(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 1243) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
- La séance est ouverte.
M. T’Kint de Naeyer lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. A. Vandenpeereboom présente l'analyse des pétitions qui ont été adressées à la chambre.
« Les habitants d'Ypres prient la chambre d'autoriser la compagnie Richards à exécuter le chemin de fer direct d'Ypres à Courtray par Menin. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les administrations communales de Philippeville, Florennes et Couvin prient la chambre de ne point décharger la compagnie concessionnaire du chemin de fer de l'Entre-Sambre-et-Meuse de l'obligation d'exécuter les embranchements de Florennes, Philippeville et Couvin. »
M. de Baillet-Latour. - Messieurs, je prie la chambre de vouloir bien renvoyer cette pétition à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport. La question dont il s'agit est d'une très haute importance, non seulement pour une localité, mais encore pour le pays tout entier qui sera doté d'une nouvelle ligne de communication internationale ; il faut donc qu'elle reçoive une prompte solution et que les travaux ne demeurent pas plus longtemps interrompus. Ce que je dis ici pour le chemin de fer de l'Entre-Sambre-et-Meuse, peut s'appliquer à toutes les lignes concédées dont l'exécution se trouve dans des conditions analogues, au chemin de fer du Luxembourg, à celui de la Flandre occidentale.
Ce qui concerne les lignes importantes doit être résolu dans le cours de cette session. Il est donc nécessaire que la commission des pétitions veuille bien présenter son rapport le plus promptement possible.
- La proposition de M. de Baillet-Latour est adoptée.
M. le président. - Messieurs, la commission dont la chambre, par suite de la motion de M. Delfosse, a confié la nomination au bureau, se compose de MM. Delfosse, de Theux, Devaux, Dedecker, de Perceval, Manilius, Dumortier, Orts et Pirmez.
- Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la chambre passe à la délibération sur les articles.
« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Traitement des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 484,200. »
- Adopté.
« Art. 3. Honoraires des avocats et avoués de l'administration.Frais de procédure, etc..
« Charge ordinaire : fr. 81,500.
« Charge extraordinaire : fr. 7,500. »
- Adopté.
« Art. 4. Frais de tournées : fr. 7,000. »
- Adopté.
« Art. 5. Matériel : fr. 45,000. »
- Adopté.
« Art. 6. Service de la Monnaie : fr. 42,000. »
- Adopté.
« Art. 7. Achat de matières et frais de fabrication de pièces de monnaie de cuivre, charge extraordinaire : fr. 100,000. »
M. Osy. - Messieurs, je crois que le gouvernement est occupé à faire une enquête dans le pays pour savoir si effectivement nous avons assez de cuivre en circulation. Je conviens que c'est un avantage pour le pays que de monnayer du cuivre, parce qu'enfin on obtient de ce chef un bénéfice de 45 p. c. Mais nous ne devons pas considérer seulement les revenus du trésor, nous devons aussi considérer les besoins du pays.
La chambre de commerce d'Anvers, dont j'ai l'honneur de faire partie, a été consultée, il y a peu de jours, sur les besoins, dans la province d'Anvers, de monnaie de cuivre ; mais l'opinion générale a été qu'il y ont avait suffisamment. Je dois même dire que, dans cette province, il y en a déjà trop ; car en général, dans les campagnes, les petits détaillants, ne recevant que du cuivre, ont beaucoup de difficulté à s'en défaire et à payer leurs loyers.
Je ne me refuse pas à accorder le crédit demandé par M. le ministre des finances. Mais je crois qu'avant de se décider à en faire usage, M. le ministre des finances devrait examiner les résultats de l'enquête qui vient d'être ordonnée.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, ce serait une très mauvaise opération, au point de vue des intérêts généraux du pays, que celle qui consisterait à fabriquer de la monnaie de cuivre outre mesure, sous prétexte que le trésor pourrait profiter d'une différence entre le taux de l'émission et la valeur réelle des pièces fabriquées.
Aussi longtemps que je serai au département des finances, une spéculation de ce genre ne se fera assurément pas. Il s'agit uniquement de rechercher quelle est la quantité de cuivre exigée par les besoins du pays, et cela est extrêmement difficile à déterminer. D'après la fabrication qui a eu lieu jusqu'à présent, nous n'avons pas encore atteint la proportion de ce qui existe dans d'autres pays, spécialement en France. Il y a quelques mois, le gouvernement avait recommandé de nouveau aux administrations, d'une manière toute particulière, et il avait de sérieuses raisons pour agir ainsi, de faire en sorte que la monnaie de cuivre étrangère fût repoussée de la circulation en Belgique. Des mesures ont été prises dans ce sens, et les particuliers s'y sont, en général, prêtés. Mais immédiatement des plaintes sont arrivées au département des finances sur l'insuffisance de la monnaie de cuivre ; on a même dû mettre en circulation une certaine quantité de cuivre qui était préparé pour être émis ultérieurement. Il n'y a eu à cela aucun inconvénient, mais les pièces qu'on a dû mettre en circulation au mois de décembre 1850 portaient déjà le millésime de 1851.
J'ai cru qu'il était indispensable, avant de prendre une mesure définitive, de rechercher par une enquête approfondie quels étaient les véritables besoins du pays. Cette enquête est commencée ; c'est seulement lorsqu'elle sera terminée que le gouvernement décidera s'il doit ou s'il ne doit pas faire emploi du crédit demandé.
M. Allard. - Je puis assurer l'honorable baron Osy que s'il y a trop de cuivre dans la province d'Anvers, il n'y en a pas assez dans le Hainaut où il y a une quantité d'ouvriers à payer et où la monnaie de cuivre française a entièrement disparu. J'ai fait moi-même des démarches auprès du ministère de la guerre pour qu'on payât la troupe avec du cuivre belge. J'engage donc M. le ministre des finances à faire frapper en toute sécurité la quantité de cuivre pour la fabrication de laquelle il demande un crédit.
M. Osy. - Messieurs, je suis d'accord avec l'honorable ministre des finances sur la nécessité d'éclaircir la question. Je n'ai parlé que de la province d'Anvers, et je crois que là il y a assez de cuivre. Je crois en outre que s'il manque du cuivre dans les autres provinces, il y en a beaucoup dans les caisses de l'Etat et qu'il faudrait s'attacher avant tout à mettre en circulation celui qui existe. Je vois, par exemple, qu'au chemin de fer, quand vous avez 25 centimes à recevoir, on vous rend du cuivre ; c'est un très bon moyen de mettre la monnaie de cuivre en circulation ; mais il y a une très grande différence entre la remise en circulation du cuivre qui se trouve dans les caisses de l'Etat et une fabrication nouvelle.
Du reste, je suis d'accord avec M. le ministre des finances qu'il faut attendre le résultat de l'enquête qui est ouverte, pour décider si l'on fera ou si l'on ne fera pas emploi du crédit demandé, et je ne puis nullement partager l'opinion de l'honorable député de Tournay, qui voudrait que le gouvernement prît immédiatement une résolution à cet égard.
- L'article est mis aux voix et adopté.
« Art. 8. Magasin général des papiers : fr. 115,000. »
- Adopté.
« Art. 9. Documents statistiques : fr. 19,500. »
- Adopté.
« Art. 10. Traitement des directeurs et agents du trésor : fr. 126,000. »
M. Osy. - Messieurs, la question réservée par la section centrale au chapitre II me paraît vidée par le vote émis avant-hier par la chambre sur la demande de crédit supplémentaire, émanée du ministère des finances.
Avant-hier, j'ai eu l'honneur de demander à M. le ministre des finances si l'on ne pouvait pas donner quelques occupations de plus aux agents du trésor. J'ai dit, qu'à mes yeux, il serait convenable que ces agents fussent munis de tous les rôles de contribution dans les provinces et dans les arrondissements ; qu'ils eussent un registre dans lequel less receveurs seraient crédités pour les versements faits par eux aux agents de la Banque. De cette manière, il y aurait une grande surveillance pour la rentrée exacte des fonds ; on aurait encore la certitude que les fonds sont bien et régulièrement versés au trésor.
J'ai pris depuis avant-hier des renseignements qui me donnent de plus (page 1244) en plus la conviction que le gouvernement ferait en cela une chose très avantgaeuse, sans un sou de dépense de plus pour l’Etta. Maintenant, ce sont les inspecteurs qui sont obligés de faire des tournées pour voir si effectivement les receveurs versent avec exactitude.
Je demande à M. le ministre des finances de vouloir bien examiner cette question.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, j'accueillerai toujours avec empressement les améliorations qui peuvent être introduites dans le service, et spécialement dans le service nouveau qui vient d'être organisé. Je ne me prononce pas d’une manière absolue sur l’idée émise par l’honorable M. Osy ; je ferai remarquer cependant que l’utilité de la mesure qu’il a indiquée ne me paraît pas, à la première vue, démontrée. Les receveurs de contributions ont des rôles, et ils doivent faire rentrer dans des délais déterminés les sommes dont ils sont chargés ; ils doivent régulièrement verser au trésor par douzième le montant de ces rôles. Les receveurs sont surveillés par les contrôleurs ; ces contrôleurs s'assurent non seulement si la recette a été bien et complètement faite, conformément à la loi, mais si les sommes reçues ont été versées au trésor ; il y a, en outre, l'inspecteur d'arrondissement qui surveille ; il y a l'inspecteur en chef ; il y a le directeur provincial ; il me paraît que cette hiérarchie administrative suffit complètement à assurer le service. Appliquer l'idée de l'honorable M. Osy, ce serait multiplier aussi d'une manière très notable les écritures, sans une utilité bien évidente. Or, nous devons surtout nous attacher à ne pas multiplier les rouages, les écritures, mais, au contraire, à les simplifier autant que possible.
- Personne ne demandant plus la parole, l'article 10 est adopté.
« Art. 11. Frais de bureau, de commis, de loyer, etc., des directeurs et agents : fr. 25,300. »
- Adopté.
« Art. 12. Caissier général de l'Etat : fr. 200,000. »
- Adopté.
« Art. 13. Surveillance générale. Traitements : fr. 331,400. »
- Adopté.
« Art. 14. Service de la conservation du cadastre. Traitements : fr. 304,700. »
- Adopté.
« Art. 15. Service des contributions directes, des accises et de la comptabilité. Traitements fixes : fr. 1,127,600. »
M. de Perceval. - J'ai quelques observations à soumettre à l'honorable ministre des finances au sujet des nominations des receveurs des contributions.
Sur nos neuf provinces, il y en a quatre où la langue flamande est généralement parlée dans les campagnes. Je désire que l'honorable ministre des finances veuille bien, dans le choix qu'il est appelé à faire des fonctionnaires de cette catégorie, placer dans les provinces flamandes des agents qui parlent la langue flamande.
Ainsi, dans plusieurs arrondissements où la langue flamande est la seule en usage, dans celui, entre autres, que j'ai l'honneur de représenter dans cette enceinte, je connais des receveurs qui ne savent pas un mot de flamand, et auxquels le gouvernement fait de la sorte une position qui n'est pas tenable.
Il est triste de voir des fonctionnaires presque incapables de remplir leurs fonctions vis-à-vis des administrés par suite de leur ignorance de la langue qu'on parle autour d'eux.
Il est plus triste encore de voir nos populations ne pas pouvoir s'aboucher avec des fonctionnaires, parce que ces derniers ne connaissent pas la langue qu'elles parlent.
Je soumets en toute confiance ces observatiors à l'honorable ministre des finances, et je manifeste formellement le vœu que dorénavant il nomme receveurs des contributions dans les provinces flamandes des fonctionnaires qui sachent parler la langue flamande ou du moins s'expliquer en flamand.
M. Allard. -Alors qu'on ne nomme pas des Flamands dans les provinces wallonnes. Sans quoi vous auriez double avantage.
M. de Perceval. - Je dois répondre immédiatement à l'honorable M. Allard, que les fonctionnaires flamands apprennent la langue française et la parlent, tandis que la plupart des fonctionnaires wallons n'apprennent ni ne parlent la langue flamande.
Si les fonctionnaires wallons voulaient se donner la peine, comme le font les fonctionnaires flamands, d'apprendre la langue qui leur est nécessaire pour remplir utilement et convenablement les postes que le gouvernement leur confie, ils pourraient être nommés pour desservir les provinces flamandes. Mais c'est ce qu'ils ne font pas, et je le regrette. Ce sont donc les provinces wallonnes qui laissent ici à désirer sous ce point de vue, et qui se trouvent en retard, et nullement les provinces flamandes. Que le fonctionnaire wallon imite le fonctionnaire flamand, qu'il apprenne la langue en usage dans les localités où il est appelé à exercer son mandat administratif, et les plaintes fondées dont je me suis rendu l'organe ne se reproduiront plus.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - En Belgique, et de par la Constitution, on a la liberté des langues ; il est libre à chacun de parler le français, le flamand ou l'allemand à son gré. En fait, les fonctionnaires flamands ont un avantage marqué sur les fonctionnaires wallons puisque, en réalité, ils peuvent remplir indistinctement leurs fonctions dans tout le pays ; mais, en règle générale, les fonctionnaires wallons ne peuvent être appelés à des fonctions que dans les provinces wallonnes. De là une situation assez fâcheuse pour ces derniers. Il ne faut pas l'aggraver sans nécessité.
Quant à l'observation que fait l'honorable M. de Perceval, l'administration, à toutes les époques, s'est attachée à n'envoyer dans les provinces flamandes, pour les emplois qui exigent des rapports directs et personnels avec le public, que des fonctionnaires qui pussent se mettre en relation avec les particuliers ; c'est non seulement son devoir, mais c'est son intérêt ; cela est constamment observé.
M. Coomans et M. de Perceval. - Il y a bien des exceptions.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je répète que l'administration, mes prédécesseurs pourront l'attester, s'est constamment attachée à agir ainsi.
Il est impossible que sans motif l'administration envoie dans une province flamande un Wallon qui ne pourrait pas entrer en communication avec les particuliers. Il y a des fonctions qui peuvent être remplies par des Wallons, dans les parties flamandes du pays.
Il ne faut pas que, sous prétexte qu'ils ne parlent pas le flamand, on prononce l'exclusion des Wallons de toute espèce de fonctions ailleurs que dans le pays wallon.
Il suffit que les fonctionnaires puissent assurer le service sans donner lieu à des plaintes légitimes de la part des particuliers.
Dans la province dont parle M. de Perceval, on s'est attaché à suivre la règle que je viens d'indiquer. Récemment, sur l'observation d'une administration locale, on a constaté qu'un employé qui ne trouvait pas sa résidence convenable, avait prétexté ne pas connaître le flamand pour obtenir un changement de résidence, bien qu'il fût en état de remplir ses fonctions. Je ne serais pas étonné que les plaintes dont l'honorable M. de Perceval se fait l'écho eussent leur source dans une circonstance analogue à celle que je viens d'indiquer.
On continuera, du reste, à suivre le principe qui doit être appliqué en cette matière : c'est de n'envoyer dans les provinces flamandes que des fonctionnaires en état d'y remplir convenablement leurs fonctions.
M. Rodenbach. - M. le ministre dit qu'en général l'administration s'est attachée à ne pas envoyer des Wallons dans les Flandres ; mais on vient de citer des faits contraires ; l'honorable député de Malines vous a dit que dans son district il y avait quatre percepteurs et autres employés qui ne savaient pas le flamand.
Cependant ces agents de l'administration, pour se mettre en contact avec les contribuables, doivent connaître la langue qu'on parle dans le pays où ils doivent exercer leurs fonctions pour donner les explications qu'on peut leur demander.
Quatre exceptions dans un seul arrondissement, c'est beaucoup ; l'honorable député de Turnhout a fait aussi de son banc une réclamation. M. le ministre dit, qu'en général, on n'envoie dans les Flandres que des fonctionnaires sachant le flamand. Je demande qu'on ne fasse pas d'exception dans l'intérêt de l'administration, comme dans l'intérêt des particuliers. Je prie MM. les ministres de prendre bonne note des observations de l'honorable député de Malines.
- L'article 15 est mis aux voix et adopté.
« Art. 16. Service des contributions directes, des accises et de la comptabilité. Remises proportionnelles et indemnités : fr. 1,385,000. »
- Adopté.
« Art. 17. Service des douanes et de la recherche maritime : fr. 4,003,550. »
- Adopté.
« Art. 18. Service de la garantie des matières et ouvrages d'or et d'argent : fr. 47,900. »
- Adopté.
« Art. 19. Suppléments de traitements : fr. 25,000. »
- Adopté.
« Art. 20. Traitements temporaires des fonctionnaires et employés non replacés, charge extraordinaire : fr. 115,000. »
- Adopté.
M. le président. - A la suite de cet article se trouve une note faisant partie du budget et de la loi ainsi conçue :
« (Les crédits portés aux articles 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19 et 20 du présent chapitre pourront être réunis et transférés de l'un de ces articles aux autres, selon les besoins qui résulteront de la mise à exécution de la nouvelle organisation de l'administration des contributions dans les provinces.)
Je la mets aux voix.
- Elle est adoptée.
« Art. 21. Frais de bureau et de tournées : fr. 46,640. »
- Adopté.
« Art. 22. Indemnités, primes et dépenses diverses : fr. 277,200. »
- Adopté.
« Art. 23. Police douanière : fr. 5,000. »
- Adopté.
(page 1245) « Art. 24. Matériel : fr. 140,000. »
- Adopté.
« Art. 25. Frais généraux d'administration de l'entrepôt d'Anvers : fr. 19,450. »
- Adopté.
« Art. 26. Traitement du personnel de l'enregistrement.
« Charge ordinaire : fr. 327,780.
« Charge extraordinaire : fr. 8,250.
« (La partie du crédit concernant les traitements des seconds commis pourra être transférée jusqu'à concurrence d'une somme de 7,280 fr. à l'article. 32, littera G, relatif au matériel et aux frais de bureau des directeurs.). »
- L'article et la note sont adoptés.
« Art. 27. Traitement du personnel du timbre : fr. 47,800. »
- Adopté.
« Art. 28. Traitement du personnel du domaine : fr. 103,745. »
- Adopté.
« Art. 29. Traitement du personnel forestier : fr. 241,900. »
- Adopté.
« Art. 30. Remises des receveurs. Frais de perception (crédit non limitatif) : fr. 772,500. »
- Adopté.
« Art. 31. Remises des greffiers ( crédit non limitatif) : fr. 46,000. »
- Adopté.
« Art. 32. Matériel : fr. 51,720. »
- Adopté.
« Art. 33. Dépenses du domaine : fr. 85,000. »
- Adopté.
« Art. 34. Premier terme des pensions à accorder éventuellement : fr. 17,500.
« Secours à des employés, veuves ou orphelins d'employés qui, n'ayant pas de droits à la pension, ont néanmoins des titres à l'obtention d'un secours, à raison de leur position malheureuse : fr. 7,500.
« Total : fr. 25,000. »
- Adopté.
« Art. 35. Dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 12,000. »
- Adopté.
« Art. 36. Administration centrale. Personnel : fr. 11,900. »
- Adopté.
« Art. 37. Administration centrale. Matériel : fr. 2,100. »
- Adopté.
« Art. 38. Remises et indemnités des fonctionnaires chargés de la recette et du contrôle (crédit non limitatif) : fr. 33,000. »
- Adopté.
L'article unique du projet est ainsi conçu :
« Article unique. Le budget du ministère des finances est fixé, pour l'exercice 1852 à la somme de dix millions huit cent soixante et onze mille cent trente-cinq francs (fr. 10,871,135), conformément au tableau ci-annexé. »
- Cet article est adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du budget ; il est adopté à l'unanimité des 69 membres présents.
Ce sont : MM. Dedecker, de La Coste, Delehaye, Delescluse, Delfosse, Deliége, de Meester, de Mérode-Westerloo, de Perceval, De Pouhon, Dequesne, de Renesse, de Royer, Destriveaux, de Theux, de T'SercIaes, d'Hoffschmidt, Dumont (Auguste), Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Jacques, Jouret, Julliot, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Malou, Manilius, Mascart, Mercier, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Pirmez, Rogier, Roussel (Adolphe), Rousselle (Charles), Sinave, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cleemputte, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Alph.), Vandenpeereboom (Ernest), Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Allard, Ansiau, Anspach, Bruneau, Cans, Cools, Coomans, Cumont, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Bocarmé, de Breyne, de Brouwer de Hogendorp et Verhaegen.
M. le président. - L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi allouant au département de l'intérieur un crédit de 500,000 fr. pour mesures relatives aux défrichements, aux irrigations et au drainage.
M. Malou. - Je proposerai à la chambre d'intervertir son ordre du jour, et de s’occuper en ce moment du feuilleton de naturalisations.
L’honorable rapporteur, pour le crédit de 500,000 francs, est encore absent aujourd’hui, mais il sera présent à la séance de demain.
Je crois qu’on ne s’attendait pas non plus à ce que la discussion du crédit de 500,000 fr. commençât aujourd’hui.
M. Osy. - J'appuie la proposition de l'honorable M. Malou. Moi-même je compte prendre part à la discussion du projet allouant un crédit de 500,000 francs, et j'avoue que je ne croyais pas qu'on l'aborderait aujourd'hui ; je ne suis pas préparé.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je demande la parole sur l'ordre du jour.
Messieurs, le gouvernement a annoncé depuis longtemps l'intention d'apporter des remèdes efficaces à la situation financière. Lorsque, en 1849, il a demandé la discussion d'un projet de loi dont la chambre est encore actuellement saisie, des objections de diverses natures ont été faites. Le gouvernement a compris dès ce moment qu'il importait avant tout de faire disparaître les divers obstacles qui sembleraient s'opposer à ce que des projets de loi d'impôts fussent accueillis par la chambre. J'ai attendu patiemment, sans m'émouvoir, des attaques qui étaient dirigées contre mon apparente inaction, que les obstacles que j'avais rencontrés fussent enfin levés. On ne peut plus se retrancher aujourd'hui sur les moyens qui étaient indiqués à cette époque comme étant de nature à faire face aux besoins du trésor.
Je viens, messieurs, demander la mise à l'ordre du jour du projet de loi sur les successions.
Mais ici une autre difficulté se présente. Le gouvernement a constaté à regret que le projet, en ce qui concerne la ligne directe, rencontrerait encore la même opposition, car un grand nombre de membres de cette chambre, convaincus que d'autres ressources seraient plus facilement acceptées par le pays, ne consentiraient à voter cet impôt que s'il leur démontré qu'il est indispensable d'y avoir recours. Je ne me fais, pour ma part, aucune espèce d'illusion à cet égard ; je ne mets pas mon amour-propre à nier que, dans l'état actuel des esprits, ce projet de loi échouerait probablement dans cette chambre et, dans tous les cas, au sénat.
Il est un moyen rentrant parfaitement dans le plan que nous avons suivi de constater si, en effet, on peut se dispenser de recourir à cet impôt si juste et si légitime. On nous disait, dans de récentes discussions : Présentez-nous des impôts acceptables et nous les voterons ; personne ne niait la nécessité de nouveaux impôts ; on s'occupait exclusivement du genre qu'il fallait préférer ; eh bien, messieurs, procédons ainsi.
Je tiendrai en suspens les dispositions relatives à la ligne directe, nous ne retarderons pas les autres améliorations que le projet de loi contient et qui sont de nature à procurer au trésor des ressources encore assez notables. Je proposerai immédiatement d'autres projets de loi. Je demanderai une certaine réforme dans la loi sur les bières et dans la loi sur les genièvres. D'autres propositions seront ensuite soumises à la chambre ; mais je demande que le premier objet à l'ordre du jour soit la loi sur les successions, qui sera amendée dans la discussion comme je l'ai indiqué, loi sur laquelle il a été fait rapport et dont la chambre peut s'occuper sans le moindre retard.
M. le président. - Je pense que M. le ministre entend demander que la chambre s'occupe du projet qu'il indique, à la suite des objets qui se trouvent déjà à l'ordre du jour ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Oui, M. le président. J'ajoute encore un mot. Il faut que les intentions du gouvernement soient bien connues en ce qui touche les mesures qu'il entend proposer. Le gouvernement a constamment déclaré qu'il poursuivait un double but ; c'est de rétablir et de maintenir l'équilibre dans les finances de l'Etat, c'est aussi de compléter l'exécution des travaux entrepris et qui sont si vivement réclamés par le pays. Le ministère espère que la chambre lui donnera son concours pour qu'il puisse bientôt proposer un ensemble de travaux, de nature à donner une légitime satisfaction à des besoins qui se font sentir depuis longtemps.
M. Dumortier. - Messieurs, la position que prend M. le ministre des finances dans le peu de paroles qu'il vient de prononcer, me paraît extrêmement équivoque. Que vous dit-on ? Nous reconnaissons que le projet de loi sur les successions, en ce qui concerne la ligne directe, aurait peu de chances de passer dans cette assemblée et serait certainement écarté dans l'une ou dans l'autre des deux chambres ; nous demandons cependant de remettre après deux ans à l'ordre du jour le projet de loi sur les successions, en ajournant toutefois la partie du projet qui concerne la ligne directe. Je présenterai, ajoute M. le ministre, des projets de lois ayant pour objet de modifier d'autres impôts, et je conserverai la partie de la loi sur les successions, qui est relative à la ligne directe, pour le cas où les autres impôts ne seraient point votés. Puis viendront des projets de loi pour des travaux publics. Je crois que c'est bien là la pensée de M. le ministre.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est évident.
M. Dumortier. - Ainsi j'ai bien compris. Eh bien, messieurs, il y a là deux choses étranges ; d'abord la scission (page 1246) d’un projet de loi présenté, non point par M. le ministre lui-même, mais présenté par le cabinet au nom de la Couronne ; il y a ensuite une autre chose, qui est singulièrement insolite, c'est que le gouvernement vient dire que lorsque nous aurons voté des fonds il présentera des projets de lois pour régler l'emploi de ces fonds. Mais, messieurs, je le demande, quelque chose de semblable s'est-il jamais passé dans une assemblée délibérante ? Voilà 21 ans que j'ai eu l’honneur d'être appelé dans cette chambre, et je n'ai jamais vu aucun gouvernement se conduire aussi cavalièrement envers la représentation nationale. Comment ! vous demandez des fonds à la chambre, sauf à venir dire ultérieurement l'emploi que vous voulez faire de ces fonds !
Mais si la chambre ne veut pas employer les fonds comme vous l'entendez, comment voulez-vous qu'elle les vote ? Si le gouvernement veut de nouvelles ressources et de nouvelles dépenses,il doit présenter simultanément à la chambre les lois d'impôt et les lois de dépenses, nous indiquer son système avec loyauté, comme on le fait pour les budgets ; c'est ici un budget extraordinaire, et on ne peut pas diviser un budget ; il est impossible de présenter le budget des recettes sans présenter en même temps le budget des dépenses. Il faut bien que la chambre sache et le pays a le droit de connaître à quoi sont destinées les sommes que vous voulez demander aux contribuables.
J'ai vu dans les journaux l'annonce de grands, de vastes travaux publics qu'il serait question d'exécuter au profit de certaines localités ; ces travaux publics, dit M. le minisire, le pays les appelle avec impatience, le pays, pour M. le ministre, ce sont les localités favorisées ; mais ce que nous savons de ces travaux n'a rien d'officiel ; la chambre n'est point saisie de la question ; elle ignore dans quelles dépenses on veut entraîner l'Etat. D'ailleurs il n'y a point eu de discours de la Couronne ; il n'y a point eu de programme du nouveau ministère ; nous ne savons pas dans quelle voie nous allons marcher. Nous allons au jour le jour, d'impôt en dépense, sans connaître le système du gouvernement et au mépris du gouvernement représentatif.
Tout cela, messieurs, est insolite et n'a aucun précédent, ni dans cette chambre, ni dans aucune assemblée délibérante quelconqne.
Venir scinder un projet de loi d'impôt, et vouloir laisser la moitié de cette loi comme une menace suspendue sur la tête de l'assemblée pour le cas où, se montrant enfin indépendante, elle n'adopterait pas les propositions du gouvernement ; vouloir faire ainsi passer la chambre sous les fourches caudines du ministère, c'est une chose dont il n'y a d'exemple, je le répète, dans aucune assemblée délibérante. C'est afficher un cynique mépris pour le pays et pour la chambre. C'est se jouer du parlement ; c'est se jouer du pajs que d'agir de la sorte. Ce serait dire au pays que la chambre est disposée à passer par toutes les volontés du cabinet, qu'elle ne peut point lui résister.
Il n'y a pas d'exemple d'une conduite semblable ; ce n'est pas là agir avec franchise ; c'est là une conduite occulte que le gouvernement ne devrait jamais tenir dans un pays aussi sage, aussi respectable que la Belgique.
Je demande donc que le gouvernement présente simultanément tous les projets de loi de recette et de dépenses, pour que la chambre et le pays pussent connaître, avant tout, la véritable situation dans laquelle on veut les placer. Mais vouloir nous mettre, nous membres de la chambre des représentants, nous qui sommes envoyés ici par le peuple ; vouloir nous mettre dans une posision aussi fausse, aussi équivoque, c'est ce que nous ne pouvons pas accepter, c'est ce que, tous, nous devons repousser, à quelque opinion que nous appartenions d'ailleurs. Il faudrait que la chambre fût transformée à l'état de momie, pour passer par ces conditions ; et elle prouvera qu'elle ne l'est pas.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je n'accepte pas de leçons de franchise de la part de l'honorable M. Dumortier...
M. Dumortier. - Pourquoi ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). Parce que vous n'avez pas le droit de m'en adresser.
M. Dumortier. - J'ai ce droit.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Moins que personne.
M. Dumortier. - Plus que personne.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est précisément parce que vous avez moins que personne le droit de donner des leçons de franchise que je conteste la prétention que vous élevez.
L'honorable M. Dumortier se plaint d'un manque de franchise dans la communication que je viens de faire à la chambre. Qu'est-ce que le gouvernement a dissimulé dans cette affaire ? Que tient-il sous le boisseau ? Absolument rien. Le gouvernement vient répéter, relativement aux impôts, ce que tant de fois, dans cette chambre, il a annoncé.
Le gouvernement reconnaît que, dans l'état actuel des esprits, il serait impossible de faire adopter l'impôt sur les successions en ligne directe ; il annonce franchement qu'ils ne le soumettra pas aux délibérations ; il ajoute tout aussi franchement qu'il le tient en suspens. (Interruption.)
M. Rodenbach. - Le gouvernement recule...
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable interrupteur prétend que le gouvernement recule. Mais alors, lui, adversaire de la loi, de quoi se plaint-il ? Ne doit-il pas apprendre avec plaisir qu'on ne soumette pas au vote de la chambre l'impôt sur les successions en ligne directe. De quoi vous plaignez-vous ? De ce que le gouvernement ne l'abandonne pas ; de ce que le gouvernement ne vient pas vous dire qu'il condamne ce principe et que si, par impossible, vous rejetiez tous les impôts, il ne vous proposera pas l'impôt des successions en ligne directe ?
Il faut avouer que c'est là une singulière prétention ! L'honorable M. Dumortier a-t-il le droit d'interdire au gouvernement d'agir ainsi, de présenter ultérieurement ce projet de loi ? Si l'on n'accepte pas d'autres impôts, faut-il que le gouvernement se condamne à ne pas rétablir l'équilibre dans les finances, équilibre qui n'a pas été rompu par nous ?
L'honorable M. Dumortier me paraît, d'ailleurs, anticiper sur la discussion, lorsque dans la seconde partie de son discours, il nous dit que jamais un gouvernement ne s'est permis d'annoncer des projets de loi d'impôt, sans annoncer en même temps les projets de loi de travaux publics ; l'honorable M. Dumortier se trompe étrangement ; mais l'honorable membre est beaucoup trop impatient ; il doit attendre un peu, et il verra ultérieurement quelles seront les propositions du gouvernement ; il les appréciera ; mais jusqu'à présent sa condamnation est un peu anticipée.
On sait que l'honorable membre se montrera invariablement l'adversaire du cabinet, qu'il approuvera fort peu les mesures qui seront présentées par lui ; mais ce n'est pas une raison pour qu'il mette tant de précipitation à condamner, sans le connaître, ce que le ministère proposera.
Il n'y a absolument aucun motif pour ne pas accueillir la demande que fait le gouvernement de mettre à l'ordre du jour, à la suite des objets qui y sont déjà, un projet de loi qui a été examiné et sur lequel une discussion a même été ouverte.
M. Osy. - Messieurs, je m'oppose pas à la mise à l'ordre du jour. Pour ma part, je désire que cette question, en suspens depuis deux ans, soit enfin vidée.
Je dois dire au gouvernement que la marche qu'il veut suivre n'est pas régulière.
Il y a dans la loi sur les successions deux parties : la ligne directe et la ligne collatérale. On demande une augmentation pour la ligne collatérale, augmentation que je pourrais peut-être accorder si je suis sûr qu'on retire définitivement la partie de la loi relative à la ligne directe.
Je sais bien que, lors de la discussion d'une loi, le ministère peut retirer telle ou telle partie de la loi ; mais dans une loi de cette importance, le retrait de la disposition concernant la ligne directe devrait être prononcé par arrêté royal. Je regrette beaucoup que le gouvernement nous dise : « Je réserve cette partie de loi. » C'est une menace continuelle pour le pays.
Le gouvernement nous a annoncé de nouveaux projets d'impôts.
Certainement le gouvernement peut proposer de nouveaux impôts pour combler le déficit du trésor ; il est du devoir du gouvernement de faire disparaître ce déficit le plus tôt possible ; mais par suite d'une mesure récente, ce déficit n'est plus que de 25 millions ; eh bien, je crois qu'avec la loi de contribution personnelle, qui est présentée depuis dix-huit mois, et avec la loi de succession, le gouvernement pourrait très bien combler le déficit.
Maintenant, le déficit une fois comblé, je pense avec l'honorable M. Dumortier que pour les nouveaux impôts, le gouvernement, en les proposant, devrait présenter en même temps les lois de dépense.
Car il est certain que moi qui voudrais autoriser quelques-unes des dépenses que le gouvernement se propose de faire, je ne voterai pas des impôts nouveaux, sans savoir comment on les emploiera. J'engage le gouvernement, d'ici à la semaine prochaine, à retirer d'une manière régulière la partie du projet qu'il ne veut pas faire discuter et à présenter en même temps les lois d'impôt et de dépense, afin que nous puissions juger exactement la situation du trésor et les besoins de l'Etat.
M. Dumortier. - Je ne sais pas si je dois m'abaisser au point de repousser le reproche de manquer de franchise que m'adresse le ministre des finances. J'attendrai pour le faire que ce reproche me soit adressé par quelqu'un qui puisse se présenter comme la franchise incarnée ; et certes ce ne sera jamais le ministre des finances qui pourra, avec raison, se poser ainsi.
J'ai dit que la conduite tenue par le gouvernement dans cette circonstance était un manque de franchise. Je répète le mot. Oui, c'est un manque de franchise, car vous ne retirez pas la partie de votre projet qui concerne la succession en ligne directe. Vous ne dites pas si vous le retirez, vous le conservez comme une menace, si la chambre ne se soumet pas à vos volontés. Vous l'avez présenté par arrêté royal, où est l'arrêté royal qui le retire ? Vous l'ajournez, avez-vous dit dans votre premier discours ; et dans le deuxième vous l'abandonnez, vous faites comme s'il était retiré. C'est là un premier manque de franchise, un manque de sincérité, car où est la vérité entre ces deux assertions ?
Le deuxième manque de franchise, c'est de dire à la chambre que vous lui présenterez des lois de dépenses pour des travaux publics, sans qu'elle sache quelles seront ces travaux et s'ils nécessitent, s'ils justifient les impôts que vous demandez. Ainsi, messieurs, on vous convie à mettre des impôts nouveaux sur les contribuables,et on vous laisse ignorer à quoi ils seront employés.
On vous convie à établir de nouvelles contributions, sans dire à quels travaux on veut les appliquer. Je dois le dire, jamais pareille chose ne s'est vue dans aucune assemblée délibérante, et c'est affecter le plus profond mépris pour le gouvernement constitutionnel. Il est arrivé qu'on a présenté des dépenses avant de présenter les moyens d'y faire face ; du moins le pays savait la marche dans laquelle on entrait.
(page 1247) Mais jamais on n'a proposé des impôts destinés à couvrir des dépenses sans indiquer les dépenses auxquelles on les destinait. C'est en cela que consiste le second manque de franchise que je signale à la chambre et au pays. Il importe que le pays sache à quoi on vaut faire contourner les fonds qu'on lui demande. C'est un point que nous devons éclaircir avant de voter aucun impôt nouveau ; car si jamais nous avons notre responsabilité engagée envers ceux dont nous sommes les mandataires, c'est dans une circonstance semblable, lorsqu'il s'agit d'établir de nouveaux impôts sur le peuple. Il faut que nous puissions justifier le vote que nous avons à émettre, et pour cela il faut que le pays sache à quoi sont destinés les impôts nouveaux que vous nous conviez à voter.
Et puis, voyez. On nous propose d'aborder la loi des successions après le budget des affaires étrangères.
Or, il est présumablc que demain vous aurez épuisé votre ordre du jour, peut-être même aujourd'hui ; vous n'avez que le crédit de 500,000 fr. et le budget des affaires étrangères, qui ne vous prendra pas plus de temps que le budget des finances. Vous avez donc uniquement un article à l'ordre du jour qui, sans doute, sera épuisé demain. Or, j'en appelle à la loyauté de vous tous ; pouvez-vous entamer cette discussion, alors que beaucoup de membres sont absents qui ne savaient pas qu'on aborderait un objet de cette importance ? Cette discussion peut venir après-demain... (interruption) ou lundi.
Je vous le demande, pouvons-nous mettre des lois de cette gravité à l'ordre du jour sans qu'aucun de nous soit préparé à la discussion ? Il y a deux ans que nous avons perdu ce projet de vue. Si vous vouliez faire discuter cette loi, qui depuis deux ans semblait retirée, il y a six semaines que vous auriez dû nous prévenir que nous devions nous préparer pour la rentrée ; mais vous voulez nous prendre à l'improviste pour escamoter, en quelque sorte, cette grave discussion ; sans cela vous ne nous demanderiez pas de discuter après-demain un projet de cette nature.
Cela ne peut pas se faire sans que la chambre devienne un objet de dérision pour le pays ; elle se montrerait ministérielle comme on n'en a jamais vu, si elle acceptait l'humiliation qu'on veut lui imposer.
Je ne m'attendais pas à voir entamer ainsi inopinément une discussion semblable, et précisément parce que je ne m'y attendais pas, je suis convaincu que tous mes collègues sont dans la même position, aussi bien ceux qui veulent appuyer que ceux qui veulent combattre le projet, et que personne n'est préparé.
Mon honorable ami, M. Malou, me fait remarquer qu'on ne sait pas même ce qu'on discutera. On nous propose de mettre une loi en discussion et on ne nous dit pas ce qui constituera cette loi ; une fois on nous dit qu'on retranche la partie relative à la succession en ligne directe, une autre fois on nous dit qu'on ne l'abandonne pas, qu'on l'ajourne pour la discuter si la chambre ne se soumet pas ; nous ne savons pas laquelle des deux versions est la sincère. Il est impossible de mettre à l'ordre du jour une proposition dans cet état.
Je demande d'ailleurs que la chambre, et j'insiste sur ce point, ne consente à mettre une loi d'impôt à l'ordre du jour qu'après que le gouvernement aura fait connaître les dépenses que doivent couvrir les fonds qu'il demande.
Vous avez voté le budget des recettes et des dépenses présentant un million et demi à deux millions d'excédant de recettes sur les dépenses ; et le budget de la guerre a été voté à un chiffre que le gouvernement n'a pas l'intention de maintenir, puisqu'il nous a déclaré qu'il entre dans ses vues de l'abaisser à 25 millions.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Si c'est possible sans porter atteinte à la force organique de l'armée.
M. Dumortier. - Nous verrons ce que vous entendez par là ; au reste, je vous appuierai quand il s'agira de maintenir la force et l'organisation de l'armée ; je serai alors plus ministériel, plus gouvernemental que vous ; car, pour moi, c'est la garantie de l'indépendance du pays. Mais ce n'est pas pour cette indépendance que vous demandez des fonds ; l'armée, vous l'avez sacrifiée à l'esprit de parti ; les impôts, vous les voulez pour favoriser les intérêts de certaines localités ; alors rien ne vous coûte.
Il est impossible, dans la situation où nous nous trouvons, de demander de nouveaux impôts aux contribuables avant qu'une discussion approfondie n'ait fait connaître l'emploi qu'ils doivent avoir.
- Un membre. - Couvrir le déficit !
M. Dumortier. -Vous ne le couvrirez pas par ce moyen.
D'ailleurs, nous ne connaissons pas la situation du trésor, qui est blanche ou noire, suivant les besoins du minisire des finances. Ce que l'on fait aujourd'hui le voici : On prend la chambre à la gorge à l'improviste ; on lui dit : Vous voterez ce que je vous demande de voter ; je ne vous ferai connaître ni les besoins du trésor, ni les travaux publics que je me propose d'entreprendre, et vous voterez, les yeux bandés, des contributions sur le peuple. Voilà ce que le ministre vient nous dire.
Je vous demande si c'est comme cela qu'agit un gouvernement qui respecte l'assemblée à laquelle il s'adresse, un gouvernement qui respecte sa majorité ? Ne doit-il pas craindre de lui faire perdre toute considération dans le pavs, de l'avilir à ce point, qu'on ne la considérerait plus que comme l'instrument servile des volontés du ministère, même pour les choses les plus contraires aux intérêts du pays ?
Je n'appartiens pas à la majorité, mais si j'y appartenais, je me révolterais contre une pareille conduite de la part du ministère.
Je maintiens donc qu'il est impossible, dans la situation actuelle, de discuter le projet de loi sur les successions, et qu'avant d'examiner ce projet de loi nous devons examiner la situation financière du pays, et puis ensuite connaître à quelle destination le gouvernement entend appliquer les fonds qu'il nous demande aujourd'hui de voter.
M. le président. - La proposition suivante vient d'être déposée : « Je propose de ne pas mettre le projet de loi sur les successions en ligne directe a l'ordre du jour avant jeudi prochain.
« (Signé) Osy »
M. Osy. - Je fais cette proposition, parce que je désire que tous nos collègues, qui sont absents, puissent être prévenus pour une loi aussi importante.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne m'y oppose pas.
M. Osy. - Très bien ! Mais je n'ai pas fini.
J'ai deux motifs pour faire ma proposition : le premier, c'est que nos collègues sachent bien qu'avant jeudi on ne s'occupera pas de cette loi ; le second, c'est que j'espère que d'ici à jeudi le gouvernement voudra bien nous faire connaître comment il veut que nous discutions le projet de loi sur les successions en ligne directe ; car je proposerais d'augmenter les droits sur les successions en ligne collatérale, si, par arrêté royal, le droit sur les successions en ligne directe était retiré. Sans quoi, je ne ferai pas cette proposition.
Comme l'a dit l'honorable M. Dumortier, il faut que nous sachions ce que l'on nous demande. Il ne faut pas que l'impôt sur les successions en ligne directe reste suspendu sur nos têtes, comme l'épée de Damoclès, ainsi qu'il l'est depuis deux ans.
Je demande que le gouvernement y réfléchisse jusqu'à jeudi, pour que nous sachions à quoi nous devons nous en tenir ; car le vote de beaucoup de nos collèges sera subordonné à la décision qui sera prise au sujet du droit sur les successions en ligue directe.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai fait connaître dès aujourd'hui à l'honorable M. Osy quelles sont les intentions du gouvernement quant à l'impôt en ligne directe. J'ai l'honneur de répéter à la chambre ce que j'ai dit tout à l'heure : inutile de soumettre cette disposition à un vote dans l'état actuel des esprits. J'userai de mon droit de déclarer lorsque cette disposition sera mise en délibération ; je la tiens en suspens...
M. Dumortier. - Vous n'avez pas ce droit-là.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Comment ! lorsqu'une loi est en discussion, je n'ai pas le droit d'en retirer un article, de renoncer à une disposition et en le faisant de déclarer que je la tiens en suspens ! Je n'ai pas le droit de changer, de modifier, d'amender un projet de loi ! Jouons-nous sur les mots ou faisons-nous quelque chose de sérieux ? Que peut signifier la proposition de M. Osy ? Retirez la disposition par arrêté royal, dit cet honorable membre et je me tiendrai pour satisfait. Mais pourquoi suivrais-je cette marche insolite pour plaire à l'honorable membre ? Et d'ailleurs, retirer par arrêté royal, en résulterait-il qu'il est interdit de la proposer de nouveau ?
M. de Bocarmé. - Cela donnera plus de sécurité.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - En quoi trouverez-vous plus de sécurité, alors que deux fois par arrêté royal cet impôt vous a été proposé ?
L'honorable M. Osy nous dit qu'il voterait probablement une augmentation sur la ligne collatérale s'il avait la certitude que l'impôt en ligne directe ne serait pas ultérieurement représenté. Mais quel gouvernement peut donner à l'honorable M. Osy la garantie qu'il réclame ? (Interruption.)
Vous ne demandez pas de garantie, dites-vous, donc vous ne demandez rien en réalité ; vous ne demandez rien qui puisse être utile, efficace ; c'est sans objet. Tous les jours, dans la discussion des projets de loi, le gouvernement abandonne des dispositions qu'il a présentées, et il use de la liberté de faire connaître ses intentions en agissant ainsi ; j'entends encore en user.
J'ai le droit de demander la mise à l'ordre du jour du projet de loi tel qu'il a été présenté, me réservant de faire à l'égard de ses dispositions, ce que je trouverai convenable dans la discussion, d'accord, bien entendu avec la volonté à laquelle l'honorable M. Osy vient de faire allusion, comme nous (erratum, p. 1256) devons être d'accord avec cette volonté sur toutes les dispositions que nous soumettons à la chambre.
Je demande donc la mise à l'ordre du jour du projet de loi tel que je l'ai présenté. J'exprimerai dans la discussion mon opinion sur chacune des dispositions, je les amenderai, je les modifierai ; je les retirerai ; c'est mon droit et je n'accepterai point l'espèce de contrainte que veut me faire subir l'honorable M. Osy.
L'honorable M. Osy demande pourquoi, lorsque nous ne persistons pas à demander l'impôt sur les successions en ligne directe, nous ne retirons pas par arrêté royal royal cette partie de la loi. J'en ai dit déjà les motifs ; ils sont péremptoires. Si le principe était abandonné, si le ministère annonçait qu'il y renonce, même dans le cas où d'autres projets seraient repoussés, il y aurait au moins une apparence de raison dans la demande de l'honorable M. Osy.
Mais le principe n'est pas abandonné : je déclare que, dans l'état actuel des esprits, il serait impossible de le faire prévaloir ; je le regrette profondément, car il n'est pas d'impôt plus juste, plus légitime. Mais ce dont je me préoccupe, c'est de notre situation financière, parce que, en face des éventualités de 1852, il est plus que jamais nécessaire de fortifier nos finances ; parce que, en face de la situation où se trouve l'Europe, il importe d'agir avec prévoyance et avec prudence (page 1248) pour que les sources du travail ne viennent pas tout à coup à se tarir au milieu de nous.
S’il est évident qu'il faut préparer les moyens de maintenir le travail, nous voulons le faire dès aujourd'hui, et non lorsqu'il sera peut-être trop tard et que nous serons alors condamnés à dépenser des millions, en pure perte, en imposant au pays les plus durs sacrifices.
Hâtons-nous pendant qu'il en est temps encore ; établissons sur des bases solides les finances de l'Etat ; préparons sur tous les points du pays des éléments de travail et nous contribuerons à sauvegarder nos institutions, la sécurité, la tranquillité dont nous avons joui jusqu'aujourd'hui.
Libre à l'honorable M. Dumortier de prétendre que notre situation financière ne réclame aucune amélioration. C'est une illusion que le premier événement grave viendrait bientôt dissiper et qui s'évanouira pour lui-même dans la prochaine discussion.
Qu'il ne se complaise point à parler de la balance de nos budgets. Elle fut toujours apparente et non réelle ; elle fut toujours renversée par les crédits votés en dehors du budget.
Lorsque le budget avait un excédant plus notable que le dernier budget dont parle l'honorable M. Dumortier, lorsque les recettes et les dépenses se balançaient en apparence, que trouvait-on en définitif ? Un déficit. Et le déficit s'est accru d'année en année, et il continuera de s'accroître si l'on n'a pas le courage d'y pourvoir.
Nous disons donc que c'est un besoin impérieux de trouver des ressources. Nous nous préoccupons avant tout moins du genre des recettes que de la nécessité de couvrir toutes nos dépenses, La question de savoir quels sont les impôts qui pourraient le mieux convenir est importante assurément ; mais elle est secondaire ; et d'ailleurs on ne peut rien contre des répugnances qui semblent encore invincibles.
Le plus urgent, c'est d'empêcher le déficit de continuer à s'accroître ; c'est de préparer les moyens de parer à la situation qui s'annonce, car il ne faut pas oublier que nous avons en face de nous une éventualité qui peut être terrible.
M. Rodenbach. - Je n'ai demandé la parole que pour appuyer en partie ce qu'ont dit l'honorable député d'Anvers, et mon honorable collègue le député de Roulers. Il faut d'abord que le gouvernement nous prouve la nécessité d'une augmentation d'impôts. (Interruption.) Jusqu'à présent, cette nécessité ne nous a pas été démontrée ; on ne nous a pas fait connaître la situation financière du pays.
L'honorable député d'Anvers, qui certes est aussi bon financier que l'honorable ministre, vient de vous déclarer que le déficit pourra être comblé, et je pense que l'honorable député d'Ypres, qui a demandé la parole, appuiera cette déclaration.
L'honorable M. Osy nous a dit qu'il craignait qu'on ne remît plus tard en discussion la loi sur les successions en ligne directe. Je ne partage pas sur ce point l'opinion de l'honorable membre.
J'ai la conviction intime que jamais, en Belgique, on ne votera cette mauvaise loi ; si elle pouvait obtenir une majorité dans cette chambre, je suis certain qu'elle serait repoussée dans une autre enceinte.
Il paraît que nous allons nous occuper jeudi de la discussion d'un projet sur les successions en ligne collatérale. J'ose espérer que la chambre ne votera pas ce projet avec accompagnement du serment. Je pense que les patriotes qui sont dans cette chambre, et il en est d'excellents dans cette enceinte, ne consentiront jamais à l'adoption d'une pareille mesure. Il y en a peut-être parmi eux qui ont signé, il y a 22 ans, des pétitions dans lesquelles ils condamnaient le serment, l'un des griefs principaux dont ils demandaient le redressement, et j'espère qu'ils n'oublieront pas les antécédents de notre glorieuse révolution.
M. de Theux. - Je ne veux pas anticiper sur la discussion.
Je reconnais, messieurs, que le gouvernement est dans son droit, de ne pas retirer la partie de la loi qui concerne l'impôt sur les successions en ligne directe. Il persiste dans l'intention de nous représenter un jour cette disposition, ou au moins d'en demander la discussion. Mais si le gouvernement a intérêt à agir ainsi pour ne pas annoncer en quelque sorte l'abandon d'un principe qu'il a proclamé si bon, je crois que la chambre a aussi un droit, et qu'il est de sa dignité d'en user : c'est de discuter cette question du droit sur les successions en ligne directe en même temps que celle du droit sur les successions en ligne collatérale, de ne pas accepter la division que l'on demande et de se prononcer sur cette première question.
Je pense qu'un ajournement indéfini, dans les circonstances actuelles, serait contraire à la dignité de la chambre. Déjà par une condescendance extraordinaire, elle a accepté un premier ajournement au moment où elle allait prononcer le rejet du projet. Dans ces circonstances, accepter un nouvel ajournement ce serait, selon moi, suivant ma franche appréciation, un manque de dignité.
M. Malou. - Messieurs, l'organe du gouvernement nous demandait tout à l'heure ce qu'il tenait sous le boisseau. Je réponds : Il y tient presque tout. En effet, il ne lève pour la chambre qu'un coin du voile, et il nous laisse ignorer presque tout son système. Ce système ne nous est pas soumis.
Une discussion d'ensemble et sur notre situation financière, et sur les moyens de l'améliorer, sur la nature des dépenses les plus utiles qui pourraient être faites, est complètemenl impossible d'après la marche que l'on vous propose de suivre.
Il semblerait vraiment, messieurs, en s'engageant dans une pareille voie, que l'on fait de l'impôt pour de l'impôt, comme on a dit quelquefois que l'on faisait de l'art pour l'art.
L'impôt est un mal, selon moi, un mal nécessaire, inévitable, qui ne se justifie que par des compensations d'intérêt, j'allais presque dire de nécessités publiques. Il ne suffit pas, selon l'esprit de nos institutions, que cette nécessité existe pour nous. Il faut qu'elle soit évidente pour le pays. A quelque partie de cette chambre que nous appartenions, nous devons vouloir que cette nécessité soit évidente pour tous, et comment pourrait-elle l'être, lorsqu'une discussion est impossible, lorsqu'on se borne à vous dire : Je vous prie de mettre à l'ordre du jour un des projets de loi qui vous sont présentés ; je vous en présenterai d'autres sur les bières et sur les genièvres ; devinez, si vous pouvez, ce que seront ces projets. Les ressources que j'aurai, si j'en ai, je les appliquerai à fortifier la situation financière, et surtout à l'exécution de grands travaux publics ; et en même temps l'on nous fait une improvisation magnifique sur les éventualités de 1852, sur les dangers que l'avenir récèle dans ses flancs.
Que pouvons-nous démêler dans de pareilles contradictions ? S'agit-il de faire ce que peut exiger la situation actuelle des finances, en vue de ces éventualités politiques dont nous devons tenir compte ? S'agit-il, au contraire, à la veille de ces éventualités, que l'on dépeint si redoutables, de se lancer à l'aventure dans d'immenses travaux publics, comme on vous le proposait à la veille des événements de 1848 ? Ou vous voulez une chose, ou vous voulez l'autre. Mais si vous avez raison d'être effrayés de ces éventualités, vous ne pouvez demander à la chambre de voter des impôts non définis pour des travaux qui sont également indéterminés dans votre pensée comme dans la nôtre.
Pour pratiquer d'une manière sérieuse le gouvernement constitutionnel, en d'autres termes, si vous voulez, vous ministre, et nous représentants, que nous puissions remplir notre mandat en conscience, il faut que vous fassiez connaître votre système financier tout entier, que ce système, recettes et dépenses, soit soumis à notre appréciation, à l'appréciation du pays.
C'est le contraire que vous faites ; et si un bon conseil, parti de nos bancs, pouvait être accueilli par le ministère, je lui dirais : Ne suivez pas cette voie, parce que vous vous affaiblissez non seulement pour les impôts que vous voulez créer, mais aussi pour les dépenses.
On ne saura ce que vous voulez proposer ou faire, et dans une pareille position, je ne crains pas de le dire, les échecs se succéderont, comme le premier vous est arrivé, lorsque vous avez voulu l'établissement d'un impôt sur les successions en ligne directe, et le serment.
Messieurs, en ce qui concerne les prérogatives du gouvernement, je ne veux ni les amoindrir, ni les étendre. Mais comme notre droit est également incontestable, si le projet de loi sur les successions est mis en discussion, je proposerai que la chambre émette un vote sur les successions en ligne directe ; ce vote aura un caractère sérieux, il démontrera que la chambre ne partage pas l'opinion du ministère sur cet impôt et que pour quelques années du moins, sinon pour toujours, car tout est temporaire, elle ne veut pas accepter le principe que le cabinet déclare ne pas abandonner.
La chambre déclarera qu'elle le proscrit, parce que le ministère ne l'abandonne pas.
Je disais tout à l'heure, en interrompant mon honorable ami M. Dumortier, que nous devrions connaître la pensée du gouvernement sur le projet de loi concernant les successions. Dans une discussion de cette importance, le gouvernement communique toujours d'avance à la chambre les amendements qu'il introduit dans un projet de loi... (Interruption.) Je demande que les modifications que le gouvernement entend introduire dans le projet de loi sur les successions soient imprimées et distribuées ; nous verrons alors si nous devons en proposer le renvoi à la section centrale. Si le ministère ne veut pas entrer dès à présent dans cette voie que je lui indiquais tout à l'heure, s'il ne veut pas immédiatement saisir la chambre de l'ensemble de son système, qu'au moins il nous fasse, avant l'ouverture de cette discussion, un rapport complet. J'en fais, du reste, la proposition formelle : je demande que la chambre n'aborde pas la discussion du projet de loi sur les successions avant que le gouvernement ne nous ait fait connaître son système quant aux impôts et quant aux dépenses. Ces deux questions sont connexes dans l'esprit de chacun de nous. Si les projets de loi ne sont pas préparés, qu'on nous dise au moins quelle sera la destination de chacun des impôts qu'on demandera et quels sont ces impôts ; voilà ce qui doit être fait si l'on veut une discussion sérieuse. Pour moi, messieurs, j'ai la conviction qu'une très grande partie des ressources nouvelles qu'on veut créer seront destinées à des travaux publics nouveaux. Je ne suis pas hostile aux travaux publics, mais je ne veux pas voter des impôts sans connaître à quels travaux le produit doit s'appliquer.
M. Coomans. - Les travaux publics sont secrets. (Interruption.)
M. le président. - La proposition de M. Malou consiste à demander que la chambre n'aborde pas la discussion de la loi sur les successions avant que le gouvernement n'ait présenté son système sur les impôts et sur la destination qu'il veut donner à ces impôts.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, le gouvernement a demandé la mise à l'ordre du jour de la loi sur les successions. L'honorable M. Osy a proposé que la discussion ne commençât que jeudi prochain.
Bien que les membres de la chambre connaissent parfaitement toutes les questions qui se rattachent à cette loi, attendu qu'elle a déjà été discutée, (page 1249) nous ne voyons pas d'inconvénient à nous rallier à cette proposition de l'honorable député d'Anvers.
Reste à savoir si la chambre aura de quoi remplir ses séances de lundi, mardi et mercredi, car il importe de ne pas perdre de temps.
Le gouvernement eût été parfaitement dans son droit s'il s'était borné à demander la mise à l'ordre du jour d'un projet de loi qui n'a point été retiré ; mais il a voulu faire connaître en même temps à la chambre quel était le système qu'il entendait suivre, et dans la proposition des impôts, et dans leur application.
La première condition à remplir, messieurs, pour le gouvernement, et la première destination à donner à l'impôt, c'est le payement de nos dettes, de nos dettes anciennes, que l'administration actuelle n'a pas créées, qu'elle a plutôt trouvé le moyen d'amoindrir. Les dettes payées, il y a d'autres devoirs à remplir. Personne n'ignore, je présume, que tout n'est pas fini dans le pays en ce qui concerne les travaux publics. Beaucoup de travaux importants se trouvent suspendus, d'autres sont réclamés depuis longtemps et doivent figurer au même titre dans le programme des travaux dont le gouvernement veut faire décréter l'exécution. Sous ce rapport, messieurs, il ne faut pas de grands efforts de mémoire pour reconnaître quels sont les projets du gouvernement.
Le 23 février (nous tenons aussi à constater cette date), le 23 février 1S48, le gouvernement avait proposé à la chambre un système complet de travaux publics ; c'est là qu'est déposée sa pensée. C'est encore dans le projet de loi déposé le 23 février 4848 que nous irons chercher les éléments des lois nouvelles qui vous seront présentées.
On trouve extraordinaire qu'avant de commencer les travaux publics, le gouvernement vienne demander à la chambre les ressources qui doivent couvrir les dépenses occasionnées par ces travaux ; il serait bien plus extraordinaire que le gouvernement vînt vous proposer des travaux publics alors qu'il ne demanderait pas en même temps les moyens de couvrir la dépense. Cette marche qu'on nous conseille, cette marche que l'on indique, a été suivie en d'autres temps ; de là, messieurs, le déficit qui pèse depuis si longtemps sur nos finances, déficit que les nouvelles lois d'impôts ont pour but premier de couvrir.
A d'autres époques, les chambres ont été entraînées imprudemment, aveuglément, dans un grand nombre de travaux publics, sans que les administrations d'alors s'inquiétassent assez des moyens de couvrir les dépenses occasionnées par ces travaux. Nous ne voulons pas suivre une pareille marche. Nous voulons donner au pays, au point de vue des intérêts matériels, toutes les satisfactions auxquelles il a droit ; mais nous voulons en même temps ne pas empirer davantage la situation financière. Si des travaux publics sont réclamés par le pays, il faut que le pays se résigne à une chose essentielle, indispensable, il faut qu'il se résigne à payer, autrement que par des déficits, autrement que par des bons du trésor.
Voilà donc, messieurs, en deux mots, tout notre système : rétablir et maintenir l'équilibre dans nos finances ; assurer au pays les moyens de s'enrichir de travaux publics répandus sur toute sa surface, mais en même temps demander à l'impôt les ressources nécessaires pour couvrir les dépenses occasionnées par ces travaux.
A suivre une pareille marche, messieurs, la majorité qui soutient le système du gouvernement, la majorité, croyez-le, ne se déconsidérera pas dans l'opinion publique.
La marche contraire, suivie à d'autres époques, a pu contribuer à déconsidérer la majorité et à la réduire à l'état de minorité où nous la voyons aujourd'hui.
Lorsque le projet dont nous demandons la mise à l'ordre du jour sera discuté, toutes les questions qu'on soulève en ce moment pourront se produire ; tous les renseignements qu'on demande devront être donnés. Nous reconnaissons parfaitement à la chambre, à la minorité, le droit d'interroger le gouvernement sur ses vues, alors qu'il vient lui demander de voter un nouvel impôt. Mais la discussion actuelle est prématurée.
On veut que le gouvernement retire, par arrêté royal, une disposition de la loi sur les successions. Mais il s'offre un moyen beaucoup plus sûr d'arriver au but que quelques membres se proposent. Vous voulez que la ligne directe disparaisse de l'ordre du jour parlementaire ; eh bien, provoquez un vote sur cette disposition, dont la section centrale a proposé le rejet.
Le gouvernement, bien que convaincu que ce principe en lui-même n'a rien d'injuste, que l'impôt en ligne directe devrait, au contraire, être préféré à tous les autres ; le gouvernement reconnaît que, dans la situation des esprits, cette partie de la loi n’a pas de chances d'obtenir la sanction des chambres, ni même la sanction de l'opinion publique, si l'on veut ; il n'insistera donc pas pour obtenir le vote de cette disposition de la loi ; voulez-vous, je le répète, que cette partie de la loi disparaisse de l'ordre du jour, que l'un de vous, l'honorable M. Malou a annoncé qu'il le ferait, que l'un de vous propose un vote sur cette partie de la loi, et la chambre avisera.
Et en supposant que le gouvernement, conservant ses convictions sur la ligne directe, vienne un jour présenter un projet de loi spécial pour rétablir cette partie de la loi, la chambre sera encore entièrement maîtresse de son vote. De ce que le gouvernement vient proposer un projet, s'ensuit-il que, par là, il enchaîne le vote de la chambre ? Le gouvernement est libre, mais la chambre est également libre, chacun conserve son entière liberté.
Si l'on veut que par un acte officiel quelconque le gouvernement vienne en quelque sorte déclarer qu'il renie un principe qu'il trouve bon, on n'obtiendra pas du gouvernement une pareille déclaration ; j'ai concouru à présenter le projet de loi tel qu'il est, avec l'honorable M. Veydt ; je l'ai maintenu avec l'honorable M. Frère ; je ne déserterai pas ce principe, et si, à une époque quelconque, ce principe vient à se représenter devant la chambre, n'importe sous quel ministère, je déclare d'avance que je le voterai.
En attendant, ne commençons pas aujourd'hui une discussion qui nécessairement trouvera mieux sa place dans la séance de jeudi prochain, si, comme je l'espère, on aborde jeudi la discussion de la loi sur les successions.
M. Osy. - M. le ministre de l'intérieur vient de nous dire que nous pourrons provoquer un vote sur la partie de la loi des successions relative à la ligne directe ; mais cela ne sera possible qu'autant qu'on ne propose pas et qu'on n'adopte pas préalablament l'ajournement de cette disposition.
Je demande que M. le ministre des finances dépose, avant la séance de jeudi, les amendements qu'il aurait à présenter au projet de loi sur les successions.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable préopinant oublie que le projet de loi dont nous nous occupons a fait l'objet d'un rapport de la section centrale, et que la section centrale a conclu au rejet des dispositions relatives aux successions en ligne directe : de telle sorte que les amendements qu'on réclame se trouvent écrits dans le rapport de la section centrale. (Interruption.)
L'honorable M. Osy me demande maintenant si j'ai d'autres amendements à proposer. Si le gouvernemeut juge utile de présenter d'autres amendements, il le fera en temps opportun ; s'il constate cette nécessité avant la séance de jeudi prochain, il présentera les amendements avant jeudi ; s'il ne reconnaît cette utilité que dans le cours de la discussion, il les présentera que dans le cours de la discussion.
L'honorable M. Malou a dit qu'il fallait avant tout que la situation financière fût connue. J'ai, dans une circonstance précédente, convié l'honorable membre à discuter cette situation ; il s'y est refusé, en déclarant qu'à l'occasion de la première loi d'impôt, il l'examinerait. Elle a été exposée au 1er septembre 1850 ; on pourra donc examiner d'une manière approfondie quelle est la véritable situation financière du pays ; cette occasion se présentera naturellement dans la discussion du projet de loi dont nous demandons la mise à l'ordre du jour.
M. Malou. - J'ai demandé que le gouvernement nous fît connaître son système, quant aux impôts nouveaux et quant à la destination de ces impôts.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le gouvernement l'a fait connaître : Rétablir dans nos finances l'équilibre que vous avez détruit et achever les travaux entrepris.
- La proposition de M. Malou est mise aux voix et n'est pas adoptée. On est d'accord pour ne pas commencer avant jeudi prochain la discussion du projet de loi sur les successions.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'ai l'honneur de déposer un projet de loi de délimitation entre la ville de Bruxelles et les communes d'Ixelles et St-Josse-ten-Noode.
- Ce projet sera imprimé, distribué et renvoyé à l'examen d'une commission spéciale, nommée par le bureau.
- La séance est levée à quatre heures et demie.