'il a sur eux : mais il leur sera souvent difficile, sinon de soupçonner et de découvrir, au moins de constater officiellement la fraude. Le système de concession proposé n'est possible pourtant qu'à la condition de pénalités très sévères et d'un grand pouvoir attribue contractuellement à l'administration et à la législature. L'honorable membre que la section centrale avait chargé de recevoir les délégués des souscripteurs, doit leur rendre la justice qu'ils se sont empressés de reconnaître la nécessité des dispositions les plus rigoureuses contre la fraude, avouant avec franchisc qu'ils n'entendaient travailler au succès de leur entreprise qu'au grand jour et au moyen de services complémentaires d'« omnibus » qui, agissant comme affluent sur les stations concédées, produiraient des résultats avantageux aux localités desservies, à la société concessionnaire et à l'Etat lui-même. Aussi ont-ils adhéré à la nouvelle disposition que l'honorable membre propose de substituer à l'article 13, et qui sera produite dans l'examen des articles.
« M. le ministre des travaux publics s'est pleinement associé aux vues de la section centrale à cet égard ; il approuve les changements de l'article 13. »
On vous a dit que jamais on n'avait vu convention du genre de celle que nous discutons.
Je demanderai, à mon tour, s'il n'est pas infiniment rare de rencontrer une compagnie qui consente à racheter cet inconnu, qui s'attache à la nouveauté du système, par des clauses pénales d'une rigueur extrême, inusitée ; qui se soumette, en garantie de l'exécution loyale de ses engagements et de sa fidélité à l'esprit du contrat, non seulement à la perte totale des produits du mois pendant lequel une contravention aurait été commise par elle ; mais encore à toute mesure administrative, voire même et toute disposition législative, que le gouvernement jugerait à propos de prendre ou de provoquer, suivant les circonstances.
La compagnie défère contractuellement ce pouvoir au gouvernement. Elle donne, en cela, un gage de sa parfaite bonne foi. Je ne connais de plus sérieux et de plus rassurant, que cette adhésion de sa part.
En terminant, j'ajouterai que, dans ma pensée, certains opposants ne travaillent à faire échouer la combinaison actuelle, que dans le but et avec l'espoir d'y substituer un système de voie navigable, par le vote d'un canal ou d'une canalisation. Je me réserve de combattre ces propositions, si elles nous sont présentées.
Mais la chambre, éclairée maintenant sur l'économie du projet de loi, leur enlèvera, en l'acceptant, l'espérance qu'on aurait pu fonder sur son rejet.
M. Rousselle (sur la clôture). - Je ne désire pas rentrer dans la discussion, mais je sollicite de la chambre la permission de demander une explication de M. le ministre des travaux publics.
M. Dumortier. - Messieurs, je m'oppose à la clôture pour un motif extrêmement simple. Vous venez d'entendre deux orateurs qui ont parlé en faveur de la convention, je désire pouvoir prononcer quelques mots pour leur répondre. Il n'est point d'usage dans cette chambre de clore une discussion, après que deux orateurs ont successivement défendu la proposition dont on s'occupe. Cela serait d'autant plus insolite, dans cette circonstance, qu'en définitive, il s'agit d'une convention excessivement obscure, et où l'on a eu parfaitement raison de dire que personne ne voit clair, pas plus l'honorable M. Vermeire que moi, il l'a prouvé par son discours. (Interruption.) Je ne veux pas entrer dans le fond de la discussion ; j'invoque la justice de l'assemblée : il n'est pas juste de clore une discussion si grave, lorsque deux orateurs viennent de parler successivement en faveur du projet.
M. Rousselle. - Je ne m'oppose pas à la clôture, mais je désirerais qu'on me réservât le droit de demander une explication.
- La chambre consultée, prononce la clôture, et autorise ensuite M. Rousselle à demander une explication au gouvernement.
M. Rousselle. - Je suis convaincu que le gouvernement, si arrêté dans ses résolutions, ne tardera pas à s'apercevoir que ses propositions d'abaissement de péages en faveur du bassin houiller du (page 2057) Couchant de Mons ne seront pas la juste compensation qni est légitimement dus à ce bassin.
J'aime à croire dès lors, que le gouvernement n'a pris aucun engagement, qu'il n'a fait aucune promesse contraire à l'article 3 de la loi du 19 juillet 1832, et qu'il est entièrement libre à l'égard de l'établissement de toute communication dans un rayon quelconque des chemins de fer qu'il s'agit de construire.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, il n'y a pas d'autre convention que celle qui est soumise à la chambre ; il n'y ani engagement verbal, ni engagement qui puisse lier le gouvernement sur un point quelconque. J'espère que cette déclaration satisfera l'honorable préopinant.
M. Rousselle. - L'explication me satisfait.
M. le président. - Je mets aux voix l'article 5.
M. Dumortier. - Je demande qu'on mette d'abord aux voix l'article 6 et les amendements qui s'y rattachent, car l'article 5 n'est qu'une adjonction à l'article 6.
- Cette proposition est adoptée.
La chambre vote d'abord sur les divers amendements présentés à l'article 6.
L'amendement principal, proposé par M. Cools, est mis aux voix et n'est pas adopté.
(Le sous-amendement proposé par le même membre devient sans objet par suite de ce vote.)
L'amendement présenté par M. Malou, et qui est ainsi conçu : « Le gouvernement est autorisé à concéder la ligne de chemin de fer d'Ath à Lokeren aux clauses et conditions établies pour la ligne de Jurbise à Tournai, » est mis aux voix et n'est pas adopté.
M. Dumortier a proposé 1° de modifier l'article 10 de la convention, 2° de supprimer les articles 11, 13 et 21 de la même convention.
La modification proposée à l'article. 10 est ainsi conçu :
« Je propose le retranchement de toute recette sur les chemins de fer de l'Etat au profit de la société. »
- Cette proposition est mise aux voix et n'est pas adoptée.
Il est donné lecture de l'article 11 de la convention, dont M. Dumortier propose la suppression.
- Cette suppression n'est pas adoptée.
M. Dumortier. - J'ai proposé la suppression de l'article 13 ; la section centrale a proposé un changement à cet article ; je retire ma proposition et je me rallie à celle de la section centrale.
M. le président. - Voici comment la section centrale propose de rédiger l'article 13 de la convention :
« Le gouvernement s'engage à prendre toutes les mesures nécessaires pour que les principes posés aux articles 8 et 10 reçoivent une application équitable et entière.
« Il veillera, notamment, à ce que les transports des stations concédées, vers les points du réseau de l'Etat et réciproquement, ne soient pas entravés ni fractionnés au détriment de la compagnie.
« D'autre part, la compagnie s'interdit formellement tous traités, arrangements ou moyens quelconques ayant pour objet de détourner ou fractionner, au préjudice du trésor public, des transports appartenant, par leur destination réelle, aux stations du chemin de fer de l'Etat.
« Dans le cas où elle contreviendrait à cette stipulation, le montant intégral de la recette attribuée à la compagnie, pour chacun des mois pendant lesquels des actes de fraude auront été commis, appartiendra au trésor et sera prélevé sur toutes sommes revenant à la société, et ce sans préjudice à toutes les mesures administratives, et même à des dispositions législatives que le gouvernement se réserve de prendre ou de provoquer, suivant les circonstances. »
M. Le Hon. - Messieurs, l'article tel qu'il est conçu, était destiné à figurer dans une convention, mais comme il doit maintenant prendre place dans la loi, il faudrait dire : « le gouvernement prendra », au lieu de : « le gouvernement s'engage à prendre ».
- La proposition de la section centrale est mise aux voix et adoptée, sauf rédaction.
La section centrale a fait une seconde proposition qui est conçue en ces termes :
« La première partie du paragraphe 1 de l'article 10 de la convention est modifiée comme suit :
« Pour garantir, au profit du gouvernement, l'exécution des engagements que la présente convention impose à la compagnie, celle-ci fournira, dans les trois mois de la publication de la loi et avant que n'ait pu intervenir l'arrête de concession, un cautionnement de trois millions de francs, valeur nominale, en obligations d'emprunts nationaux, dont 2,700,000 en 4 1/2 p. c, et 500,000 francs en 3 p. c. »
- Adopté.
La suppression de l'article 21 du cahier des charges proposée par M. Dumortier est mise aux voix.
Elle n'est pas adoptée.
M. Dumortier. - Je demande que mon vote soit inséré au procès-verbal.
M. le président. - Je mets aux voix l'article 6 tel qu'il a été amendé par la section centrale.
- Plusieurs voix. - L'appel nominal.
- Il est procédé au vote par appel nominal, en voici le résultat :
61 membres ont répondu à l'appel.
41 ont répondu oui.
19 ont répondu non.
1 membre s'est abstenu.
En conséquence l'article 6 est adopté.
Ont répondu oui : MM. Dedecker, de Denterghem, de Haerne, Delescluse, Delfosse, d'Elhoungne, Deliége, Dequesne, de Royer, Destriveaux, d'Hoffschmidt, Dumont (G.), Frère-Orban, Jouret, Lange, Le Hon, Lesoinne, Loos, Manilius, Mascart, Moreau, Orts, Peers, Pierre, Prévinaire, Rogier, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Van Cleemputte, Vandenpeereboom (E.), Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Anspach, Bruneau, Cans, Cumont, David et Verhaegen.
Ont répondu non : MM. de Brouwer de Hogendorp, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Muelenaere, de Perceval, De Pouhon, de T'Serclaes, Dumon (A.), Dumortier, Jacques, Malou, Mercier, Orban, Rodenbach, Rousselle (Ch.), Vanden Branden de Reeth, Allard, Clep et de Baillet (Hyacinthe).
M. le président. - M. Lebeau est invité à énoncer les motifs de son abstention.
M. Lebeau. - Je n'ai pas pu voter pour le projet, parce que, malgré l'attention la plus soutenue avec laquelle j'ai suivi la discussion, il m'a été impossible de me rendre un compte exact des effets de la combinaison. ; d'un autre côté, le gouvernement n'intervenant pas d'une manière directe par une garantie d'intérêt, je n'ai pas voulu priver de l'importante voie de communication qui leur est depuis longtemps promise, des localités aussi importantes et aussi intéressantes que celles que le projet de loi concerne.
- L'article est ensuite mis aux voix et adopté.
M. le président. - Vient ici la proposition de la section centrale relative à Manage qui est ainsi conçue :
« Le gouvernement est autorisé à concéder le chemin de fer de Manage à la Sambre vers Erquelinnes.
« Le cautionnement, qu'il croira convenable de demander, sera fourni dans les trois mois de la publication de la loi et avant la signature dè l'arrêté de la concession. »
- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - La chambre a fini les concessions pures et simples, demain nous aborderons les travaux exécutés par l'Etat.
Des amendements ont été déposés, ils seront imprimés et distribués.
Je vais en donner lecture. Ils sont ainsi conçus :
« Travaux à la Meuse, dans la traverse de la ville de Liége, ayant pour objet d'améliorer les conditions de navigation et d'écoulement des eaux, à l'exclusion de tout le travail dont l'exécution préjugerait la question de dérivation de la rivière à travers le faubourg dit d'Outre-Meuse : fr. 500,000 francs.»
« Il est expressément entendu que quelles que soient les stipulations insérées dans les conventions annexées à la présente loi, la garantie du minimum d'intérêt ne pourra, dans aucun cas, obliger l'Etat à payer aux compagnies concessionnaires une somme supérieure à celle représentant 4 p. c. des capitaux dépensés pour la construction des chemins de fer garantis, dans les limites du maximum fixé pour chacune des lignes. »
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt) présente un projet de loi ayant pour objet l'approbation d'une convention relative à la navigalion dans la partie mixte de la Meuse.
La chambre donne acte à M. le ministre des affaires étrangères de la présentation de ce projet de loi, en ordonne l'impression, la distribution et le renvoi à une commission nommée par le bureau.
La chambre se forme en comité secret à 4 heures 1/2 ; elle se sépare à 4 heures 3/4.