(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1849-1850)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 825) M. Dubus procède à l'appel nominal à deux heures et quart.
M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la dernière séance; la rédaction en est approuvée.
M. Dubus présente l'nalyse des pièces adressées à la chambre.
« Le conseil communal de Santvliet demande que l'enseignement de la langue flamande soit obligatoire dans les établissements d'instruction publique à Bruxelles et dans les provinces flamandes ; qu'on y soit tenu de s'en servir pour enseigner les langues anglaise et allemande; que les administrations provinciales et communales, et, autant que possible, les tribunaux fassent exclusivement usage de cette langue; qu'il y ait une académie flamande annexée à l'Académie de Bruxelles, et que la langue flamande jouisse à l'université de Gand des mêmes prérogatives que la langue française. »
« Même demande d'habitants de Saint-Nicolas, Furnes, Anvers, Borgerhout, Gheel, Beerendrecht, des conseils communaux de Waerschoot et Santbergen, et d'habitants de Baerle et Wetteren. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi sur l'enseignement moyen.
« Plusieurs habitants de Swevezeele prient la chambre de rejeter le projet de loi concernant les crédits supplémentaires au département de de justice. »
M. de Haerne. - Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi ; je demande en outre le dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet.
- Cette double proposition est adoptée.
« Le sieur Prévost prie la chambre de lui accorder une pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
Par 23 messages, en date du 26 février 1850, le sénat informe la chambre qu'il a pris en considération autant de demandes en naturalisation ordinaire.
- Pris pour notification.
M. de Perceval. - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale chargée d'examiner la proposition de loi de l'honorable M. Lelièvre, concernant la détention préventive.
- Ce rapport sera imprimé et distribué. La chambre le met à l'ordre du jour, à la suite des objets qui y sont déjà.
M. Ansiau. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau des rapports de la commission des naturalisations sur des demandes en naturalisation ordinaire.
- Ces rapports seront imprimés et distribués. Ils seront mis ultérieurement à l'ordre du jour.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer les projets de budgets pour l'exercice 1851.
J'ai l'honneur de déposer en même temps deux projets de loi, ayant pour objet :
L'un, d'allouer un crédit supplémentaire pour le service des pensions au département des finances (ce n'est qu'une régularisation) ;
L'autre, d'autoriser le gouvernement à réduire :
a. La tolérance fixée par la loi monétaire du 5 juin 1832.
b. Les frais de fabrication et d'affinage.
c. Le délai fixé par la même loi pour la conservation des pièces qui ont servi à constater l'état de la fabrication.
- Les projets de budgets et les deux projets de loi seront imprimés et distribués. La chambre les renvoie à l'examen des sections.
M. le président. - Je vais donner lecture de divers amendements qui ont été déposés par M. De Pouhon. Ces amendements seront développés, quand la chambre arrivera aux articles que les amendements concernent respectivement.
« Art. 8, § 5. Ajouter : « Dans les limites et aux conditions à fixer par l'dministration de la banque conjointement avec le comité de censeurs.
« La fixation de ces limites devra être approuvée par le ministre des finances. «
Supprimer le paragraphe suivant et dernier.
« Art. 16, § 1er. Ajouter : « Sans qu'elle puisse on posséder en propriété pour une somme dépassant le montant versé du capital social.
« Aucune acquisition de fonds publics ne pourra être faite qu'en vertu de l'autorisation donnée par le ministre des finances, sur la demande de l'dministration, approuvée par le comité de censeurs de la banque. »
« Art. 22. § 1er. A la dernière phrase substituer aux mots : chaque trimestre, ceux-ci : le dix de chaque mois. »
« Art. 26. § 2 Supprimer les mots : soit à les remplacer par ses propres billets avec le caractère de monnaie légale.
« Supprimer le § 3.
« Commencer le § 4 par ces mots : en attendant le remboursement de ces billets. »
M. le président. - La discussion générale continue.
M. Mercier. - Messieurs, membre de la section centrale qui a été chargée de l'examen du projet de loi qui vous est soumis, je n'entrerai pas dans de longues considérations sur ce projet, puisque le rapport de cette section reproduit les motifs qui l'ont déterminée à lui donner son approbation ; je me bornerai donc à rencontrer quelques scrupules, quelques objections qui ont été produits dans le cours de la discussion et à dire quelques mots sur les amendements qui ont été proposés et développés.
Des doutes ont été exprimés sur l'utilité, l'efficacité d'une banque centrale; d'honorables membres donnaient la préférence à des banques locales, disséminées sur toute la surface du pays.
La question de l'unité des banques a été beaucoup controversée dans ces derniers temps. Des hommes d'Etat éminents, des écrivains, des économistes distingués ont été en désaccord sur ce sujet important; il en est même plusieurs qui, après s'être montrés partisans zélés de la libre concurrence en matière de banque, se sont prononcés plus tard, éclairés par l'expérience, pour l'unité, la centralisation du crédit, parce qu'ils ont pensé qu'elle tendait à en étendre l'usage. Tels sont, entre autres, MM. Thiers, Léon Faucher, Blanqui.
En France, l'opinion dominante est favorable aujourd'hui à l'unité des banques, malgré l'ouvrage très remarquable de M. Coquelin qui soutient le système contraire.
Je pense qu'en pareille matière il ne peut y avoir d'opinion absolue et que les mesures à prendre doivent être inspirées par les circonstances qui se présentent et les besoins qui se révèlent dans chaque pays. Si, en Ecosse et en Amérique, des banques locales se sont organisées sur toute la surface du territoire, cet état de choses n'est pas l'effet d'un système arrêté, préconçu ; c'est le résultat de circonstances locales dont beaucoup échappent à notre appréciation.
En Belgique, les mêmes faits ne se sont pas produits ; des banques ne se sont pas établies dans toutes les parties du pays, tant s'en faut; il est beaucoup de localités importantes au point de vue commercial et industriel où des essais de ce genre n'ont pas même été tentés ; dans d'utres, ces essais n'ont pas toujours été heureux.
Il est d'illeurs un fait notoire, c'est que la circulation est restée très restreinte en Belgique. Cependant il n'est pas à notre connaissance que l'obstacle soit venu de la part du gouvernement, que le gouvernement se soit refusé à autoriser la formation de sociétés anonymes quand des propositions sérieuses, présentant les garanties nécessaires, lui ont été soumises.
Ainsi, il ne s'git pas de substituer un établissement nouveau à des banques locales qu'il faudrait renverser ; ces banques n'existent pas dans le pays ailleurs que dans la capitale, sauf quelques rares exceptions. La Banque Nationale va, au contraire, remplir, par ses comptoirs, une lacune qui existe réellement dans le pays.
Ces observations me conduisent à aborder la disposition essentielle, à mon avis, du projet de loi, celle qui impose à la banque l'obligation d'établir des comptoirs dans les chefs-lieux de province et dans les localités où le besoin en sera constaté. C'est à cette seule condition que la banque nouvelle sera vainement nationale, et qu'elle méritera le nom que nous allons lui décerner.
C'est là aussi une immense difficulté à vaincre.
Trop souvent les essais qui ont été faits pour établir des comptoirs ont échoué, ou ont été une cause de perte pour l'établissement financier qui les a institués. Ce n'est que par une volonté ferme, alliée à beaucoup de circonspection, par un zèle soutenu et éclairé, que l'dministration de la banque parviendra à remplir une tâche aussi délicate de manière à satisfaire aux besoins du commerce sans compromettre les intérêts et l'existence même de l'établissement.
Je partage l'opinion émise par l'honorable député de Verviers qu'ucune règle absolue ne peut être tracée dans les statuts, relativement au mode de formation des comptoirs. Les moyens doivent varier selon les ressources que présentent les diverses localités.
Ici, il me paraît utile d'examiner quelle est la véritable portée de l'rticle 25 du projet qui porte : « Aucune banque ne pourra à l'venir être instituée que par une loi. » II est vrai que le sens de cette disposition pouvait présenter quelques doutes d'près un passage du rapport de la section centrale (p. 17) ; mais la réponse du gouvernement, sur ce point, reproduite à la p. 37 du même rapport, ne laisse plus de doute sur l'intention qui a présidé à la rédaction de cet article. On n' eu d'utre but (page 826) que d'empêcher la création, par simple arrêté, de sociétés anonymes, pouvant émettre des banknotes et de réserver cette faculté au pouvoir législatif.
Ce serait donc une erreur de croire que, hors la Banque Nationale, il n'y aurait plus de banques dans le pays. Comme toujours, des particuliers auront le droit de faire la banque ; comme toujours, des sociétés en commandite pourront se constituer pour se livrer aux opérations de banques; personne ne pourra leur interdire d'émettre des banknotes. Rien n'est innové qu'en ce qui concerne les sociétés anonymes, et l'innovation ne porte que sur un seul point, l'émission des billets de banque. Ainsi l'unité n'est établie que pour la circulation.
La Banque Nationale, constituée dans l'intérêt du commerce et de l'industrie, contrariera-t-elle la formation de sociétés anonymes ou en commandite?
Nullement; elle aura, au contraire, intérêt à leur établissement.
Quel meilleur moyen y aurait-il pour elle de satisfaire au but qu'on se propose par la création des comptoirs, que de s'ppuyer sur des associations qui feraient la banque en commandite ou seraient constituées en sociétés anonymes ; que de prendre des arrangements avec de semblables sociétés? Avec un faible capital versé, ces établissements pourraient, moyennant le concours de la Banque, faire l'escompte sur un large pied; ce seraient, quant au but qu'on se propose, de véritables comptoirs.
On a déjà parlé de la société de l’Union du crédit, constituée à Bruxelles, par arrêté royal du 1er juin 1848.
Le but de cette société, d'près l'rticle 3 de ses statuts, est, comme on l' dit, de procurer par l'escompte au commerce, à l'industrie, à l'griculture, aux travailleurs de toutes les classes, les capitaux qui leur sont nécessaires dans la limite de leur solvabilité matérielle et morale.
La solvabilité étant établie, tout membre de la société participe (article 5) aux pertes et aux bénéfices, dans la proportion d'une somme égale au crédit pour lequel il a été admis.
L'ensemble des obligations souscrites forme le capital de garantie de la société; chaque sociétaire est responsable jusqu'à concurrence de sa souscription, mais il ne verse que 5 p. c. du crédit qui lui est accordé, pour former un fonds de roulement.
Il me semble, messieurs, qu'on ne peut donner trop de publicité aux statuts d'une telle association, afin qu'elle trouve des imitateurs. De pareils établissements pourront se former dans d'utres localités et concourront à remplir le vœu de l’article 2 du projet.
La Banque Nationale, bien loin de s'opposer à leur création, s'empressera d'y aider en prenant leur papier à un taux d'escompte inférieur à celui qu'elles auront stipulé et en les mettant ainsi à même d'étendre leurs opérations avec un faible capital circulant.
Je m'ssocie, du reste, aux vues des honorables députés de Verviers et de Gand relativement aux arrangements que la banque pourrait prendre avec les établissements qui existent dans certaines localités.
L'honorable député de Verviers a insisté sur la nécessité de limiter l'ction du gouvernement sur la banque. L'honorable membre a donné à cet égard d'utiles conseils auxquels je ne puis que donner une entière adhésion.
Quant aux dispositions du projet de loi relatives à cette intervention, elles me paraissent en elles-mêmes à l'bri de la critique, car elles n'ont pour objet que de préserver la banque des écueils contre lesquels tant d'utres établissements sont venus se briser.
L'intervention du gouvernement dans les affaires de la banque est stipulée, déterminée par les articles 16 et 24 du projet.
Le premier de ces articles ne donne aucune initiative au gouvernement; il ne renferme qu'une restriction utile pour empêcher au besoin la banque de s'engager imprudemment dans de trop fortes acquisitions de fonds publics et de réduire ainsi son capital roulant au-dessous de la proportion nécessaire pour éviter des catastrophes.
Quant à l'rticle 24, on conçoit qu'il importe d'rmer le gouvernement contre toute mesure qui serait contraire soit à la loi, soit aux statuts, soit aux intérêts de l'Etat. Il n'y a là non plus qu'une intervention salutaire.
La banque conserve donc une pleine et entière liberté d'ction dans toutes ses opérations pour faire le bien. Le gouvernement ne peut intervenir que pour empêcher le mal et pour exercer son contrôle sur le caissier de l'Etat.
Ici, je dirai quelques mots sur un objet qui ne se rattache pas directement au projet de loi, mais dont on a parlé dans la discussion ; je n'en entretiendrai la chambre qu'un instant : je crois devoir déclarer que je ne puis partager l'opinion de l'honorable député de Saint-Nicolas, relativement à l'mortissement de la dette publique. Cet honorable membre, envisageant la question à un point de vue trop exclusif, selon moi, voudrait augmenter l'mortissement dans l'intérêt du crédit public ; de puissantes considérations m'empêchent d'dhérer à une telle mesure; augmenter la dépense nécessaire à l'mortissement, ce serait imposer au contribuable des charges nouvelles qu'il n'est ni juste ni politique de lui faire supporter.
Messieurs, nous avons consacré déjà près de 50 millions à l'mortissement; il est actuellement de plus de 4 millions par an. Voilà donc une charge de 4 millions qui pèse sur le budget et qui cependant prend sa source en partie dans des emprunts contractés, ainsi que l' déjà fait remarquer l'honorable M. Osy, pour des travaux publics. J'i fait un relevé d'où il résulte qu'il a été dépensé de 230 à 240 millions pour des travaux publics en Belgique depuis 1830, non compris certaines sommes portées parmi les dépenses ordinaires au budget du département de l'intérieur pour construction de routes. Eh bien, cette partie de la dette, qui a eu pour effet d'ugmenter le domaine national, doit s'éteindre successivement par l'mortissement tel qu'il est établi.
Il n'y a qu'une seule catégorie de la dette qui ne s'mortit pas, c'est le 2 1/2 p. c. transféré de la Hollande à la suite du traité de paix; ce n'est que le cinquième environ de notre dette constituée.
La position du contribuable est déjà assez pénible, pour qu'on ne l'ggrave encore par un surcroît de charges provenant de l'mortissement.
Si la chose était encore à faire, il y aurait plutôt lieu d'examiner si vu l'origine des emprunts, il ne conviendrait pas de le réduire, plutôt que de lui donner de l'extension.
Cet amortissement s'élèvera successivement dans un nombre d'nnées qui ne sera pas considérable, à 6, 7, 8 et 10 millions par an.
Messieurs, il me reste à dire quelques mots des amendements qui ont été proposés.
Un amendement déposé par l'honorable M. Sinave, bien que conçu en d'utres termes, a le même but qu'un de ceux qui ont été présentés par l'honorable M. Cans. Il tend à interdire à la banque la faculté d'cquérir des fonds publics, si ce n'est pour le fonds de réserve créé par l'rticle 6 du projet.
Messieurs, je me joindrai aux honorables membres pour conseiller d'gir en cela avec la plus grande circonspection; mais je ne crois pas que cette interdiction absolue doive exister dans la loi. Il arrivera des époques où l'escompte et la circulation pourront être très restreints ; dans une telle occurrence, il serait fâcheux d'exposer la banque à de grandes pertes en lui interdisant de placer utilement une partie de son capital, ce serait peut-être pousser la banque à augmenter, dans ces circonstances, le taux de l'escompte au détriment du public, afin de ne pas essuyer de trop grand préjudice.
Je trouve d'illeurs dans l'utorisation requise de la part du gouvernement une garantie suffisante pour qu'il ne résulte pas d'bus de cette disposition.
Un autre amendement, présenté par l'honorable M. Cans, tendrait à dispenser les billets de la formalité du timbre. J'ppuie cet amendement pour autant qu'il s'gisse seulement de contracter un abonnement pour les frais de timbre ; je ne vois nullement, dans une telle mesure, un privilège en matière d'impôt ; car la banque serait exposée par cet abonnement à payer plus que le montant des droits de timbre, comme il pourrait arriver, dans certaines circonstances, qu'elle payât moins. Sans doute, le gouvernement pourra recueillir des banques existantes: des renseignements très approximatifs sur la dépense que peut occasionner sur un certain nombre d'nnées le timbre d'une quantité déterminée de billets de banque.
Quant à l'pposition du timbre sur les billets de banque, je pense qu'il faut la maintenir; c'est une garantie de plus qu'il est bon de conserver contre les falsifications.
L'honorable M. Cans a déposé un autre amendement sur lequel je ne me prononce pas. Il tend à supprimer à l'rticle 9, deuxième alinéa, les mots : « elle ne peut emprunter. » J'ttendrai à cet égard la discussion à laquelle il donnera lieu.
L'honorable M. de Perceval a présenté quelques amendements. L'honorable membre se plaint de ce que la banque ne renferme aucune disposition en faveur de l'griculture. Je m'ssocie au regret exprimé par l'honorable membre, en tant qu'il se rapporte à l'bsence d'une institution de crédit utile aux intérêts agricoles. J'espère cependant que ses vœux pourront être accomplis prochainement. Nous sommes saisis d'un projet de loi sur la réforme du système hypothécaire. L'intention du gouvernement, lorsque cette réforme sera accomplie, est de présenter un projet de loi sur le crédit foncier. Cette loi est destinée à venir en aide à l'griculture.
En attendant, je ne puis adopter les moyens que propose l'honorable membre. Je ne puis admettre le cours forcé des billets. Ce serait détruire tout à fait le caractère de la banque.
Une banque doit reposer sur la confiance publique, et le cours forcé c'est l'établissement du papier-monnaie. Nous avons dû recourir à cette mesure dans les circonstances les plus graves ; j'espère qu'à l'venir nous ne serons plus obligés de le faire.
Quant à la faculté d'obtenir le remboursement des billets dans chaque localité, elle ne peut être stipulée dans la loi sans exposer la banque à des perturbations continuelles. Cependant, je suis persuadé qu'en fait, dans les circonstances normales, l'échange se fera partout sans difficulté. Mais il suffirait de l'imposer comme obligation, pour que la chose devînt impraticable.
M. de Brouckere. - Messieurs, si je ne consultais que mes goûts, je ne prendrais point part à cette discussion sur les banques; mais je ne crois pas avoir le droit de m'bstenir ; je pense d'illeurs que l'école du malheur est une excellente école.
J'i, messieurs, quelques observations à faire sur les différents articles du projet de loi, dont l'ensemble a mon assentiment. Je rends hommage aux efforts que M. le ministre des finances a dû faire devant les difficultés qu'il a rencontrées, pour arriver à la possibilité de présenter le projet de loi qui nous est soumis. Cependant je ne pourrais voter pour ce projet s'il restait tel qu'il est maintenant rédigé.
(page 827) D'bord je ne puis admettre l'rticle 2. L'honorable M. Mercier a dit que c'est précisément l'établissement des dix comptoirs qui constitue le caractère national de la banque. Je crois, au contraire, qu'il faut restreindre le nombre des comptoirs et les opérations de la banque. Mon opinion diffère donc complètement de celle qui a été émise par l'honorable M. de Perceval, qui veut étendre les opérations de la banque à l'griculture. Elle diffère même de celle de M. De Pouhon qui veut étendre le projet en ce qui concerne des fonds publics; elle diffère enfin de l'opinion de ceux qui ont demandé que la banque pût prêter sur warrants, toutes ces opérations, les unes comme les autres, sont des opérations qui immobilisent les capitaux dans les moments de crise, et c'est alors que la banque doit pouvoir user de toutes ses ressources.
La banque serait complètement paralysée aussi bien en prêtant sur fonds publics qu'en prêtant sur marchandises. Les fonds publics sont même moins réalisables, en temps de crise, que les marchandises; car les marchandises, on peut les réaliser avec un faible sacrifice, si ce n'est sur le marché intérieur, au moins sur le marché extérieur; les fonds publics, au contraire, ne se réalisent à aucune condition. De toutes les opérations qu'une banque peut faire, la plus dangereuse, la plus perfide n'est de prêter sur fonds publics.
Messieurs, je crois qu'on se fait, en matière de banques, une illusion complète. J'i entendu dire plusieurs fois, j'i lu que la banque ne serait une institution utile qu'utant qu'elle viendrait directement en aide au petit commerce : c'est là une illusion complète.
Une banque ne peut pas venir en aide, directement, au petit commerce: En banque, comme en toute autre matière, il faut un intermédiaire entre le détaillant et le fabricant; il faut le marchand en gros et le marchand en demi-gros. La banque, c'est le fabricant; le petit commerce, c'est le détaillant; il faut entre eux les banquiers. Il n'y a pas moyen de sortir de là. Celui qui escompte doit être à la portée de ceux dont il escompte ; il doit vivre au milieu d'eux, connaître leurs habitudes, leurs dépenses; savoir si ces dépenses sont en rapport avec les revenus; il doit connaître la manière dont ils traitent leurs affaires; quelle sécurité ils présentent en affaires. Il faut donc que le petit commerce s'dresse, non pas à la banque, mais à des intermédiaires entre lui et la banque.
Mais la banque rendra-t-elle des service au petit commerce? Oui, elle lui en rendra de très grands, en escomptant même ce qu'on appelle le papier de première valeur, parce que plus elle prendra de ce papier, plus il y aura de capitaux disponibles pour escompter au petit commerce, et par conséquent, plus le taux de l'escompte diminuera en faveur du petit commerce.
Voilà le service que la banque doit rendre au petit commerce.
Mais des comptoirs d'escompte obligés, c'est pour moi la mort de la banque; c'est un suicide dans le projet.
Je ne comprends pas que la banque soit forcée de prendre du papier qu'elle n'ura pas vu. Le papier, me dira-t-on, aura été vu par les mandataires? Oui, mais par quelle espèce de mandataires? Par des mandataires locaux qui très souvent auront intérêt à ce qu'on prenne ce papier.
Qu'est-ce que des comptoirs d'escompte, composés de cinq ou six négociants pris sur une place de deuxième ou de troisième ordre? Et il y a des chefs-lieux de province qui, sous le rapport commercial, sont des places du cinquième ou du sixième ordre.
Mettre là un comptoir d'escompte de 5 ou 6 commerçants, c'est arriver à ce résultat-ci : que l'un demandera qu'on lui passe la casse, et qu'en échange il rendra le séné. Au bout de quelque temps, la banque éprouverait de cruels mécomptes.
Je proposerai donc un premier amendement qui consisterait dans les termes suivants :
« Elle (la banque) pourra établir des comptoirs avec l'utorisation du gouvernement. »
On établira des comptoirs là où réellement la place le comportera, là où les affaires seront assez considérables pour que le comptoir puisse exister; là où il y aura des maisons de commerce d'un rang assez élevé pour pouvoir constituer un conseil d'escompte.
Messieurs, les articles 6 et 7 sont des articles corrélatifs; ils ont subi dans la section centrale une transformation dont je me rends très difficilement compte. Je demande la suppression de l'rticle 7, et, si cette suppression était admise, je n'urais pas besoin de combattre les changements que propose la section centrale à l'rticle 6.
Mais en supposant que le gouvernement continue à percevoir une part le bénéfice, vous m'vouerez qu'il y a quelque chose de fort peu logique, qui heurte même le bon sens, à dire : « La banque sera constituée avec 15 millions de capital, mais il y aura promesse pour 10 autres millions : et pour les risques que courent ceux qui n'ont rien donné, mais qui promettent, ils auront 6 p. c. de bénéfice. »
Je comprends un dividende de 6 p. c. en faveur des capitaux réels, avant tout autre partage, parce qu'il y a quelque chose d'léatoire dans l'opération. Il faut dès lors un intérêt plus considérable que l'intérêt ordinaire; l'intérêt en Belgique est aujourd'hui de 4 à 4 1/2 p. c. quand il n'y a aucun risque.
Mais donner 4 p. c. d'intérêt et 2 p. c. de prime à des gens qui n'ont rien versé et qui, par conséquent, ne courent aucun risque, c'est constituer une position financière aussi anormale que possible.
Je me rallierai donc par préférence à la rédaction de M. le ministre des finances, rédaction qui porte à l'rticle 6 :
« Le tiers an moins des bénéfices annuels excédant 6 p. c. servira à constituer la réserve. »
Et à l'rticle 7 :
« Le sixième de ce même excédant est attribué à l'Etat.
Je comprends que, quand la banque aura 15 millions, on prélève 6 p. c. en faveur de ces 15 millions, et qu'on attribue à la réserve ainsi qu'à l'Etat, une part de ce qui reste; mais je ne comprends pas qu'on prélève les 6 p. c. sur les 25 millions, alors qu'il n'y a que 15 millions de versés.
- Un membre. - C'est le résultat d'une convention.
M. de Brouckere. - Convention, si vous voulez; mais c'est une convention très anormale.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il y a une compensation.
M. de Brouckere. - Je ne l'dmets pas. J'en parlerai tout à l'heure.
Je propose la suppression de l'rticle 7. Je demande que l'Etat n'it pas un bénéfice proportionnel. Permettez-moi de le dire, ce bénéfice est une utopie. Je préfère que l'Etat ne perçoive rien de cette manière-là.
Et pourquoi? L'État est représenté à la banque par un commissaire. Ce commissaire est chargé de contrôler les opérations.
Vous devez vouloir dans ce commissaire un homme tout à fait désintéressé, et par lui-même et par ses mandants, dans les opérations de la banque ; vous devez vouloir qu'il ne pousse pas la banque à faire des bénéfices. Or, si vous donnez à l'Etat une part des bénéfices, le commissaire du gouvernement, pour se faire valoir, par vanité peut-être, poussera la banque à des opérations, pour grossir les bénéfices.
On dit qu'en compensation de l'vantage qui résulte pour la banque de l'rticle 7 du projet en discussion, on dit que le projet de loi présenté en même temps que celui sur la Banque Nationale stipule que celle-ci fera les encaissements de l'Etat, à raison de fr. 200,000 au plus. M. le ministre des finances a dit que, c'est une compensation, parce qu'utrefois on payait 250,000 fr. pour les encaissements. Eh bien, à raison de 200,000 fr., il y aura un énorme bénéfice à réaliser pour la banque. En effet, l'gent n'opère pas exclusivement pour l'Etat; il est l'gent de la banque en même temps qu'il est l'gent de l'Etat; il travaille pour la banque comme pour l'Etat; tout au plus, vous devriez calculer pour l'Etat la moitié des frais que comportent les agents.
Mais il y a mieux que cela. S'il y a des fautes commises dans le passé, ce n'est pas une raison pour supposer qu'il y en aura dans l'venir; nous ne devons pas supposer qu'il arrivera encore des moments où le trésor public ne sera pas seulement à sec, mais où il se trouvera avec moins que zéro, parce que la banque ou son caissier aura dû se dépouiller de ses propres fonds.
Pour le service régulier de l'Etat, il faut toujours un encaisse de plusieurs millions, et cet encaisse facilite les opérations particulières de celui qui est son caissier. En attribuant donc à la banque 200,000 francs pour faire les fonctions de caissier de l'Etat, je crois qu'il y a bénéfice pour la banque. En retour des avantages immenses qu'on accorde à la banque, on pourrait même diminuer de 50,000 ou de 60,000 fr. les 200,000 fr. qui lui sont alloués pour faire le service du caissier.
La rédaction de l'rticle 6 me semble laisser à désirer sous un autre rapport. Le fonds de réserve, dit l'rticle, est destiné :
« 1°(…),
« 2° A assurer aux actionnaires, tous les ans, un dividende équivalant à 5 p. c. de leur mise. »
Messieurs, c'est la répétition d'une imprudence que nous avons commise à plusieurs reprises dans nos sociétés anonymes. Là nous avons dit aussi que les actionnaires jouiraient d'un intérêt de 5 p. c, parce que nous croyons qu'il n'y avait rien de plus facile que de gagner et d'obtenir un intérêt de 5 p. c; mais on ne peut pas être tenu de payer des dividendes ni des intérêts, quand il n'y a pas de résultat.
Au lieu de mettre : « à assurer aux actionnaires, » je mettrais : « à suppléer aux bénéfices jusqu'à concurrence d'un dividende de 5 p. c. »
De cette manière, il n'y a pas de promesse fallacieuse; tandis que la rédaction de l'rticle porterait à croire que les actionnaires ont la certitude d'obtenir les 5 p. c.
Je demande la suppression du 5° de l'rticle 8, d'près les considérations que j'i fait valoir tout à l'heure: « enfin à faire des avances en compte courant ou à court terme sur dépôt d'effets publics nationaux ou d'utres valeurs garanties par l'Etat. »
Je préfère des marchandises aux fonds nationaux ; le fonds national est un papier de crédit; il n' aucune valeur en lui-même, la marchandise en a une; voilà pourquoi je la préfère aux effets publics.
L'rticle 11 porte : « S'il est institué une caisse d'épargne, le service en sera fait par la banque. »
D'près ce que M. le ministre des finances m' fait l'honneur de me dire tout à l'heure, cela signifie que la banque sera forcée de faire le service de la caisse d'épargne, si le gouvernement trouve convenable d'en créer une. La rédaction ne rend pas l'idée; si l'Etat peut se prévaloir de cette disposition, la banque pourra s'en prévaloir aussi.
« S'il est institué une caisse d'épargne, le service en sera fait par la banque. »
C'est une disposition impérative qui lie la banque comme l'Etat. Je ne voudrais pas que l'Etat fût lié. Quand nous organiserons une caisse d'épargne, nous aurons à examiner si nous devons imiter le système français, mettre les fonds à la caisse des dépôts et consignations, ou nous (page 828) opérer d'une manière nouvelle ou suivre les errements de la Société Générale et de la Banque de Belgique.
Ici ce n'était pas une caisse d'épargne officielle, mais une caisse d'épargne privée. Nous examinerons quel système vaut le mieux; mais je ne voudrais pas que le législateur, qui n'examine pas la question des caisses d'épargne, se liât d'vance.
A l'rticle 12, je voudrais qu'on se bornât à dire : La banque émet des billets au porteur. Ce n'est pas un privilège; tout le monde peut émettre des billets au porteur; ce n'est pas le commentaire qu'on vote; quand le texte d'une disposition peut être clair, il faut le rendre clair.
L'émission de billets au porteur n'est pas un privilège; tout particulier peut en émettre ; libre au public de les prendre ou de les refuser. Tous les jours on émet des billets sur sa caisse qui sont des billets au porteur, des billets de caisse.
Cet article se lie avec l'rticle 23 :« Aucune autre banque ne pourra à l'venir être instituée que par une loi. »
Messieurs, voilà encore un de ces textes qui ont besoin d'être commentés. La preuve, c'est que M. Mercier vient d'en faire le commentaire. Je demande que le texte soit clair et qu'on dise : « Toute autre banque de circulation ne pourra être à l'venir instituée, sous forme de société anonyme, que par une loi. »
Je dis banque de circulation, parce qu'on n' pas l'intention d'interdire la formation de sociétés anonymes, quand elles n'émettront pas de billets au porteur.
Il pourra se former des banques industrielles, des banques commerciales, des banques de dépôt, d'escompte; il n'y a qu'une seule banque qui sera exclue, c'est la banque de circulation. J'joute sous forme de société anonyme, parce que ce serait détruire notre législation, contrevenir aux principes posés dans notre Constitution, que d'interdire aucune espèce de banque sous forme de société en nom collectif ou en commandite.
On vous dira : Le Code a déterminé les diverses espèces de société et la manière dont elles se forment ; mais la loi que nous faisons a autant de valeur que le Code ; le Code est une loi à laquelle déroge toute loi postérieure ; celle-ci votée, on viendra argumenter en opposant ce texte au texte du Code.
L'rticle 18 porte : « Il y aura en outre un comité de censeurs et un conseil d'escompte. »
Je ne conçois pas bien la portée de cet article, en le combinant avec l'rticle 17. L'rticle 17 institue, pour administrer la banque, un gouverneur et six directeurs; il est bien certain que le gouverneur ni les directeurs ne pourront faire partie du comité des censeurs institué par l'rticle 18, cela frappe le sens; mais le conseil d'escompte, je demande s’il ne pourra pas être composé des directeurs? Pour le comité des censeurs, l'exclusion est imposée par la nature des choses; on ne peut pas être censeur et administrateur ; mais il faut des administrateurs dans un conseil d'escompte, car autrement je vous demanderais ce que feraient les directeurs? Ce seraient des espèces de chanoines s'ils ne faisaient pas partie du conseil d'escompte.
Un gouvernement et six directeurs pour administrer une banque qui ne fait pas autre chose que l’escompte, c’est pour ne rien faire, si la moitié au moins, à tour de rôle, ne siège pas dans le conseil d’escompte.
Je terminerai par une observation sur l'mendement présenté par M. Cans, le seul que je n'i pas encore combattu.
D'près l'honorable membre, la banque n' pas assez de privilèges; c'est un privilège de plus qu'il établit en sa faveur. Quand tous les commerçants doivent avoir leur papier timbré, c'est un privilège que d'ccorder à la banque l'exemption du timbre. Je trouve qu'elle est déjà assez bien lotie pour qu'on soumette son papier au timbre, comme tous les billets au porteur sans exception.
Je vais remettre à M. le président les divers amendements que j'i rédigés.
(page 829) M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, le projet de loi soumis à vos délibérations n'est attaqué par personne; il est l'objet de certaines critiques de détail seulement; beaucoup d'observations qui avaient été produites dans les sections et qui se sont fait jour dans la section centrale, car elles sont consignées et réfutées en partie dans le rapport, n'ont pas été jusqu'à présent reproduites dans la discussion ; je crois cependant devoir en dire quelques mots.
Le projet de loi doit être examiné à un double point de vue : d'bord d'une manière générale et absolue à raison du but que l'on veut atteindre et des moyens qui sont employés pour y réussir.
En second lieu, en prenant en considération les circonstances au milieu desquels le projet de loi a pris naissance.
Le projet de loi, en lui-même, sauf des questions de détail, des discussions tout à fait secondaires, tout à fait accessoires, comme celles qui viennent d'être présentées par l'honorable préopinant, est-il conforme aux idées saines en matière de crédit? Sous ce rapport, je crois que tout le monde est d'ccord ; il y a, chose rare, presque unanimité en faveur de l'institution que nous proposons de créer.
Quant aux circonstances au milieu desquelles nous nous sommes trouvés, y avons-nous trop cédé? Avons-nous fait de trop larges concessions? Imposons-nous quelques sacrifices à l'Etat? On l' dit; on a prétendu qu'on faisait à la banque nouvelle des conditions magnifiques, des cadeaux splendides, que les conventions faites avec les deux établissements existants étaient détestables, voire même exécrables.
Je suis fâché d'être en dissentiment complet avec les personnes qui ont exprimé cette opinion; mais, moi, je trouve que le gouvernement n' absolument rien cédé, qu'il n' fait aucune espèce de concession qui ne dût pas être faite, qu'il n' imposé aucun sacrifice à l'Etat.
Nous avions en présence de nous deux établissements qui ne répondaient plus au but de leur institution : l'immobilisation des capitaux avait été excessive ; nous avions deux établissements qui ne pouvaient plus suffisamment se livrer à l'escompte du papier de commerce. Atteints par les événements de 1848, leur crédit ébranlé, nous nous trouvions sous le coup du papier-monnaie ; nous subissions le cours forcé.
L'unité en matière d'émission de billets que, pour ma part, je considérais comme essentielle n'existait pas. Quel moyen fallait-il employer pour sortir de cet état de choses ? Quel moyen fallait-il employer pour que l'Etat, qui avait donné sa signature à concurrence de 54 millions de francs, fût dégrevé, sinon en totalité, au moins d'une manière notable des engagements contractés? Voilà les difficultés graves que nous avions à résoudre; et pour les résoudre, des obstacles de plus d'un genre devaient être surmontés.
Des deux établissements, l'un était en pleine possession d'un privilège incontestable et incontesté. L'utre avait à la vérité un octroi qui laissait place à la discussion. Vous le savez, un arrêté du 30 mars 1843 avait prorogé la Société Générale jusqu'u 1er janvier 1855. Cet arrêté disposait (article 2) que le gouvernement ferait connaître au plus tard le 31 décembre 1849, les modifications qu'il jugerait convenable d'introduire dans les statuts, pour satisfaire aux besoins de l'époque et aux intérêts du pays. Il était stipulé que dans le cas où le gouvernement et la Société Générale ne tomberaient pas d'ccord sur les modifications à apporter aux statuts, il y aurait lieu alors à une sorte d'rbitrage.
Quelle était la portée de cet arrêté? Que pouvait-on imposer à la Société Générale? Pouvait-on supprimer son escompte et sa circulation? Voilà la question. Si on ne le pouvait pas, si un tel acte ne pouvait être considéré comme une modification prévue par l'rrêté de 1843, si ce n'était pas là véritablement une modification des statuts, mais la suppression de la Société Générale, ainsi qu'on le prétendait dans son intérêt, si la question, en un mot, devait être résolue négativement, la société était en possession d'un privilège qui avait encore une durée de cinq ans.
Que faire ? Comment, avec la banque de Belgique et la Société Générale, arriver au but que nous voulons atteindre? Comment les y faire concourir?
On a dit : mais vous aviez un moyen puissant; vous possédiez la faculté, le droit de faire cesser le cours forcé des billets. Sans doute, le gouvernement était armé de ce droit. Mais s'il avait voulu en user, il devait acquitter les obligations, à moins que les établissements ne fussent en mesure de les acquitter eux-mêmes, auquel cas, le moyen était inefficace. En effet, le gouvernement était garant : en décrétant le cours forcé, le gouvernement avait pris l'engagement de payer les billets à défaut des établissements; il aurait donc fallu qu'il fût en mesure de faire face à cet engagement.
Quelle était donc la valeur de ce moyen d'ction vis-à-vis des établissements? C'était un levier trop puissant qui paralysait celui qui voulait le manier. C'était un droit stérile.
Mais pourrait-on songer seulement, si ce n'est à la dernière extrémité, à ébranler le crédit de la Société Générale? Ne fallait-il pas épuiser toutes les combinaisons propres à concilier les intérêts particuliers de cette société avec les exigences de l'intérêt public? N'y a-t-il pas, d'illeurs, des intérêts particuliers qui par leur étendue et leur puissance s'élèvent à la hauteur d'un intérêt public ? Cet établissement n'était-il pas le caissier de l'Etat? Quelles pouvaient être les conséquences de son crédit ébranlé, relativement même aux services publics? Cet établissement avait émis du papier sous la garantie de l'Etat. Quelles pouvaient être les conséquences du crédit ébranlé relativement à ce papier? Quelles pouvaient être les conséquences d'une dépréciation de ce papier? Cet établissement était dépositaire des caisses d'épargnes. Son crédit ébranlé, n'ffluait-on pas pour demander des remboursements? Et si l'on s'était présenté pour obtenir ces remboursements, que pouvait faire l'Etat? L'Etat qui, en 1848, avait reconnu la nécessité d'intervenir, aurait-il pu s'en affranchir aujourd'hui? Moins que jamais; car sur un dépôt de 23 millions, huit appartenaient à des établissements publics, et ils ont été en quelque sorte retenus à la caisse d'épargne par l'influence, par les conseils des autorités constituées. Ainsi, de toutes parts, il y avait de redoutables éventualités, il y avait des périls à craindre.
Si j'vais échoué dans mes projets, si pour changer radicalement ce qui existe, j'vais eu le malheur d'pporter quelque perturbation dans les affaires, il n'y aurait eu, dans cette chambre et au-dehors, ni assez de colère, ni assez d'imprécations contre moi.
Eh bien, je l'voue, le jour où j'i trouvé le moyen de donner une solution pacifique aux graves difficultés qui nous pressaient de tous côtés, j'i été heureux. J'i été heureux, le jour où j'i été convaincu qu'il était possible à la fois de rétablir l'unité dans l'émission, de reprendre la caisse de l'Etat et d'en disposer librement, de séparer définitivement l'élément industriel de l'élément financier, de réduire notablement les engagements pris par l'Etat, de rétablir la convertibilité des billets, et tout cela sans porter atteinte à aucun intérêt légitime.
Je n'i pas à entretenir la chambre des négociations suivies avec les banques, des difficultés qu'il a fallu surmonter, des obstacles, des répugnances, des craintes qu'il a fallu vaincre ; je n'i pas à faire connaître les moyens que le gouvernement a dû employer pour réaliser le plan qu'il avait adopté. Je me borne à signaler les dangers qu'il y avait à courir et les résultats obtenus.
Si nous étions venu, messieurs, demander quelques sacrifices aux chambres en retour de pareille avantages, si nous étions venu lui demander un sacrifice pécuniaire pour être affranchis de tous les embarras que nous avions en face de nous, des engagements qui avaient été contractés, est-il bien sûr qu'on aurait refusé d'y consentir? Pour ma part, j'en doute.
Et que venons-nous demander ? Quels sacrifices imposons-nous à l'Etat? Quelles sont les conditions onéreuses des stipulations que j'i faites avec les banques? On a été jusqu'à parler de charges imposées aux contribuables. Lesquelles? Personne ne saurait les citer ; il n'y en a pas. (Interruption.) L'honorable M. de Man qui m'interrompt, qui a été le seul membre opposant dans le sein de la section centrale, qui y a fait valoir ses objections, est mis au défi d'rticuler les charges qui sont imposées à l'Etat.
M. de Man d'Attenrode. - Je dis que personne ne fait d'opposition. Personne n'en a fait jusqu'à présent.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Non ; mais je ne réponds pas seulement à ce qui a été dit dans cette discussion publique; je réponds à ce qui a été énoncé dans les sections, à ce qui a été répété par l'honorable membre lui-même dans le sein de la section centrale, et que l'on trouve reproduit dans le rapport. Il faut bien qu'il en soit ainsi ; cela est nécessaire. Il faut que je défende la loi sous tous les rapports; il faut notamment que je réponde aux critiques formulées par l'honorable membre et consignées dans le rapport de la section centrale.
M. Delfosse. - Ce qui y est consigné comme objection d'un membre. Le rapport combat ces objections.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est ainsi que je l'entends.
M. de Man d'Attenrode. - Rien n'indique dans le rapport que je suis le membre qui a combattu le projet.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Eh! mon Dieu, non ; mais, cela ne peut pas vous offenser. Ce n'est pas avec l'intention de vous déplaire que je réfute vos observations. Vous avez émis une opinion consciencieuse ; je la trouve erronée et je crois utile de la combattre.
M. de Man d'Attenrode. - J'i pu changer d'vis depuis lors ; qu'en savez-vous ? Je n'i pas encore parlé.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je serais très heureux de cette conversion.
Permettez-moi donc de présenter encore quelques observations sur ce point. Au-dehors on répète, on écrit, on imprime les mêmes erreurs que l'honorable M. de Man vient d'bandonner. Des publicistes qui critiquent le système proposé, et qui déjà ont écrit leur septième article sur la banque, n'ont pas encore pris la peine de lire le projet de loi qu'ils combattent ; témoin tel article où l'on énonce que les billets des banques anciennes vont continuer à circuler et qu'il faudra bientôt qu'on donne cours forcé aux billets de tous les établissements et aux billets de la banque nouvelle!
Messieurs, quels sont donc les sacrifices imposés à l'Etat? J'i dit tout à l'heure qu'il n'y en avait aucun et, en effet, il n'y en a pas.
Je forme le projet de constituer une banque par actions. J'offre les actions aux deux établissements qui existent, contre de beaux et bons écus. Je répartis entre eux les actions. Voilà l'vantage, il y en a un , mais ce n'est pas un avantage qui soit au détriment de l'Etat, ce n'est pas un avantage qui soit au préjudice des contribuables; ce n'est pas un avantage que je pouvais retenir pour l'Etat.
Comme l' très bien fait du reste observer l'honorable rapporteur (page 830) de la section centrale, au point de vue de l'Etat, qu'est-ce que cela fait? Si j'vais voulu constituer une troisième banque, ce qui aurait été parfaitement absurde, en laissant en dehors les deux établissements existants, et si j'vais offert au public les actions de cette nouvelle banque, il n'y aurait eu, sous ce rapport, ni plus ni moins d'vantages pour l'Etat.
Si j'vais racheté le privilège des établissements existants autrement que par les actions du nouvel établissement, j'urais dû imposer ainsi un sacrifice à l'Etat et laisser profiter le public du bénéfice éventuel de la souscription des actions. Mais lors même que j'urais agi de la sorte, les actionnaires des deux anciens établissements auraient-ils été exclus du bénéfice de la société nouvelle? N'uraient-ils pas pu y participer ? Probablement ils auraient été les principaux actionnaires du nouvel établissement, parce qu'il y a une catégorie de capitaux qui se porte vers ces sortes d'ffaires. Sous ce rapport donc, je n'i causé aucun préjudice à personne, et surtout, je n'i causé aucun préjudice à l'Etat.
J'i réservé une certaine quotité des bénéfices à l'Etat. Je ne l'exagère pas; je ne prétends pas qu'elle soit considérable. Mais enfin, bien loin de donner, j'i gardé quelque chose. Je ne discute pas l'importance du bénéfice réservé; mais enfin c'est quelque chose au profit de l'Etat, et non au détriment de l'Etat. J'urais pu retenir davantage; j'urais pu stipuler une quotité plus forte des bénéfices, soit. Mais d'bord, soyez persuadé que je l'i tenté. C'est à la suite de négociations qu'on est enfin arrivé à la quotité qui se trouve dans le projet. Et puis, n'exagérons rien à cet égard. Si nous voulons faire une chose, faisons-la sérieusement. Que voulons-nous en instituant une banque? Nous voulons, non pas donner des bénéfices à des particuliers, non pas enrichir des actionnaires, mais nous instituons une banque dans l'intérêt public, dans l'intérêt général. Si nous grevons cette banque de charges trop considérables, comment veut-on qu'elle remplisse les conditions de sa constitution? Si elle a trop de charges, comment veut-on qu'elle offre au public des capitaux à bon marché? Or, c'est pour offrir des capitaux à bon marché qu'elle est instituée.
Il y a donc une certaine limite, une limite raisonnable à assigner à cette part de bénéfices que l'Etat peut se réserver en instituant une banque.
J'urais pu d'illeurs réserver une part beaucoup plus considérable, si je n'vais pas craint de proposer une mesure qui aurait peut-être répugné à nos mœurs, à nos habitudes commerciales. J'vais pensé à écrire dans la loi, à l'imitation de ce qui existe en Angleterre, que les billets de la banque auraient cours légal, c'est-à-dire que ces billets pourraient être donnés en payement, qu'ils ne pourraient être refusés, qu'on pourrait se libérer valablement, faire des offres avec ces billets, ces billets étant au surplus convertibles à la banque centrale.
Dans cette hypothèse, j'urais fait à la banque nouvelle une position beaucoup meilleure que celle qu'elle aura et alors j'urais pu stipuler une part de bénéfice beaucoup plus considérable pour l'Etat. Car je tiens que l'vantage que j'urais fait ainsi, serait de telle nature que le service de la caisse de l'Etat aurait pu en ce cas être fait gratuitement par la banque. Mais, je le répète, j'i craint d'introduire dans ce projet une trop grande innovation.
Cela eût été tout à fait en dehors de nos habitudes, on y aurait peut-être répugné. Quelque jour cette modification pourra être utilement introduite, car c'est un moyen d'tténuer singulièrement l'effet des crises pour les banques. Il est incontestable que le possesseur de billets dont il peut user pour se libérer de ses engagements, n’a pas les mêmes inquiétudes au moment d'une crise, que le possesseur de billets qui deviendront, peut-être, le lendemain, stériles entre ses mains. Lorsqu'on a la certitude de pouvoir toujours s'cquitter de ses obligations au moyen des billets, on ne se précipite pas vers les caisses de la banque, dans un moment de panique pour obtenir l'échange contre des écus.
Quoi qu'il en soit, c'est donc là le deuxième avantage prétendu que j'urais fait à la banque, c'est-à-dire en ne lui prenant pas assez.
Il en est un troisième, et celui-ci est pour la Société Générale seule. On me dit : « Mais vous avez consenti à ce que 20 millions de la circulation continuassent à exister au profit de la Société Générale.» Sans doute, messieurs, mais bien loin d'voir, par là, consenti un avantage, j'i restreint des avantages préexistants.
J'i trouvé une circulation autorisée au profit de la Société Générale, de 30 millions ; je l'i réduite à 20. Ce n'est donc pas un avantage que je fais à l'établissement, c'est une condition que je lui impose , dans les limites de ce qui est possible, de ce qui est reconnu juste et équitable, au moment où les faits s'ccomplissent. Ce troisième grief doit donc encore être écarté. (Interruption.)
Messieurs, j'i imposé en outre, comme on me le fait observer avec raison, j'i imposé à la Société Générale diverses conditions onéreuses en stipulant avec elle. Je l'i fait dans l'intérêt public; la Société Générale avait, aux termes de la loi du 20 mars 1848, une circulation de 20 millions, à cours forcé, sans intérêt; elle payera désormais un intérêt pour le montant de cette circulation. Elle acquittera cet intérêt au profit de la banque, parce que c'est un prélèvement sur la circulation de la banque, parce que si la Banque ne faisait pas cet abandon d'une partie de sa circulation, elle pourrait étendre d'utant ses opérations. Cela est donc légitime.
M. de Brouckere. - Parfaitement.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais il en résulte aussi la certitude que la Société Générale sera portée à se libérer de ce chef aussitôt qu'elle le pourra,
J'i imposé d'utres conditions à la Société Générale. Elle ne peut plus immobiliser ses capitaux ni se livrer à aucune entreprise industrielle avant d'voir éteint ses obligations; et, pour le dire en passant, l'honorable M. Osy a donné hier, à cette partie de la convention, une extension qu'elle ne comporte évidemment pas. La convention est claire, ses termes sont formels ; elle interdit d'immobiliser de nouveaux capitaux et de se livrer à de nouvelles affaires industrielles, rien de plus.
« Jusqu'à l'extinction des obligations résultant de ses émissions de billets au porteur et de ses emprunts à terme, il lui est interdit d'immobiliser de nouveaux capitaux et de se livrer à de nouvelles entreprises industrielles, si ce n'est de l'vis du conseil général et du commissaire du gouvernement. »
Voilà ce que porte la convention; mais elle n'interdit pas à la Société Générale toute espèce d'opérations, car alors la Société Générale devrait nécessairement s'rrêter immédiatement.
Il n' donc pas été stipulé que la Société Générale, qui faisait des prêts sur marchandises, ne pourrait plus, à l'venir, faire de semblables opérations, elle peut les continuer, et c'est ce qui est justement exprimé dans le rapport du gouverneur de la Société Générale auquel l'honorable membre a fait illusion.
Messieurs, retirer les billets à cours forcé, rétablir la circulation convertible, n'est pas, tant s'en faut, une petite affaire, ni une affaire indifférente pour le pays. Nous n'vons pas eu à souffrir du cours forcé depuis 1848, cela est vrai; mais l'expérience de ce qui s'est passé en d'utres pays ne doit pas être dédaignée. Il suffit d'un ébranlement, d'une crise, pour amener une dépréciation d'un pareil papier et pour causer dès lors des pertes incalculables au pays.
Vous le savez tous, messieurs, vous savez ce que l'Angleterre a souffert pendant le cours forcé des billets de la banque. Vous savez combien de ruines ont été la conséquence de cette mesure, et ces désastres ont surtout pesé sur les fermiers. C'est pourtant dans leur intérêt que l'honorable M. de Perceval voudrait que les billets de la banque nouvelle eussent cours forcé.
Selon lui, c'est à cette condition seulement que la banque pourra être utile à l'griculture. Je suis profondément convaincu qu'une mesure semblable serait fatale à l'griculture.
Le rétablissement de la convertibilité des billets est donc une mesure essentielle, utile au pays, et qui nous préservera peut-être de certains dangers que l'venir pourrait nous réserver.
La mesure que je propose pour passer du cours forcé au cours volontaire est-elle satisfaisante? N'est-elle pas de nature à éviter tous les inconvénients que l'on peut prévoir en pareil cas? Jusqu'à présent, personne ne s'est prononcé sur ce point et je dois croire que l'on adopte entièrement le système qui a été indiqué par le gouvernement.
Messieurs, une observation a pourtant été faite à cet égard. L'honorable M. De Pouhon a annoncé qu'il présenterait un amendement à l'rticle 26 du projet de loi. C'est précisément sur l'objet dont je m'occupe en ce moment. L'rticle 26 du projet (dispositions transitoires) a pour objet d'investir le gouvernement du pouvoir d'utoriser la banque nouvelle à remettre en circulation les billets de la Société Générale qui auront été retirés, ou de déclarer monnaie légale les billets de la banque nouvelle, à concurrence de la somme des billets non remboursés , si les circonstances venaient à l'exiger impérieusement.
L'honorable M. De Pouhon adopte le moyen. Il reconnaît qu'il est utile de donner au gouvernement le pouvoir qu'il demande, mais il ne veut pas que le gouvernement puisse donner caractère de monnaie légale aux billets de la banque nouvelle; il veut que la mesure soit restreinte à la disposition des billets à cours forcé qui seront retirés de la circulation et qui se trouveraient dans les caisses de la banque. Je ne puis pas partager l'opinion de l'honorable membre; je pense qu'il faut donner au gouvernement la double faculté qu'il réclame afin d'être bien certain que pour les éventualités que cet article prévoit, il sera possible de faire face à toutes les difficultés.
Telles circonstances peuvent exister, qui rendraient absolument impossible la mise en circulation des billets qui auront été retirés par la banque nouvelle; si cela peut arriver, pourquoi ne pas accorder au gouvernement le pouvoir de donner cours de monnaie légale aux billets de la banque nouvelle, jusqu'à concurrence des billets anciens non remboursés? Il est évident que le gouvernement ne fera usage de cette faculté qu'à la dernière extrémité.
Je sens parfaitement ce qui arrête l'honorable membre : il ne veut pas qu'on puisse porter une atteinte quelconque au crédit de la banque à fonder.
Messieurs, c'est une mesure d'une prudence extrême qui est inscrite dans l'rticle 26; elle ne sera probablement jamais mise à exécution; mais si l'on croit nécessaire de l'inscrire dans la loi, il faut qu'elle soit assurément efficace, qu'elle réponde à toutes les hypothèses qu'un homme prudent peut prévoir dès ce moment.
Je dis que c'est une mesure d'une prudence extrême. En effet, quelle est la constitution actuelle de la Banque d'Angleterre? Elle peut émettre 14 millions de livres sans avoir aucune espèce d'encaisse métallique; ces 14 millions sont représentés par la créance de la banque à la charge de l'Etat; voilà tout. La constitution de la Banque d'Angleterre est donc (page 831) fondée sur ceci, que les besoins de billets de banque seront toujours tels que la circulation ne tombera jamais au-dessous des 14 millions, et l'expérience a prouvé jusqu'à ce jour que cela était vrai. De même nous pouvons dire que jamais la circulation de la banque nouvelle, à moins de circonstances tout à fait imprévues, ne tombera au-dessous de 20 millions. On ne fera donc pas usage très vraisemblablement de la faculté écrite dans l'rticle 26; mais si on écrit cette faculté dans la loi, il ne faut pas qu'elle puisse être incomplète, insuffisante, inefficace dans un moment où il deviendrait indispensable d'y recourir.
L'honorable M. de Perceval a pensé que l'institution de la banque nouvelle était incomplète, non pas seulement en ce que les billets étaient convertibles à vue, mais encore en ce que la banque ne venait pas au secours de l'griculture.
Messieurs, l'opinion de l'honorable membre sur les dangers de la convertibilité, me parait exagérée. Il est incontestable que bien des crises ont eu lieu, sans qu'il ait été nécessaire de décréter le cours forcé.
En France, l'expérience prouve que hors les crises tout à fait extraordinaires, un établissement de banque, ayant une circulation des billets convertibles, peut parfaitement faire face à ses engagements. L'histoire de la banque de France le prouve d'une manière irrécusable.
Quant à l'griculture, la banque ne pourra pas faire sans doute ce que demande l'honorable membre: prêter sur dépôt de récoltes; d'bord, parce que les moyens pratiques n'existeraient pas, parce que je ne connais pas de magasins où l'on pût déposer ces récoltes, afin que la banque put prêter avec sécurité; parce qu'ensuite, ce serait une immobilisation de capitaux, parce que enfin ce serait contraire à l'essence de la banque que l'on veut constituer.
Toutefois, la banque nouvelle rendra des services à l'griculture. Elle est destinée à faire diminuer le taux de l'intérêt de l'rgent : c'est le but d'une institution de banque de cette nature. Lorsque Turgot constitua son comptoir d'escompte en 1776, il avait, comme je l'énonce dans l'exposé des motifs, trouvé l'escompte à 6 1 /2; cet escompte tomba à 4 et à 4 4/2. Lorsque la Banque de France fut instituée, l'escompte était à 3 p. c. par mois; il tomba immédiatement à 6 p. c. par an , et depuis l'escompte a été successivement réduit jusqu'à se maintenir à 4 p. c.
Lorsque la Société Générale fut instituée, l'escompte était de beaucoup plus élevé que lorsqu'elle commença ses opérations; en 1823, la Société Générale fit tomber le taux de l'escompte à 3 p. c.
Il me paraît hors de doute que l'institution nouvelle aura pour résultat de réduire le taux de l'escompte. Or si le taux de l'escompte diminue, c'est au profit de tous ceux qui ont besoin de faire des emprunts.
La banque pourra-t-elle être utile au crédit de l'Etat ? C'est une question qui a été traitée par divers orateurs. Messieurs, je suis de cet avis que la banque ne doit pas venir en aide au crédit de l'Etat directement ; je crois que les opérations relatives aux fonds publics, doivent être réservées avec une extrême prudence ; je crois que la banque en doit faire peu, seulement lorsqu'il y a nécessité.
S'il est démontré que la banque a des capitaux dont elle ne peut pas faire emploi, on ne peut pas lui imposer le préjudice de les garder dans ses caisses, alors qu'vec l'utorisation spéciale du gouvernement pour chaque opération, elle peut les employer utilement en achats de fonds publics.
Mais ce n'est pas dans ce sens que, selon moi, la banque peut venir en aide au crédit de l'Etat; la banque peut venir en aide au crédit de l'Etat en l'idant comme instrument de conversion de sa dette.
Cette banque telle qu'elle est constituée est un levier suffisant pour opérer, quand les circonstances le permettront, une réduction de notre dette. La banque pourra certainement nous en donner le moyen ; c'est dans ce sens que je dis qu'elle rendra quelque jour de grands services à l'Etat.
Messieurs, quelques critiques de détail ont été adressées au projet de loi.
L'honorable M. Osy d'bord a signalé quelques dissidences qui, selon lui, auraient existé entre le gouvernement et la section centrale. L'honorable membre s'est trompé; à part l'incompatibilité des fonctions de gouverneur de la banque et celles de membre des chambres législatives, incompatibilité sur laquelle je m'expliquerai lors de la discussion de l'rticle, objet tout à fait étranger à l'institution même, à part cela il n'y a aucune espèce de dissidence entre la section centrale et moi.
Elle a demandé que la publication des états de situation fut mensuelle au lieu d'être trimestrielle. J'i répondu que j'ttachais à cela peu d’importance, que l'on avait proposé la publication trimestrielle à l'instar de ce qui avait été prescrit pour la Banque de France avant les événements de 1848. J'i distingué entre la publicité à court terme des comptes d'un établissement dont les billets ont cours forcé et la publicité des comptes d'un établissement qui ne jouit pas de cet avantage; dans ce dernier cas la publication mensuelle sera sans utilité réelle; les époques sont trop rapprochées pour que la publicité ait un véritable degré d'utilité. Vous comprenez que cela ne peut pas constituer une dissidence.
Sur un deuxième point, l'honorable membre a signalé un désaccord, c'est quant à la rédaction de l'rticle 5. Il a soutenu que les banques étaient obligées de verser une somme de 13 millions, qu'on ne pouvait rien réclamer au delà. J'i déclaré qu'en cas de perte constatée, il y avait lieu pour les actionnaires à compléter le capital; que cette obligation n'était soumise ni à discussion ni à délibération ; mais que les appels ultérieurs de fonds, si l'extension des affaires les rendaient nécessaires seraient réglés par les statuts.
C'est ce qui a été expliqué dans l'exposé des motifs de la manière la moins douteuse. Il y a si peu dissidence a cet égard que c'est moi qui ai ensuite rédigé le nouvel article 5 qui fait cesser toute espèce do débat.
L'honorable membre m' demandé si le gouvernement avait réservé un certain nombre d'ctions pour le gouverneur et les directeurs; je n'i rien stipulé à cet égard, dans les conventions; mais il y a des réserves verbales, je pense même une réserve écrite dans la correspondance. Au reste, je n'y attache pas grande importance, parce que les gouverneurs et directeurs ne seraient pas bien malheureux s'ils devaient payer un agio sur les actions. Je suis persuadé que la Société Générale et la Banque de Belgique mettront d'illeurs, sans difficulté, à la disposition du gouvernement, les 60 ou 70 actions nécessaires au personnel administratif de la Banque.
L'honorable M. Cans a critiqué une disposition des conventions faites avec les banques; il a demandé pourquoi nous avions interdit aux banques actuelles de faire l'escompte. Il me paraît que la Société Générale ne peut se livrer à l'escompte jusqu'à ce qu'elle ait éteint la circulation autorisée à son profit. Il était nécessaire de le stipuler. Sans cela, elle aurait affecté des capitaux à cette destination, tandis qu'il importe qu'elle éteigne sa dette aussi promptement que possible. La Société Générale peut faire d'utres opérations, mais non plus celles qui sont relatives à la banque proprement dite, ses statuts ne le comportent pas. D'un autre côté, la position de la Banque de Belgique n'est pas tout à fait identique. Indépendamment de l'escompte à bureau ouvert, ses statuts l'utorisent à faire une foule d'utres opérations. Il n'est rien innové à cet égard. Elle continuera à faire ce qu'elle faisait précédemment.
Ces deux établissements ont des relations avec des sociétés fondées sous leur patronage qui se livrent à des opérations commerciales. Il a été parfaitement entendu que les établissements pourraient continuer à faire les opérations qu'ils faisaient précédemment avec ces sociétés; c'est même là le but des conventions; car en laissant la Société Générale et la Banque de Belgique, dans la position de patronage qu'elles occupent actuellement, elles continueront à recevoir les effets de ces sociétés; elles les couvriront de leur signature et elles pourront les réescompter, si elles le jugent convenable, à la banque nouvelle.
Les statuts de la Banque de Belgique prévoient d'utres opérations, elle continuera à faire ces opérations. Hors l'escompte à bureau ouvert et l'émission de billets au porteur, tout subsiste comme auparavant.
L'honorable M. Cans est d'vis, en règle générale, que la liberté même en matière de banque de circulation doit être préférée au système que nous vous soumettons.
C'est un point que nous n'vons pas à examiner ici, parce qu'il n'est pas tranché par le projet de loi; je maintiens, quant à moi, la théorie que j'i développée dans l'exposé des motifs ; mais le projet se borne à dire qu'ucune autre banque ne pourra à l'venir être instituée que par une loi, (Interruption.)
Mais cet article 25 doit être entendu en rapport avec les principes généraux de notre droit constitutionnel. Tous les individus ont le droit de s'ssocier librement pour former des établissements et l'utorisation du gouvernement n'est nécessaire que pour se constituer en société anonyme; le doute n'est pas possible ; il n' pas existé pour la section centrale ; il avait été émis dans une section, j'i répondu :
« Il résulte suffisamment de l'exposé des motifs que l'intention est qu'ucune banque d'émission et d'escompte ne soit autorisée que par une loi.
« Quel est le but qu'on se propose d'tteindre ? C'est d'rriver à l'unité de la circulation des billets de banque. »
Et dans l'exposé des motifs page 19 et 24 on retrouve cette même pensée. L'rticle 25 substitue donc pour les banques de circulation, l'utorisation législative à l'utorisation du gouvernement.
On ajoutera, pour plus de clarté, qu'ucune autre banque d'émission ne pourra être établie qu'en vertu d'une loi; je ne m'y oppose en aucune manière. Le sens de la disposition est donc bien déterminé.
L'honorable M. Cans signale l'vantage qu'il y aurait pour la banque de pouvoir emprunter, et critique l'interdiction qui lui est faite à cet égard. Il rappelle que la Banque d'Angleterre a, dans une circonstance bien connue, eu recours à la Banque de France. Je crois cependant que l'interdiction d'emprunter doit subsister.
Hors les circonstances tout à fait exceptionnelles et en quelque sorte de salut public, auquel cas, avec l'utorisation du gouvernement, on transgressera, sauf à faire ratifier par les chambres, l'interdiction d'emprunter doit subsister; c'est indispensable; une banque qui aurait l'utorisation d'emprunter se livrerait bientôt à de fausses spéculations.
Puis il faut voir en quel sens la disposition peut être entendue. Je suppose que la banque ait des valeurs, des fonds publics, qu'elle ne trouve pas à réaliser immédiatement; bien qu'il ne lui soit pas permis d'emprunter, ne pourra-t-elle lever de l'rgent sur des valeurs qui lui appartiendraient, et qu'elle aurait le droit de vendre? Je ne pense pas qu'il y ait à cela la moindre objection. Je crois, qu'en ce sens, l'interdiction d'emprunter n'existerait pas. C'est, au surplus, dans son portefeuille que la banque doit trouver ses ressources.
L'honorable M. de Brouckere a, à son tour, présenté des observations de détail sur les dispositions du projet de loi : il ne veut pas que la banque puisse faire des avances sur dépôt de fonds publics; il demande la suppression du paragraphe 5 de l'rticle 8. Je crois que ce serait une chose nuisible (page 832) que de supprimer cette disposition. Pourquoi la banque ne pourrait-elle pas faire des avances en compte courant, à un terme court, sur dépôt de pareilles valeurs? Elle aurait l'obligation personnelle de l'emprunteur, plus un gage. Pourquoi lui interdire des opérations de cette nature? Parce que ce serait l'exposer à des pertes, à l'immobilisation de ses capitaux? Mais ce n'est guère plus une immobilisation que l'escompte des billets de commerce. Sans doute ce genre d'ffaires ne présente pas la même sécurité que l'escompte. Aussi on y appose des limites. Qu'est-ce que l'escompte des billets de commerce? C'est l'engagement, accepté d'un tiers, de payer à l'échéance. On a la certitude qu'à l'échéance on pourra récupérer les fonds qui ont été donnés.
M. de Brouckere. - C'est une opération réelle.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais si la banque fait l'escompte, ce n'est pas seulement parce que l'opération est réelle, c'est parce que les signataires sont solvables. On pourrait avoir fait une opération très réelle, et être dans l'impossibilité d'cquitter l'obligation à l'échéance. La création du billet doit avoir sans doute pour cause une opération réelle; mais la garantie de la banque est dans les diverses signatures qui revêtent le billet. Prenons donc en considération la solvabilité personnelle appuyée par un gage.
La banque pourra faire des avances en compte courant : elle aura l'obligation de celui à qui elle aura fait l'vance, sa promesse de payer à un terme déterminé; elle ne fera d'vance qu'à des individus solvables, présentant des garanties, elle aura de plus un gage dans le dépôt des valeurs. Il y a là des garanties suffisantes pour la banque. Pourquoi empêcher des négociants, possesseurs de valeurs, d'obtenir en compte courant de l'rgent pour se livrer à leurs opérations ?
Interdire d'une manière absolue à l'établissement projeté ces opérations familières à la plupart des banques, ce serait se montrer beaucoup trop rigoriste, ce serait paralyser la banque dans des cas où elle pourrait rendre des services.
La disposition de l'rticle 2 a également été critiquée par l'honorable membre. Je veux, dit-il, qu'on supprime cette obligation d'établir dix comptoirs d'escompte dans le pays. Cette suppression pourra être facilement concédée, parce cette disposition n'existe pas. Il y aura des comptoirs. Mais il n'y aura obligation d'établir des comités d'escompte que là où le gouvernement le jugera nécessaire. La disposition de l'rticle 2 est rédigée en ce sens, parce que j'i reconnu les inconvénients signalés par l'honorable membre, c'est-à-dire la difficulté d'établir de bons comités d'escompte dans bien des localités. J'ppelle l'ttention de l'honorable membre sur la rédaction de l'rticle 2 ; cet article est ainsi conçu :
« Art. 2. Elle (la Banque Nationale) établira des comptoirs dans les chefs-lieux de province, et en outre dans les localités où le besoin en sera constaté. Un comité d'escompte sera attaché à chaque comptoir dans les villes où le gouvernement le jugera nécessaire, après avoir entendu l'dministration de la banque. »
Il n'y a donc pas d'obligation d'voir des comités d'escompte. Abstraction faite des opérations d'escompte, il y aura certes quelque chose à faire pour les comptoirs.
Il faut agir avec prudence; cela présente beaucoup de difficultés; mais ne croyez pas cependant qu'il soit même possible de ne pas établir ces comptoirs. Nous supprimons les opérations de la Société Générale, de la Banque de Belgique ; il faut que l'établissement nouveau fasse sur les diverses places de commerce au moins ce que faisaient ces établissements; or ils escomptaient.
La Société Générale a escompté :
En 1827 : 23,210,700 à Bruxelles. 11,271,700 à Anvers, 20,540,500 dans d'utres localités, savoir : à Gand, Liège, Mons et Tournay. Elle y avait des succursales.
En 1828, : 20,101,000 à Bruxelles, 8,121,700 à Anvers. 30,437,400 dans les autres succursales.
En 1830 : 27,562,200 à Bruxelles. 13,895,500 à Anvers, 63,115,700 dans les autres succursales.
- Un membre. - A quel taux?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - A quel taux? A 4 1/2, à 5 p. c. Vous verrez tout à l'heure que la banque fait sur les diverses places de commerce des opérations que nous ne pouvons pas supprimer.
Postérieurement à cette époque, lorsque la Société Générale a été trop engagée dans les affaires industrielles, elle a restreint ses escomptes, comme vous allez le voir :
En 1832, elle a escompté pour 24,921,200 fr. à Bruxelles, 1,325,300 à Anvers, 9,054,814 dans les autres succursales.
En 1833, 22,667,378 à Bruxelles, 1,659,114 à Anvers, 6,026,288 dans les autres succursales.
En 1834, 22,516,216 à Bruxelles, 5,553,486 à Anvers, 5,914,327 dans les autres succursales.
En 1835, 35,410,216 à Bruxelles. 26,002,830 à Anvers, 4,252,400 dans les autres succursales.
En 1836, 27,406.751 à Bruxelles. 25,417,424 à Anvers, 5,070,564 dans les autres succursales.
En 1837, 25,992,269 à Bruxelles, 6,065,287 à Anvers, 2,340,787 dans les autres succursales.
En 1838, 24,199,752 à Bruxelles, 7,309,791 à Anvers, 846,548 dans les autres succursales,
En 1839, 27,530,839 à Bruxelles, 6,787,291 à Anvers, 382,757 dans les autres succursales.
En 1840, 33,630,186 à Bruxelles, 10,979,955 à Anvers, 542,619 dans les autres succursales.
En 1841, 38,562,708 à Bruxelles. 17,038,321 à Anvers, 1,396,646 dans les autres succursales.
En 1842, 58,857,441 à Bruxelles, 13,996.499 à Anvers, 673,519 dans les autres succursales.
Depuis 1842, la Société Générale a cessé l'escompte dans les succursales, excepté à Anvers.
Il résulte des chiffres que je viens de citer qu'en 1839 , à l'époque où l'immobilisation des capitaux de la banque était consommée, l'escompte dans les succursales, autres qu'Anvers, tombe à 382,757 francs. Il était de plus de six millions en 1833.
En 1840, l'escompte dans les succursales se relève un peu, il arrive à 542,619 fr.
En 1841, il se relève davantage et atteint le chiffre de 1,396,646 fr. Il y avait alors de fortes plaintes sur les restrictions apportées à l'escompte.
En 1842, l'escompte dans les succursales est de 673,519 fr. Depuis, la Société Générale a encore escompté à Anvers des sommes assez considérables.
Vous voyez donc, messieurs, qu'il est indispensable de pourvoir à un besoin réel, celui de l'escompte dans les provinces. Toutefois, je le reconnais, il faut agir avec beaucoup de circonspection, avec beaucoup de prudence. La banque ne doit pas s'engager avec trop de facilités dans des opérations qu'elle ne peut pas suffisamment surveiller. Aussi, pour obvier à cet inconvénient, ma pensée, à moi, serait de favoriser dans les arrondissements, l'établissement des comptoirs d'escompte par des sociétés qui existeraient au moyen de traités faits avec la banque. Les opérations de ces comptoirs seraient faites alors sous les yeux et par ceux-là même qui y auraient intérêt. Elles se feraient sans devoir recourir à l'emploi de nouveaux capitaux. En vertu d'un traité avec la banque, ces sociétés particulières, ces comités d'escompte intéressés pourraient escompter par exemple, à 4 sur la place, ayant un réescompte immédiat à la Banque Nationale au taux de 3 p. c. De cette manière toutes les localités pourraient profiter désavantages de l'escompte, sans qu'il y eût chance de pertes pour la banque elle-même.
L'honorable membre a demandé la suppression de l'rticle 7.
Messieurs, je ne comprends pas pourquoi l'rticle 7 serait supprimé. L'honorable membre a demandé cette suppression parce qu'il s'est fait, me paraît-il, une idée inexacte de l'rticle 6. Il rattache l'rticle 6 à l'rticle 7.
M. de Brouckere. - Non, mais parce qu'il y a un commissaire du gouvernement.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est parce qu'il y a un commissaire du gouvernement! Mais ce commissaire aura-t-il assez d'influence sur l'dministration de la Banque pour l'engager à se livrer à des opérations aventureuses, à des opérations chanceuses, et cela dans le seul but de montrer son zèle et pour que le gouvernement puisse recevoir éventuellement le sixième des bénéfices excédant 6 p. c.? Est-ce bien sérieux?
Je ne pense donc pas que l'Etat doive renoncer au bénéfice éventuel qui lui est attribué.
Quant à l'rticle 6, je répète que l'honorable membre me parait s'être fait une fausse idée de ses dispositions.
D'près l'rticle 6, il y aura un fonds de réserve, qui est destiné à réparer les pertes sur le capital social, et puis à assurer aux actionnaires, tous les ans, un dividende équivalent à 5 p. c. de leur mise. Cet article dispose donc qu'on pourra reprendre sur la réserve une certaine somme pour payer 5 p. c. de ce qui a été réellement versé.
Les bénéfices sont répartis sur 25,000,000, cette disposition a fait également l'objet d'une critique de l'honorable membre. Mais d'bord, puisque les actionnaires possèdent tout, à qui voulez-vous qu'on attribue les bénéfices? La répartition sur 25,000,000 n' été énoncée que parce qu'il y a une quotité de bénéfices attribuée à l'Etat. Car sans cela il n'y aurait pas de stipulation à faire; tous les bénéfices leur appartiendraient.
Mais, dit l'honorable membre, ils auront 6 p. c. sur 25 millions, alors qu'ils n'ont versé que 15 millions. Oui, mais d'près les conventions faites avec les banques, pour la somme de 10 millions qui reste à verser, il y aura une compensation de 3 p. c.
L'honorable M. de Brouckere a reconnu que pour l'engagement pris de faire ultérieurement les fonds, il était légitime qu'on pût percevoir un certain avantage. Evidemment il faut bien qu'il en soit ainsi. Au surplus, ce sont les actionnaires, et encore une fois tous les bénéfices (page 833) leur appartiennent. Mais il est stipulé que sur la somme restant à verser, il y aura une compensation de 3 p. c. afin d'ugmenter les chances le profit pour l'Etat. C'est ce que l'honorable membre avait perdu de me lorsqu'il s'est occupé de l'rticle 6.
L'rticle 11, relatif à la caisse d'épargne, a donné lieu à des observations de la part de l'honorable membre. « S'il est institué une caisse d'épargne, dit l'rticle 11, le service en sera fait par la banque. Ce service sera distinct et indépendant des affaires de la banque. Son organisation sera l'objet d'une loi. »
Cette disposition se retrouve également dans les conventions faites avec les deux établissements ; elle a été introduite à titre d'obligation qu'on peut imposer éventuellement à la banque nouvelle.
Le gouvernement a exprimé sa pensée quant à la caisse d'épargnes. Il s'est réservé les moyens de faciliter la création de cette utile institution. Dans sa pensée, la caisse d’épargne doit former un établissement tout à fait à part, une institution d'utilité publique qui n'ura d'utre contact avec la banque que le service fait par celle-ci au profit de la caisse d'épargne, de la manière la plus économique possible.
Lorsque les chambres seront saisies du projet de loi sur les caisses d'épargne, elles examineront s'il est préférable de faire faire le service, autrement et alors elles pourront ne pas imposer cette obligation à la banque nouvelle: mais c'est en vue d'éviter des difficultés avec la banque nouvelle que la disposition a été introduite. Cette disposition n'oblige ni le gouvernement ni les chambres.
Il me paraît donc qu'il est utile de la maintenir. Au surplus, si on la faisait disparaître de la loi elle resterait dans la convention où elle a été insérée afin de prévenir toute espèce de difficultés sur ce point.
D'utres observations ont été présentées, messieurs ; mais je sens que depuis longtemps déjà j'occupe votre attention et je crois, d'illeurs, que ce que j'i encore à dire viendra plus utilement dans la discussion des articles.
(page 828) M. le président. - M. de Brouckere vient de déposer les amendements qu'il avait annoncés ; ils seront imprimés et distribués.
- Plusieurs membres. - La clôture de la discussion générale.
M. Cans. - J'i deux mots à dire pour expliquer mon amendement.
M. le président. - Vous pourrez le faire dans la discussion des articles.
M. Cans. - C'est indifférent.
- La discussion générale est close.
La séance est levée à 4 heures 3/4.