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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 19 février 1851

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(Présidence de M. Delehaye, vice-président.)

(page 721) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.

M. T’Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, à l'ouverture de la séance d'hier, il a été donné lecture d'une pétition d'un habitant d'Anvers, qui demande l'exécution de l'article 8 de la loi sur l'enseignement moyen. Je n'étais pas encore présent à la séance, quand la pétition a été analysée. La chambre l'a renvoyéeà la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport. Si j'avais été présent, je n'aurais eu aucune raison pour m'opposer à ce renvoi, ni à la demande d'un prompt rapport. J'ajoute, et c'est surtout pour cela que j'ai pris la parole, que je suis à la disposition de la commission des pétitions, si elle désire recevoir des explications, avant de faire son rapport.

- Personne ne demandant plus la parole sur le procès-verbal, il est mis aux voix et adopté.

Pièces adressées à la chambre

M. A. Vandenpeereboom communique l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« M. Destriveaux fait hommage à la chambré d'un exemplaire du tome deuxième de son traité de droit public. »

- Dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi contenant des dispositions transitoires en faveur des élèves en sciences et des élèves pharmaciens

Rapport de la commission

M. Roussel, au nom de la commission qui a examiné le projet de loi contenant des dispositions transitoires en faveur des élèves en sciences et des élèves pharmaciens, dépose le rapport sur ce projet de loi.

- Ce rapport sera imprimé et distribué. La chambre le met à l'ordre du jour immédiatement après le projet de loi sur les sociétés de secours mutuels.

Projet de loi sur la révision du régime hypothécaire

Rapport de la commission

M. Lelièvre dépose un rapport sur des dispositions relatives au régime hypothécaire.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

Projet de loi sur les sociétés de secours mutuels

Rapport de la section centrale

M. T’Kint de Naeyer donne lecture d'un rapport que nous publions plus loin.

M. Rousselle. - Messieurs, le rapport dont il vient d'être donné lecture, remplit, quant à l'amendement que j'avais proposé, le but que je désirais atteindre. Je me rallie donc à la rédaction qui est proposée par la section centrale, et je retire mon amendement.

Projet de loi réduisant le crédit alloué au budget du département des travaux publics

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, j'ai l'honneur de soumettre aux délibérations de la chambre un projet de loi, ayant pour objet de rectifier une erreur qui s'est glissée dans le budget des travaux publics pour l'exercice 1851 ; nous demandons qu'un article de ce budget soit réduit de 80,000 francs.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère des finances

Dépôt

Je dépose également sur le bureau une demande de crédits supplémentaires pour le département des finances, jusqu'à concurrence d'une somme de 345,000 francs.

- Ces deux projets de loi seront imprimés et distribués. La chambre les renvoie à l'examen des sections.

Projet de loi concernant les sociétés de secours mutuels

Discussion des articles

Article premier

M. Dedecker. - Messieurs, le rapport que vous venez d'entendre rouvre naturellement le débat sur l'article premier et les amendements qui s'y rapportent.

Je commence par constater avec bonheur que, relativement au paragraphe premier de l'article premier, la section centrale a fait droit aux observations que mon honorable ami M. Malou et moi, nous avons eu l'honneur de présenter hier. Ce que nous demandions, c'est que les secours mutuels, pouvant prendre des formes infinies, on ne précisât pas de façon à prescrire tel ou tel mode de secours mutuels ; nous demandions qu'après l'énumération des différents buts d'utilité privée de ces sociétés, on voulût admettre une phrase qui n'exclût pas d'autres buts encore que ces sociétés pourraient vouloir poursuivre.

Voilà ce que nous demandions. La section centrale a fait droit à cette observation, et elle propose elle-même d'ajouter, après l’énumération qui se trouve au paragraphe premier, les mots : « pour satisfaite à d'autres nécessités temporaires. »

Ainsi, sous ce rapport, la section centrale a fait droit à nos observations et je m'en félicite de grand cœur.

Je n'ai pas été aussi heureux relativement à l'amendement que j'ai proposé et qui, dans ma pensée, formerait le paragraphe 2 de l'article premier. Je dois dire, et je demande pardon à la chambre de me répéter, mais j'y suis conduit par les observations qu'on a produites, je dois dire que la section centrale ne me paraît pas avoir bien compris la portée que j'entends donner à mon amendement.

Qu'on me comprenne bien : on suppose que, d'après mon amendement, le gouvernement n'aurait pas le droit de voir, d'examiner les anciens statuts des sociétés existantes, dont il s'agit ici. Ce n'est pas là ma pensée : je ne veux pas que ces sociétés puissent recueillir les bienfaits de la personnification civile sans soumettre leurs statuts au gouvernement. Mais je voudrais que le gouvernement ne fît pas de difficulté pour reconnaître ces sortes de sociétés, par cela seul que toutes les conditions exigées par la loi que nous discutons ne se rencontrerait ni pas dans leurs statuts séculaires. Ces statuts devront être examinés par le gouvernement comme les autres ; je demande seulement que si l'on ne rencontre pas dans ces statuts exactement toutes les conditions qui sont exigées dans la présente loi, que le gouvernement ne soit pas forcé, pour ce motif, de refuser la personnification civile. Il me semble qu'une pareille demande est excessivement simple et juste.

En France on à compris cela. L'amendement que je propose se trouve dans la loi française. Mais il y a, répond la section centrale, pour la France une autre position que pour la Belgique. En France, le droit d'association n'est pas aussi étendu qu'en Belgique ; il y a de nombreuses limites au droit d'association.

J'en demande bien pardon à la section centrale, mais il ne s'agit pas ici du droit d'association, on l'a dit à satiété, le droit d'association n'est pas en jeu ici ; là n'est pas la question. Ce n'est pas l'association qui est en cause, c'est la personnification civile. Sous ce rapport, en France, la question est la même qu'en Belgique.

Il est donc évident qu'en France on est plus large qu'on ne l'est ici à accorder la personnification civile aux sociétés de secours mutuels. Voilà ce que je tiens à constater. En France, sous la République même, on tient davantage aux traditions, aux mœurs nationales qu'on n'y semble tenir en Belgique, cela est évident.

Je maintiens donc mon amendement, parce que je crois qu'il est nécessaire si nous voulons que notre loi atteigne ses effets : je connais assez les populations ouvrières de nos Flandres, pour vous dire que, si la loi veut trop réformer leurs anciens statuts, les sociétés de secours mutuels refuseront de se soumetre à ces réformes.

El alors il arrivera que ces sociétés ne seront pas placées, comme nous devons le désirer tous, sous le patronage de l'autorité publique ; ce que je regretterais pour ma part.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je pense, messieurs, que nous sommes d'accord avec l'honorable M. Dedecker, puisque, si j'ai bien compris les explications qu'il vient de nous donner, il est d'avis que le gouvernement ne peut autoriser les sociétés qui se forment dans des conditions contraires à celles prescrites par la loi.

M. Dedecker. - C'est le but de mon amendement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Si ces sociétés rentrent par leur objet dans le but que s'est proposé la loi, le gouvernement approuvera les statuts. Si dans les statuts se trouvent des conditions contraires à la loi, ces conditions ne sont pas bien dilficiles à remplir, et le gouvernement n'approuvera pas les statuts. Sans doute, M. Dedecker ne voudrait pas qu'il en fût autrement...

M. Dedecker. - Ces conditions, on ne les connaît pas !

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Les statuts des sociétés qui existent aujourd'hui, des sociétés qu'il s'agit de faire reconnaître et patroner par le gouvernement, ont pour objet de donner des secours en cas de maladies, d'infirmités ou de décès.

Ces sociétés ont des statuts qui peuvent sans doute être améliorés ; s'ils ne contiennent pas de dispositions contraires à la loi, ils seront approuvés. Au surplus le gouvernement n'aura pas à s'occuper de ces sortes d'affaires ; c'est au conseil communal et à la députation provinciale que ces affaires viendront aboutir.

Ce ne sera que dans les cas exceptionnels que l'intervention du gouvernement sera nécessaire.

Toutes les mesures concernant l'examen et l'approbation des statuts, ces mesures rentreront dans les attributions du conseil communal et de la députation permanente. En fait, on sera très large, très libéral dans l'approbation des statuts. Mais cette approbation est une mesure d’ordre public qu'il importe à tous les intérêts de voir consacrer.

C'est beaucoup d'avoir dans le pays la liberté illimitée d’association ; sous ce rapport, nous sommes plus avancés que dans d’autres pays dont on vient d’invoquer l’exemple ; lorsque nous venons donner aux sociétés qui peuvent se former des droits spéciaux, garantir leur existence, leur accorder des privilèges, quand nous venons les placer dans une position meilleure et exceptionnelle, il est juste que nous imposions la règle à côté du privilège.

(page 722) Ces règles sont toutes dans l'intérêt des associés. Le gouvernement n’a aucun intérêt en dehors de celui des associés ; il veut faire en sorte que les fonds de l'association ne reçoivent pas une destination autre que celle pour laquelle l’association a été fondée ; que les sommes accumulées ne soient pas employées, soit en réjouissances de la nature de celles dont on a parlé, soit en désordres sociaux, ce qui, pour les ouvriers honnêtes, serait aussi détourner les fonds de l'association.

Ce sera l'autorité locale, autorité élective, paternelle qui a droit a la confiance des habitants qui exercera la surveillance nécessaire, et son patronage ne pourra produire que de bons résultats.

On a mal interprété l'article qui porte qu'un délégué de l’administration communale pourra toujours assister aux séances des associations reconnues ; on a comparé ce délégué à un agent de police chargé d'espionner les actes des asssociations.

Il ne s'est jamais agi d'agent de police, c'est un membre du conseil communal qui paternellement viendra assister aux délibérations des associations sur leurs opérations financières. Ceux qui n'ont pas d'autre but que celui qu'ils avouent seront très charmés d'avoir au milieu d'eux un représentant de la commune, qui, par sa présence même, empêchera certaines irrégularités.

Nous ne demandons pas mieux que de voir ces anciennes sociétés, qui ont des traditions, demander elles-mêmes à jouir du bénéfice de la loi. Je suis persuadé qu'il n'y aura aucune difficulté à leur accorder le patronage de la loi. Ce sont des questions administratives qui seront décidées dans les localités. Personne, ni dans la commune, ni dans la province, ni dans le gouvernement n'a aucun intérêt à combattre ces associations. Mais reconnaissons qu'il serait très utile pour elles, et comme mesure d'ordre public, de soumettre ces associations à une certaine surveillance, surveillance toute paternelle, toute communale.

Je prie donc l'honorable M. Dedecker de renoncer aux préventions que semble lui inspirer le système du gouvernement. Je crois que nous sommes entièrement d'accord. Toutes les anciennes associations qui désireront jouir des privilèges de la loi, soumettront leurs statuts à l'autorité compétente (je pense que telle est l'opinion de l'honorable M. Dedecker). L'autorité compétente les approuvera, si elle n'y trouve rien d'irrégulier.

M. Dedecker. - Qu'on le dise dans la loi.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) ; - On ne dit pas le contraire.

M. Dedecker. - Qu'on ne leur impose pas des conditions !

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Toutes les conditions sont indiquées dans le projet de loi. Si ces sociétés ont pour but d'assumer à leurs membres des secours temporaires en cas de maladie, de blessures ou d'infirmités ; de procurer, en cas de décès, des secours temporaires à leurs veuves ou à leur famille, de pourvoir aux frais funéraires, de faciliter aux associés l'accumulation de leurs épargnes pour l'achat d'objets usuels ou pour d'autres nécessités temporaires, si elles remplissent ces conditions, elles rentreront dans les limtes de la loi.

M. Dedecker. - Ce ne sont pas là les seules conditions.

Les conditions qui seront fixées en vertu de l'article 6 auront trait à la fondation, à la dissolution, à la reddition de comptes, à l'élection des administrateurs, à la fixation de la quotité de la retenue à supporter, par semaine, par chaque associé.

Dans plusieurs associations, on n'accorde pas de secours en cas d'infirmités, notamment d'infirmités résultant d'ivresse. C'est très moral...

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'honorable membre parle-l-il de l'article 6 ?

M. Dedecker. - Oui ! C'est en vertu de cet article que des arrêtés royaux indiqueront les conditions que les sociétés devront réunir.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Des arrêtés royaux détermineront :

1° Les conditions et garanties requises pour l'approbation des statuts des sociétés de secours mutuels ;

2° Les causes qui peuvent entraîner la révocation de l'acte d'approbation ;

3° Les formes et les conditions de la dissolution de ces sociétés, et leur mode de liquidation. Elles ne pourront se dissoudre, ni faire emploi de l'actif après le payement des dettes, qu'avec l'approbation du gouvernement.

Je pense que rien ne fait obstacle à ce que le gouvernement règle ces points, par forme générale.

Ce ne sera que dans le cas d'irrégularités que l'acte d'approbation sera révoqué. Mais où sera le grand mal ? Ces sociétés resteront à l'état de sociétés libres ; elles reprendront leur ancienne situation, situation tellement bonne que vous avez peur qu'on y touche, que vous voulez les faire déclarer inviolables en vertu de la loi. Le malheur ne sera pas grand, si ces sociétés deviennent après ce qu'elles étaient avant.

Avez donc confiance dans la manière dont la loi sera exécutée. L'administration ne prendra pas de mesures vexatoires contre ces sociétés, et surtout contre ces sociétés anciennes, qui la plupart sont populaires dans les communes où elles existent. On n'ira pas leur imposer des conditions qui leur répugnent, des conditions contraires même au but qu'elles poursuivent. Tout ce qu'on exigera, c'est que ces sociétés anciennes rentrent dans l'une des catégories prévues par la loi. Si elles ne rentrent pas dans l'une des catégories prévues par la loi, elles resteront à l’état de sociétés libres. Que si, par la suite, on découvre qu'un certain nombre de sociétés ne remplissant pas le lut prévu par la loi, auraient cependant un titre à recevoir le privilège de la personnification civile, rien n'empêchera, ainsi que je l'ai dit hier, de venir demander une extension aux pouvoirs que la loi actuelle accorde au gouvernement. Nous procéderons ici, d'une manière progressive, à mesure que l'expérience nous éclairera, et nous révélera de nouveaux besoins. Nous ne pouvons tout faire à la fois ; nous ne pouvons tout prévoir par la loi. Il est impossible que la loi s'occupe dès maintenant de tous les cas éventuels que l'association peut faire naître. Mais déjà, telle qu'elle est, et avec l'extension qu'elle a reçue depuis la discussion, la loi pourra pourvoir à un grand nombre de besoins, à la plupart même des besoins reconnus aujourd'hui.

M. Malou. - Messieurs, en présence des explications données par l'honorable rapporteur de la section centrale, je dois, à certains égards exprimer le regret d'avoir soulevé ce débat.

En consultant le rapport et les pièces qui s'y trouvent jointes, nous devions tous croire que les associations établies pour les ouvriers mineurs de nos bassins houillers étaient comprises dans les termes de la loi.

Pouvions-nous attacher à cette publication un autre sens ? Lorsqu'on nous distribue un tableau renfermant l'indication de toutes les sociétés de secours mutuels qui existent en Belgique, sociétés qui comprennent 68,000 associés, pouvions-nous croire que, pendant les débals, l'on viendrait dire que sur ces 68,000 sociétaires, 45,000 ne sont pas compris dans les bénéfices de la loi.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Pour les rentes.

M. Malou. - Permettez. Je vais vous prouver que la distinction que vous faites n'existe pas.

L'honorable rapporteur de la section centrale nous a dit tout à l'heure que les caisses communes de prévoyance n'étaient pas comprises dans la loi. Moi je désire qu'elles y soient comprises ; il n'y a aucun motif de les en exclure.

On me dit pour les rentes ; mais voyez aux pages 36 et 37 du rapport de la section centrale comment on indique les attributions de ces sociétés : Les caisses communes accordent des secours pécuniaires en cas de blessures ou d'accident. Aux familles elles accordent des secours pécuniaires en cas de décès par accident et des subsides pour l'instruction des enfants.

Pourquoi, lorsque ces associations existent, lorsqu'elles ont réellement tous les caractères des sociétés que l'on veut autoriser en vertu de la présente loi, les exclurait-on du bénéfice de la loi ? Que l'on me donne une raison plausible, je suis disposé à l'admettre ; mais jusqu'à présent, je dois le dire, On ne m'en a donné aucune.

Le même document constate que la caisse de prévoyance des ouvriers mineurs de la province de Liège donne des pensions annuelles, des secours périodiques, et en note on dit que, jusqu'à présent, la caisse a alloué 71,130 fr. de pensions.

Lorsque nous nous occupons de régulariser, de fortifier les associations qui existent, pourquoi exclure certaines attributionrs et surtout pourquoi exclure les associations les plus importantes ?

Ces associations auxquelles on veut interdire certaines facultés qu'elles ont exercées jusqu'à présent ont été fondées avec le concours du gouvernement et, en partie, au moyen des subsides que vous votez chaque année ; pourquoi modifierait-on essentiellement leur organisation ? Elles ont aujourd'hui, ensemble, une réserve d'à peu près un million, et vous voulez empêcher qu'elles profitent immédiatement du bénéfice de la loi, parce qu'on a soulevé quelques questions nouvelles, dont la solution peut encore se faire attendre pendant longtemps !

Le but de l'amendement que j'avais présenté se trouve en partie atteint par la rédaction que la section centrale a bien voulu admettre ; cependant je crois qu'il n'y aurait aucun danger à admettre la formule beaucoup plus générale que j'avais eu l'honneur de proposer.

En réalité, un principe est ici en cause ; nous ne voulons exclure aucune des formes de la bienfaisance. Ainsi, les pensions et d'autres œuvres ne peuvent pas être comprises dans l'énumération que vous avez faite.

Quel motif social ou d'intérêt public invoquez-vous pour interdire ces opérations aux sociétés de secours mutuels ? Il faut admettre la bienfaisance sous quelque forme qu'elle s'offre, afin que, grâce au concours de tous, elle puisse suivre la progression toujours rapide des besoins des classes inférieures.

Pourquoi des pensions ne pourraient-elles pas être accordées ? Il ne s'agit pas d'autoriser les sociétés qui n'ont aucun capital, qui se constituent au moyen de retenues sur les salaires des ouvriers, à accorder des pensions : mais dans la loi vous voulez leur interdire d'une manière absolue, quelles que soient les donations qu'elles auraient reçues, quelle que soit l'accumulation de leur réserve, d'accorder en aucun cas une pension, puisque cette attribution n'est pas comprise dans l'énuméralion que vous avez faite.

On dit : Adressez-vous à la caisse de retraite fondée par l'Etat. Sans doute, comme vous, je donnerais volontiers ce conseil ; mais lorsque l'en veut, malgré ce conseil, admettre un autre mode, et lorsque certaines sociétés sont à même de donner des pensions sans le moindre inconvénient, par exemple, au moyen de donations qui seraient spécialement faites à cet effet, pourquoi voulez-vous refuser au gouvernement la faculté d'autoriser l'acceptation de pareilles libéralités ? Je crois qu'il faut laisser sous ce rapport, toute latitude au gouvernement.

M. T’Kint de Naeyer, rapporteur. - (page 723) Je me suis efforcé, dans la séance d'hîer et dans le rapport que je viens de faire au nom de la section centrale, d'expliquer la différence qui existe entre les caisses particulières et les caisses communes de prévoyance des ouvriers mineurs.

Malheureusement il paraît que je n'ai pas été compris. Ce sont, messieurs, deux choses bien distinctes : il y a auprès de chaque exploitation une caisse particulière destinée à donner des secours temporaires, des secours aux malades et aux blessés ; il y a, en outre, des caisses communes formées par les exploitants associés dans chacune des subdivisions de mines.

Il y a six caisses communes dans le pays. L'association commune des exploitants de mines a pour but de donner des pensions. Je pense qu'il est fort inutile de produire des chiffres Mais je pourrais, au besoin, vous soumettre les comptes de ces diverses associations, vous verriez que ces comptes sont entièrement distincts. C'est à cause de l'existence de ces caisses particulières que l'on a mentionné, dans le tableau qui est imprimé à la suite du rapport de la section centrale, les associations des mineurs. Pour cette partie de leur organisation, elles pourront profiter de la loi. Mais il est évident qu'elles ne le peuvent pas pour l'autre partie de leur organisation, celle qui concerne un autre ordre de faits, les pensions viagères.

Pour ce dernier objet, il convient, comme la section l'a dit dans son dernier rapport, d'attendre le résultat de l'instruction administrative qui est commencée.

Quand le gouvernement présentera un projet de loi spéciale, la chambre statuera en parfaite connaissance de cause.

L'honorable M. Malou persiste à soutenir que les sociétés de secours mutuels doivent aveur la faculté de garantir des pensions viagères.

Je défie l'honorable membre de me citer, à l'appui de son opinion, nne seule autorité parmi tous les écrivains qui se sont occupés de la question, tant en France qu'en Angleterre ; personne n'a jamais recommandé la combinaison désastreuse dont il s'est fait le défenseur.

L'honorable membre cite un seul fait : l'intérêt des caisses communes des ouvriers mineurs.

Est-il rationnel d'établir en règle générale ce qui peut être utile comme exception ?

Et d'ailleurs le gouvernement doit-il patroner des associations qui prendraient des engagements qu'elles ne pourraient pas remplir ? Vous ne le voudriez pas, messieurs, lorsque l'expérience a démontré que les pensions viagères sont au-dessus des ressources habituelles des sociétés de secours mutuels.

M. Dumortier. - Messieurs, je crois qu'on se trompe étrangemunt sur le but des sociétés qui sont établies dans les bassins houillers. Ces sociétés ont précisément été fondées dans le but de donner des pensions viagères, en cas d'accident dans les mines ; voilà leur but principal...

M. T’Kint de Naeyer. - Je n'ai pas dit le contraire.

M. Dumortier. - Ce n'est donc pas là l'exception ; lisez le tableau qui se trouve à la page 37 du rapport, et vous verrez que les secours accordés par les caisses de prévoyance des ouvriers mineurs consistent en secours pécuniaires à la famille des sociètaires, en cas de décès de ceux-ci par suite d'accident, et en instruction donnée aux enfants. Voilà les deux buts que ces associations ont en vue. Il ne s'agit pas de secours mensuels ou hebdomadaires ; il s'agit de pourvoir aux cas, malheureusement trop fréquents, où les ouvriers mineurs, par le feu souterrain ou d'autres causes, viennent à mourir dans les mines, en laissant une veuve et des orphelins qui se trouvent dans la misère.

Eh bien, c'est précisément dans ce but qu'on a voulu constituer ces sociétés sous le patronage du gouvernement lui-même, afin d'assurer aux veuves et aux orphelins des ouvriers mineurs des moyens d'existence, lorsqu'un événement fâcheux est venu priver la famille de son chef.

Maintenant, il est évident que ces sociétés sont exclues du bénéfice de la loi : car les secours qu'elles accordent sont de véritables pensions viagères, et le projet de loi proscrit les pensions viagères ; elles ne rentrent pas non plus dans les conditions de la loi sur la caisse de retraite ; c'est une disposition toute spéciale, puisqu'elle s'applique au travail d'ouvriers qui sont exposés incessamment à de graves dangers, qui courent tous les jours le risque de perdre la vie ; et que ces ouvriers, en cas de mort, laissent une veuve et des orphelins dans la plus profonde misère.

Les ouvriers des mines ont tellement bien senti le danger de la position dans laquelle se trouvent leurs familles, à la suite de ces tristes événements, que tous se sont empressés de faire partie de ces associations. Non seulement le gouvernement les a fondées, mais il ne cesse de les encourager ; il a provoqué la formation de ces sociétés, et voilà une loi qui arrive et qui leur refuse le bénéfice de la personnification civile. (Interruption.)

J'entends un honorable collègue dire que non ; qu'il veuille lire l'article premier, et il lui paraîtra aussi évident que la lumière du jour que ce bénéfice est refusé à ces associations. Car le gouvernement ne pourra, en aucun cas, garantir des pensions viagères ; eh bien, ces sociétés sont constituées précisément pour garantir des pensions viagères aux veuves et aux orphelins des ouvriers mineurs. Ainsi le gouvernement ne pourra, dans aucun cas, donner la personnification civile à ces sociétés, dont les membres composent plus de la moitié des personnes, faisaut partie de sociétés de secours mutuels en Belgique.

M. T'Kint de Naeyer, rapporteur. - Le gouvernement fera voter une loi spéciale.

M. Dumortier. - Ah ! le gouvernement fera voter une loi spéciale ; vous reconnaissez donc vous-mêmes la vérité de ce que je dis, à savoir que les associations dont il s'agit sont exclues du bénéfice de la loi ; eh bien je veux leur rendre la loi applicable...

M. T’Kint de Naeyer, rapporteur. - J'ai donné des motifs.

M. Dumortier. - Il faut que mon intelligence soit bien bornée ; je n'ai pu en saisir aucun.

Vous avez dit que les sociétés de secours mutuels ne doivent pas donner de pensions, parce que cela est organisé par la loi sur la caisse de retraite ; vous avez fait remarquer que toutes les sociétés en Angleterre qui avaient suivi ce système avaient presque toutes (vous n'avez pas dit toutes ; cela prouve donc que je vous ai bien écouté), avaient presque toutes fait une mauvaise fin.,

Mais vous ne vous êtes pas placé dans la position de ces sociétés houillières, qui accordent des pensions, non pas au bout d'un certain nombre d'années, mais exclusivement lorsqu'un accident prive la famille de son chef.

La position est complètement différente de celle à laquelle s'applique la loi sur la caisse de retraite. Vous voyez donc que je vous ai attentivement écouté !

M. T’Kint de Naeyer. - Voulez-vous me permettre de dire un mot ?

M. Dumortier. - Je le veux bien.

M. T'Kint de Naeyer, rapporteur. - Si l'honorable M. Dumortier avait entendu la lecture du rapport que j'ai fait au commencement de la séance, il aurait remarqué quels sont les motifs spéciaux que j'ai invoqués pour engager la chambre à ne rien préjuger, en ce qui concerne les caisses communes de prévoyance des ouvriers mineurs.

Cette question est aujourd'hui soumise à l'examen des commissions administratives des caisses de prévoyance et des députations permanentes des quatre provinces minières.

La section centrale est d'avis, avec le conseil des mines, qu'une loi spéciale sera indispensable.

M. Dumortier. - Messieurs, j'ai reproduit dans toute leur simplicité les arguments que l'honorable rapporteur a présentés tout à l'heure ; maintenant il vient dire que dans le rapport on a engagé la chambre à ne rien préjuger ; mais je lui répondrai que, puisque ces sociétés ont obtenu le patronage du gouvernement, puisqu'elles ont été installées par le gouvernement lui-même, puisqu'elles fonctionnent admirablement dans le pays, il n'existe absolument aucun motif pour les exclure, comme vous voulez le faire, du bénéfice de la personnification civile. Si vous vouliez les exclure, c'était donc à tort que vous les avez introduites dans le tableau des sociétés, qui est inséré dans le rappport de îa section centrale ; défalquez de ce tableau toutes les personnes qu'elles soulagent, qui y sont associées, alors on sera dans le vrai ; mais aussi longtemps que l'on dit que toutes les sociétés dont le tableau fait mention profitent du bénéfice de la loi, évidemment, nous qui ne sommes point mêlés à la politique des affaires, nous devons prendre au sérieux le tableau présenté et voir si c'est à ces sociétés que l'on veut appliquer le système de la loi ou à d'autres sociétés.

Si ces sociétés de mines ont obtenu d'aussi beaux résultats, il est incontestable qu'il faut les encourager avant tout. Quel danger y aurait-il à permettre au gouvernement de continuer, en vertu de la loi, ce que lui-même a organisé en l'absence de la loi ? Maintenant, vous vous y refusez. Quel en est le motif ? Ce motif, je ne le comprends pas, je vous le déclare.

Ces sociétés, je le répète, ne sont point constituées pour donner des secours permanents, elles sont constituées pour donner des pensions viagères en cas d'accident, et pour donner de l'instruction aux enfants. C'est là un but par trop louable pour qu'on doive les empêcher de profiter du bénéfice de la loi.

Je réponds quelques mots à ce qu'a dit le rapporteur au commencement de la séance. On ne veut point que les sociétés d'ouvriers qui profiteront du bénéfice de la loi puissent consacrer rien de leurs économies à leurs amusements personnels On a qualifié ces amusements de désordre, de débauche, que sais-je ? Eh bien ! je dirai à l'honorable membre que s'il avait habité la ville que j'habite, il saurait qu'il ne se passe dans ces sociétés ni désordres ni débauche ; que l'ouvrier qui s'amuse n'est pas moins moral que celui qui ne s'amuse point. Je suis parfaitement de l'avis qu'il faut laisser aux ouvriers le droit de s'amuser ; sans cela, je crains que les classes ouvrières que vous ennuieriez pourraient bien finir par devenir ennuyeuses.

Dans la ville que j'habite, il existe environ 50 à 60 associations d'ouvriers qui, depuis des siècles, consacrent leurs économies à former un fonds social dans un double but : le premier, celui d'accorder quelque soulagement aux membres de l'association qui se trouvent sans ouvrage ; le second, c'est de se procurer une récréation à la fin de l'année. L'honorable rapporteur veut supprimer ces plaisirs. Je déplore singulièrement un pareil système, et je n'y pourrais donner mon assentiment. Je dis que l'ouvrier a le droit de se récréer comme nous.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Sans doute.

M. Dumortier. - Vous l'en empêchez par la loi. (Interruption.)

M. Coomans. - Ils ne devraient pas s'amuser si vivement.

M. Dumortier. - Vous l'en empêchez par la loi. Au lieu de rire, vous feriez bien de la modifier. Je dis, pour mon compte, que le rapport (page 724) qui a été fait tout à l'heure à la trîlune nous en fournit la preuve la plus évidente.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Nous n’empêcherons pas les ouvriers de danser.

M. Dumortier. - Vous ne le pouvez pas. Dans le système qui a été présenté par M. le ministre, cela était admis ; mais dans le système de l'énuméralion cela n'est pas admissible.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demande la parole.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Eh bien, comme toutes ces associations ouvrières ont le double but de faire du bien et de se procurer ure récréation à la fin de l'année, vous les retranchez du bénéfice de la loi ; c'est ce que je ne puis pas admettre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'honorable membre ne se rend pas compte du but de la loi.

Les Belges ont la liberté de s'associer pour travailler, pour s'amuser, pour danser même ; la loi civile, en Belgique, n'a jusqu'ici porté aucune espèce d'atteinte à la liberté ; y compris la liberté du travail, ce n'est pas nous qui chercherons à la restreindre par des lois prohibitives.

S'il y a des sociétés qui ont un autre but que celui de s'entr'aider en cas d'accident, qui ont pour but exclusif de s'amuser, ces sociétés continueront à exister comme aujourd'hui.

Nous voyons avec plaisir se former des sociétés qui ont l'amusement pour but, nous croyons qu'il est utile que les travailleurs puissent se reposer et se distraire ; nous faisons ce que nous pouvons pour qu'ils puissent économiser sur le prix du pain de quoi subvenir à certaines distractions dont ils doivent se priver quand le prix du pain est trop élevé.

La loi actuelle laisse donc en dehors, n'atteint ni de près ni de loin les associations libres aujourd'hui qui voudront rester libres ; mais la loi actuelle assujettit à certaines règles les associations d'ouvriers et autres qui viendront réclamer le bénéfice de la loi, les légers avantages de la loi, car cette loi ne donnera pas de grands privilèges aux associations.

Le principe essentiel de la loi est celui-ci, nous ne pouvons trop le répéter, protéger les associations qui ont pour but de subvenir à des besoins temporaires ; nous ne voulons pas que les associations, que la loi actuelle a pour but d'encourager, puissent assurer des pensions. Des sociétés de ce genre ne rentrent pas dans le cadre de la loi. Nous en avons dit les motifs ; la commission spéciale, dont la sympathie pour la classe ouvrière est hors de doute, a reconnu le danger de confondre les associations qui ont pour but de distribuer des secours temporaires et celles qui ont pour but d'assurer des pensions viagères.

Ce principe, nous ne l'acceptons pas. Si des sociétés se forment qui garantissent des pensions, elles n'obtiendront pas la personnification civile par la loi actuelle. Y a-t-il, par la sécurité que présente la masse des capitaux réunis et le nombre des associés, des sociétés auxquelles on peut accorder éventuellement cette faculté d'assurer des pensions ? L'on verra s'il y a lieu de proposer une loi spéciale. Mais nous croyons dangereux de ne pas maintenir dans la loi un principe prohibitif, en ce qui concerne les pensions.

Déjà la législature a pourvu à ce besoin, en fondant des caisses de retraite auxquelles les associations pourront concourir. Il ne faut pas permettre à des associations de promettre des pensions qu'elles ne paieraient pas.

Il faut que les caisses de retraite soient alimentées de toutes parts pour qu'elles puissent atteindre leur but. Si une foule de sociétés allaient se former en assurant des pensions qui seraient sans garanties réelles, vous détruiriez l'ouvrage que vous avez fait, vous rendriez stérile la bonne œuvre que vous avez tentée en instituant la caisse de retraite.

Voilà pourquoi nous sommes en plein désaccord avec quelques-un de nos collègues. Nous déclarons que la loi actuelle n'a pas pour but de favoriser l'établissement de sociétés qui, en dehors des secours temporaires, promettraient des pensions qu'elles ne pourraient pas payer, si nous nous en rapportons à ce qui s'est passé dans d'autres pays.

J'ai été le premier à proclamer qu'il n'y avait pas ici de question de parti. Je ne pense pas qu'il entre dans l'esprit de personne de vouloir restreindre d'une manière injuste les bienfaits qui peuvent résulter de cette loi. Cependant on a dit qu'elle avait pour but d'empêcher les ouvriers de s'amuser. Cette loi n'a pas ce but.

M. Dumortier. - Je n'ai pas dit cela.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je vous demande pardon. C'est à celle occasion que j'ai demandé la parole. La loi a pour but de venir en aide à ceux qui veulent user du droit d'association, dans des vues d'économie, de prévoyance, de sécurité réciproque, de les encourager dans ces entreprises. Cela n'empêche pas que tous les ouvriers, comme tous les Belges, ont la liberté de s'associer même pour leurs plaisirs. Le gouvernement est très porté à encourager les associations d'ouvriers, qui ont pour but leur délassement. C'est ainsi que par de nombreux subsides, que j'ai le regret de ne pas pouvoir renouveler, j'ai encouragé la fondation de sociétés de chant, de sociétés de musique, sociétés dramatiques, associations où les ouvriers trouvent des distractions très utiles. Je désire que l'action du gouvernement soit secondée par toutes les autorités. Quand les ouvriers s'associent pour leurs plaisirs, et nous n'avons jamais tenté de porter atteinte aux plaisirs légitimes des habitants des campagnes ou des villes, l'action du gouvernement pourrait être aidée, elle est quelquefois contrariée, il est des campagnes où l'on considère les sociétés de musique comme mauvaises, où on les combat à outrance.

Je crois qu'il faut que partout on encourage ces socîétés de musique. Je le dis pour ceux qui pourraient m'entendre dans cette enceinte et ailleurs.

Messieurs, ne donnons pas à notre loi une trop grande étendue, mais ne la renfermons pas non plus dans des limites trop restreintes ; acceptons-la telle qu'elle est. Quand l'expérience aura démontré qu'il y a d'autres besoins auxquels on peut pourvoir, il sera temps de présenter une nouvelle loi. En attendant nous aurons rendu un véritable service, aux classes laborieuses en votant la loi telle qu'elle est.

- La discussion est close.

L'amendement de M. Malou est mis aux voix ; il n'est pas adoplé.

L'amendement présenté par M. Dedecker est mis aux voix ; il n’est pas adopté.

L'article premier est mis aux voix et adopté, avec la rédaction proposée à la séance d'aujourd'hui par la section centrale.

Article 2

« Art. 2. Les sociétés de secours mutuels qui voudront être reconnues adresseront un exemplaire de leur projet de statuts à l'administration communale du lieu où elles ont leur siège.

« Cette administration transmettra, dans le mois, avec ses observations, le projet de statuts à la députation permanente du conseil provincial, qui les arrêtera, sauf approbation du gouvernement. »

M. Rousselle. - Je désirerais savoir si la section centrale, en acceptant cette rédaction, a eu le projet d'exclure le contrôle et la délibération de l'élément purement électif de l'autorité communale. Si telle avait été son intention, je serais obligé de proposer un amendement à l'article ; car je considère que le concours de tout le corps communal est nécessaire, comme patronage, pour faire fructifier les sociétés de secours mutuels. Je crois même qu'il y a lieu de le dire dans l'article en discussion. Mais je désirerais savoir positivement quelle est l'intention du gouvernement et de la section centrale.

M. Delfosse. - Ordinairement par « administration communale » on entend le collège des bourgmestre et echevins. Si l'honorable M. Rousselle veut faire intervenir le conseil communal, il doit donc présenter un amendement.

M. Rousselle. - Je proposerai donc un amendement qui consistera à substituer aux mots « avec ses observations », ceux-ci : « avec l’avis du conseil communal. »

M. Delfosse. - Je ferai remarquer que la députation permanente est aussi un corps électif. Je ne sais s'il convient de saisir les conseils communaux de toutes les petites affaires relatives aux sociétés de secours mutuels. Reservons leur action pour les choses réellement importantes ; on peut se contenter ici de l'intervention du collège des bourgmestre et échevins et de la dépulalion permanente.

- L'amendement proposé par M. Ch. Rousselle est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

L'article 2 est mis aux voix et adopté.

Article 3

« Art. 3. Faculté d'ester en justce, à la poursuite et diligence de leur administration ; toutefois, lorsque l'affaire excédera la compétence du juge de paix, elles ne pourront plaider ni transiger qu'avec l'autorisation de la députation permanente du conseil provincial, sauf le recours au Roi en cas de refus d'autorisation.

M. Lelièvre. - Mon amendement tendait à faire décider ce qui devrait avoir lieu relativement à la transaction. Il a été convenu que les sociétés dont il s'agit seraient libres de transiger sans autorisation aucune. Il en sera de même de la délation de tout serment décisoire, qui est une véritable transaction. J'ai accepté ce résultat parce qu'il favorise la liberté des associations dont il s'agit. Il est aussi entendu que les sociétés pourront compromettre, qu'en conséquence leur capacité n'est limitée que relativement à la faculté de plaider. Tel est le sens que présente l'article, d'après ce qui a été arrêté dans la section centrale entre celle-ci, le gouvernement et moi.

J'aime à constater ce fait pour la saine interprétation de l'article, je dois encore soumettre quelques observations à la chambre. Les sociétés de secours mutuels ne pourront, d'après l'article en discussion, dans les causes qui sortent de la compétence du juge de paix, plaider sans l'autorisation de la députation permanente. Je présume toutefois que, conformément à l'article 148, paragraphe premier de la loi communale, l'administration de la société pourra, avant l'autorisation, faire tous actes conservatoires ou interruptifs de la prescription et des déchéances. Elle pourra exercer tout recours en référé et poser tous actes d'urgence.

La nature des choses veut qu'il en soit ainsi, mais je désire que des explications du gouvernement ne laissent aucun doute sur la signification en ce sens de notre disposition.

M. T’Kint de Naeyer, rapporteur. - La section centrale a modifié la rédaction primitive.

Nous supprimons d'abord le premier paragraphe de l'article 7.

Revenant à l'article 3, nous exemptons d'une manière générale tous les actes ou certificats, toutes les pièces quelconques à délivrer par l'autorité publique. Il est dès lors évident que l'autorité communale s'y trouve comprise.

Nous avons pensé que cette rédaction était préférable, parce qu'avec l'article, tel qu'il était rédigé dans le projet de loi, le juge de paix, le greffier aurait pu exiger un salaire.

Aujourd'hui tous les actes délivrés par l'autorité publique, les actes d'autorisation et de révocation et autres intéressant les sociétés de secours mutuels reconnues, seront complètement exempts de droits.

M. Malou. - (page 725) Messieurs, la section centrale, dans son rapport sur l'article 3, nous dit :

« Si une libéralité individuelle prenait une forme que la nature des associations de secours mutuels ne semble pas comporter, d'autres personnes civiles, comme la commune, les bureaux de bienfaisance, les hospices pourraient la recevoir avec affectation spéciale. »

Le dernier paragraphe de l'article que nous discutons suppose, au contraire, que ces sociétés, qui seront reconnues, ne pourront recevoir que des donations ou legs d'objets mobiliers. Je demande que l'on mette dans la loi le principe qui se trouve énoncé dans le rapport de la section centrale, c'est-à-dire que l'on permette au gouvernement d'autoriser, en faveur des sociétés de secours mutuels reconnues, l'acquisition d'immeubles ; mais avec cette restriction très sage, selon moi, que les propriétés immobilières seraient administrées par une autre personne civile qui fait partie, en quelque sorte, de l'Etat et dont le caractère est plus permanent, sauf à remettre, chaque année, à la société le revenu de ces immeubles.

Il me paraît évident que si cette disposition se trouve dans le rapport de la section centrale et non pas dans la loi, il sera interdit au gouvernement d'autoriser les sociétés de secours mutuels à recevoir des donations ou legs d'immeubles.

Je propose donc d'ajouter au 3° de l'article 3 une disposition ainsi conçue :

« Les immeubles que les sociétés reconnues seraient autorisées à acquérir seront administrés par le bureau de bienfaisance de la commune. »

Je ne tiens pas à la rédaction, mais il me paraît essentiel d'inscrire le principe dans la loi.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, cet amendement me semble altérer complètement la nature du projet de loi.

Le projet de loi, en raison des nombreux abus auxquels ont donné lieu les créations de mainmorte, n'autorise les sociétés de secours mutuels qu'à recevoir des donations mobilières, précisément pour ne pas amortir une trop grande quantité d'immeubles, pour ne pas en soustraire une trop grande quantité au commerce. Or, l'amendement de l'honorable M. Malou ouvrirait de nouveau la porte à tous ces inconvénients. Je ne comprends pas comment on pourrait, d'une manière indirecte, autoriser les nombreuses associations mutuelles qui peuvent surgir dans le pays entier à recevoir des donations d'immeubles. C'est là une disposition qui me semble inadmissible. Ce que l'on ne peut admettre directement, on ne peut le permettre indirectement.

M. Lelièvre. - Il est un autre objet sur lequel je demande des explications du ministère concernant le sens du n°3 de l'article en discussion.

On limite la faculté de recevoir des donations en se référant à l'article 76, n°3 de la loi communale ; or, cette dernière disposition ne concerne que les actes de donation. Eh bien, je demande si l'on autorise les donations manuelles quelle qu'en soit la valeur. Il est essentiel qu'on s'explique sur ce point. Je ferai remarquer, à cet égard, que les dispositions du Code civil qui limitent la capacité de recevoir de la part des établissements publics ne concernent que les actes de donation sans jamais atteindre les donations faites de la main à la main. Il me semble qu'il doit en être de même dans l'occurrence actuelle ; c'est, du reste, ce qui me paraît résulter de la teneur de l'article en discussion combiné avec la disposition de la loi communale à laquelle il se réfère.

M. le président. - La parole est à M. de Breyne.

M. de Breyne. - Je désirais obtenir les explications que vient de demander l'honorable préopinant. J'attendrai la réponse de M. le ministre.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Malou demande l'insertion dans la loi de quelques expressions qui se trouvent dans le rapport de la section centrale, et qui se trouvent également dans le rapport de la commission spéciale. Je pense que les énonciations du rapport reposent sur une erreur de droit, et l'honorable membre le reconnaîtra, je n'en doute pas.

On dit dans ce rapport que s'il arrivait que des donations autres que celles prévues par la loi fussent faites à des sociétés de secours mutuels, comme, d'après la loi, ces sociétés n'ont pas capacité pour recevoir, on attribuerait à d'autres corps moraux les immeubles, sous la condition de les administrer avec une affectation spéciale. Eh bien ! cela est diamétralement contraire aux prescriptions que l'on propose d'insérer dans la loi.

La loi entend prohiber l'acquision d'immeubles par les sociétés de secours mutuels. Or, ce qu'elles ne peuvent faire directement, elles ne peuvent le faire indirectement.

Qui serait propriétaire de l'immeuble ainsi donné ? Serait-ce la société de secours mutuels ? Mais si la société des secours mutuels est propriétaire de l'immeuble qu'on lui attribue, elle aura donc l'autorisation de recevoir des immeubles ? Si elle n'est pas propriétaire, qui le sera ? Les communes, les bureaux de bienfaisance ? Mais non, ils seront simples administrateurs.

Il est impossible d'admettre un pareil système. Il faut qu'on se prononce d'une manière nette, qu'on dise ou que les sociétés des secours mutuels pourront posséder des immeubles, ou qu'elles ne pourront pas en posséder. Si l'on admet le principe qu'elles pourront en posséder, qu'elles peuvent recevoir des donations d'objets immobiliers, il faut l'écrire dans la loi.

Ensuite, le mode que l'on propose serait contraire à des principes essentiels en matière d'établissements d'utilité publique et d'institutions de personnes civiles. Les personnes civiles ne sont instituées que pour un objet déterminé, pour un objet spécifié dans la loi. Chaque personne civile a ses attributions propres, ses droits propres, ses devoirs propres.

On ne peut pas les étendre d'une administration à une autre. Sans doute la loi pourrait en décider autrement ; mais le législateur ferait alors une chose irrationnelle qui répugne au bon sens. On ne doit pas faire que la commune devienne une société de secours mutuels ; on ne doit pas faire que la commune devienne le bureau de bienfaisance, que le bureau de bienfaisance devienne l'administration communale.

Il faut donc renfermer chaque administration dans la sphère qui lu est propre, qui lui est dévolue par la loi.

Sous ce double rapport l'amendement de l'honorable M. Malou me paraît devoir être écarté. La seule question à décider est celle-ci : Les sociétés de secours mutuels pourront-elles recevoir des donations d'objets immobiliers ? Si la chambre décide ce point affirmativement, elles seront autorisées à recevoir de pareilles donations. Si, au contraire, la chambre reconnaît qu'il suffit à ces associations de recevoir des donations d'objets mobiliers, laclnmbre n'inscrira pas dans la loi, à côté d'une prohibition, un moyen de l'éluder.

M. Malou. - Messieurs, je ne veux pas me décourager, bien que j'aie décidément du malheur. A l'article premier, je propose d'insérer dans la loi la rédaction du gouvernement ; j'échoue. A l'article 3, je propose d'insérer une énonciation du rapport de la section centrale, et j'ai bonne chance d'échouer encore.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je vous ferai observer que vous ne reproduisiez pas la proposition du gouvernement.

M. Malou. - Je la proposais textuellement ; le compte rendu de la séance d'hier en fait foi.

Le paragraphe que j'ai lu tout à l'heure présente un sens bien précis et n'en présente qu'un seul ; l'honorable rapporteur de la section centrale, dont j'invoque l'appui en cette circonstance, déclare que lorsque des immeubles seront affectés par donation ou legs aux sociétés reconnues, ces sociétés pourront jouir des revenus de ces immeubles, mais que par des considérations d'intérêt public, que tout le monde comprend, il faut qu'ils soient administrés par une institution plus stable et qui se rattache plus directement à l'autorité publique. Ainsi j'ai dû comprendre qu'on ne voulait pas, d'une manière systématique, absolue, exclure pour les sociétés de secours mutuels la faculté de recevoir des donalions ou legs de propriétés immobilières. Cette simple observation me paraît répondre à la distinction que M. le ministre des finances vient de faire. Assurément si mon amendement était adopté, il en résulterait, comme la commission et la section centrale l'ont admis, que les sociétés pourraient être autorisées par le gouvernement (car remarquez encore, je vous prie, qu'il ne s'agit que d'accorder une simple faculté au gouvernement) à acquérir des immeubles ; mais pour ne pas éparpiller l'administration, pour que les revenus ne soient pas absorbés par les frais d'administration, il peut être utile de rattacher les sociétés à des institutions plus stables et qui subissent un contrôle plus permanent, plus complet, de la part de l'autorité publique. Pour cet amendement, comme pour l'article premier, je demande pourquoi exclure ? Quel est l'intérêt public qui serait compromis ? Craint-on que les associations de secours mutuels mettent hors du commerce une grande partie du territoire du royaume ? Ce sont là des craintes chimériques.

Il serait à désirer, puisque les institutions sont utiles, qu'elles aient le droit d'acquérir des immeubles ; et si le gouvernement craint quelque abus, il pourra y pourvoir. Ainsi, lorsque l'immeuble ne sera pas nécessaire à l'existence de la société, le gouvernement, en autorisant l'acceptation de la donation ou du legs, pourra prescrire l'aliénation dans un délai déterminé. Mais si le projet est admis tel qu'il est, les associations seront privées d'une manière absolue de la faculté de recueillir les donations ou les legs d'immeubles qui leur seraient faits. Est-ce là ce que vous voulez ? En ce cas, donnez-nous des raisons d'intérêt public qui nécessitent cette interdiction. Quel motif avez-vous d'empêcher que les donations ou legs, avec les garanties que je propose, puissent sortir leurs effets ?

M. Delfosse. - L'honorable M. Malou propose d'insérer dans la loi un passage du rapport ; il prévoit qu'on ne le fera pas et il s'en étonne. Mais, messieurs, si l'on devait insérer dans le texte des lois tout ce qui est dans les rapports, les lois deviendraient un peu longues. Je ferai, en outre, remarquer que le passage du rapport, dont l'honorable M. Malou a parlé, a été extrait, par M. le rapporteur, du travail de la commission que le gouvernement avait chargée de formuler le projet de loi et qu'il n'a pas été discuté en section centrale.

L'honorable M. Malou voudrait-il se prévaloir de ce que la section centrale a laissé passer, sans trop d'examen, quelques lignes du rapport, pour introduire dans la loi une disposition qui pourrait avoir de fâcheuses conséquences ? La section centrale a eximiné avec soin tous les articles du projet de loi, mais elle n'a pas été appelée à délibérer spécialement sur chaque ligne du rapport.

Au fond, je soutiens qu'il y aurait de graves inconvénients à insérer dans la loi la disposition proposée par l'honorable M. Malou ; je soutiens (page 726) qu'il est contraire à l'ordre public, qu'un trop grand nombre d'immeubles soient soustraits à la circulation. Rien n'attache plus les citoyens au maintien de l'ordre que la possession d'une propriété immobilière. Plus vous faites passer d'immeubles en mainmorte, moins il y a de propriétaires et par conséquent, moins il y a de citoyens intéressés au maintien de l'ordre, il n'y a déjà que trop d'occasions de faire passer un immeuble en mainmorte ; il faudrait plutôt les restreindre que les étendre.

Je m'oppose donc de toutes mes forces à l'adoption de la proposition de l'honorable M. Malou.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il est incontestable qu'il y a un grand danger à amortir trop d'immeubles. Lorsqu'il y a dans un pays des sociétés par centaines, si vous leur donnez le droit d'acquérir des immeubles, vous vous exposez certainement à voir de nombreuses propriétés mises hors du commerce. Si M. Malou, qui a lu tout ce qui a été écrit à cet égard, ne sent pas le danger d'un semblable amortissement, je dois nécessairement désespérer de le convaincre.

L'honorable M. Lelièvre a posé une autre question. Il a demandé si les sociétés dont iï s'agit tombent sous l'application de l'article 76 de la loi communale en ce sens qu'elles ne pourraient recevoir des donations que par acte authentique. Sous ce rapport, l'interprétation de l'article 76 a donné lieu à des difficultés. Je crois que l'article 76 et divers articles du Code civil qui se rapportent à cette matière, doivent être interprétées d'une manière raisonnable. La même interprétation sera suivie quand il s'agira de donations faites aux sociétés de secours mutuels.

M. Orts. - J'ai une observation à faire pour démontrer que l'amendement proposé par M. Malou a une portée qui est au-delà de sa pensée.

L'honorable M. Malou veut que les sociétés de secours mutuels puissent posséder ou acquérir, dans certains cas, des immeubles.

La commission, chargée de préparer le projet de loi, a indiqué un premier motif qui me paraît très péremptoire ; c'est que les sociétés de secours mutuels ont essentiellement un but temporaire ; ce n'est pas une fondation qu'une société de secours mutuels ; c'est une institution qui est destinée à fonctionner pendant un temps déterminé et à se dissoudre ensuite, lorsque viennent à cesser les besoins en vue desquels elles ont été instituées. Or, attribuer un immeuble à une personne civile quelconque, c'est lui donner un caractère essentiellement perpétuel et permanent ; il faut que cet immeuble reste perpétuellement attaché à la personne civile ; des immeubles ne pourraient donc être attribués aux sociétés de secours mutuels qu'à la condition d'en faire une fondation.

Maintenant, l'honorable M. Malou propose de faire, pour les sociétés de secours mutuels, une chose qui rentrera essentiellement dans ce qu'il faudra faire pour les fondations en général, alors que la loi promise sur cette matière par le ministre de la justice, sera présentée. Eh bien, l'inconvénient que je voulais signaler, c'est de préjuger une question très difficile de la loi des fondations, à propos de la loi sur les sociétés de secours mutuels. Cela ne serait pas très prudent. L'honorable M. Malou peut ajourner son amendement jusqu'à la loi générale qui sera présentée sur les fondations, et proposer alors de comprendre la disposition dans cette loi.

M. T’Kint de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, contrairement à ce qu'a dit l'honorable M. Malou, il y a une différence assez notable entre les termes de son amendement et la phrase de mon rapport. Voici la phrase à laquelle il a été fait allusion :

« Si une libéralité individuelle prenait une forme que lanalwe des associations de secours mutuels ne semble pas comporter, d'autres personnes civiles, comme la commune, les bureaux de bienfaisance, les hospices, pourraient la recevoir avec affectation spéciale. »

Ici, ce seraient les hospices, les bureaux de bienfaisance qui acquerraient ; dans l'amendement de l'honorable M. Malou, il est dit :

« Les immeubles que les sociétés reconnues seraient autorisées à acquérir, seront administrées par le bureau de bienfaisance de la commune. »

Je reconnais d'ailleurs bien volontiers que je me suis borné à rendre une pensée que j'ai trouvée dans le rapport de la commission qui a proposé la loi (page 32).

La question n'a pas été examinée dans le sein de la section centrale ; on ne s'en est pas occupé.

M. Malou. - C'est très regrettable.

M. de Breyne. - Messieurs, l'honorable ministre de la justice n'a pas bien compris la portée de la demande d'explications de l'honorable M. Lelièvrc, demande que j'étais prêt à faire. L'honorable membre a désiré savoir si toutes les formalités prescrites par la loi communale doivent être observées pour chaque don de la main à la main, comme on dit, qui serait fait à une société de secours mutuels.

Je connais une société de secours mutuels qui, dans le courant de cet hiver, a reçu trois dons de ce genre, l'un de 23 fr., l'autre de 40 fr., et le troisième de 60 fr. Faudrait-il demander l'autorisation de la députation permanente, pour accepter ces sommes ? Je désire que M. le ministre veuille nous donner des explications à cet égard, afin que les administrations des sociétés de secours mutuels aient une règle de conduite à suivre.

M. de Theux. - Messieurs, c'est simplement pour faire une observation à la chambre que j'ai demandé la parole. J'ai souvent entendu proclamer ici qu'on devait s'en référer aux rapports des sections centrales et des commissions pour l'interprétation des lois, et qu'il ne fallait pas dès lors être trop minutieux dans la rédaction du texte ; je suis, moi, d'une opinion contraire, et ce qui se passe aujourd'hui est la confirmation d’une opinion opinion qui est ancienne chez moi. Il s'ensuit donc que pour l'interprétation des lois, on ne peut pas s'en référer aux rapports des sections centrales et des commissions.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je crois devoir soumettre encore une observation sur l'amendement de l'honorable M. Malou ; je pense que cet amendement est tout à fait inutile.

La loi déclare que les sociétés de secours mutuels ne peuvent recevoir que des dons d'objets mobiliers ; eh bien, ceux qui voudront donner à une société de secours mutuels, et affecter un immeuble à cette destination, vendront l'immeuble et en donneront le prix à la société.

Il n'y a donc absolument aucune nécessité pour stipuler en faveur des sociétés de secours mutuels qu'elles pourront recevoir indirectement des donations immobilières. Ceux qui voudront gratifier d'un don une société de secours mutuels, se conformeront à la loi, et ils le pourront, qu'il s'agisse, soit d'un acte entre-vifs, soit d'un testament.

Je viens de dire ce qu'ils peuvent faire dans le premier cas. S'il s'agit d'un acte de dernière volonté et que le bienfaiteur n'ait pas voulu se dépouiller d'un immeuble, il imposera à ses héritiers l'obligation d'aliéner cet immeuble, pour en donner le prix à la société de secours mutuels. Par conséquent, les testateurs pourront atteindre leur but.

L'inconvénient qu'il y aurait à attribuer des propriétés immobilières à des sociétés de secours mutuels, paraît devoir faire écarter de semblables donations.

On ne permet pas à ces sociétés d'acquérir des immeubles ; à part l'immobilisation, au point de vue de l'administration même de ces sociétés, il y a d'excellentes raisons pour le décider ainsi ; par les mêmes motifs, elles ne doivent pas en recevoir à titre de donation.

L'honorable M. de Breyne a demandé tout à l'heure si on devrait recourir à l'autorisation de la députation permanente pour des dons de sommes minimes, qui sont faites de la main à la main. Ce cas est soumis aux principes généraux. La même question se présente sous l'empire du Code civil. Sous l'empire du Code civil, on agite aussi la question de savoir si les dons manuels à faire à des bureaux de bienfaisance, à des fabriques d'église, sont également soumis à toutes les formalités prescrites pour les actes de donation ; eh bien, la même solution sera donnée, conformément aux principes généraux, pour les dons de ce genre, qui intéresseraient des sociétés de secours mutuels.

M. Rousselle. - Messieurs, je ne donnerai pas mon adhésion à l'amendement qui a été présenté par l'honorable M. Malou ; cependant quelques explications me sont nécessaires pour me fixer sur la portée que le ministère et la section centrale donnent à la disposition qui est soumise à la chambre.

Je suis, comme eux, contraire à ce que les sociétés de secours mutuels possèdent des immeubles ; je crois même que le moment viendra plus tard d'examiner à quels immeubles doivent se réduire les possessions des établissements publics, de tous les établissements publics indistinctement. Nous examinerons cette question-là plus tard ; mais je suppose qu'un particulier veuille doter une société de secours mutuels qui, comme l'a très bien observé l'honorable M. Orts, peut n'avoir qu'une existence très temporaire ; eh bien ! cet individu fait sa donation en immeubles soit à la commune, soit au bureau de bienfaisance, et dit : Pendant l'existence de la société de secours mutuels de revenu de cette propriété lui sera distribué. Je demande si une pareille donation ne serait pas légale, au terme des institutions actuelles. Si on me répond affirmativement, il me paraît que nous donnons tout à la fois satisfaction à l'honorable M. Malou et une explication légitime aux mots qui se trouvent et dans le rapport de la commission qui a préparé le projet de loi et dans le rapport de la section centrale. Quant à moi, je pense que dans le cas d'une donation ainsi faite, soit à la commune, soit au bureau de bienfaisance, le gouvernement serait libre d'y donner son assentiment, comme il pourrait s'y refuser par des motifs d'intérêt général. Je désire avoir à cet égard une explication précise.

M. Delfosse. - Je désirerais répondre un mot à ce que l'honorable M. de Theux vient de dire.

Il est certain que des erreurs peuvent se glisser dans le rapport d'une section centrale, il s'en glisse bien dans les projets de loi de la chambre, qui sont cependant examinés avec une scrupuleuse attention. La chambre rectifie, lors du vote, les erreurs qui ont pu échapper à la section centrale quant au projet, mais elle ne se prononce pas sur le mérite du rapport. Cette pièce ne peut donc faire autorité comme le texte même de la loi.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je dois répondre un mot aux observations qui ont été présentées par l'honorable M. Rousselle. La question qu'il pose me paraît résulter d'une erreur dans laquelle il est tombé. Une société de secours mutuels, dit-il, est une société essentiellement temporaire. Si l'on donne le revenu d'un immeuble à une pareille société pendant le temps ds son existence, ne fera-t-on pas une donation valable ? Voilà la question. Mais il est évident que la société de secours mutuels reconnue ne sera pas une société temporaire ; elle aura, au contraite, un caractère de perpétuité. La donation du revenu sera donc également faite à perpétuité à cette société ; d'où il suit que l'hypothèse indiquée par l'honorable M. Rousselle est identiquement la même que celle posée par l'honorable M. Malou. Du marnent où vous constituez un être moral, sans limiter la durée, il est censé devoir exister indéfiniment. Le cas de dissolution, il est vrai, est prévu par la loi. Mais (page 727) qu'arriverait-il en cas de dissolution de la société ? Personne ne possèderait plus, ne toucherait plus les revenus ; à qui devraient-ils profiter ? L'honorable M. Rousselle irait, contre son gré, sous une autre forme, au même but que celui que veut atteindre l'honorable M. Maluu.

M. Malou. - Le débat porte en réalité sur le point de savoir si les sociétés pourront percevoir le revenu de biens administrés par d'autres personnes civiles. L'hypothèse posée par l'honorable M. Rousselle est comprise dans l'amendement que j'ai proposé. Une commune, une administration d'hospice serait investie de la propriété à charge de disposer du revenu en faveur de la société de secours mutuels. C'est le principe que je désire voir introduire dans la loi ; avec les tempéraments que le gouvernement peut apporter dans l’exécution de la loi et sous la surveillance incessante de la législature, il n’offre pas le moindre danger.

Tout le monde est d'accord sur le danger d'une trop grande immobilisation des propriétés ; mais après les ruines que les révolutions ont faites dans le patrimoine des pauvres, longtemps encore on peut laisser sous le contrôle du gouvernement toute la liberté aux donations mobilières ou immobilières sans craindre qu'il y ait excès.

- L'amendement de M. Malou est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

L'article 3 proposé par la section centrale, d'accord avec le gouvernement, est mis aux voix et adopté.

Article 4

« Art. 4. Toute personne âgée de dix-huit ans peut faire partie des sociétés de secours mutuels reconnues, y contracter les engagements et y exercer les droits inhérents à la qualité d'associé.

« Le mineur âgé de quinze ans peut y être admis, du consentement de son père ou de son tuteur.

« La déclaration du père ou du tuteur sera donnée par écrit, ou reçue par le délégué de l'administration de la société, en présence de deux témoins qui signeront avec le délégué. »

M. Lelièvre. - Je désirerais avoir une explication sur le sens de l'article en discussion. A l'âge de quinze ans, le mineur peut être émancipé par son père, ou, en cas de défaut du père, par sa mère. Je pense qu'en ce cas il peut faire partie des sociétés de secours mutuels sans avoir besoin du consentement de qui que ce soit.

Je comprends le paragraphe 2 en ce sens qu'il n'y est question que du mineur non émancipé. Une explication de M. le ministre est nécessaire pour qu'il ne puisse s'élever aucun doute sur l'interprétation de l'article.

En ce sens, il me paraît évident qu'on ne peut refuser au mineur émancipé le droit de faire partie d'une association sans qu'on doive le soumettre à aucune autorisation à cet égard. C'est là une opération qui n'a pas une assez grande portée pour qu'elle soit réputée excéder les bornes de simple administration. Il est indispensable qu'on indique clairement la signification du paragraphe 2 de l'article 4 qui par sa généralité, pourrait donner lieu à croire qu'il concerne même le mineur émancipé.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Une fois que le mineur est émancipé, je, pense qu'il peut entrer dans une association de secours mutuels ; la participation à une caisse de secours sera considérée comme un simple acte d'administration.

M. Lelièvre. - C'est pour qu'il n'existe aucun doute que j'ai demandé une explication.

- L'article 4 est mis aux voix et adopté.

Article 5

M. le président. - A l'article 5, la section centrale et le gouvernement adoptent l'amendement présenté par M. Moreau :

« La femme mariée peut, avec l'autorisation de son mari, faire partie d'une association reconnue de secours mutuels.

« En cas de refus de son mari, le juge de paix, les parties entendues ou appelées, peut autoriser la femme ; il le peut également en cas d'absence ou d'éloignementdu mari, où si celui-ci se trouve dans l'impossibilité de manifester légalement sa volonté. »

- Adopté.

Article 6

« Art. 6. Des arrêtés royaux détermineront :

« 1° Les conditions et garanties requises pour l'approbation des statuts des sociétés de secours mutuels ;

« 2° Les conditions auxquelles les sociétés de secours mutuels reconnues seront admises à plaider gratis ;

« 3° Les causes qui peuvent entraîner la révocation de l'acte d'approbation ;

« 4° Les formes et les conditions de la dissolution et le mode de liquidation ;

« 5° L'emploi de l'actif, après le payement des dettes, en cas de révocation ou de dissolution.

M. de Liedekerke. - Le gouvernement, M. le ministre des finances a demandé qu'on restreignît la latitude accordée au gouvernement relativement aux sociétés de secours mutuels. Je ne comprends pas que le gouvernement insiste pour qu'on limite ses droits, la faculté que peut lui laisser la loi de donner plus de latitude à ceux qui veulent faire le bien ; je n'ai pas compris qu'il vint demander qu'on posât des limites à ses pouvoirs en pareille matière ; mais je viens, en vertu de ce même principe qu'il a émis hier, demander la limitation de son droit à l'égard de biens acquis, à l'égard de la disposition d'une propriété véritable.

M. le ministre de la justice a proposé un amendement à l'article 6 ; pour lui donner plus de force, il a inséré un paragraphe 5 portant que des arrêtés rojauv détermineront l'emploi de l'actif après le payement des dettes en cas de révocation ou de dissolution.

Je dis que ce droit est exorbitant ; c'est donner au gouvernement le droit de disposer de l'actif d'une société, d'une propriété, sans contrôle, par le fait simple d'arrêtés royaux.

Il m’est impossible d'accorder un vote favorable à une disposition aussi absolue, aussi peu libérale que celle-là. Ni en Angleterre, ni en France, pareille disposition n'existe.

En Angleterre, on donne aux sociétés le droit de disposer elles-mêmes de leur actif ; en France, on n'a pas laissé à la volonté arbitraire du gouvernement le droit de disposer de cet actif. Je vais proposer un amendement qui est la reproduction d'une partie de l'article de la loi française.

« Toutefois, en cas da dissolution d'une société de secours mutuels, il sera restitué aux sociétaires faisant en ce moment partie de la société, le montant de leurs versements respectifs, jusqu'à concurrence des fonds existants et déduction faite du montant des dettes et des dépenses occasionnées personnellement.

« Les fonds restés libres après cette restitution pourront être partagés, entre des sociétés du même genre ou, à leur défaut, être attribués au bureau de bienfaisance de la commune. Dans ce dernier cas, il pourra toujours être fait emploi de ces fonds avec l'autorisation de la députation permanente et l'approbation du Roi, au profit de nouvelles sociétés de secours mutuels qui s'établiraient dans la commune. »

Ainsi, au cas où. une société de secours mutuels viendrait à se dissoudre, on restituerait aux membres qui feraient en ce moment partie de la société le montant de leurs versements ; rien de plus juste, puisque cela fait retour non seulement au membre, mais à sa famille. C'est une propriété de la famille ; rien de plus juste que cela fasse retour à la famille, sous déduction 1° du montant des dettes (c'est tout naturel ; il faut payer ce qu'on doit) ; 2° de tous les frais que ces associés ont pu occasionner à la société. Ce doit être déduit du reliquat qui appartient à l'être moral société.

Après cela, c'est sans doute une destination parfaitement juste, parfaitement légitime que d'attribuer ce reliquat aux sociétés du même genre existant dans la commune.

Que voulez-vous ? Soutenir les sociétés de secours mutuels ; développer l'esprit de charité. Attribuez donc aux sociétés du même genre les fonds que vous devez à la prévoyance de ceux qui composaient la société dissoute.

S'il n'y a pas de sociétés du même genre dans la commune, j'attribue le reliquat au bureau de bienfaisance.

Seulement j'y mets une condition, qui implique la perpétuité de telles institutions, celle de remettre ce reliquat aux sociétés du môme genre qui s'établiraient dans la commune, Yous soutenez pour l'avenir les sociétés de secours mutuels, comme vous voulez les soutenir dans le présent.

Toute votre loi tend à favoriser la création de sociétés de secours mutuels, à soutenir, à développer cette institution. Faites-le pour l'avenir, comme vous le faites pour le présent.

Je crois donc mon amendement parfaitement légitime, parfaitement juste et équitable. Dans tous les cas, il est infiniment plus libéral que la disposition proposée par le gouvernement, d'après laquelle le gouvernement pourrait disposer arbitrairement des fonds par arrêté royal. Aucune disposition n'est plus illibérale. Ce serait consacrer par la loi le despotisme, l'arbitraire du gouvernement ; ce serait détruire l'esprit de prévoyance.

Jamais je ne voterai pour une disposition pareille.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Le gouvernement n'a pas demandé hier qu'on limitât ses droits ; il a demandé que la chambre les précisât ; ce qui est tout autre chose.

Nnus avons voulu, nous, qu'il fût écrit dans la loi quelles sociétés pourraient être autorisées, quelles sociétés ne pourraient pas être autorisées ; nous avons voulu éviter ainsi des abus auxquels ont donné lieu d'autres législations ; car personne n'ignore que des lois, à peu près semblables à celle que nous faisons, ont donné lieu à la création de sociétés dont la loi n'avait pas pour but d'autoriser l'existence. Comme l'a dit M. le ministre des finances, n'est-ce pas ainsi qu'en vertu du décret de 1809, il y a eu des congrégations autorisées, et que les tribunaux sont intervenus pour déclarer ces autorisations nulles ? C'est là un fait qu'on ne contestera pas.

Il est à désirer que la même chose ne se reproduise pas, et qu'on déclare clairement quelles sont les sociétés qui pourront obtenir la personnification civile et celles auxquelles on n'accordera pas cet avantage.

Quant à l'amendement de l'honorable M. de Liedekerke, il rentre parfaitement dans les intentions du gouvernement. Le gouvernement n'a jamais pensé pouvoir user d'un capital appartenant à une société de secours mutuels en cas de dissolution d'une autre manière que celle indiquée par l'honorable M. de Liedekerke. Jamais, il n'est entré dans les intentions du gouvernement de pouvoir s'approprier le reliquat de ces sociétés en cas de dissolution.

M. Coomans. - Précisez cela !

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne puis dire tout à la fois.

Je demande que l'amendement soit renvoyé à la section centrale, que la section centrale l'examine de très près, et qu'autant que possible elle propose une disposition dans ce sens.

Mais je n'admets pas qu'en puisse laisser aux sociétés dissoutes le (page 728) droit de disposer de leur capital, il ne faut pas confondre deux choses essentiellement distinctes : une société ayant une personnification civile et une société qui ne jouit pas de ce privilège et composés d'associés, par exemple une société en participation. Il y a une différence très grande. Dans une société qui jouit de la personnification civile, qui est un véritable corps moral, le capital n'appartient pas plus aux membres qui composent la société que des propriétés communales n’appartiennent aux individus composant la commune. „

C'est là une distinction dont l'honorable M. de Liedekerkc n a pas suffisamment tenu compte.

Admettre, d'un autre côté, que le capital appartient aux associés qui font partie de la société au moment où elle cessera d'exister, ce serait introduire dans ces sociétés le ferment le plus actif de dissolution ; car quand une société serait arrivée à se former un capital assez élevé, soit par des dons, soit par des économies sur les contributions de ses membres, on chercherait à faire dissoudre la société afin de partager l'actif.

Il y avait donc là nécessité d'établir une règle pour que le capital ne devînt pas l'objet des convoitises des associés, et par conséquent une raison de dissolution de la société.

La mesure que nous avons proposée consiste à donner au gouvernement le droit de déterminer l'emploi du capital ; mais jamais il n'est entré dans notre pensée de confisquer au profit de l'Etat une semblable propriété.

Il n'y a pas de gouvernement qui, sans soulever contre lui le sentiment du pays, pourrait disposer du capital d'une société dissoute au profit d’autres institutions que des sociétés de secours mutuels ou d'établissements de bienfaisance.

M. de Liedekerke. - M. le ministre de la justice vient de prononcer le mot « préciser ». Le gouvernement a demandé que l'on précisât la nature de son droit : ce qu'il a demandé hier, je le demande à l'égard de la disposition de l'actif ; ma pensée ne va pas au-delà de cette même expression.

Quant aux dernières observations que vient de faire M. le ministre de la justice au sujet du capital, je comprends parfaitement bien que l'accumulation d'un très fort capital pourrait induire une société à provoquer sa dissolution, afin d'arriver au partage de l'actif, et que les derniers membres venus dans la société trouveraient à cela un bénéfice extrêmement notable. Mais permettez-moi de vous dire que ce n'est là ni la portée, ni l'intention de mon amendement. Je comprends qu'à une lecture très rapide vous n'ayez pu complètement en saisir le sens.

Je demande que les membres existants de la société puissent seuls retirer le montant des sommes qu'ils ont versées, et je demande cela non seulement dans l'intérêt de ces membres, mais de leur famille. Je trouve qu'il est naturel que la société venant à se dissoudre, ces sommes fassent retour aux familles de ceux qui les ont versées.

Quant au reliquat dont l'importance pourrait, croyez-vous, avoir une grande influence pour amener la dissolution de la société, il ne pourra appartenir aux membres existants. On en disposera, soit en faveur du bureau de bienfaisance, soit en faveur d'une autre société.

Quant aux difficultés de la comptabilité, je crois qu'avec la grande facilité que l'on a aujourd'hui de faire des comptes, on arrivera aisément aune précision suffisante pour savoir ce que chacun a apporté dans la société. En tout cas, les membres qui existeront et qui statueront sur la dissolution sauront parfaitement indiquer ce qu'ils ont apporté à la société ; de sorte qu'il y aura moyen d'arriver à une liquidation des plus satisfaisantes.

Du reste, j'attendrai le rapport de la section centrale pour donner des explications, si elles sont nécessaires, et j'espère que nous pourrons arrivera une rédaction qui rallie toutes les opinions.

M. Malou. - Je demande également le renvoi à la section centrale d'un paragraphe additionnel à l'article 6 ; ce paragraphe serait ainsi conçu :

« Les arrêtés organiques pris en vertu du présent article seront soumis à l'approbation des chambres, au plus tard dans la session ordinaire de 1854.»

Je vais dire en peu de mots les molifs de cette disposition.

Tout ce qui concerne la constitution de personnes civiles est essentiellement, comme l'honorable M. Lebeau l'a fait remarquer à la séance d'hier, du domaine de la loi. Que faisons-nous par l'article 6 ? Nous donnons une délégation au pouvoir législatif. Mais il faut, d'après tous les précédents comme d'après les principes, que les chambres soient, en vertu de la loi même, appelées à contrôler les actes posés en vertu de cette délégation et à substituer au pouvoir délégué celui qui a donné temporairement ce pouvoir exceptionnel. Je propose de laisser un délai d'environ trois ans, pour que l'expérience des mesures organiques que le gouvernement croira devoir prendre puisse être suffisante, lorsque les chambres seront appelées à régulariser définitivement l'existence des sociétés de secours mutuels.

M. le président. - Les deux amendements seront imprimés et distribués, et renvoyés à l'examen de la section centrale.

Projet de loi accordant un crédit au budget du département de l’intérieur, pour mesures relatives au défrichement, aux irrigations et au drainage

Dépôt

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer un projet de loi qui a pour but d'ouvrir au département de l'intérieur un crédit de 500,000 francs, pour mesures relatives au défrichement, aux irrigations et au drainage.

Ce projet est accompagné d'un rapport. J'en demande le renvoi aux sections.

M. Cools. - Quels sont les voies et moyens ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Les voies et moyens sont les bons du trésor.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi.

La chambre en ordonne l'impression et la distribution et le renvoi à l'examen des sections.

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.