(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)
(Présidence de M. Delehaye, président.)
M. Ansiau procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.
La séance est ouverte.
M. de Perceval donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Ansiau présente l'analyse des pétitions adressées à la chambre.
« Le sieur Victor-Eugène Grandvalet, calligraphe à l'administration des chemins de fer de l'Etat, né à Mont-Saint-Jean (France), demande la naturalisation ordinaire.»
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
M. Le Hon demande un congé pour cause d'indisposition.
- Ce congé est accordé.
M. Lelièvre, au nom de la section centrale qui a examiné les propositions de MM. Destriveaux et Dumortier relatives à des modifications aux articles 9 et suivants du Code civil (indigénat de l'individu né en Belgique d'un étranger).
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport, et à la demande de M. le rapporteur, met la discussion de ces propositions à l'ordre du jour après la discussion du projet de loi relatif au tarif des voyageurs sur le chemin de fer.
M. Roussel. - La chambre voudra bien se rappeler que, dans sa séance du 20 janvier dernier, elle avait renvoyé à la commission des pétitions deux requêtes : l'une émanée de madame la comtesse de Hompesch, l'autre adressée à la chambre par M. le chevalier Vanden Berghe de Binckum, ancien représentant. Ces requêtes tendaient à obtenir du gouvernement des indemnités, en raison des sacrifices que les deux pétitionnaires avaient faits pour soutenir la colonie belge de Santo-Tomas. La commission des pétitions ayant fait rapport à la chambre, par mon organe, renvoya les pétitions dont il s'agit à M. le ministre des affaires étrangères, avec demande de renseignements.
Par suite de ce renvoi, M. le ministre des affaires étrangères a fait parvenir à M. le président de la chambre un mémoire explicatif, accompagné de quelques pièces justificatives. Ce mémoire explicatif expose fort exactement tous les précédents de cette affaire.
M. le ministre des affaires étrangères commence par rappeler qu'il y a bientôt 10 ans que, sous le titre de compagnie belge de colonisation, il fut formé une société qui avait pour objet de fonder des établissements agricole, industriels et coloniaux dans les différents Etats de l'Amérique centrale. Le gouvernement approuva les statuts de la compagnie : il alla plus loin : il mit un navire de l'Etat à la disposition de la commission d'exploration qui fut envoyée dans l'Amérique centrale : il se fit représenter par un agent spécial près da la société à Bruxelles, conformément à l'article 23 des statuts de la compagnie. Il nomma à Guatemala un consul rétribué auquel il conféra en même temps les fonctions de commissaire du roi près de la direction coloniale, aux termes d'un autre article des statuts précités.
D'après les indications de M. le ministre des affaires étrangères, les instructions données au consul lui recommandaient une vive sollicitude pour l'entreprise commerciale ; mais elles lui prescrivaient une abstention formelle dans les affaires de la société.
M. le ministre des affaires étrangères ajoute :
« La compagnie imprima un développement assez rapide à ses opérations. Malheureusement, les ressources lui firent bientôt défaut, et vers le milieu de 1844, elle avait en portefeuille 3.605 actions représentatives de lots de terre à Santo-Tomas. Mais elle manquait de capital en argent.
« Dans cet état de choses, la société s'adressa au gouvernement, et sollicita son concours.
« Avant de parler des négociations qui eurent lieu en 1844, il convient de mentionner une mesure qui lui est antérieure de plusieurs mois.
« Un arrêté royal en date du 31 mars 1844 autorisa le dépôt, dans toutes les communes du royaume, de listes de souscription aux lots de la société. »
Il s'était formé également, messieurs, et pour ainsi dire parallèlement à cette société de colonisation, une commission d'industrieu qui avait pour objet de favoriser les opérations de cette compagnie.
L'ouverture de la souscription eut lieu avec le concours de cette association industrielle et celui du gouvernement, le 1er juin, et la clôture de la souscription eut lieu le 1er juillet de l'an 1844.
On recula même la date des souscriptions jusqu’au 31 juillet de la même année, à raison probablement de la difficulté qu’on éprouvait à les recueillir.
Ces souscriptions donnèrent lieu à un incident dans la chambre des représentants, et nous trouvons dans les Annales parlementaires différentes séances où il fut question de ces souscriptions.
Sur les instances de la société de colonisation, le 21 juillet 1844, il intervint entre MM. Nothomb et Mercier, mînislres de l'intérieur et des finances d'une part,et la compagnie belge de colonisation, d'autre part, une convention. Il est essentiel, messieurs, que vous ayez connaissance des termes dans lesquels cette convention était courue :
« Entre le gouvernement représenté par MM. les ministres de l'intérieur et des finances d'une part, et la Compagnie belge de colonisation représenté par M. le comte de Hompesch, dûment autorisé à cet effet, d'autre part, il a été convenu ce qui suit :
« Art. 1er. Le gouvernement s'engage à soumettre à la législature avant le 31 décembre 1844, un projet de loi qui l'autorise à garantir à la Compagnie belge de colonisation un minimum d'intérêt de 3 p. c. l'an, et 1 p. c. d'amortissement d'un capital de trois millions (fr. 3,000,000) au plus à emprunter par la Compagnie à la suite du vote de la loi.
« Art. 2. Le mode et les conditions de l'emprunt, les sûretés et les gages que la Compagnie aura à fournir à l'Etat, feront l'objet d'une convention spéciale.
« Art. 3. La Compagnie arrêtera ses écritures à date de ce jour ; son état de situation sera établi et présenté au ministre de l'intérieur dans le plus bref délai.
« Art. 4. Toutes les opérations commencées seront maintenues par la Compagnie sans exceptions ; aucune opération nouvelle ne sera entreprise qu'après l'apuration des écritures et la régularisation des actes et des opérations commencés, lesquels seront examinés par le gouvernement.
« Art. 5. Toutes les garanties nécessaires pour assurer la marche de la Compagnie et le bon emploi de ses capitaux, seront données au gouvernement ; l'emploi de ses capitaux sera réglé ultérieurement entre le gouvernement et la Compagnie.
« Un exemplaire de la présente convention faite en double, a été remis à chacune des parties contractantes.
« Bruxelles, le 21 juillet 1844.
« Comte de Hompesch.
« Mercier, Nothomb. »
Cet engagement de la part de l'Etat était, d'après M. le ministre des affaires étrangères, subordonné à des garanties que, de son côté, la compagnie devait offrir à l'Etat. La réserve, ainsi que vous l'avez entendu, était formulée dans les termes suivants : « Le mode et les conditions de l'emprunt, les sûretés et les gages que la compagnie aura à fournira l'Etat, feront l'objet d'une convention spéciale. »
Le 22 novembre 1844, c'est-à-dire postérieurement à la convention dont il s'agit et qui portait la date du 21 juillet 1844, la Compagnie fit avec MM. Mills de Londres et Messel de Bruxelles, un arrangement pas lequel elle cédait à ces banquiers, au prix de 500 fr. par action, les 5,605 actions ou lots de terre qu'elle possédait. Le prix total était de 2,802,500 francs, à verser en payements échelonnés.
Un arrêté royal du 1er décembre 1844, pris en vertu de l'article 10 des statuts de la Compagnie, autorisa celle-ci à disposer de ses 5,605 lots au prix fixé au paragraphe premier de l'article 5 du règlement de la communauté de l'Union. Le rapport de M. le ministre ajoute :
« M. Mills effectua un premier payement de 250,000 fr., mais il ne consentit pas à opérer les autres versements ; il fondait son refus sur deux faits nouveaux : 1° que le gouvernement n'avait point autorisé la cote des actions de la Compagnie, 2° que le gouvernement avait renoncé à présenter aux chambres le projet de loi qui devait garantir un minimum d'intérêt.
« Le différend entre M. Mills finit par une transaction : M. Mills abandonna la somme par lui versée, restitua les actions reçues et paya une somme de 100,000 francs pour être déchargé de l'obligation de prendre des actions jusqu'à concurrence de 1,401,250 fr.
« Le cabinet qui avait la direction des affaires en 1844 et 1845, expliqua plus tard, dans la session de 1844-1845, à la chambre, les motifs qui l'avaient déterminé à agir comme il l'avait fait.
« A la fin de 1846, des démarches très actives furent faites pour obtenir l'aide pécuniaire de l'Etat en faveur de la Compagnie qui alors était grevée d'un passif considérable sous lequel elle risquait de succomber. »
Voici comment M. le ministre des affaires étrangères explique le refus de l’Etat de s'engager dans les opérations auxquelles on lui demandait de concourir :
« Il fut répondu, dit M. le ministre, que le gouvernement était étranger aux faits qui pouvaient entraîner la liquidation de la Compagnie et qu'il n'avait pas les moyens d'empêcher cette liquidation, si elle était devenue nécessaire. »
Il en résulta de la part de la Compagnie un exploit ou mise en demeure adressé à MM. les ministres dont je ne ne donnerai point lecture parce qu'il est un peu long ; mais cette signification ou mise en demeure par la direction de la Compagnie paraît indiquer, de sa part, la volonté bien arrêtée de considérer le gouvernement comme immiscé dans les opérations de la Compagnie et d'exiger qu'il vienne à son secours.
La réponse à cette notification fut faite au conseil général de la Compagnie. Le gouvernement déclara que l’abstention était son droit et que s’iil en informait la Compagnie c’était surtout pour l’empêcher d’entretenir les créanciers dans une sécurité qui reposerait sur l’espoir d’un concours pécuniaire de l’Etat.
(page 866) Le conseil général ne donna pas d'autre suite à sa sommation ; mais le comte de Hompesch, en son nom personnel, et sans que M. la comtesse de Hompesch soit intervenue en rien dans les faits qui vont suivre : M. le comte de Hompesch fit assigner le ministre des finances et le ministre de l'intérieur devant le tribunal de première instance de Bruxelles. M. le ministre des affaires étrangères a joint aux pièces qu'il a communiquées à la chambre l'exploit d'assignation donné aux ministres de cette époque ; l'exploit conclut à 1,205,000 francs de dommages-intérêts ; il est motivé sur ce que M. le comte de Hompesch se serait engagé dans une affaire par suite des manœuvres des ministres qui étaient au pouvoir en 1844, ou du moins par leur faute, faute dont l'Etat belge devait être responsable.
Le tribunal de première instance de Bruxelles n'accueillit pas ces conclusions, et il rendit, le 8 avril 1848, un jugement qui donna gain de cause à l'Etat. M. le ministre des affaires étrangères, dans les renseignements qu'il a fournis à la chambre, nous donne quelques-uns des considérants sur lesquels ce jugement est basé ; ces considérants seront imprimés dans le rapport présenté par M. le ministre des affaires étrangères à la commission des pétitions.
M. le comte de Hompesch interjeta appel de ce jugement du tribunal de première instance de Bruxelles ; les qualités sont posées de part et d'autre, et la chambre comprendra que nous ne nous occuperions en aucune façon de l'affaire dont il s'agit, si le procès pendant existait entre le gouvernement belge et Mme la comtesse de Hompesch, puisque l'affaire serait du ressort du pouvoir judiciaire ; mais il se trouve que Mme la comtesse de Hompesch est complètement étrangère à la litispendance ; de sorte que vis-à-vis de nous, Mme la comtesse de llompesch se présente sans aucune espèce de débat judiciaire antérieur. Cette absence d'antécédent judiciaire nous permet seule de nous occuper de la demande de Mme de Hompesch.
Voilà l'exposé des faits, tels qu'ils résultent du rapport présenté à la chambre par M. le ministre des affaires étrangères. Il est essentiel cependant que j'attire l'attention de la chambre sur les deux observations qui terminent le rapport fort lucide de M. le ministre des affaires étrangères.
A ce sujet, la chambre voudra bien me permettre de lui rappeler que la requête de madame la comtesse de Hompesch tendait à obtenir qu'il fût pris des mesures pour empêcher la vente par expropriation forcée imminente des biens patrimoniaux appartenant à cette dame, et qui ont été engagés par suite de la garantie qu'elle avait donnée à son mari pour les opérations faites postérieurement à la convention de 1844 par son dit mari dans l'affaire de la colonie.
Une nouvelle observation qu'il est nécessaire de joindre à celle de M. le ministre, c'est que le chevalier Vanden Berghe de Binckum ne se présente dans une partie de ses prétentions que comme associé, si je puis m'exprimer ainsi, de Mme la comtesse de Hompesch qui a garanti elle-même une part de la créance que le chevalier Vanden Berghe de Binckum possédait à charge de la compagnie de colonisation.
Tels sont, messieurs, les renseignements que M. le ministre des affaires étrangères a adressés à la chambre et que nous avons trouvés dans les pièces qu'il nous a communiquées.
Ayant vu dans le Moniteur que la chambre avait ordonné le renvoi des renseignements déposés par M. le ministre des affaires étrangères à la commission des pétitions, à l'effet d'un rapport supplémentaire, madame de Hompesch a adressé à la commission des pétitions un certain nombre de pièces justificatives accompagnées d'une note à l'appui de sa première pétition.
Lors de l'arrivée de la première pétition de Mme de Hompesch, nous étions privés de tout document justificatif. Aujourd'hui nous avons un assez grand nombre de pièces, dont quelques-unes cependant forment double emploi avec celles que M. le ministre des affaires étrangères nous a communiquées.
Je vais avoir l'honneur de donner lecture à la chambre de cette note qui pourra être imprimée à la suite de ce rapport.
« Bruxelles, 2 mars.
« A M. le président de la chambre des représentants.
« Monsieur le président,
« Mme la comtesse de Hompesch a réclamé l'intervention de la législature pour se faire indemniser des sacrifices qu'elle s'est imposés dans l'intérêt de la colonie de Santo-Tomas.
« La chambre des représentants m'a demandé, sur les faits qui se rattachent à la requête de Mme de Hompesch, des renseignements que je vais avoir l'honneur de lui fournir.
« Si cette communication a éprouvé quelque retard, c'est parce que la compagnie belge de colonisation ayant traité, en 1844 et 1845, avec les ministres de l'intérieur et des finances, et non point avec le ministre des affaires étrangères, il m'a fallu référer aux départements ministériels, possesseurs des archives qui concernent les précédents de l'affaire.
« Il y aura bientôt dix ans que fut fondée, sous le titre de Compagnie belge de colonisation, une société qui avait pour objet de créer des établissements agricoles, industriels et commerciaux dans les différents Etats de l'Amérique centrale.
« Le gouvernement approuva les statuts de la compagnie, comme l'exige le Code de commerce.
« Il mit un navire de l'Etat à la disposition de la commission d'exploration qui fut envoyée dans l'Amérique centrale.
« Il se fit représenter par un agent spécial auprès de la société, à Bruxelles (article 25 des statuts], ainsi que cela se pratique auprès des sociétés anonymes. Il nomma à Guatemala un consul rétribué auquel il conféra, en même temps, les fonctions de commissaire du Roi près de la direction coloniale, aux termes de l'article 35 des statuts de la communauté.
« Les instructions remises au consul recommandaient à cet agent de vouer toute sa sollicitude aux intérêts de l'entreprise coloniale ; mais elles lui prescrivaient, d'une manière formelle, de s'abstenir de toute ingérence dans les affaires de la société.
« La compagnie imprima un développement assez rapide à ses opérations ; malheureusement, ses ressources financières ne grandirent pas dans la même mesure. Vers le milieu de l'année 1844, elle avait en portefeuille 5,605 actions représentant des lots de terre à Santo-Tomas, mais elle manquait de capital en argent.
« Dans cet état de choses, la société s'adressa au gouvernement et sollicita son concours.
« Avant de parler de l'accueil que le gouvernement fit à la compagnie, il convient de mentionner une mesure qui lui est antérieure de plusieurs mois. Un arrêté royal en date du 31 mars 1844 autorisa le dépôt dans toutes les communes du royaume de listes de souscription aux lots de la société.
« Par décision ministérielle du 20 mai 1844, l'ouverture de la souscription fut fixée au 1er juin et la clôture au 1er juillet suivant.
« Un arrêté royal du 20 juin 1844 décida que la clôture de la souscription serait reculée jusqu'au 31 juillet. L'incident auquel se rapportent les arrêtés du 31 mars et du 20 juin 1844 a donné lieu à des débals dans le sein de la chambre (Sénat. Séance du 12 juillet 1844. Chambre des représentants. Séances des 28 et 29 novembre 1844).
« Une convention intervint, le 21 juillet 1844, entre MM. Nothomb et Mercier, ministres de l'intérieur et des finances, d'une part, et la Compagnie belge de colonisation, d'autre part. Le gouvernement s'engageait à présenter aux chambres, avant le 31 décembre 1841, un projet de loi ayant pour objet de garantir aux actionnaires de la compagnie un minimum d'intérêt annuel de 3 p. c. et 1 p. c. d'amortissement d'un capital de trois millions au plus, à emprunter par la compagnie à la suite du vote de la loi.
« Cet engagement de la part de l'Etat était subordonné à des garanties que, de son côté, la compagnie devait offrir à l'Etat. La réserve était formulée dans les termes suivants :
« Le mode et les conditions de l'emprunt, les sûretés et les gages que la compagnie aura à fournir à l'Etat, feront l'objet d'une convention spéciale. »
« J'annexe à la présente, sub. litt. A, le texte de la convention du 21 juillet 1844.
« Le 22 novembre 1844, la compagnie fit, avec MM. Mills, de Londres, et Messel, de Bruxelles, un arrangement d'après lequel elle cédait à ces banquiers, au prix de 500 francs par action, les 5,605 actions ou lots de terre qui lui restaient en portefeuille. Le prix total était de 2,802,500 francs, à verser en payements échelonnés et par moitié entre les deux banquiers.
« Un arrêté royal du 1er décembre 1844, pris en vertu de l'article 10 des statuts de la compagnie, autorisa celle-ci à disposer de ces 5,605 lots au prix fixé par le paragraphe premier de l'article 5 du règlement de la communauté de l'union.
« M. Mills effectua un premier versement de 250,000 francs ; mais il ne consentit pas à opérer les autres. Il fondait son refus sur deux faits nouveaux, à savoir :
« 1° Que le gouvernement n'avait point autorisé la cote des actions ;
« 2° Que le gouvernement avait renoncé à présenter aux chambres le projet de loi qui devait garantir un minimum d'intérêt.
« Le différend entre la compagnie et M. Mills finit par une transaction. M. Mills abandonna la somme par lui versée, restitua les actions qu'il avait reçues et paya une somme de 100,000 francs pour être déchargé de l'obligation de prendre des actions jusqu'à concurrence de 1,401,250 fr.
« Le cabinet qui avait la direction des affaires en 1844-1845, a expliqué à la chambre les motifs qui l'ont déterminé à agir comme il l'a faites (Session de 1844-1845. Annales parlementaires. Séances du 28 et du 29 novembre 1844, pages 222 et suivantes ; séance du 17 janvier 1845, page 517 ; séance du 27 janvier 1845, page 601 ; séance du 15 février, page 814).
« A la fin de l'année 1846, des démarches très actives furent fait pour obtenir l'aide pécuniaire de l'Etat en faveur de la Compagnie grevée alors d'un passif sous lequel elle risquait de succomber.
« Il fut répondu que le gouvernement était étranger aux faits qui pouvaient entraîner la liquidation de la Compagnie et qu'il n'avait pas les moyens d'empêcher cette liquidation, si elle était devenue nécessaire.
« Suivit de la part du conseil général de la Compagnie une signification par huissier aux ministres de l'intérieur, des affaires étrangères et des finances, MM. de Theux, Dechamps et Malou, pour les mettre en demeure d'accorder un concours auquel, disait-on, ils étaient obligés en droit et en équité.
« La réponse fut faite, sous forme de notification, au conseil général. Le gouvernement déclarait que l'abstention était son droit, et que s'il en informait la Compagnie, c'était surtout pour l'empêcher d'entretenir ses créanciers dans une sécurité qui reposerait sur l'espoir d'un concours pécuniaire de l'Etat.
(page 867) « Le conseil général en demeura là. Mais M. le comte de Hompesch, en son nom personnel, fit assigner les ministres des finances et de l'intérieur devant le tribunal de première instance de Bruxelles. (Annexe B.)
« L'exploit concluait à 1,205,000 fr. de dommages-intérêts. Il était motivé sur ce que M. de Hompesch se serait engagé dans cette affaire par suite des manœuvres doleuses des ministres qui étaient au pouvoir en 1844, ou du moins par leur faute, faute dont l'Etat devait être responsable.
« Le tribunal de première instance de Bruxelles n'a point reconnu le bien fondé de la demande de M. de Hompesch. Voici les considérants du jugement contradictoire qu'il a rendu le 8 avril 1818 et qui donne gain de cause à l'Etat :
« Attendu que, dans l'examen de ces faits, il importe de ne s'occuper que des faits qui émanent directement du gouvernement ou de ses agents officiels, les faits émanant de tiers n'ayant pu, quelle que soit leur qualité, engager la responsabilité de l'Etat, etc. ;
« Attendu que la convention du 21 juillet 1844, telle qu'elle est avouée et reconnue entre parties, a été faite entre les ministres Nothomb et Mercier et la compagnie de Guatemala et nullement entre ces ministres et le demandeur, que cette convention est donc pour le demandeur « res inter alios acta » ; qu'ainsi, en admettant même que ce soit par dol ou fraude que les ministres signataires de la convention se seraient abstenus de présenter un projet de loi, le demandeur ne pouvait se prévaloir de ce fait ; aucune manœuvre doleuse n'ayant été posée vis-à-vis de lui pour l'engager à verser son argent dans les caisses de la compagnie (article 116 du Code civil), etc.
« Attendu qu'aucun fait de cette nature (constatant le dol ou la fraude) n'est articulé ; que si, sur la foi de la convention du 21 juillet, le demandeur a versé les fonds dont il poursuit le recouvrement à charge de l’Etat et si cette convention n'a pas été exécutée, il ne s'ensuit nullement que l'Etat l'ait engagé à faire ces versements, ou qu'il ait été informé même qu'il les ait faits ; que le demandeur doit s'en prendre à sa propre imprudence s'il a aventuré dans l'entreprise des fonds sur la simple promesse de l'engagement pris dans la convention du 21 juillet, etc.
« Attendu que si, en vue de la convention du 21 juillet, le demandeur a fait des avances à la Compagnie, il les a faites à ses risques et périls ; que rien, en effet, ne justifie et ne tend même à justifier, si la convention du 21 juillet avait été exécutée par la présentalion d'un projet de loi, que le demandeur n'aurait pas éprouvé les pertes dont il se plaint et qu'il serait rentré dans les avances qu'il avait faites, etc.
« Attendu qu'il suit de tout ce qui précède que l'Etat ne s'est pas immiscé aux actes de la société de colonisation de Guatemala, soit comme gouvernement, soit comme associé, qu'il n'y a pris aucune participation d'intérêt et qu'il n'a jamais considéré cette société comme sienne, ni comme gouvernementale ; par ces motifs, etc.
« Déclare le demandeur non fondé en ses conclusions, etc. »
« M. le comte de Hompesch a interjeté appel du jugement du tribunal de première instance. Les qualités sont posées de part et d'autre.
« Il me reste à faire deux observations :
« 1° Quoique le gouvernement fût en droit de ne pas accueillir les réclamations de M. le comte de Hompesch, on ne peut dire qu'il n'a rien fait pour la Compagnie belge de colonisation et, par suite, pour tous les membres qui en font partie.
« On a vu déjà comment il favorisa les débuts de l'entreprise.
« L'expédition du navire l'Adèle, au commencement de 1847, avait dégagé le gouvernement de toute obligation absolue à l'égard des colons qui avaient refusé de revenir en Belgique. Néanmoins lorsque la compagnie de Bruxelles eut définitivement abandonné la direction coloniale à ses propres ressources, le consul de Belgique à Santo-Tomas fut autorisé à faire aux colons nécessiteux des avances qui ont efficacement contribué au maintien de l’établissement. Une ligne de navigation entre Anvers et Santo-Tomas a été créée, grâce aux subsides du gouvernement. En attendant la fondation d'un comptoir et pour empêcher que les relations entre la Belgique et Santo-Tomas ne souffrissent un ralentissement qui aurait pu leur devenir funeste, l'Etat a facilité, par un prêt assez considérable, une expédition importante de produits belges vers cette destination. Il a, toujours dans le même but, maintenu à Guatemala un consulat rétribué, malgré les circonstances qui ont fait réduire l'allocation affectée à cette branche de service. Ses agents n'ont cessé de plaider auprès du gouvernement guatémalien la cause de la colonie.
« Un traité d'amitié, de commerce et de navigation a été conclu entre les deux pays dans la pensée expresse de donner de nouveaux gages de stabilité et de vitalité à l'établissement colonial, et c'est encore sur des instances faites au nom et par ordre du gouvernement du Roi que le gouvernement guatémalien a rendu le décret du 6 janvier 1850, qui déclare le port de Santo-Tomas port majeur et ouvre une nouvelle perspective à la colonie.
« Enfin, l'organisation récente d'un comptoir belge à Santo-Tomas, due au concours réuni du gouvernement et des principales maisons d'Anvers et de Gand, est venue donner une base régulière et solide à des relations qui désormais sont assurées de leur avenir.
« Toutes ces mesures ont contribué à maintenir l'existence de la Compagnie belge de colonisation et à rendre à ses actions et aux terrains situés à Santo-Tomas une valeur qui menaçait de leur échapper pour toujours et qui désormais, au contraire, pourra s'accroître indéfiniment, si, comme il est permis de l'espérer, les choses continuent à marcher dans leur voie actuelle.
« Or, d'après les termes mêmes de la requête que la chambre m’a transmise, M. le comte de Hompesch doit posséder des propriétés considérables dans le territoire de Santo-Tomas.
« 2° Mme la comtesse de Hompesch n'est pas seule en cause. Le principe qu'elle invoque pourra être invoqué par d'autres, et il l'est déjà, comme le prouve la réclamation de M. le chevalier Vandenberghe de Binckum.
« J'ai l'honneur de remettre à la disposition de la chambre les requêtes de Mme la comtesse de Hompesch et de M. de Binckum.
« Agréez, M. le président, l'assurance de ma très haute considération.
« Le minisire des affaires étrangères,
« C. d’Hoffschmidt. »
En présence de cesdocumenls, de ces explications, la commission des pétitions n'avait, je pense, autre chose à faire qu'à vous proposer le dépôt des pièces au bureau des renseignements pour que le gouvernement ou les membres de la chambre qui voudraient user de leur initiative puissent y recourir.
La commission des pétitions n'avait pas d'autres conclusions à prendre, ses attributions ne lui permettent aucune conclusion plus directe.
Mais il paraît qu'il y a quelques membres qui désirent fixer un autre jour pour la discussion et la résolution à prendre par la chambre sur ces conclusions.
J'attendrai la décision de la chambre à cet égard.
M. de Renesse. - Je demande que ce rapport soit inséré au Moniteur pour que les membres de la chambre puissent examiner l'affaire, et que la discussion soit fixée à mercredi.
M. David. - Je demanderai à M. de Renesse s'il croit qu'il ne suffit pas que le rapport de la commission des pétitions soit inséré au Moniteur.
M. de Renesse. - C'est ce que j'ai demandé, il a aussi été fait mention de quelques annexes qui devront être insérées au Moniteur pour qu'on puisse juger de l'ensemble de l'affaire.
M. Delehaye. - Toutes les pièces dont il a été donné lecture seront insérées au Moniteur.
M. Dumortier. - Il faudra aussi imprimer quelques annexes dont on a fait mention, et qui n'ont pas été lues. Il s'agit d'une affaire très grave. Il faut avoir toutes les pièces sous les yeux.
- La chambre décide que les annexes seront insérées au Moniteur, et fixe à mercredi la discussion sur les conclusions de la commission des pétitions.
M. Delehaye. - La discussion continue sur l'article 9.
M. de Man d'Attenrode a présenté à cet article un amendement ainsi conçu :
« Ne sont exempts d'acquitter le péage, que les fonctionnaires et agents préposés à la conduite des voyageurs et des marchandises. »
M. Coomans a déposé un sous-amendement ainsi conçu : « Les coupons dits de service sont supprimés. Les coupons ordinaires, pris par les employés de tout grade, voyageant par ordre, leur seront remboursés hebdomadairement, d'après le mode à déterminer par arrêté royal. »
M. Coomans. - Messieurs, je préciserai et je justifierai en peu de mots le but de mon amendement. Les transports gratuits ont pris des proportions ruineuses pour le trésor et scandaleuses au point de vue de la légalité. Non seulement les fonctionnaires du chemin de fer et autres voyagent sans bourse délier, pour le plaisir de voyager, mais ils ménagent la même faveur à leur famille, à leurs amis et connaissances. J'affirme que beaucoup d'employés de tout grade, depuis les chefs jusqu'aux simples gardes, n'ont jamais payé un sou de ce chef, ni leurs proches et leurs favoris non plus. La complicité qui s'est établie entre tous coûte cher au trésor, car les employés subalternes, mis dans la confidence de leurs supérieurs, sont assurés de l'impunité lorsqu'ils s'abstiennent de demander des billets à leurs parents et amis. J'aime à croire que l'abus que je signale a été restreint, ainsi que l'a dit hier, M. le ministre des travaux publics ; mais il existe, il peut se développer derechef, et la prudence nous conseille de le détruire dans sa racine. La racine du mal, c'est l'exemption de péage accordée à certaines personnes, si petit qu'en soit le nombre. Le privilège est envahisseur de sa nature. On peut dire de lui, avec le fabuliste :
Laissez-lui prendre un pied chez vous,
Il en aura bientôt pris quatre.
Ainsi, quand les épouses de MM. les fonctionnaires ont été voilurées gratis, leurs enfants, leurs frères et sœurs, leurs oncles et tantes, tous les parents jusqu'au 12ème degré et au-delà n'ont pas tardé à l'être. Puis sont venus les amis, les amis des amis de l'un et de l'autre sexe, etc. Supputez la perte probable que le ministre des finances a éprouvée ainsi, et vous obtiendrez une somme considérable.
Je propose donc, avec l'honorable M. de Man d'Attenrode, que la gratuité de transport soit restreinte aux fonelionnaires et agents préposés à la conduite des voyageurs, des marchandises et des lettres, et que (page 868) toutes autres personnes quelconques, quels que soient leurs grades et qualités, soient tenues de se munir des billets ordinaires. Un arrêté royal réglera le mode de remboursement des frais occasionnés ainsi aux employés qui se déplacent par ordre. Mon amendement tend aussi à supprimer le transport gratuit des grands personnages qui nous honorent d'une visite. Il n'y a pas de raison, je pense, pour qu'ils ne paent pas au trésor Belge bce qu'ils payent aux compagnies françaises, anglaises, hollandaises et allemandes.
On trouverait fort irréglier que M. le ministre des finances donnât quelques milliers de francs à des étrangers quelconques, pour saluer leur bienvenue. Cependant le ministre des travaux publics ne fait pas autre chose quand il voiture sans frais les grands personnages que nous sommes heureux de voir arriver parmi nous.
C'est dans leur intérêt, d'ailleurs, que je leur applique le droit commun, car les épingles, les bagues et les tabatières qu'ils donnent à MM. les fonctionnaires (je ne parle pas des décorations), leur coûtent autant ou plus que les billets dont ils devraient se munir.
Le chiffre des remboursements que nous trouverons chaque année au budget, nous apprendra au juste les frais d'inspection et autres qu'occasionne l'administration des chemins de fer. Il est bien entendu qu'on n'indemnisera pas les personnes officielles pour aller prendre des bains de mer ou dîner et s'amuser au loin. L'honorable chef du département des travaux publics fera bien de surveiller d'une manière spéciale l'article des remboursements, si la chambre, comme je l'espère, accueille ma proposition.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, si l'honorable M. Coomans avait voulu soutenir le projet du gouvernement, il aurait pu s'expliquer comme il vient de le faire.
Les dispositions qui ont été introduites par le gouvernement dans son projet de loi ont précisément pour objet de faire cesser l'abus. Le principe que consacre ce projet est celui-ci : La circulation gratuite sur le chemin de fer est proscrite. Il y a une exception, c'est celle qui est justifiée par les exigences du service, c'est celle qui est consacrée par l'article 9 et étendue par l'article 10. Et ces exceptions se justifient parfaitement. On comprend, en effet, sans peine que les fonctionnaires du chemin de fer qui sont obligés à des déplacements nombreux, qui sont obligés de surveiller la route, de contrôler, ne soient pas obligés de payer des frais de déplacement, alors que l'on a supprimé les indemnités variables qui constituaient des suppléments de traitement irréguliers.
Dans le système du gouvernement, l'abus contre lequel on s'élève et que l'administration doit chercher, par des mesures administratives, à faire disparaître complètement, cet abus ne sera plus possible, surtout lorsque le gouvernement, qui doit veiller à l'exécution sincère et loyale de la loi, aura fait connaître aux fonctionnaires que la chose concerne, par des instructions formelles et précises, quel est, à cet égard, le vœu de la chambre, du pays et du gouvernement lui-même. Dans ces conditions, il est évident que l'amendement de l'honorable M. Coomans ne fait que reproduire sous une autre forme la pensée du gouvernement. Seulement je préfère la rédaction telle qu'elle est proposée dans le projet de loi par mon honorable prédécesseur, et la raison en est simple : c'est que si l'on adoptait la proposition de l'honorable M. Coomans, on serait entraîné à une complication d'écritures, à une confusion réellement fâcheusedans la comptabilité. Il est préférable qu'il soit bien entendu que, pour circuler sur le chemin de fer, on doit être muni d'un coupon ou porteur d'une carte de circulation. Dès lors, tous les abus contre lesquels on s'élève doivent venir à cesser.
Quant à l'observation de l'honorable membre, en ce qui concerne certains convois spéciaux, j'irai au-devant de sa pensée en présentant à l'article 12 un paragraphe additionnel, qui aura pour objet d'autoriser le gouvernement à établir, dans certains cas déterminés et moyennant des prix à fixer selon les circonstances, des convois spéciaux. Il peut arriver en effet, que dans des circonstances que la chambre comprendra facilement, des circonstances qui intéressent directement le trésor, le gouvernement fasse des conventions pour l'établissement de convois spéciaux. C'est ce qui peut arriver à l'occasion de l'exposition de Londres, ïl est possible qu'à cette occasion, le gouvernement soit amené à accorder certains convois spéciaux moyennant des prix à déterminer et qui varieront selon les circonstances.
Il est évident qu'avec cette disposition additionnelle, la proposition de l'honorable membre devient encore sans objet.
M. Osy. - Messieurs, d'après ce que vient de dire M. le ministre des travaux publics, le but que nous recherchons est le même, c'est-à-dire que nous voulons que personne ne puisse voyager sur le chemin de fer sans payer. Mais la proposition du gouvernement ne me paraît pas remplir du tout ce but.
Il est dit dans l'article 9 : « Sont exceptés les fonctionnaires et agents de l'Etat voyageant pour le service du chemin de fer », de manière que tous les agents de l'Etat, tous les fonctionnaires publics peuvent voyager gratis, sans prétexte de voyager pour le service du chemin de fer. M. le ministre vient de dire que tous ces fonctionnaires reçoivent pour frais de déplacement une somme de ... à la fin de l'année ; si donc ils ne payent pas leur place au chemin de fer, ils ont une double indemnité.
Je crois effectivement, messieurs, que l'amendement de M. de Man remédie à tout. Il y a, comme l'a dit hier M. le ministre des travaux publics, des abus sans fin ; nous qui voyageons beaucoup, nous le voyons tous les jours. Eh bien, si la proposition du gouvernement est adoptée vous ne remédierez pas aux abus ; on continuera à voyager prétendument pour le service de l'Etat chaque fois qu'on voudra aller passer 24 heures dans telle ou telle ville.
Il y a, messieurs, un autre abus. Vous savez tous que ce sont les garde convôis qui viennent nous demander nos billets avant d'arriver à destination : souvent les voyageurs qui n'ont pas de billet sont en connivence avec les gardes et'il n'y a, sous ce rapport, aucun contrôle. Il faudrait que, de temps en temps, le gouvernement donnât l’ordre de prendre les billets, non pas dans les voitures, mais à la sortie de la station. Alors il y aurait un contrôle ; et si des gardes s’étaient rendus coupables de cette connivence, on les découvrirait.
M. Delfosse. - J'étais assez disposé à voter pour l'amendement de l'honorable M. de Man, ou pour une mesure analogue. Mais les explications que M. le ministre des travaux public vient de donner et les mesures qu'il se propose de prendre pour l'exécution de la loi, me paraissent de nature à satisfaire l'honorable auteur de l'amendement.
Cependant, s'il ne se décidait pas à le retirer, je l'engagerais à combler une lacune que j'y trouve. L'honorable membre n'exempte du péage que les fonctionnaires et agents préposés à la conduite des voyageurs et des marchandises. Il y a les mêmes raisons pour exempter les fonctionnaires et agents préposés à la surveillance de la route. Ceux-ci doivent circuler continuellement ; on ne peut pas les astreindre à prendre chaque jour, plusieurs fois par jour peut-être, et à différentes stations, les coupons destinés aux voyageurs ordinaires.
M. Coomans. - Messieurs, la question dont nous nous occupons est véritablement grave, non seulement au point de vue financier, qui devient de jour en jour plus intéressant pour nous, mais encore au point de vue de la légalité et de la Constitution. Le péage du chemin de fer est un impôt réel, qui doit être perçu sans privilège pour personne ; c'est même plus qu'un impôt ordinaire ; car le gouvernement ne se borne pas ici à percevoir la dette commune des citoyens, il rend un service pour lequel il doit être rétribué. Si donc il y a un impôt légitime, naturel, véritablement dû, et si le payement doit en être strictement exigé, c'est bien certainement celui qui est fixé par le tarif des transports sur le chemin de fer de l'Etat.
Je le demande à M. le ministre des finances : que dirait-il d'un de ses subordonnés qui négligerait d'exécuter la loi au point de permettre à tel contribuable de ne pas payer son foncier ; à tel autre de ne pas acquitter sa contribution personnelle ? M. le ministre destituerait ce fonctionnaire ; il ferait probablement davantage : il pourrait, dans certains cas, le signaler aux tribunaux.
Au fond, il en est de même de l'employé qui affranchit un voyageur de la rétribution due au trésor. Cet employé viole un principe constitutionnel, formulé dans l'articl 112, et commet le même délit que commettrait un receveur qui affranchirait de l'impôt ordinaire ses parents et amis. Mais il s'en faut que cette vérité soit comprise par ceux qui sont payés pour la mettre en pratique. Il semble que le chemin de fer fasse exception, et qu'il soit moins la propriété de la nation qua la propriété des fonctionnaires qui l'administrent : ils en usent et en abusent, comme si c'était leur chose à eux. Ils paraissent le croire tellement qu'on a vu des fonctionnaires réserver un compartiment entier de diligence pour deux ou trois dames, qui ne prenaient pas de billets et qui se trouvaient ainsi mieux traitées que le public payant. Il faut que cet abus ruineux et inique cesse et que l'on considère le chemin de fer pour ce qu'il est effectivement, comme une propriété de l'Etat, chèrement acquise par les contribuables ; il faut que toute exemption non motivée de péage soit regardée comme une infidélité de la part des agents de l'administration qui la tolèrent, il faut l'appeler par son nom et la qualifier de vol. Je sais que le mot est dur, mais il n'y a que le mot propre qui serve, et en mettant le pied dans cette enceinte, j'ai résolu de ne reculer devant aucune tâche que mon devoir me prescrirait, quelque désagréable qu'elle fût.
Du reste, messieurs, j'ai obtenu une demi-satisfaction de la part de M. le ministre. Je m'en rapporte à ce qu'il a bien voulu me dire en ce qui concerne certaines exemptions de péage ; mais je ne suis pas satisfait de la promesse qu'il a faite sur un autre point : je ne doute pas de son désir très sincère d'arriver à la suppression des exemptions illégitimes ; mais l'expérience prouve que la volonté ministérielle ne suffit point, que MM. les ministres des travaux publics sont incapables de déraciner des abus aussi invétérés que celui-ci. La raison en est bien simple, c'est qu'on ne leur permet pas de voir clair dans ce qui se passe.
N'oublions pas que le département des travaux publics est le plus arriéré de tous, celui où il y a le moins de contrôle, où l'on a placé, par faveur, le plus de médiocrités, où tant de choses restent obscures, et où une complicité savamment ourdie oppose une barrière presque insurmontable à l'esprit de réforme. Tous les réformateurs de ce département ont échoué jusqu'à ce jour. Ceci soit dit en thèse générale, sans faire tort aux employés actifs et dévoués qui malheureusement forment la minorité.
Que l'honorable M. Van Hoorebeke ne se récrie point. Je vais, avec la permission de la chambre, citer un fait qui démontrera que mes plaintes sont fondées, fait antérieur à son arrivée aux affaires.
Il y a quelques années, un député qui se trouve à son banc, et dont j'ose garantir personnellement le témoignage, rendit service à un fonctionnaire subalterne du chemin de fer. Plein de reconnaissance, ce modeste fonctionnaire vint lui exprimer le regret de ne pouvoir lui être utile à son tour. Après quelque hésitation : Je puis cependant, dit-il au député (qui ne l'était pas encore à cette époque), vous prouver ma (page 869) gratitude en vous affranchissant de toute contribution sur le chemin de fer, du moins quant à la ligne que je dessers. Chaque fais que vous voyagerez, avec ou sans compagnie, sur telle ligne (il désigna la principale ligne de notre réseau), il ne vous sera pas demandé de billet, et vous ferez ainsi une économie assez notable. Réprimant un premier mouvement d’indignation, je feignis d’accepter l’offre… (Interruption). Puisque l’improvisation me trahit, j’avoue qu’il s’agit de moi en cette affaire ; je feignis donc d’accepter l’offre ; je demandai des explications, et j’appris tout ce qu’il m’importait de savoir comme défenseur du trésor spolié.
Mais si je consens à vous compromettre à mon profit, dis-je à cet homme, vous courez risque d'être destitué ; cet vos entants, dont le sort m'a ému, pourront se trouver bien malheureux.
- Tranquillisez-vous sur ce point, me répondit-il sans y mettre beaucoup de mystère. Ce que je vous propose, monsieur, se fait généralement et impunément. Personne n'a été destitué encore pour semblable bagatelle. Il y a toujours assez de place dans les voitures, et l'on n'aime pas de les voir vides. Nous savons bien qu'il existe des circulaires très sévères, que l'on renouvelle de temps à autre pour la forme ; mais comme ces circulaires nous gênent tous tant que nous sommes, on les lit du bout des lèvres et on les laisse dormir dans les cartons. Outre que nous ne sommes pas assez lâches pour nous dénoncer les uns les autres, aucun de nos chefs n'oserait nous punir, car ils craindraient d'être dénoncés, faisant exactement ce que nous faisons. Nos chefs nous recommandent à chaque instant de ne pas demander de billets à telles et telles personnes qu'ils favorisent. Nous les satisfaisons sur ce point, et nous sommes libres ainsi de faire plaisir à nos connaissances à nous. Voici comment le tour se fait. On prend un billet d'entrée à la station pour faire deux lieues et l'on va jusqu'au bout de la ligne ; ou si l'on veut faire encore cette économie, on ne prend pas de billet du tout, et l'on se glisse dans la station par une porte de service. Dès qu'on est sur le convoi, on n'a plus de compte à régler qu'avec le garde. Vous comprenez maintenant ?
J'avais parfaitement compris. Le soir du même jour, je me rendis auprès du ministre des travaux publics...
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Qui ?
M. Coomans. - Auprès du ministre des travaux publics, mon ami politique, il$ y a de cela quelques années. Ce point ne vous concerne aucunement. Je lui signalai point par point les manœuvres qui s'exécutaient aux dépens du trésor national, et dont quelques-unes m'étaient depuis longtemps connues comme elles l'étaient de tout le monde. Je précisai les détails, sans nommer, cela va sans dire, l'employé qui avait péché à mon égard par excès de reconnaissance.
L'honorable ministre à qui je fais allusion, et qu'une circonstance, douloureuse pour ses nombreux amis, tient éloigné de nos séances ; l'honorable ministre douta d'autant moins de l'exactitude de mes renseignements qu'il en avait maintes fois reçu de semblables. Il me montra les instructions précises qu'il avait données, il m'assura que des fonctionnaires supérieurs s'étaient associés à lui pour extirper, ou du moins restreindre l'abus en question, et il se plaignait de voir tant de précautions déjouées. Il écrivit immédiatement une circulaire nouvelle, aussi sévère que toutes celles que l'honorable M. Van Hoorebeke pourrait rédiger, et il demanda des explications formelles. Ces explications lui parvinrent sans retard. Il en résulta que l'abus signalé était imaginaire, qu'on calomniait ces messieurs du chemin de fer, et qu'ils se bornaient à profiter modérément du droit qu'ils avaient, eux, leurs femmes, leurs enfants et leurs domestiques, de voyager gratis sur le raihvay belge.
A la vérité, les auteurs des rapports avouèrent que trop de dames circulaient gratis sur la voie ferrée et que plusieurs fonctionnaires abusaient de la permission d'envoyer leurs épouses se promener aux frais de l'Etat.
Je pourrais soulever la question de savoir si toutes ces épouses étaient inscrites à l'état civil. Ceux qui se prononceront pour l'affirmative devront m'accorder que plus d'un employé était bigame et trigame, car deux, trois et quatre personnes du sexe voyageaient économiquement a titre de femmes légitimes. (Longue interruption.)
Messieurs, il est temps de créer de nouvelles ressources au trésor ; M. le ministre des finances doit le savoir mieux que moi. La question que je traite lui fournit l'occasion de s'en procurer. Rien ne m'empêchera de dire la vérité crue quand je la juge utile. Je constate d'ailleurs avec plaisir que la chambre entière comprend l'importance de cet incident et semble décidée à porter remède au mal.
L'honorable ministre dont je viens de vous parler, messieurs, avait pris la résolution très énergique de supprimer la gratuite illicite des transports ; il n'y est pas parvenu ; ses successeurs n'y sont pas parvenus ; l'honorable M. Van Hoorebeke n'y parviendra pas non plus, aussi longtemps que l'état actuel des choses ne sera pas radicalement modifié, dans le sens de mon amendement. Croyez-le bien, messieurs, la cause première de l'abus gît dans un certain nombre d'exemptions accordées ; il gît dans les coupons et les cartes de service ; je veux les supprimer ; je veux que le public sache que tout voygeur doit être muni d'un coupon ; je veux que le public soit en quelque sorte constitué censeur et surveillant. S il y avait quelques difficultés dans la comptabilité, par suite de l'adoption de mon amendement, je suis bien sûr que ces difficultés ne seraient pas insurmontables et que le système de remboursement que je propose n'entraînerait qu'une légère dépense comparativement à la recette supplémentaire qu'il assurerait au trésor.
On a proposé d'admettre gratis sur le chemin de fer tous les fonctionnaires du département revêtus de leur uniforme ; je ne saurais approuver cette idee. D'abord, il y a des cas où des fonctionnaires n'aimeraient pas a se présenter en uuifurme dans certaines localités ; cette observation s'applique, entre autres, aux inspecteurs, qui doivent se présenter à l'improviste dans les stations et sur toutes les lignes pour remplir leur mission.
Ensuite les uniformes des fonctionnaires du chemin de fer et des ponts et chaussées sont si riches, que ce serait occasionner à ces fonctionnaires d’un surcroît de dépense très considérable, en les forçant de se revêtir de leurs uniformes, et de les exposer trop souvent à la pluie et aux brouillards.
Je persiste à penser que le moyen le plus sûr et le plus efficace d'atteindre le but désiré est d'abolir net les coupons de service ainsi que les cartes de faveur, et de restituer aux employés leurs frais de déplacement. De cette faron, nous enlevons aux gardes tout prétexte de ne pas exiger des intrus le coupon ordinaire, et nous avons l'avantage de pouvoir constater exactement, à la fin de l'exercice, le montant des frais et le nombre de voyages faits pour le service de surveillance du railway national.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je pense que tous les ministres des travaux publics qui se sont succédé ont essayé d'employer des moyens de réprimer les abus qui existent, et que l'honorable M. Coomans vient de signaler plus particulièrement. Pour ma part, j'ai fait ce qui dépendait du moi pour les faire cesser.
Lorsque je suis arrivé au département des travaux publics, il existait des cartes sur parchemin, qui étaient distribuées à certaines personnes, et à l'aide desquelles on pouvait circuler gratuitement sur le chemin de fer ; j'ai supprimé ces cartes ; j'ai fait ensuite, et d'autres ont fait après moi, les recommandations les plus instantes, pour éviter que ces abus ne continuassent à se commettre. A-t-on réussi à les empêcher ? Je ne le pense pas ; il importe que les mesures soient prises pour les arrêter ; c'est la volonté du gouvernement ; le gouvernement a formulé les deux articles qui se trouvent dans le projet et qui ont précisément ce but. Nous voulons donc ce que veulent les honorables MM. de Man et Coomans.
Maintenant l'honorable M. Coomans croit avoir trouvé un meilleur moyen que celui qui est proposé par le gouvernement ; je pense que l'honorable membre se trompe. Le principe que l'on veut faire respecter est celui-ci : Nul ne peut circuler gratuitement sur le chemin de fer. Or que propose M. Coomans ? Les agents de l'Etat, dit-il, qui, pour cause de service, devront circuler, obtiendront le remboursement des coupons qu'ils prendront, comme tous les particuliers.
Mais il est de toute évidence que cela n'empêchera pas la circulation gratuite des personnes étrangères à l'administration, et même des agents de l'administration qui ont été indiqués par l'honorable M. Coomans ; ils se dispenseront de prendre des coupons, il n'y aura pas lieu à remboursement et la situation sera la même qu'auparavant.
En effet, d'où naît l'abus ? De la tolérance coupable de la part de ceux qui sont charges de surveiller ; ils ferment les yeux ; ils les fermeront encore. Il faut donc d'autres moyens que ceux qui ont été indiqués par l'honorable M. Coomans, et le gouvernement est disposé à y recourir ; il faut, par exemple, qu'on fasse faire des inspections par des personnes autres que les agents qui sont chargés d'accompagner les convois ; par des personnes qui, soit à l'entrée dans la gare, soit immédiatement après la sortie examineront si, en effet, tous les voyageurs qui se trouvent dans les voitures sont munis de coupons. En Angleterre, la vérification des coupons se fait ainsi. C'est, peut-êlre, l'un des moyens les plus efficaces à employer.
Messieurs, je crois que le principe de l'interdiction de la circulation gratuite sur le chemin de fer doit être écrit dans la loi, sauf les exceptions à déterminer et en laissant au gouvernement le soin de prendre les mesures nécessaires pour assurer l'application du principe.
Je dois dire encore, en relevant quelques observations de l'honorabler M. Coomans, que l'abus qui existe n'a pas cependant, j'en suis convaincu, l'étendue que pourraient faire supposer les paroles de l'honorable membre. L'honorable M. Coomans représente tous les chefs de l'administration comme profitant largement de la circulation gratuite.
M. Coomans. - J'ai dit beaucoup de chefs.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous avez parlé des chefs d'administration, et l'on aurait pu croire que vous entendiez même y comprendre les ministres ; eh bien, pour le dire en passant, les ministres donnent l'exemple du contraire, ils payent...
M. Coomans. - Les ministres n'ont pas le temps de voyager ; je ne les crains pas.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il est bon que nous nous expliquions aussi sur un autre point.
L'honorable membre a parlé de fonctionnaires pour lesquels on réserve des compartiments.
Ici je place en première ligne les ministres ; je dis que les ministres, par des raisons que chacun comprend, doivent avoir nécessairement un compartiment séparé. Il m'est arrivé de me dispenser de faire usage de cette faculté, peu contestable assurément ; un jour, l'honorable M. de Theux se rencontra en voiture avec moi ; la voiture fut bientôt pleine, et, chemin faisant, je m'entendis tout à coup interpeller par un des voyageurs sur des mesures prises par le départemcnl des finances et qui concernaient la localité a laquelle ce voyageur appartenait.
Il essaya de me démontrer que j'avais tort de refuser la mesure qu'il sollicitait. L'honorable comte de Theux me fit observer que toujours (page 870) les ministres avaient disposé d'un compartiment pour se soustraire à de pareils inconvénients ; il me conseilla, avec raison, d’agir de même, et j’ai suivi son conseil.
Messieurs, il est encore un autre point sur lequel il importe de ne pas laisser s'accréditer des erreurs. On a fait allusion à die voyageurs de distinction qui ont circulé gratuitement sur le chemin de fer de l’Etat.
Je crois, qu'en effet, cela est arrivé ; mais il y a réciprocité à l’étranger pour des personnes de distinction du pays ; et cet acte de courtoisie n'est pas sans compensation. On peut relever dans les comptes de la caisse des secours pour les ouvriers du chemin de fer les dons faits par ces personnes à cette caisse. Pour l'année 1850, ces dons s’élèvent à une somme de 3,879 fr. 70 c. Tel a donné 400 fr. ; tel, 500 fr. ; tel, 1,000 fr., de telle sorte qu'il y a la, comme vous le voyez, messieurs, une large compensation à cette circulation qui n'a que l'apparence de la gratuite.
M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, le langage que nous tient le gouvernement revient à nous dire : Il y a des abus, c'est évident ; mais cependant les amendements qu'on nous propose sont inacceptables car les articles 9 et 10 que nous proposons sont suffisants pour les prévenir. D'ailleurs, ayez confiance, laissez-nous faire ; vous aurez à vous en applaudir, nous nous chargeons de la répression des abus qu'on nous a signalés.
Je répondrai d'abord que ces promesses ne me suffisent pas. J’ai plus de confiance dans des dispositions légales. D'ailleurs l'administration a eu tout le temps de réprimer les abus. Et qu'a-t-elle fait ? M. le ministre des finances vient de nous déclarer qu'il avait fait tout ce qu'il a pu. A-t-il réussi ? Je vous le demande, messieurs ! Je dis que le gouvernement a tort de refuser l'appui que nous lui offrons ; l'expérience prouve que cet appui lui est indispensable pour tenir tête aux agents de son administration.
Les organes du gouvernement disent : Les articles 9 et 10 vous offrent toutes les garanties désirables. J'ai du mal à me le persuader.
Commençons par l'article 9. Cet article dispose que les fonctionnaires et employés voyageant pour le service des chemins de fer sont exempts de rétribution.
Cette disposition me paraît d'une élasticité très grande ; elle indique des exceptions très larges, et, de plus, elle ne pose pas de limites ; de sorte que le gouvernement pourra encore étendre les exceptions.
En effet, tout ce que la loi ne défend pas est permis ; de sorte que l'administration reste arbitre absolu quant à la fixation des exceptions.
De plus, cette disposition maintient le système des coupons de service, qui sont la source de tous les abus dont nous nous plaignons, et ces abus, malgré toute la bonne volonté du gouvernement, sont inévitables. C'est ainsi qu'en a jugé le chef du département de la justice, lorsque la seciton centrale de son budget lui proposa de supprimer les indemnités de route pour les magistrats instructeurs et les fonctionnaires de ce ministère, et de les autoriser à voyager au moyen de coupons de service.
En effet, le ministre de la justice répondit à la proposition de la section centrale par une note où il développait de la manière la plus claire que le système des coupons de service ouvrait la porte à des abus inévitables. Aussi la section centrale renonça-t-elle à sa proposition ; et je ferai remarquer en passant qu'il s'agissait cependant d'accorder cette tolérance au corps de la magistrature, au corps qui est le moins capable d'en abuser.
Maintenant un mot concernant l'article 10.
Le gouvernement, d'après ses déclarations, attend aussi de cette disposition les meilleurs résultats.
Quel en est le but ? C'est d'accorder des exemptions de péages aux administrateurs, ingénieurs des compagnies étrangères, à charge de réciprocité pour les nôtres. Eh bien, messieurs, voici le résultat de cette réciprocité ; voici ce qui arrive souvent : le banquier le plus opulent du monde est exempt de toute rétribution en sa qualité de directeur du chemin de fer du Nord, quand il traverse le pays pour passer de France en Allemagne (interruption), et cela avec ses voitures, sa famille et une suite nombreuse ! Eh bien, je dis que ce sont là des abus, et que si vous ne voulez pas privilégier les petits, il ne faut pas privilégier les grands personnages étrangers.
Messieurs, dès que l'on propose une réforme qui gêne les habitudes admises et surtout qui froisse des intérêts, le gouvernement tient toujours le même langage, il met en avant les exigences du service.
Mais, je vous le demande, nos propositions sont-elles de nature à entraver les nécessités du service ? Proposons-nous de supprimer les indemnités de route pour ceux auxquels le service commande des déplacements ? Pas le moins du monde.
Nous proposons de supprimer la cause de l'abus, et rien au-delà. Nous demandons que les fonctionnaires de l'administration du chemin de fer soient traités comme ceux des autres départements. Qu'on leur tienne compte de leurs déplacements par des indemnités convenables. Nous demandons qu'on procède à leur égard, comme à l'égard de ceux du département de la justice. Pourquoi cette dissidence d'opinion entre le ministre de la justice et celui des travaux publics ? Le premier déclare que le coupon de service est une cause d'abus insurmontable, le second prétend tout le contraire.
Pourquoi accorder des faveurs aux fonctionnaires d'un département et les refuser à ceux des autres administrations ? Pourquoi accorde-t-on, quand il s'agit d'un changement de résidence, le transport gratuit des meubles et de toute la famille aux employés du chemin de fer, et pourquoi le refuse-t-on aux autres ? A-t-on tous ces égards pour les fonctionnaires du département de l'intérieur, quand ils sont envoyés dans une nouvelle résidence ? A-t-on tous ces égards pour les officiers de l'armée ? Et cependant 1eur traitement est peu considérable, beaucoup moins considérable que celui des employés du chemin de fer.
Je dis que ce mode de procéder constitue des privilèges, et le privilège est contraire aux principes constitutionnels de notre libre Belgique.
Je pense que ces développements, joints à ceux dans lesquels je suis entré hier, sont suffisants pour vous démontrer l’insuffisance des articles 9 et 10 du projet, et la convenance d’adopter nos amendements.
Encore un mot concernant une interpellation que m'a adressée l'honorable M. Delfosse au début de cette séance. Cet honorable membre croit que mon amendement n'est pas complet ; il pense qu'il y aurait lieu d'y comprendre les agents dont le service exige une circulation continuelle sur les voies de fer. Eh bien, je me rends à cette observation, et je propose d'ajouter à la rédaction que j'ai déposée hier les mots suivants : « et à l'entretien de la route sur laquelle ils circulent. »
Quant aux autres fonctionnaires et agents, rien ne s'oppose à ce qu'ils se pourvoient de coupons ordinaires, quand ils auront à voyager pour faire leur service ; on leur tiendra compte de leurs frais de route sur leur déclaration, comme on tient compte de leurs frais de séjour. Avec un peu de bonne volonté, l'application de la réforme que nous proposons est facile et des plus simples.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, les honorables auteurs des amendements et le gouvernement poursuivent le même but, veulent obtenir le même résultat. La modification que l'honorable M. de Man vient d'apporter à son amendement serait encore insuffisante, car il y a d'autres agents que ceux préposés à la surveillance des routes qui doivent rentrer dans l'exception prévue. Les inspecteurs, vérificateurs et contrôleurs sont au nombre des fonctionnaires auxquels s'applique la disposition ele l'article que nous discutons. Au reste, pour faire cesser toute espèce d'incertitude à cet égard, pour donner une preuve nouvelle que telle est l'intention du gouvernement, je proposerai de rédiger l'article 9 en ces termes :
« Nul ne peut circuler gratuitement sur les chemins de fer de l'Etat.
« Seront exempts de toute rétribution : les fonctionnaires ou agents de l'Etat, voyageant pour le service du chemin de fer, et les employés de la douane qui accompagnent les marchandises en transit. »
J'ajoute un dernier paragraphe ainsi conçu :
« Le mode et les conditions de ce transport gratuit seront déterminés par arrêté royal. »
C'est dans les mesures d'exécution, dans les mesures administratives, et non dans la disposition de la loi qu'il faut chercher le moyen de faire cesser l'abus dont on se plaint. C'est là qu'est la sanction.
L'article 10 serait maintenu avec un paragraphe additionnel ainsi conçu :
« La liste de ces fonctionnaires sera arrêtée par le gouvernement. »
L'administration des chemins de fer de l'Etat est en relations journalières avec l'adminislralion du chemin de fer rhénan et avec l'administration du chemin de fer du Nord. Il peut arriver que des agents de ce chemin de fer soient appelés en Belgique pour affaires de service ; alors ils pourront voyager gratuitement sur le chemin de fer de l'Etat. C'est, au reste, à titre de réciprocité que cette faveur a été accordée à toutes les compagnies accordent cette faveur. Je ne pense pas que l'Etat exploitant veuille agir autrement et se montrer plus rigoureux que les compagnies elles-mêmes.
M. David. - Je demanderai s'il n'y aura plus de transport gratuit, je ne dirai pas pour des indigents, mais pour certains ouvriers qui viendraient à manquer de travail dans telle ou telle localité, et voudraient retourner dans leurs foyers, mais n'auraient pas les moyens de payer les frais de transport. Il y aurait économie, je pense, pour le gouvernement à les transporter gratuitement ; car, s'ils restent sans travail, ils finiront par être obligés à tendre la main, et s'ils tombent sous la main d'un agent de police, ils seront arrêtés ; traités alors comme vagabonds, ils seront ou incarcérés ou reconduits de brigade en brigade jusque chez eux, et cela aux frais du trésor.
M. Coomans. - Je reconnais que la rédaction proposée par M. le ministre des travaux publics serait satisfaisante, si l'exécution en était sanctionnée ; mais cette sanction, je ne la vois pas. En effet, qu'ai-je voulu ? Que le public pût censurer la conduite des gardes ; que le nombre des billets fût toujours égal à celui des voyageurs, et que leur surveillance continuelle et mutuelle assurât le respect de la loi. Aussi longtemps que vous exempterez, ne fût-ce que dix personnes, de payer le transport, l'abus sera possible, et s'il est possible, soyez assuré qu'il se manifestera et se perpétuera.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Il faut, pour voyager, un coupon ou une carte de circulation.
- - Un membre. - On ne les montre pas.
M. Coomans. - Si les cartes sont nominatives, je me rallie à la proposition du gouvernement en espérant que l'arrêté royal ne sera pas trop large et sera exécuté avec toute la sévérité possible.
M. de Man d'Attenrode. - Après les observations de M. le ministre des travaux publics et de M. Coomans, je retire mon amendement.
- L'article 9, tel qu'il a été modifié par M. le ministre des travaux publics, est mis aux voix et adopté.
(page 871) « Art. 10. Pourront également être admis à jouir de ladite exemption, les fonctionnaires et agents des administrations des chemins de fer belges ou étrangers, en relations de service avec le chemin de fer de l'Etat, à charge de réciprocité.
« La liste de ces fonctionnaires sera arrêtée par le gouvernement. »
M. Coomans. - Je demande la suppression de cet article.
La réciprocité qu'il consacre donne lieu à beaucoup d'abus ; d'autant plus qu'il y a des cas où cette prétendue réciprocité n'existe point, puisqu'il y a des compagnies chez les peuples qui nous entourent, tandis que chez nous le chemin de fer est la propriété de l'Etat.
- L'art. 10 est mis aux voix ; l'épreuve est douteuse ; elle est renouvelée. L'article n'est pas adopté.
« Art. 11. Seront admis au transport par chemin de fer, avec réduction de 30 p. c. sur le prix ordinaire du tarif :
« 1° Les troupes voyageant en corps ou par détachements ;
« 2° Les sous-officiers et soldats, en activité de service, voyageant isolément ;
« 3° Les détenus, leurs gardiens, et les voitures servant à leur transport. »
- Adopté.
« Art. 12. Le ministre des travaux publics aura la faculté de réduire le tarif des voyageurs jusqu'à concurrence de 50 p. c. :
« 1° Pour le transport des émigrants et leurs bagages ;
« 2° Pour les transports exceptionnels qui auraient lieu à l'occasion de solennités, concours, fêtes publiques, etc., et qui paraîtraient de nature à procurer au chemin de fer un accroissement de produits. »
M. de Mérode-Westerloo. - Je demanderai à M. le ministre des travaux publics, s'il ne compte pas prendre une mesure qui ne pourrait être que profitable au trésor, tout en faisant droit à une réclamation que j'ai entendu faire bien souvent. Je veux parler de l'établissement de coupés à quatre places, assez nombreux pour que chaque convoi en destination de nos grandes villes soit pourvu d'au moins deux compartiments de ce genre,
Rien ne me paraît s'opposer à ce que toute diligence en eût un à chacune de ses extrémités ; de cette manière vous conserveriez les 24 places par voiture de première classe et, d'un autre côté, vous offririez aux voyageurs l'avantage bien marqué, à mon avis, de pouvoir retenir un coupé d'avance. On délivrerait alors un seul bulletin, comprenant les 4 places du coupé, le jour et l'heure du départ. On pourrait même, ce qui serait très juste, faire payer une légère redevance fixe pour tout coupé arrêté d'avance, la veille ou le jour même du départ, cinq francs, par exemple, ce qui ne ferait, après tout, que 1 fr. 25 c. par place.
Soyez persuadés, messieurs, que bien souvent, même trois voyageurs retiendraient les quatre places du coupé, préférant une légère augmentation de dépense à la privation de l'agrément de se trouver à leur aise et comme dans leur voiture. En supposant maintenant que les coupés ne soient pas retenus, qu'en résultera-t-il ? Mais que les premiers arrivés les occuperont moyennant le coupon de diligence qui leur aura été délivré.
Le nombre des places des voitures de première classe étant, comme je l'ai dit tout à l'heure, le même, avec ou sans les deux coupés, le trésor ne perdrait rien à l'établissement de ces derniers.
Je ne compte pas, à la vérité, quelques glaces qu'il y aurait en plus. Quant à l'agrément, les voyageurs gagneraient considérablement.
J'ai voulu m'assurer, en adressant cette demande à M. le ministre, si la classification des voitures énoncée à l'article 4 du projet de loi qui nous occupe en ce moment, ne serait pas, pour le chef du département des travaux publics, un empêchement légal d'établir les coupés si désirés.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Aux termes de l'article 4, il y a trois classes de voitures. On propose l'établissement d'une quatrième classe de voitures (berlines ou coupes) ; mais ce serait assez difficile, sans exposer, sans compromettre les résultats de l'expérimentation. Il est donc essentiel de conserver le mode actuel d'exploitation, et d'éviter la création d'une nouvelle classe qui changerait la classification des voyageurs.
M. de Mérode-Westerloo. - Les prix seraient les mêmes.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Cela pourrait néanmoins amener le déclassement des voyageurs. Mieux vaudrait maintenir les trois classes de voyageurs. Du reste, je ferai remarquer que certaines voitures ont des coupés. Dans l'application on pourra tenir compte des observations de l'honorable membre.
M. Osy. - Je n'ai rien à dire sur cet article. Je me borne à demander au n°2 le « et caetera », parce que c'est excessivement large. Comme je l'ai dit, je suis très contraire à l'introduction des trains de plaisir.
Le gouvernement en établira si vous maintenez le « et caetera ». J'en demande le retranchement.
M. de La Coste, rapporteur. - Je voulais faire deux observations : l'une en réponse à l'honorable ministre des travaux publics, l'autre dans le même sens que l'honorable M. Osy.
Il me semble que le « et caetera » n'est pas du langage législatif. Si le gouvernement veut ajouter quelque chose à l'article, il doit le dire.
L'autre observation que j'aurai l'honneur de soumettre à la chambre, et à laquelle je prie l'honorable ministre de faire attention, est telle-ci : Nous voulons une expérimentation, il est vrai, mais, autant que possible, des améliorations dans le service et dans les recettes. Ainsi donc l’idée d'une expérimentation ne doit pas empêcher les progrès dans l'administration.
Si donc la proposition de l'honorable M. de Mérode-Westerloo, que je n'examine pas au fond, peut produire une amélioration sur le chemin de fer, s'il en est de même des rideaux dont on parlait hier qu'on améliore ainsiles voitures de la première et de la dernière classe. Qu'on ne nous oppose pas un principe d'immobilité. Marchons en avant, tant pour l'augmentation des recettes que pour le perfectionnement et que cette idée d'expérimentation ne vienne pas nous arrêter.
M. F. de Mérode. - J'appuie cette observation.
Il y a un motif pour lequel on devrait établir des coupés : c'est qu'il se trouve des personnes malades qui ne peuvent prendre un compartiment de 8 places et qui prendront volontiers un coupé de 4 places. Cela ne changera rien à votre expérimentation, puisque les coupés seront toujours considérés comme des voitures de première classe.
Si l'on ajoutait une somme minime pour pouvoir le retenir tout entier, ce ne serait qu'une simple amélioration de recette et les classes ne seraient pas changées ; il y aurait toujours trois classes. Ce ne serait qu'une facilité de plus pour les voyageurs, à qui elle serait très utile.
M. de Mérode-Westerloo. - Je ferai remarquer à M. le ministre des travaux publics que les observations que j'ai faites tout à l'heure ne s'appliquaient qu'aux voitures à construire et auxquelles on ajouterait deux compartiments à quatre places.
Il n'y aurait donc aucune dépense nouvelle pour le trésor, et l'établissement de ces compartiments pourrait amener des recettes nouvelles pour le trésor.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Dans les premières années de l'exploitation, l'administration des chemins de fer a déjà fait l'expérience de ces coupés, de ces berlines, et elle y a renoncé ; je pense que si on y a renoncé, c'est parce que l'expérience a constaté que les résultats n'étaient pas satisfaisants.
Messieurs, dans le projet de loi soumis à la chambre par mon honorable prédécesseur, le 2° de l'article 9 était rédigé comme suit : « soit pour des transports exceptionnels, soit pour des sociétés de musique ou autres, à l'occasion de solennités, concours, fêtes publiques, etc »
Je dois avouer à la chambre que j'ai maintenu l’« etc ». On pourrait le supprimer, qu'il n'en resterait pas moins constant que, d'après les termes de la disposition, le gouvernement pourra établir des trains de plaisir. Je crois qu'il y a des avantages réels à établir, dans des circonstances données, ces trains que toutes les compagnies ont adoptés et qui profitent au trésor.
A cet article je propose une disposition additionnelle ainsi conçue : « Le ministre des travaux publics aura également la faculté d'accorder des convois spéciaux à des prix à déterminer selon les circonstances. » C'est la disposition que j'ai annoncée tantôt à la chambre.
M. Loos. - L'honorable M. de Mérode n'ayant pas fait de proposition relativement à l'établissement de coupes qu'il demande, j'aurais pu me dispenser de prendre la parole. Mais je remarque que souvent des idées mises en avant dans cette enceinte, quoique n'ayant pas donné lieu à un vote, sont considérées, si elles n'ont pas rencontré d'objection, comme un vœu de la chambre et se trouvent réalisées au chemin de fer. Je m'empresse donc de protester contre la demande qui vient d'être faite.
On accuse l'administration du chemin de fer d'exploiter d'une manière onéreuse, et on vient vous proposer des moyens plus onéreux encore d'exploitation. On vient vous demander de joindre des coupés aux diligences. Nous nous rappelons tous ce qu’étaient les berlines d’autrefois ; c’étaient des voitures magnifiques, mais qui circulaient à vide. Il en serait de même des coupés.
Ces coupés prendraient beaucoup de place. Vous ne pourriez plus admettre dans les diligences le même nombre de voyageurs.
M. de Mérode-Westerloo. - Le même nombre.
M. Loos. - Il existe déjà une disproportion très grande entre le nombre des places des diligences et celui des places des autres voitures qui circulent sur le chemin de fer.
Je le répète donc, je considérerais la réalisation de cette idée comme une dépense nouvelle sans compensation aucune pour le chemin de fer, et je regretterais que l'administration l'adoptât.
M. Dumortier. - Je crois qu'on se trompe sur la pensée qui a dicté la motion de mon honorable collègue et ami M. de Mérode-Westerloo.
Il ne demande pas de former une quatrième classe de voitures, comme cela existait dans l'origine.
Il y a eu, dans les premiers temps de l'exploitation, des berlines ; cela est vrai ; mais il y avait quatre prix et quatre classes de voitures, et il n'est nullement question de rétablir cette quatrième classe. Ce que notre honorable collègue demande, ce sont des compartiments dans lesquels une famille puisse s'établir, ainsi que cela existe sur beaucoup d'autres lignes.
Je dois faire remarquer que lorsqu'un minisire voyage, il a déjà aujourd'hui un compartiment séparé. Allez voir les chemins de fer de Hollande ; les voitures y ont des compartiments de quatre places. Il en résulte qu'une mère de famille, qui veut voyager seule avec sa fille, paye deux places de plus afin d'avoir l'avantage d'être dans son intérieur. Loin donc qu'une pareille proposition soit défavorable au trésor public, elle est, au contraire, tout à son avantage.
(page 872) Il ne s'agit pas d'avoir des prix augmentés. L'honorable M. Loos revient toujours sur le regret qu'il éprouve de ce que l'ont n'a pas augmenté le prix des diligences. Eh bien, on l'a dit et répété à satiété, si cette augmentation avait été votée, elle n'aurait amené qu'un seul résultat, celui d'un déclassement complet et de faire fuir les diligences.
Un des points les plus importants de la tarification du chemin de fer, c'est que la combinaison des prix soit telle qu'il n'y ait pas de déclassement. Or, si l'on avait augmenté davantage le prix des diligences, on aurait amené un déclassement considérable et par suite une perte inévitable pour le trésor public. Avec le système de l'honorable M. Loos, il n'y aurait presque plus de voyageurs en diligence.
M. Loos. - Quel est mon système ?
M. Dumortier. - Votre système est d'abaisser le prix des waggons et d'augmenter le prix des diligences.
M. Delehaye. - Ce n'est pas là l'objet en discussion.
M. Dumortier. - En ce cas, que d'autres n'en parlent pas ; mais quand je vois l'honorable membre revenir constamment sur cette question, je crois nécessaire de lui répondre.
M. Delehaye. - M. Dumortier se trompe. M. Loos n'a pas parlé de cela.
M. Dumortier. - J'avais cru comprendre, au milieu du bruit, qu'il en parlait.
L'honorable comte de Mérode ne demande donc pas des berlines spéciales ; il demande qu'on fasse aux diligences des compartiments dans lesquels une famille puisse voyager, et je répète qu'une pareille proposition est entièrement à l'avantage du trésor public, puisque si trois personnes prennent un compartiment de quatre places, elles payeront les quatre places comme si elles occupaient le compartiment en entier. C'est donc un avantage pour le trésor et pour les familles qui voyagent.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Il y a de ces compartiments sur une de nos lignes.
M. Dumortier. - Il y en a sur la ligne d'Anvers ; mais il n'en existe pas sur la ligne du Midi.
Messieurs, il est un autre point sur lequel je dois dire quelques mots : il s'agit des trains de plaisir.
Je ne suis nullement partisan de ces trains de plaisir. Je n'en suis pas partisan par les raisons que vous ont données dernièrement l'honorable M. Osy et l'honorable M. Ch. de Brouckere.
Je crois, pour mon compte, qu'il faut retrancher purement et simplement l’ « et caetera », parce qu'au moyen de cet « et caetera », le gouvernement pourrait accorder des voyages à prix réduits sans engager sa responsabilité. Les prix sont déjà tellement bas que je ne vois pas de possibilité d'aller au-delà. Qu'on laisse au gouvernement la faculté de transporter à prix réduits pour les fêtes publiques, je le conçois, mais hors de là, qu'on se renferme dans les limites de la loi. Il ne faut pas introduire dans une loi des dispositions qui permettent au gouvernement de faire tout ce qu'il veut. Que dirait-on, par exemple, si le gouvernement venait proposer une loi d'impôt portant : On imposera le café, le sucre, et caetera ? Evidemment, on ne peut pas rédiger les lois de cette manière.
M. Osy. - En proposant de retrancher le mot : « etc. », j'entends soumettre à la chambre la question de savoir si elle veut, oui ou non, des trains de plaisir. M. le ministre des travaux publics a dit qu'il était décidé à continuer d'établir des trains de plaisir, parce que nos voisins en établissent aussi ; mais, messieurs, il y a une grande différence entre nos voisins et nous : la société du Nord et la société rhénane peuvent établir des trains de plaisir dans leur intérêt ; mais quand un gouvernement exploite des chemins de fer, il doit, avant tout, consulter le côté moral. Or, je trouve que les trains de plaisir ne sont pas du tout moraux, et il faut absolument interdire au gouvernement d'en établir.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne saurais partager les préventions qui existent dans certains esprits contre l'établissement des trains qu'on a appelés « trains de plaisir ». Peut-être cette dénomination a-t-elle, jusqu'à un certain point, porté malheur à l'innovation. Mais je crois qu'il y a dans les trains de plaisir autre chose que ce que veulent bien y voir ceux qui les combattent ; qu'il y a autre chose que le plaisir proprement dit. Je crois qu'il y a dans cette circulation plus facile, dans ces rapports plus multipliés entre les diverses parties de nos populations, qu'il y a là une haute utilité politique. L'année dernière, messieurs, on a fait un essai ; on a procuré à un certain nombre d'habitants des bords de la Meuse et de la capitale, l'occasion, qui sans cela ne leur eût jamais été offerte, de voir une partie de notre pays, de voir nos côtes maritimes, de voir, en un mot, la mer.
A leur tour, les populations flamandes ont pu venir visiter les populations wallonnes, voir la capitale, voir le beau pays de Liège. Il y a, messieurs, je le répète, il y a des enseignements mutuels, il y a des grands profits politiques dans ces rapprochements des contrées, entre nos diverses populations. C'est là, messieurs, un des principaux motifs qui nous ont toujours fait incliner, quant à nous, en faveur de tarifs modérés qui permissent à toutes nos populalions des déplacements utiles, profitables au développement de l'unité nationale.
Y a-t-il, messieurs, comme on le dit, immoralité à ce qu'un père de famille, voyageant avec sa femme, conduise sa famille d'Anvers à Bruxelles, de Bruxelles à Gand, au lieu d'aller s'attabler une partie de son dimanche au cabaret ? Que l'argent se dépense au chemin de fer ou qu'il se dépense au cabaret, je crois qu'il y a beaucoup plus de moralité dans le premier que dans le second de ces deux genres de dépenses. Chacun, du reste, apprécie à sa manière la moralité de ces dépenses. (Interruption.) Je ne comprends pas l'espèce de défaveur avec laquelle on a accueilli les transports rendus plus faciles, plus commodes pour les populations ouvrières. Il a été démontré, messieurs, que ces transports à prix réduits n'entraînaient pas de charges pour le trésor, qu'il suffisait qu'il y eût encombrement, que toutes les voitures fussent remplies pour que, même en réduisant de moitié les prix de transport, on obtint encore un bénéfice. C'est ce qui a été constaté par l'honorable M. Rolin, et sous ce rapport je crois qu'il a très bien fait d'introduire l'innovation.
Vous venez, messieurs, à titre d'essai provisoire, je l'espère, de renforcer le tarif des voyageurs pour les waggons ; eh bien, interdire aujourd'hui au gouvernement de faire ce qu'il a tenté l'année dernière, non seulement sans préjudice, mais avec profit pour le trésor, ce serait encore une aggravation, ce serait une nouvelle mesure onéreuse, peu bienveillante pour les classes nombreuses de nos populations, qui méritent votre sollicitude.
M. Malou. - Vous attaquez le vote de la majorité.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ferai observer à l'honorable M. Malou que le vote de la majorité n'est pas encore transformé en loi.
- Un membre. - Il y aura un second vote.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'ajoute que le ministère s'est interdit, dans toute cette discussion, de faire valoir des arguments qui, suivant moi, eussent été irrésistibles sur l'esprit de la chambre.
M. Malou. - Vous deviez les faire valoir.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'ai maintes fois démontré qu'il était de l'intérêt du trésor, non moins que de l'intérêt de nos populations, que les transports par le chemin de fer se fissent d'après un tarif modéré.
Vous avez décidé que l'expérience se ferait d'après un tarif relevé. Si le vote est maintenu, nous exécuterons loyalement la loi. Notre opinion est que vous n'obtiendrez pas le but que vous vous proposez, en relevant le tarif, si le but que vous vous proposez n'est autre que d'augmenter les recettes du trésor ; mais si le but était de restreindre le nombre des voyageurs, il est probable que ce but sera atteint.
Mais, si vous avez introduit ce renforcement de tarif, en ce qui concerne les voyageurs de troisième classe, c'est un motif de plus pour laisser du moins au gouvernement la faculté de faire en 1851 ce qu'il a pu faire en 1850, c'est-à-dire d'organiser dans certaines circonstances des convois spéciaux à prix réduits.
On a souvent invoqué l'exemple des sociétés particulières ; on trouverait admirable d'être exploités par des compagnies ; celles-là, dit-on, ne pousseraient pas la duperie jusqu'à transporter des voyageurs à des prix réduits. Des membres trouvent qu'il serait plus avantageux au pays d'être largement exploités par les compagnies, il ne faut pas disputer des goûts ; mais alors même que les compagnies élèvent leurs tarifs pour les convois ordinaires, elles introduisent, à certaines époques, des trains à des prix réduits ; de manière qu'en transportant des voyageurs en très grand nombre, elles retrouvent sur la quantité transportée la différence en moins qu'elles reçoivent de chaque voyageur.
De pareils trains existent en Angleterre ; là, les compagnies exploitent ! le pays, non pas à sa grande satisfaction, car beaucoup de plaintes s'élèvent contre l'exploitation des compagnies ; mais enfin en Angleterre les compagnies trouvent utile à leurs intérêts d'organiser parfois des trains de plaisir ; pourquoi ne pas suivre en ceci leur exemple ?
M. Lesoinne. - Messieurs, on cherche à faire produire au chemin de fer le plus de bénéfice possible ; si, au moyen des trains de plaisir, on peut augmenter la recette, je ne vois, pour ma part, aucune difficulté à les maintenir.
L'honorable M. Osy les trouve immoraux ; il dit que, par ces trains de plaisir, on excite les populations à faire des dépenses qui excèdent leurs moyens ; je vous avoue que je ne puis partager l'opinion de l'honorable membre ; j'ai meilleure opinion de mes compatriotes, et je ne les crois pas disposés à dépenser follement leur avoir à l'occasion des trains de plaisir.
J'ignore comment étaient composés ces trains de plaisir, mais si l'honorable membre a voulu parler des ouvriers qui pouvaient s'y trouver, je puis assurer mon honorable ami que, quant aux ouvriers de la province que j'habite, je les connais assez pour dire que ce sont généralement des hommes raisonnables, et chez qui l'esprit de prévoyance fait de jour en jour plus de progrès.
Sans doute, il y a des exceptions, omme partout ailleurs ; mais les prodigues n'ont pas besoin de train de plaisir pour gaspiller ce qu'ils ont.
Je persiste à engager le gouvernement, s'il y trouve un bénéfice pour le trésor, à organiser des trains de plaisir, sans tenir compte des observations présentées par les honorables membres qui ont parlé contre les convois de ce genre, surtout au point de vue de la morale. Quant à moi, je ne vois pas qu'il y ait là immoralité.
M. de La Coste, rapporteur. - Messieurs, je regrette que M. le ministre de l'intérieur ait fait usage d'une argumentation qui tendrait à passionner les débats. Dans cette chambre, nous ne considérons pas la nation comme divisée en classes ; toutes les classes dont la nation se compose ont droit (page 875) à notre bienveillance, et les classes ouvrières y ont un droit tout particulier.
Si la chambre a augmenté le tarif relativement à la troisième classe, le gouvernement l'avait déjà fait par sa proposition ; il n'y a entre celle-ci et le taux que nous avons voté qu'une différence d'un quart de centime applicable à toutes les classes.
Messieurs, les objections relativement aux trains de plaisir ont pour moi un côté fort grave, et je l'ai déjà dit : c'est que les trains de plaisir créent un privilège en faveur de certaines localités au détriment de certaines autres.
Messieurs, je me suis trouvé dans une ville de la Belgique qui a autant de droit que toutes les autres à notre bienveillance, à une époque qui avait coutume d'y attirer un concours d'habitants d'autres villes. M'entretenant avec le chef de la station, je lui demandai d'où venait qu'il y avait si peu de monde en mouvement : C'est tout simple, me répondit-il, il y a un train de plaisir vers Ostende.
Mais mon objection principale contre le paragraphe additionnel proposé par le ministre des travaux publics, et je crois que l'objection sera encore développée, c'est pourquoi je me bornerai à l'exposer en deux mots : c'est que cet amendement anéantit toute la loi ; le ministre pourra faire des convois spéciaux à telles conditions qu'il jugera convenables ; nous n'avons pas besoin de voter une loi qui pourrait être modifiée à volonté.
M. Malou. - Messieurs, le discours de l'honorable ministre de l'intérieur vient trop tôt ou trop tard ; trop tôt si l'on désire que la chambre revienne sur le vote qu'elle a émis ; trop tard, si l'on a tenu en réserve jusqu'aujourd'hui les arguments qui auraient été irrésistibles pour la chambre. Après avoir suivi cette discussion, après avoir entendu tous les arguments que l'honorable collègue de M. le ministre de l'intérieur a produits, je ne croyais pas que le gouvernement eût tenu en réserve les arguments irrésistibles. M. le ministre des travaux publics est sans doute de mon avis.
Le but de la majorité, en élevant légèrement le tarif, a été de combiner une plus forte recette avec la conservation de tout le mouvement utile. Il n'y a dans l'esprit de personne de dépit, ni contre le chemin de fer, ni contre l'exploitation par l'Etat, ni contre le contact des diverses parties de nos populations ; de pareilles insinuations ne sont justifiées par aucun antécédent de la discussion ; on n'aurait pour dû se les permettre...
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne reçois de leçon, ni de vous, ni de personne.
M. Coomans. - Nous n'avons pas non plus besoin des vôtres.
M. Malou. - J'ai le droit de qualifier vos observations ; c'est le droit dont j'use et dont j'userai encore.
On dit que les compagnies organisant des trains de plaisir, et que nous devons les imiter sous ce rapport. Je le concevrais si nous commencions par imiter leur tarif. Lorsque ce tarif est élevé, on comprend facilement que, dans certaines circonstances, on fasse une réduction plus ou moins considérable ; mais les mêmes motifs n'existent pas pour vous au même degré ; car l'on peut dire, en vérité, qu'avec vos tarifs, tels qu'ils ont existé, tous nos trains étaient des trains de plaisir.
Le tarif réduit pour des trains de plaisir par certaines compagnies était encore plus élevé que le nôtre. Si vous commenciez par vous rendre compte de cet antécédent, par mettre vos tarifs sur la même ligne que ceux des compagnies, il pourrait y avoir lieu d'admettre des réductions exceptionnelles.
L'article, aux yeux de l'honorable M. Osy, paraissait trop vague. Que fait-on pour lui répondre ? On propose d'étendre encore indéfiniment l'exception. Ainsi on consent, si j'ai bien compris, à supprimer l’« etc. », mais on y ajoute un paragraphe qui donne expressément au ministre le droit de créer tels trains spéciaux, à tel prix qu'il le voudra. Ou bien votre paragraphe n'a aucun sens, ou bien il a la signification que je viens de lui attribuer.
Je suppose qu'à l'époque de l'exposition de Londres, M. le ministre des travaux publics croie utile d'établir des trains à prix réduit. 11 en aura le droit.
D'après cet amendement, on ne restreint plus seulement aux cérémonies, aux solennités, aux concours et aux fêtes publiques, mais on soutient qu'il est utile d'établir des réductions de tarif. Je me rappelle avoir lu une loi où on définissait sévèrement tous les droits que l'on voulait conférer, et l'on ajoutait un paragraphe qui disait : Le gouvernement fera tout ce qu'il voudra.
Messieurs, nous voulons que l'expérience soit sérieuse et complète. La loi doit avoir un sens précis. Vous ne pouvez pas admettre une exception aussi large. Si le ministère croit, si la majorité de la chambre croit avec lui, qu'il y a lieu d'admettre certaines exceptions, qu'on les précise ; mais qu'après avoir établi les conditions de transport, on n'admette plus des exceptions qui permettent en pratique de détruire la règle posée par le tarif.
Veuillez remarquer, messieurs, que vous faites une loi dont la durée n'est pas limitée. Ce pouvoir aura la durée de votre loi. S'il s'agissait d'une loi temporaire, je dirais : Notre contrôle nous appartient naturellement sur la manière dont le gouvernement appliquera ces exceptions ; mais dans les termes de l'article premier, tel qu'il a été adopté, vous donnez plein pouvoir au gouvernement de neutraliser les effets de la loi.
Je demande donc qu'on supprime non seulement l’« et caetera » contre lequel l’honorable M. Osy s'est élevé avec beaucoup de raison, mais qu'on rejette aussi le paragraphe additionnel proposé par le ministre des travaux publics.
M. Delfosse. - Nous voulons tous supprimer l’ « etc. », mais nous ne voulons pas tous supprimer les trains de plaisir ; il faut en dire quelque chose à la place de l’« etc. ». La disposition additionnelle proposée par M. le ministre des travaux publics paraît trop vague à quelques-uns de nos collègues ; on pourrait examiner d'ici à demain s'il n'y aurait pas lieu de ma modifier.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, on pourrait faire cesser toute équivoque en remplaçant l’« etc » par les mots « trains dits : de plaisir ». Cela permettrait à tout le monde d'exprimer son opinion ; ensuite le paragraphe proposé par M. le ministre des travaux publics pourrait encore être apprécié par la chambre ; il n'avait pas seulement pour but de maintenir les trains de plaisir, mais surtout de permettre au gouvernement d'accorder des convois spéciaux, non à prix réduits, mais à certains prix élevés à convenir, c'est-à-dire de faire une chose utile aux particuliers et profitable au trésor.
Sous ce rapport, il y a lieu de maintenir la faculté demandée par M. le ministre des travaux publics.
J'insiste donc pour que l'on remplace l’«etc.» par ces mots : « les trains dits de plaisir ».
M. David. - Les honorables membres qui s'opposent à l'établissement de convois spéciaux se figurent sans doute qu'il ne s'agit là que des trains de plaisir que, pour mon compte, j'approuve. Ils oublient que les convois de marché à prix réduit doivent être classés parmi ces sortes de convois.
Ces honorables membres, qui ont l'air de chercher en toute occasion, à favoriser les intérêts agricoles, devraient, me semble-t-il, appuyer, au contraire, ces convois de marché, qui seront de la plus haute importance pour l'agriculture.
Après mûre réflexion, ils se joindront, sans doute, à moi, pour demander le maintien de la disposition additionnelle, proposée par le gouvernement.
M. F. de Mérode. - Lorsque ceux qui désirent voir du pays circulent isolément ou avec quelques amis, ils visitent paisiblement les villes, leurs monuments, leurs environs.
Quand un père de famille voyage avec sa femme et ses enfants par les convois ordinaires, il prend une récréation utile parfaitement convenable ; mais un gouvernement ne doit pas encourager les dissipations tumultueuses, les augmenter indéfiniment, provoquer les particuliers à des dépenses dont on a signalé les inconvénients, parce qu'elles sont irréfléchies.
Voyager raisonnablement est une bonne chose quand on le peut ; mais courir dans une sorte de bagarre et de cabaret ambulant n'a rien d'instructif et d'avantageux.
M. de Brouckere, auquel on n'attribuera point un rigorisme exagéré, a exprimé à ce sujet la même opinion que M. Osy, et l'on n'a rien opposé de sérieux aux faits qu'ils ont signalés dans l'intérêt des familles.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Quelque réduit que soit le prix du transport, ceux qui ne sont pas partisans des trains dits : de plaisir, peuvent se rassurer ; de pareils voyages ne seront pas plusieurs fois dans toute leur vie à la portée des individus de la classe ouvrière qui pourront en profiter. Quand un ouvrier de Bruges, d'Ostende, de Gand, aura vu Bruxelles, Anvers et Liège, quelle que soit la réduction des prix, sa position ne lui permettra pas de recommencer ce voyage, et en lui permettant de le faire ne fût-ce qu'une fois en sa vie, vous aurez rendu un grand service à la nationalité. C'est là une mesure de haute sagesse politique que d'établir des relations pacifiques entre les populations flamandes et wallonnes, qui ne se connaissent pas.qui ignorent leur propre pays. Voilà le résultat de ces trains de plaisir. C'est à ce point de vue élevé que vous devez les considérer et alors vous ne pouvez vous dispenser de les autoriser, (Aux voix ! aux voix ! La clôture !)
M. Osy. - On doit toujours pouvoir répondre à un ministre ; j'ai un autre titre pour être entendu, je suis l'auteur de la proposition.
Si M. le ministre avait vu comme moi les trains de plaisir, surtout ceux qui ont élé dirigés sur Ostende, il ne les aurait pas prônés. Ce ne sont pas les ouvriers désireux de contempler de beaux sites qui profitent des trains de plaisir, ce sont des jeunes gens qui arrachent par force à leurs parents l'argent nécessaire pour faire ces parties.
M. le minisire vous a expliqué les trains de plaisir d'une manière charmante ; mais ce n'est pas comme cela que les choses se passent ; ce sont des mères de famille qui sont venues en pleurant me dire ce qui s'était passé. Je ne puis trop le répéter, c'est dans un intérêt moral que je combats l'établissement des trains de plaisir. Je suis charmé que M. le ministre ait proposé de les mentionner franchement dans la loi. Si la loi décide, je serai forcé de m'y conformer, mais j'espère bien quo la chambre se prononcera contre. (La clôture ! la clôture !)
- La clôture est prononcée.
M. le président. - Je mets aux voix la proposition de M. le ministre des finances de substituer à l'« etc. » ces mots : « les trains dits de plaisir. »
- - Plusieurs voix. - L'appel nominal ! l'appel nominal !
Il est procédé au vote par appel nominal.
(page 874) Voici le résultat de cette opération.
69 membres répondent à l'appel nominal.
46 membres répondent oui, 25 répondent non.
En conséquence, la proposition est adoptée.
Ont répondu oui : MM. de Brouwer de Hogendorp, Debroux, de Decker, Delfossc, de Pitteurs, De Pouhon, Dequesne, Devauxn d'Hoffschmidt, d'Hont, Dumont (Guillaume), Frère-Orban, Jouret, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Manilius, Mascart, Moreau, Moxhon, Orts, Peers, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rogier, Thiéfry, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeercboom (Ernest). Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Verhaegen, Vermeire, Ansiau, Anspach, Bruneau, Cans, Clep, Cumont, David, de Baillet (Hyacinthe) de Bocarmé et Delehaye.
Ont répondu non : MM. de la Coste, de Man, de Meester, F. de Mérode, de Mérode-Westerloo, de T'Serclaes, de Wouters, Dumortier, Jacques, Julliot, Malou, Mercier, Moncheur, Osy, A. Roussel, Ch. Rousselle, Thibaut, Tremouroux, Vanden Branden de Reeth, Vilain XIIII, Boulez, Cools et Coomans.
M. Delehaye. - Voici la deuxième proposition de M. le ministre des travaux publics :
« Le ministre des travaux publics aura également la faculté d'accorder des convois spéciaux, à des prix à déterminer selon les circonstances. »
M. Vilain XIIII. - C'est-à-dire à moins de 50 p. c.
M. Malou. - Je demande la remise à demain.
- Cette proposition est adoptée.
La séance est levée à 5 heures.