(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 637) M. A. Vandenpeereboomprocède à l'appel nominal à deux heures et un quart.
M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la précédente séance, dont la rédaction est approuvée.
M. A. Vandenpeereboom présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Van den Haute demande une loi sur la responsabilité des ministres et des autres agents du pouvoir. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Faignart, forcé de s'absenter pour une affaire importante, demande un congé de quelques jours.
- Ce congé est accordé.
M. Dechamps demande un congé pour cause d'indisposition.
- Le congé est accordé.
M. Lelièvre. — J'ai l'honneur de présenter deux rapports de la commission, sur les dispositions de la loi sur le régime hypothécaire qui ont été renvoyées à son examen.
M. Malou. - Messieurs, je prie la chambre de me permettre de lui donner lecture de l'exposé des faits et de la négociation qui a amené, en 1847, la convention dont il a été question l'autre jour.
M. Delfosse. - Quelles sont vos conclusions ?
M. Malou. - Je conclus à l'impression des pièces et au renvoi à la commission des finances.
- Plusieurs voix. - L'impression !
M. Coomans. - On a provoqué des explications, il faut les entendre. (Lisez ! lisez !)
M. Delfosse. - Je pense qu'il serait convenable que les ministres fussent présents à la lecture des explications.
M. le président. - M. Malou pourra reprendre sa motion quand MM. les ministres de l'intérieur et des finances seront arrivés.
En attendant, nous reprendrons la discussion de la loi concernant le régime hypothécaire, en commençant par les articles que nous ayons tenus en surséance.
M. le président. - Par suite de la suppression de l'article 22, demandée par la commission d'accord avec le gouvernement, et prononcée par la chambre, l'article 36 a été renvoyé à la commission. De commun accord avec le gouvernement, elle propose la rédaction suivante :
« Les créanciers et légataires qui, aux termes de l'article 878 du Code civil, ont le droit de demander la séparation du patrimoine du défunt, conservent ce droit à l'égard des héritiers ou représentants du défunt sur les immeubles de la succession, par les inscriptions faites sur chacun des immeubles dans les six mois de l'ouverture de la succession.
« Avant l'expiration de ce délai, aucune hypothèque ne peut être établie avec effet sur ces biens ni aucune aliénation en être utilement consentie par les héritiers ou représentants au préjudice des créanciers et légataires.
« Les créances et legs pour lesquels il n'aurait été pris aucune inscription dans ce délai, ne cesseront point d'être hypothécaires à l'égard des créanciers personnels de l'héritier, mais l'hypothèque ne datera que de l'époque des inscriptions qui seront requises.
« A l'égard des tiers acquéreurs, cette hypothèque n'aura d'effet qu'autant que l'inscription aura été prise avant la transcription des actes de mutation.
« Dans le cas du paragraphe premier du présent article, la demande en séparation des patrimoines sera formée dans l'année qui suivra l'expiration des six mois dont il est fait mention en ce paragraphe, et dans les autres cas, elle devra l'être, au plus tard, dans l'année qui suivra l'inscription. »
- Cet article est mis aux voix et adopté.
M. le président. - L'article 36 bis avait été aussi tenu en suspens. Il est ainsi conçu :
« Les cessionnaires de ces diverses créances privilégiées exercent tous les mêmes droits que les cédants en leur lieu et place, en se conformant aux dispositions de l'article 5 de la présente loi. »
- Adopté.
M. le président. - Un amendement présenté par M. Lelièvre à l'article 48 a été envoyé à l'examen de la commission qui, d'accord avec le gouvernement, vous en propre l'adoption.
En conséquence, l'article 48 doit être remplacé par la disposition suivante :
« Dans le cas énoncé au paragraphe premier de l'article précédent, elle ne pourra avoir lieu qu'après que le tuteur aura été entendu ou appelé. »
- Cet article est adopté.
M. le président. - Le troisième paragraphe de l'article 50 a été soumis à un nouvel examen ; il était ainsi conçu :
« Le subrogé tuteur est tenu, sous sa responsabilité personnelle, de veiller à ce que l'inscription soit prise, sans délai, sur les biens du tuteur ou bien de la faire faire lui-même. »
- La commission, d'accord avec le gouvernement, a retranché les mots « sans délai ».
M. Delfosse. - Je propose de remplacer les derniers mots par ceux-ci : « ou bien de la prendre lui-même ».
M. Cans. - On a proposé aussi de retrancher le mot « bien » qui se trouve deux fois dans la même ligne.
M. le président. - Le paragraphe serait donc ainsi conçu :
« Le subrogé tuteur est tenu, sous sa responsabilité personnelle, de veiller à ce que l'inscription soit prise sur les biens du tuteur ou de la prendre lui-même. »
- Le paragraphe, ainsi modifié, est adopté.
M. le président. - L'article 59bis a été renvoyé à un nouvel examen. La commission, d'accord avec le gouvernement, propose la rédaction suivante :
« En cas de décès de personnes laissant des enfants mineurs, l'officier de l'état civil sera tenu, dans les 24 heures de la déclaration qui lui en sera faite, d'en donner connaissance au juge de paix du domicile des mineurs avec indication spéciale de l'existence de ces derniers.
« Les officiers de l'état civil qui contreviendraient au présent article seront punis d'une amende qui ne pourra excéder 100 francs.
« En cas de récidive, l'amende pourra être portée au double.
« Ces peines, de même que celles qui sont comminées par l'article suivant, seront appliquées par les tribunaux civils. »
La différence entre la rédaction primitive et celle qui est proposée, porte sur la hauteur de la peine ; au lieu d'une peine maximum de 200 fr. la commission a adopté 100 francs.
M. de Muelenaere. - Messieurs, les observations que j'ai faites ne portaient pas uniquement sur la hauteur de la peine ; je demandais aussi qu'il fût facultatif aux tribunaux de prononcer ou de ne pas prononcer la peine contre l'officier de l'état civil selon les circonstances ; je proposais en conséquence de renvoyer l'article à la commission, et j'émettais l'avis qu'il conviendrait de remplacer les mots : « seront punis » par ceux de : « pourront être punis », afin que les tribunaux ne fussent pas obligés de punir dans tous les cas, alors, par exemple, que la négligence ne serait pas grave ou même qu'il n'y aurait pas de négligence.
En effet, messieurs, il arrivera fréquemment que ce ne sera pas l'officier de l'état civil qui sera répréhensible, mais l'employé qui, sous sa direction, est chargé d'expédier la lettre et qui aura oublié de le faire.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, l'obligation imposée, par cet article, à l'officier de l'état civil existe déjà aujourd'hui, et les peines sont beaucoup plus fortes que celles que nous comminons. Cette obligation a d'abord été établie par une loi de frimaire an V. Elle a été ensuite renouvelée par l'arrêté de 1828. Cet arrêté de 1828 ne porte pas, à la vérité, quelles sont les pénalités applicables en cas de contravention, mais notre honorable collègue, M. de Muelenaere, sait que toutes les dispositions prises par le gouvernement, par les états provinciaux et par les communes trouvaient leur sanction dans une loi de 1818 ; et cette sanction est, pour le cas spécial dont il s'agit, d'une amende qui va jusqu'à 100 florins, et d'un emprisonnement qui s'élève jusqu'à 15 jours. Ainsi, messieurs, la peine que nous comminons est beaucoup moins sévère que celle qui existe aujourd'hui
Maintenant, messieurs, il y a entre le minimum et le maximum une échelle assez grande, et lorsque la faute ne sera pas grave, le tribunal pourra condamner à 1 fr. ou à 2 fr. d'amende, pour rendre l'officier de l'état civil attentif.
Il arrivera, messieurs, que le véritable auteur de la négligence sera l'employé ; mais il faut nécessairement faire porter la responsabilité sur l'officier de l'état civil, car sans cela toutes les prescriptions de la loi pourraient être éludées, parce que l'on pourrait toujours dire que c'est le secrétaire communal ou l'employé qui a négligé de remplir telle ou telle formalité dont il avait été chargé.
D'après ces considérations, je pense, messieurs, que l'article doit rester tel qu'il est rédigé.
M. de Muelenaere. - Messieurs, je reconnais que les observations qui viennent d'être faites par M. le ministre de la justice sont fondées ; mais je ne pense pas que, même dans le cas où l'application de la peine serait rendue facultative, les prescriptions de la loi pourraient être éludées, car les tribunaux pourraient toujours prononcer la peine contre l'officier de l'état civil. Mais ils pourraient aussi prendre en considération toutes les circonstances du fait qui lui serait imputé. C’est du reste, (page 638) ce qui arrivera, comme vient de le faire remarquer M. le ministre, puisque les tribunaux auront une assez grande latitude et qu'ils pourront prononcer une amende de 1 à 100 fr. Je n'insisterai donc pas sur mon observation.
M. Lelièvre, rapporteur. - Messieurs, nous n'énonçons dans la disposition que le maximum, afin que le juge puisse réduire la peine à un franc. C'est dans ce but que nous n'avons pas fixé de minimum, il me semble dès lors que l'article ainsi entendu doit satisfaire M. le comte de Muelenaere, puisque le juge a toute latitude dont les tribunaux usent largement en cette occurrence en faveur des officiers de l’état civil, ainsi que le prouvent les décisions qui sont portées chaque jour à l’occasion de l'application de l'article 50 du Code civil.
- Personne ne demandant plus la parole, l'article est mis aux voix et adopté.
M. le président. - La chambre a statué sur tous les articles, même ceux qui avaient été tenus en réserve, jusques et y compris l'article 66. Nous sommes arrivés à la section II (hypothèques judiciaires) ; mais toute cette section disparaît, d'après le vote précèdent ; nous abordons, en conséquence, sans laisser rien en arrière, la section III (hypothèques conventionnelles).
M. Malou donne lecture de la pièce suivante :
(page 642) Conventions cotonnière du 1er juin 1847. Note explicative. Pièces déposées par M. le comte de Theux et par M. Malou.
Messieurs,
Aux accusations dirigées contre nous à la séance du 6 de ce mois, nous venons opposer la vérité des faits, sans haine pour nos accusateurs, sans crainte pour nous-mêmes.
L'honorable M. Rolin, délégué par le conseil communal de Gand s'était chargé de préparer les instructions pour la commission mixte. Des conferences, et une assez longue correspondace eurent lieu à ce sujet entre le minister des finances et lui (Voir annexes n° XIII à XX.)
Nous sommes intervenus en 1847, sous notre responsabilité personnelle, pour prévenir, par le travail, la faim et l’émeute dans la ville de Gand : nous avons eu le bonheur d’y réussir. Cet acte, que l’on produit aujourd’hui comme une révélation contre nous, nous en avons sponta nément revendiqué l'honneur dans un document inséré au Moniteur du 0 août 1847. (Voir l'annexe n°1.)
Le prix le plus élevé des céréales correspond au mois de mai de cette année. (Annexe n° II).
La crise des subsistances s'était aggravée par sa durée même, de vives inquiétudes existaient sur le sort de la récolte future. Les souffrances des classes laborieuses étaient aggravées par le marasme ou par la stagnation du travail.
Les pièces ci-jointes, sous les n° III à VI, jettent quelque lumière sur la situation de la ville de Gand à cette époque calamiteuse. L'honorable bourgmestre de Gand, dans un rapport confidentiel, exprimait, le 20 mai, l'espoir qu'une députation partie la veille pour Bruxelles rapporterait des nouvelles rassurantes, et que le travail pourrait continuer dans les fabriques. Si le contraire avait lieu, disait-il, nous aurions à craindre les plus grands désastres. Le 22 mai, il signalait l'imminence de nouveaux désordres, et considérait la ville comme menacée en quelque sorte d'une invasion.
Le conseil communal et la société des fabricants de la ville, prenant l'initiative dans l'intérêt des classes ouvrières, réclamèrent le concours efficace du gouvernement. Des conférences eurent lieu. (Pièces n°VII et VIII.) Une seule condition essentielle fut posée de notre part ; c'était le concours matériel et pécuniaire de la ville de Gand, que nous voulions associer pour moitié à tout ce qui serait fait. Nous y trouvions la preuve évidente de la nécessité des mesures proposées, et de plus une garantie du bon emploi des fonds.
La convention du ler juin entre le ministre de l'intérieur et les délégués du conseil communal de Gand fut le résultat de ces négociations. (Voir annexe n° IX.) Le Roi daigna approuver cet acte par arrêté du 6 juin. (Annexe n° X.)
Le gouvernement s'engage à employer, au besoin, une somme de 960,000 francs, afin de donner du travail aux ouvriers employés dans les fabriques de coton de Gand. Il s'engage à ouvrir un premier crédit de 200,000 francs à la commission chargée de diriger les opérations; la commission est composée du gouverneur, président, de trois délégués du gouvernement et de trois délégués du conseil communal de Gand.
Son mandat était nettement défini : elle devait suivre les inscriptions qui seraient arrêtées de commun accord.
Le gouvernement et la ville de Gand s'engageaient à supporter par moitié les pertes éventuelles ; l'un et l'autre pouvaient résilier l'engagement : 1° lorsque les pertes connues ou présumées auraient atteint 100,000 francs ; 2° six semaines après le commencement des opérations, si les circonstances étaient changées.
En lisant les dispositions que nous venons d'analyser, la chambre pourra reconnaître avec quel soin nous avons pris toutes les précautions, stipulé toutes les garanties, afin d'obtenir, dans l'intérêt de la classe ouvrière, le plus grand résultat au prix des moindres sacrifices pécuniaires pour le trésor.
Le 8 juin, le ministre des finances informa officiellement la cour des comptes de ce que le ministère avait fait sous sa responsabilité personnelle : il consulta la cour sur la marche à suivre. (Annexe n° XI.) La cour estima qu'il n'y avait pas lieu pour elle d'intervenir, les chambres ayant seules à apprécier le mérite et l'opportunité de la convention conclue dans un but de sécurité publique. (Annexe n°XII.)
L’honorable M. Rolin, déléhué par le conseil communal de Gand, s’était chargé de preparer les instructions pour la commission mixte. Des conferences, et une assez longue correspondence eurent lieu à ce sujet entre le ministre des finances et lui (Voir annexes n’°XIII à XX).
Aussi, malgré toutes les objections, nous crûmes devoir maintenir un article additionnel à la convention du 1er juin, article par lequel cette convention était déclarée résiliée de plein droit, le jour où le ministre de l’intérieur qui l’avait signee ne serait plus investi de ses fonctions. (Voir annexe n°XXI). Mais, pour écarter les craintes que l’honorable M. Rolin manifestait, le ministre des finances prit l’engagement de faire en sorte qu’avant sa formation le cabinet nouveau connût dans tous ses details cette affaire importante, et qu’il pût avoir un parti pris. (Lettre du 2 juillet, annexe XVI.)
Cet engagement a été tenu.
L’article additionnel, portant résiliation éventuelle de la convention du 1eeer juin et le sinstructions destinées à guider la commission, tells que ces instructions avaient été arrêtées par le conseil communal, furent signees le 6 juillet, en son nom, par l’honorable M. Rolin.
Nous appelons l’attention de la chamber sur ce sinstructions; elle verra avec quelle solicitude les parties contractantes s’attachaient à procurer aux ouvriers la plus grande somme de travail aux conditions les moins onéreuses pour l’Etat et pour la commune.
Le 7 juillet, le ministre des finances ouvrit un crédit de 200,000 fr. à la commission mixte; il prescrivit au gouverneur, qui la présidait, d'informer le gouvernement de toutes les opérations faites, et surtout d'éviter d'engager des capitaux sans nécessité reconnue. (Annexes numéros XXIII et XXIV.)
Le 23 juillet, le gouverneur informa le ministre des finances d'une disposition de 25,000 fr. (Annexe n°XXV.)
Le 2 août, il lui adressa un rapport sur l'état des travaux de la commission. Il nous paraît résulter de ce rapport que rien n'était décidé à cette date, et qu'aucune autre somme n'était engagée.
Le rapport du 2 août (annexe n°XXVI) est la dernière pièce qui soit en notre possession.
Le cabinet nouveau prit la direction des affaires le 12 août 1847. Aux termes de l'acte du 6 juillet, la convention du 1er juin a été résiliée de plein droit le même jour.
Nous ignorons ce qui s'est passé depuis lors, et nous n'avons pas à nous en enquérir, au point de vue de notre responsabilité personnelle.
En résumé, au moyen des pièces produites et en appelant d'ailleurs sur nos actes toutes les investigations, nous croyons avoir établi : Que la convention du ler juin était nécessaire ; Que nous avons pris toutes les précautions pour atteindre le but de sécurité et d'ordre public que nous avions en vue;
Que nous avons obtenu ce résultat sans compromettre les intérêts du trésor ;
Que, sous notre administration, il n'a été disposé que d'une somme de 25,000 francs sur le crédit de 200,000 francs.
La chambre appréciera ces actes, dictés par le sentiment du devoir au milieu des circonstances les plus difficiles.
Nous attendons avec confiance la décision que la chambre, dans sasa-gesse et dans sa justice, croira devoir adopter.
Bruxelles, le 8 février 1851.
Je demande l'impression et le renvoi de cet exposé à la commission des finances.
M. Rolin. - Messieurs, dans une séance à laquelle je n'ai pas été présent, l'honorable M. de Theux a fait un appel à ma loyauté ; cet appel, je l'ai entendu, et je viens y répondre.
Les faits qui sont exposés dans la note dont je viens d'entendre lecture, sont d'une entière exactitude. La chambre a compris que je suis intervenu très directement, comme échevin de la ville de Gand, dans les négociations qui ont eu lieu à cette époque entre le conseil communal de cette ville et le gouvernement.
Messieurs, pour bien apprécier la moralité de l'acte qui a été posé par le cabinet d'alors, il ne faut pas perdre de vue les circonstances tout à fait exceptionnelles dans lesquelles la ville de Gand se trouvait placée.
L'industrie cotonnière avait cruellement souffert, par une succession inouïe de crises, crise alimentaire, crise financière, crise industrielle ; tous les magasins étaient encombrés, la plupart des ateliers chômaient ; il y avait danger imminent pour l'ordre public. Nous sommes venus solliciter du gouvernement, non pas une aumône, mais du travail ; nous sommes venus le prier de partager avec nous les risques d'une convention qui devait avoir pour effet immédiat de porter quelque soulagement à la jmisère de la situalion.
Je me fais gloire d'avoir pris une part très active à ces négociations, et je dois au cabinet d'alors le témoignage qu'il s'est conduit dans cette affaire avec une loyauté et une bienveillance parfaites. Je suis heureux de lui en adresser publiquement, au nom de la ville de Gand, mes remerciements, et je déclare que, quoique je n'ai joué dans cette affaire que le rôle de solliciteur ardent, je suis prêt à en prendre, à tous égards, ma part de responsabilité personnelle.
M. de Theux. - Je remercie l'honorable M. Rolin du témoignage spontané qu'il vient de nous donner. Je dis spontané, car aucun de nous ne l'a prié d'assister à la séance, et il ignorait même qu’il dût être question de cette affaire ; mais ayant entendu les faits, il s'est empressé de venir témoigner de la vérité.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Notre intention n'est pas de jouer ici le rôle d'accusateurs vis-à-vis de nos prédécesseurs. Ils voudront bien nous rendre cette justice que, pendant trois années, ni directement, ni indirectement nous n'avons entretenu la chambre de l'acte très irrégulier qui avait été posé par eux dans de bonnes intentions. Si nous avons été amenés à faire connaître cet acte à la chambre, on se rappellera dans quelles circonstances : nous avons été attaqués avec beaucoup de légèreté et avec beaucoup de malveillance par l'honorable M. Malou ; nous étions accusés par lui de refuser de rendre nos comptes, au moment même où j'avais déclaré à plusieurs reprises que rien ne me serait plus agréable que de voir tous mes comptes soumis à l'examen de la chambre.
L'honorable M. Malou vient de faire connaître les faits qui se sont passés, et je ne pense pas qu'il ait la prétention de soutenir qu'il ait agi régulièrement dans cette circonstance.
Quant au peu d'empressement qu'il nous reprochait en ce qui concerne la reddition de nos comptes, je me permettrai de faire remarquer que l’honorable M. Malou se trouvait bien plus en retard que nous, puisqu’il y a trois ans et demi que l’acte a été posé, et que jusqu’ici aucun compte n’a été rendu à la chambre. L’acte a consisté à disposer, sur la caisse du trésor, sans crédit législatif, d'une somme considérable au profit des industriels de Gand.
Voilà, messieurs, le fait que la chambre aura à apprécier. Nous n'avons pas accusé les intentions de nos prédécesseurs, nous voulons croire qu'ils ont agi dans de bonnes vues, dans des vues de conservation. Mais si nous avions des reproches à leur faire, nous leur dirions que la situalion à laquelle ils ont cru qu'ils devaient pourvoir par cet acte irrégulier, que cette situalion n'avait pas été révélée seulement dans le courant du mois de juin, et que la chambre, étant restée réunie jusque dans les premiers jours du mois de mai, elle aurait pu être saisie d'un projet de loi.
La chambre, au surplus, aura à statuer sur cette question. Il n'est pas possible que le crédit dont il a été disposé ne soit pas couvert par une loi. Il y a dans le trésor un vide de 200,000 fr.
M. Malou. - De 23,000 francs.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - N'y eût-il que 23,000 fr. dont on aurait disposé sans autorisation, encore faut-il remplir ce vide.
En présence des engagements pris, en présence des travaux qui étaient commencés et exécutés par les industriels, nous avons cru que nous ne pouvions pas nous dispenser d'exécuter ce qu'il y avait d'obligatoire dans la convention passée par nos prédécesseurs ; nous avons donc laissé disposer du crédit ouvert par eux, jusqu'à concurrence d'une somme de 200,000 fr., déclarant que nous n'irions pas au-delà ; que pour le surplus nous considérions la convention comme nulle et de nul effet. Voilà comment les choses se sont passées. Nous n'avons fait qu'exécuter la partie de la convention dont nous ne pouvions pas nous refuser à poursuivre l'exécution. Pour le surplus, nous n'avons pas donné suite à la convention qui engageait le trésor public, sans vote des chambres, jusqu'à concurrence de 960 mille fr. J'ajoute qu'en agissant avec sagesse, avec précaution, avec esprit d'économie, nous n'avons rien compromis ; les émeutes qu'on redoutait n'ont pas eu lieu et le calme et le travail ont été maintenus.
M. Malou. - Je ne veux pas revenir sur l'incident qui a eu lieu dans une autre séance et que j'abandonne au jugement de la chambre et du pays. Je ne veux pas non plus entrer dans une discussion qui serait aujourd'hui prématurée.
Il est évident qu’elle ne pourra s’ouvrir utilement qu’après l’examen par la commision des finances de toutes les pièces dont j’ai cru inutile de donner lecture à la chambre, et lorsqu’elle pourra apporter une conclusion.
Que l'acte ne fût pas régulier, nous l'avons déclaré à plusieurs reprises ; nous avons reconnu que nous agissions en dehors des termes de la loi, notamment dans la lettre que j'ai adressée le 8 juin à la cour des comptes.
Mais la question n'est pas là. Des imputations qu'on nous a faites à la dernière séance ont eu quelque retentissement, ont donné lieu à des inductions qui, je crois, n'entraient pas dans les intentions de MM. les ministres.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Lisez la presse de votre opinion, elle en dit bien d'autres ; nous ne sommes pas responsables de ce que disent les journaux.
M. Malou. - Je n'entends pas vous rendre responsable de ce qu'on a pu dire. Je constate ce qui s'est produit. Après cela, voulez-vous être responsable, cela ne tient qu'à vous. Mais c'était mon droit de me justifier devant la chambre et le pays. Sans entrer en ce moment dans la discussion des faits, je dois relever deux inexactitudes qui ont échappé à M. le ministre de l'inlérieur. Il a dit que nous avions attendu longtemps avant d'entretenir la chambre de cet objet.
D'après les règles du gouvernement, l'initiative ne devait pas nous appartenir Nous avions dépensé 25 mille francs, c'était au gouvernemant à faire une demande de crédit pour couvrir cette somme.
J'ajoute une dernière observation. Les pièces que j'ai communiquées démontreront, je l'espère, que le gouvernement n'avait pas besoin de déclarer que la convention était résiliée, puisque nous avions expressément stipulé qu'elle était résiliée de plein droit le jour où un nouveau cabinet serait formé.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est par une convention postérieure que cette résiliation a été stipulée.
M. Malou. - Cette déclaration était en effet postérieure à la convention primitive, mais elle était obligatoire le 12 août : elle avait été communiquée à la commission ; le conseil communal de Gand l'avait acceptée. Elle était antérieure à la démission du cabinet, cela suffit.
Il y a, dans la note que j'ai communiquée à la chambre, une lacune que je prie MM. les ministres de vouloir bien combler : c'est d'indiquer à quelle époque et de quelle manière on a disposé des 175 mille francs qui, du moment de la résiliation de la convention, étaient devenus indisponibles, en droit. Je demande que cette lacune, qu'il n'a pas dépendu de moi de combler, le soit par une communication que MM. les ministres voudront bien faire de leur côté à la commission des finances.
Je me bornerai à ces simples observations, parce que le débat au fond serait prématuré.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, le moment n'est pas venu de discuter cette affaire ; elle sera appréciée par la chambre quand la commission des finances aura fait son rapport. Mais je crois devoir constater, dès à présent, que, dans l'exposé qui vient d'être fait, il n'y a pas un seul mot qui contredise les énonciations qui ont été produites de notre part. Répondant à une agression, nous avons dit à la chambre qu'une convention avait été faite par le gouvernement au profit de l'industrie de l'une de nos villes ; nous avons dit que nous n'avions pas voulu donner suite à cette convention ; nous avons dit enfin que des engagements avaient été pris, qu'un premier crédit d'une somme de 200,000 francs avait été ouvert par le cabinet précédent, et que ce crédit avait été épuisé.
(page 639) M. Dumortier. - Vous y êtes pour les sept huitièmes !
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Nous verrons cela tout à l'heure, si vous voulez bien le permettre.
La convention, en date du ler juin 1847, portait engagement, de la part du gouvernement, de tenir à la disposition des industriels gantois, une somme d'un million à peu près. Cette convention était faite sans condition, sans réserve, sans restriction pmr l'éventualité d'un nouveau ministère. Le 8 juillet, est intervenue une nouvelle convention dans laquelle il a été stipulé que la première cesserait ses effets de plein droit, du jour où un nouveau cabinet serait institué. La veille, un crédit de 200,000 fr. avait été ouvert chez le directeur du trésor à Gand, avec autorisation pour la commission instituée par la convention du 1er juin, de disposer par mandat direct sur ce crédit.
Lorsque nous sommes arrivés aux affaires, cette convention nous créait un sérieux embarras. Vous comprenez, messieurs, qu'à l'aide de l'acte qui en faisait cesser les effets si elle n'était pas ratifiée par nous, on avait voulu obliger le nouveau cabinet de s'associer à la responsabilité de la mesure prise par le cabinet précédent ou, en cas de refus, à s'exposer aux réclamations des industriels gantois, à l'égard desquels la convention était tout au moins une sorte d'engagement.
Nous n'avons pas accepté cette responsabilité ; nous avons répudié la convention du 1er juin. Mais quant au crédit ouvert de 200,000 fr., une autre position nous était faite. Pouvions-nous, lorsqu'un certain nombre d'industriels avaient continué à entretenir le travail (car c'est là ce qui a été allégué), sous la foi de cette convention et du crédit ouvert, pouvions-nous venir déclarer que nous retirions ce crédit ? Personne ne le prétendra assurément. Si la convention a été dictée par la nécessité, l'honneur et la responsabilité doivent en revenir à ceux qui l'ont faite. La commission a donc disposé de ce crédit, et, naturellement, elle n'a pu le faire qu'à une époque postérieure à la sortie du ministère précédent.
L'honorable M. Dumortier, qui m'interrompait tout à l'heure, comprendra sans doute maintenant que, quant à nous, nous n'avions pas d'autre parti à prendre dans cette affaire ; nous ne pouvions pas raisonnablement agir autrement.
Messieurs, certains détails de l'affaire ont été donnés par l'honorable M. Malou, sur lesquels je ne puis pas m'expliquer, par la raison que, pour les faits antérieurs à notre arrivée aux affaires, je n'ai pas trouvé au département des finances, si j'ai bien saisi les explications, les pièces dont il a parlé.
M. Malou. - Je demande la parole.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Oh ! cela n'a pas la moindre importance. Je n'ai trouvé, au département des finances, que l'acte d'ouverture du crédit et quelques pièces insignifiantes. Au ministère de l'intérieur, où l'affaire a été traitée, il existe d'autres pièces ; et, sans doute, c'est là que se trouvent celles que l'honorable M. Malou a mentionnées.
M. Malou. - Je n'entends pas discuter, en ce moment, si le cabinet a eu un motif légitime, sérieux, d'employer, après la résiliation de la convention, le restant du crédit ouvert. Je me réserve d'apprécier ce point quand on aura indiqué à la commission des finances, en quelles circonstances, à quelle époque et de quelle manière ces dépenses ont été faites par la commission. Mais je dois répondra un mot à ce que vient de dire en terminant M. le ministre des finances. Les pièces que je viens de déposer sont des copies que j'ai eu soin de prendre avant de quitter le département des finances ; et en présence de ce qui se passe à la chambre, on ne trouvera pas étrange que j'aie cru devoir prendre cette précaution. J'ai recherché de nouveau, après quelques paroles qui ont été échangées hier, s'il se trouvait chez moi l'un des originaux des pièces que j'ai citées ; mais je n'en ai trouvé aucun. J'ai donc pris seulement des copies de pièces que j'avais le droit de conserver.
M. de Theux. - Je n'entends en aucune manière rentrer dans le fond de la discussion de cette affaire. Mais vous vous rappellerez, messieurs, que dans l'avant-dernière séance il a été fait allusion à un acte, disait-on, posé par l'honorable M. Malou ; et, comme la chambre le verra, je m'y suis associé ; j'en ai même pris l'initiative, car c'est au département de l'intérieur que la négociation a été ouverte.
Or, on a représenté cet acte comme s'il s'agissait de quelque fait occulte ; tandis qu'il a été porté à la connaissance du public, dès le principe, par le Moniteur et par les journaux de l'époque.
Maintenant on nous dit : Mais pourquoi avoir tardé jusqu'à présent à donner connaissance régulièrement à la chambre de ce que vous avez fait en 1847 en l'absence des chambres, dans l'intervalle des sessions ?
Eh bien, messieurs, ce fait est tout simple ; c'est que les faits qui se sont passés sous une administration qui n'est plus aux affaires, s'ils donnent lieu à quelque communication à faire aux chambres, à quelque régularisation parlementaire, doivent être portés à la connaissance des chambres par le ministère en exercice.
S'il en était autrement, ce serait une véritable confusion, un chaos gouvernemental.
Ainsi, par exemple, je citerai un précédent.
Lorsque je suis entré au ministère au mois de mars 1846, mon prédécesseur, l'honorable M. Van de Weyer, avait à rendre compte à la chambre de crédits considérables qui lui avaient été confiés pour la crise alimentaire.
Ce n'est pas l'honorable M. Van de Weyer qui a communiqué le rapport à la chambre, c'est moi qui le lui ai communiqué au nom du gouvernement.
Il y a plus, messieurs, c'est que nous ignorons complètement ce qui s'est'passé depuis notre sortie du cabinet au mois d'août 1847. Nous ignorons s'il y a réellement un découvert pour le trésor, et si ce découvert existe, pour quelle cause les fonds mis à la disposition de la commission n'ont pas fait retour au trésor, du moins en grande partie, en conformité des stipulations qui ont été prises.
Maintenant, qu'il s'agisse d'une, somme de 25,000 fr. ou d'une somme de 300,000 fr., là n'est pas la question ; elle ne pourra d'ailleurs être appréciée à ce point de vue, savoir : si le ministère qui nous a succédé a pris quelque part à la responsabilité de l'acte que nous avons posé, en lui donnant une exécution au-delà des engagements strictement pris ; cette question ne pourra être appréciée que lorsque le ministère aura communiqué à la chambre le rapport de la commission, ceux des commissaires du gouvernement et des commissaires de la ville de Gand ; en un mot, lorsque la chambre sera saisie aussi par le cabinet actuel d'un rapport complémentaire.
Alors on pourra apprécier s'il y a eu aussi quelque part de responsabilité pour lui. Mais quant à nous, la responsabilité, fût-elle de 200,000 francs, cela ne m'embarrasserait pas le moins du monde. La question n'est pas d'examiner si la somme a été de 25,000 fr. ou de 200,000 fr., la question est d'examiner s'il y a eu des motifs suffisants de poser l'acte que nous avons posé et que nous avons cru devoir poser dans l'intérêt du pays.
L'honorable ministre des finances dit aussi que quand est arrivé le cabinet du 12 août, on a dénoncé la convention.
Messieurs, cela ne prouve en aucune manière que la convention qui avait été faite au mois de juin et au mois de juillet n'a pas été opportune. Cela peut provenir d'un changement de situation dans le travail et dans le prix des subsistances.
Ainsi, au mois d'août, par exemple, on était déjà à la veille de nouvelles récoltes ; déjà la récolte des pommes de terre se faisait ; il se peut qu'il y eût aussi quelque reprise dans les travaux de l'industrie.
Nous n'avons pas à nous occuper de ces divers points. La seule chose que nous ayons à savoir et que la chambre a à examiner, c'est si la convention dont il s'agit a été faite d'une manière utile et dans l'intérêt du pays. S'il en est ainsi, notre justification est complète, et c'est tout ce que nous demandons.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je ne veux pas prolonger cet'.e discussion ; je veux seulement faire observer qu'on ne peut pas nous reprocher le retard que nous aurions apporté à demander la régularisation de cette affaire. Nous n'avions aucune propension à saisir la chambre de cat acte qui, suivant nous, compromettait gravement la responsabilité de nos prédécesseurs.
M. Malou. - Pas du tout.
M. de Theux. - Je demande la parole.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Maintenant, il s'agit d'un bill d'indemnité, comme on le disait en 1847, à la cour des comptes, à obtenir de la chambre.
Est-ce à nous à venir demander, pour nos prédécesseurs, un bill d'indemnité ? Ce n'est pas, sans doute, ainsi qu'ils l'entendent ?
M. Vilain XIIII. - On l'a fait pour la Brilish-Queen.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Certes les prédécesseurs des ministres qui ont accepté alors le bill d'indemnité n'avaient pas demandé et n'auraient pas accepté ce bill pour leur compte.
Je ne crois pas que nos prédécesseurs voudraient que nous vinssions ici demander, pour leur compte, accepter un bill d'indemnité. Ils ont cru agir dans un but utile, poser un acte nécessité par ces circonstances. Ils obtiendront sans doute de la chambre le bill d'indemnité qu'ils se proposaient de lui demander. Quant à nous, nous croyons être complètement en dehors de cette question. La chambre, du reste, appréciera.
La commission des finances examinera le rapport qui vient d'être fait. Si nous avons des renseignements à fournir de ce chef, ces renseignements seront également envoyés à la commission.
M. de Theux. - Je ne puis laisser passer sans y répondre les dernières observations de l'honorable M. Rogier.
Certainement, si nous étions restés au pouvoir, le premier acte que nous aurions posé eût été de demander à la chambre la ratification de la mesure que nous avions prise.
Quant au délai qui s'est passé, il n'était en aucune manière dans notre intérêt de laisser s'écouler du temps entre la discussion de cet acte et l'acte lui-même. Car ce sont des mesures qui sont beaucoup mieux appréciées à l'époque où elles sont prises que lorsqu'elles viennent à être disculées plusieurs années après.
Mais je dis que si le ministère croyait qu'il y avait quelque chose à régulariser, il était de son devoir, comme gérant les intérêts de l'Etat, de saisir la chambre de toutes les questions qui se rapportaient à cet acte. Il eût été irrégulier, avant que la question ne fût portée devant la chambre par le cabinet, de nous en occuper nous-mêmes. C'est ce qui explique notre silence, et en aucune manière la crainte de voir discuter l'acte que nous avions posé.
- La chambre ordonne l'impression des documents déposés par M. Malou et leur renvoi à la commission permanente des finances.
« Art. 67 (2124). Les hypothèques conventionnelles ne peuvent être consenties que par ceux qui ont la capacité d'aliéner les immeubles qu'ils y soumettent. »
- Adopté.
« Art. 68 (2125). Ceux qui n'ont sur l'immeuble qu'un droit suspendu par une condition, ou résoluble dans certains cas, ou sujet à rescision, ne peuvent consentir qu'une hypothèque soumise aux mêmes conditions ou à la même rescision. »
- Adopté.
« Art. 69 (2126). Les biens des mineurs et des interdits ne peuvent être hypothéqués que pour les causes et dans les formes établies par la loi.
« L'hypothèque des biens des absents, tant que la possession n'en est déférée que provisoirement, est soumise aux mêmes formalités que celles prescrites pour les mineurs et les interdits. »
M. Delfosse. - Je propose de terminer ainsi l'article : « est soumise aux formalités prescrites pour les mineurs et les interdits. »
M. Lelièvre, rapporteur. - La commission se rallie à ce changement de rédaction.
- L'article ainsi modifié est adopté.
« Art. 70 (2127). L'hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que par acte passé en forme authentique devant deux notaires, ou devant un notaire et deux témoins.
« Les procurations à l'effet de constituer l'hypothèque ne peuvent être données que par acte authentique. »
- Adopté.
« Art. 71 (2128). A défaut de traités ou de lois politiques, les hypothèques consenties en pays étranger n'auront d'effet, à l'égard des biens situés en Belgique, que lorsque les actes qui en contiennent la stipulation auront été revêtus du visa du président du tribunal civil de la situation des biens.
« Ce magistrat est chargé de vérifier si les actes et les procurations qui en sont le complément, réunissent toutes les conditions nécessaires pour leur authenticité dans le pays où ils ont été reçus. »
M. Delfosse. - Je crois qu'au lieu de : « A défaut de traités ou de lois politiques, » il faudrait dire : « A défaut de dispositions contraires dans les traités ou dans les lois politiques. »
M. Lelièvre, rapporteur. - Cela est juste.
- L'article est adopté avec la modification proposée par M. Delfosse.
« Art. 72 (2129). Il n'y a d'hypothèque conventionnelle valable que celle qui, soit dans le titre authentique de la créance, soit dans un acte authentique postérieur, déclare spécialement la nature et la situation de chacun des immeubles appartenant au débiteur, sur lesquels il consent l'hypothèque de sa créance.
« Les biens à venir ne peuvent être hypothéqués. »
M. le ministre de la justice a proposé la rédaction suivante que la commission a adoptée :
« Art. 72 (2129). Il n'y a d'hypothèque conventionnelle valable que celle qui, soit dans le titre authentique constitutif de la créance, soit dans un acte authentique postérieur, déclare spécialement la nature et la situation de chacun des immeubles actuellement appartenant au débiteur, sur lesquels il consent l'hypothèque de la créance.
« Les biens à venir ne peuvent pas être hypothéqués. »
- L'article est adopté avec cette rédaction.
« Art. 73 (2131). Si les immeubles affectés à l'hypothèque ont péri ou ont éprouvé des dégradations, de manière qu'ils soient devenus insuffisants pour la sûreté du créancier, il a le droit de réclamer le remboursement de sa créance.
« Néanmoins si la perte ou les dégradations ont eu lieu sans la faute du débiteur, celui-ci sera admis à offrir un supplément d'hypothèque. »
- Adopté.
« Art. 74 (2132). L'hypothèque conventionnelle n'est valable qu'autant que la somme pour laquelle elle est consentie est déterminée dans l'acte.
« Si la créance résultant de l'obligation est conditionnelle, la condition sera mentionnée dans l'inscription dont il sera parlé ci-après.
« L'hypothèque consentie pour sûreté d'un crédit ouvert, à concurrence d'une somme déterminée qu'on s'oblige à fournir, est valable ; elle prend rang à la date de son inscription, sans égard aux époques successives de la délivrance des fonds qui pourra être établie par tous moyens légaux. »
- Adopté.
« Art. 75 (2134). Entre les créanciers, l'hypothèque n'a de rang que du jour de l'inscription prise sur les registres du conservateur dans la forme et de la manière prescrites par la loi.
« Tous les créanciers inscrits le même jour exercent en concurrence une hypothèque de la même date, sans distinction entre l'inscription du matin et celle du soir, quand cette différence serait marquée par le conservateur. »
M. de Muelenaere. - Messieurs, bien que cet article soit la reproduction de l'art. 2134 du Code civil, je viens cependant demander la suppression de la partie finale. Il me semble que l'article serait très clair si le dernier paragraphe se bornait à ceci : « Tous les créanciers inscrits le même jour exercent en concurrence une hypothèque de la même date, sans distinction entre l'hypothèque du matin et celle du soir. » Je ne comprends pas l'utilité des mots suivants : « Quand cette différence serait marquée par le conservateur. »
Or, messieurs, ce qui est inutile dans une loi n'est jamais entièrement sans danger. Les personnes chargées de faire application de la loi ne pensent pas qu'il puisse s'y trouver quelque chose d'inutile, et alors elles y attachent un sens que souvent elle n'a point. A moins, donc, qu'on ne me prouve l'utilité des mots : « Quand cette différence serait marquée par le conservateur, » j'en demanderai la suppression.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, on avait soulevé la question de savoir si les hypothèques prises le même jour viendraient en concurrence, alors même que le conservateur aurait fait une différence dans ses registres entre les inscriptions du matin et celles du soir, et c'est précisément pour qu'il ne reste aucun doute à cet égard qu'on a ajouté : « Quand cette différence serait marquée par le conservateur. » Je pense que cette addition ne peut donner lieu à aucun inconvénient et que dès lors il faut la maintenir.
M. de Muelenaere. - Il me semble que la question est complètement résolue par les mots : « Sans distinction entre l'inscription du matin et celle du soir. » Il est évident que, d'après cela, le conservateur n'est pas autorisé à mentionner cette différence. Je crains toujours qu'on n'attache aux mots dont j'ai demandé la suppression un sens qu'ils ne comportent pas.
M. Lelièvre, rapporteur. - Je pense avec l'honorable comte de Muelenaere que les mots qu'il signale sont inutiles, parce que la phrase précédente présente la même idée. Si j'en propose le maintien, c'est que je ne pense pas qu'on doive changer facilement une disposition du Code civil.
Du reste, je suis aussi d'avis que les expressions dont parle l'honorable comte de Muelenaere peuvent être supprimées sans inconvénient.
M. de Muelenaere. - Je n'insiste pas.
- L'article est adopté.
« Art. 76 (2140). Les inscriptions se font au bureau de conservation des hypothèques dans l'arrondissement duquel sont situés les biens soumis au privilège ou à l'hypothèque.
« Les droits de privilège ou d'hypothèque acquis, et qui n'auraient pas été inscrits avant le décès du débiteur, ne pourront plus l'être que dans les trois mois de l'ouverture de la succession, sans préjudice à ce qui sera dit en l'article 104. »
L'effet des inscriptions prises avant l'ouverture des faillites est réglé par les lois particulières sur les faillites.
M. Delfosse. - Il faut dire au paragraphe 2 : « Sans préjudice aux dispositions de l'article 104. »
- L'article est adopté avec cette modification.
M. le président. - Nous arrivons à l'article 77, mais comme la commission n'a pas encore terminé l'examen de l'amendement qui a été présenté à cet article par M. de Theux, je propose à la chambre de tenir l'article 77 en réserve, ainsi que l'article 78 qui en est le corollaire.
- Cette proposition est adoptée.
M. Moncheur. - Je demanderai si la chambre ne jugerait pas à propos de m'entendre dans les développements de l'amendement que j'ai proposé à l'article 77.
M. Lelièvre, rapporteur. - La commission a délibéré et fait son rapport sur cet amendement ; elle n'a plus à s'occuper que de celui de l'honorable M. de Theux.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'honorable M. Moncheur a toujours le droit de développer son amendement, mais je crois qu'il ferait bien de ne le développer que le jour où l'article 77 sera mis en discussion.
M. Moncheur. - C'est cela !
M. le président. - Nous passons à l'article 79 qui est ainsi conçu :
« Art. 79 (2151). Le créancier privilégié ou hypothécaire inscrit pour un capital produisant intérêt ou arrérages a droit d'être colloqué pour trois années seulement, au même rang d'hypothèque que pour son capital, sans préjudice des inscriptions, particulières à prendre, portant hypothèque à compter de leur date, pour les arrérages qui sont échus. »
Le gouvernement, d'accord avec la commission, propose de retrancher de l'article les mots « d'hypothèque ».
- L'article, ainsi amendé, est adopté.
« Art. 80 (2152). Il est loisible à celui au profit duquel une inscription existe, ou à ses représentants, de changer, sur le registre des hypothèques le domicile par lui élu, à la charge d'en choisir et indiquer un autre dans le même arrondissement.
« A cet effet, il déposera, soit par lui-même, soit par un tiers, au bureau des hypothèques un acte authentique constatant sa volonté à cet égard, ou bien il signera, sur le registre même des hypothèques, une déclaration portant changement de domicile.
(page 641) Dans ce dernier cas, son identité sera certifiée par un notaire qui apposera aussi sa signature au bas de la déclaration.
M. Delfosse. - Je demanderai à M. le ministre de la justice si l'on ne pourrait pas se passer de l'intervention du notaire, lorsque le créancier est personnellement connu du conservateur. Il faut, autant que possible, diminuer les frais.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, à la première vue, cela me paraît possible ; toutefois il y a lieu d'y réfléchir. Je demande que la commission soit appelée à délibérer sur l'observation de l'honorable M. Delfosse.
M. Lelièvre, rapporteur. - Il est à remarquer que l'article dont il s'agit introduit une formalité nouvelle ; on a donné des facilités à celui qui voulait faire une déclaration de changement de domicile ; mais d'un autre côté, on a voulu établir des garanties que ce changement serait opéré par l'intéressé. La formalité dont il s'agit n'est pas seulement introduite en faveur du conservateur, mais aussi en faveur des tiers, afin que ceux-ci ne puissent être induits en erreur par suite d'un changement qui émanerait d'un autre que l'intéressé. Je pense donc que la formalité concernant l'identité a une utilité et qu'il convient de le maintenir.
M. Delfosse. - La question est de savoir si la garantie du conservateur ne vaut pas celle du notaire. Pourquoi faudrait-il un notaire, lorsque le conservateur connaît personnellement celui qui se présente ? Pourquoi constate-t-on l'identité ? C'est pour le conservateur ; or, pourquoi constater pour le conservateur l'identité d'u servateur connaît ?
Du reste, je demande, avec M. le ministre de la justice, que l'observation que j'ai faite soit renvoyée à l'examen de la commission.
M. Orts. - Messieurs, je tiens très fort à l'idée qui a été émise par l'honorable M. Delfosse ; et pour que la question soit mieux précisée, je propose de substituer aux mots : « son identité sera certifiée par un notaire », ceux-ci : « son identité sera, si le conservateur l'exige, certifiée par un notaire ».
- Les deux premiers paragraphes de l'article 80 sont mis aux voix et adoptés.
Le dernier paragraphe est renvoyé à la commission qui examinera l'observation qui a été faite par M. Delfosse, ainsi que la proposition de M. Orts qui s'y rapporte.
« Art. 81 (2155). L'hypothèque légale de l'Etat, des provinces, des communes et des établissements publics, est inscrite sur un simple bordereau, contenant : Les noms, prénoms, qualités ou désignations précises du créancier et du débiteur, le domicile réel de ces derniers, le domicile qui sera élu par le créancier ou pour lui dans l'arrondissement ; la nature des droits à conserver et le montant de leur valeur déterminée ou éventuelle, enfin l'indication spéciale de la nature et de la situation de chacun des immeubles. »
Le gouvernement, d'accord avec la commission, propose deux légers changements de rédaction, consistant, l'un, à substituer les mots sur un double bordereau à ceux-ci : sur un simple bordereau dans le premier paragraphe ; l'autre, à dire, dans le deuxième paragraphe « de la nature et de la situation », au lieu de : « de la nature ou de la situation ».
M. Delfosse. - Je propose de dire dans le deuxième paragraphe, « leur domicile réel » au lieu de : « le domicile réel de ces derniers ».
M. Orts. - Messieurs, avant qu'on ne passe au vote de l'article, je désire savoir si l'amendement de l'honorable M. de Theux à l'article 77 qui est réservé, ne peut pas, en cas d'adoption, entraîner des modifications à l'article 81.
M. Lelièvre, rapporteur. - Non !
- L'article 81, avec les trois changements de rédaction indiqués ci-dessus, est mis aux voix et adopté.
« Art. 82 (2154).Les inscriptions conservent l'hypothèque pendant quinze années, à compter du jour de leur date. Leur effet cesse, si les inscriptions n'ont été renouvelées avant l'expiration de ce délai.
« Néanmoins, les inscriptions prises au profit des mineurs, des interdits et des femmes mariées, conformément aux dispositions contenues aux paragraphes 1 et 2 de la section première du chapitre III, seront dispensées de tout renouvellement pendant la tutelle et le mariage, et en outre pendant l'année qui suivra la cessation de la tutelle ou la dissolution du mariage.
« L'inscription en renouvellement ne vaudra que comme inscription première, si elle ne contient pas l'indication précise de l'inscription renouvelée, mais il ne sera pas nécessaire d'y rappeler les inscriptions précédentes. »
M. Delfosse. - La fin du deuxième paragraphe est trop longue ; on répète deux fois la même expression : pendant la tutelle et le mariage, et en outre : pendant l'année qui suivra la cessation de la tutelle ou la dissolution du mariage. Il suffit de dire : Seront dispensés de tout renouvellement jusqu'à l'expiration de l'année qui suivra la cessation, etc.
- L'article 82 est adopté.
« Art. 83 (2155). Les frais des inscriptions et de leur renouvellement à la charge du débiteur, s'il n'y a stipulation contraire ; l'avance en est faite par l'inscrivant, si ce n'est quant aux hypothèques légales, pour l'inscription desquelles le conservateur a son recours contre le débiteur.
« Les frais de la transcription qui peut être requise par le vendeur sont à la charge de l'acquéreur.
M. Cools. - Je ne viens pas examiner un point de droit ; je ne veux pas me mêler d'une discussion aussi importante sur une matière complètement étrangère à mes études ; je désire seulement présenter quelques observations dans l'intérêt des familles, et toute pratiques, à l'occasion du chapitre que nous venons de voter.
Le but de la réforme que nous nous proposons d'introduire dans le régime hypothécaire tend principalement à fortifier le crédit, à rendre les placements sur hypothèque plus faciles et plus sûrs. A ce point de vue, deux inconvénients existent aujourd'hui et nous sommes occupés à les faire disparaître.
Le premier inconvénient, c'est l'incertitude qu'ont les propriétaires quant à l'existence des hypothèques frappant déjà les immeubles.
Le second inconvénient, ce sont les formalités très nombreuses qu'il s'agit de remplir pour obtenir l'expropriation forcée. Nous faisons disparaître le premier inconvénient, et, au premier jour, nous nous occuperons du second.
D'importantes améliorations vont être introduites de la sorte dans le système hypothécaire. Cependant des préoccupations fâcheuses, quant à la sûreté qu'offrent les créances hypothécaires, continueront toujours à subsister. Ces préoccupations, que je ne veux pas exagérer, mais qui ont leur importance, détourneront de ces sortes de placements et pèseront ainsi sur le crédit. Elles prennent leur source dans les précautions qui doivent être prises pour que les hypothèques soient renouvelées en temps utile, dans la vigilance qu'il faut déployer pour obtenir le renouvellement des hypothèques, avant l'expiration du délai fixé par la loi.
Les hypothèques existent pour quinze ans ; lorsque les quinze ans sont au moment d'expirer, il faut que le propriétaire, celui qui a prêté sur hypothèque, soit bien attentif, car s'il se présente un jour trop tard chez le conservateur des hypothèques, son gage est perdu.
Eh bien, messieurs, les personnes riches, celles qui possèdent de nombreuses créances hypothécaires, se mettent en mesure en rédigeant des espèces de bordereaux qu'elles consultent de temps en temps ; mais les petits propriétaires, ceux qui ne possèdent que trois, quatre ou cinq rentes sur hypothèque ne prennent pas toutes ces précautions. Aussi, qu'arrive-t-il ? C'est que souvent des inscriptions sont périmées, sans que le créancier hypothécaire s'en doute, sans même qu'il y ait de négligence réelle, car souvent il y a des obstacles tels que maladie, absence, etc. Ce cas se présente assez fréquemment dans les successions des personnes âgées.
A cet égard, je reconnais que la loi ne peut pas pourvoir ; chacun doit veiller à ses intérêts. Cependant le gouvernement pourrait prendre des précautions par mesure administrative ; il a intérêt à ce que les patrimoines se conservent, à ce que la propriété soit entourée de sécurité.
Il y a eu une époque où de nombreux renouvellements ont dû avoir lieu, c'est en 1844 ; en vertu d'une loi de 1842, toutes les hypothèques prises avant l'année 1834 ont dû être renouvelées.
Le gouvernement a publié alors un et même, si je ne me trompe, plusieurs avertissements ; tout le monde a été prévenu ; chacun s'est mis en règle ; à l'avenir les hypothèques s'éteindront successivement sans que le moindre avertissement sera donné de la part de l'autorité.
Je crois qu'il y a quelque chose à faire, non par la loi, mais par le gouvernement au moyen d'instructions à donner aux conservateurs qui pourraient prévenir ceux qui ont des inscriptions que le moment de les renouveler est arrivé. Je crois qu'il y aurait quelque difficulté si le conservateur devait s'adresser directement au propriétaire de l'hypothèque, parce que l'obligation principale peut ne plus exister, et l'inscription n'avoir plus d'utilité. Il peut aussi y avoir eu transmission de la créance, et par suite difficulté de découvrir le véritable propriétaire. Mais il y a toujours un notaire qui a passé l'acte qui a donné naissance à l'inscription. Le conservateur pourrait, en feuilletant ses registres, découvrir facilement les notaires qui ont passé les actes, et au dernier trimestre de chaque année examiner les hypothèques qui doivent être renouvelées l'année suivante et envoyer un simple avertissement au notaire.
Il suffirait même que le conservateur consultât un seul registre, celui qui correspondrait à l'année en corrélation avec celle du renouvellement. Les notaires s'empresseraient de se mettre en rapport avec les intéressés.
C'est une observation que je recommande au gouvernement dans l'intérêt de la sécurité des familles.
M. le président. - Nous passons au chapitre V.
- Plusieurs voix. - A lundi ! à lundi !
- La séance est levée à 4 heures.