(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)
(Présidence de M. Verhaegen.)
M. A. Vandenpeereboom (page 949) procède à l'appel nominal à deux heures et un quart. La séance est ouverte.
M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. A. Vandenpeereboom présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Van Hees, garde civique de la légion de Saint-Josse-ten-Noode, résidant à Schaerbeek, réclame l'intervention de la chambre contre l'inscription de sa femme au rôle des indemnités de la garde civique de Schaerbeek. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les commis-greffiers du trihunal de première instance à Gand, attachés aux cabinets des juges d'instruction, demandent une augmentation de traitement. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de la justice.
« Le sieur Halin, ancien employé au chemin de fer de l'Etat, prie la chambre de lui accorder un secours. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« L'administrateur délégué de la compagnie du chemin de fer d'Anvers à Gand par Saint-Nicolas adresse à la chambre 110 exemplaires du compte rendu des opérations de cette compagnie pendant l'année 1850.
-Dépôt à la bibliothèque et distribution aux membres de la chambre.
M. David. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de votre commission d'industrie et de commerce sur la pétition de quelques fabricants à Termonde qui demandent une réduction de droits d'entrée sur le déchet du coton ou bien la faculté de payer les droits actuels sur déclaration, d'après la valeur du déchet.
- Ce rapport, qui sera imprimé et distribué, est mis à la suite de l'ordre du jour, sur la proposition de M. Vermeire.
M. le président. - Messieurs, la proposition de loi qui a été déposée sur le bureau dans la séance d'hier, est due à l'initiative de M. de Perceval : toutes les sections en ont autorisé la lecture. Voici cette proposition de loi :
« Article unique. Il sera payé par les propriétaires des prairies ou terres arables, irriguées au moyen du canal de Maestricht à Bois-le-Duc et des autres canaux ouverts ou à ouvrir dans la Campine et alimentés par la Meuse, une redevance annuelle de 80 francs par hectare, qui sera perçue comme en matière de contribution directe. »
M. le président. - La parole est à M. de Perceval pour développer sa proposition de loi.
M. de Perceval. - Messieurs, l'Etat s'est imposé de grands sacrifices par l'ouverture des canaux dans la Campine. L'entretien de ces canaux exige de fortes dépenses (travaux et personnel) qui ne sont et ne seront pas même couvertes par les droits perçus sur la navigation.
Il est vrai que l'ouverture de ces canaux a été décrétée pour établir une voie de communication entre la Meuse et l'Escaut, comme pour faciliter et favoriser le défrichement de la Campine ; que, pour ce dernier objet, les propriétaires des bruyères interviennent pour une certaine part dans les dépenses, proportionnellement à leur distance du canal.
Mais il est des propriétés, dans la zone la plus rapprochée du canal, qui jouissent d'avantages immenses et hors de toute proportion avec ce qu'en retirent la majeure partie des autres terrains de cette même zone : ce sont les prairies irriguées au moyen des eaux du canal.
Il semble donc juste et équitable que les propriétaires de ces prairies payent la redevance la plus élevée, puisque pour la fourniture de l'eau pour irrigation, l'Etat a dû faire des dépenses plus considérables que pour l'établissement d'un canal proprement dit.
D'un autre côté, le volume d'eau nécessaire à l'arrosage exigera un écoulement très rapide dans le canal, ce qui aura pour effet d'amener des dégradations au lit et aux travaux d'art, et de rendre la remonte des bateaux plus difficile.
La redevance que l'on ferait payer par les propriétaires de ces prairies est légitimée par l'immense puissance de fécondité et de richesse productive que les bruyères acquièrent par l'arrosage au moyen des eaux du canal, et cette redevance, tout en étant une source de revenu pour l'Etat, ne pourra en aucune manière empêcher le défrichement ou la formation de nouvelles prairies. En effet, elles se trouvent dans des conditions bien plus favorables, elles sont d'un produit bien plus élevé que les fertiles prairies situées même au centre du pays.
Ces assertions ressortent des rapports officiels de M. l'ingénieur Kummer, chargé de la direction des irrigations dans la Campine.
Voici quelques extraits de son dernier rapport du 26 décembre 1849 :
« Le résultat qui précède doit être considéré comme très avantageux, notamment en le comparant à ceux obtenus les années précédentes dans la vallée de la Meuse.
« La vente des foins ne s'y opère que dans les premiers jours de juillet. La deuxième coupe de nos prairies irrigables sera déjà en pleine activité à la même époque ; les fortes sécheresses sont très désavantageuses aux prairies de la vallée de la Meuse ; les irrigations garantissent nos prairies contre cette influence nuisible.
« Les foins de l'hectare de prairie dans la vallée de la Meuse, se sont vendus les années précédentes 140, 115, 100 francs l'hectare, y compris le regain. Les foins et le regain des prairies de Stockheim, Rothem et Grevenbicht ont été vendus, en 1848, aux prix de 70 et de 80 francs l'hectare...
« (Résultats de 1848.) Une superficie de 30 hectares environ a été semée aux mois de juin, juillet et septembre 1847 ; ces prairies ont donné en juin 1848, par suite de l'irrigation de l'arrière-saison de 1847 et du printemps de 1848, une récolte qui a produit en vente publique, pour la première coupe, une somme totale de 2,600 fr.
« (Résultats de 1849.) Le gazon s'est si prodigieusement développé par l'action de l'irrigation de l'automne 1848, et celle du printemps de cette année, que la deuxième récolte a été de 60 p. c. supérieure à la précédente. Il est des parties où l'herbe a atteint la hauteur extraordinaire de 1 mètre 50 cent., et qui ont produit de 16,000 à 18,000 livres de foin par hectare (8,000 à 9,000 kilog.).
« Les faits que nous venons de relater ne présentent point la moindre exagération. On peut en vérifier l'exactitude en visitant les localités et en compulsant les actes du notaire Missolten d'Overpelt. On pourra y constater ce qui suit :
« Que la vente des foins sur la superficie des 30 hectares précités, en 1848, a produit, fr. 2,600 »
« Id. du regain, 569 fr. 50 c.
« Total. 3,169 50
« Que la vente des foins des 30 hectares précités a produit cette année, 3,560
« Id. du regain, 1,580
« Total, 5,140
« Ces résultats prouvent plus que tous les raisonnements possibles, et ils établissent d'une manière incontestable, que non seulement l'irrigation rend avec usure au sol les engrais que les herbes y puisent, mais encore que les parties fertilisantes que l'eau amène, améliorent d'une manière sensible le gazon qu'elle arrose…
« Du moment où le premier gazon a été formé, l'irrigation devient le seul stimulant nécessaire pour le maintien en parfait état de production, et à plus forte raison, s'il est fait usage des eaux de la Meuse…
« II suffira, pour créer le premier gazon d'une surface quelconque de prairie irrigable, de faire emploi, une seule fois, de l'engrais dont il doit fait usage toutes les années pour entretenir une même surface de prairies naturelles ou non irrigables.
« Ces prairies non irrigables pourront être rendues à la culture, voire même à une très bonne culture, avec beaucoup moins d'engrais qu'il n'en fallait pour les maintenir à l'état de prairie. Elles se trouveront en même temps très avantageusement remplacées par les prairies irrigables dont le gazon, une fois formé, n'a besoin d'aucun autre stimulant que celui de l'eau pour produire plusieurs coupes de foin au lieu d'une ; d'autre part, la récolte sera toujours certaine, tandis que celle des prairies naturelles est soumise à des influences atmosphériques, aussi nuisibles que fréquentes...
« Il est possible de se dispenser de l'adjonction d'engrais à l'emploi des irrigations, si l'on veut, ou si l'on peut étendre le laps de temps endéans lequel la prairie irrigable doit être créée. » Ce laps de temps est de quatre ans.
Les extraits de ce rapport nous prouvent clairement que les prairies irriguées au moyen du canal de la Campine se trouvent dans des conditions exceptionnelles en Belgique ; que ces prairies donnent annuellement, sans provoquer aucune dépense pour engrais, plusieurs coupes de foin.
La redevance que les propriétaires auront à payer, d'après la (page 950) proposition de loi que j'ai l'honneur de soumettre à la législature, pour faire usage de l'eau du canal, étant fixée à 50 fr. par hectare, ceux-ci auront donc encore un bénéfice considérable.
Cette redevance constituera en 1853, pour le trésor public, un revenu de 200,000 fr., car à cette époque 1,000 hectares de prairies seront créés, d'après le compte rendu de l'exécution de la loi du 25 mars 1847, fait à la chambre des représentants par M. le ministre de l'intérieur. De ce même compte rendu il ressort qu'avec les canaux actuels, on pourra créer 7,000 hectares de prairies irrigables, donc un revenu de 350,000 francs pour l'Etat.
Enfin, dans ses rapports des 13 décembre 1844, 1er novembre 1846 et 29 juin 1848, M. l'ingénieur Kummer annonce qu'on créera dans la Campine 25,000 hectares de prairies irriguées, ce qui fait un revenu pour l'Etat de 1,250,000 fr.
Ce revenu important n'est pas le produit d'un impôt. Au contraire, ce n'est qu'un payement très modéré, très faible, d'une chose qui donne aux propriétaires qui en font usage, un bénéfice considérable.
La redevance de 50 francs n'a rien de fiscal. Elle n'est pas obligatoire, puisqu'il sera loisible aux propriétaires de renoncer à l'emploi de l'eau du canal, et de remplacer cette eau, éminemment fertilisante, par d'autres matières, par des engrais.
Mais ils ne recourront pas à ce moyen, car M. Kummer constate que pour maintenir les prairies non irriguées en état de fécondité, et pour n'y faire qu'une seule récolte de foin, il faut faire emploi, chaque année, d'une quantité d'engrais plus forte que pour les terres arables. D'ailleurs l'eau est un engrais plus facile à distribuer et qui peut s'employer à toute époque de l'année.
Il résulte naturellement de cette observation que la redevance de 50 francs par hectare de prairie soumise à l'irrigation au moyen des canaux ouverts dans la Campine, sera payée avec empressement par les propriétaires.
L'Etat peut la réclamer en toute équité, en toute justice ; il fera en même temps un acte de bonne administration.
Que vous dit du reste l'honorable ministre de l'intérieur dans l'exposé des motifs à l'appui du crédit de 500,000 fr. pour mesures relatives au défrichement, aux irrigations et au drainage. (Session législative 1850-1851 n°111 des documents parlementaires.)
« Que fait le gouvernement dans cette dernière contrée ? Après y avoir creusé des canaux qui coûtent des sommes considérables, il distribue gratuitement aux entrepreneurs des irrigations l'eau qu'à grands frais il a amenée près de leurs terres et qui ailleurs se vend à un prix élevé dans de semblables conditions. L'eau est le véritable amendement des sables campinaires. C'est celui qui a le plus d'efficacité sur ces terrains légers et arides. En le cédant gratuitement, après l'avoir lui-même payé fort cher, le gouvernement fait sans doute un sacrifice considérable en faveur de cette contrée. »
On ne peut nier que les frais de construction du canal de la Campine aient été beaucoup plus élevés qu'ils n'auraient dû l'être, si ce canal n'avait pas été disposé en vue de fournir des eaux pour les irrigations. Ceux donc qui usent de ces eaux doivent en toute justice intervenir dans les dépenses plus que ceux qui n'en tirent ni profit ni bénéfice.
Or, déjà le gouvernement doit s'imposer de nouvelles charges pour augmenter le débouché de la prise d'eau de Hocht, afin d'arroser immédiatement l'arrosage des prairies créées. (Voir l'exposé des motifs du crédit de 500,000 fr. pour mesures relatives aux irrigations, etc., D. P., n° 111, pag. 15.) II ne faut pas perdre de vue qu'il n'y aura qu'une surface très restreinte de terrains qui jouira des avantages des irrigations. Par conséquent, ces terrains ont une plus grande valeur, ils donnent des bénéfices plus importants et plus assurés que ceux qui ne profitent pas des bienfaits des irrigations.
Il n'y aurait pas égalité devant la loi, devant les charges publiques, si les propriétaires des prairies sèches et ceux des prairies irriguées payaient les mêmes impôts ou contributions. Les premiers ne peuvent faire annuellement qu'une seule coupe de foin en employant beaucoup d'engrais, tandis qu'aux derniers, l'Etat fournit un élément de fécondité qui leur permet de faire plusieurs coupes de foin chaque année, et sans engrais.
Ainsi, ceux qui posséderaient des prairies irriguées seraient favorisés au détriment de ceux qui, ne pouvant avoir de ces prairies (puisque la surface est limitée par le volume d'eau), devraient payer la redevance de la zone sans pouvoir jouir des avantages de l'irrigation réservés exclusivement à une certaine catégorie de propriétaires.
Le taux fixé pour la redevance n'est pas trop élevé quand on le compare au prix réclamé dans d'autres contrées pour l'eau servant à l'irrigation.
Il faut, en outre, observer que les propriétaires des prairies de la Campine irriguent à toute époque de l'année, et qu'ainsi ils usent des eaux au printemps, en été, en automne, tandis que dans d'autres pays la redevance est payée soit pour emploi de l'eau pendant six mois d'été au maximum, soit pour emploi d'eau pendant l'hiver sur les prés marcites.
Au surplus, il suffit de mettre en regard du produit des prairies irriguées celui des prairies qui ne le sont point, et l'on pourra se convaincre que le chiffre de 50 francs ne représente que le tiers et, dans les conditions les plus défavorables, la moitié des bénéfices extraordinaires que réalisent les propriétaires par le seul usage de l'eau appartenant à l'Etat. Il est donc de toute justice que le gouvernement retire une partie de ces bénéfices dus à un élément de fertilité qu'il donne lui-même, et pour la distribution duquel il s'est livré à d'énormes dépenses.
Les faits constatent que par l'action des irrigations les propriétaires des prairies irriguées ont un accroissement de produits de plus de cent francs par hectare et sont dispensés de fumer les prés qui, avant l'irrigation, exigeaient chaque année des quantités considérables d'engrais. Le bénéfice que ces propriétaires en obtiennent peut ainsi être évalué à 150 francs.
Un point essentiel à considérer, c'est que les prairies irriguées qui ne sont pas fumées, exigent, pour produire d'abondantes récoltes, beaucoup plus d'eau que si elles recevaient des engrais, de telle manière que leurs propriétaires demandent à un excès d'eau le surplus de fécondité, l'accroissement extraordinaire de produit qui devrait être la conséquence d'une fumure. Il en résulte que c'est au détriment de la formation d'une plus grande surface de prairies que les propriétaires des prairies irriguées recueillent ce supplément de bénéfices.
Dès lors, on doit encore mieux comprendre le droit équitable de l'Etat à une redevance annuelle de 50 francs par hectare irrigué.
Le produit de cette redevance pourra être versé au trésor public ou appliqué intégralement au défrichement de la Campine.
Dans ce dernier cas le gouvernement n'aurait plus à demander à la législature des crédits pour mesures relatives au défrichement et aux irrigations.
Il disposerait alors chaque année d'une somme considérable pour l'amélioration des communications, pour l'établissement de travaux d'utilité publique, pour la création d'abris végétaux, pour faire des boisements, pour assainir les localités.
Sous ce point de vue, la redevance que je propose d'établir serait encore plus fondée en raison, l'Etat aurait un droit réel à l'exiger, et elle profiterait, en outre, à ceux qui la payent ; car son emploi, pratiqué comme je viens de le détailler, aurait incontestablement pour conséquence immédiate d'accroître la valeur de ces mêmes prairies irriguées.
La proposition de loi que j'ai l'honneur de soumettre à vos délibérations, est faite dans l'intérêt des ouvrages qui doivent s'exécuter en Campine ; elle est juste, elle est utile, elle peut augmenter enfin, dans une large proportion, les ressources financières de l'Etat.
- Les développements de la proposition de loi seront imprimés et distribués.
Le vote sur la prise en considération est mis à la suite de l'ordre du jour.
M. Osy. - Messieurs, je désire répondre quelques mots au discours que M. le ministre des affaires étrangères a prononcé hier.
Selon M. le minisire, je ne suis pas resté fidèle à la loi de 1844. J'ai voté contre la loi des droits différentiels, non pas seulement parce qu'on y a introduit une exemption pour les cafés de la Hollande, mais encore et surtout parce que j'avais demandé une loi de ce genre pour frapper les entrepôts d'Europe. On y a ajouté ensuite les arrivages indirects et surtout les relâches ; la nouvelle loi devint par là tout à fait contraire à un bon système commercial, et aujourd'hui le commerce en réclame la révision. Je n'en dirai pas davantage sur ce point ; j'y reviendrai lorsque nous serons saisis du rapport de la commission d'industrie sur la pétition des négociants d'Anvers.
Messieurs, l'objet dont je désirais vous entretenir est la surtaxe qui nous est imposée aujourd'hui par l'Angleterre ; sous ce rapport, je pense que M. le ministre des affaires étrangères ne s'est pas rendu bien compte de la position des choses. Malheureusement M. le ministre s'est servi encore de l'argument auquel on a recours depuis 3 ou 4 ans ; il a déclaré que s'il y a faute, elle doit être attribuée à l'ancien ministre. Messieurs, je vous prouverai, pièces en main, que l'ancien ministère n'est pour rien dans cette affaire. La politique n'est jamais le mobile qui dicte mes discours et mes votes ; j'attaque les nouveaux ministres, comme les anciens, quand je trouve à redire à leurs actes, comme je les défends également, quand leurs actes me paraissent dignes d'approbation.
Eh bien, si le gouvernement s'était rendu compte de l'acte de navigation que je tiens en mains, l'acte du 26 juin 1849 du parlement anglais, le gouvernement verrait que la surcharge de 20 p. c. sur tous les navires étrangers, décrétée par Georges IV en 1826, a été abolie pour toutes les nations.
Vous voyez donc que ce n'est que depuis 1849 que l'acte de 1826 a été abrogé ; jusqu'en 1849 nous étions avec toutes les nations soumises au droit différentiel ; nous subissions la surcharge aussi bien que la France, la Hollande et les autres puissances ; de sorte que jusque-là nous n'avions pas à nous plaindre, étant sur le même pied que tout le monde.
L'acte du parlement de 1849 abolissant l'acte de navigation de 1826, il n'y a plus de surcharge pour les nations qui adhèrent au nouvel acte de navigation de la Grande-Bretagne. La reine est autorisée à frapper les nations qui n'y adhèrent pas. La Hollande, la Russie, la Suède, la Sardaigne ayant adhéré à l'acte de 1849, n'ont pas de surcharge à payer.
Le gouvernement anglais, la première année, n'a pas fait payer la surcharge à la Belgique ; mais pour un seul navire arrivant de la Havane à Bristol, on remet en vigueur cet acte de 1826 ; si la reine nous avait frappés en vertu de l'acte du parlement de 1849, je n'aurais rien à dire, (page 951) mais nous appliquer un acte aboli par le parlement, c'est ce que je ne comprends pas. Le gouvernement aurait dû réclamer.
Vous voyez que l'ancienne administration est ici hors de cause, puisque nous étions alors sur le même pied que toutes les autres nations. C'est sous l'administration actuelle qu'a eu lieu le fait contre lequel je m'élève.
Je désire savoir si le gouvernement est bien convaincu, s'il connaît bien la nouvelle loi de navigation de l'Angleterre et s'il a réclamé.
Le gouvernement nous fait un reproche d'avoir parlé de nouveau système commercial avant d'avoir négocié. La Hollande et la Sardaigne ont dit : Nous abolissons le droit de navigation, mais nous ne ferons profiter de cette mesure que les nations qui nous accorderont la réciprocité.
Je demande la réforme des droits différentiels, non pour en décharger toutes les nations, mais seulement celles qui nous accorderaient des avantages en compensation. C'est pourquoi j'ai dit qu'il était urgent de s'occuper de cette affaire, parce qu'il est impossible que nous restions en arrière, quand nous voyons toutes les puissances se remuer tout émues par le grand acte posé par le parlement anglais.
Messieurs, ce qui me frappe le plus, c'est que la France qui a des droits différentiels bien plus étendus que nous, n'est pas frappée de cette surcharge de 20 p. c. contre laquelle je réclame.
Je ne conçois pas que le gouvernement s'étonne que j'en parle, alors que j'ai vu dans les débats du parlement anglais qu'on s'est plaint de cette surcharge dont les navires belges ont été frappés, qu'on a dit que la douane de Bristol n'aurait pas dû l'appliquer, mais qu'elle l'avait fait en vertu d'un ordre venu de Londres.
Je demande donc que l'on fasse cesser cet état de choses le plus tôt possible, et que l'on négocie pour obtenir l'assimilation au pavillon national.
Toutes les puissances, depuis 1849, ont vu s'accroître de 50 p. c. leur navigation vers l'Angleterre. Nous avons, nous, une décroissance de 10 p. c. dans cette navigation. Ce sont des chiffres officiels dont je puis garantir l'exactitude au gouvernement.
Vous me direz qu'une réduction de 10 pour cent est peu de chose ; mais je vous disais hier ce qui va nous frapper cette année, c'est que les Anglais, sachant que nous allons être frappés de cette surcharge, ont ordonné de ne plus affréter de navires belges.
Nous sommes mis à l'index en Angleterre, ce qui est assez naturel. Comment serait-il possible que l'on affrétât nos navires dans de telles conditions ?
Mais, dit M. le ministre, les exportations de la Belgique vers l'Angleterre ont augmenté de 3 à 8 millions. Sur quoi porte l'augmentation ? Sur les denrées alimentaires qui sont exemptes de tout droit à l'entrée en Angleterre. Mais les objets sur lesquels l'Angleterre a maintenu les droits ne seront plus importés par navires belges.
J'engage donc le gouvernement à examiner cette question. Il peut être persuadé que si la Belgique proclamait un système large, qu'elle n'accorderait aux autres nations que moyennant des faveurs, il en résulterait de grands avantages pour le pays.
Je disais hier que le gouvernement a fait, par des subsides, tout ce qu'il a pu, pour encourager les négociants, les armateurs, à aller en Australie, colonie qui se développe beaucoup.
Plusieurs de nos navires sont partis pour cette destination. Nous ne savons pas si le gouvernement anglais n'a pas donné l'ordre de frapper nos navires de la surtaxe de 20 p. c, dans cette colonie, comme ils le sont dans la mère patrie. S'il en est ainsi, quelle perte pour nos industriels !
J'ai cité le cas d'un navire belge, à Manille, qui n'avait pu trouver de fret pour Sidney (Australie), parce que, dans cette partie du monde, on redoute cette surtaxe.
Je disais hier que j'avais un renseignement à demander sur l'article 3. Je suis charmé de voir à son banc M. le ministre de l'intérieur, que cet article concerne particulièrement, et qui pourra donner ce renseignement.
L'article 3 dispense du service de la garde civique et de la milice les citoyens sardes qui se trouvent en Belgique. Vous concevez que les autres nations, dans les traités que l'on fera avec elles, réclameront la même faveur. Je n'ai, du reste, rien à dire de cette dispense qu'autorise notre législation sur la garde civique et sur la milice. Mais il me reste un doute.
Un étranger a des enfants nés en Belgique ; ceux-ci sont exempts de la garde civique et de la milice. Mais à l'âge de 21 ans ils déclarent vouloir être Belges. Je demande au gouvernement si les personnes qui feront à 21 ans cette déclaration, seront tenues à prendre part à un tirage supplémentaire pour la milice.
Vous savez que les jeunes gens qui, à l'âge de 19 ans, étudient la théologie et se destinent à la prêtrise, sont exempts de la milice, mais que si à 21 ans leurs intentions ont changé, il y a pour eux un tirage supplémentaire. Je demande au gouvernement de nous dire si les enfants d'étrangers, nés sur le sol belge et déclarant à l'âge de 21 ans qu'ils veulent être Belges, seront tenus à un tirage supplémentaire. Je crois, quant à moi, que tous ceux qui se déclarent Belges doivent se conformer aux règles et aux lois du pays.
Je demande une réponse à M. le ministre de l'intérieur. Il est nécessaire que les étrangers sachent à quoi s'en tenir à cet égard.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, L'honorable préopinant reproche au gouvernement de ne pas s'être rendu suffisamment compte de la portée du bill de réforme des lois de navigation de l'Angleterre, en ce qui concerne la surtaxe de 20 p. c. qui frappe les marchandises importées sous pavillon belge.
L'honorable M. Osy croit que nous n'avons fait aucune réclamation.
C'est là, messieurs, une erreur. Dès la mise en vigueur de l'acte de navigation, avant même le 1er janvier de l'année 1850, nous avons fait valoir auprès du gouvernement anglais la clause du bill citée par l'honorable M. Osy, qui nous donnait droit, selon nous, à l'abrogation de la surtaxe de 20 p. c. portée par l'ordre du conseil du 30 janvier 1826. Malheureusement le gouvernement anglais n'est pas de cet avis ; le gouvernement anglais ne partage pas l'opinion de l'honorable M. Osy.
Lord Palmerston et M. Labouchère sont d'avis que l'ordre du conseil du 30 janvier 1826 est encore en vigueur en présence du bill de réforme de navigation ; et récemment, M. Labouchère s'est exprimé dans ce sens à la chambre des communes. Or, il me semble que c'est plutôt au gouvernement anglais qu'à nous qu'il appartient d'interpréter la loi anglaise, et je ne sais pas par quel moyen nous parviendrions à faire prévaloir, en cette matière, la manière de voir de l'honorable M. Osy, sur celle de lord Palmerston et des autres hommes d'Etat de l'Angleterre.
Ainsi, je le répète, nous n'avons rien ignoré à cet égard. Dès les premiers jours de 1850, nous avons fait valoir nos réclamations. Nous avons présenté toutes les raisons à l'appui de ces réclamations. Dernièrement encore, il y a peu de jours, de nouvelles explications ont été demandées et le gouvernement anglais persiste formellement dans l'opinion que l'ordre du conseil de 1826 est encore en vigueur. Cet ordre s'applique aux ports de l'Angleterre et non aux colonies. Vous voyez donc, messieurs, qu'il n'y a pas de ce chef le moindre reproche à adresser au gouvernement.
L'honorable préopinant a commis une erreur lorsqu'il a dit que nous étions sur la même ligne que les autres puissances avant l'acte de navigation de 1849. Nous étions exactement dans la même situation qu'aujourd'hui. Cet ordre du conseil avait été porté en représailles de la loi de 1822 qui accordait une déduction de 10 p. c. au pavillon néerlandais et belge puisque les deux pays étaient réunis à cette époque.
Eh bien, la Hollande ayant fait un traité avec l'Angleterre, a été affranchie de cette surtaxe. C'est pour le même motif que la France en a été également affranchie en vertu du traité conclu entre l'Angleterre et la France. Il en a été de même de presque toutes les nations européennes.
Nous étions donc, messieurs, dans la même position avant le bill de 1849 que celle où nous nous trouvons aujourd'hui. Nous étions frappés exceptionnellement d'une surtaxe de 20 p. c. Le moyen de faire disparaître cette surtaxe, c'est d'adopter le système anglais ou bien de conclure un traité avec l'Angleterre. Eh bien, messieurs, nous avons ouvert des négociations avec l'Angleterre. Ces négociations ne sont point encore terminées et, comme je l'ai dit hier, j'espère bien que l'année ne s'écoulera pas avant qu'on n'en soit venu à un arrangement satisfaisant.
Mais, messieurs, il faut rester dans le vrai. La surtaxe de 20 p. c. n'est pas aussi onéreuse pour notre marine que l'honorable M. Osy a bien voulu le dire. La preuve, c'est que nous n'avons pas reçu une seule réclamation : si les armateurs étaient si effrayés de cette surtaxe, évidemment ils auraient adressé au département des affaires étrangères de nombreuses réclamations. Eh bien, il n'en est pas arrivé une seule depuis que je suis au déparlement des affaires étrangères. Ce n'est que depuis très peu de temps qu'un journal d'Anvers, fort hostile au cabinet, a soulevé la question. Ainsi tombent donc les reproches qu'on nous adresse ; nous avons fait tout ce qui était à faire pour réclamer contre l'application de cette mesure. Nous avons soutenu que nous avions droit à l'exemption, mais le gouvernement anglais ayant interprété d'une autre manière le bill dont il s'agit, j'abandonne à la chambre le soin d'apprécier quel moyen nous aurions eu de faire prévaloir notre opinion.
Des négociations sont d'ailleurs entamées et nous espérons qu'elles auront un bon résultat, car personne plus que nous ne désire avoir les relations les plus étendues avec une nation aussi grande et aussi riche que l'Angleterre.
Je ne crois pas, messieurs, devoir revenir aujourd'hui sur le débat qui a eu lieu hier en ce qui concerne notre régime commercial ; j'ai dit les motifs pour lesquels je considérerais une semblable discussion comme peu opportune. J'ai cependant la conviction qu’il serait (erratum, page 969) facile de démontrer que dans cette circonstance comme dans les autres le gouvernement a pris le parti le plus sage, le plus prudent. Un jour viendra où, sans danger, nous pourrons aborder cette grande discussion et alors nous ferons connaître quelles sont les raisons qui ont dirigé le gouvernement, quelles sont ses intentions ; mais dans le moment actuel, en présence des négociations qui sont sur le point de s'ouvrir, je dis qu'un semblable débat pourrait être infiniment plus nuisible qu'utile.
Messieurs, je crois avoir répondu aux différentes observations qui ont été présentées par l'honorable préopinanl. Il a adressé une interpellation qui se rapporte plutôt aux attributions de mon honorable collègue et ami, M. le ministre de l'intérieur. Il s'agit de savoir quelle interprétation l'on donnera, dans le cas indiqué, à l'article 3 du traité.
Messieurs, je ne pense pas qu'on soit tenu de prévoir dans un traité, pas plus que dans une loi, toutes les interprétations qui pourront être données à tel ou tel article, dans les nombreux cas qui peuvent se présenter.
Au reste, mon honorable collègue de l'intérieur, plus familiarisé que moi avec l'application de la loi sur la milice, va vous faire connaître sot opinion.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - (page 952) Messieurs, l'article 3 du traité ne peut donner lieu à aucun doute. Les Belges en Sardaigne et les Sardes en Belgique seront exempts de tout service personnel, soit dans les armées de terre ou de mer, soit dans les gardes ou milices nationales.
En l'absence d'un traité, les étrangers appartenant à un pays où les Belges ne sont pas astreints au service militaire, sont exempts du service de la milice en Belgique : ainsi le veut l'article 2 de la loi du 8 mai 1847.
Quant au service de la garde civique, les sujets sardes en Belgique seront exempts du service personnel ; mais ils se trouveront sur le même pied que les Belges qui sont exempts du service de la garde civique, mais qui ne sont pas exempts de la rétribution pécuniaire, exigée des familles qui ne fournissent pas d'hommes à la garde civique. Sous ce rapport, les sujets sardes seront placés sur la même ligne que les Belges.
L'étranger, d'ailleurs, en ce qui concerne le service de la garde civique, n'est pas admis à ce service, s'il n'a pas obtenu l'autorisation de domicile. C'est donc en quelque sorte un privilège en Belgique que le service de la garde civique ; on n'y appelle pas tout le monde.
En ce qui concerne le tirage au sort pour la levée de la milice, l'honorable M. Osy demande quelle est la position du fils de l'étranger qui a fait, à l'âge de 21 ans, la déclaration prescrite par l'article 9 du Code civil, et qui jusque-là n'a pas été soumis au tirage. Cet étranger sera astreint à un tirage supplémentaire (article 3, paragraphe 5, de la loi du 8 mai 1847), tout comme l'étranger qui est naturalisé avant d'avoir accompli sa vingt-sixième année (paragraphe 4 du même article).
M. Rodenbach. - Messieurs, j'engage fortement M. le ministre des affaires étrangères à soigner d'une manière toute particulière les traités que nous sommes à la veille de conclure avec trois grandes puissances. Nous nous sommes occupés récemment de traités infiniment petits, de traités avec le Pérou, la Bolivie, l'Etat de Nicaragua ; mais dans dix mois nous aurons un traité de la plus haute importance à renouveler ; c'est le traité avec la Hollande. Je pense même que ce traité a déjà été dénoncé. Vers la même époque, nous aurons à conclure un traité non moins important avec le Zollverein. Enfin au mois d'août 1852, nous aurons à renouveler ou à faire avec la France un traité dont l'importance est évidente.
J'espère que dans ces divers traités, nous obtiendrons des stipulations avantageuses pour l'industrie linière des Flandres. Cette industrie, qui jadis s'élevait de 80 à 90 millions, est tombée aujourd'hui peut-être à 15 ou 20 millions ; en 1837 ou 1838, nous exportions des toiles en France jusqu'à concurrence de 37 millions de francs ; je pense qu'aujourd'hui cette exportation est restreinte à 6 ou à 7 millions. Vous voyez donc combien cette industrie est périclitante.
Au lieu de chercher à conclure de petits traités, des traités que je suis tenté de qualifier d'homéopathiques, je désire qu'on parvienne à obtenir d'autres traités qui aient pour conséquence de donner de l'ouvrage à notre nombreuse population ouvrière.
M. T'Kint de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, je n'ai pas l'intention de prendre part au débat qui s'est élevé sur notre système commercial. Je crois qu'il peut y avoir de l'inconvénient à traiter, d'une manière incidente, une question aussi complexe et aussi délicate, alors surtout que des négociations importantes sont entamées avec d'autres pays.
La section centrale a cherché à réunir, dans son rapport, tous les éléments nécessaires pour bien juger le traité. Les concessions réciproques ont été si heureusement combinées qu'aucun des grands intérêts engagés dans la question ne peut être lésé. Si la Sardaigne obtient des avantages réels à son point de vue, aucun sacrifice notable n'a été imposé à la Belgique pour acheter les réductions de tarif qui lui sont accordées. Cette opinion a été partagée par la plupart des orateurs qui ont pris part à la discussion. Tous, à l'exception d'un seul, ont déclaré qu'ils émettraient un vote favorable au projet de loi.
Des opinions divergentes se sont produites sur la valeur de certaines concessions ; la section centrale n'a rien exagéré à cet égard.
Nous n'avons pas soutenu que chaque industrie en particulier retirerait du traité tous les avantages possibles ; mais nous pensons que, pris dans son ensemble, le traité est bon, qu'il constitue une amélioration du régime antérieur, et qu'il contribuera à développer le mouvement commercial et industriel des deux pays.
Les conventions internationales doivent être faites en vue de protéger d'une manière équitable les différentes branches de notre industrie ; il faut nécessairement qu'il y ait une espèce de balance dans les négociations que nous suivons avec les différents pays.
Le gouvernement sans doute ne l'oubliera pas. Il devra s'occuper avec une sollicitude toute particulière de notre industrie linière qui intéresse à un si haut degré la prospérité nationale. La section centrale ne s'est pas dissimulé que le traité actuel, combiné avec le traité anglo-sarde ne profitera pas autant à nos produits liniers que le gouvernement l'avait espéré ; partout où nos produits liniers rencontreront la concurrence anglaise, ils obtiendront difficilement la préférence, surtout dans le principe.
Nous arrivons ici sur un marché dont l'Angleterre s'est complètement emparée.
Les premiers essais seront pénibles, entraîneront probablement des pertes.
La législature avait institué des primes pour stimuler l'esprit d'entreprise de nos fabricants, pour rendre moins lourds les sacrifices qu'ils n'hésitent pas à s'imposer.
Il est regrettable, messieurs, que la suppression de ces primes ait lieu précisément au moment où nous obtenus une meilleure position sur plusieurs marchés (Interruption.) Que les primes soient mauvaises en principe, je le veux bien ; mais il y a des circonstances exceptionnelles, où il devient nécessaire d'y recourir, au moins temporairement. Que l'on ne s'imagine pas que notre industrie linière soit stationnaire ; elle fait, au contraire, des progrès remarquables ; mais sa transformation ne saurait être immédiate, elle n'est pas encore entrée dans une situation normale.
Cette réserve faite, on s'accordera facilement pour reconnaître qu'un abaissement de tarif, en moyenne, de 50 p. c, sur les draps, les tissus de laine et de coton mélangés, les machines et mécaniques, les sucres, les verreries, les papiers, les fils retors, les dentelles, etc., offre des avantages incontestables d'autant plus que, pour la plupart de ces produits, nous pouvons soutenir la concurrence avec les nations rivales.
La réduction des droits de douane que nous obtenons n'est pas une mesure destinée à être étendue à toutes les nations.
Mais même en admettant, dans l'avenir, une semblable éventualité, l'article 29 ne nous donne-t-il pas le droit de dénoncer le traité, si la Sardaigne généralisait les concessions qu'elle nous fait sur les articles essentiels de nos importations ?
Ainsi, dans l'état actuel des choses, notre position est meilleure que celle de l'Autriche, de la Suisse et de la France, pays dont les importations en Sardaigne sont très considérables.
La France a conclu récemment un traité avec la Sardaigne. Sur quels produits portent les clauses du traité ?
Est-ce sur les exportations de tissus de laine, qui s'élèvent annuellement à11 millions ? sur les tissus de coton, qui représentent plus de 5 millions ? Non, messieurs ; à l'exception du bétail et des vins, il ne s'agit que d'articles tout à fait secondaires.
La France n'a droit à aucun des avantages que le traité nous garantit, à moins qu'elle n'offre des équivalents. Or, la France semble avoir dit son dernier mot à la Sardaigne.
Le traité du 5 novembre 1850, loin d'être plus large que celui de 1843, a, au contraire, restreint les avantages dont la Sardaigne jouissait au point de vue maritime. Il suffit, pour s'en convaincre, de lire le rapport qui a été présenté par M. Périer à l'assemblée législative.
Je ne suivrai pas l'honorable M. Jacques dans les considérations qu'il a fait valoir contre le traité, d'autant moins que la chambre ne paraît pas disposée à partager son opinion. Je bornerai là mes observations.
- - Plusieurs voix. - La clôture !
M. Dumortier. - Je demande la parole contre la clôture. Messieurs, je voudrais dire quelques mots sur le traité en ce qui concerne l'article des toiles qui a une très grande importance.
- La clôture est prononcée.
« Article unique. Le traité de commerce et de navigation conclu le 24 janvier 1851 entre la Belgique et la Sardaigne sortira son plein et entier effet. »
Il est procédé au vote par appel nominal.
62 membres répondent à l'appel.
61 membres disent oui.
1 membre (M. Jacques), dit non.
En conséquence, la chambre adopte.
Le projet de loi sera transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM. de la Coste, Delehaye, Delescluse, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Perceval, De Pouhon, Dequesne, de Royer, Desoer, de Steenhault, Destriveaux, de Theux, de T'Serclaes, de Wouters, d'Hoffschmidt, Dumortier, Frère-Orban, Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lesoinne, Loos, Malou, Manilius, Mascart, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Pirmez, Previnaire, Rodenbach, Rogier, Rousselle (Charles), Tesch, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Van Cleemputte, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Hoorebeke, Van Iseghem, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Ansiau, Anspach, Cans, Cools, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Breyne, de Brouwer de Hogendorp, de Haerne et Verhaegen.
« Article unique. La loi du 19 juillet 1832 sur les concessions de péages (Bulletin officiel, n°519, LII) est prorogée au 1er avril 1853.
« Néanmoins, aucun canal de plus de 10 kilomètres, aucune ligne de chemin de fer, destinée au transport des voyageurs et des marchandises et de même étendue, ne pourront être concédés qu'en vertu d'une loi. »
- Cet article est mis aux voix et adopté à l'unanimité des 63 membres qui prennent part au vote.
Ce sont : MM. de la Coste, Delehaye, Delescluse, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Perceval, De Pouhon, Dequesne, de Royer, Desoer, de Steenhault, Destriveaux, de Theux, de T'Serclaes, d'Hoffschmidt, Dumortier, Frère-Orban, Jacques, Jouret, Julliot, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, (page 953) Lebeau, Lesoinne, Loos, Malou, Manilius, Mascart, Moreau, Moxhon, Orts, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Rousselle (Ch.), Tesch, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Van Cleemputte, Vaudenpeereboom (Alphonse), Vandenpeeereboom (Ernest), Van Hoorebeke, Van Iseghem, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Ansiau, Anspach, Cans, Cools, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Breyne, de Brouwer de Hogendorp, de Haerne et Verhaegen.
Pétition de plusieurs fabricants de tabacs à Liége, analysée dans la séance du 28 novembre 1849
Le rapport fait, au nom de la commission, par M. Lesoinne est ainsi conçu :
« Messieurs, la commission s'est adressée au département des finances, pour savoir si la question soulevée par les pétitionnaires avait déjà fait l'objet d'un examen dans les bureaux de cette administration ; elle en a reçu la réponse suivante :
« Dans le courant de 1849, des fabricants de Liège ont sollicité une réduction sur les droits d'entrée dont sont passibles les côtes de tabac.
« Cette demande a été communiquée aux chambres de commerce de Liège, d'Anvers et de Courlray.
« La première a émis un avis favorable.
« La chambre de commerce d'Anvers établit une distinction entre les côtes de tabac ; suivant elle, les côtes provenant des pays transatlantiques sont une véritable matière brute, en ce qu'elles n'ont subi d'autre manipulation que la séparation d'avec la feuille, et elle propose, en conséquence, de réduire le droit d'entrée à 5 francs par 100 kilogrammes.
« Quant aux côtes venant des pays d'Europe, elles ne proviennent pas de tabacs bruts, mais de tabacs manufacturés ; elles sont une matière préparée, et il y a lieu de maintenir les droits en vigueur.
« La chambre de commerce de Courtray s'est prononcée pour le maintien du tarif existant, par la raison qu'en donnant des facilités à l'introduction des côtes de tabac, on compromettrait la bonne réputation des produits du pays, et aussi qu'on entraverait la vente des qualités inférieures du tabac indigène.
« Le département de l'intérieur s'est rallié à l'opinion de la chambre de commerce d'Anvers, et a émis l'avis que cet objet pourrait être traité avec d'autres modifications au tarif des douanes.
« L'affaire en est restée à ce point. »
« Votre commission pense que la demande des pétitionnaires mérite d'être prise en considération, et vous propose de la renvoyer à M. le ministre des finances ; elle partage l'opinion émise par le département de l'intérieur, que cet objet pourrait être traité avec d'autres modifications au tarif des douanes. »
M. Malou. - La commission a énoncé une opinion sur le fond de la question. Je pense que si la chambre prononce un renvoi, ce sera un renvoi pur et simple, sans rien préjuger.
M. Lebeau. - C'est toujours ainsi.
M. Dumortier. - Je tiens d'autant plus à ce que la pétition soit renvoyée sans rien préjuger, que je combattrais la proposition qui tendrait à faire diminuer les droits sur les côtes de tabac. Si elles servent à faire du tabac, elles doivent payer le droit comme les feuilles. Il n'y a aucun motif pour réduire les droits ; car si les côtes n'étaient pas utiles à la fabrication, on n'en introduirait pas en Belgique.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je pense que si la pétition est renvoyée, c'est un renvoi pur et simple.
M. Delehaye. - Oui, sans rien préjuger.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je dirai cependant que déjà une instruction a été faite sur cette demande à laquelle sont favorables la plupart des chambres de commerce.
L'honorable M. Dumortier demande habituellement qu'en ces matières on consulte les chambres de commerce.
M. Malou. - Et les commissions d'agriculture !
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'intérêt agricole est ici insignifiant.
Je ne sais s'il y aurait lieu de statuer isolément, mais très probablement, lorsque des demandes analogues seront faites, on pourrait les examiner eu même temps et les comprendre, s'il y a lieu, dans un seul projet de loi.
M. Dumortier. - Il est certain que les chambres de commerce seront toujours favorables à la réduction ou même à la suppression des droits sur les matières qui servent à une fabrication quelconque. Consultez-les sur le point de savoir s'il ne conviendrait pas de supprimer tout droit sur le tabac en feuilles ; je suis convaincu qu'elles seront unanimes pour résoudre cette question affirmativement. Cependant le tabac est essentiellement une matière imposable.
D'un autre côté, je serais curieux de savoir si les commissions d'agriculture sont favorables à cette diminution de droits.
Il me semble, messieurs, qu'il ne faut pas du tout se hâter de supprimer les droits sur une matière qui, en définitive, sert aujourd'hui à faire du tabac. Car on fabrique maintenant avec les côles du tabac en poudre.
Autrefois ces côtes ne servaient pas ; on en était fort embarrassé dans les manufactures ; on désirait s'en défaire. Aujourd'hui, au moyen des perfectionnements de l'industrie, on est parvenu à faire du tabac en poudre avec des côtes.
Il est certain que le tabac est une matière très imposable, et ce n'est pas dans un moment où déjà bien des fois la chambre a demandé que pour faire face aux besoins du trésor public, on pensât à imposer le tabac, qu'il s'agit de réduire les droits sur la matière qui sert à le fabriquer.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Dumortier semblait parler d'abord en faveur de l'intérêt du trésor en soutenant qu'il n'y a rien à faire dans le sens de la pétition qui vous a été adressée ; mais, au fond, sa préoccupation est tout entière dans l'intérêt de l'agriculture. Il fait un grief au gouvernement de n'avoir pas consulté (je ne sais si le département de l'intérieur ne l'a pas fait) les commissions d'agriculture sur ce point.
Qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie que l'honorable membre croit que la mesure que l'on prendrait pourrait nuire à ceux qui cultivent le tabac en Belgique.
Elle ne pourrait nuire au trésor ; car ce sont précisément les droits élevés qui enlèvent des produits au trésor. En effet, la culture du tabac en Belgique n'est pas imposée, et plus le droit est élevé à la frontière, moins on introduit de tabac. La mesure que l'on réclame serait donc plutôt favorable au trésor, aussi longtemps qu'il n'y aura pas d'impôt sur la culture du tabac en Belgique.
M. Lesoinne. - Quand la commission d'industrie a émis son opinion sur la pétition des fabricants de tabac de Liège, elle a reconnu que leur demande était fondée en ce sens que les côtes de tabac étaient d'une valeur bien inférieure au tabac en feuilles, que, par conséquent, en partant de ce principe de justice, que les produits doivent être imposés selon leur valeur, et dans l'intérêt de l'industrie de notre pays pour laquelle les côtes de tabac sont une matière première, la commission d'industrie a partagé l'avis de la chambre de commerce d'Anvers, qu'il était équitable d'accorder aux fabricants la réduction de droits qu'ils réclamaient.
Elle vous propose donc le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances, en faisant connaître que son opinion est que les pétitionnaires sont fondés dans leur demande.
Je m'étonne que l'honorable M. Dumortier se montre aujourd'hui si favorable aux droits élevés sur le tabac ; je me rappelle qu'à l'occasion d'un projet de loi qui nous a été présenté pour imposer un droit beaucoup plus élevé sur les tabacs à l'entrée, cet honorable membre s'est montré très opposé à toute aggravation de droit sur cette matière. L'honorable M. Dumortier se montrait alors partisan d'un droit modéré.
M. Dumortier. - Messieurs, il m'est très facile de répondre à l'argument. C'est parce que je suis partisan d'un droit modéré sur les tabacs que je ne veux pas qu'on supprime celui qui existe ; car le droit actuel est très modéré.
M. Lesoinne. - Le droit est exorbitant.
M. Dumortier. - Le droit sur les tabacs n'est certainement pas exorbitant.
M. Lesoinne. - Je parle du droit sur les côtes.
M. Dumortier. - Mais établissez donc alors deux espèces de droits ; ayez un droit sur les côtes et un droit sur les feuilles, et vous verrez où vous arriverez.
Je sais très bien que les côtes de tabac servent aujourd'hui comme le reste pour faire le tabac à priser, et même dans beaucoup de cigares on introduit des côtes de tabac. (Interruption.)
Messieurs, je ne parle pas de ma propre expérience, mais ce sont de collègues qui viennent de me le dire.
Quoi qu'il en soit, il est hors de doute que l'on emploie les côtes de tabac pour faire du tabac en poudre. Eh bien, je suis de ceux qui usent de ce tabac, et je ne veux pas qu'on supprime le droit qui le frappe.
Messieurs, si les fabricants ne se servaient pas des côtes de tabac dans la fabrication, ils ne viendraient pas vous demander une réduction de droits.
Or, le droit est aujourd'hui excessivement minime ; quel mal, dès lors, y a-t-il à ce que les côtes payent comme le reste ? Je ne verrais, dans la réduction que l'on réclame, qu'un préjudice pour le trésor, et rien de plus.
Mais, dit M. le ministre des finances, il y aurait dans la réduction du droit un avantage pour le trésor public ; car si l'on n'emploie pas les côtes, on devra employer le tabac indigène. Eh bien, ici encore, je dirai que l'intérêt national mérite bien quelque considération et que si vous permettez l'introduction des côtes de tabac à droit réduit ou presque sans droit, vous nuirez à l'agriculture sans grand avantage pour le trésor public.
Car, réduisez votre droit de 50 p. c., il faudra introduire deux fois autant de côtes de tabac pour avoir le même chiffre en recette, et en même temps vous aurez réduit la production intérieure de la moitié de ce qui sera introduit.
Il n'y a donc aucune espèce d'avantage à accorder une pareille réduction.
Pour mon compte, puisque la pétition est renvoyée à M. le ministre, purement et simplement, je ne m'y opposerai pas ; mais je déclare que si l'on nous proposait un projet de loi pour réduire le droit sur le tabac, je le combattrais.
- Le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances est mis aux voix et ordonné.
- La séance est levée à 4 heures.